Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de Mme la Première ministre, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi se réunit au Sénat le mercredi 9 novembre 2022.
Elle procède tout d'abord à la désignation de son Bureau, constitué de Mme Catherine Deroche, sénatrice, présidente, de Mme Fadila Khattabi, députée, vice-présidente, de Mme Frédérique Puissat, sénateur, rapporteur pour le Sénat, de M. Olivier Henno, sénateur, rapporteur pour le Sénat, et de M. Marc Ferracci, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution, une commission mixte paritaire est chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, adopté par l'Assemblée nationale le 11 octobre 2022 et par le Sénat le 25 octobre 2022.
Je souhaite la bienvenue à nos collègues députés. Nos travaux s'annoncent fructueux, nos deux rapporteurs ayant beaucoup travaillé sur un texte difficile, chargé d'une dimension principielle importante et à fort impact sur le quotidien de nos concitoyens.
Nos rapporteurs, Frédérique Puissat et Olivier Henno, vont d'abord présenter le texte issu des travaux du Sénat, dernière assemblée saisie, puis Marc Ferracci formulera ses observations sur les modifications que nous avons apportées.
Merci de votre accueil. Ce texte est effectivement important.
Le projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi comptait initialement cinq articles. L'Assemblée nationale a inséré quatre articles additionnels. À l'issue de son examen par le Sénat, le texte s'est enrichi de six nouveaux articles tandis que deux articles ont été adoptés conformes. Au total, treize articles restent donc en discussion. Au-delà de cet aspect quantitatif, le Sénat a entendu donner du sens à un texte qui, pour l'essentiel, visait initialement à proroger les règles actuelles du régime d'assurance chômage.
Je tiens à remercier Marc Ferracci pour la qualité de nos échanges en amont de cette réunion. Malgré des points de divergence, notre volonté commune a été d'agir pour améliorer le fonctionnement du marché du travail.
À l'article 1er, qui a constitué un point central de nos débats, nous sommes parvenus à une rédaction de compromis, qui témoigne de la volonté du Sénat de restaurer la place des partenaires sociaux dans la définition des règles de l'assurance chômage.
Comme l'avait prévu l'Assemblée nationale, le Gouvernement sera autorisé à prendre par décret en Conseil d'État les mesures d'application du régime d'assurance chômage jusqu'au 31 décembre 2023, ainsi qu'à prolonger l'application du « bonus-malus » sur les contributions d'assurance chômage jusqu'au 31 août 2024. En revanche, la rédaction que nous vous proposons conserve l'apport du Sénat prévoyant que le Gouvernement devra engager, conformément à l'article L. 1 du code du travail, une concertation avec les partenaires sociaux sur la gouvernance de l'assurance chômage, mais aussi sur les conditions de l'équilibre financier du régime, suivie, le cas échéant, d'une négociation. Le document d'orientation invitera notamment les partenaires sociaux à négocier sur l'opportunité de maintenir le document de cadrage issu de la réforme de 2018, que le Sénat avait entendu supprimer.
Le Sénat a introduit deux articles visant à supprimer l'allocation chômage en cas de refus de contrats à durée indéterminée (CDI) : l'article 1er bis AA, introduit en commission, prévoit que le droit à l'allocation ne peut être ouvert après trois refus de CDI à l'issue de contrats à durée déterminée (CDD) sur une période de douze mois, tandis que l'article 1er bis ABA, créé par voie d'amendement de notre collègue Laurent Duplomb, supprime l'indemnisation après un refus de CDI proposé par l'entreprise utilisatrice à l'issue d'une mission en intérim.
Nous avons pris en compte le risque juridique que comportait la différence de traitement entre salariés en CDD et intérimaires, et vous proposerons donc, à l'article 1er bis AA, une rédaction de compromis concernant à la fois les fins de CDD et les fins de mission d'intérim : dans les deux cas, l'indemnisation du chômage sera supprimée après deux refus de CDI sur un emploi similaire. Nous nous félicitons que le point de vue du Sénat ait été entendu, même si nous avons conscience que la mise en oeuvre de cette mesure sera complexe.
L'inscription dans la loi du principe de contracyclicité, que le Gouvernement entendait mettre en oeuvre par décret, ne sera pas non plus remise en cause dans le texte que nous vous proposons d'adopter.
Nous pouvons également nous réjouir que puisse être maintenu l'article 1er bis AB, issu d'un amendement de notre collègue Philippe Bas, qui introduit un parallélisme des procédures en cas d'indemnisation du chômage d'un ancien agent par une collectivité territoriale.
