Séance en hémicycle du 7 novembre 2023 à 21h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • délit
  • langue
  • nationalité
  • séjour

La séance

Source

La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt et une heures quarante, sous la présidence de Mme Sylvie Robert.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Somon

M. Laurent Somon. Lors du scrutin public n° 24 sur l’article 1er I, Alain Milon souhaitait voter contre, et non pour.

Marques d ’ ironie sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle FLORENNES

Lors du même scrutin public sur l’article 1er I, Mme Nathalie Goulet et M. Bernard Delcros souhaitent voter contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Acte est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Nous reprenons la discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.

Dans la discussion des articles, nous sommes parvenus à l’amendement n° 65 rectifié bis tendant à insérer un article additionnel après l’article 1er J.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L’amendement n° 65 rectifié bis, présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet et Tabarot, Mmes Lopez et Garnier, M. Klinger et Mmes Josende et Goy-Chavent, est ainsi libellé :

Après l’article 1er J

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 313-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le maire ne peut valider l’attestation d’accueil si le logement de l’hébergeant est situé dans un quartier prioritaire de la politique de la ville au sens de l’article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. »

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Un étranger souhaitant venir en France pour une visite privée ou familiale inférieure à trois mois doit présenter un justificatif d’hébergement.

Ce document, dénommé « attestation d’accueil », est demandé auprès de la mairie de son lieu de résidence par la personne qui l’accueillera à son domicile lors du séjour en France. L’attestation est délivrée par la mairie si l’hébergeur remplit certaines conditions.

L’attestation d’accueil concerne tout étranger non européen souhaitant séjourner en France.

Parmi les conditions à remplir pour obtenir cette attestation figure notamment la capacité du demandeur à disposer d’un hébergement suffisant et à subvenir aux frais de séjour.

Par cet amendement, je souhaite demander aux maires de ne plus valider l’attestation d’accueil si le logement de l’hébergeant est situé dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV).

Marques d ’ indignation sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Parce qu’il y a des incohérences, chers collègues ! Vous connaissez les conditions particulièrement strictes d’obtention d’un logement dans ces quartiers, par exemple au regard du nombre de chambres par personne et par enfant.

Nombre d’étrangers venus pour un séjour en France ne repartent plus. Certains quartiers se retrouvent alors dans des situations particulièrement difficiles, comme beaucoup d’entre nous l’ont souligné hier soir lors du débat sur les attestations d’hébergement.

Les auteurs de cet amendement se sont inspirés de la situation au Danemark, où les sociaux-démocrates ont mis en place des procédures particulières à destination des quartiers prioritaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Malgré votre pugnacité bien connue, madame Boyer, la commission ne peut être favorable à votre amendement.

En effet, priver une personne habitant un quartier prioritaire de la ville de la possibilité d’accueillir un étranger alors qu’elle remplit les conditions de logement et de ressources nécessaires constituerait une rupture du principe constitutionnel d’égalité.

La commission vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement – j’ai d’ailleurs cru percevoir dans votre propos tous les éléments d’un amendement d’appel… À défaut, l’avis serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Même avis, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Les termes de l’amendement de Mme Boyer et de ses collègues de droite sont très clairs : « Le maire ne peut valider l’attestation d’accueil si le logement de l’hébergeur est situé dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ».

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Notre groupe, comme d’autres à la gauche de cet hémicycle, ne peut rester indifférent face à la gravité de ces propos.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

M. Pascal Savoldelli. Pourquoi les droits de nos concitoyens seraient-ils différents selon qu’ils habitent, ou non, dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ?

M. Stéphane Ravier s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Or c’est bien de cela qu’il est question : par cet amendement, vous sanctionnez et des étrangers et des Français d’origine étrangère qui ont encore de la famille à l’étranger.

Je l’ai souligné voilà quelques instants sur un autre sujet, la France est une et indivisible. J’espère que nous partageons tous ce principe républicain. Or vous vous servez de ce projet de loi pour créer des catégories de Français.

Pour une fois, je partage l’avis de la commission – ce n’est pas toujours le cas, monsieur le rapporteur…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Les Français d’origine étrangère habitant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville n’auraient donc pas les mêmes droits que les autres. Si j’approuvais votre amendement, il faudrait que je dise au 1, 4 million de concitoyens de mon département, le Val-de-Marne, que nous ne sommes pas égaux. Et cela, vous le comprendrez, ce n’est pas possible pour nous !

Je vais faire entrer un peu d’imaginaire ou un peu de poésie dans cet hémicycle. Pour ma part, j’aime beaucoup Jean Ferrat.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

M. Gérald Darmanin, ministre. On s’en serait douté !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

La meilleure réponse à votre amendement se trouve dans l’une de ses chansons :

« Cet air de liberté au-delà des frontières

Aux peuples étrangers qui donnait le vertige »

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Depuis des années, nous réalisons un effort considérable en faveur de la politique de la ville, en raison des difficultés particulières de ces quartiers.

Il me semble important d’évoquer ces questions. Comme vous le savez, les conditions d’octroi des logements dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville sont particulièrement difficiles, surtout dans un contexte de crise du logement.

Lorsque nous avons auditionné des représentants d’autres pays pour savoir comment ils faisaient face aux mêmes difficultés, nous avons constaté que ces quartiers y faisaient l’objet de traitements particuliers.

Il s’agit non pas d’introduire des discriminations ou de créer des catégories différentes de Français, mais de prendre en compte ces difficultés majeures.

Lorsqu’elles arrivent en France avec un certificat d’hébergement, avec une attestation de tourisme ou avec n’importe quel autre document, la plupart des personnes peuvent très facilement ne plus repartir si elles ne le souhaitent pas, ce qui aggrave les difficultés de ces quartiers, qui sont déjà particulièrement importantes.

J’entends bien vos incessants appels à l’humanisme. Mais n’oubliez pas non plus de vous tourner vers ceux qui ont à supporter ces difficultés ! Cette question fondamentale mérite d’être posée.

Cela dit, madame la présidente, je retire mon amendement d’appel.

Mme Audrey Linkenheld et M. Hervé Gillé s ’ exclament.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L’amendement n° 65 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 430 rectifié, présenté par Mme Cazebonne, MM. Patriat, Rambaud, Buis, Iacovelli et Patient, Mme Havet et M. Lévrier, est ainsi libellé :

Après l’article 1er J

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – À l’article L. 436-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, après la première occurrence du mot : « articles », est insérée la référence : « L. 423-1, ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Samantha Cazebonne.

Debut de section - PermalienPhoto de Samantha Cazebonne

Cet amendement vise à exonérer les conjoints étrangers de Français de toute taxe liée à la délivrance ou au renouvellement de leur titre de séjour.

Le dispositif proposé correspond à une recommandation formulée par le Défenseur des droits.

Contrairement aux conjoints étrangers de ressortissants européens résidant en France, les conjoints étrangers de Français doivent s’acquitter d’une taxe d’un montant de 225 euros au moment de la délivrance et du renouvellement de leur carte de séjour.

Le Défenseur des droits considère que cette différence de traitement constitue une discrimination à rebours, fondée sur la nationalité et prohibée par le droit européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Ma chère collègue, vous êtes assurément plus compétente que n’importe lequel d’entre nous sur les questions de renouvellement des titres de séjour des conjoints étrangers de ressortissants français. Je m’exprimerai donc avec humilité.

Pour autant, j’émettrai un avis défavorable sur votre amendement : loin de toute logique de discrimination – sauf incompréhension de notre part, sur laquelle M. le ministre ne manquera pas d’attirer notre attention –, les taxes et droits de timbre sont destinés par l’État à couvrir les frais de traitement des dossiers, ce qui nous a semblé assez rationnel.

La commission émet donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Même avis, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Régulièrement, on se prévaut de la Défenseure des droits pour réclamer la fin de mesures prétendument discriminatoires – ce terme revient de manière récurrente.

Toutefois, Mme Hédon, autorité soi-disant indépendante, n’est pas forcément impartiale. Si vous avez eu la curiosité de lire le rapport annuel de la Défenseure des droits, mes chers collègues, vous y aurez trouvé tout un chapelet des discriminations.

Mme Claire Hédon est ainsi contre tout contrôle d’identité, procédure qu’elle considère comme discriminatoire et attentatoire à la liberté.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Elle est également contre toute réglementation des tenues à l’école et met en cause les chefs d’établissement ayant l’outrecuidance de demander à leurs élèves de porter une tenue correcte.

À force de remettre en question toute règle au nom de la discrimination, on finit par affaiblir la cause que l’on prétend défendre.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Monsieur Bonhomme, la Défenseure des droits est bien une autorité administrative indépendante (AAI). Elle a donc le droit d’exprimer les propos qu’elle souhaite.

Je vous conseille pour ma part de lire un rapport qui datait de 2017, si ma mémoire est bonne, celui d’un autre Défenseur des droits, qui était très engagé sur la question de l’immigration : Jacques Toubon.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 120 rectifié, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :

Après l’article 1er J

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant l’article L. 430-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 430-… ainsi rédigé :

« Art. L. 430 -…. – Aucun titre de séjour ne peut être délivré lorsque l’étranger se trouve en situation irrégulière sur le territoire français.

« Le fait, pour un étranger, de pénétrer ou de séjourner en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 312-2 et L. 411-1 ou de se maintenir en France au-delà de la durée autorisée par son visa est puni d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. »

La parole est à M. Joshua Hochart.

Debut de section - PermalienPhoto de Joshua HOCHART

Nous voulons envoyer un message clair et ferme aux étrangers souhaitant arriver illégalement en France ou voulant se maintenir sur notre territoire malgré l’expiration de leur visa.

Cet amendement tendant à insérer un article additionnel de bon sens s’inscrit dans la philosophie défendue par Marine Le Pen dans son programme présidentiel : aucun titre de séjour ne doit être délivré si le demandeur se maintient de manière illégale sur le territoire français.

En effet, si un migrant commence son intégration en enfreignant la loi, celle-ci ne doit pas lui accorder de droit au titre de séjour. Toute infraction doit être suivie d’une sanction dissuasive, non d’un permis de rester sur le territoire. Afin de freiner toute envie en la matière, nous proposons de punir ce délit d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L’amendement n° 549 rectifié ter, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :

Après l’article 1er J

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° L’article L. 821-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 821 -1 – L’étranger qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 311-1, L. 411-1, L. 411-3 et L. 433-7 ou qui s’est maintenu en France au-delà de la durée autorisée par son visa sera puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 euros.

« La juridiction pourra, en outre, interdire à l’étranger condamné de pénétrer ou de séjourner en France. L’interdiction du territoire emporte, de plein droit, reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant à l’expiration de la peine d’emprisonnement. » ;

2° Après l’article L. 821-1, il est inséré un article L. 821-1-… est ainsi rédigé :

« Art. L. 821 -1 -…. – Les peines prévues à l’article L. 821-1 sont applicables à l’étranger qui n’est pas ressortissant d’un État membre de l’Union européenne :

« 1° S’il a pénétré sur le territoire métropolitain sans remplir les conditions mentionnées aux points a, b ou c du paragraphe 1 de l’article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) et sans avoir été admis sur le territoire en application des points a et c du paragraphe 4 de l’article 5 de ce même règlement ; il en est de même lorsque l’étranger fait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission en application d’une décision exécutoire prise par un autre État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ;

« 2° Ou si, en provenance directe du territoire d’un État partie à cette convention, il est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux stipulations de ses articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, et 21, paragraphe 1 ou 2, à l’exception des conditions mentionnées au point e du paragraphe 1 de l’article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, précité et au point d lorsque le signalement aux fins de non-admission ne résulte pas d’une décision exécutoire prise par un autre État partie à la convention. »

La parole est à M. Stéphane Ravier.

Marques d ’ agacement sur les travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Merci, mes chers collègues, de votre accueil chaleureux !

Imaginez qu’un homme – ou une femme, bien sûr – passe par-dessus le portail de votre propriété, brise la fenêtre pour s’introduire chez vous, prenne de la nourriture dans votre réfrigérateur et s’installe tranquillement dans votre canapé pour siroter un verre…

Imaginez encore que la police, que vous avez appelée, vous réponde que cette personne a certes commis plusieurs délits, mais qu’il faut la comprendre : elle avait faim, elle avait soif, elle est manifestement mineure et son orientation sexuelle ne convenait pas à son entourage…

Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

La police vous apprend que, dans ce cas, vous êtes tenu de la garder chez vous, de lui offrir le gîte et le couvert et même le ticket de métro à tarif réduit ! On verra dans trois mois si on lui ordonne, ou non, de quitter votre domicile…

Remplacez votre logement par notre maison commune, la France, et vous comprendrez que c’est exactement ce que font les clandestins : ils violent la loi avant même de fouler notre sol en invoquant toutes sortes de raisons, plus invérifiables les unes que les autres.

Quand des gens entrent chez moi alors que je ne les ai pas invités, je dois pouvoir les sanctionner et protéger mon domicile. Il en va de même pour notre maison commune !

L’absence de « délictualisation » du séjour irrégulier constitue le summum de l’absurdité : l’entrée par effraction est interdite, mais, si vous le faites, vous ne serez pas puni, car on vous trouvera de bonnes et crédibles excuses ! Comment pourrions-nous être respectés et crédibles quand le monde entier rit de notre faiblesse ?

Par ailleurs, existe-t-il un autre pays avec une loi aussi loufoque ?

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous propose de rétablir le délit de séjour irrégulier, supprimé en 2012 par un certain Manuel Valls.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 64 rectifié ter est présenté par Mme V. Boyer, MM. Houpert et P. Martin et Mmes Goy-Chavent et Devésa.

L’amendement n° 342 rectifié bis est présenté par M. Le Rudulier, Mme Aeschlimann, MM. Allizard, Anglars, Bacci, Bas et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, M. E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Brisson, Bruyen, Burgoa, Cadec et Cambon, Mme Chain-Larché, M. Chaize, Mmes de Cidrac et Ciuntu, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumont, Estrosi Sassone, Eustache-Brinio et Evren, MM. Favreau et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Gueret, Hugonet et Husson, Mmes Jacques, Josende et Joseph, MM. Joyandet, Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge et H. Leroy, Mmes Lopez, Malet et P. Martin, M. Meignen, Mme Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Nédélec, M. de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pernot, Perrin et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Primas et Puissat, MM. Rapin, Reichardt, Retailleau et Reynaud, Mme Richer, MM. Rietmann, Rojouan, Saury, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon, Szpiner et Tabarot, Mme Ventalon, MM. C. Vial, J.-P. Vogel, Bouloux, Cuypers et Khalifé et Mme Petrus.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 1er J

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au début du chapitre II du titre II du livre VIII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est insérée une section … ainsi rédigée :

« Section …

« Manquement aux conditions de séjour

« Art. L. 822-…. – Est puni de 3 750 euros d’amende le fait pour tout étranger âgé de plus de dix-huit ans de séjourner en France au-delà de la durée autorisée par son visa ou en méconnaissance de l’article L. 411-1.

« L’étranger condamné en application du présent article encourt la peine complémentaire de trois ans d’interdiction du territoire français.

« Pour l’application du présent article, l’action publique ne peut être mise en mouvement que lorsque les faits ont été constatés lors d’une procédure de retenue aux fins de vérification du droit à la circulation ou de séjour dans les conditions prévues aux articles L. 813-1 à L. 813-4. »

La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l’amendement n° 64 rectifié ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Le 31 décembre 2012, sous l’impulsion de François Hollande, le délit de séjour irrégulier a été aboli. Je rappelle que, à cette date, Emmanuel Macron était secrétaire général adjoint de l’Élysée…

Depuis lors, le maintien sur le territoire en dépit d’une mesure d’éloignement de l’autorité administrative est incriminé. Avant cette date, la seule présence sur le territoire français d’une personne en situation irrégulière était passible d’une garde à vue et même d’une peine d’emprisonnement.

En 2012, la France a assoupli sa politique migratoire. Le cadre européen impose désormais aux pays membres de privilégier systématiquement l’éloignement des étrangers en situation irrégulière. Aucune raison ne justifie pourtant que le séjour irrégulier en France, qui constitue une infraction à la loi, soit traité différemment d’un délit ordinaire.

La loi de 2012 prive de pouvoirs coercitifs d’investigation les forces de l’ordre : la procédure de retenue administrative limite désormais le contrôle d’identité à quatre heures. Un délai aussi court rend difficile le travail des forces de l’ordre et des préfectures.

Aussi, pour redonner aux autorités de police les moyens de donner force à la loi et de faire respecter la réglementation en matière de séjour, il est indispensable de rétablir le délit de séjour irrégulier, de supprimer la retenue administrative, d’autoriser de nouveau la garde à vue et d’en revenir au droit commun de l’interpellation.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour présenter l’amendement n° 342 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Le Rudulier

Il ne s’agit pas ici de rétablir le délit de séjour irrégulier, tel qu’il a été supprimé par la loi du 31 décembre 2012 : nous nous sommes en effet alignés sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

Cette juridiction, dans son arrêt du 6 décembre 2012, a souligné que la directive de 2008 ne s’opposait pas à la création, par un État membre, d’un délit de séjour irrégulier assorti d’une peine d’amende, voire d’expulsion ou d’assignation à résidence le cas échéant.

C’est le cas par exemple en Italie depuis le 25 juillet 1998 : un décret législatif punit ainsi le séjour irrégulier d’une amende de 5 000 à 10 000 euros.

C’est en considération de ce contexte que je vous propose de voter cet amendement : en l’adoptant, nous procéderions à la création d’un délit de séjour irrégulier puni uniquement d’une peine d’amende et exclusif de toute privation de liberté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

La commission et ses rapporteurs ont été particulièrement intéressés par la présentation du premier de ces amendements.

C’est la première fois que j’entends citer Mme Le Pen dans notre hémicycle : ce qui nous a été présenté est à mon avis une bonne introduction à son programme, puisqu’il s’agit précisément de quelque chose qui ne peut pas être fait. Il nous est proposé en effet de sanctionner le séjour irrégulier d’un étranger par une peine d’emprisonnement, ce que la Cour de justice de l’Union européenne a proscrit par des arrêts de 2011.

Je trouve assez symptomatique, mes chers collègues, que la première citation de Mme Le Pen dans notre hémicycle soit consacrée à une disposition qui, précisément, ne peut pas être mise en application, compte tenu des subtilités du droit des étrangers.

M. Aymeric Durox s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

M. Ravier propose d’y ajouter une inconventionnalité supplémentaire – on n’est plus à cela près… – en demandant que puisse faire également l’objet d’une sanction pénale l’entrée irrégulière sur le territoire. Cela voudrait dire qu’un étranger entré en France comme demandeur d’asile resterait sanctionné pénalement, y compris dans l’hypothèse où sa demande serait acceptée. On voit bien la difficulté de l’exercice…

La commission a donc émis un avis défavorable sur les amendements n° 120 rectifié et 549 rectifié ter.

Elle émet un avis favorable, en revanche, sur les amendements identiques n° 64 rectifié ter et 342 rectifié bis. Ces dispositions sont rédigées avec beaucoup de finesse juridique : d’une part, elles rétablissent un délit de séjour irrégulier, mais, d’autre part, elles le sanctionnent d’une peine d’amende. L’obstacle juridique qui était lié à la décision de la Cour de justice de l’Union européenne se trouve ainsi levé, ce qui montre qu’il est aussi possible de mener une action publique dans le cadre du respect de l’État de droit.

Il y a une seconde subtilité dans la rédaction proposée, mes chers collègues : il est indiqué que la période de retenue prévue pour l’application de la possibilité d’interpeller l’étranger en situation irrégulière sera utilisée pour vérifier son droit au séjour, de telle manière que le cadre juridique posé est bel et bien précis et conforme à l’ensemble de nos règles.

Nos collègues proposent donc d’adresser un message sans ambiguïté aux personnes qui rejoindraient irrégulièrement notre pays et démontrent qu’il est possible de le faire dans le respect des règles juridiques ; d’où l’avis favorable de la commission sur leurs deux amendements identiques.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Moi aussi, je vais émettre un avis défavorable sur les amendements de MM. Szczurek et Ravier et un avis favorable sur les amendements identiques de Mme Boyer et de M. Le Rudulier.

Je tiens à revenir sur l’ensemble des arguments qui ont été développés.

Quelle est l’histoire du délit de séjour irrégulier ? Il faut remettre les choses dans leur contexte, sans quoi l’on risque de dire quelques sottises.

Le délit de séjour irrégulier, je l’ai dit hier lorsque j’ai débattu avec M. Retailleau, a certes été supprimé par une loi de la fin de l’année 2012, voulue par M. Hollande. À l’époque, madame Boyer, nous étions députés ensemble, et j’avais voté contre cette suppression ; mais il faut aussi rappeler qu’il s’agissait de la transposition dans le droit français d’une directive européenne, qui avait été adoptée du temps du Parti populaire européen (PPE).

