Séance en hémicycle du 13 janvier 2015 à 22h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • clause de compétence

La séance

Source

La séance, suspendue à vingt heures quarante, est reprise à vingt-deux heures quarante, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Par courrier en date du 30 décembre 2014, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, M. Michel Bouvard, sénateur de la Savoie, en mission temporaire auprès de M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, et de M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget.

Cette mission portera sur le plan de financement du projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Par lettre en date du 19 décembre, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe communiste républicain et citoyen, a demandé l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution européenne sur le règlement des différends entre investisseurs et États dans les projets d’accords commerciaux entre l’Union européenne, le Canada et les États-Unis.

Acte est donné de cette demande.

Je vous propose, en conséquence, de retenir le principe de l’inscription de cette proposition de résolution à l’ordre du jour du Sénat.

La date d’examen et les modalités d’organisation du débat seront fixées lors de la prochaine réunion de la conférence des présidents.

Il n’y a pas d’observation ?...

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Par lettre en date du 23 décembre 2014, M. le Premier ministre a demandé au Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission compétente du Sénat sur le projet de nomination de M. Sébastien Soriano aux fonctions de président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission des affaires économiques.

Acte est donné de cette communication.

Par lettre en date du 6 janvier 2015, M. le Premier ministre a demandé au Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission compétente du Sénat sur le projet de nomination de M. Daniel Verwaerde aux fonctions d’administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission des affaires économiques.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs appelés à siéger au sein de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages.

Conformément à l’article 9 du règlement, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire ont été invitées à présenter des candidats pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Les nominations au sein de cet organisme extraparlementaire auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger comme membre suppléant au sein du conseil d’administration de l’Institut national de l’audiovisuel.

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a été invitée à présenter une candidature.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en œuvre technique et opérationnelle de la portabilité du numéro de compte bancaire.

M. le président du Sénat a également reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en application de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.

M. le président du Sénat a, en outre, reçu, d’une part, la convention financière entre l’État et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine relative au programme d’investissements d’avenir, et, d’autre part, l’avenant n° 2 à la convention entre l’État et l’Agence nationale de l’habitat relative au programme d’investissements d’avenir, action « Rénovation thermique des logements privés ».

Acte est donné du dépôt de ces documents.

Ils ont été transmis à la commission des finances et à la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (projet n° 636 [2013-2014], texte de la commission n° 175, rapport n° 174 et avis n° 140, 150, 154, 157 et 184).

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

La parole est à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je voudrais donc rappeler un certain nombre d’éléments forts et d’attentes que nous avons formulés lors de la discussion générale.

J’avais notamment souligné, à cette occasion, que nous attendions du Gouvernement de véritables mesures de décentralisation en faveur des régions, au-delà du seul domaine de l’économie, afin de leur donner un rôle stratégique en matière d’emploi et d’enseignement professionnel.

Nous avions également demandé au Gouvernement de nous apporter des réponses sur les compétences des départements, qui exercent actuellement, à un niveau de mutualisation tout à fait satisfaisant, un certain nombre de compétences de proximité en matière de collèges, de transports scolaires, de routes, de ports ou de tourisme.

Sur ces différents points, le Gouvernement n’a pas été en mesure de nous donner des réponses précises au cours de la discussion générale.

Enfin, nous avions souligné que nous attendions du Gouvernement des concessions importantes s’agissant de la carte des intercommunalités, estimant que les intercommunalités nouvelles mises en place en 2014 doivent d’abord être stabilisées avant que l’on fasse évoluer leur périmètre. L’inscription dans le texte du Gouvernement d’un seuil de population quatre fois supérieur à celui qui avait été fixé en 2010 dans la loi était de nature à renforcer encore notre inquiétude quant au calendrier retenu.

Nous avions eu la surprise, le jour de la discussion générale, de découvrir que le Gouvernement avait déposé une salve d’amendements visant purement et simplement, pour la plupart d’entre eux, à rétablir le texte qui avait été adopté en conseil des ministres le 18 juin 2014, en dépit des multiples évolutions intervenues depuis lors dans le discours gouvernemental à l’écoute des grandes associations d’élus et du Sénat. Le président de notre assemblée avait en effet demandé et obtenu du Premier ministre la tenue d’un premier débat, le 28 octobre dernier, au cours duquel celui-ci avait bien voulu avancer sur plusieurs questions de principe importantes à nos yeux.

Le dépôt de ces amendements n’était pas de nature à permettre que le débat s’engage dans le climat de confiance que nous appelions de nos vœux. Or on nous a communiqué dix-neuf nouveaux amendements aujourd’hui même, et le Gouvernement en annonce d’autres pour demain…

Je me dois de rendre compte à notre assemblée des travaux que nous avons menés avec vous, madame, monsieur les ministres, autour du président du Sénat, ainsi que de l’entretien que ce dernier a pu avoir, notamment sur ces questions, avec le Premier ministre à la fin de la semaine dernière.

Sur certains points, des éclaircissements et des évolutions ont pu être enregistrés. À ce stade, ils demeurent cependant trop peu nombreux pour que nous puissions engager le débat avec toute la sérénité nécessaire pour pouvoir aboutir à un texte consensuel.

Si nos arguments sur la politique de l’emploi et les responsabilités nouvelles qui pourraient être confiées aux présidents de région ont été entendus, une solution reste à trouver concernant la carte de l’enseignement professionnel.

En ce qui concerne les compétences départementales, il y a vraiment beaucoup à faire pour que nous puissions trouver un terrain d’entente entre le Gouvernement et le Sénat. En effet, si vous nous rejoignez désormais s’agissant des collèges, nos positions respectives restent encore fort éloignées sur les transports scolaires, les routes, les ports et le tourisme.

En ce qui concerne les intercommunalités, vous avez fait un pas dans notre direction, tout en conservant le principe de l’inscription dans la loi d’un seuil de population chiffré, avec un calendrier légèrement desserré.

C’est dire que nous avons beaucoup de travail devant nous ! L’effort accompli par le Gouvernement depuis la discussion générale nous paraît trop insuffisant à ce stade. §

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu

Je ne vous répondrai pas point par point, monsieur le président de la commission des lois : le Gouvernement précisera sa position sur chaque sujet au fil de la discussion des articles.

Nous avions effectivement déposé des amendements à l’issue de l’examen du projet de loi par la commission, mais tous les gouvernements le font. Un amendement important du Gouvernement concernant Paris prend du retard, c’est vrai, mais nous nous sommes engagés, à la demande de nombreux parlementaires, à discuter préalablement avec Paris Métropole et l’ensemble des élus, et ces discussions ne sont pas encore terminées. Ce projet d’amendement a circulé à la demande d’un certain nombre d’entre vous. La position du Gouvernement pourrait évoluer, mais on ne peut pas clore le débat avant même de l’avoir entamé.

Je voudrais évoquer le contexte tout à fait particulier dans lequel nous nous trouvons. Présenter ce soir un texte portant nouvelle organisation territoriale de la République a beaucoup de sens. Je me félicite de cet intitulé, particulièrement bienvenu dans un contexte de grande difficulté, de deuil, de tristesse, qui nous impose d’assumer plus que jamais nos responsabilités.

Nous avons vu tous nos concitoyens se lever pour défendre des valeurs dont nous nous sommes peut-être, les uns et les autres, un peu détachés, alors qu’ils attendent de nous, membres du Gouvernement et parlementaires, que nous les incarnions et les portions.