À l'article 2, le Sénat a proposé des évolutions substantielles du bonus-malus sur les contributions d'assurance chômage. Nous avons entendu l'argument selon lequel il est préférable que les règles ne changent pas avant deux ans d'application du dispositif, même si nous continuons à penser qu'il n'est pas adapté et nécessitera au moins d'être recentré sur son objectif premier de lutte contre la « permittence » et l'usage excessif des contrats courts. Nous reviendrons donc à la rédaction de l'Assemblée nationale, qui apporte néanmoins une transparence bienvenue aux employeurs concernés.
Afin d'offrir aux employeurs des alternatives aux contrats courts, le Sénat a prévu à l'article 2 ter un assouplissement des règles du CDI intérimaire (CDII) que nous vous proposons de conserver.
Sur les autres articles, notamment l'article 1er bis A concernant l'abandon de poste, nos positions étaient très proches et nous ne proposerons que des ajustements rédactionnels.
Au total, le texte que nous vous proposons d'adopter reflète l'ambition du Sénat de redonner une chance au paritarisme et sa préoccupation d'adapter les règles d'indemnisation du chômage aux réalités actuelles du marché du travail.
Je remercie à mon tour notre collègue Marc Ferracci pour la qualité et la sincérité de nos échanges en amont de notre réunion. Ils nous ont permis de surmonter nos divergences pour vous proposer des propositions équilibrées.
Pour compléter les propos de ma collègue Frédérique Puissat, j'évoquerai d'abord les dispositions relatives à la validation des acquis de l'expérience (VAE).
À l'article 4, le Sénat a souhaité s'inscrire dans la démarche engagée par le Gouvernement et l'Assemblée nationale pour rendre plus accessible la VAE et renforcer l'accompagnement des candidats. Dans ce cadre, nous avons souhaité sortir d'une approche par statut en posant le principe d'une VAE ouverte à toute personne dont l'expérience est en lien avec la certification visée. Elle permettra d'éviter les risques d'exclusion de certaines personnes, notamment les proches aidants, qui pourront ainsi tous bénéficier pleinement du dispositif. Nous vous proposons donc de maintenir cet apport du Sénat, qui doit donner un nouveau souffle à la VAE, afin qu'elle devienne une troisième voie de formation, aux côtés de la formation initiale et de la formation continue.
Concernant la mise en oeuvre du service public de la VAE au moyen d'un groupement d'intérêt public (GIP) national, nous vous proposons de conserver l'apport du Sénat, qui a souhaité préciser que les missions du GIP devront être assurées en tenant compte des besoins en qualifications selon les territoires. En revanche, nous vous proposons de conserver la gouvernance du GIP dans la version issue des travaux de l'Assemblée nationale. Le Sénat avait ajouté deux membres de droit supplémentaires et précisé que le GIP serait présidé par un président de conseil régional. Ces précisions pourront être définies entre les membres de droit du GIP dans le cadre de sa convention constitutive, sans que la loi n'apporte trop de précisions qui figeraient la gouvernance.
Le Sénat a introduit, sur l'initiative du Gouvernement, un article 4 bis prévoyant l'expérimentation de contrats de professionnalisation qui combineront formation en alternance et parcours de VAE. Nous vous proposons de maintenir ce dispositif, en précisant simplement que le rapport d'évaluation de l'expérimentation devra être remis six mois avant son terme et non six mois après.
Concernant les dispositions relatives aux élections professionnelles, nous vous proposons de retenir l'article 3 dans la rédaction issue des travaux du Sénat, qui n'a procédé qu'à des coordinations.
Le Sénat a, en outre, introduit un article 3 bis visant à sécuriser la mesure de la représentativité des organisations syndicales dans les branches de l'enseignement privé. Nous vous proposons de conserver ce dispositif en le recentrant sur ses dispositions de niveau législatif et en limitant la durée de la dérogation jusqu'à la mesure de l'audience qui aura lieu en 2029, soit la deuxième à compter de la publication de la loi.