S’il faut rappeler que le Président de la République était secrétaire général adjoint de l’Élysée en 2012, il faut préciser également, pour faire bonne mesure, que c’est le PPE, auquel vous apparteniez – auquel nous appartenions –, qui a « poussé » cette directive et l’a fait adopter : on peut dire, en toute honnêteté, qu’il s’agissait d’une coproduction…

Quelques années étant passées, doit-on considérer que le délit de séjour irrégulier est nécessaire ? Est-il vrai qu’il n’y a pas d’autre moyen, comme le dit M. Ravier, d’empêcher les gens de traverser sa propriété – je suis très heureux de savoir que vous en avez une, monsieur le sénateur – et de passer par son balcon pour s’installer chez lui afin d’y boire ou d’y manger ?

La réponse est non, monsieur Ravier, et vous le savez très bien, ou alors vous ne fréquentez pas les services de police, ce qui est ennuyeux quand on prétend les soutenir – n’hésitez pas à les rencontrer !

M. Stéphane Ravier s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Il en existe au moins trois.

Premièrement, le délit d’entrée irrégulière par une frontière extérieure à l’espace Schengen ou en outre-mer s’applique particulièrement à ce pays de première entrée qu’est la France.

Quant au délit d’entrée irrégulière par une frontière intérieure, il a été évidemment maintenu. Je vous renvoie à l’article L. 821-1 du Ceseda, qui punit l’entrée irrégulière d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende et autorise le placement en garde à vue d’un étranger pris en flagrant délit d’une telle violation des règles relatives à l’entrée sur le territoire européen.

Deuxièmement, on peut s’appuyer sur le délit de maintien en séjour irrégulier, que j’évoquais hier. Ce n’est pas parce que l’on a supprimé le délit de séjour irrégulier que l’on a supprimé le délit de maintien irrégulier sur le territoire national.

Le droit européen n’excluant pas cette faculté pour les États, la France a conservé un tel délit, que l’article L. 824-3 du Ceseda punit d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende, ce qui permet de placer en garde à vue l’étranger qui se maintient irrégulièrement sur le territoire.

Troisièmement, le délit de retour non autorisé sur le territoire français s’applique souvent aux étrangers en situation irrégulière quand ils ont fait l’objet d’une interdiction administrative du territoire (IAT) ou d’une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF).

Nous aurons l’occasion de montrer que nous souhaitons progresser pour ce qui est de la durée maximale de l’IAT, en proposant, par la voie d’un amendement gouvernemental, de la faire passer de cinq ans à dix ans. Le délit de retour non autorisé est puni, quant à lui, de trois ans d’emprisonnement par l’article L. 824-11 du Ceseda.

Vous le voyez, il existe des possibilités ! Bien évidemment, monsieur Ravier, si quelqu’un vient contre votre gré manger et boire chez vous, il vous est tout à fait possible d’appeler la police, et il nous est tout à fait possible de répondre favorablement à votre demande, comme à celle de tout citoyen, la police nationale, comme la gendarmerie nationale, étant un service public efficace.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Bien qu’elle ne soit pas aidée par le Gouvernement !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

En la matière, il n’y a pas loin de la coupe aux lèvres : certes, il n’y a plus de placement en garde à vue pour le délit de séjour irrégulier stricto sensu, parce que la police nationale ou la gendarmerie nationale disposent d’autres moyens pour intervenir, mais il existe désormais une « retenue ».

C’est exactement la même chose, à ceci près évidemment que, au temps du délit de séjour irrégulier, les gens étaient placés en garde à vue devant un officier de police judiciaire en vue d’une éventuelle peine de prison.

Madame Boyer, monsieur Le Rudulier, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, pendant tout le quinquennat de Nicolas Sarkozy il n’y a eu que 600 condamnations pour le seul délit de séjour irrégulier, dont seulement 187 ont donné lieu au prononcé d’une peine d’emprisonnement ferme.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Comme la durée de ces peines est toujours inférieure à deux ans et comme Mme Dati et M. Sarkozy avaient fait adopter une loi permettant aux condamnés à moins de deux ans de prison d’échapper à la réclusion, je ne pense pas que les gens qui ont fait de la prison ferme pour délit de séjour irrégulier soient légion…

Ce délit n’avait de toute façon pas été conçu pour que les personnes condamnées fassent de la prison : il avait été imaginé pour pouvoir effectuer des contrôles. Tel est d’ailleurs le sens de ces amendements ; c’est pourquoi je soutiens ceux de M. Le Rudulier et de Mme Boyer, qui me paraissent conformes au droit européen.

Monsieur Ravier, vous demandez quel autre pays est dans la même situation que la France. Je réponds que tous les pays de l’Union européenne le sont ! Et il est vrai, monsieur Le Rudulier a raison, qu’il est possible de maintenir dans le droit national un délit de séjour irrégulier, à condition qu’il soit puni non par une peine de prison, mais par une amende.

L’adoption de ces amendements donnera un instrument de plus à la police nationale et à la gendarmerie nationale.

Je veux tout de même admettre ici, en guise d’hommage au travail qu’avait réalisé le ministre de l’intérieur Valls en 2012, qu’il était faux de dire, quoi que j’aie pu moi-même déclarer à l’époque, que l’on observerait une baisse du nombre des interpellations une fois supprimé le délit de séjour irrégulier : il y en a eu beaucoup plus après qu’avant le remplacement de ce délit par la mesure de retenue que j’ai évoquée.

Il y a eu 91 661 interpellations sous le quinquennat de M. Hollande, contre 70 000 environ sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy et 120 000 sous le premier quinquennat du président Macron, grâce à cette mesure qui permet la vérification du droit au séjour et la privation de liberté pendant les vingt-quatre heures que dure la retenue.

On fait beaucoup de bruit autour de cette abrogation du délit de séjour irrégulier. Tous les pays européens l’ont appliquée, de manière plus ou moins extensive.

Réparons cette erreur ensemble en instaurant l’amende proposée par M. Le Rudulier et Mme Boyer ! Mais il est tout à fait faux de dire que les policiers et gendarmes n’ont plus les moyens d’interpeller, de placer en retenue et de présenter à un officier de police judiciaire une personne qui séjournerait irrégulièrement sur le territoire national. Il n’est pas vrai que l’on ne puisse plus lutter contre l’immigration irrégulière ; simplement, ce délit de séjour irrégulier, qui ne pouvait donner lieu à des peines de prison effectives, était en effet superfétatoire.

On peut regretter que la directive européenne adoptée voilà quinze ans l’ait été, mais nous avons les moyens aujourd’hui de rectifier une partie des difficultés qui se posent ; et quoi qu’il en soit, je rappelle que la police, notamment la police aux frontières, a d’ores et déjà les moyens d’entrer chez vous, à condition que vous l’accueilliez, monsieur le sénateur Ravier, au cas où une personne pénétrerait intempestivement dans votre domicile pour y prendre une bière.

Monsieur Ravier, imaginez que Mme Le Pen ait envie de vous revoir, sans vous avoir prévenu. La voilà qui force votre propriété dans les Bouches-du-Rhône, monsieur le sénateur, pour vous convaincre, autour d’un verre, de renoncer à la quitter pour M. Zemmour.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Le cas échéant, n’hésitez pas à appeler la police : nous vous répondrons bien volontiers et vérifierons l’identité de l’intruse.

Vous verrez bien, alors, que nous sommes capables de procéder à de telles vérifications d’identité, alors même qu’il n’existe plus de délit de séjour irrégulier !

Nouveaux sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Henri Cabanel et Dany Wattebled applaudissent également.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

J’émets donc un avis favorable sur les amendements n° 120 rectifié et 549 rectifié ter, mais un avis défavorable sur les amendements identiques n° 64 rectifié ter et 342 rectifié bis.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je mets aux voix l’amendement n° 549 rectifié ter.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je mets aux voix les amendements identiques n° 64 rectifié ter et 342 rectifié bis.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er J.

L’amendement n° 475 rectifié, présenté par MM. Bitz, Patriat et Mohamed Soilihi, Mme Schillinger, MM. Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud, Rohfritsch et Théophile, est ainsi libellé :

Après l’article 1er J

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l’article L. 823-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le nombre : « 15 000 euros » est remplacé par le nombre : « 75 000 euros ».

La parole est à M. Olivier Bitz.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier BITZ

Cet amendement a pour objet de durcir les sanctions applicables aux reconnaissances frauduleuses de paternité.

Actuellement, la législation punit de cinq ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait, pour toute personne, de reconnaître un enfant aux seules fins d’obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement, ou aux seules fins d’acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française.

Nous proposons de fixer à 75 000 euros le montant de l’amende encourue par l’auteur d’une telle reconnaissance frauduleuse de paternité.

Il s’agit, dans un contexte où de telles reconnaissances frauduleuses sont de plus en plus fréquentes, notamment dans certains territoires ultramarins et en particulier à Mayotte, d’envoyer un signal clair et d’encourager l’autorité judiciaire à intenter les poursuites nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Il sera favorable : il est logique d’être particulièrement attentif à sanctionner les reconnaissances frauduleuses de paternité ; nous le verrons plus tard dans le débat – vous y avez fait allusion, mon cher collègue –, à propos de Mayotte.

J’ajouterai deux précisions.

Premièrement, si nous sommes favorables à cette élévation du quantum de la peine, nous sommes tout de même d’avis d’en relativiser la portée. J’ai demandé à M. le ministre quel était le nombre de condamnations prononcées sur ce chef ; il me répondra sans doute avec habileté que seule la Chancellerie dispose de ces chiffres. En tout état de cause, je ne suis pas certain qu’elles aient été très nombreuses…

Deuxièmement, je souhaite souligner néanmoins, mon cher collègue, la pertinence de votre proposition, car les reconnaissances frauduleuses de paternité posent deux problèmes, au regard du Ceseda et des règles applicables aux étrangers, d’une part, mais aussi, eu égard aux mamans seules, d’autre part – c’est dans ce genre de situations que pareilles reconnaissances frauduleuses interviennent –, puisqu’elles ont des conséquences pour l’enfant en matière d’état civil.

Lorsqu’il s’agit, ensuite, de détricoter de l’état civil la reconnaissance frauduleuse, je vous assure que l’exercice n’est pas aisé, ce qui veut dire que la société est victime de ce phénomène, mais que les bébés et enfants concernés le sont eux aussi.

D’où l’avis favorable de la commission sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Mon avis sera favorable, évidemment.

Monsieur le rapporteur, c’est en effet la Chancellerie qui dispose de ces statistiques : vous avez deviné ma réponse ! Je sais juste que 20 % des fraudes que nous constatons sont des fraudes à la paternité.

Monsieur Bitz, pour le bien de nos débats, dont le compte rendu sera lu attentivement par le Conseil constitutionnel, je me dois de dire que l’amende que vous prévoyez est parfaitement proportionnée. À l’heure actuelle, en effet, l’infraction pénale qui est constituée par le délit d’escroquerie est punie de 375 000 euros d’amende. Le dispositif de l’amendement que vous présentez est de ce point de vue parfaitement proportionné.

Cette mesure aura un intérêt tout particulier à Mayotte, pour combattre les fraudes à la paternité, …

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… la modification du droit de la paternité applicable dans ce département y ayant entraîné une multiplication desdites fraudes. À cet égard, les statistiques parlent d’elles-mêmes, monsieur le rapporteur.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er J.

L’amendement n° 268 n’est pas soutenu.

L’amendement n° 139 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot et Houpert, Mmes Lopez et Garnier, MM. Cadec, Sido et Klinger et Mme Goy-Chavent, est ainsi libellé :

Après l’article 1er J

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 21-23 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Nul ne peut être naturalisé s’il a été pris en charge au cours de sa minorité dans les conditions prévues à l’article L. 221-2-4 du code de l’action sociale et des familles. »

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Cet amendement vise ce que l’on appelle les mineurs non accompagnés (MNA), qui souvent ne sont pas mineurs et sont accompagnés – mais, hélas, par des réseaux de trafiquants d’êtres humains. Vous le savez, ce phénomène a été décrit à plusieurs reprises, ces personnes sont la proie de ce qui peut exister de pire.

Actuellement, le fait que ces jeunes soient pris en charge par les départements, dans des conditions qui sont très difficiles pour ces derniers, pose problème. En France, les mineurs ne sont pas concernés par l’obligation de détenir un titre de séjour, puisqu’ils ne peuvent pas être en situation irrégulière, sauf cas particulier : aucune mesure d’éloignement du territoire n’est envisageable à leur encontre.

Je rappelle que, pour la seule année 2021, l’Assemblée des départements de France estime que le nombre de MNA pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance s’élève à 11 315, majoritairement des hommes – à 95 % –, principalement issus d’Afrique subsaharienne.

L’article 21-15 du code civil dispose que « l’acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique résulte d’une naturalisation accordée par décret à la demande de l’étranger ». En d’autres termes, un mineur qui aurait été considéré comme MNA, donc qui aurait été en situation irrégulière, quoiqu’il ait été inexpulsable du fait de sa minorité, pourrait accéder, à sa majorité, à la nationalité française.

Le fait que cette acquisition de la nationalité française ait lieu à la majorité crée un appel d’air.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Or, mes chers collègues, je me permets d’attirer votre attention sur la situation de ces personnes qui, en tout état de cause, sont très jeunes, et sont donc les plus vulnérables.

Nous constatons qu’il s’agit en grande majorité de jeunes hommes, mais nous voyons apparaître de plus en plus de jeunes femmes enceintes, mineures ou non, qui viennent en France dans des conditions particulièrement difficiles.

Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Pascal Savoldelli manifeste son exaspération.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Nous reviendrons au cours du débat sur ce qui se passe à Mayotte.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Nous avons émis un avis favorable sur votre précédent amendement, madame Boyer. Sur ce terrain, en revanche, nous ne pouvons pas vous suivre.

J’ai bien compris que vous visiez la situation de déclaration au moment de la majorité, mais la rédaction que vous avez utilisée est extrêmement large. J’entends bien, madame Boyer, les difficultés relatives au sujet des MNA dans notre pays : nous les avons en tête, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons.

Reste que, dans la rédaction que vous nous soumettez, dès lors que l’on a été pris en charge comme MNA à 16 ans ou à 17 ans, que cet âge soit exact ou non – à la limite, peu importe –, on sera privé à vie de la possibilité d’acquérir la nationalité française.

Cette idée me paraît tout de même un peu étonnante. Supposons que, pour telle ou telle raison, l’on soit resté sur le territoire français, que l’on y ait travaillé pendant longtemps, que l’on y ait résidé pendant plus de cinq ans ou plus de dix ans – nous reparlerons de ce point un peu plus tard au cours du débat –, et supposons que, toutes ces années, l’on n’ait eu aucune difficulté : que l’on soit privé à jamais de la possibilité de demander sa naturalisation me paraît un petit peu excessif.

Sourires sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Nous avons compris votre idée, ma chère collègue, mais la rédaction que vous proposez ne nous permet pas d’émettre un avis favorable sur votre amendement.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Indépendamment de l’excellente argumentation de M. le rapporteur, je voudrais dire à la Haute Assemblée que je m’opposerai, au nom du Gouvernement, à tout amendement et à tout article ajouté au texte par la commission et portant sur la naturalisation.

La volonté du Gouvernement était de faire un texte sur le droit des étrangers, non sur le droit de la nationalité française : ce sont deux choses différentes.

Nous n’avons pas à rougir de notre bilan en matière de naturalisation : je rappelle que, depuis 2017, c’est-à-dire depuis l’élection d’Emmanuel Macron, nous naturalisons 30 % de moins que sous Nicolas Sarkozy, via les entretiens d’assimilation et des durcissements de l’accès à la naturalisation.

Il nous semble cependant qu’il ne faut pas mélanger le débat sur les étrangers en France avec celui sur l’accès à la nationalité. Le Gouvernement est tout à fait prêt à parler du droit de la nationalité, mais, dans un texte de loi qui porte sur les étrangers, évoquer la naturalisation nous semble…

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… incohérent.

C’est pour cette raison, madame de La Gontrie, que je voudrais ici préciser très solennellement, comme je l’ai fait plusieurs fois à l’attention du président de la commission des lois et du rapporteur, qu’il me semble évident que ces dispositions, qui ne figuraient pas dans le texte initial du Gouvernement, sont des cavaliers législatifs.

J’espère que le Conseil constitutionnel saura les censurer, et je refuserai d’avoir ce débat ici. Je le précise, je suis tout à fait prêt à l’avoir à l’occasion de l’examen d’un autre texte, qu’il s’agisse d’une proposition de loi ou d’un texte gouvernemental, même si le Gouvernement considère que là n’est pas l’urgence du moment.

Il paraît à peu près évident, me semble-t-il, que le Conseil constitutionnel devra se pencher sur tous les passages précis du texte où la commission des lois – et, en séance publique, la Haute Assemblée – aura, nonobstant l’article 45 de la Constitution, ajouté des dispositions relatives à la nationalité.

Par ailleurs, politiquement parlant, les discussions qui ont lieu à l’Assemblée nationale ne sont pas les mêmes qu’ici : les groupes politiques y sont assez différents.

Si, au Sénat, des amendements comme celui de Mme Boyer peuvent être examinés dans le cadre d’un débat républicain, nous avons beaucoup plus de mal à avoir des discussions tenues sur le droit des étrangers ou le droit de la nationalité à l’Assemblée nationale…

Vous voyez très bien ce que je veux dire ; je le dis pour tous les partis qui sont ici majoritaires ou d’opposition, alors qu’ils sont très minoritaires à l’Assemblée nationale, ce qui crée un débat qui n’est pas celui, fondé sur le respect des personnes – indépendamment de ce que l’on pense de l’immigration –, qu’a voulu le Gouvernement.

Je veux ici réitérer mon appel solennel au retrait ou à la suppression des articles ajoutés par le Sénat et relatifs à la nationalité.

J’émettrai par conséquent un avis systématiquement défavorable sur tous les amendements qui concernent le droit de la nationalité, en espérant que ces dispositions, si elles figurent dans le texte définitivement adopté, se verront censurées par le Conseil constitutionnel.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L’amendement n° 335 rectifié ter, présenté par Mmes Imbert, Noël, Puissat et Bellurot, MM. Somon, Sautarel et H. Leroy, Mmes Demas, Berthet et Joseph, M. Paccaud, Mmes Malet et Garnier, MM. Burgoa et Belin, Mme Estrosi Sassone, MM. Anglars, Pellevat et Saury, Mme Belrhiti, MM. Houpert, Bruyen et Pointereau, Mme Eustache-Brinio, M. Cadec, Mme P. Martin, M. Brisson, Mmes Borchio Fontimp, Micouleau et Gruny, MM. Bouchet, Savin et Gueret, Mmes Bonfanti-Dossat et Nédélec, MM. D. Laurent et Bouloux, Mme Dumont, MM. Lefèvre et Rochette, Mme Aeschlimann et MM. Rietmann, Perrin, Tabarot, Chatillon, Khalifé et Gremillet, est ainsi libellé :

Après l’article 1er J

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 221-2-5 du code de l’action sociale et des familles est abrogé.

La parole est à Mme Corinne Imbert.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Cet amendement vise à abroger l’article L. 221-2-5 du code de l’action sociale et des familles, qui a été modifié par l’article 39 de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite loi Taquet. En effet, depuis la promulgation de cette loi, le département d’accueil ne peut plus procéder à une réévaluation de la minorité et de l’état d’isolement d’un mineur non accompagné orienté par la cellule nationale.

Or il faut bien reconnaître que, dans certains départements, ces personnes en situation irrégulière sont systématiquement ou très souvent reconnues mineures et sont par conséquent à la charge du conseil départemental.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. La commission des lois a le plus profond respect pour le travail de toutes les autres commissions du Sénat, et je ne vous cache pas, madame Imbert, que, en l’espèce, vous nous posez un problème diplomatique, car nous ne voulons aucune difficulté avec nos collègues !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Vous demandez en effet que l’on revienne sur une disposition qui, contenue dans la loi Taquet, a environ 18 mois. Cette mesure, de surcroît, avait été pleinement approuvée par le Sénat. Je cite le rapport de M. Bernard Bonne, qui était le rapporteur de notre assemblée sur ce texte : « Les réexamens de la situation des MNA ne sont pas souhaitables pour les jeunes et démontrent une défiance du département envers la qualité de l’évaluation menée par ses pairs. » Ces arguments sont toujours valables.

Peut-on en dix-huit mois se dédire sur un sujet dont les données n’ont pas changé ? Alors que nous militons régulièrement pour une plus grande stabilité législative, modifier, un an et demi après son adoption, une disposition que nous avons nous-mêmes approuvée nous paraît un exercice quelque peu délicat, au moins d’un point de vue diplomatique…

Néanmoins, je laisse bien sûr à nos collègues beaucoup plus spécialistes de ces sujets que votre serviteur le soin de donner leur appréciation.