Débattre de ce projet de loi revêt donc encore plus d’importance que nous ne pouvions l’imaginer voilà quelques jours. En effet, nous serons amenés à parler d’égalité entre les citoyens. Or, nous le savons tous, les enfants de France ne disposent pas aujourd’hui des mêmes possibilités, des mêmes chances selon l’endroit où ils naissent et où ils vivent.

Pour lutter contre cette prédestination de la naissance dont parlait Edgar Morin, il faut combattre les inégalités en matière d’accès aux services publics, à l’éducation, à la culture. Tel est le sens du texte dont nous discutons ce soir.

Envisager une nouvelle organisation territoriale de la République amène évidemment à aborder des questions institutionnelles, mais il s’agit aussi de mieux faire correspondre les espaces administratifs et la mise en œuvre des services publics à la vie de nos concitoyens. J’avais dit, lors de la discussion générale, qu’il fallait mettre fin à la concurrence entre territoires et faire prévaloir la coopération : nous touchons là au cœur du sujet.

Je vais en rester là, certains d’entre vous semblant estimer que mes propos s’écartent du sujet… Je ne doute pas que nos débats seront à la hauteur des enjeux. Monsieur le président de la commission des lois, André Vallini et moi-même sommes tout disposés à œuvrer avec le Sénat pour progresser vers une solution sur les questions que vous avez évoquées, par exemple celle de l’emploi, même si cette dernière est difficile. §

TITRE Ier

Des régions renforcées

Chapitre unique

Le renforcement des responsabilités régionales

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 652, présenté par M. Collomb, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les dispositions de la présente loi relative aux départements, aux établissements publics de coopération intercommunale et aux communes pour l’exercice des compétences mentionnées aux articles L. 3641-1 à L. 3641-9 et L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales, sont applicables à la métropole de Lyon et aux métropoles, sous réserve de l’existence de dispositions contraires ou spécifiques, notamment introduites par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

La parole est à M. Gérard Collomb.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Ce soir et dans les jours à venir, nous devrons effectivement nous montrer, les uns et les autres, à la hauteur des enjeux.

Lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles – dite loi MAPTAM –, nous avions pu aboutir à des positions largement convergentes. En particulier, Jean-Claude Gaudin, Louis Nègre, au nom de la métropole niçoise, et moi-même étions intervenus de manière conjointe pour montrer combien notre pays avait besoin de l’émergence de grandes métropoles.

Je suis de ceux qui pensent qu’il n’y a pas d’opposition entre métropoles et régions : nous devons simplement trouver la bonne articulation. En effet, les grandes régions dont nous avons décidé la création ne pourront être autant dans la proximité que les présidents des grandes agglomérations, avoir des rapports aussi étroits avec les universitaires, les chercheurs, le tissu économique.

De la même manière, je suis de ceux qui pensent que les grandes métropoles, les grandes villes doivent être solidaires des territoires qui les entourent. Il n’y a donc pas non plus d’opposition fondamentale entre l’urbain et le rural.

C’est un tel équilibre que nous devrons nous efforcer de trouver ensemble.

Le présent amendement vise à rappeler qu’il ne peut y avoir, sur les plans universitaire, économique ou touristique en particulier, de contradiction entre ce que nous allons décider au cours des prochains jours et ce que nous avons inscrit l’an dernier dans la loi MAPTAM. M. le président de la commission des lois et M. le rapporteur ayant déposé un amendement en ce sens à un autre endroit du texte, je pense que nous pourrons trouver un accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Comme l’ensemble de nos collègues, je regrette l’absence de mon corapporteur pour des raisons de santé. Nous avons beaucoup travaillé ensemble, dans un climat de confiance, pour le bien de nos collectivités locales. J’espère qu’il sera bientôt en mesure de nous rejoindre.

Monsieur le sénateur du Rhône §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Vous souhaitez, monsieur le sénateur, que l’on préserve les compétences de la métropole de Lyon.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Aucune disposition du texte tel qu’adopté par la commission – il en allait d’ailleurs de même du projet de loi initial – ne vise à remettre en cause celles de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

Les rapporteurs, ayant entendu exprimer certaines inquiétudes, ont déposé plusieurs amendements tendant à préciser que telle disposition s’appliquerait aux métropoles et que telle autre ne porterait pas préjudice à leurs compétences.

Je rappelle que l’article L. 3641-6 du code général des collectivités territoriales prévoit déjà des dispositions similaires à celles du présent amendement. Celui-ci est superfétatoire, monsieur Collomb, car vous aurez satisfaction tout au long de l’examen de ce texte quant aux précisions à apporter sur les compétences de la métropole.

C'est la raison pour laquelle la commission vous demande de bien vouloir retirer cet amendement : ce serait plus simple…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Non, je le retire, monsieur le président, au profit de l’amendement n° 1021 de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 652 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 674, présenté par MM. Cazeau, Rome et Tourenne, Mme Perol-Dumont, MM. Madrelle et Daudigny, Mmes Bataille et Claireaux et MM. Cornano, Miquel, Cabanel et Courteau, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’organisation décentralisée de la République satisfait aux principes suivants :

Respect de la diversité des territoires ;

Recherche d’un égal accès des citoyens aux services publics, y compris dans les territoires les plus enclavés ;

Définition des missions et moyens affectés à chaque catégorie de collectivité locale.

Dans le respect des grandes orientations nationales, la région a la responsabilité de définir les grands choix stratégiques de développement de son territoire. En premier lieu, elle participe à l’amélioration de la compétitivité des entreprises au plan international en organisant le soutien à l'innovation, à la recherche et au développement économique.

Le département a la responsabilité de la coordination des compétences de proximité. À ce titre, le conseil départemental mobilise l’ensemble de ses moyens pour assurer la cohésion sociale de son territoire et exprimer les besoins spécifiques de la ruralité. Interlocuteur privilégié des communes et des intercommunalités, il déploie l’ingénierie et apporte les soutiens financiers nécessaires à la réalisation de leurs projets d’aménagement.

Dans le respect de leurs compétences, les établissements publics de coopération intercommunale s’organisent pour assurer la gestion des politiques et la conduite des projets pour lesquels l’échelle communale s’avère inappropriée.

La commune est la collectivité territoriale de base de l’organisation décentralisée de la République. Porteur de la légitimité démocratique que lui a conférée l’élection municipale et détenteur du pouvoir de police administrative générale exercée au nom de l’État, le maire a la responsabilité d’œuvrer à la sécurité et au bien-être de la population communale. Le pouvoir de police administrative générale du maire ne peut être délégué ou transféré au président de l’intercommunalité dont la commune est membre.

La parole est à M. Bernard Cazeau.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

L’idée de cet amendement nous est venue en lisant, en juin 2014, l’exposé des motifs du projet de loi NOTRe portant nouvelle organisation territoriale de la République, qui proclamait que « dans une France organisée autour d’un État conforté dans ses prérogatives républicaines […] le débat pourra s’engager sereinement sur les modalités de suppression des conseils départementaux à l’horizon 2020, pour aboutir à une révision constitutionnelle avant cette date ».

Certes, la suppression des conseils départementaux n’est heureusement plus d’actualité. Le mardi 28 octobre 2014, le Premier ministre a, dans cet hémicycle, non seulement reconnu le rôle indispensable joué par les conseils départementaux en matière de protection des populations les plus fragiles et de soutien aux communes, mais aussi fait part de son souhait de conforter les compétences de ces conseils en matière de solidarité territoriale et humaine.