Enfin, le Sénat a souhaité, à l'article 5, ne maintenir que la ratification des ordonnances qui continuent aujourd'hui à produire des effets juridiques. Nous avions en effet considéré que la ratification des ordonnances qui ne sont plus en vigueur ne présentait d'autre intérêt que celui de rehausser les statistiques de ratification d'ordonnances. Nous mesurons toutefois la portée symbolique de cette démarche et, n'ayant pas d'opposition de fond sur les ordonnances concernées, nous vous proposons de rétablir la rédaction de cet article dans la version issue des travaux de l'Assemblée nationale, à une exception près : en accord avec notre collègue rapporteur, nous ne retiendrons pas celle qui a été annulée par le Conseil d'État au motif qu'elle méconnaissait le champ de l'habilitation qui avait été donnée au Gouvernement.
Au total, nous allons vous présenter des propositions de rédaction de compromis, qui permettront, nous le pensons, d'aboutir à un texte équilibré au service de l'emploi et de la formation professionnelle de nos concitoyens grâce aux apports respectifs de nos deux assemblées. Je me félicite de la volonté constructive des uns et des autres ; nous avons cultivé l'art de la négociation, et ce au service de l'intérêt général et du bien commun.
Je remercie mes collègues Frédérique Puissat et Olivier Henno pour la qualité et, pour reprendre le terme de M. Henno, la sincérité de nos échanges.
En préambule, je tiens à rappeler l'objectif qui nous réunit ici aujourd'hui, et qui a été rappelé à maintes reprises par le Président de la République : le plein emploi. Ce projet de loi constitue une première brique dans la stratégie de long terme du Gouvernement pour permettre à un maximum de nos concitoyens d'accéder à un emploi stable et durable.
L'examen de ce texte a été soumis à des délais contraints parce qu'il répondait d'abord à l'urgence d'assurer la continuité de l'assurance chômage dont les accords régissant les règles arrivaient à leur terme. Le Parlement s'est néanmoins pleinement saisi de ce texte : les députés et les sénateurs l'ont considérablement enrichi, faisant passer de cinq à quinze le nombre des articles au cours de la navette. Je tiens à saluer l'esprit constructif et le dialogue qui a prévalu durant nos travaux ; je me félicite que des discussions de fond aient été engagées sur l'ensemble des articles. Le texte que nous vous proposons valide en partie le projet de loi initial, complété des dispositions que les rapporteurs assument.
L'article 1er du projet de loi, qui en justifiait le caractère urgent, permettra au Gouvernement de préserver le fonctionnement de l'assurance chômage pendant une période transitoire durant laquelle une phase de concertation puis de négociation sur ses règles de gouvernance s'ouvrira avec les partenaires sociaux. Il importait de préserver le calendrier nécessaire à cette concertation. Nous avons entendu les demandes du Sénat, et nous avons précisé les thèmes ayant vocation à être traités par les partenaires sociaux dans le cadre de la négociation interprofessionnelle, notamment la référence explicite au document de cadrage, dont on sait qu'il suscite des critiques, ainsi que la question de l'équilibre financier.
Sur le sujet de la gouvernance, cet article n'a pas vocation à entériner une forme de reprise en main de l'assurance chômage par l'État. Il ne s'agit pas, comme j'ai pu l'entendre, d'une reprise en main par l'État de l'assurance chômage, mais bien d'une première étape nécessaire pour proposer une réforme que l'ensemble des acteurs appelle de ses voeux.
Le Sénat a également souhaité inscrire dans la loi la possibilité de moduler les règles de l'assurance chômage en fonction d'indicateurs conjoncturels, faculté dont pourra se saisir le Gouvernement après que la concertation avec les partenaires sociaux aura eu lieu sur la prorogation des règles actuellement en vigueur.
Je me félicite par ailleurs que ce projet de loi vienne conforter le dispositif de bonus-malus sur les contributions patronales : l'article 2 le rend plus compréhensible par les entreprises, qui pourront désormais connaître la liste des salariés justifiant leur taux de séparation. Il est nécessaire d'attendre l'évaluation, dont le principe a été lancé par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) voilà quelques semaines. La prorogation du dispositif jusqu'à l'été 2024 permettra de mesurer les effets du dispositif avant d'envisager d'éventuels aménagements.
Outre des articles plus techniques concernant les élections professionnelles et l'attribution de l'assurance chômage à certaines catégories d'agents publics, introduits à la demande des rapporteurs du Sénat, le projet de loi comprend, grâce au travail collectif, de nouveaux dispositifs visant à assurer le bon fonctionnement du marché du travail en cette période de fortes tensions dans certains secteurs.