En tout cas, vous comprenez, ma chère collègue, que nous demandons le retrait de votre amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je mets aux voix l’amendement n° 335 rectifié ter.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 3 rectifié quater est présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Bazin et Daubresse, Mme Dumas, M. Mandelli, Mme V. Boyer, M. Reichardt, Mmes Belrhiti et Dumont, MM. E. Blanc, Brisson, Somon, Belin et Courtial, Mme Di Folco, M. Bouchet, Mmes Garnier, Lassarade et Berthet, MM. Saury, Frassa, Burgoa, Piednoir et J.P. Vogel, Mmes Demas, Micouleau, Aeschlimann, F. Gerbaud et Josende, M. Anglars, Mme Noël, MM. Genet et Bas, Mmes Drexler et Joseph et MM. Chatillon, de Nicolaÿ, Grosperrin et Savin.

L’amendement n° 625 est présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 1er J

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le premier alinéa de l’article L. 300-1 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour bénéficier du droit mentionné au premier alinéa, l’étranger non ressortissant de l’Union européenne doit résider en France depuis au moins cinq ans au sens de l’article L. 111-2-3 du code de la sécurité sociale. »

II. – Le deuxième alinéa de l’article L. 512-2 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « et résidant en France depuis au moins cinq ans au sens de l’article L. 111-2-3 ».

III. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° L’article L. 232-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour bénéficier de l’allocation mentionnée au premier alinéa, l’étranger non ressortissant de l’Union européenne doit résider en France depuis au moins cinq ans au sens de l’article L. 111-2-3 du code de la sécurité sociale. » ;

2° Après le premier alinéa de l’article L. 245-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour bénéficier de l’allocation mentionnée au premier alinéa, l’étranger non ressortissant de l’Union européenne doit résider en France depuis au moins cinq ans au sens de l’article L. 111-2-3 du code de la sécurité sociale. »

La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié quater.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Eustache-Brinio

Cet amendement tend à modifier le code de la construction et de l’habitation, le code de la sécurité sociale et le code de l’action sociale et des familles, en vue de conditionner l’ouverture des droits aux prestations sociales non contributives à cinq années de résidence stable et régulière.

Seraient concernés les allocations familiales, la prestation de compensation du handicap, l’aide personnalisée au logement (APL) et le droit au logement opposable.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 625.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Il vient d’être défendu : l’amendement qui nous a été présenté par Mme Eustache-Brinio a le bon goût d’être identique à celui des rapporteurs !

Je le dis avec prudence, je l’avoue : je sais à quoi je m’expose. C’est en effet le grand retour de l’appel d’air : la disposition qui vous est proposée est conçue comme une disposition « anti-appel d’air », puisqu’il s’agit de décaler de cinq ans le moment à partir duquel la personne entrée sur le territoire pourra bénéficier de nos aides.

J’imagine assez le type de grief ou de reproche auquel nous nous exposons. Reste que les motifs de l’amendement sont très clairs.

Il nous semble, du point de vue de la solidarité nationale, qu’il n’est pas scandaleux d’aménager une sorte de délai de franchise ou de viduité – je ne sais comment l’appeler –, avant que le plein bénéfice des dispositions sociales dites non contributives ne soit acquis à l’étranger.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Tout d’abord, je veux dire à la représentation nationale que des dispositions analogues existent déjà, notamment dans notre droit ultramarin.

À Mayotte, par exemple, le législateur et tous les gouvernements, quels qu’ils soient, qui ont successivement eu à traiter de la question mahoraise ont considéré qu’il était opportun d’instaurer un décalage, pour ce qui est du versement des prestations non contributives – je pense par exemple au revenu de solidarité active (RSA) –, lié à une condition de durée du séjour régulier sur le territoire. Le Conseil constitutionnel a déjà jugé que de telles dispositions, indépendamment de leur particularité ultramarine, n’avaient pas à être censurées.

Le principe d’un décalage dans le temps du bénéfice des prestations s’applique donc déjà, dans certains cas, aux étrangers dont le séjour est régulier, mais qui viennent d’arriver sur le territoire, et il s’appliquait y compris lorsque les socialistes étaient aux responsabilités.

S’il ne s’agit de viser que des prestations non contributives, comme y ont très bien pourvu, par leur rédaction, les rapporteurs et Mme la sénatrice Eustache-Brinio, le Gouvernement émettra un avis de sagesse sur ces amendements, signe de l’attitude constructive du Gouvernement.

Il restera à l’Assemblée nationale à examiner un certain nombre d’éventuels effets de bord, qui se rapportent notamment à l’allocation aux adultes handicapés.

Cette prestation me paraît en effet celle pour laquelle le décalage prévu est le plus contestable, puisqu’il ferait naître des situations dans lesquelles des personnes que le handicap empêche de vivre d’un travail ne toucheraient plus cette allocation pourtant versée, en principe, en compensation de ce non-travail, alors même qu’elles séjournent régulièrement sur le territoire. Pour les autres prestations, le principe du décalage me paraît beaucoup moins contestable.

Je veux dire ici, en revanche, en prévision d’éventuelles autres discussions, qu’il n’est en aucun cas possible, évidemment, de décaler le bénéfice des prestations contributives.

Ce n’est pas ce que vous proposez, mesdames, messieurs les sénateurs, mais j’entends parfois parler, dans le débat public, des allocations chômage ou des pensions de retraite. Il est évident que les personnes qui paient des cotisations doivent bénéficier des prestations afférentes dès le premier jour de leur présence sur le territoire national. Il n’est nullement question dans ces amendements de remettre en cause ce principe, mais je souhaitais que cela soit bien précisé, à l’attention du Conseil constitutionnel.

Je réitère donc mon avis de sagesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je veux être certaine de bien comprendre, mes chers collègues : vous proposez de décaler le versement des allocations familiales, c’est-à-dire des allocations qui sont versées, pour certaines, comme la prime de naissance, sous conditions de ressources, à l’arrivée du premier enfant, …

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

… puis du deuxième, etc. et des allocations familiales proprement dites, qui dépendent du nombre d’enfants du foyer.

Si c’est bien de cela qu’il s’agit, cela signifie que vous envisagez de priver d’allocations familiales, soit de prestations non contributives, les enfants de travailleurs en situation non pas irrégulière, mais régulière, qui paient des cotisations à l’Urssaf et à la branche famille.

Autrement dit, vous organisez la pauvreté d’enfants issus de familles qui sont régulièrement installées en France et qui travaillent en France. Vous ne pouvez pas être sérieux, mes chers collègues, ou alors c’est que nous touchons réellement le fond !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Contrairement à ce que vous semblez sous-entendre, madame Rossignol, on ne perçoit pas de prestations dès le premier jour au motif que l’on a un enfant. En effet, les étrangers qui arrivent sur le sol national ne perçoivent pas d’allocations familiales pendant au moins six mois, et ce décalage a été admis lorsque vous étiez en responsabilité, madame Rossignol.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Entre six mois et cinq ans, il y a de la marge !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Sur ces amendements identiques, je m’en suis remis à la sagesse du Sénat, mais vous auriez pu les sous-amender, afin de réduire ce délai de carence à un, deux ou trois ans. Or vous ne l’avez pas fait !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Il reste qu’un délai de carence n’est pas l’horreur absolue que vous venez de décrire, madame Rossignol, …

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… puisque vous étiez en responsabilité lorsque l’actuel délai de six mois a été instauré.

Le droit français prévoit déjà des décalages dans le versement de certaines prestations : les allocations familiales, mais aussi la prestation de compensation du handicap, dont le versement est conditionné à trois mois de résidence stable.

Du reste, si je comprends que les auteurs de ces amendements identiques entendent faire de la politique, je rappelle qu’il s’agit de dispositions réglementaires, dont le Gouvernement corrigera volontiers les éventuels effets de bord, notamment pour les personnes handicapées.

Quoi qu’il en soit, le droit français prévoit déjà des décalages dans le versement des compensations sociales non contributives.

Toute la question est de déterminer la bonne durée de ces décalages : doit-elle être de six mois, comme cela avait été arrêté lorsque vous étiez en responsabilité, madame Rossignol, ou de cinq ans comme cela est proposé aujourd’hui ? Nous pouvons tout à fait en discuter. De même, il faudra étudier les effets de bord que tendent à emporter ces amendements identiques.

Néanmoins, puisque des décalages existent déjà, il est inutile de monter sur vos grands chevaux comme vous l’avez fait, madame Rossignol, en dénonçant une telle disposition comme affreuse et indiscutablement antirépublicaine. La seule question pertinente porte sur le juste milieu qu’il convient peut-être de trouver entre six mois et cinq ans.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Au contraire, madame de La Gontrie ! Puisque vous avez vous-même déjà décalé le versement des prestations, vous ne pouvez pas prétendre qu’un camp du bien s’opposerait au camp du mal.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Nous avons rappelé qu’il existe déjà, dans notre droit, un délai de trois mois pour le versement de la prestation de compensation du handicap et un délai de six mois pour le versement des allocations familiales.

Je souhaiterais à présent que la commission et nos collègues qui ont déposé ces amendements identiques nous expliquent les raisons qui les ont amenés à fixer un nouveau délai de cinq ans.

J’estime que c’est la moindre des choses, car cela permettra, à nous, de délibérer en toute responsabilité, et à vous, mes chers collègues, de voter en toute conscience.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Le délai de cinq ans correspond à la somme de la durée de validité d’une carte de séjour temporaire, qui est d’un an, et de celle d’une carte de séjour pluriannuelle, qui est de quatre ans. C’est aussi simple que cela, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Ce sont des gosses que l’on prive d’allocations !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Un délai de cinq ans est déjà prévu pour le versement du RSA aux personnes immigrées en situation régulière. J’imagine que les auteurs de ces amendements ont souhaité soumettre le versement des allocations familiales au même délai de résidence.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Monsieur Savoldelli, je me borne à indiquer qu’un décalage de cinq ans existe déjà dans le droit pour le versement aux personnes immigrées qui se trouvent en situation régulière sur le territoire national d’une prestation telle que le RSA. J’imagine que, de manière homothétique, les auteurs des amendements ont proposé un délai identique.

En revanche, ce ne sont ni le Gouvernement ni l’actuel Parlement qui ont instauré ce décalage, et je ne connais pas les raisons qui avaient conduit à son adoption.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Et qu’en pense la ministre des solidarités et des familles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je mets aux voix les amendements identiques n° 3 rectifié quater et 625.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er J.

L’amendement n° 387 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Après l’article 1er J

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au plus tard au 1er juin de chaque année, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif au respect du droit à un recours effectif devant la Cour européenne des droits de l’homme en matière des contentieux relatifs à l’asile, à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers.

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Debut de section - PermalienPhoto de Mélanie Vogel

Mme Mélanie Vogel. Je constate que, contrairement aux Républicains, monsieur le ministre, vous êtes capable de justifier le choix d’un décalage de cinq ans.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Mélanie Vogel

Le 22 octobre dernier, monsieur le ministre, vous avez affirmé, dans un entretien accordé au Journal du dimanche – c’est un choix intéressant… – que vous vouliez passer outre le caractère suspensif des recours déposés devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

Je rappelle que le droit à un recours effectif est un droit fondamental inscrit à l’article 13 de cette convention, à laquelle la France a souscrit en décidant démocratiquement d’être membre du Conseil de l’Europe et partie à la convention européenne des droits de l’homme.

Le présent amendement vise à doter le Gouvernement des données permettant de mesurer les impacts potentiels d’une telle décision sur le respect du droit à un recours effectif, qui est l’une des garanties fondamentales du respect des droits humains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Je vous remercie, ma chère collègue, d’avoir noté la différence entre un parlementaire de base et un ministre : je ne conteste pas que le ministre sait bien mieux répondre aux questions.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

À celles des sénateurs Les Républicains, surtout !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

En ce qui concerne votre demande, la Cour européenne des droits de l’homme établit un rapport annuel, et il existe un comité de suivi de l’exécution des décisions de la CEDH, dont je n’exclus pas que vous puissiez consulter le compte rendu, ma chère collègue.

Cela dit, même un parlementaire peu avisé comprendra que votre demande de rapport est une invite malicieuse à l’attention du ministre, auquel il appartiendra de répondre.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

En tout état de cause, l’avis de la commission est défavorable.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Pour revenir au débat précédent, je précise que le décalage de cinq ans pour le versement du RSA a été inscrit dans le code de la sécurité sociale le 1er janvier 2016, sous le mandat de M. Hollande.

Il n’est donc pas si terrible de décaler le versement de prestations non contributives, puisque vous l’avez fait alors que vous étiez en responsabilité, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe socialiste. Il n’y a pas lieu de donner de leçon de morale.

Exclamations sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Arrêtez, vous ne faites pas du stand-up, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

On parle tout de même d’un décalage de cinq ans !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Madame Vogel, la CEDH, que je respecte bien entendu, ne prévoit pas que les recours sont suspensifs.

S’agissant de personnes sortant de prison, qui ont été condamnées pour terrorisme, qui ont commis des crimes et causé des morts, dont les services alertent sur la dangerosité, et après que le tribunal administratif, la cour d’appel et le Conseil d’État – excusez du peu – ont donné raison à l’État contre ces personnes qui déposent un recours non suspensif devant la CEDH, deux solutions s’offrent au ministre de l’intérieur.

Soit il maintient ces personnes dangereuses sur le territoire national en attendant le jugement de la CEDH, qui peut prendre deux ou trois ans, dans une forme de surtransposition des règles européennes ; soit il leur fait quitter le territoire pendant ces mois d’attente, quitte à les faire revenir si la CEDH leur donne raison.

Je le rappelle, il est question non de personnes qui ne présentent aucune dangerosité pour l’espace public, mais d’individus en situation irrégulière fichés pour terrorisme, condamnés pour des faits de terrorisme ou pour des crimes de sang et que les services du ministère identifient comme dangereux !

En tant que ministre de l’intérieur, madame la sénatrice, c’est mon honneur que d’appliquer toutes les dispositions prévues par l’État de droit. Le recours devant la CEDH n’étant pas suspensif, je renvoie ces personnes dans leur pays d’origine.

Vous l’aurez compris, je refuse clairement votre demande de rapport et émets un avis défavorable sur cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

TITRE Ier

ASSURER UNE MEILLEURE INTÉGRATION DES ÉTRANGERS PAR LE TRAVAIL ET LA LANGUE

Chapitre Ier

Mieux intégrer par la langue

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L’amendement n° 572 rectifié, présenté par Mme de Marco, M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 1 du chapitre IV du titre I du livre IV du code d’entrée et de séjour des étrangers et des demandeurs d’asile est complétée par une sous-section ainsi rédigée :

« Sous-section …

« Droit à la formation linguistique

« Art. L. 414 -9 - … . – Dès la délivrance du récépissé de demande de titre, tout étranger résidant en France, quelle que soit la nature de sa demande, a le droit de recevoir une formation au français.

« Dans chaque département, le représentant de l’État recense et publie l’offre de formation linguistique dispensée dans chaque département par les associations, les services de l’État, de Pôle emploi et de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Elle est régulièrement actualisée.

« Cette offre de formation au français est communiquée au moment de la délivrance du récépissé de demande de titre et de la délivrance du titre, adaptée à la nature du titre demandé. »

La parole est à Mme Monique de Marco.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique de Marco

La loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration a pérennisé le contrat d’accueil et d’intégration, devenu ensuite contrat d’intégration républicaine, qui rend l’apprentissage du français obligatoire aux personnes étrangères s’établissant en France.

Alors que d’autres pays de l’Union européenne, l’Allemagne et le Danemark notamment, ont fait le choix de reconnaître un droit des étrangers majeurs à la formation à la langue nationale, les limites de notre dispositif obligatoire sont évidentes.

Au Danemark comme en Allemagne, la distinction est faite entre l’obligation de cours de langue liée à l’arrivée sur le territoire et l’apprentissage linguistique sommaire, d’une part, et un droit à la formation linguistique pour tous les étrangers majeurs en situation régulière, droit activé trois ans au plus tard après l’arrivée sur le sol, d’autre part.

En Allemagne, le droit à cette formation linguistique est destiné notamment aux ressortissants européens et aux étrangers établis depuis plusieurs années sur le sol allemand. J’estime que cette reconnaissance d’un droit valorise l’importance de l’apprentissage de la langue.

Au-delà de la richesse culturelle que l’individu peut en tirer, une telle reconnaissance devrait être le ciment de notre politique d’accueil ; elle contribuerait à faciliter les échanges, ainsi que l’insertion dans la vie sociale et professionnelle et dans la société. Elle valoriserait de plus l’engagement des associations bénévoles, qui accompagnent les personnes étrangères dans leur apprentissage linguistique.

Le contrat d’intégration républicaine ne s’appliquant pas à l’ensemble des étrangers en France, toute une partie de la population étrangère ne bénéficie d’aucun accompagnement étatique dans son apprentissage linguistique.

Cet amendement vise donc à instaurer, hors du contrat d’intégration républicain, un droit à la formation linguistique pour toutes les personnes étrangères majeures en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Je suis navrée, ma chère collègue, mais j’avoue peiner à comprendre l’objet de votre demande.

Rien n’interdit à un étranger de se former au français ; il n’est nullement besoin de reconnaître un droit là où une faculté existe, me semble-t-il. L’information sur les offres de formation est de plus d’ores et déjà surabondante.

L’avis de la commission est donc défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L’amendement n° 235, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard douze mois après la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant la politique de formation linguistique à destination des étrangers. Ce rapport dressera un état des lieux des moyens budgétaires et humains mis en œuvre pour cette politique, évaluera les délais dans lesquels les formations prescrites sont mises en œuvre par les organismes de formation, ainsi que les contraintes auxquelles font face les étrangers pour accéder à ces formations, notamment en termes d’éloignement géographique et de conciliation avec leur vie professionnelle et familiale.

La parole est à M. Mickaël Vallet.

Debut de section - PermalienPhoto de Mickaël Vallet

Ne pouvant rehausser les moyens alloués à l’apprentissage de la langue, car nous nous serions alors heurtés à l’article 40 de la Constitution, le présent amendement vise à demander un rapport.

Non seulement nous ne contestons pas la nécessité, pour l’État, de fixer des exigences en matière d’apprentissage de la langue française par les étrangers qui entrent sur son sol, mais nous estimons que c’est là un enjeu majeur.

S’il est légitime que les étrangers aient des devoirs, nous avons pour notre part une obligation de moyens, pour ne pas dire des devoirs envers eux.

Or, nous sommes nombreux à le savoir, les organismes de formation sont pour la plupart saturés, les créneaux proposés sont parfois rares selon les régions, les délais d’attente sont longs et ces formations peuvent être difficiles d’accès, car elles sont géographiquement éloignées.

Cet amendement, que j’ai à cœur de défendre, vise donc à demander au Gouvernement un rapport évaluant la politique de formation linguistique.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

S’agissant d’une demande de rapport, l’avis sera défavorable, d’autant qu’un certain nombre de documents budgétaires sont déjà disponibles, mon cher collègue.

Si vous souhaitez toutefois hausser les crédits alloués dans ce cadre, je vous invite à le proposer dans le cadre du projet de loi de finances.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. Mickaël Vallet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Mickaël Vallet

Permettez-moi d’apporter quelques éléments complémentaires, mes chers collègues.

La semaine dernière, dans cet hémicycle, nous avons débattu des questions linguistiques, par le biais de la proposition de loi visant à protéger la langue française des dérives de l’écriture dite inclusive présentée par la majorité sénatoriale. À cette occasion, il a été noté par un certain nombre d’entre nous que la France, en dépit du discours tenu par le Président de la République la semaine dernière à Villers-Cotterêts, auquel on ne peut que souscrire, n’a pas de politique linguistique nationale.

Sans vous faire injure, monsieur le ministre, si nous sommes ravis de passer du temps avec vous pour échanger sur ce projet de loi, il me semble que la ministre de la culture aurait dû être sur ce banc avec vous pour répondre à des questions de politique linguistique.

Depuis la loi 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite loi Toubon, amendée à la marge par des propositions de loi qui sont toutes respectables, bien que l’on puisse ne pas y souscrire et les considérer non pas comme des améliorations, mais comme des aggravations, s’agissant par exemple de l’écriture inclusive, la politique linguistique est un impensé de nos politiques publiques.

Nous manquons d’une vision globale sur les questions de langue, y compris les langues régionales, cher collègue Max Brisson. Or c’est un sujet désormais fondamental dans notre société, du fait notamment de l’anglicisation et de la pression qu’elle suscite pour l’ensemble des citoyens de notre pays, mais aussi pour les personnes qui souhaitent s’intégrer.