Pour ma part, je souhaite que les choses soient clairement dites, voire répétées. Nous voulons des régions compétitives, des conseils départementaux de proximité, des intercommunalités rénovées, une clarification des compétences, la réaffirmation du rôle de la commune… L’inscrire dans la loi est-il superfétatoire ? Nous ne le pensons pas, et c’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 813, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le respect des compétences attribuées par la loi aux différentes catégories de collectivités territoriales et à leurs groupements, par application du principe de subsidiarité :

1° Les communes constituent la cellule de base de l’organisation territoriale de la République décentralisée et l’échelon de proximité de vie démocratique. Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre sont un outil de coopération et de développement au service des communes ;

2° Les départements sont garants du développement territorial, de la solidarité et de la cohésion sociale sur leur territoire ;

3° Les régions contribuent au développement économique et à l’aménagement stratégique de leur territoire.

La parole est à M. Christian Favier.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Madame la ministre, vous avez évoqué le contexte nouveau dans lequel nous reprenons la discussion de ce projet de loi.

Comme beaucoup d’entre nous, je crois que les collectivités doivent non seulement être renforcées, mais voir leur rôle réaffirmé. Les circonstances présentes montrent que nous avons besoin de plus de décentralisation encore.

Nous estimons en effet qu’il faut davantage de proximité. Les événements dramatiques que nous venons de connaître témoignent que, bien souvent, les liens se sont distendus sur notre territoire. Nous devons nous efforcer de les renforcer : à défaut, nous courrons le risque de nourrir, dans certains quartiers, des comportements que nous condamnons. Or je crains que ce texte ne tende à éloigner encore un peu plus les lieux de décision des citoyens.

Par le biais de cet amendement, nous entendons nous aussi réaffirmer le principe de répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales. Il n’a pas de portée normative : il s’agit non pas de poser une règle, mais de rappeler l’enjeu majeur de ce texte, à savoir réaffirmer l’organisation territoriale et les compétences dévolues à chaque niveau. Ce rappel est d’autant plus fondé que la discussion générale s’est tenue il y a maintenant plus d’un mois.

Pour nous, les communes restent bien les cellules de base de l’organisation décentralisée de notre territoire, ainsi qu’un échelon privilégié de proximité avec nos concitoyens.

Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre sont des outils de coopération et de développement au service des communes.

Les départements, quant à eux, demeurent garants du développement territorial, de la solidarité et de la cohésion sociale sur leur territoire.

Les régions, enfin, au travers des compétences qui leur sont dévolues, contribuent au développement économique et à l’aménagement stratégique de leur territoire.

Tout cela doit s’inscrire dans le respect des compétences attribuées par la loi aux différentes catégories de collectivités territoriales en application du principe de subsidiarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

L’amendement défendu par Bernard Cazeau tend à rappeler les principes de l’organisation décentralisée de la République. Il ne présente aucune portée normative et s’apparente à un exposé des motifs d’un projet de loi ou d’un amendement.

La commission demande donc à son auteur de bien vouloir le retirer. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

L’amendement présenté par M. Favier s’inspire, comme le précédent d’ailleurs, des dispositions de l’article 1er A du projet de loi relatif à la délimitation des régions, qui visait à rappeler la vocation principale de chaque échelon local. Ces dispositions se justifiaient, en vue précisément de l’examen du présent projet de loi. Aujourd’hui, il s’agit donc de mettre en œuvre les orientations définies par ledit article 1er A. C’est d’ailleurs le fil rouge du texte adopté par notre commission le 10 décembre dernier.

Par ailleurs, cet amendement est dépourvu de toute portée normative, comme vous l’avez dit vous-même, monsieur Favier, et s’apparente plus à un exposé des motifs ou à une déclaration d’intentions. La commission y est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

M. le rapporteur l’a très bien dit : ces amendements visent à rappeler des principes et sont dénués de portée normative. Le présent projet de loi a pour vocation de traduire concrètement les principes qui viennent d’être énoncés.

Le contraste entre l’hyper-richesse de certains territoires et l’hyper-pauvreté d’autres pose problème, cela est vrai, mais ces amendements se bornent à redire ce qui figure déjà dans la loi relative à la délimitation des régions. Dès lors, j’en souhaite le retrait, même si je comprends que leurs auteurs aient voulu réaffirmer certains principes à l’entame de l’examen des articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l’amendement n° 674.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

S’il est vrai que les amendements présentés ont déjà fait l’objet d’un certain nombre de développements, ce qui va sans dire va encore mieux en le disant, surtout par les temps qui courent…

Par ailleurs, je voudrais revenir sur votre déclaration liminaire, madame la ministre. Je suis d’accord avec vous : ce que nous faisons ici est très important au regard de ce qui se passe en France actuellement. Sauf que le présent projet de loi détricote notre organisation territoriale ; il détricote ce qui fonde le lien entre nos concitoyens. Je rappellerai, à cet instant, une phrase de Tocqueville que je ne me lasserai jamais de citer : « C’est dans la commune que réside la force des peuples libres. »

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Il y a des libéraux très recommandables, monsieur le président de la commission des lois, mais on les a un peu oubliés !

Vouloir noyer la commune dans de grandes intercommunalités au nom de la compétitivité, c’est aller à l’encontre de ce principe, de même que vouloir dissoudre ou vider de sa substance, d’une manière ou d’une autre, le département, qui est la collectivité de proximité.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Bien sûr que si, ma chère collègue ! C’est d’ailleurs Mme la ministre qui l’a évoqué ; je ne serais pas intervenu sans cela !

Si ce que nous faisons ici a bien une influence sur l’avenir de notre pays, il importe de sortir de la seule logique managériale, fondée sur la compétitivité, et de se préoccuper des conditions de la vie démocratique, de la prise en compte de l’intérêt général, de la naissance du sentiment d’appartenance et de citoyenneté. Nous ne sommes donc pas hors sujet ! Il vaudrait mieux que le texte dont nous discutons n’ait pas des effets inverses de ceux que nous sommes censés rechercher.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Après cette semaine terrible qui nous a tous plongés dans l’effroi, il me semble important de prendre le temps de voir en quoi le présent projet de loi, portant nouvelle organisation territoriale de la République, répond aux enjeux actuels. À ce titre, je remercie Mme la ministre d’avoir posé les termes du débat.

L’existence de très importantes inégalités territoriales, fortement ressenties par nos concitoyens, non plus que je ne sais quel déterminisme social, n’explique ni n’excuse en rien la barbarie. Cependant, notre responsabilité collective, même si j’ai le sentiment que les désaccords entre nous restent forts, est de remédier à ces inégalités. Tel est bien l’objet du présent texte.

Nous soutenons le renforcement de la région. Il s’agit de dépasser la compétition entre les territoires, qui est extrêmement néfaste et participe de la déconstruction de la solidarité nationale. C’est en s’appuyant sur les régions et sur la tenue de débats réunissant l’ensemble des acteurs de celles-ci que l’on pourra recréer un sens collectif plus fort à l’échelle régionale.

Mme la ministre a parlé de coopération entre les territoires ; j’irai plus loin, en parlant de solidarité. Comment la richesse de certains territoires profite-t-elle aujourd’hui aux autres ? C’est l’une des questions dont nous devrons nous saisir. À l’heure actuelle, des territoires ruraux se sentent exclus des dynamiques métropolitaines, des territoires urbains périphériques se sentent très éloignés de la ville-centre.