Il en va ainsi du renouvellement de l'expérimentation des CDD multi-remplacements, qui n'avait pu être menée à son terme du fait de la crise sanitaire, mais aussi des nouvelles règles visant à refuser l'indemnisation de demandeurs d'emploi qui ne se trouveraient pas dans une situation de privation involontaire d'emploi, à la suite d'un abandon de poste ou parce qu'ils ont refusé à deux reprises une proposition de CDI en fin de contrat court. Je me félicite que le dispositif concernant l'abandon de poste, introduit par nos collègues de la majorité et du groupe LR à l'Assemblée nationale, ait été maintenu.
Alors que l'enjeu de la formation et de la qualification doit être au coeur des politiques du plein emploi, l'article 4 du projet de loi, qui a été considérablement enrichi par le Gouvernement et les parlementaires - je remercie Olivier Henno à cet égard -, crée un véritable service public de la validation des acquis de l'expérience. Cette réforme a pour ambition d'atteindre l'objectif de 100 000 VAE chaque année, contre 30 000 actuellement. De l'objectif initial, et qui demeure, de valoriser l'expérience des proches aidants, le projet de loi a résolument ouvert ce dispositif à toute personne justifiant d'une activité en lien avec le contenu de la certification visée, ce qui constitue une avancée significative.
L'article 5, qui n'a pas de portée concrète pour nos concitoyens, satisfait aux conditions de l'article 38 de la Constitution - j'étais, à titre personnel, attaché au respect de la Constitution - en proposant au Parlement de sécuriser a posteriori les outils qui ont été nécessaires durant la période du covid.
J'espère que vous adopterez le texte qui résulte d'un compromis entre nos deux assemblées.
Le débat sur ce texte a été l'occasion pour la majorité sénatoriale, le Gouvernement et la majorité présidentielle d'exprimer des points de vue bien différents.
Notre groupe n'approuvait pas l'évolution des droits des demandeurs d'emploi résultant de la réforme de 2018. Le texte issu des travaux du Sénat ne revient pas sur certains principes que nous contestons et a durci les règles d'indemnisation. Nous rejetterons avec autant de force le texte que vous nous proposez aujourd'hui. Le paritarisme plein et entier demandé par les partenaires sociaux n'est pas au rendez-vous, la reprise en main de la gouvernance par l'État n'est pas acceptable.
Vous faites comme si les demandeurs d'emploi ne souhaitaient pas retrouver du travail et revendiquaient le droit à la paresse, comme je l'ai entendu hier dans l'hémicycle lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Les chômeurs seraient la cause des maux des entreprises qui ne trouveraient pas de main-d'oeuvre. Interrogeons-nous plutôt sur les raisons pour lesquelles certains chômeurs ne retrouvent pas d'emploi. Des personnes ayant travaillé durant vingt ou vingt-cinq ans dans le secteur de l'agroalimentaire souffrent de troubles musculo-squelettiques (TMS) et ne peuvent pas reprendre certains emplois. D'autres sont confrontées à des problèmes de mobilité, d'organisation de la vie familiale ; je pense notamment aux familles monoparentales. On devrait plutôt se poser la question des rémunérations, de l'attractivité des métiers, de la pénibilité, de la formation ou encore de l'adéquation des postes offerts.
Pour toutes ces raisons, notre groupe ne votera pas ce texte.
Nous constatons une divergence de vues profonde sur la question du travail, le fonctionnement de notre économie et sur ce que doit être l'assurance chômage. Les débats ont été vifs à l'Assemblée nationale.
Pour ma part, je souhaite que l'on puisse avancer. Le projet de loi qui nous a présenté par le Gouvernement m'avait semblé maigre et insuffisant eu égard à la nécessité de provoquer un électrochoc. J'avais estimé qu'il s'agissait d'un texte d'attente, d'un texte intermédiaire ; il a été enrichi un peu par l'Assemblée nationale et beaucoup par le Sénat. Même si la négociation a pu être âpre entre vous, j'ai cru comprendre que nous pourrions parvenir à des points de convergence. Toutefois, quid de l'assurance chômage et de son rôle quant au plein emploi ?
Ce texte de compromis est une esquisse - on y voit là la touche de la majorité sénatoriale et d'une opposition constructive à l'Assemblée nationale -, mais il reste encore des marges de manoeuvre.
Nous serons très vigilants sur l'article 4 relatif à la VAE, car nous craignons un déport de l'organisation de la VAE du code de l'éducation vers le code du travail. Il ne faudrait pas que la VAE débouche sur des qualifications au rabais. Nous serons attentifs aux conclusions du rapport du Gouvernement sur l'expérimentation prévue à l'article 4 bis.