J’ai la faiblesse de croire que si nous en venions à concevoir une bonne politique linguistique par le biais d’un rapport ou à augmenter les crédits d’apprentissage du Français, qui sont un facteur d’intégration, dans le cadre du projet de loi de finances, personne ne nous répondrait que cela risque d’encourager des personnes à s’embarquer sur des radeaux de fortune pour traverser la Méditerranée dans le seul espoir de bénéficier de cours de français à leur arrivée dans notre pays.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

I. – Le livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° A

a) Au 1°, après le mot : « organisation », sont insérés les mots : «, l’histoire et la culture » ;

b) Après le 4°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La formation civique mentionnée au 1° donne lieu à un examen. L’étranger peut se représenter à cet examen, à sa demande et à tout moment, lorsqu’il a obtenu un résultat inférieur aux seuils mentionnés au premier alinéa de l’article L. 413-7 et au 2° de l’article L. 433-4. » ;

1° B

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

– après le mot : « regard », sont insérés les mots : « du résultat obtenu à l’examen mentionné au sixième alinéa de l’article L. 413-3 qui doit être supérieur à un seuil fixé par décret, » ;

– à la fin, les mots : « qui doit être au moins égale à un niveau défini par décret en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « de nature à lui permettre au moins de comprendre des conversations suffisamment claires, de produire un discours simple et cohérent sur des sujets courants et d’exposer succinctement une idée » ;

b) À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « administrative », sont insérés les mots : « tient compte, lorsqu’il a été souscrit, du respect, par l’étranger, de l’engagement défini à l’article L. 413-2 et » ;

1° Au dernier alinéa des articles L. 421-2 et L. 421-6 ainsi qu’à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 433-6, après la référence : « 1° », sont insérés les mots : « et au 2° » ;

2° L’article L. 433-4 est ainsi modifié :

a) Après le 1°, sont insérés des 2° et 3° ainsi rédigés :

« 2° Il a obtenu un résultat à l’examen mentionné au sixième alinéa de l’article L. 413-3 supérieur ou égal à un seuil fixé par décret ;

« 3° Il justifie d’une connaissance de la langue française lui permettant au moins de comprendre des expressions fréquemment utilisées dans le langage courant, de communiquer lors de tâches habituelles et d’évoquer des sujets qui correspondent à des besoins immédiats. Ces dispositions ne sont pas applicables aux étrangers dispensés de la signature d’un contrat d’intégration républicaine mentionnés à l’article L. 413-5 ; »

b) Le 2° devient un 4°.

II

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à Mme Audrey Linkenheld, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Audrey LINKENHELD

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons continuer à débattre de la langue française, puisque l’article 1er conditionne l’obtention de la carte de séjour pluriannuelle, non plus au suivi d’une formation linguistique, mais, selon le souhait du Gouvernement, à un niveau de langue attesté par un examen, auquel les rapporteurs ont ajouté un niveau de connaissance de l’histoire et de la culture françaises.

En actant le passage de l’obligation de moyens à laquelle sont actuellement soumis les demandeurs d’un titre de séjour à une obligation de résultat, nous craignons que cet article ne contribue à supprimer un facteur d’intégration au bénéfice d’un facteur d’exclusion et d’éloignement.

Nous sommes nous aussi très attachés à la langue française et aux valeurs de la République, et nous souhaitons évidemment que les demandeurs d’un titre de séjour le soient également. Mais nous craignons que cet article ne fasse peser sur le demandeur des obligations sans avoir la certitude que nous lui donnons bien les moyens d’y satisfaire.

Telle est la raison pour laquelle mon collègue Mickaël Vallet défendait à l’instant la demande d’un rapport évaluant la politique française en matière d’aide linguistique.

La réponse ne peut être exclusivement financière et, partant, renvoyée au projet de loi de finances. Il nous faut évaluer les dispositifs, pour savoir lesquels fonctionnent et lesquels ne fonctionnent pas, mais aussi identifier les structures d’enseignement linguistique qui sont réellement utiles et qui sont à la disposition des demandeurs d’un titre de séjour.

En l’absence de ces éléments, nous craignons, je le répète, que l’article 1er ne devienne un facteur d’exclusion et d’éloignement supplémentaire.

J’ajoute que le fait que le niveau de langue demandé par le Gouvernement soit fixé par décret nous inquiète particulièrement, car ce qui est fixé par décret peut être aisément modifié.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Je tiens à souligner l’importance de l’article 1er, le premier article d’origine gouvernementale que nous examinons.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Je ne suis pas membre de la commission des lois, madame de La Gontrie !

Cet article prévoit en effet de passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultat, de sorte que les personnes qui prétendent obtenir un titre de long séjour sur le territoire national devront non seulement prendre des cours de français, mais aussi passer un examen de français, dont la réussite conditionnera l’obtention d’un titre de séjour pluriannuel.

Vous avez exprimé vos craintes, madame la sénatrice Linkenheld, et, d’une certaine manière, je ne puis qu’abonder dans votre sens, puisque, depuis que le même dispositif a été instauré pour les naturalisations, celui-ci étant renforcé par un entretien dit d’assimilation, nous observons une baisse de l’ordre de 30 % du nombre des naturalisations.

Cet article emportera donc sans doute un effet de restriction d’accès au territoire national, ce qui est cohérent avec le souhait du Gouvernement de ne pas accorder de titre de long séjour à des personnes qui n’ont pas un niveau de français suffisant.

Par ailleurs, vous m’avez interrogé sur le niveau de français qui sera exigé, sur les dispositifs comparables dans d’autres pays européens et sur le nombre de personnes concernées par ce dispositif, madame la sénatrice.

Environ 70 000 personnes sont concernées aujourd’hui – il s’agit d’un flux –, auxquelles s’ajoute un « stock » de 300 000 personnes, qui devront demander le renouvellement de leur titre de long séjour. La représentation nationale doit donc se prononcer sur un dispositif dont la portée est bien supérieure à celle du regroupement familial, qui ne concerne que 13 000 à 14 000 personnes.

Pour ce qui concerne les autres pays européens, sachez, madame la sénatrice, que nous faisons plutôt figure d’exception en Europe, puisque l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas, Chypre, l’Italie, la Lituanie, le Portugal, la Croatie et l’Estonie notamment, conditionnent depuis longtemps leur droit de séjour, dès deux, trois ou cinq années de résidence, à la réussite d’un examen de langue de niveau A2 à B1.

Nous pouvons bien sûr discuter de la fixation du niveau de langue demandé, madame la sénatrice, mais celle-ci ne me paraît pas relever du domaine de la loi. Je souhaite pour ma part que ce niveau soit le plus élevé possible, sachant que tout niveau de langue qui pourra être exigé d’un étranger sera nécessairement assez bas.

J’en viens à l’accès aux cours de langues. Le Gouvernement s’est efforcé d’être cohérent, en prévoyant notamment à l’article 2, qui, hélas, a été supprimé par la commission des lois du Sénat, que les étrangers aient la possibilité de prendre des cours de français pendant leur temps de travail.

Je rappelle par ailleurs que les crédits alloués à l’intégration ont augmenté de 25 % et que nous avons prévu des moyens importants pour améliorer l’accès des associations et des préfectures à ces cours de français.

L’exigence de résultat qui conditionne l’obtention d’un titre de séjour pluriannuel est donc assortie des moyens nécessaires à la réussite de l’examen par les personnes concernées.

Je tiens à souligner que 60 % des personnes concernées sont des femmes, car, contrairement à une idée répandue, elles constituent le contingent d’immigration de travail le plus important.

L’une des difficultés majeures d’intégration que nous connaissons est précisément la situation de ces femmes qui, n’accédant pas à notre langue et à notre culture, subissent un enfermement d’autant moins acceptable qu’elles aspirent à jouir en France de la liberté dont elles étaient privées dans leur pays et qu’elles sont contraintes à une forme de communautarisation.

Je le rappelle, si la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, dite loi Sarkozy, conditionnait l’octroi d’un titre de séjour de dix ans à une connaissance suffisante du français, elle ne prévoyait pas d’examen permettant de sanctionner le niveau de langue des demandeurs. Il est de plus pertinent d’élargir le critère du niveau de langue aux titres de séjour d’une durée de validité plus courte que dix ans. Le Gouvernement propose donc d’appliquer ce critère à tous les titres de séjour pluriannuels.

Je le rappelle aussi, l’article 1er de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, dite loi Cazeneuve, prévoyait également des contraintes relatives au niveau de langue des étrangers en situation régulière. Ces derniers devaient ainsi justifier du niveau A1 au bout d’un an, et du niveau A2 au bout de cinq années de résidence en France.

Je rappelle enfin au groupe Les Républicains que, dans son programme présidentiel, Mme Pécresse conditionnait l’obtention d’un titre de séjour à la maîtrise du français, comme Bernard Cazeneuve l’avait lui-même imaginé lorsqu’il était Premier ministre.

J’en terminerai en précisant que la condition du niveau de langue ne s’applique ni aux étudiants, qui relèvent d’une autre disposition, dont nous débattrons ultérieurement, ni aux titulaires d’un passeport talent admis au séjour pour des raisons artistiques, sportives ou professionnelles, ni aux travailleurs saisonniers, qui ne séjournent que quelques mois sur le territoire national.

Pour s’intégrer durablement dans la République française, il faut au minimum en connaître la langue et – nous en débattrons – sans doute la culture. La quasi-intégralité de nos voisins européens en font autant ; cela me paraît de bon sens et je m’étonne que personne n’y ait pensé avant le gouvernement d’Emmanuel Macron.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 232 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 284 rectifié est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Éric Kerrouche, pour présenter l’amendement n° 232.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

« Mieux intégrer par la langue » : tel est l’intitulé du chapitre Ier, qui, avant les ajouts sénatoriaux, ouvrait ce projet de loi.

L’objectif est consensuel – vous l’avez indiqué, monsieur le ministre –, tant la langue est un outil d’intégration puissant. Il suffit de séjourner à l’étranger plus ou moins durablement pour s’en convaincre.

Cependant, ce projet de loi ne vise pas l’intégration par la langue : il utilise la langue pour opérer un tri entre les étrangers. Il s’agit du reste d’un procédé assez commun, la langue pouvant par exemple être utilisée, à l’intérieur d’un pays, pour opérer un tri électoral entre les citoyens.

L’instauration d’une obligation de résultat s’apparente à un couperet, quand l’apprentissage de la langue s’inscrit habituellement dans un parcours. Si la langue est, par exemple, un capital qui favorise l’insertion professionnelle, les immigrés l’apprennent le plus souvent en travaillant.

Le niveau exigé n’est pas neutre, puisque l’obtention d’une carte de séjour pluriannuelle, à laquelle un immigré peut prétendre au bout de douze mois de présence en France, sera conditionnée au niveau de langue qui est aujourd’hui exigé pour l’obtention d’une carte de résident, soit après quatre ans d’année de présence en France.

Le pas est tel que, selon l’étude d’impact, 15 000 à 20 000 étrangers pourraient se voir refuser une carte de séjour pluriannuelle pour ce motif.

Si d’autres pays posent le même type de conditions, ils consacrent aussi beaucoup plus de moyens budgétaires à l’apprentissage de leur langue. Or nous peinons à trouver des moyens supplémentaires alloués à cette fin dans le texte.

Enfin, monsieur le ministre, avez-vous songé au biais de sélection qu’emportera cette disposition ? Les immigrés issus des anciennes colonies françaises seront favorisés, quand une forme de diversification aurait été possible. Il me semble que cela va à l’encontre de vos objectifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 284 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Prenons le problème à l’envers : je me demandais à l’instant ce qui se serait passé si l’État français avait demandé à mes arrière-grands-parents de passer un examen pour s’assurer qu’ils parlaient bien notre langue, alors qu’ils ne la maîtrisaient pas correctement au moment où la France a colonisé l’Algérie.

Cela aurait été dommage, car ils ont donné naissance à des enfants qui, eux-mêmes, ont eu des enfants – entre autres, mes parents –, dont une bonne vingtaine sont devenus des instituteurs ou des institutrices ayant enseigné le français aux enfants habitant en Algérie, en particulier à ceux qui n’étaient pas de nationalité française. Cela permet d’ailleurs aujourd’hui à ces derniers de maîtriser notre langue et de pouvoir passer l’examen que vous souhaitez mettre en place sans risque d’échouer…

Plus sérieusement, pourquoi conditionner la délivrance d’une première carte de séjour à la réussite d’un examen, alors que, comme M. Kerrouche l’a souligné, ce n’est pas ce devoir de réussite qui permettra à un étranger de mieux apprendre notre langue ? À mon sens, c’est avant tout grâce à un accompagnement et une formation linguistiques de qualité que les étrangers allophones s’approprieront pleinement le français. En se soumettant à cet apprentissage, ils prouvent qu’ils souhaitent vraiment parler notre langue.

Moi-même, quand je me rends en Espagne, je souhaite parler l’espagnol ; plus généralement, quand je vais dans un pays étranger, j’espère en parler la langue. C’est la raison pour laquelle je pense que tous les étrangers qui viennent en France ont envie de parler notre langue : ce n’est pas un examen qui les incitera à la pratiquer.

En outre, ceux qui échouent à l’examen sont bien souvent ceux qui ont eu les parcours de vie les plus précaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Dans leur pays d’origine, ils n’ont pas eu la chance de suivre de longues études. Il me semble donc injuste et discriminatoire de les sanctionner pour cette raison.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

La commission est évidemment défavorable à ces amendements de suppression, puisqu’elle a souhaité conserver, après l’avoir amendé, cet article 1er.

Permettez-moi de reprendre un propos que j’ai tenu au cours de la discussion générale : une politique migratoire consiste à déterminer qui vient, qui reste et à quelles conditions. Il est parfaitement légitime qu’un État puisse fixer les conditions dans lesquelles il accueille des étrangers sur ton territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Dans ce cadre, nous avons totalement souscrit à la position du Gouvernement, qui consistait à demander aux étrangers d’atteindre un certain niveau de langue pour s’intégrer.

Une telle ambition risque-t-elle d’exclure certains étrangers ? Il est probable que seront exclus ceux d’entre eux qui ne parviendront pas à atteindre ce niveau de langue, mais c’est ainsi !

Si l’article 1er est adopté et si ce projet de loi va au terme de son parcours législatif, la France décidera que les étrangers qui viennent s’installer durablement – c’est en effet une carte de séjour pluriannuelle qui sera délivrée au bout du compte s’ils réussissent l’examen –, devront maîtriser un certain niveau de langue.

Je rappelle à cet égard que, avant d’obtenir une carte de séjour pluriannuelle, un étranger bénéficie d’un titre de séjour plus court, qui lui permet effectivement de commencer à acquérir notre langue.

À l’opposé de tout ce qui se faisait jusqu’alors, l’article 1er, tel que la commission l’a amendé, prévoit que l’on exigera désormais d’un étranger la maîtrise d’un certain niveau de langue pour obtenir un titre de séjour – cette maîtrise devra être au moins égale au niveau A2. Il y a une obligation de résultat en la matière, tout comme en matière de formation civique, d’histoire et de culture, car l’enjeu pour ces étrangers est de parvenir à s’intégrer en France.

Nous avons souhaité que, comme dans bien d’autres États membres de l’Union européenne, cette maîtrise de la langue soit la plus parfaite possible, de sorte que les étrangers puissent bénéficier de la meilleure intégration possible.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Nous avions bien compris le sens de cette mesure, madame la rapporteur, mais je vous remercie tout de même de nous l’avoir réexpliquée.

Pour autant, je ne sais pas si vous mesurez bien les difficultés qui se posent. Pour avoir accompagné des étudiants dans leur apprentissage du français langue étrangère, je puis vous assurer qu’il est très compliqué d’apprendre une nouvelle langue.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Les étudiants ne sont pas concernés par cet article !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

En l’occurrence, le problème est moins la nécessité d’apprendre la langue – cet impératif est une évidence pour l’ensemble des parlementaires présents dans cet hémicycle –, que le niveau de français que vous avez fixé et qui paraît irréaliste.

Je vous pose de nouveau la question, madame la rapporteur : avez-vous pensé au biais de sélection que cette mesure suscitera ? Un tel dispositif favorisera structurellement une certaine immigration, celle qui est issue de nos anciennes colonies, et pourrait, à l’inverse, dissuader d’autres immigrés, pourtant qualifiés, de nous rejoindre.

D’une part, la mesure n’est pas opérante en raison du niveau de langue qu’elle définit. D’autre part, elle institue un biais de sélection qui est difficilement compréhensible. En somme, cette mesure rate sa cible !

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. Mickaël Vallet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Mickaël Vallet

Je cherche à me persuader, par cette explication de vote, dans un élan d’optimisme, que nous sommes malgré tout capables de semer des graines pour la suite des débats que nous pourrons mener dans le cadre de l’examen de textes à venir.

L’histoire des immigrés à travers le monde, quels que soient les continents et quelles que soient les époques, est toujours un peu la même. Les romans et les films sont emplis de cette histoire, notamment les romans écrits en langue française par des personnes ayant immigré en France.

Il s’agit souvent d’individus qui, parce qu’ils n’ont pu apprendre la langue et parce qu’ils n’ont pas été aidés à leur arrivée, sont marqués du sceau d’un parler hésitant jusqu’à la fin de leur vie.

Il s’agit d’une histoire partagée, quels que soient les types d’immigration : celle d’immigrés qui ont souffert toute leur enfance, toute leur jeunesse, de devoir passer leur temps à traduire les propos de leurs parents. Ils en ont eu parfois honte, ce qu’ils regrettent plus tard. De cela aussi les romans et les films sont emplis.

Tout cela pour dire que je partage totalement l’exposé que vous venez de faire, monsieur le ministre, même si, encore une fois, je pense que Mme la ministre de la culture aurait dû être parmi nous ce soir.

Je partage votre logique, parce que la connaissance de la langue du pays dans lequel on vit est ce qui délivre et ce qui permet de s’émanciper d’un milieu familial parfois un peu étroit, ainsi que – il ne faut pas l’oublier ! – de sa culture d’origine. C’est aussi ce qui permet à ces enfants-là, à ces citoyens-là, de devenir des Français particulièrement bien outillés, parce que le fait d’être bilingue ou plurilingue, dans le monde tel qu’il va, constitue vraiment un avantage exceptionnel.

En revanche, là où je ne vous suis plus, monsieur le ministre, c’est lorsque vous dites que 15 000 à 20 000 personnes n’y arriveront pas.

M. le ministre fait un signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Mickaël Vallet

Dans les préfectures, dans les départements, dans les réseaux régionaux, comment comptez-vous vous organiser pour garantir l’accès à la langue, afin de renforcer la cohésion nationale et républicaine ? C’est cette question des moyens qui se pose aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

En fait, l’ambition d’une intégration réussie est partagée par tous. Et la langue est l’un des premiers outils nécessaires à cette intégration réussie. Peu sont ceux qui le contestent.

Il reste que la rédaction même de l’article et le manque d’exceptions prévues pour en garantir l’applicabilité font que celui-ci est, nous semble-t-il, inadapté à la diversité des situations.

La Défenseure des droits, l’amie de M. Bonhomme

M. François Bonhomme sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

De plus, dans son avis, le Conseil d’État a souligné que le Gouvernement n’avait pas souhaité indiquer à ce stade, même s’il l’a spécifié depuis lors, le niveau de langue retenu, et que le fait de laisser au pouvoir réglementaire le soin d’établir ce niveau de langue paraissait problématique : cela créerait une incertitude pour les demandeurs et laisserait trop peu de marges à l’exécutif pour relever le niveau, ce qui pourrait entraîner une baisse du nombre des cartes de séjour pluriannuelles délivrées.

Enfin, la CFDT a indiqué, à juste titre, que le doublement des formations et la création de parcours de 400 et de 600 heures de formation, qui s’adressent aux personnes ayant été peu ou pas scolarisées, ont déjà permis de faire passer le taux de réussite à l’examen de niveau A1 de 66 % à 75 % en deux ans.

La question qui se pose n’est donc pas celle d’une absence de volontarisme des étrangers, mais bien celle des moyens qui leur sont alloués dès leur arrivée sur le territoire et tout au long de leur vie, lesquels permettront à chacun d’entre eux de s’intégrer en France. C’est donc avec une réelle préoccupation quant à son opérationnalité que nous nous opposons à cet article.

Qui plus est, nous nous demandons si le nombre de postes offerts à cet examen, notamment en fonction des territoires, est vraiment adapté. Qu’est-ce qui est prévu pour une personne étrangère qui n’aurait techniquement pas pu passer l’examen dans l’année ?

Pour toutes ces raisons, notre groupe demande la suppression de l’article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Audrey LINKENHELD

Au travers de cette explication de vote, je veux redire, dans le droit fil de ce qu’ont indiqué plus particulièrement mes collègues Éric Kerrouche et Mickaël Vallet, que nous cherchons non pas à nous opposer à la définition d’un niveau de langue qu’il faudrait atteindre pour l’obtention d’une carte de séjour pluriannuelle, mais à savoir comment il serait possible d’atteindre ce niveau de langue au bout d’un an.

Comment, en l’espace d’une année, un étranger pourrait-il atteindre le niveau de langue requis aujourd’hui pour l’obtention d’une carte de résident de cinq ans ? Comment pourrait-il atteindre, en un an seulement, le niveau A2, qui, si l’on pousse la comparaison, correspond à la maîtrise de leur deuxième langue vivante atteinte par nos bacheliers ?

Je parle de bacheliers qui ont commencé à apprendre cette deuxième langue vivante dès le collège et qui ont continué à le faire au lycée plusieurs heures par semaine.