Dès lors, comment, au travers de ce texte, allons-nous pouvoir raccommoder, recréer une histoire commune ? À mon sens, des questions techniques de péréquation entreront en jeu.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Les égoïsmes territoriaux sont extrêmement forts en France, mais, dans le contexte actuel, il faut absolument que la péréquation, la solidarité financière entre territoires riches et territoires pauvres, qu’ils soient ruraux ou urbains périphériques, soient renforcées par le présent texte. C’est là une véritable priorité.

Une autre forme d’exclusion territoriale a trait à l’exercice de la démocratie. Nous sommes tous d’accord pour prôner le renforcement de la démocratie locale, de proximité. Pour ma part, je voudrais insister sur un point : il serait peut-être temps de cesser d’opposer démocratie communale et démocratie d’agglomération. Le débat démocratique n’est pas le même dans la ville-centre, où l’on se sent concerné par l’ensemble des problématiques, et dans une commune périphérique pauvre et petite, où l’on ne se sent parfois même pas le droit de discuter des grandes questions intéressant l’agglomération, telles que les transports publics ou le développement économique. Or s’il n’y a pas de véritable démocratie à l’échelle de l’agglomération, le sentiment d’exclusion se trouve renforcé. Il faut absolument que, à l’issue de l’examen de ce projet de loi, l’égalité démocratique entre les citoyens, où qu’ils vivent, ait été renforcée.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L’amendement n° 810, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La compétence dite générale est un principe fondateur de la décentralisation et de la libre administration des collectivités territoriales, dans le respect des responsabilités accordées par la loi à chacune des collectivités et permet l’application de la règle de subsidiarité.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Nous avons déposé plusieurs amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l’article 1er. Ils visent à rappeler ou à resituer les grands enjeux qui se trouvent au cœur des réformes territoriales engagées il y a maintenant près de cinq ans par divers gouvernements.

Au travers du présent amendement, nous réaffirmons que la compétence générale est un des fondements de la décentralisation et du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.

Il n’y a pas si longtemps de cela, en 2010, une majorité de droite avait supprimé la compétence générale pour les régions et les départements. Une majorité de gauche l’a rétablie voilà tout juste un an, par le biais de la loi MAPTAM.

À cette occasion, nous avions eu, madame la ministre, un vrai débat de fond sur cette question. Vous défendiez alors une vision interstitielle de cette compétence. Au contraire, nous considérions pour notre part, comme aujourd’hui d’ailleurs, que cette règle non écrite découlait directement de la mise en œuvre des principes constitutionnels. Elle permet l’application de la règle de subsidiarité, qui devrait prévaloir en toute circonstance, en vertu de l’article 72 de notre Constitution, dont le deuxième alinéa dispose que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ».

Compte tenu des enjeux, je suis étonnée du peu de place accordé à cette question dans le rapport de la commission, qui ne fait que rappeler de façon insidieuse les propos que vous avez tenus, madame la ministre, lors des débats sur la loi MAPTAM. Vous estimiez alors que « la suppression de la clause de compétence générale […] n’est pas déterminante pour la clarification de l’action publique locale ».

Il est par conséquent d’autant plus étonnant que vous décidiez de supprimer cette clause dans un projet de loi qui devait initialement traiter de la clarification des compétences. Il est vrai que, sur de nombreuses travées de notre assemblée, on privilégie la mise en place de compétences exclusives, de chefs de filat, d’encadrements de toutes sortes, en bref le retour à une certaine forme de dirigisme, au travers d’un encadrement de l’action des élus locaux, prétendument coupables de faire n’importe quoi et de jeter l’argent public par les fenêtres.

Nous récusons ces accusations et ce raisonnement. La compétence générale est à nos yeux essentielle. Elle offre un espace de liberté d’action aux élus locaux, un espace de démocratie permettant l’expression de conceptions contradictoires. Elle permet de répondre à des problèmes dont les solutions ne sont pas toujours prévues par la loi, à des besoins et des attentes émergeant dans notre société. Elle permet enfin d’inventer ; elle est source de progrès et, bien souvent, d’innovation sociale et territoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Quand on cite l’article 72 de la Constitution, ma chère collègue, il faut le faire de manière exhaustive. Son troisième alinéa dispose que les collectivités s’administrent librement par des conseils élus « dans les conditions prévues par la loi ».

La compétence générale est un mythe qui revient sempiternellement ! Il existe bien un principe de subsidiarité, mais ce n’est pas la même chose. Il revient au législateur de déterminer à quel échelon les compétences peuvent le mieux être exercées. Pour certaines, nous pensons que cela demeure le département. Pour d’autres, qui peuvent être obligatoires, facultatives ou optionnelles, ce sont les intercommunalités. Mais nous aurons l’occasion de discuter de tout cela.

Je ne dois pas être bon juriste, car je n’ai jamais compris ce qu’était la clause dite « de compétence générale » ! Qu’on le veuille ou non, seule la loi peut attribuer des compétences.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Sous les hurlements d’une partie de l’hémicycle, nous avions supprimé la clause de compétence générale. Puis celle-ci a été rétablie, sans que cela ne suscite de hurlements de notre côté de l’hémicycle – après tout, si cela vous faisait plaisir… Le présent texte prévoit d’en revenir à une solution sage, et par conséquent la commission est défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

La suppression de la clause de compétence générale ou de la clause générale de compétence – nul ne sait exactement comment il convient de l’appeler – s’inscrit dans un objectif, largement partagé sur toutes les travées et par tous les élus locaux de France, de clarification des compétences de chaque niveau de collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Nous ne devons pas rencontrer les mêmes élus !

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État

Mais si, madame la sénatrice, et tous souhaitent plus de clarté dans la répartition des compétences. Depuis le début de la décentralisation, on a additionné les structures, multiplié les organismes, ajouté des échelons, et les compétences des uns et des autres se sont enchevêtrées.

La suppression de la clause de compétence générale s’accompagne évidemment de garanties du maintien de l’intervention de la région ou du département dans les domaines où cela est nécessaire. Au demeurant, je partage l’avis de M. Hyest : la notion de clause de compétence générale n’est pas définie par le droit et son contenu découle uniquement des articles du code général des collectivités territoriales définissant la capacité des organes délibérants à traiter des affaires d’intérêt local au travers de leurs délibérations. Ce n’est donc pas une notion juridique, c’est une notion politique.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je soutiendrai cet amendement, car j’ai été élue, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, en faisant campagne contre la suppression de la clause de compétence générale. La critique que je formulais à l’époque n’était pas de simple opportunité, mais de principe. À mon sens, le manque de clarté actuel dans la répartition des compétences tient non pas au fait que tous les échelons disposent de la compétence générale, mais plutôt à l’organisation du chef de filat et à la mise en œuvre du principe de subsidiarité, qui doivent respecter la clause de compétence générale.

Prenons un sujet que je connais peut-être mieux que d’autres : le logement. En l’état actuel des choses, je suis curieuse de savoir comment sera traitée la politique du logement ! Il s’agit normalement d’une compétence d’État. Or, aujourd'hui, pas un seul logement n’est construit ou rénové en France sans que les collectivités locales apportent une aide, d’ailleurs de plus en plus importante.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La plupart du temps, d’une ville à l’autre, d’un département à l’autre, d’une région à l’autre, ce ne sont pas les mêmes acteurs qui financent la même chose. Par ailleurs, quelle collectivité atteint aujourd'hui, sur le plan financier, la masse critique nécessaire pour faire face aux dépenses liées à ce type d’interventions, qui se chiffrent en milliards d’euros ?