Une fois de plus, le bicamérisme a prouvé sa force, en trouvant des compromis pour avancer. Ce projet de loi marque une étape, qui en appelle d'autres. Il fallait sortir de l'impasse dans laquelle nous étions, chacun le sait, en donnant un cadre juridique aux règles d'indemnisation du chômage après l'échec des négociations en 2018-2019.
Nous nous félicitons de la disposition relative à l'abandon de poste, une mesure demandée qui constitue une avancée, et de la suppression de l'indemnisation après deux refus de CDI - notre groupe était plutôt favorable à trois refus, mais je me rallie au compromis. Philippe Bas a apporté sa patte en voulant protéger les collectivités territoriales ; la disposition proposée constitue une avancée salutaire.
Olivier Henno a ouvert le spectre de la VAE, ce qui va dans le bon sens.
Permettez-moi toutefois de souligner que nous devrons être prudents sur les CDI intérimaires ; n'oublions pas d'où nous venons. Concernant le dispositif du bonus-malus, nous revenons à une position empreinte de sagesse : il a montré son efficacité.
Je conclurai en soulignant la qualité du travail des rapporteurs. Toutefois, la question de savoir comment sera défini demain un nouveau cadre de fonctionnement avec les partenaires sociaux reste posée. Il faudra déterminer ce qui relève de l'assurantiel et ce qui relève de la solidarité. Le paritarisme était en danger, nous lui offrons de nouvelles perspectives. D'ici au 31 décembre 2023, les partenaires sociaux peuvent reprendre toute la place qu'ils doivent avoir. Mais il n'en demeure pas moins qu'il appartient au politique de s'adapter au marché du travail, car des secteurs sont actuellement en tension.
Nous soutenons ce texte équilibré, qui est de nature à aider ceux qui cherchent du travail et à fluidifier le marché de l'emploi.
Je suis d'accord, le texte initial était extrêmement maigre, mais là était sa plus grande qualité. De nombreuses questions n'ont pas été soulevées.
Demeure le problème de la méthode : ce texte semble contourner les règles du paritarisme, avec une reprise en main par l'État et le Gouvernement des règles de l'assurance chômage. Nous sommes en train de légiférer sans connaître la modulation des droits que le Gouvernement envisage d'établir. S'y ajoutent la privation de l'indemnisation chômage en cas de refus de CDI, ainsi que le déplafonnement de la durée des missions effectuées dans le cadre des CDI intérimaires, qui emporte lui aussi une série de conséquences.
Ce projet de loi abîme le système assurantiel en tant que tel : alors que les droits sociaux sont fondés sur des cotisations préalablement acquises, une partie des droits sera désormais fondée sur des comportements ultérieurs, parfois présumés.
En outre, c'est la nature même du contrat de travail qui pose problème : il s'agira presque d'un contrat de vie. Désormais, c'est la non-signature d'un contrat qui aura des conséquences sur le parcours des demandeurs d'emploi, ce qui constitue un coup de canif assez fort au principe de la liberté contractuelle hérité de la Révolution française. Dire qu'on n'est pas involontairement privé d'emploi dès lors que l'on refuse un CDI, c'est méconnaître les raisons de ce refus.
Les amendements relatifs au CDI intérimaire établissent une concurrence déloyale avec le CDI employabilité (CDIE), mis en place en 2018 pour sécuriser des parcours professionnels en maintenant un droit à la formation. Se pose aussi un problème de sémantique : dès lors qu'un phénomène intérimaire devient pérenne, il y a contradiction dans les termes - c'est un point qui mériterait une discussion beaucoup plus approfondie que celle nous avons maintenant.
Le grand public mériterait que nous continuions à débattre ; une nouvelle lecture serait souhaitable. Pourquoi 6,2 millions de demandeurs d'emploi sont-ils inscrits à Pôle emploi ? Est-ce à cause des chômeurs eux-mêmes ou des structures productives du pays ? C'est parce que je suis convaincu que cela est dû à cette seconde raison que je voterai contre ce texte.
Le groupe LR du Sénat soutiendra ce texte. Je salue le travail de nos deux rapporteurs et leur relation privilégiée avec le rapporteur de l'Assemblée nationale, et je me félicite de leur volonté de parvenir à une rédaction commune.