Ce n’est qu’après toutes ces années qu’ils sont parvenus à atteindre le niveau A2, ce même niveau auquel on voudrait que des personnes étrangères parviennent au bout d’un an seulement, alors qu’elles ne bénéficient évidemment pas des mêmes conditions d’apprentissage que celles qu’offre l’éducation nationale, qu’elles travaillent bien souvent en parallèle, ce qui est tant mieux, et qu’elles connaissent les difficultés que l’on a rappelées à l’instant.

Comment peut-on exiger de ces personnes qu’elles attestent en une seule année d’un tel niveau de langue ?

Comme l’ont souligné nos collègues, notre préoccupation devrait être, non pas de les exclure, de les éloigner et de les maintenir dans la précarité en ne leur offrant qu’une carte de séjour temporaire, mais, au contraire, de les accompagner dans l’apprentissage de cette très belle langue qu’est le français.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

M. Gérald Darmanin, ministre. Je l’avoue, je ne pensais pas que l’idée assez simple qu’il faut, quand on est étranger, avoir pour objectif de s’intégrer susciterait tant d’oppositions de principe.

M. Mickaël Vallet s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Quand on devient Français, il faut s’assimiler à la République ; un étranger, lui, doit s’intégrer à la République, et il le fait par la langue. Je rappelle à ce titre que la Constitution dispose que « la langue de la République est le français » – nous devrions tous ici partager cette conviction.

Demander qu’un étranger maîtrise la langue française, afin de bénéficier d’un titre de long séjour, me semble l’une des conditions d’une intégration réussie.

Cela étant, il ne faut pas faire dire à cet article ce qu’il ne dit pas : si un étranger rate l’examen, il ne se verra certes pas délivrer de titre de long séjour, mais il aura tout de même un autre titre de séjour d’un an.

Certes, ce titre ne lui ouvrira pas le bénéfice du regroupement familial, mais c’est un fait exprès ! Nous n’allons tout de même pas faire venir la famille d’un étranger qui ne maîtrise pas notre langue, sauf si l’on veut prendre le risque de favoriser de nouveau le communautarisme, l’exclusion, voire les discriminations !

Si l’on s’engage dans cette voie, vous pouvez être sûrs que, ensuite, on assistera à de grands débats publics au cours desquels les uns et les autres se demanderont pourquoi les étrangers ne s’intègrent pas à la République. Or, si les étrangers ne s’intègrent pas, c’est tout simplement parce que, au travers de la langue, c’est non seulement la compréhension du monde qui se joue, mais aussi une certaine idée de la liberté, de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la religion et de la laïcité.

Celui qui ne maîtrise pas notre langue ne maîtrise pas nos concepts : il me semblait que, depuis François Ier, ce constat était assez clairement établi.

Si jamais un certain nombre d’étrangers ne réussissaient pas leur examen, ils ne disposeraient donc que d’un titre de séjour d’un an, ne leur permettant pas d’accéder au regroupement familial, mais ils pourraient très bien retenter leur chance l’année suivante après avoir bénéficié d’une formation.

Vous faites semblant d’avoir oublié – surtout vous, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe socialiste –, que vous avez voté la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, dans laquelle figuraient des articles prévoyant expressis verbis l’augmentation des moyens consacrés à l’intégration, notamment en contrepartie de l’engagement des étrangers de passer un examen de français.

Je suis certain que, dans quelques jours, vous voterez les crédits de mon ministère pour 2024, puisque j’ai fini par vous convaincre d’adopter ce budget : nous prévoyons d’augmenter de 9 millions d’euros les moyens consacrés par l’Ofii, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, aux cours de français destinés aux étrangers qui passeront l’examen de langue que nous proposons de mettre en place. Il s’agit du montant exact dont nous avons besoin pour former les 70 000 personnes qui vont arriver.

Vous avez voté ce texte il y a neuf mois à peine : des moyens sans précédent ont été prévus pour intégrer les étrangers dans notre pays, et cela pour répondre à des exigences qui sont elles aussi sans précédent.

C’est d’ailleurs la même chose partout en Europe. Ainsi, en Italie, le seuil exigé pour l’obtention d’un titre de séjour, après qu’un étranger a passé deux ans sur le territoire italien, est le niveau A2.

Debut de section - PermalienPhoto de Audrey LINKENHELD

Oui, mais combien de cartes de séjour l’Italie délivre-t-elle ?

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

C’est également le dispositif applicable à Chypre, en République tchèque, à Malte, en Lettonie, en Lituanie, au Portugal, aux Pays-Bas, en Slovénie et au Danemark. Notre démarche n’est pas donc très originale.

J’ajoute qu’il est probablement tout aussi difficile d’apprendre le danois que le français…

Personne ne conteste que les Américains exigent d’un étranger qu’il soit capable de parler anglais et qu’il dispose d’un titre de travail garanti par une entreprise pour l’obtention d’un titre de long séjour.

En France, nous demandons seulement que l’étranger parle à peu près notre langue, s’il veut obtenir un titre de long séjour, et uniquement dans ce cas. Nous délivrons par ailleurs un titre de travail général, pour un métier en général, et non un titre dépendant du parrainage d’une entreprise en particulier.

Il est donc faux d’affirmer que nous serions les plus exigeants en la matière ! Nous étions au contraire les moins exigeants, et nous sommes en train de réparer cette erreur.

Enfin, j’affirme qu’il s’agit d’une mesure de bon sens. Quiconque a été élu local, ne fût-ce que très peu de temps, sait bien que la non-maîtrise de la langue prive de tout, y compris – vous qui êtes membres du groupe socialiste, vous devriez y réfléchir – de droits auxquels on pourrait avoir accès. Le non-recours aux droits résulte bien souvent en effet d’une absence de compréhension de la vie administrative.

Sauf si l’on veut tenir les étrangers dans une forme d’assistanat, qui consiste à les guider et à les accompagner perpétuellement dans leurs démarches, et faire en sorte qu’ils ne deviennent pas des hommes et des femmes libres, capables de faire valoir seuls leurs droits – c’est une philosophie qui est, me semble-t-il, totalement étrangère à celle à laquelle nous devrions souscrire –, il faut tout faire pour que ces femmes et ces hommes se déterminent en fonction, non pas de leurs dépendances et de leur statut, mais de leur individualité.

Allons plus loin : il est temps de montrer que vous voulez vraiment que les femmes soient libres, indépendantes de leurs maris et de leur communauté, qu’elles puissent vivre, travailler, élever leurs enfants indépendamment de leurs liens familiaux, et refuser le patriarcat.

Mme Françoise Gatel et M. Stéphane Sautarel applaudissent. – Exclamations sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je mets aux voix les amendements identiques n° 232 et 284 rectifié.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L’amendement n° 493 rectifié ter, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Belin et Duffourg, Mme Muller-Bronn, MM. Klinger et Bouchet, Mmes V. Boyer et Belrhiti, MM. Reynaud et Panunzi, Mme Berthet, MM. Brisson, Genet et Favreau, Mmes P. Martin, Jacques et Bellurot, MM. Karoutchi, Somon, Tabarot, Gremillet et Menonville, Mmes Lopez et Canayer et MM. Khalifé, Cambier, Laugier et Bruyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le second alinéa de l’article L. 413-2 est complété par une phrase ainsi rédigée : « S’il est parent, l’étranger s’engage également à assurer à son enfant une éducation respectueuse des valeurs et principes de la République et à l’accompagner dans sa démarche d’intégration à travers notamment l’acquisition de la langue française. » ;

La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Do AESCHLIMANN

Cet amendement vise à responsabiliser les parents étrangers dans la démarche d’intégration de leurs enfants allophones.

Monsieur le ministre, le sujet de l’intégration des enfants est un impensé de ce projet de loi sur l’immigration.

Alors que le motif familial est le deuxième motif d’attribution d’un titre de séjour en 2022, et alors que l’immigration familiale devrait être autant un parcours qu’un projet familial, au fond, le présent amendement tend à renforcer les obligations des parents étrangers résultant du contrat d’intégration républicaine, en prévoyant qu’ils s’engagent à assurer à leurs enfants non seulement une éducation respectueuse des valeurs et des principes de la République, mais encore, et surtout, un accompagnement dans l’acquisition de la langue française.

L’acquisition de la langue du pays d’accueil est indispensable pour s’intégrer. Si cela vaut pour les parents, cela vaut aussi pour les enfants.

J’ajoute que les parents doivent être conscients que leurs efforts pour aider leurs enfants à acquérir la langue française et à respecter les valeurs de la République conditionnent et leur intégration dans la communauté française et leur réussite personnelle et professionnelle.

Cette intégration ne peut réussir sans l’engagement conscient et actif de la cellule familiale vis-à-vis de chacun de ses membres, un engagement dans l’apprentissage de la langue française, qui est le fondement de notre identité nationale, ainsi qu’un ciment de notre communauté nationale et un prérequis pour l’insertion sociale et professionnelle.

Mes chers collègues, permettez-moi enfin de souligner, alors que nous déplorons si souvent – à juste titre – la déresponsabilisation de ces parents dont les enfants rejettent les valeurs de la République ou sombrent dans la délinquance, que je vous propose de réaffirmer solennellement ici le principe de responsabilité parentale et de le mettre au centre du contrat d’intégration républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Tout d’abord, la commission partage tout à fait votre volonté, madame Aeschlimann, de faire en sorte que les parents étrangers respectent les principes de la République française et les transmettent à leurs enfants, tout comme ils doivent transmettre la langue française.

Cela étant, pour ces enfants-là, je pense que la transmission de notre langue se fait plutôt par l’école.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Quant aux principes de la République, nous sommes tellement d’accord avec vous sur la nécessité de leur acquisition que ce projet de loi comporte un article 13, qui prévoit déjà que le séjour est conditionné au respect des principes de la République.

Autrement dit, si des parents n’élevaient pas leurs enfants dans les principes de la République ils pourraient parfaitement se voir retirer leur titre de séjour.

Aussi, votre amendement me semble déjà satisfait, ma chère collègue, et je vous prie de bien vouloir le retirer.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Je vous prie, madame la rapporteur, de bien vouloir m’excuser, mais je suis plutôt favorable à cet amendement.

Il me semble en effet qu’il est possible de lier les dispositions des articles 1er et 13 sur les valeurs de la République dans le cadre de la navette parlementaire, mais qu’il manque dans ces articles la dimension parentale du dispositif proposé par Mme Aeschlimann.

Si j’ai bien compris le sens de votre amendement, madame la sénatrice, vous défendez en effet l’idée d’un contrat de responsabilité entre les parents et la République pour ce qui est de la langue française, mais surtout des valeurs de la République. Cela ne correspond pas tout à fait à l’objet de l’article 13, même si, comme le disait Mme la rapporteur, tout cela est assez cohérent.

Si, dans les débats, notamment ceux qui auront lieu à l’article 13, certaines redondances apparaissent, j’imagine, madame Aeschlimann, que vous ne vous vexerez pas si nous sommes amenés par la suite, dans le cadre de la navette parlementaire, à corriger votre amendement.

Sur le principe, en tout cas, je tiens à vous apporter mon soutien, en émettant un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

J’indique malgré tout que la commission a introduit, à l’article 13, un contrat qui prévoit déjà le respect des valeurs républicaines, ce qui ne figurait pas dans le texte initial…

Est-il par conséquent vraiment nécessaire de prévoir un autre contrat visant à cette fin ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Audrey LINKENHELD

En ce qui nous concerne, nous sommes évidemment défavorables à cet amendement, mais je tiens tout de même à faire part, au-delà des débats auxquels nous assistons entre Mme la rapporteur, M. le ministre et notre collègue, de notre surprise.

Il me semblait que, jusqu’à présent, c’était à l’école de la République d’enseigner la langue française aux enfants.

Je ne méconnais évidemment pas la responsabilité qui incombe aux parents, que ce soient des parents français ou étrangers, mais qu’est-ce que c’est que ce Parlement qui considère que l’école de la République ne serait plus capable aujourd’hui de faire en sorte que ces enfants apprennent le français, comme n’importe quel autre enfant ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je mets aux voix l’amendement n° 493 rectifié ter.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L’amendement n° 626, présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Le 3° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cet accompagnement est subordonné à l’assiduité de l’étranger et au sérieux de sa participation aux formations mentionnées aux 1° et 2° du présent article. » ;

La parole est à Mme le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Cet amendement tend à conditionner l’accompagnement professionnel dont bénéficient les signataires du contrat d’intégration républicaine au suivi sérieux et assidu des formations qui sont prescrites en matière linguistique et civique. Ces deux obligations seront suivies conjointement.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Je m’en remets à la sagesse du Sénat.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L’amendement n° 517 rectifié bis, présenté par MM. Reichardt, Daubresse et Bonneau, Mme N. Goulet, MM. Bruyen, Klinger, Paccaud, Rietmann, Pellevat et Lefèvre, Mme V. Boyer, M. Kern, Mmes Schalck, Muller-Bronn et Dumont, M. Bas, Mme Herzog, M. Pointereau, Mme Drexler, MM. Belin et Cadec, Mmes Borchio Fontimp, Micouleau et Bellurot, MM. Genet et Panunzi, Mme Belrhiti, MM. Bouchet, Duffourg, Chatillon, Cuypers et Gueret, Mme Aeschlimann et M. Gremillet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Afin de déterminer le niveau de français requis pour la délivrance de chaque type de titre de séjour, le pouvoir réglementaire prend en considération les conclusions d’une étude d’impact relative aux effets de ce niveau d’exigence envers chacune des catégories de demandeurs. » ;

La parole est à M. André Reichardt.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais essayer de vous convaincre du bien-fondé de cet amendement. Même si une proposition analogue a d’ores et déjà reçu un avis défavorable de la commission des lois, j’entends bien que la Haute Assemblée le vote.

Avec cet amendement, nous demandons simplement la prise en compte d’une étude d’impact sur la détermination du niveau de langue requis.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Je m’explique : la fixation du niveau de français requis pour la délivrance d’un titre de séjour relève bien sûr du pouvoir réglementaire, chacun le sait.

En revanche, il me semble qu’il revient au pouvoir législatif de rappeler les exigences des principes d’égalité et de proportionnalité des effets obtenus, en fixant le niveau de langue souhaité. En effet, afin d’atteindre l’objectif d’intégration visé par le présent projet de loi, le niveau d’exigence fixé par le pouvoir réglementaire doit, à mon sens, être défini de manière précise et proportionnée, en distinguant les différences de situation susceptibles d’entraîner une variation du niveau requis.

Il importe par exemple de tenir compte du type d’emploi recherché et de la qualification requise. Le même niveau de langue ne doit pas être exigé d’une personne se destinant à être coiffeuse et d’une autre souhaitant être ingénieure !

De la même façon, il faut tenir compte de la situation éventuelle de handicap, de la vulnérabilité, de l’âge et du niveau de scolarisation de la personne concernée, entre autres.

Le présent amendement a donc simplement pour objet de renforcer la sécurité juridique de ce dispositif, en écartant tout risque de discrimination et tout effet disproportionné résultant du seuil retenu, grâce à une étude d’impact détaillée selon les catégories de demandeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Monsieur Reichardt, puisque vous en êtes membre, vous vous rappellerez que la commission des lois a estimé que la définition du niveau de langue demandé ne relevait pas nécessairement du pouvoir réglementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Audrey LINKENHELD

Ce niveau de langue doit au contraire être défini par décret !

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

C’est du reste pourquoi nous nous sommes emparés de cette question et avons fixé le seuil exigé au niveau A2.

Par conséquent, nul besoin ici de mesures d’impact, puisque nous avons déjà fixé, dans ce projet de loi, le niveau que nous souhaiterions que l’étranger atteigne pour l’obtention d’une carte de séjour pluriannuelle en France.

L’étude d’impact que vous proposez ne nous paraissant plus nécessaire, vous comprendrez, mon cher collègue, que nous vous demandions de retirer votre amendement, faute de quoi, nous y serions défavorables.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Le Gouvernement sera également défavorable à cet amendement, et je vais moi aussi tenter de vous convaincre, monsieur le sénateur.

Tout d’abord, il existe déjà une étude d’impact. L’article 1er a évidemment été soumis à l’avis du Conseil d’État, dont de longues pages sont consacrées aux effets attendus de ces dispositions sur le niveau de langue requis. J’estime aujourd’hui qu’elles répondent à la préoccupation que vous avez exprimée.

Même si nous sommes à peu près d’accord sur le niveau de langue à exiger d’un étranger, je reste persuadé qu’une telle mesure relève du domaine réglementaire. Quoi qu’il en soit, il me semble, monsieur le sénateur, qu’il existe d’ores et déjà dans le texte de quoi satisfaire votre demande.

J’ai en outre l’impression que votre amendement, s’il était adopté, amoindrirait la disposition générale voulue par le Gouvernement, qui consiste à exiger la maîtrise par toutes et tous de notre langue pour la délivrance d’un titre de long séjour.

Je subodore également, puisque vous avez vous-même évoqué des différences entre les métiers, l’inspiration quelque peu patronale de votre amendement…

Marques d ’ ironie sur les travées du groupe SER.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Je constate en effet que, si votre amendement était adopté, nous exclurions du dispositif une part de la main-d’œuvre arrivée sur le territoire national qui se destine à des métiers n’exigeant pas un niveau de français plus élevé que le niveau moyen de maîtrise de la langue atteint par les étrangers en France aujourd’hui – je rappelle que 30 % des étrangers en situation régulière parlent ou écrivent mal le français –, et qui risquerait de ne pas obtenir de titre de long séjour si un examen de langue plus exigeant était mis en œuvre.

Toutefois, sachez que les employés et les ouvriers – c’est ce que j’essaie d’expliquer à certains patrons – ne se contentent pas de travailler dans les usines et les entreprises. Ces personnes vivent dans notre société, fréquentent un club de sport, se promènent dans la rue, s’intéressent à la vie de leur cité, fréquentent un culte, rencontrent des amis, etc.

J’ai parfois le sentiment, lorsque je rencontre certains responsables patronaux – ce n’est pas toujours le cas, et ce n’est pas le cas de tous – qu’ils voient les étrangers uniquement comme une main-d’œuvre, et jamais comme des citoyens que nous aurons ensuite collectivement à gérer.

Tous ces étrangers quitteront d’ailleurs peut-être un jour ces usines et ces entreprises. Simplement, comme ils disposent d’un titre de long séjour, ils resteront sur le territoire national et continueront de fréquenter les espaces publics, tout comme les autres étrangers en situation régulière et les Français.

C’est pourquoi je suis peu sensible aux arguments d’une partie du patronat – je ne dis pas cela pour vous, monsieur le sénateur Reichardt, mais pour que chacun comprenne bien.

Je ne veux pas distinguer entre les différents niveaux de français : je préfère que l’on s’intéresse au niveau de français requis de tout étranger souhaitant acquérir un titre de long séjour, plutôt qu’au niveau de français exigé selon le métier qu’il exerce, car un étranger peut tout à fait changer de profession ou suivre une nouvelle formation. On ne peut pas le réduire à son métier.

Tout cela me conduit à vous dire, monsieur le sénateur, que votre proposition tend à amoindrir sensiblement la disposition du Gouvernement.

Comme je suis très attaché – c’est une conviction très profonde – à l’idée qu’un étranger doit parler, apprendre et comprendre correctement notre langue s’il veut durablement s’installer sur le territoire de la République, je considère qu’il ne faut pas conditionner cette exigence à l’exercice de tel ou tel métier, même si je puis comprendre le principe que vous défendez, peut-être selon un point de davantage capitaliste que patriotique.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Manifestement, monsieur le ministre, je n’ai pas réussi à vous convaincre.

Même si je reste persuadé que le niveau de français exigé peut différer selon la situation des uns et des autres, je ne souhaite naturellement pas amoindrir les exigences que vous fixez.

C’est pourquoi, tout en formulant le vœu que le juge administratif vous donne raison si un requérant vient à le saisir, je retire mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Audrey LINKENHELD

J’en reprends le texte, madame la présidente !

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je suis donc saisie d’un amendement n° 517 rectifié ter, présenté par Mme Linkenheld, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 517 rectifié bis.

Vous avez la parole pour le défendre, ma chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Audrey LINKENHELD

Si je reprends cet amendement, c’est parce qu’il tend à prévoir une étude d’impact pour évaluer les effets des niveaux d’exigence requis de chacune des catégories de demandeurs de titres.

Cet amendement n’a pas pour objet d’exiger un niveau de langue qui différerait selon la catégorie des demandeurs. Si tel était le cas, je pourrais accepter les arguments développés par M. le ministre, car il n’est évidemment pas question de souscrire aux raisonnements du patronat ou, en tout cas, de faire en sorte que, selon le niveau de qualification, on ne demande pas le même niveau de français aux étrangers.

Il est parfaitement normal que tous les étrangers comprennent notre langue de la même manière dans toutes leurs activités quotidiennes et professionnelles.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Démonstration intéressante !

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je mets aux voix l’amendement n° 517 rectifié ter.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 452, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 3° Il a bénéficié des conditions nécessaires à l’apprentissage de la langue française soit l’accès à des cours gratuits dans son département de résidence ; »

La parole est à M. Ian Brossat.