Dans un souci de systématisation, il apparaîtrait logique de s’appuyer sur les intercommunalités ou sur la métropole. Or de nombreuses intercommunalités n’ont pas les reins assez solides pour pouvoir accompagner la construction de logements, qui est une opération coûteuse. Le cas de la métropole, à mon avis, mérite d’être traité à part, car il s’agit d’une entité suffisamment structurée pour pouvoir permettre une délégation de plein droit de la compétence logement à son profit.

La moitié des offices d’HLM sont départementaux. On va supprimer la clause de compétence générale, mais en la maintenant dans les faits sous couvert de solidarité territoriale, de solidarité sociale ou de développement durable, selon les cas. Bref, on ne saura plus où on en est !

En conformité avec ce que j’ai toujours pensé, la remise en cause de la clause de compétence générale ne me semble pas un progrès pour la République. Par ailleurs, je voudrais que l’on m’explique a minima ce qu’il en sera de la compétence logement pour les collectivités territoriales. J’ai beau lire et relire votre texte, cela n’apparaît pas. Je souhaite être éclairée sur ce point. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Contrairement à ce qui a été dit, le système actuel est parfaitement clair : lorsque la loi n’attribue pas une compétence, toutes les collectivités peuvent intervenir dans les domaines qui relèvent de l’intérêt communal, départemental ou régional. Cela règle la question de savoir, pour chaque compétence ou micro-compétence, qui peut intervenir de manière légale. Pourquoi poser un problème qui ne se pose pas ?

Cette question a été soulevée quand il s’est agi de faire des économies : je vous renvoie aux débats sur les 20 milliards d’euros et sur la suppression des compétences croisées. Pourquoi un projet coûterait-il plus cher s’il a dix financeurs plutôt qu’un seul ? C’est un raisonnement farfelu ! Quel que soit le nombre de financeurs, le coût est toujours le même !

Autre fantasme managérial, il faudrait se concentrer sur ses compétences, sur son « cœur de métier »… Là aussi, c’est complètement farfelu : dans la pratique, on est confronté chaque jour à des situations imprévues.

Madame la ministre, avez-vous eu une révélation sur le chemin de Damas ?Pourquoi vouloir supprimer à nouveau ce qui avait été rétabli par une précédente loi, au début de l’année dernière ? Comme beaucoup de collègues socialistes, j’avais combattu la suppression de la clause de compétence générale. Pourquoi avoir ainsi changé d’avis ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

On va au-devant de difficultés extrêmes pour toutes les compétences dont l’attribution n’aura pas été prévue par la loi : les préfets seront amenés à décider qui peut ou non intervenir dans tel ou tel domaine ! Le bon sens voudrait que l’on ne modifie pas ce qui fonctionne parfaitement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Monsieur le rapporteur, si vous ne savez pas ce qu’est la compétence générale, je puis vous garantir que nombre de communes petites et moyennes, voire de communautés de communes, le savent !

Le développement tous azimuts constaté ces dernières années en milieu rural, notamment en matière d’assainissement ou de logement, a été rendu possible par l’apport financier de différentes collectivités territoriales. Allez dire aux petites communes rurales qu’il s’agit de doublons ! Si l’on supprime la compétence générale, les travaux ne seront plus réalisés et l’effort d’investissement sera encore plus faible qu’aujourd’hui. Dieu sait pourtant si nous avons besoin d’investissements !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Si la clause de compétence générale a été rétablie il y a quelques mois, c’est qu’il s’agissait d’une nécessité. Même le Président de la République l’avait affirmé à l’époque !

Madame la ministre, je ne me permettrai pas de vous demander si vous avez eu une illumination, mais je voterai l’amendement du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Abate

Cet amendement vise à affirmer un principe auquel nous sommes assez nombreux à être attachés, plus ou moins fortement.

L’alternative est simple : soit on restreint la liberté d’action des élus départementaux et régionaux, soit on défend pied à pied les libertés locales et le pouvoir d’intervention des collectivités territoriales.

Dans ces débats sur les collectivités territoriales, on entend des déclarations, des prises de position souvent contradictoires, y compris au sein même des groupes, excepté le nôtre. Comment prétendre aujourd'hui engager une nouvelle étape de la décentralisation tout en essayant de restreindre par la loi le champ d’intervention des gestionnaires locaux ?

Le renforcement des coopérations entre tous les niveaux de collectivités et l’amélioration de leur efficacité n’excluent pas forcément le maintien de la compétence générale, voire les financements croisés, qui permettent la réalisation d’équipements et de services utiles à la population. Au contraire ! Il s’agit là non pas d’un mythe, mais de la réalité du terrain et des besoins de la population.

La mise en œuvre de la notion de chef de filat, par exemple, qui respecte la compétence générale, ne va pas à l’encontre de la clarification des compétences. Ce n’est pas être hors sujet que de penser que l’efficacité peut être liée aussi à une meilleure répartition des richesses, qui n’est pas exclusive de la compétence générale.

Par ailleurs, dans certains domaines, le silence de la loi est souvent bien plus ample que le texte de la loi elle-même. Pouvons-nous raisonnablement interdire aux départements et aux régions toute intervention en dehors de leurs champs de compétence strictement définis par la loi ?

Que vont devenir les services et les équipements aujourd’hui mis en place par les départements et les régions et qui ne relèveront plus, demain, des compétences de ces collectivités territoriales ? Allons-nous les fermer, au nom d’une vision dirigiste et technocratique de la gestion locale ?

Tout ne peut rentrer dans des petites boîtes parfaitement définies. La loi ne peut jamais tout prévoir et est bien souvent en retard sur les réalités, qui se transforment en permanence. C’est aussi au nom du devoir de modernité et d’innovation que nous affirmons la nécessité de maintenir la clause de compétence générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

J’ai eu l’honneur de défendre, devant cette assemblée, le texte qui est devenu la loi du 16 décembre 2010 supprimant la clause de compétence générale pour les départements et les régions et la maintenant pour les communes et l’État : tel est précisément l’objet du texte qui nous est aujourd'hui soumis.

Il y a, me semble-t-il, une certaine confusion entre compétence et financement. La compétence est une notion juridique : qui peut décider d’intervenir dans tel ou tel domaine. Le texte qui nous est présenté prévoit expressément que le département, dans le cadre de sa mission de solidarité, peut financer des équipements communaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

En effet. Ce qui a été décidé par la commune peut donc être financé par le département. Cela est explicitement prévu par le projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

On peut certes décider de tout jeter par la fenêtre, mais mieux vaut à mon sens s’efforcer de maintenir un système qui soit à peu près cohérent.

Il est normal que la commune, collectivité de proximité, conserve une compétence générale, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

… parce qu’elle est le mieux à même de connaître les besoins de la population. Si elle ne peut pas assurer seule le financement d’un projet, ce qui sera souvent le cas, elle pourra être aidée par le département.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Il ne faut donc pas confondre, je le redis, financement et compétence, celle-ci étant une notion juridique. Le texte préserve tout à fait la capacité, pour le département, d’intervenir financièrement au profit des communes. Revenir au dispositif de la loi de 2010 est opportun, parce que cela permet une clarification conforme aux réalités du terrain.

On a beaucoup parlé de démocratie à la suite des événements de ces derniers jours. Or, en démocratie, les élus sont jugés selon ce qu’ils font : encore faut-il savoir qui fait quoi !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Tout le monde réclame que l’on mette un peu d’ordre dans les compétences. Je ne soutiens pas forcément le Gouvernement, mais la clarification qui nous est proposée répond tout à fait à cette exigence. C’est la raison pour laquelle je voterai contre les amendements allant à son encontre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

J’ai déposé, à l’article 1er, un amendement visant également à revenir sur la suppression de la clause de compétence générale. Au rythme où nous allons, je ne pourrai sans doute pas le défendre ce soir… Je préfère donc m’exprimer dès maintenant.