Avec ce texte, nous souhaitions contribuer au plein emploi, cet objectif a été rappelé. Nous voulions également préserver le rôle fondamental du paritarisme, élément essentiel. Les partenaires sociaux devront à l'avenir travailler à faire évoluer le dispositif de l'assurance chômage.
Je salue les évolutions importantes qui sont intervenues. La suppression de l'indemnisation de l'assurance chômage en cas de refus de CDI ou d'abandon de poste était, pour nous, un marqueur.
Le service public de la VAE constitue une véritable plus-value, car cela contribuera à faire évoluer les choses.
J'évoquerai un point de vigilance concernant les CDI intérimaires et les CDIE. Il conviendra sans doute de procéder à une évaluation de ces dispositifs, pour en tirer les conséquences.
Nous soutiendrons ce texte, sachant qu'il ne constitue qu'une étape. Avec 6,2 millions de demandeurs d'emploi, il importe de faire évoluer certains périmètres d'action, l'assurance chômage n'étant qu'une brique. Le Sénat contribuera à travailler sur d'autres enjeux fondamentaux.
La position du groupe socialiste à l'Assemblée nationale converge avec celle des socialistes au Sénat, qui ont bataillé pour que ce texte ne soit pas un texte de régression nationale. Des chômeurs vont être privés de leurs droits pour des raisons qui ne sont pas dépendantes de leur volonté, mais de la conjoncture économique et de la volonté potentielle de l'employeur de se débarrasser à moindre coût d'un salarié ; c'est ce que sous-tend notamment la question de l'abandon de poste.
Vous introduisez un certain nombre de dispositions particulièrement dangereuses, alors qu'on aurait pu espérer davantage de modération de la part de la majorité présidentielle. Les rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat partagent une même logique libérale ; entre le centre droit et la droite, on observe une convergence de vision et de projet.
Quand des salariés se verront proposer un CDI faiblement rémunéré, ils auront désormais à choisir entre la forte précarité et l'absence d'indemnités chômage ; telle est la réalité de ce texte.
Concernant la VAE, nous aurions pu être favorables à un certain nombre de dispositions visant à améliorer le dispositif. Mais nous déplorons votre méthode et regrettons de ne pas avoir été sollicités en amont de la discussion. Nous souhaitons que cette CMP ne soit pas conclusive pour discuter de nouveau du texte à l'Assemblée nationale et enfin parler sur le fond de cette question. Nous recevons des alertes, notamment des universités, au sujet de la question du diplôme, des certifications, des jurys. De nombreuses questions restent en suspens, avec de grandes inquiétudes à la fois pour les chômeurs et, plus largement, pour la VAE qui aurait mérité mieux que ce débat abrupt et improvisé.
Vous fondez votre réflexion sur des chiffres qui n'existent pas. Quand nous avons évoqué la question des abandons de poste avec les juristes et aussi les chefs d'entreprise, ils nous ont dit l'inverse, à savoir que l'abandon de poste était avant tout un outil à la disposition du chef d'entreprise pour ne pas payer d'indemnités à la suite d'une rupture conventionnelle.
Vous allez précariser encore davantage ceux qui se trouvent dans des situations déjà difficiles. Les salariés seront encore moins bien protégés qu'ils ne l'étaient. Cela s'inscrit dans la logique de vos projets de loi successifs qui ont dégradé les protections des travailleurs.
En contournant la négociation, vous avez également affaibli le dialogue social. Nous rejoignons ceux qui s'opposeront à ce texte.
Je félicite les rapporteurs pour la qualité du travail réalisé et je ne doute pas que les négociations furent peut-être parfois âpres. L'objectif qui nous réunit, c'est l'emploi durable. Je souligne les avancées du texte, mais j'émets de très fortes réserves concernant le déplafonnement du CDI intérimaire, ce qui revient à l'inscrire dans la durée : trente-six mois est déjà une longue période, et je sais que des entreprises en usent et en abusent. Nous aurions pu trouver un point d'équilibre afin de sécuriser les salariés, en disant, par exemple, que l'on peut prolonger la durée des missions d'une ou deux années, plutôt que de déplafonner comme cela, sans garde-fou.
Se pose aussi la question du CDIE. J'ai défendu ce dispositif afin de permettre aux personnes de s'inscrire professionnellement dans la durée, tout en renforçant la formation pour accompagner les personnes les plus précaires qui ont besoin d'accroître leurs compétences.