Debut de section - PermalienPhoto de Ian BROSSAT

Cet amendement vise à modifier l’alinéa 15, afin d’associer l’exigence de réussite à l’examen et le bénéfice des conditions nécessaires à l’apprentissage de la langue française, à savoir l’accès à des cours gratuits dans le département de résidence de la personne concernée.

En effet, si une obligation de résultat est imposée, si l’on souhaite être cohérent et si l’objectif est l’intégration, une obligation d’effort doit, dans le même temps, être exigée des pouvoirs publics et les moyens nécessaires à l’apprentissage du français doivent être mis en place.

L’objectif est-il d’intégrer ou de limiter davantage le nombre d’étrangers sur notre territoire ? Très honnêtement, depuis le début de cette discussion, j’ai le sentiment, en écoutant la majorité sénatoriale, que l’objectif n’est pas l’intégration. En effet, si tel était le cas, mes chers collègues, vous n’auriez pas restreint les conditions du regroupement familial et supprimé, pendant des années, les allocations familiales pour les étrangers en situation régulière.

J’ai le sentiment qu’il s’agit plutôt de dégrader les conditions de vie des étrangers qui vivent sur notre sol, ce qui est totalement contradictoire avec l’objectif d’intégration.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L’amendement n° 234, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 15, après la première phrase

Insérer deux phrases ainsi rédigées :

Ces dispositions ne sont applicables qu’à la condition qu’une formation adaptée, à proximité de son lieu de résidence, ait été proposée à l’étranger, et que cette formation ait pu être mise en œuvre par l’organisme de formation avant le terme du titre de séjour. L’étranger peut attester par tout moyen du non-respect de ces conditions.

La parole est à M. Adel Ziane.

Debut de section - PermalienPhoto de Adel ZIANE

Monsieur le ministre, mes collègues et moi-même avons écouté avec attention vos propos sur la question des objectifs, des moyens et des résultats.

Nous partageons le même objectif, qui figure dans le titre même de ce projet de loi, à savoir assurer une meilleure intégration par le travail et par la langue ; c’est un point extrêmement important.

Voilà quelques jours, mon collègue Mickaël Vallet l’a rappelé, nous avons débattu de l’écriture inclusive. Nos collègues du groupe Les Républicains exprimaient alors une réelle inquiétude quant aux effets négatifs de cette écriture sur la capacité d’apprentissage des étrangers ; nous en avons abondamment discuté.

Toutefois, si nous souscrivons à cet objectif, nous constatons, ce soir, que les dés sont pipés en matière d’apprentissage de la langue – en cela, je m’inscris dans la suite des propos d’Ian Brossat. En effet, la question des objectifs est une chose, mais celle des moyens en est une autre, et nous n’avons pas de réponse sur ce sujet.

Cet amendement vise donc à garantir que l’État engage les moyens nécessaires pour atteindre cet objectif d’un véritable apprentissage de la langue.

La langue française, c’est la clé d’entrée de l’intégration ; c’est le moyen de comprendre notre société, notre démocratie, son fonctionnement et ses valeurs.

Néanmoins, quand l’objectif assigné à des personnes qui connaissent des difficultés d’apprentissage de la langue – une langue difficile – doit être atteint en une année – cet élément figure également dans ce texte –, sans que l’on décrive concrètement les moyens disponibles en termes d’accessibilité, de nombre de professeurs et d’heures d’enseignement suffisantes, je m’interroge sur la véracité des propos tenus.

Enfin, puisque l’on a parlé des différents pays de l’Union européenne, je vous invite à vous rendre au Luxembourg, comme je l’ai fait moi-même il y a quelque temps. Une politique volontariste y est mise en œuvre et de réels moyens sont mis à la disposition des étrangers en situation irrégulière, afin qu’ils s’intègrent par la maîtrise de la langue.

Je le répète, la question des moyens est cruciale.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

En réécrivant l’alinéa 15, les auteurs de ces deux amendements « écrasent » en quelque sorte l’obligation de résultat, qui constitue précisément l’apport principal de ce projet de loi en matière de formation linguistique.

Ce n’est pas dégrader la condition des étrangers que de préciser qu’ils doivent parler un français raisonnablement correct pour séjourner plusieurs années en France ! Nous maintenons donc cette obligation de résultat, à laquelle nous tenons.

Par ailleurs, les auteurs des amendements prévoient pour l’État l’obligation de dégager des moyens et d’offrir des cours gratuits. Or le contrat d’intégration républicaine prévoit déjà des cours. Cette disposition me semble donc satisfaite.

La commission émet par conséquent un avis défavorable sur ces deux amendements.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Monsieur Brossat, je me réjouis que nous souscrivions au même objectif !

Je le précise, les dispositions relatives à la langue, qu’il s’agisse des cours ou de l’examen, concernent uniquement les personnes en situation régulière sur le territoire national. Vous évoquiez les migrants, dont certains sont en situation irrégulière. Or une personne qui se trouve dans cette situation ne prend pas de cours de langue pour s’intégrer dans la République française ; elle doit quitter le territoire national. Aucun gouvernement n’a jamais imaginé lui donner des cours ou lui faire passer un examen de français.

En revanche, une personne en situation régulière, dotée d’un titre de séjour court et souhaitant obtenir un titre de long séjour sur le territoire national, doit passer un examen de français.

Les moyens consacrés sont les 9 millions d’euros que j’évoquais précédemment, ce qui correspond à environ 70 000 titres de court séjour transformés en titres de long séjour.

Monsieur Brossat, je partage votre volonté que les cours soient gratuits. C’est d’ailleurs ce qui est déjà prévu, mais peut-être est-il préférable de l’inscrire dans la loi.

En outre, je vous retourne votre argument : vous n’avez pas envie de poser des exigences en matière de maîtrise de la langue, puisque vous « écrasez » l’obligation, comme le soulignait Mme la rapporteur.

Par conséquent, si vous pensez que l’obligation de résultat est une bonne chose, puisque vous affirmez vouloir atteindre le même objectif que moi, mais que vous doutez des moyens, je vous propose de sous-amender l’amendement que vous avez défendu, dont la rédaction semble la plus simple, afin d’inscrire la gratuité des cours de langues en regard de l’obligation de résultat.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agirait de modifier l’alinéa 15 de l’article, en insérant un 4° qui reprendrait les dispositions de l’amendement défendu par M. Brossat, qui visait, à l’origine, à modifier la rédaction du 3°. Ce dernier ne serait donc pas modifié et resterait consacré à l’obligation de réussite à l’examen. La gratuité des cours serait, quant à elle, inscrite au 4°.

Ainsi serons-nous certains que ces cours seront gratuits, ce qui, je n’en doute pas, correspond au vœu de tout le monde ici, sauf à faire preuve d’hypocrisie, car tout le monde souhaite que l’intégration des étrangers réussisse. Et j’attends de voir qui refusera des cours gratuits pour les étrangers désireux de s’intégrer dans la République…

M. Dany Wattebled applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 653, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :

Amendement n° 452

I. Alinéa 2

Remplacer les mots :

Rédiger ainsi cet alinéa

Par les mots :

Après cet alinéa, insérer un alinéa ainsi rédigé

II. Alinéa 3

remplacer la référence

par la référence

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Il s’agit uniquement de préciser que les cours sont gratuits, ce qui est déjà le cas dans les faits.

La commission émet donc un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Madame la présidente, pourrions-nous suspendre la séance pendant quelques instants ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

En effet, nous n’avons pas bien compris la proposition du Gouvernement et voudrions prendre connaissance du texte de son sous-amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinquante.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La séance est reprise.

La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Audrey LINKENHELD

Depuis le début de cette soirée, nous avons exprimé nos réticences quant à l’obligation, inscrite par le Gouvernement dans le présent projet de loi, de justifier d’un certain niveau de langue pour se voir délivrer une carte de séjour pluriannuelle.

Ce niveau de langue exigé – je n’ai pas bien compris s’il serait fixé par la loi ou par le décret… – pourrait être le niveau A2.

Nous avons demandé à disposer d’une évaluation de la formation linguistique dispensée dans le pays ou d’une étude d’impact, ce qui nous a été refusé. C’est pourquoi nous craignons toujours que cet examen de langue ne soit un facteur d’exclusion, plutôt que d’intégration.

Que les cours de langue soient gratuits est bien entendu un élément positif, auquel nous ne pouvons que souscrire. Mais cela n’enlève rien aux craintes exprimées jusqu’à présent au sujet du niveau de langue A2, qui nous paraît très difficile à atteindre.

Le maintien d’une carte de séjour temporaire rejetterait alors dans la précarité, une fois encore, des hommes et des femmes qui ne demandent rien d’autre que de s’intégrer grâce à une carte de séjour pluriannuelle et d’avoir accès à de véritables moyens d’apprendre cette belle langue qu’est le français.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

M. le ministre a expliqué – j’ai été attentif, d’autant qu’il est nécessaire de rester concentré assez longtemps sur ses explications – que la langue était le Graal, l’élément qui permettait d’être intégré dans la communauté nationale. Il en résulte l’obligation de justifier d’un niveau de langue, que nous contestons aujourd’hui.

Par ailleurs, M. le ministre affirme être tout de même attentif à nos propos et rechercher le consensus. Il ne peut donc qu’être d’accord sur un point : il est impossible de fixer une obligation de niveau si l’État ne fournit pas le pont permettant d’atteindre ce Graal ! Sinon, cela reviendrait à créer de nouveaux fossés, de nouvelles difficultés, un parcours du combattant qui empêcherait d’accéder aux titres de séjour, même si M. le ministre déclare, la main sur le cœur, qu’une formation gratuite sera dispensée à tous ceux qui le souhaitent.

Pourtant, lorsque nous proposons de garantir aussi le chemin vers la formation, nous ne recevons aucune garantie.

Monsieur le ministre, soyez clair, sans quoi vos propos pourraient être pris pour une forme d’habileté, même si c’est là un procès d’intention que je ne vous ferai jamais.

L’obligation de moyens doit être garantie. La nécessité de passer un examen ne peut être posée sans une obligation de moyens pour l’État. La nouvelle formulation que vous proposez ne fait donc pas tomber l’amendement n° 234, me semble-t-il.

Par conséquent, pouvez-vous préciser que l’obligation d’apprendre la langue et de passer l’examen, d’une part, et celle pour l’État de fournir une formation gratuite, d’autre part, forment bien, à vos yeux, un paquet commun ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Tout d’abord, même si nous connaissons tous la procédure législative, je rappelle qu’il s’agit de ce que nous appelons dans notre jargon un amendement de repli, sur un projet de loi qui est le vôtre, monsieur le ministre, mais aussi celui de la majorité des membres de la commission des lois.

Cet amendement tend à illustrer notre volonté de toujours chercher l’efficacité, au service de celles et de ceux pour lesquels nous nous battons quotidiennement.

Oui, nous pensons que la maîtrise de la langue est un vecteur fondamental de l’intégration.

Sans revenir sur mes propos ou sur ceux qui ont été tenus par mes collègues depuis lundi, l’apprentissage et la maîtrise de la langue française sont des conditions indispensables à l’émancipation de ces femmes et de ces hommes, parfois enfermés dans une forme de repli ou de communautarisme qui les contraignent et les empêchent de s’intégrer et de faire République – nous avons d’ailleurs eu l’occasion de montrer, à l’occasion d’autres débats menés sur d’autres textes, combien le langage était important à cet égard.

Nous avons souhaité prévoir, et cela ne relève pas seulement d’une symbolique des mots, un accès à des cours gratuits dans chaque département. En effet, nous devons être à la fois ambitieux et offensifs, pour réellement permettre cette intégration.

Nous voterons donc l’amendement ainsi sous-amendé par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

Le niveau A2, dont l’obtention deviendrait obligatoire pour accéder à un titre de long séjour, est déjà une obligation pour nos collégiens et nos collégiennes, bien sûr dans une langue vivante étrangère, afin d’obtenir le brevet des collèges.

Or quels sont les moyens – gratuits – déployés par l’éducation nationale pour cela ? Ce sont quatre années d’apprentissage – la sixième, la cinquième, la quatrième et la troisième –, à raison de trois heures hebdomadaires d’enseignement pour la première langue vivante étrangère.

Si l’on fait le calcul – trois heures hebdomadaires sur trente-six semaines pendant quatre ans –, cela correspond à 432 heures. Il s’agit donc non pas simplement de gratuité, mais d’intensité et d’efficacité.

Notre pays brille par ses capacités en matière d’apprentissage des langues étrangères, on le sait… Il faudra donc redoubler d’efforts.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. Mickaël Vallet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Mickaël Vallet

Monsieur le ministre, je n’ai vu aucune mauvaise foi dans votre première réponse tout à l’heure, mais nous nous sommes peut-être mal compris.

Par conséquent, je le répète, l’objectif de maîtrise de la langue pour vivre et s’intégrer est partagé par tout le monde ici. Ce qui pose problème, c’est le niveau demandé au regard des moyens mis en face.

Sur la question des moyens, la difficulté est de les objectiver. En effet, notre collègue Bernard Jomier expliquait cette après-midi que ce n’était pas forcément aux parlementaires de dresser la liste des maladies chroniques, douloureuses ou que sais-je encore, qui relèveraient de l’aide médicale désormais d’urgence. De la même façon, à une ou deux exceptions près – j’ignore le pedigree de tous nos collègues –, nous ne sommes pas des linguistes ou des pédagogues spécialistes de l’enseignement des langues. Il est donc normal que nous nous interrogions sur ce niveau.

Pourquoi avons-nous, un peu au doigt mouillé, ces discussions qui se réfèrent uniquement à l’étude d’impact du Conseil d’État, qui n’est pas davantage composé de linguistes ou de spécialistes de la pédagogie ? Parce que nous ne disposons pas en France, à la différence de ce qui existe dans d’autres pays ou dans d’autres domaines, comme l’intégration, l’égalité femmes-hommes, les lieux de privation de liberté ou encore les droits, d’un office de la langue qui aborderait ces sujets de manière transversale et qui les objectiverait.

Monsieur le ministre, nous ne tomberons peut-être pas d’accord sur le niveau exigé et le temps imparti, mais un certain nombre d’entre nous seraient prêts à ne pas voter contre votre sous-amendement si vous acceptiez d’y ajouter l’accessibilité effective aux cours, en plus de la gratuité. Il me semble en effet normal de garantir également ce point.

Ce ne serait pas grand-chose, et cela permettrait peut-être l’adoption de votre proposition, dans laquelle je ne veux voir ni habileté ni malice.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. Dany Wattebled, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dany Wattebled

Notre groupe votera ce sous-amendement.

J’ajouterai une remarque plus générale : on parle de quatre ans pour apprendre le français, mais, en immersion, c’est bien plus facile. Lorsque vous séjournez à l’étranger ou lorsque vous envoyez des enfants vivre à l’étranger, l’apprentissage de la langue est beaucoup plus rapide.

Les étrangers en situation régulière, qui sont chez nous, parlent le français tous les jours. Ce qu’il faut, ce sont des moyens supplémentaires pour corriger leur langue.

Quatre années d’apprentissage ne me semblent donc pas forcément nécessaires pour des personnes qui sont en immersion complète pendant au moins une année.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Je vous assure que je commence à douter !

J’ai bien entendu les explications de M. le ministre : il s’est montré parfaitement clair et je crois que tout le monde l’a compris. Le but est que chacun puisse apprendre le français le plus facilement possible, pour être accueilli en France dans les meilleures conditions, ce qui me semble extrêmement pertinent et salutaire. Nous serons tous d’accord pour saluer cet état d’esprit.

J’ai également compris les explications de Mme Cukierman ; c’est ensuite que j’ai été un peu perdue…

Sourires sur les travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

J’avais retenu que nos collègues de gauche, très soucieux de l’intégration, voulaient déployer des moyens dignes de ce nom en faveur de celle-ci. Or le choix de la gratuité représente, à ce titre, un effort assez extraordinaire.

On nous a expliqué tout à l’heure que, dans la mesure où nous ne sommes pas l’Académie de médecine, il ne nous revenait pas de dresser la liste des maladies susceptibles d’être prises en charge. Mais, à présent, nous devrions énumérer l’ensemble des moyens nécessaires à cette politique !

Mes chers collègues de gauche, j’ai beaucoup de respect pour vous. Je pense que vous n’avez pas plus de malice que les autres ; mais vos pas de côtés ressemblent tout de même un peu à des digressions et, dans vos interventions, je crois déceler un soupçon de mauvaise foi.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Mme Françoise Gatel. À l’évidence, vous ne voulez pas vous rallier, de manière républicaine, au sous-amendement de M. le ministre, qui a pourtant salué l’amendement de nos collègues communistes !

Bravo ! et applaudissements sur des travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

J’ai bien compris dans quel état d’esprit les membres du groupe communiste ont invité le Sénat à adopter leur amendement ainsi sous-amendé ; ce n’est évidemment pas un blanc-seing pour le vote du présent texte ou même de l’article 1er.

Madame Cukierman, je tiens à vous remercier de votre honnêteté intellectuelle. Nous sommes parvenus à trouver un compromis sur ce sujet, dans un esprit républicain.

À l’instar de Mme Gatel, je n’ai pas compris toutes les interventions qui ont suivi la vôtre. Je déduis simplement de ces circonvolutions que certains cherchent toutes les raisons imaginables de ne pas voter ces dispositions.

Je regrette ce manque d’ouverture, d’autant plus que, pour ce qui concerne l’apprentissage de la langue française, nous nous apprêtons à examiner l’article 2, que le Sénat va, je l’espère, rétablir. Cet article permet aux travailleurs étrangers de suivre des cours de français pendant leurs heures de travail, ce qu’aucun gouvernement n’a jamais fait – nous en parlerons dans quelques instants.

(Marques d ’ approbation sur des travées des groupes CRCE-K et Les Républicains.) Nous avons fixé un objectif très noble – pour obtenir une carte de séjour pluriannuelle, il faudra passer un examen de français – et prévu des moyens qui le sont tout autant, à savoir la gratuité des cours. La République s’en trouvera grandie.

Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, INDEP et UC.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Quoi qu’il en soit, il me semble que nous avons passé suffisamment de temps sur l’article 1er. §

Le sous-amendement est adopté.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

En conséquence, l’amendement n° 234 n’a plus d’objet.

L’amendement n° 263 rectifié, présenté par M. Ouizille et Mme Narassiguin, est ainsi libellé :

Compléter cet article par cinq paragraphes ainsi rédigés :

…. – Il est constitué une délégation parlementaire à l’immigration et à l’intégration, commune à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Elle exerce le contrôle parlementaire de l’action du Gouvernement en matière d’immigration et d’intégration et évalue les politiques publiques en ce domaine. À cette fin, elle est destinataire des informations utiles à l’accomplissement de sa mission. Lui sont notamment communiqués :

1° Tous les éléments d’information statistiques relatifs à l’immigration et à l’intégration ;

2° Un rapport annuel de synthèse exhaustif des crédits consacrés à l’immigration et à l’intégration ;

3° Des éléments d’appréciation relatifs à l’activité générale et à l’organisation des services de l’État dédiés à l’immigration et à l’intégration ;

En outre, la délégation peut solliciter du Premier ministre la communication de tout ou partie des rapports des inspections ministériels ainsi que des rapports des services d’inspection générale des ministères portant sur l’immigration et l’intégration ;

…. – La délégation parlementaire à l’immigration et à l’intégration est composée de quatre députés et de quatre sénateurs. Les présidents des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées respectivement de l’immigration et de l’intégration sont membres de droit de la délégation parlementaire à l’immigration et de l’intégration. La fonction de président de la délégation est assurée alternativement, pour un an, par un député et un sénateur, membres de droit.

Les autres membres de la délégation sont désignés par le président de chaque assemblée de manière à assurer une représentation pluraliste. Les deux députés qui ne sont pas membres de droit sont désignés au début de chaque législature et pour la durée de celle-ci. Les deux sénateurs sont désignés après chaque renouvellement partiel du Sénat.

…. – La délégation peut entendre le Premier ministre, les ministres compétents, ainsi que les directeurs compétents en matière d’immigration et d’intégration. Les directeurs de ces services peuvent se faire accompagner des collaborateurs de leur choix en fonction de l’ordre du jour de la délégation. La délégation peut également entendre les directeurs des autres administrations centrales ayant à connaître des enjeux relatifs à l’immigration et à l’intégration.

…. – Chaque année, la délégation établit un rapport public dressant le bilan de son activité.

Dans le cadre de ses travaux, la délégation peut adresser des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre. Elle les transmet au Président de chaque assemblée.

…. – La délégation parlementaire à l’immigration et à l’intégration établit son règlement intérieur. Celui-ci est soumis à l’approbation du Bureau de chaque assemblée.

Les dépenses afférentes au fonctionnement de la délégation sont financées et exécutées comme dépenses des assemblées parlementaires.

La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne NARASSIGUIN

Mes chers collègues, cet amendement vise à renforcer les moyens de contrôle dont dispose le Parlement pour ce qui concerne les questions d’immigration.