Monsieur Mercier, il ne s’agit pas de mélanger compétence et financement, il s’agit d’affirmer le droit d’agir.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Permettez-moi de vous donner un exemple. Il y a quelques années, le département de l’Aube avait décidé de créer une zone logistique de 250 hectares à un croisement d’autoroutes, car les communes concernées étaient trop petites pour mener à bien un tel projet. Or l’administration de l’État nous a refusé le droit de réaliser les équipements d’assainissement, au motif qu’il existait un syndicat intercommunal ad hoc.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Le préfet s’est également opposé à ce que le département finance l’électrification pour le même motif, et ainsi de suite…

Sans la clause de compétence générale, nous n’aurions pas pu aménager la zone logistique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

J’ai fait observer à l’administration de l’État qu’il était tout de même extraordinaire qu’elle oblige à saucissonner une opération conduite par une seule collectivité. Le département disposant de la clause de compétence générale, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

…elle a été obligée de faire machine arrière.

Aujourd'hui, nous défendons le droit pour la région ou le département de mener à bien, demain, des projets importants pour leur territoire. La clause de compétence générale permet de faire face à des problématiques imprévues. Cela n’a rien à voir avec la question du financement.

Je voterai l’amendement n° 810.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Il ne s’agit pas pour nous de dire blanc après avoir dit noir. Nous avons mené un travail de fond avec vous tous, notamment avec la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur les conférences territoriales de l’action publique. Nous faisons confiance aux élus. Il s’agit de leur permettre de subdéléguer des compétences sur les territoires, de promouvoir une véritable avancée en matière d’exercice des compétences. Je pense que les conférences territoriales de l’action publique répondent aux questions que vous avez soulevées.

En ce qui concerne le logement, par exemple, nous espérons avoir ouvert aux différentes collectivités, dans ce projet de loi, la possibilité d’intervenir dans les meilleures conditions possible, en tant que de besoin, au titre de la solidarité territoriale, compétence nouvelle qui relève de la nécessaire coopération entre les territoires que j’évoquais. Cela répond exactement à la question que vous avez posée, madame Lienemann.

Il faut à la fois clarifier – enfin ! – les responsabilités de chacun et favoriser les échanges entre collectivités territoriales, les délégations aux échelons infrarégionaux. En matière de développement économique, par exemple, la région peut se charger de la stratégie et l’intercommunalité ou le département de l’immobilier d’entreprise. C’est ce que l’on doit parvenir à faire. Qui ne connaît pas de contrats passés entre un département et des intercommunalités, entre des régions et des pays ou des pôles de développement ?

Par conséquent, clarifions les compétences tout en ménageant les marges de manœuvre nécessaires.

Il a été dit que cette question n’avait rien à voir avec celle du financement : je m’inscris en faux contre cette affirmation.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

On peut nous reprocher d’avoir réalisé 50 milliards d'euros d’économies, qui pèsent sur les finances des collectivités territoriales, mais d’aucuns disent que ce sont 150 milliards d'euros d’économies qu’il aurait fallu faire pour empêcher que la France ne se retrouve un jour dans la situation de la Grèce.

Il y a un problème de financement des collectivités territoriales. Aujourd'hui, les ressources de certaines d’entre elles sont tellement faibles qu’elles ne parviennent pas à assumer leurs compétences fondamentales.

Je parlais tout à l'heure de solidarité entre les territoires. J’espère que ce projet de loi s’accompagnera, par exemple, d’une refonte de la dotation globale de fonctionnement. Je regrette, à cet égard, que la majorité sénatoriale n’ait pas souhaité participer à la réflexion sur la réforme de la DGF. Je peux comprendre ce choix, mais cette refonte peut aussi contribuer à remédier aux inégalités territoriales actuelles.

Nous avons la volonté de permettre aux régions, aux départements, aux intercommunalités et aux communes de discuter de la mise en œuvre des compétences en fonction de priorités définies, mais je rappelle que seul le bloc communal dispose de la clause de compétence générale. On ne peut pas à la fois affirmer que la République s’appuie sur les communes et juger aberrant que la commune soit seule à disposer de la clause de compétence générale.

Oui, nous avons eu des doutes sur la mise en place des conférences territoriales de l’action publique ou sur la possibilité de prévoir des délégations infrarégionales de compétences. Nous avons travaillé sans a priori sur ces questions avec bon nombre d’entre vous.

Nous faisons confiance aux élus et, aussi difficile que la période soit sur les plans financier, économique, social et politique, nous trouverons des solutions. Aucun projet utile aux citoyens ne doit être empêché de voir le jour.

Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Je vous ai écoutée avec attention, madame la ministre : vous nous dites que nous n’avons plus aujourd'hui des capacités financières suffisantes pour assumer la clause de compétence générale.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Ce n’est pas ce que j’ai dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Ce n’est pas de notre faute si nous n’avons plus de ressources suffisantes ! N’essayez pas de nous endormir avec un tel argument !

En 2010, M. Mercier l’a rappelé, nous avions voté la suppression de la clause de compétence générale. L’UMP a toujours maintenu cette position, car nous pensons que c’est ainsi que nous pourrons assurer le meilleur fonctionnement de nos collectivités, éviter un certain nombre de superpositions, faire des économies…

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

La création du conseiller territorial allait tout à fait dans ce sens.

Madame la ministre, reconnaissez franchement que vous aviez eu tort, en 2010, de ne pas nous suivre.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Je l’ai dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Vous l’avez tellement bien dit que je me suis un peu perdu dans vos propos.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Je parle pourtant français !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Pour notre part, nous n’avons pas varié depuis 2010. Aujourd'hui, nous allons vous appuyer –c’est tout de même un geste extraordinaire ! – et voter la suppression de la clause de compétence générale. Nous pouvons au moins être fiers de la constance de notre position.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

En effet, même si c’est la position inverse. Quand on change de position, il faut être capable de reconnaître s’être trompé.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

M. le président. Mes chers collègues, il est presque minuit. Je vous propose de prolonger nos travaux jusqu’à zéro heure trente.

Assentiment.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 811, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Inséré un article additionnel ainsi rédigé :

L’autonomie financière des collectivités territoriales est une garantie constitutionnelle pour leur assurer le bénéfice de ressources propres et ainsi leur permettre la mise en œuvre réelle de leur libre administration.

De plus, la compensation intégrale des transferts de compétences de l’État, vers les collectivités territoriales, ou entre elles, doit être réellement assurée.

Par ailleurs toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales doit être accompagnée de ressources déterminées par la loi.

La parole est à M. Christian Favier.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Il s’agit une nouvelle fois de rappeler quelques principes qui devraient inspirer ce texte tendant à modifier les compétences de certaines collectivités en leur en attribuant de nouvelles ou en leur en retirant d’autres, mais sans aborder la question des ressources, particulièrement importante à l’heure de la diminution des dotations aux collectivités territoriales.

Or le quatrième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution dispose que « toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ».

De surcroît, on nous annonce une réforme de la DGF, sans plus de précisions. Ainsi, le cadre financier et budgétaire dans lequel sera mise en œuvre la future loi nous est, aujourd'hui, totalement inconnu : on nous demande donc de légiférer à l’aveugle.

Aussi cet amendement vise-t-il à rappeler le cadre légal dans lequel devrait s’inscrire toute réforme des compétences des collectivités locales.