J'apprécie l'esprit de compromis qui a permis de décloisonner certaines problématiques. À titre personnel, je reste dubitatif sur le refus de CDI, je crois beaucoup plus à la flexibilité.
Le taux de chômage s'élevait à 10 % il y a cinq ans, contre 7 % aujourd'hui. La deuxième étape consiste maintenant à aller vers le plein emploi, en remettant les partenaires sociaux au centre du jeu, comme ce texte s'applique à le faire.
Nous pouvons nous retrouver sur certains points, notamment sur la privation d'indemnisation chômage en cas de refus répétés d'offres d'emploi en CDI, ou d'abandon de poste. Cependant, des éléments bloquants demeurent.
Nous sommes opposés à la modulation en fonction de la conjoncture, car elle risque d'entraîner une perte de pouvoir d'achat pour les Français et une tension du marché du travail. Nous ne souhaitons pas non plus vider de sa substance le contrat de professionnalisation en l'associant de manière indirecte à la VAE. Enfin, nous sommes opposés à la suppression de la durée maximale de trente-six mois applicable aux missions d'intérim dans le cadre d'un CDI intérimaire, qui favorise la précarité de l'emploi.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte.
Je me permets de répondre sur le CDIE. Nous devons rester modestes. Je rappelle qu'une expérimentation est en cours. De nouvelles formes de mise à disposition se développent ; il s'agit d'apprécier leur complémentarité et de voir comment ils peuvent répondre aux attentes.
Les deux dispositifs ne répondent pas aux mêmes besoins : le CDIE s'adresse à des publics très éloignés de l'emploi, ce qui n'est pas le cas du CDII ; les motifs de recours sont également très différents pour les entreprises utilisatrices ; enfin, la durée est différente - trente-six mois aujourd'hui pour les missions réalisées en CDII, 5 ans pour le CDIE.
On ne peut pas dire que l'on maintient un dispositif de bonus-malus pour lutter contre la permittence et ne pas renforcer les outils qui pourraient permettre de l'éviter. C'est pour cette raison que nous avons introduit cet article, dans un souci d'équilibre, avec les outils à notre disposition.
Nous sommes attachés à l'idée que l'emploi stable progresse. Le CDIE et le CDII sont des alternatives à des formes d'emploi plus parcellaires, fractionnées et donc précaires. À titre personnel, j'ai toujours été favorable à ce que l'on élargisse le champ de ces formes d'emploi qui permettent d'avoir plusieurs employeurs, tout en conservant la sécurité juridique du CDI. Je suis favorable à l'idée de mettre les dispositifs en concurrence ; il faut regarder à qui ils peuvent s'appliquer.
Concernant le déplafonnement du CDII, j'entends les arguments. L'idée est de permettre aux entreprises qui subissent le bonus-malus d'avoir une modalité limitant leur taux de séparation, tout en proposant à leurs salariés une forme plus stable que les simples contrats de mission.
Article 1er
L'article 1er du projet de loi permet au Gouvernement d'agir par décret. La rédaction de l'Assemblée nationale prévoit une date de fin d'application des règles d'indemnisation au 31 décembre 2023 pour l'ensemble des mesures et au 31 août 2024 s'agissant de celles qui sont relatives au bonus-malus. L'idée est de laisser suffisamment de temps pour, d'une part, prolonger les règles et, d'autre part, observer les effets de la réforme de 2019, entrée en vigueur en 2021.
Il est également nécessaire de mener une concertation, puis une négociation interprofessionnelle sur la gouvernance de l'assurance chômage. Nous proposons que le document d'orientation transmis aux partenaires sociaux mentionne explicitement la question du maintien du document de cadrage figurant dans le code du travail. Ce document a été expérimenté dans le cadre de la réforme de 2018 ; il n'a pas, jusqu'à présent, produit ces effets, puisque les partenaires sociaux n'avaient pas réussi, en 2019, à se mettre d'accord.
Nous proposons que le document d'orientation mentionne également la question de l'équilibre financier de l'assurance chômage. En revanche, du côté de la majorité présidentielle à l'Assemblée nationale, nous sommes attachés à ce que ce document n'évoque pas les règles d'indemnisation ; en effet, ce serait compromettre le travail de concertation mené par le Gouvernement avec les partenaires sociaux.
La proposition commune de rédaction n° 1 fait droit à ces objectifs d'équilibre et de compromis.