Ces sujets étant particulièrement importants pour notre pays, nous vous proposons de créer une délégation parlementaire commune aux deux assemblées. Cette instance disposerait de moyens accrus de contrôle et d’évaluation, qu’il s’agisse des politiques publiques menées ou de l’action du Gouvernement en matière d’immigration.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Vous vous souvenez peut-être que, au terme d’un travail mené il y a quelques années, le Sénat a conclu à la nécessité de ne plus créer de nouvelles délégations parlementaires.

En pratique, une instance ne renforcerait pas les moyens du Parlement : elle ne ferait qu’en ôter aux commissions permanentes.

Au demeurant, les commissions des lois des deux assemblées peuvent déjà exercer un tel contrôle : il entre pleinement dans leurs prérogatives.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L’amendement n° 627, présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 433-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 433 -1 -1. – Par dérogation à l’article L. 433-1, il ne peut être procédé à plus de trois renouvellements consécutifs d’une carte de séjour temporaire portant une mention identique. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Mes chers collègues, en vertu des dispositions que nous venons de voter, il faudra, pour obtenir une carte de séjour pluriannuelle, répondre à un certain nombre de conditions, dont l’obtention d’un résultat suffisant à un examen de français.

Or, en cumulant les titres de séjour annuel, il est aujourd’hui possible d’aller au-delà des quatre années que couvre une carte de séjour pluriannuelle.

Par cohérence, on ne saurait donc dépasser trois renouvellements d’un titre annuel, sauf si son détenteur demande un titre différent. Si, après quatre années de présence sur le territoire national, l’étranger ne parvient pas à acquérir le niveau de français requis, il n’a pas de raison d’y rester. En adoptant une telle disposition, nous donnerons toute sa portée à l’obligation adoptée à l’instant.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er.

L’amendement n° 255 rectifié, présenté par MM. Le Rudulier et Anglars, Mme Guidez, MM. Menonville et Frassa, Mmes Romagny et Josende, MM. Rochette et Courtial, Mmes Puissat et V. Boyer, MM. Pointereau et Paccaud, Mmes Petrus, Lavarde et Bellurot, M. Chasseing, Mme P. Martin, M. Wattebled, Mme Lopez, M. Bruyen, Mmes Herzog, Micouleau et Belrhiti, M. Genet, Mmes Canayer et Devésa et M. Duffourg, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code civil est ainsi modifié :

1° L’article 21-28 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après la référence : « 21-2, », est insérée la référence : « 21-7, » ;

b) Les deux derniers alinéas sont ainsi rédigés :

« Les personnes à l’intention desquelles est organisée la cérémonie sont tenues d’y participer. Toutefois, en cas de motif légitime les en empêchant, leur participation est reportée à la cérémonie suivante.

« Au cours de la cérémonie d’accueil, la charte des droits et devoirs du citoyen français mentionnée à l’article 21-24 et le texte de La Marseillaise sont remis aux personnes ayant acquis la nationalité française mentionnées au premier alinéa du présent article. Il est procédé au chant d’au moins un couplet, suivi du refrain, de l’hymne national, auquel ces personnes sont tenues de participer. » ;

2° L’article 21-29 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

– les mots : « susceptibles de » sont remplacés par les mots : « appelées à » ;

– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Cette communication est faite au moins trente jours avant la date de la cérémonie. » ;

b) Au second alinéa, après le mot : « demande », sont insérés les mots : «, dans un délai de huit jours » ;

3° Après l’article 21-29, sont insérés deux articles 21-30 et 21-31 ainsi rédigés :

« Art. 21 -30. – Le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police convoque quinze jours au moins avant la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française les personnes à l’intention desquelles elle est organisée. Cette convocation précise la date et l’heure d’ouverture de la session, sa durée prévisible et le lieu où elle se tiendra. Elle rappelle l’obligation de répondre à cette convocation sous peine d’être condamné à l’amende prévue à l’article 21-31. Elle invite les personnes convoquées à renvoyer, par retour de courrier, le récépissé joint à la convocation, après l’avoir dûment signé. Lorsque le maire a été autorisé à organiser la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française en application du second alinéa de l’article 21-29, une copie de ce récépissé lui est transmise sans délai par l’autorité compétente.

« Art. 21 -31. – Le fait, sans motif légitime, de ne pas déférer à la convocation reçue en application de l’article 21-20 est puni de 7 500 euros d’amende. Le fait, sans excuse valable, de quitter la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française avant qu’elle soit achevée ou de refuser de participer au chant prévu au dernier alinéa de l’article 21-28 est puni de la même peine. »

II. – Au second alinéa de l’article 433-5-1 du code pénal, après le mot : « réunion », sont insérés les mots : « ou lors de la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française prévue à l’article 21-28 du code civil ».

La parole est à Mme Frédérique Puissat.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

Nous avons été nombreux à signer cet amendement de notre collègue Le Rudulier. Il a pour objet les décrets de naturalisation, que nous connaissons tous dans cet hémicycle.

Il s’agit plus précisément de rendre obligatoire la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française prévue à ce titre. Nous garantirons ainsi toute la solennité qu’exige la remise du décret de naturalisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Nous comprenons parfaitement la demande de M. Le Rudulier, car nous mesurons l’importance des cérémonies de naturalisation. Toutefois, le programme prévu est si lourd qu’il est difficilement envisageable. C’est pourquoi cet amendement, déjà rejeté à deux reprises en commission, a reçu d’elle un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne NARASSIGUIN

Mes chers collègues, je m’interroge sincèrement sur l’intérêt d’un tel amendement.

Si ces dispositions sont adoptées, il sera désormais obligatoire de chanter, lors des cérémonies de naturalisation, au moins un couplet de La Marseillaise suivi du refrain. Faudra-t-il également chanter juste ?

Marques d ’ indignation sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne NARASSIGUIN

Allez-vous demander la création d’un délit de fausse note, justifiant le retrait du décret de naturalisation au terme de la cérémonie ?

On atteint des summums de ridicule !

Protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne NARASSIGUIN

Ces moments de solennité devraient être empreints de fierté pour la communauté nationale tout entière. Pourquoi, dans ces circonstances, leur demander de démontrer une fois de plus qu’ils sont de « bons Français » ?

De telles propositions sont symptomatiques. Toutes les mesures que vous avez fait adopter depuis deux jours reflètent le même étant d’esprit et, pour ma part, je suis scandalisée du degré de ridicule et de caricature que nous atteignons avec cet amendement.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Ma chère collègue, la commission a certes émis un avis défavorable sur cet amendement, mais je ne crois pas qu’il soit totalement ridicule de demander à quelqu’un à qui l’on donne non seulement la nationalité, mais la citoyenneté française, de chanter La Marseillaise.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hussein Bourgi

Mes chers collègues, je tiens simplement à témoigner des cérémonies de naturalisation auxquelles j’assiste, que ce soit à la préfecture de l’Hérault, à Montpellier, ou dans les sous-préfectures de Béziers et de Lodève. Nous y avons droit à la diffusion d’un message du Président de la République et à celle de La Marseillaise, que tout le monde chante en chœur.

Ces cérémonies sont à la main du préfet, qui, secondé par ses sous-préfets, les orchestre dans le plus pur esprit républicain. Sénateurs et députés du département y sont invités plusieurs semaines en amont, …

Debut de section - PermalienPhoto de Hussein Bourgi

… à l’instar des maires des communes concernées. Pour la circonstance, on nous invite à revêtir notre écharpe tricolore.

Je puis vous l’assurer : tous les naturalisés conviés sont au rendez-vous. Tous se rendent à ces cérémonies, qui sont toujours empreintes d’émotion. Parfois, ils veulent d’ailleurs faire venir leur famille tout entière : le préfet et les sous-préfets doivent alors leur signaler qu’une seule personne peut les accompagner.

Les dispositions de cet amendement et le débat qu’elles suscitent me paraissent donc surréalistes : en pratique, les cérémonies de naturalisation ont déjà toute la solennité voulue. Si certains de nos collègues n’ont pas eu l’occasion d’y prendre part depuis quelque temps, je les encourage vivement à s’y rendre !

Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Paccaud

Madame Narassiguin, je vous invite à lire attentivement l’amendement de M. Le Rudulier.

Je suis au regret de vous l’indiquer – je ne saurais croire que vous avez un problème de lecture –, …

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Paccaud

… le point essentiel n’est pas de chanter, mais de participer à la cérémonie au terme de laquelle la nationalité française sera offerte, ce qui me paraît évident. La Marseillaise est effectivement évoquée, mais il n’est pas demandé de la chanter : lisez !

De manière plus fondamentale, j’observe que la République, c’est peut-être d’abord des symboles. C’est un drapeau, c’est Marianne, c’est une devise ; autant d’éléments qui nous rassemblent. Pour ma part – comme vous, je suppose –, je suis très fier de chanter La Marseillaise.

Monsieur Bourgi, j’ai moi aussi participé à un grand nombre de ces cérémonies, à la préfecture de Beauvais. Même si le chant de certains naturalisés est parfois un peu hésitant, notre hymne y est toujours entonné avec beaucoup de cœur !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

M. Gérald Darmanin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, indépendamment de ce débat essentiel

Sourires sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Cela ne signifie pas que ce sujet est dépourvu d’intérêt ; mais, en l’occurrence, il nous semble totalement cavalier, au sens législatif du terme, évidemment.

Nouveaux sourires.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

M. Gérald Darmanin, ministre. Il fallait voter en chantant !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L’amendement n° 605, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre I du titre Ier du livre VIII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° L’intitulé est complété par les mots : « et des visas » ;

2° L’article L. 811-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 811 -2. – Les actes et décisions de justice étrangers relatifs à l’état civil, produits par un ressortissant étranger pour justifier notamment de son identité et de ses liens familiaux, doivent être préalablement légalisés au sens du II de l’article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019. La présomption de validité des actes de l’état civil ainsi produits, telle que prévue à l’article 47 du code civil, et l’opposabilité des jugements étrangers dont la régularité n’a pas été préalablement vérifiée par l’autorité judiciaire française, sont subordonnées à l’accomplissement de cette formalité.

« Sous réserve des dispositions de l’alinéa précédent, la vérification de tout acte de l’état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l’article 47 du code civil. »

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Il s’agit d’imposer la légalisation des actes d’état civil étrangers afin de lutter contre la fraude.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er.

(Supprimé)

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 20 rectifié bis est présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guérini, Guiol, Laouedj et Roux, Mme Girardin, MM. Fialaire et Grosvalet, Mmes Guillotin et Pantel et M. Masset.

L’amendement n° 388 rectifié ter est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa de l’article L. 6321-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il peut également proposer aux salariés allophones des formations visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret. » ;

2° L’article L. 6321-3 est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. L. 6321 -3. – Pour les salariés allophones signataires du contrat mentionné à l’article L. 413-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, engagés dans un parcours de formation linguistique visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret, les actions permettant la poursuite de celui-ci constituent un temps de travail effectif, dans la limite d’une durée fixée par décret en Conseil d’État, et donnent lieu au maintien de la rémunération par l’employeur pendant leur réalisation. » ;

3° L’article L. 6323-17 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les formations en français langue étrangère choisies par les salariés allophones signataires du contrat mentionné à l’article L. 413-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret, financées par le compte personnel de formation et réalisées en tout ou partie durant le temps de travail, l’autorisation d’absence est de droit dans la limite d’une durée fixée par décret en Conseil d’État. »

La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour présenter l’amendement n° 20 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe GROSVALET

Mes chers collègues, j’ai bien noté, ce soir, dans notre assemblée, une forme d’unanimité pour reconnaître que la langue française est un merveilleux vecteur d’intégration, voire d’assimilation.

Pourtant, n’en déplaise à certains d’entre vous, les Français n’ont pas toujours parlé français ! Ma propre grand-mère – cela ne date pas d’hier ! – ne parlait pas français, bien que sa famille eût été française depuis de nombreuses générations.

À cet égard, l’école républicaine est sans doute l’un des meilleurs creusets d’intégration et de formation. Mais l’entreprise pourrait – je dirais même : devrait – l’être elle aussi. Je m’étonne donc que l’article 2 ait été rejeté par notre commission des lois.

Je le répète, nos entreprises sont autant de lieux propices à l’apprentissage de la langue française : elles sont à même de prendre en charge cet enseignement au titre de la formation continue.

J’observe, notamment dans le territoire dont je suis l’élu, que le fait de partager la même langue est source de réussite pour nos entreprises, dans la mesure où elle est source de cohésion sociale. C’est tout particulièrement vrai pour la société qui fabrique les plus grands et les plus beaux bateaux du monde.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe GROSVALET

Plus largement, je sais combien les chefs d’entreprise de mon territoire sont soucieux d’assurer la maîtrise de la langue française par tous leurs salariés.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons le rétablissement de l’article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 388 rectifié ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Les deux amendements suivants sont également identiques.

L’amendement n° 564 est présenté par MM. Bitz et Patriat, Mme Schillinger, MM. Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud, Rohfritsch et Théophile.

L’amendement n° 586 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa de l’article L. 6321-1 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Il peut également proposer aux salariés allophones des formations visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret. Par dérogation, pour les salariés visés à l’article L. 7221-1 du code du travail et ceux employés par les particuliers employeurs visés à l’article L. 421-1 du code de l’action sociale et des familles, les modalités d’application du précédent alinéa sont renvoyées à un décret. » ;

2° L’article L. 6321-3 est ainsi rétabli :

« Art. L. 6321 -3. – Pour les salariés allophones signataires du contrat mentionné à l’article L. 413-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, engagés dans un parcours de formation linguistique visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret, les actions permettant la poursuite de celui-ci constituent un temps de travail effectif, dans la limite d’une durée fixée par décret en Conseil d’État, et donnent lieu au maintien de la rémunération par l’employeur pendant leur réalisation. » ;

3° À l’article L. 6321-6, les mots : « à l’article L. 6321-2 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 6321-2 et L. 6321-3 » ;

4° L’article L. 6323-17 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Pour les formations en français langue étrangère choisies par les salariés allophones signataires du contrat mentionné à l’article L. 413-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret, financées par le compte personnel de formation et réalisées en tout ou partie durant le temps de travail, l’autorisation d’absence est de droit dans la limite d’une durée fixée par décret en Conseil d’État.

« Par dérogation, pour les salariés mentionnés à l’article L. 7221-1 du présent code et ceux employés par les particuliers employeurs mentionnés à l’article L. 421-1 du code de l’action sociale et des familles, les modalités d’application de l’avant-dernier alinéa du présent article sont renvoyées à un décret. »

La parole est à M. Olivier Bitz, pour présenter l’amendement n° 564.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier BITZ

En tant que nouveau sénateur, je suis assez admiratif de la manière dont ce projet de loi chemine.

À l’origine, il y a une volonté politique forte du Gouvernement, non seulement de réguler les flux migratoires, mais aussi de mieux intégrer les étrangers en situation régulière.

Cette volonté a rencontré celle de la majorité sénatoriale, laquelle, en commission, a enrichi le présent texte. Nous sommes tous d’accord pour reconnaître la nécessité de mieux réussir l’intégration des personnes étrangères. L’apprentissage de la langue française est évidemment au cœur de ce travail.

Pour relever un tel défi, il faudra la mobilisation de tous, à commencer par les personnes concernées : les étrangers en situation régulière doivent faire l’effort d’apprendre le français.

Parallèlement, il faut mobiliser à la fois les pouvoirs publics, qu’il s’agisse de l’État ou des collectivités territoriales, la société civile, le monde associatif, mais aussi les entreprises. Pourquoi ces dernières seraient-elles les seules à s’exonérer de ce devoir collectif ? Il s’agit ni plus ni moins que de permettre la bonne intégration des étrangers admis à rester sur notre sol.

J’en suis profondément convaincu : au titre de leur responsabilité sociale, les entreprises doivent permettre à leurs salariés allophones de suivre des cours de français sur leurs heures de travail. Voilà pourquoi nous proposons, nous aussi, un amendement de rétablissement de l’article 2.

Les entreprises doivent être au cœur du défi que représente l’intégration des personnes étrangères en situation régulière.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 586.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Mesdames, messieurs les sénateurs, à cette heure avancée, on peut avoir l’impression que nous traitons de sujets quelque peu secondaires. Or l’article 2, malheureusement supprimé par votre commission des lois, est extrêmement important.

À la suite des précédents orateurs, que je tiens à remercier de leurs propos, je vous invite, moi aussi, à rétablir cet article.

Un salarié étranger suivant un parcours d’intégration doit disposer, pendant ses heures de travail, du temps nécessaire pour suivre des cours de français. C’est indispensable pour qu’il puisse s’intégrer et faire siennes les valeurs de la République.

Il s’agit avant tout d’une mesure de justice.

Ces étrangers en cours d’intégration appartiennent souvent aux classes ouvrières ou populaires. Ce sont par exemple les femmes de ménage, évoquées par M. Brossat, qui assurent l’entretien des bureaux de La Défense pour que les cadres puissent y travailler dans de bonnes conditions.

Ces personnes ont souvent une heure et demie de transports tôt le matin, une heure et demie de transports tard le soir. Elles ne peuvent pas suivre des cours de français à d’autres moments de la journée – pour ma part, je suis sensible à cet argument. Elles doivent élever leurs enfants, malgré le manque de moyens. Elles font souvent face à un certain nombre de difficultés personnelles, si bien qu’elles ne peuvent pas suivre de cours de français l’après-midi, même s’ils sont gratuits : elles n’en ont tout simplement pas le temps.

Bien sûr, nous devons écouter les demandes de main-d’œuvre exprimées par le patronat. Mais, de leur côté, les entreprises doivent assumer leur responsabilité sociale.

Le « 1 % logement », qui aujourd’hui fait florès, a vu le jour dans ma région. Par ce biais, les patrons contribuent au logement de leurs employés.

À la responsabilité patronale environnementale, qui peut prendre diverses formes, à la nécessité de renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes, doit s’ajouter cette responsabilité patronale que constitue l’intégration des salariés de l’entreprise.

Un tel effort est d’autant plus juste que ces salariés ne passent pas tout leur temps dans les locaux de leur entreprise : ils vivent dans notre société au sens large. Or nous avons à « subir » la mauvaise intégration de certaines personnes que nous avons fait venir, indépendamment du fait que les entreprises qui les salarient ne leur ont pas permis de s’élever socialement, alors que c’est aussi le but du travail et le rôle de l’entreprise : celle-ci ne saurait être mue par la seule recherche du profit.

Nous en appelons dès lors au patriotisme des entreprises.

Contrairement à d’autres gouvernements, nous avons refusé de leur imposer une taxe pour financer l’intégration. Ce choix aurait été si facile ! Mais nous avons préféré faire le pari social de l’entreprise : quand un patron embauchera un étranger en difficulté ou au début de son intégration, des cours de français devront être proposés pendant les heures de travail.

J’ajoute une remarque à l’intention des travées de la droite, où l’on a sans doute été sensible à un certain nombre d’arguments énoncés hors de cette assemblée.

Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe Les Républicains, si vous voulez être cohérents avec nos positions communes, qu’il s’agisse de l’article 3 ou de tout autre article, vous devez reconnaître qu’un salarié en cours d’intégration est évidemment moins compétitif qu’un Français ou qu’un étranger parfaitement intégré. Par ailleurs, en dédiant une partie de ses 35 heures de travail hebdomadaire à l’apprentissage du français, à ce parcours d’intégration, au prix d’une moindre compétitivité sur le moment, ce qui peut certes nuire à l’embauche de cet étranger, parfois d’ailleurs au profit d’un étranger en situation irrégulière qui ne s’engage pas dans ce parcours, nous lui permettons, à terme, de travailler plus efficacement.

La suppression de cet article en commission a été, je le sais, votée sur votre initiative. Je ne veux pas croire que la position exprimée alors soit celle d’un grand parti gaulliste, pour qui le travail a toujours été un vecteur d’émancipation et non une simple source de profit.

Je comprends que ces dispositions gênent un certain nombre de directions d’entreprise – pas toutes, d’ailleurs : beaucoup de patrons m’ont fait savoir qu’indépendamment des organisations professionnelles ils s’efforçaient d’améliorer les conditions sociales de leurs ouvriers et de leurs employés –, mais je ne saurais accepter sans rien dire la suppression de l’article 2.

Je m’efforce donc de vous en convaincre : les dispositions dont il s’agit sont éminemment sociales et patriotiques. Nous demandons au patronat non pas d’acquitter une taxe, mais d’apporter une petite contribution – on pourrait parler du « 1 % langue », du « 1 % intégration », du « 1 % patriotisme » – en faveur d’une main-d’œuvre que nos entreprises font venir sur le territoire national, notamment parce qu’elle leur coûte moins cher.

Ne considérez pas le seul profit tiré de cette main-d’œuvre : ce sera l’honneur de cette assemblée. Les précédents orateurs l’ont très bien rappelé – je relève d’ailleurs que le premier d’entre eux n’appartient pas à la majorité gouvernementale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à rétablir l’article 2, qui ferait l’honneur de notre capitalisme à visage humain !