Ses premier et troisième alinéas constituent la reprise d’un amendement adopté par nos collègues députés en première lecture du projet de loi MAPTAM et validé par notre commission en deuxième lecture.

Quant au deuxième alinéa, il ne fait que reprendre le principe constitutionnel de compensation intégrale en cas de transfert de compétences. Les présidents de conseil général présents dans cette assemblée savent combien il est important d’obtenir une compensation intégrale en cas de transfert de compétences de l’État aux collectivités territoriales.

Or le moins que l’on puisse dire, c’est que ce principe est mis à mal par ce texte. Cet amendement constitue donc, en quelque sorte, un rappel à la loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Tous les grands principes vont être invoqués, les uns après les autres ! Je vous renvoie, mon cher collègue, à l’article 72-2 de la Constitution, relatif à l’autonomie financière des collectivités territoriales. La commission est défavorable à cet amendement dépourvu de portée normative.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Même avis.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 812, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, un rapport du Gouvernement est établi présentant l’ensemble des conséquences, financières et budgétaires pour les collectivités territoriales, des mesures adoptées.

La parole est à M. Christian Favier.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Par cet amendement, nous demandons que le Gouvernement établisse, dans les six mois qui suivront la promulgation de la loi, un rapport sur les conséquences, tant financières que budgétaires, des mesures adoptées pour les collectivités territoriales.

En effet, ni l’étude d’impact ni le texte du projet de loi n’abordent cette question. Ce dernier se borne à prévoir une nouvelle répartition des compétences. En l’absence d’étude concrète des conséquences financières et budgétaires de celle-ci, nous ne saurions nous prononcer, sauf à signer un « chèque en blanc » !

Il nous semble pourtant que la question de la charge financière et budgétaire qui pèsera sur les différents échelons de collectivités à la suite de l’adoption de cette nouvelle organisation territoriale est loin d’être secondaire ou négligeable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il est curieux de demander un rapport sur les conséquences de la mise en œuvre de la loi…

Nous disposons de l’étude d’impact, même si elle est assez indigente sur certains aspects. §De plus, les articles finaux traitent déjà des conséquences des transferts de compétences.

Il en a été de même, je le rappelle, pour toutes les lois de décentralisation modifiant la répartition des compétences, en particulier celles de 1983.

Enfin, je ne vois pas comment il serait possible de préparer un tel rapport.

L’amendement n° 811 ne me paraît pas pertinent. L’avis est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Je vous signale, monsieur Favier, que l’évaluation des charges et ressources afférentes au transfert de compétences du département du Rhône à la métropole de Lyon a nécessité un travail de près d’une année ! Nous serions incapables de fournir le rapport demandé dans le délai prescrit. Si l’amendement n’est pas retiré, le Gouvernement y sera défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Il vaut mieux ne pas savoir ce que l’on fait, c'est trop désespérant !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Je voterai cet amendement, car nous sommes dans un brouillard complet s’agissant des conséquences financières du projet de loi pour les collectivités territoriales !

Nous nous préparons, les uns et les autres, à participer à des élections, sans avoir aucune idée de ce que nous pourrons dire à nos électeurs quant à la teneur de ce texte et aux conséquences de son application.

Ce n’est peut-être pas le bon moment pour aborder ce sujet, mais, au point où nous en sommes, peu importe ! Quelles seront les conséquences, madame la ministre, de la fusion de deux régions dont les niveaux de fiscalité sont totalement différents ? Pour les cartes grises, par exemple, l’écart entre les régions peut atteindre 15 euros par cheval fiscal. Au 1er janvier 2016, il n’y aura plus qu’une seule collectivité territoriale, un seul établissement public et, par voie de conséquence, un seul taux d’imposition. Or je ne vois nulle part expliqué, dans le texte, ce qui se passera à cette date. Donnera-t-on aux deux régions le temps de mettre en place une fiscalité unique ? Lorsque la taxe professionnelle unique a été instaurée, les intercommunalités ont été autorisées à procéder à un lissage des taux de fiscalité de leurs communes membres sur plusieurs années. Je ne vois aucune disposition de cet ordre dans le texte.

On m’explique que cette question ne relève pas du présent projet de loi, qu’elle sera traitée dans le cadre d’un texte financier. Ce texte nous sera-t-il soumis avant la campagne électorale, afin que nous puissions expliquer à nos électeurs ce qu’il se passera ? Je le redis, nous sommes vraiment dans un complet brouillard, à quelques semaines seulement des élections : c’est absolument inadmissible, y compris du point de vue de la démocratie ! Je n’ai jamais vu cela, et pourtant je ne suis pas un perdreau de l’année !

J’ai saisi ce matin le président de la commission des lois et le rapporteur du problème, qui me paraît crucial, de la fusion de deux régions dont les niveaux de fiscalité sont totalement différents. Que se passera-t-il ? Madame la ministre, je vous demande instamment de vous pencher sur cette question. Nous devons pouvoir disposer d’un délai de quelques années pour lisser les fiscalités. Je sais bien que la situation est plus compliquée que pour l’institution de la TPU, car alors les différentes collectivités concernées étaient maintenues et une possibilité de lissage était prévue. On ne va pas augmenter les impôts de 20 points dans une région ou les baisser dans la même proportion dans l’autre : dans le premier cas, une telle hausse des impôts serait totalement illégitime ; dans le second, la perte de recettes subie empêcherait de boucler le budget.

Nous avons besoin qu’une réponse à cette question soit apportée le plus rapidement possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Notre collègue soulève une question très importante. En matière d’intercommunalités, une réponse figure dans le code général des collectivités territoriales : la fiscalité intercommunale prévoit une possibilité de lissage des impositions sur une période pouvant atteindre douze ans. Cela constitue, certes, une forme de dérogation au principe selon lequel l’impôt est le même pour tous sur un même territoire, mais la marche à franchir pour rejoindre l’impôt moyen est quelquefois tellement haute qu’il faut pouvoir disposer de temps.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, votre texte ne comporte aucune disposition de cet ordre. Il faut mettre à profit ce débat pour trouver une réponse aussi rapidement que possible. M. Joyandet a raison, il n’est pas envisageable qu’un dispositif de lissage des fiscalités des régions appelées à fusionner ne soit pas élaboré avant les prochaines élections. C’est une question de bon sens ; le Gouvernement doit nous apporter une réponse très claire sur ce point, le cas échéant en déposant un amendement à cette fin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La loi de 1971 sur les fusions de communes prévoyait un rapprochement progressif des taux d’imposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il en va de même pour la création de communes nouvelles. En revanche, rien n’a été prévu pour les fusions de régions : la réforme s’est opérée de manière tellement magique que l’on n’en découvre que maintenant un certain nombre de conséquences.

Il me semble d’ailleurs qu’un problème bien plus important que celui du lissage se pose : celui des ressources et de la fiscalité des collectivités locales, qui n’est absolument pas abordé dans ce texte. Il faudra attendre une loi de finances.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État

Cette année.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Acceptons-en l’augure !

Mon cher collègue Joyandet, vous avez bien fait de saisir cette occasion pour évoquer la question de la fusion des régions, car sinon il aurait fallu attendre l’examen de l’article 37. Mieux valait donc prendre les devants ! Cela dit, l’adoption de l’amendement de nos collègues ne résoudrait pas votre problème…

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 814, présenté par MM. Vergès et Favier, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’avant-dernier alinéa de l’article 1er de la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique est ainsi rédigé :

« En Guadeloupe et à La Réunion, le congrès des élus départementaux et régionaux est composé des membres du conseil général et du conseil régional. »

La parole est à M. Christian Favier.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Je supplée mon collègue Paul Vergès, qui aurait voulu présenter lui-même cet amendement.