La proposition commune de rédaction n° 1 des rapporteurs est adoptée.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 1er bis AA
La proposition commune de rédaction n° 2 vise à appliquer une règle équivalente aux demandeurs d'emploi ayant refusé des propositions de CDI à l'issue de CDD ou de missions d'intérim. Sur ces articles, nous avons dû lever un certain nombre de difficultés.
Première difficulté : il a fallu renvoyer à un décret les modalités d'application de cet article pour s'assurer de la mise en application opérationnelle de ces dispositions qui nécessitent, à la fois de la part des employeurs et de Pôle emploi, des adaptations.
La deuxième difficulté porte sur la compatibilité entre les dispositifs. Nous avons apporté des précisions de manière que l'offre raisonnable d'emploi ne vienne pas vider le dispositif proposé de sa substance.
Dernière difficulté : la différence de traitement résultant du texte du Sénat entre un CDI refusé à la suite d'une mission d'intérim et à la suite de CDD.
La proposition de rédaction vise à tout regrouper dans un seul article et, donc, par cohérence, nous proposerons de supprimer l'article 1er bis ABA.
La proposition commune de rédaction n° 2 des rapporteurs est adoptée.
L'article 1er bis AA est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 1er bis ABA
L'article 1er bis ABA est supprimé.
Article 1er bis AB
L'article 1er bis AB est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve de modifications rédactionnelles.
Article 1er bis A
L'article 1er bis A est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve d'une modification rédactionnelle.
Article 2
L'article 2 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale, sous réserve d'une modification rédactionnelle.
Article 2 bis
L'article 2 bis est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve d'une modification rédactionnelle.
Article 2 ter
L'article 2 ter est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 3
L'article 3 est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve de modifications rédactionnelles.
Article 3 bis
Cet article prévoit des modalités dérogatoires de détermination de la représentativité syndicale dans les branches de l'enseignement privé à but non lucratif, dans l'attente d'une mesure de l'audience conforme aux dispositions légales précisées par la jurisprudence du Conseil d'État.
Dans les établissements concernés, qui emploient à la fois des salariés et des maîtres sous contrat avec l'État, les suffrages de ces deux catégories de personnel aux élections professionnelles doivent être recueillis dans des urnes séparées, afin de pouvoir les comptabiliser de manière distincte.
La proposition commune de rédaction n° 3 vise à recentrer cet article sur ses dispositions de niveau législatif et à limiter la durée de dérogation jusqu'à la mesure de l'audience qui aura lieu en 2029, soit la deuxième à compter de la publication de la loi.
La proposition commune de rédaction n° 3 des rapporteurs est adoptée.
L'article 3 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 4
Il est proposé de rétablir la gouvernance du GIP dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale. Concrètement, il s'agit de revenir sur des modifications apportées par le Sénat, qui prévoyait l'ajout notamment de deux membres de droit supplémentaires : l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) et France compétences. Or, les compétences de ces deux structures en matière de VAE sont, au mieux, déléguées par l'État ; il ne nous semble pas opportun de les intégrer en tant que membres de droit. J'ajoute néanmoins qu'ils pourront figurer dans les instances dirigeantes.
Par ailleurs, comme l'a indiqué Olivier Henno, nous sommes revenus sur le principe de confier la présidence du GIP à un président de conseil régional. La VAE est un dispositif de portée nationale qui réclame la coordination de plusieurs ministères ; il nous semble préférable de réserver à la discussion cette question de la présidence.
La proposition commune de rédaction n° 4 des rapporteurs est adoptée.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 4 bis
La proposition de rédaction commune n° 5 prévoit que le rapport d'évaluation de l'expérimentation permettant de combiner formation en alternance et parcours de VAE soit remis au Parlement six mois avant le terme de l'expérimentation, et non six mois après.
La proposition commune de rédaction n° 5 des rapporteurs est adoptée.
L'article 4 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 5
La proposition commune de rédaction n° 6 rétablit l'article 5 dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale. Celle-ci permet la ratification de vingt ordonnances ; nous avons supprimé la vingt-et-unième qui a été annulée par une décision du Conseil d'État.
L'enjeu, au-delà de la question des statistiques en matière de ratification, est de ne pas exclure totalement ces ordonnances de l'ordonnancement juridique. De manière plus profonde, il s'agit de respecter l'esprit de l'article 38 de notre Constitution, qui impose de ratifier les ordonnances.
La proposition commune de rédaction n° 6 des rapporteurs est adoptée.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.
La réunion est close à 12 h 25.