La Réunion est une région monodépartementale : sur un même territoire coexistent deux collectivités, la région et le département.

C’était le cas également de la Guyane et de la Martinique avant qu’elles n’optent pour un nouveau statut de collectivité ou d’assemblée unique. Elles ont pu le faire parce qu’elles sont dotées d’un congrès, structure qui réunit les conseillers régionaux et les conseillers généraux, et qu’elles ont obtenu le consentement des électeurs. La Guadeloupe avance aussi vers le statut de collectivité ou d’assemblée unique. Les limites du statut de région monodépartementale ont motivé la modification institutionnelle mise en œuvre par ces trois collectivités d’outre-mer.

À La Réunion, la situation de région monodépartementale est aussi devenue problématique, même si, depuis les premières lois de décentralisation, les exécutifs du conseil régional et du conseil général ont déployé, de façon constante, des efforts d’harmonisation de leurs compétences. Mais La Réunion ne peut pas évoluer statutairement, car elle ne peut réunir le congrès, comme ont pu le faire la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane.

Cet amendement vise donc à accorder à La Réunion un droit dont disposent déjà la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane.

En effet, c’est bien en termes de droit qu’il faut aborder cette question. Dire qu’aucune disposition n’interdit aujourd’hui aux élus réunionnais de se réunir en congrès de façon informelle est tout simplement porter atteinte au principe d’égalité. Il s’agit même d’une discrimination, qu’il n’est pas question pour nous d’accepter.

Un deuxième argument nous a été opposé, tout aussi pernicieux et inacceptable : toute évolution institutionnelle de La Réunion nécessiterait de supprimer la disposition dite « Virapoullé ». Il s’agit là d’une grave confusion, pour ne pas dire d’une méconnaissance profonde des textes réglementaires et législatifs.

La disposition Virapoullé ne se rapporte pas à la question de l’évolution statutaire ou institutionnelle. Elle ne vise qu’à exclure La Réunion du champ d’application de deux dispositions de l’article 73 de la Constitution : d’une part, la possibilité d’adaptation des lois et règlements par les collectivités dans les matières où s’exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement ; d’autre part, la possibilité pour ces collectivités de fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement. La disposition Virapoullé n’a donc absolument rien à voir avec la question de l’évolution institutionnelle.

Enfin, il s’agit ici d’un amendement de cohérence, dans la mesure où il vise uniquement à mettre en conformité la loi du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer avec le texte de la Constitution tel qu’issu de la révision constitutionnelle de 2003. Il tend à inscrire La Réunion dans un cadre légal, en s’appuyant sur les dispositions constitutionnelles les plus récentes. Ne pas adopter cet amendement reviendrait donc à entretenir sciemment l’incohérence entre ces textes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Un amendement identique avait déjà été présenté et repoussé lors de l’examen du projet de loi relatif à la délimitation des régions.

Rien n’empêche les assemblées départementale et régionale de la Guadeloupe et de La Réunion de se réunir pour discuter ! En outre, j’observe que, dans certaines collectivités, les électeurs se sont opposés à l’institution d’une assemblée unique. Je sais bien que certains cherchent à contourner cette opposition, mais tout de même !

La Réunion fait l’objet de dispositions constitutionnelles particulières, mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit ici. La commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la délimitation des régions a supprimé cette disposition qui avait été votée « par mégarde » au Sénat, n’est-ce pas, monsieur Delebarre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il n'y a pas lieu de délibérer à nouveau sur cette question. Cela étant, il ne paraît guère logique qu’une région et un département coexistent sur un même territoire : on pourrait, à terme, envisager une simplification. Je ne suis pas du tout hostile par principe à une telle évolution, mais encore faut-il que les citoyens soient d’accord ! Or, pour l’instant, ce n’est pas le cas. Pour l’heure, laissons donc la Constitution telle qu’elle est.

L’avis de la commission est défavorable.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État

La création d’un congrès des élus départementaux et régionaux à la Guadeloupe est déjà prévue par le dernier alinéa de l’article 1er de la loi du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique.

Dans le cas de La Réunion, la création d’un tel congrès ne semble pas faire l’objet d’une demande unanime localement ni relever d’un besoin particulier.

M. le rapporteur approuve.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État

En effet, comme l’a dit M. le rapporteur, la concertation entre les assemblées départementale et régionale peut d'ores et déjà se faire en l’absence d’un cadre formel.

Je rappelle à mon tour qu’un amendement identique avait déjà été discuté dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la délimitation des régions. Le Gouvernement, que je représentais alors, avait déjà émis un avis défavorable, que je réitère aujourd’hui.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Je souhaite apporter une précision à M. Joyandet à la suite du débat que nous avons eu sur l’amendement n° 812 : aux termes de l’alinéa 32 de l’article 37, concernant les cartes grises, tant qu’une délibération globale n’aura pas été prise par la nouvelle région pour l’ensemble du territoire régional, les délibérations prises par les anciennes régions s’appliqueront. Il n’y aura donc pas d’uniformisation brutale au 1er janvier 2016.

Si vous souhaitez que l’on ouvre en outre la possibilité d’un lissage, nous pourrons l’envisager lors de l’examen du prochain projet de loi de finances.

Pour ce qui concerne les autres impôts, il n’existe pas d’autonomie régionale, au regret de beaucoup, d'ailleurs. Seules les cartes grises sont concernées, le produit de cette imposition ne représentant que 8 % de l’ensemble des recettes régionales.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

Madame la ministre, permettez-moi de prendre un exemple concret, celui de la fusion des régions Bourgogne et Franche-Comté, que je connais bien : si l’on alignait le tarif des cartes grises de Franche-Comté sur celui de Bourgogne, il en coûterait 18 millions d’euros supplémentaires aux Francs-Comtois. Contrairement à ce que vous donnez à entendre, ce n’est pas rien ! Le surcroît de prélèvement fiscal serait très élevé !

Par ailleurs, je vous signale que nous délibérons tous les ans ! Nous le ferons donc en 2016 pour fixer les taux d’imposition dans la nouvelle région, et ce avant le 31 mars ! Pour ouvrir une possibilité de lisser les taux d’imposition sur quatre ou cinq ans, il faut adopter une disposition législative à cette fin ! Madame la ministre, je ne comprends pas votre réponse, qui ne me satisfait nullement.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Nous vous apporterons des éléments de réponse écrits.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 14 janvier 2015, à quatorze heures trente et le soir :

Suite du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (procédure accélérée) (n° 636, 2013-2014) ;

Rapport de MM. Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois (174, 2014-2015) ;

Texte de la commission (n° 175, 2014-2015) ;

Avis de M. Rémy Pointereau, fait au nom de la commission du développement durable (140, 2014-2015) ;

Avis de Mme Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (150, 2014-2015) ;

Avis de M. René-Paul Savary, fait au nom de la commission des affaires sociales (154, 2014-2015) ;

Avis de Mme Valérie Létard, fait au nom de la commission des affaires économiques (157, 2014-2015) ;

Avis de M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances (184, 2014-2015).

En outre, à quatorze heures trente :

Désignation des trente-sept membres du groupe de travail préfigurant la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi pour la croissance et l’activité.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le mercredi 14 janvier 2015, à zéro heure vingt-cinq.