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Mme Muriel Jourda, rapporteur. J’ai été troublée un instant, en entendant M. le ministre dire en aparté à Mme la présidente du groupe communiste que, à force de parler comme elle, il pourrait presque adhérer au parti…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Mme Cécile Cukierman. Pas tout de suite ! Il n’est pas encore au niveau A2 !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Ma chère collègue, je vous laisse la responsabilité de vos propos et je reprends le fil de mon intervention !

Pourquoi la commission a-t-elle fait le choix de supprimer cet article, donc à présent de s’opposer à ces amendements de rétablissement ?

Il me semble que nous sommes au moins d’accord sur un point, qui relève d’ailleurs de l’évidence : la langue est un facteur d’intégration pour les personnes étrangères.

Monsieur le ministre, avons-nous, à cet égard, une obligation de moyens ou une obligation de résultat ? Nous n’aboutissons pas tout à fait à la même conclusion. Mais, de manière générale, nous considérons que la langue est un facteur d’intégration.

Reste la question suivante : sur qui doit peser l’effort d’intégration des étrangers par la langue ?

Dans certains pays, c’est la responsabilité de l’étranger lui-même : il doit atteindre un certain niveau de langue en se débrouillant par ses propres moyens. Nous n’avons pas fait ce choix, mais, dans l’absolu, nous aurions pu le faire : cela n’aurait rien de choquant.

Aux termes de l’article 2, que nous avons supprimé en commission, l’effort devrait reposer sur l’employeur, qui, aujourd’hui, a déjà la faculté de fournir des formations au français langue étrangère (FLE).

Dans les entreprises, évoquées par M. Grosvalet, où la sécurité est en jeu, il est évident que l’employeur garantit lui-même ce niveau de formation puisqu’il assume, in fine, la sécurité de son salarié.

Aujourd’hui, s’il le souhaite, l’employeur peut donc parfaitement assurer l’intégration de son salarié par la langue, dans le cadre du travail.

Faut-il pour autant faire peser sur lui l’intégralité de cette formation et de ce travail d’intégration ? Ce n’est pas le choix qu’a fait la commission.

L’intégration par la langue, telle que nous la concevons depuis le commencement de cette discussion, est d’abord à la charge de l’État.

Dans un grand élan de générosité, monsieur le ministre, vous avez sous-amendé un amendement du groupe communiste – décidément !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Quant à l’employeur, il agit à l’échelle de son entreprise, mais il ne saurait supporter tout le poids de cette politique. Je rappelle que l’article 2 ne lui laisse aucun choix : c’est sur les heures de travail et, finalement, à ses frais que la formation se déroulera.

Non, ce n’est pas dans cet esprit que nous examinons le présent texte. La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques n° 20 rectifié bis et 388 rectifié ter ?

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

À l’évidence, madame la rapporteure, nous avons une différence d’appréciation très forte.

Nous ne demandons pas aux entreprises de payer la formation : nous leur demandons de libérer moins de 5 % du temps de travail des salariés concernés pour qu’ils puissent apprendre le français grâce à des formations payées par l’État.

C’est un levier considérable pour favoriser l’embauche de Français ou d’étrangers réguliers parfaitement intégrés : il faut savoir faire preuve de cohérence, notamment au sujet de la régularisation des travailleurs des métiers en tension. On redoute en effet l’appel d’air qu’une telle mesure pourrait provoquer, ou encore l’existence d’une « armée de réserve », composée de personnes qui sont nécessairement moins bien payées, pour la simple et bonne raison qu’elles parlent moins bien le français : elles sont moins à même de se défendre et acceptent plus facilement les emplois qui leur sont proposés.

Dès lors, la question est assez simple.

Soit on considère, dans une logique étatiste, que la puissance publique est responsable de tout, absolument tout. Dans ces conditions, il ne fallait prévoir ni le « 1 % logement », ni aucune exigence environnementale, ni aucune mesure en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes ou de l’accompagnement du handicap.

Soit on considère que les patrons embauchant des personnes qui ne parlent pas bien le français, mais sont appelées à vivre dans notre société en fréquentant des lieux de culte, en prenant le métro, en accédant au logement, en parcourant l’espace public, ou encore en adhérant à un club de sport, doivent concourir à leur émancipation, car c’est là le rôle social de l’entreprise. Dans ce cas, il faut rétablir l’article 2.

Ledit article n’a rien de révolutionnaire. Il demande, alors que l’État va tout payer, 5 % du temps de travail de ces salariés. Il ne me paraît pas choquant que la femme de ménage évoquée précédemment puisse apprendre le français pendant ses heures de travail. Ce n’est pas du niveau A2 du parti communiste, pour reprendre l’expression de Mme Cukierman.

Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur tous les amendements de rétablissement de l’article 2, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Rietmann

Monsieur le ministre, à vous entendre, une telle formation ne pourrait que favoriser l’insertion sociale et économique des étrangers : je suis d’accord à 100 %. Mais, dans ce cas, elle doit être prise en charge par les pouvoirs publics.

Vous nous répliquez que l’effort profiterait certainement aux entreprises elles-mêmes : voilà pourquoi vous entendez leur transférer cette charge, que vous estimez à 5 % du temps de travail des intéressés.

Le problème, c’est que votre article 2, comme ces amendements de rétablissement, n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact sérieuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Rietmann

Excepté quelques considérations de portée générale, l’étude d’impact de l’article 2 est dramatiquement muette sur ce point.

Parlez-en à Mme Olivia Grégoire, votre collègue chargée des petites et moyennes entreprises. Notre délégation aux entreprises l’a entendue le 8 juin dernier, au titre de notre rapport d’information sur la simplification des règles et normes applicables aux entreprises. Lors de son audition, nous avons précisément pris pour exemple l’article 2 du présent texte pour relever l’absence de toute étude d’impact sérieuse : elle en est restée sans voix.

Voici le problème, monsieur le ministre : à force de dire que les petites modifications ne coûtent pas cher, elles s’accumulent, jusqu’à représenter – c’est un rapport de l’OCDE qui le dit – 60 milliards d’euros par an pour les entreprises françaises, soit 3 % du PIB. Peut-être que les dispositions de l’article 2 ne coûtent pas cher, mais il est impossible de le savoir sans une étude d’impact sérieuse, argumentée et fondée.

Quant à la différenciation pour les entreprises, je ferai remarquer que les dispositions de votre article 2 s’appliqueraient sans distinction ni ménagement à elles toutes, de la très petite entreprise (TPE) à la grande entreprise. Or les TPE n’ont absolument pas les moyens de financer des formations, fussent-elles de langue française, pour les salariés. Ce dispositif est contre-productif : elles ne pourront pas embaucher d’étrangers, elles ne répondront donc pas à l’ambition de l’article 2.

Nous ne pouvons donc pas voter ces amendements.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. Ian Brossat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Ian BROSSAT

Nous voterons les amendements de rétablissement de cet article, y compris celui qu’a présenté le Gouvernement.

Je suis frappé par la vision exposée par Mme la rapporteure et nos collègues de la majorité sénatoriale : dès qu’une obligation quelconque est envisagée vis-à-vis des employeurs, une telle mesure devient impossible !

Debut de section - PermalienPhoto de Ian BROSSAT

Tout de même, mes chers collègues !

En l’occurrence, vous avez supprimé cet article. Je veux à ce propos rappeler, même si nous y reviendrons plus tard dans la semaine, le sort que vous avez réservé à l’article 8 : en le supprimant, vous avez retiré du projet de loi les sanctions qu’il instaurait à l’encontre des employeurs qui font sciemment le choix d’exploiter des travailleurs sans-papiers.

Or, en supprimant cet article-ci, vous prouvez que vous ne voulez pas non plus que des salariés aient la possibilité d’apprendre le français sur leur temps de travail !

Si l’on souhaite construire l’intégration, tout le monde doit prendre sa part ; je ne vois pas pourquoi les employeurs ne pourraient pas le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Nous avons un débat politique, qui permet d’exposer différents projets de société.

Pour ma part, je ne fais pas partie de ceux qui caricaturent et généralisent : non, tous les patrons de notre pays ne sont pas des patrons voyous, bien au contraire !

De manière empirique – mon propos n’a pas vocation à se substituer à une étude d’impact –, quand je discute, dans mon département, avec des patrons, des employeurs – chacun utilisera le mot qu’il préfère –, qu’ils soient ou non à jour de leurs cotisations au Medef, la plupart d’entre eux reconnaissent qu’ils doivent prendre en charge cette formation.

Ils ne sont pas idiots : la générosité, c’est bien, mais quand elle rapporte, c’est toujours mieux ! S’il faut donner un peu de temps à certaines personnes pour mieux les former, mieux leur apprendre le français, la productivité horaire et la rentabilité en seront renforcées, nous le savons tous ; on ne sort donc pas de la logique de la performance économique.

Mais ayons plutôt un réel débat de société : que voulons-nous mettre ou ne pas mettre dans la loi ? Pour ma part, je suis persuadée que les entreprises, quelles qu’elles soient, peu importe leur taille, ont une responsabilité sociale et territoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Elles ne doivent certes pas tout payer à la place des autres, mais elles ne peuvent pas pour autant s’exempter de tout, laisser l’État tout prendre à sa charge.

On peut défendre une vision étatiste et centralisatrice. Mais, selon moi, donner quelques heures à des femmes et des hommes pour l’apprentissage du français, ce n’est ni payer une formation ni mettre en péril l’activité économique des entreprises.

Nous voterons donc ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

M. Brossat nous reproche d’être les suppôts du Medef, de défendre systématiquement les entreprises. Il a évoqué notre suppression de l’article 8 ; nous n’y sommes pas, nous aurons l’occasion d’en discuter quand nous y parviendrons dans l’ordre de la discussion, mais je tiens tout de même à préciser que ledit article prévoyait, de manière malencontreuse, l’instauration d’une amende administrative qui existait déjà…

Je souhaiterais également indiquer à M. Brossat – et non pas lui rappeler, car il n’était pas encore des nôtres –, que notre amendement de suppression de cet article était identique à celui du groupe communiste…

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Si, monsieur Brossat, le groupe communiste aussi demandait la suppression de cet article, que vous le vouliez ou non !

M. Ian Brossat proteste.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Rietmann, nous ne devons pas parler du même article. Pour les entreprises de moins de 50 salariés, il est prévu – c’est une mesure de droit commun – que cette formation soit prise en charge non par les TPE elles-mêmes, mais par les opérateurs de compétences (Opco).

M. Olivier Rietmann s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Oui, monsieur le sénateur, ce sont les Opco qui ont cette responsabilité. Ils compensent, à hauteur de 1 000 euros par an, le temps de travail ainsi consacré à la formation d’un salarié ; ils remboursent de la sorte aux TPE ces 5 % du temps de travail destinés à permettre au salarié de s’intégrer dans la République française.

Voilà ce que l’on demande aux entreprises. L’étude d’impact est réalisée par les services du ministre du travail.

J’assume ne pas avoir la même position qu’une ministre chargée de l’économie ; c’est normal. Elle défend le principe de l’entreprise, tandis que moi, je défends l’intérêt général, celui de chacune et chacun.

M. Olivier Rietmann proteste.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Si vous partez du principe que dans notre pays l’entreprise n’a aucune espèce de vocation sociale, qu’elle ne doit chercher qu’à augmenter son profit ou sa productivité, alors nous avons une divergence philosophique majeure.

Bien sûr, une entreprise doit faire du profit ; pour cela, il faut que le moins de taxes possible la frappent : je suis le premier à défendre cette idée-là ! Mais une entreprise a aussi une vocation sociale. Elle ne peut ni polluer la planète ni considérer que l’inégalité entre les femmes et les hommes soit quelque chose de formidable… §Elle doit permettre un certain nombre d’activités pour les personnes en insertion professionnelle, d’où les clauses sociales d’insertion dans les marchés publics.

Or, quand elle embauche des personnes qui lui coûtent moins cher, elle oublie parfois cette vocation. Ce que nous racontons, c’est vieux comme Marx, cela ne me paraît pas très révolutionnaire ! D’ailleurs, tous les courants de pensée ont abordé cette question depuis très longtemps, sauf ceux qui sont absolument libéraux à tout point de vue. Oui, la vocation sociale de l’entreprise existe !

On peut en revanche comprendre les difficultés des petites entreprises : celles de moins de 50 salariés ne sont donc pas concernées par la mesure. Certes, elles devront libérer du temps de travail, mais une compensation sera faite par les Opco, à hauteur de 1 000 euros par an, monsieur le sénateur ; ne faites donc pas dire n’importe quoi à cette mesure !

Il faut assumer son choix. Soit l’on considère que les entreprises n’ont pas de vocation sociale d’intégration – ou plutôt de contribution à l’intégration, puisqu’elles ne paient pas la formation financée par l’État – de leurs salariés étrangers qui parlent mal français, et l’on aborde cette question seulement sous l’angle du profit ; soit l’on admet qu’elles doivent contribuer, comme elles l’ont toujours fait, notamment en matière de logement ou de vacances. En suivant votre raisonnement, on ne créerait plus de comité d’entreprise, on n’accompagnerait plus les salariés par telle ou telle action sociale… Ce n’est pas ainsi que l’on fera vivre le capitalisme !

Aussi, je suis en parfait désaccord avec vous, car je pense qu’il existe une vocation sociale des entreprises. On parle de 5 % du temps de travail, dans une année, pour pouvoir former des personnes qui ne parlent pas français. Cela me paraît raisonnable, surtout quand on veut embaucher quelqu’un.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je mets aux voix les amendements identiques n° 20 rectifié bis et 388 rectifié ter.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

En conséquence, l’article 2 est rétabli dans cette rédaction et les amendements identiques n° 564 et 586 n’ont plus d’objet.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

À l’ouverture de la présente séance, la commission des lois a pris l’initiative de demander la réserve de l’examen du chapitre II du titre Ier du projet de loi – c’est-à-dire les articles 3, 4, 5, 6 et 7, ainsi que les amendements tendant à créer des articles additionnels avant ou après lesdits articles – jusqu’après l’examen des amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 13.

L’objectif était d’en débattre demain après-midi ou demain soir. Malheureusement, nous n’avançons pas très vite…

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Nous n’avons pas examiné beaucoup d’amendements, mais c’est le temps normal du débat ; je ne le conteste pas.

Cela étant dit, je propose, afin de tenir la promesse que j’avais voulu faire, que nous levions cette réserve, de sorte que nous puissions examiner les dispositions des articles 3, 4, 5, 6, et 7 dès demain, dans l’après-midi ou la soirée, et ce en suivant le cours normal de la discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je me suis permis de consulter les présidents de groupe sur cette décision ; j’ai obtenu leur accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je suis saisie d’une demande de la commission tendant à revenir sur la réserve de l’examen du chapitre II du titre Ier et à reprendre l’examen des articles dans leur ordre initial.

Cette demande est de droit quand elle émane de la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Favorable, madame la présidente !

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L’amendement n° 522 rectifié, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l’article 21-19 du code civil, le 7° est abrogé.

La parole est à M. Stéphane Ravier.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Être Français, cela s’hérite ou se mérite. Or le droit en vigueur permet à un réfugié d’obtenir la nationalité française sans condition de résidence. Aussitôt reconnu réfugié, aussitôt naturalisé !

Au total, sous la présidence d’Emmanuel Macron, 680 000 premières demandes d’asile ont eu lieu, sachant que le taux d’acceptation de ces demandes par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) est de près de 42 %. Autrement dit, 280 000 étrangers ayant obtenu le statut de réfugié depuis 2017 peuvent prétendre à la nationalité française : c’est l’équivalent de la ville de Bordeaux !

Au-delà de la théorie, notre droit doit refléter notre exigence et notre fermeté. On doit faire cesser toute incitation à l’émigration vers la France et alléger la surcharge qui pèse sur nos préfectures.

En effet, les réfugiés, par l’asile qui leur est accordé, bénéficient déjà d’un régime d’exception.

Aucun mérite ni aucune urgence ne leur confèrent le droit d’être exempté d’un temps minimal de résidence en France pour accéder à la nationalité française, a fortiori quand le texte donne à observer un dévoiement du droit d’asile au profit de l’immigration clandestine.

Aussi, mes chers collègues, pour que ce projet de loi soit non pas un simple texte de plus sur l’immigration, mais la première et unique loi sur la non-immigration, je vous invite à supprimer cette possibilité du code civil.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

L’exemption, accordée aux réfugiés, d’une durée minimale de résidence pour obtenir une naturalisation est prévue par la convention de Genève. Ils ne sont toutefois pas dispensés des autres obligations prévues par le législateur : ils ne sont pas naturalisés automatiquement parce qu’ils sont des réfugiés. Ils doivent notamment justifier de leur assimilation à la communauté française, ainsi que d’un niveau de langue, qui a été fixé au niveau B2 par la commission, c’est-à-dire à un niveau assez élevé.

L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L’amendement n° 523 rectifié bis, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 21-20 du code civil est abrogé.

La parole est à M. Stéphane Ravier.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Cet amendement s’inscrit, en cohérence, dans la continuité du précédent.

On remarque dans l’article 21-20 du code civil une référence évocatrice à « l’entité culturelle et linguistique française ». Message au locataire de l’Élysée : dans le droit positif, la culture française existe bel et bien !

Cependant, la compétence linguistique n’est pas suffisante pour garantir l’assimilation d’un étranger à la communauté nationale. La France n’est pas une idée, on ne peut devenir Français qu’en vivant durablement en France et en acceptant ses lois, ses codes, son art de vivre et son identité.

En 2022, 321 millions de personnes parlaient français, parmi lesquelles 255 millions en faisaient un usage quotidien. Cette population, en progression de 7 % en quatre ans seulement, et répartie entre 112 pays et territoires, soit presque toute la surface du globe, représente donc quasiment cinq fois la population de la France.

Certes, le partage de notre langue est un lien fort, mais, juridiquement, tous ces gens peuvent à ce jour acquérir la nationalité française au moment de leur arrivée en France, sans y avoir vécu au préalable. C’est une prime à l’immigration francophone de masse.

Il faut évidemment respecter l’indépendance des pays francophones, mais ne mélangeons pas tout ! Ils ne sont pas la France. Plus précisément, ils étaient la France et n’ont plus souhaité l’être.

Il faut un peu plus qu’une bonne expression française pour prétendre mériter et obtenir la nationalité française. Le séparatisme peut se faire en français. Je rappelle que Mohamed Merah et les frères Kouachi parlaient parfaitement le français ; à Marseille les trafiquants de stups, les assassins du stup, parlent parfaitement français ; les racailles qui ont mis la France à feu et à sang il y a quelques mois parlaient elles aussi le français.

Ce critère linguistique n’est donc pas une garantie suffisante d’assimilation et présente un risque évident d’affluence migratoire massive.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose de voter la suppression de l’exemption d’un délai de résidence en France pour l’acquisition de la nationalité par un étranger francophone.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Monsieur Ravier, il n’est pas totalement illogique, selon nous, que des personnes qui partagent déjà avec nous la langue, mais également la culture françaises – c’est bien ainsi qu’est rédigé cet article du code civil – soient dispensées de ce stage. Au reste, ces personnes ne sont pas dispensées de satisfaire aux autres conditions fixées pour la naturalisation.

L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je mets aux voix l’amendement n° 523 rectifié bis.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 526 rectifié, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 25 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° S’il a été condamné en France ou à l’étranger pour un acte qualifié de crime par la loi française et ayant entraîné une condamnation à une peine d’au moins cinq années d’emprisonnement. »

La parole est à M. Stéphane Ravier.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Cet amendement vise à rétablir une version antérieure, plus extensive, de l’article 25 du code civil, de manière à faciliter le recours à la déchéance de nationalité en cas d’infraction commise en France ou à l’étranger.

Si les conditions de naturalisation doivent être restreintes en amont, la déchéance de nationalité doit nous permettre de faire sortir plus aisément de la communauté nationale les éléments sécessionnistes et conquérants.

Une peine d’au moins cinq années d’emprisonnement doit pouvoir suffire pour déchoir un binational de sa nationalité française, que l’infraction ait été commise en France ou à l’étranger.

Si les juges sont souverains dans leurs décisions, nous devons tout de même élargir la possibilité donnée au pouvoir politique de recourir à une politique de déchéance de nationalité, pour assurer l’ordre public et la sécurité de tous.

Aujourd’hui, un quart des détenus en France sont condamnés pour une peine de cinq ans ou plus. Au vu de l’insécurité et de la surpopulation carcérale, notre pays doit se réserver le droit de déchoir de sa nationalité et, ainsi, de pouvoir expulser tout binational ayant acquis la nationalité française par naturalisation, déclaration, manifestation de volonté, réintégration ou mariage.

Actuellement, les binationaux sont exclus des chiffres de la délinquance et de la population carcérale étrangère. Il est donc difficile d’objectiver cette réalité. Il est de la responsabilité du ministre de l’intérieur de fournir ces données. Il s’agit d’une question de cohésion nationale, mais aussi d’une exigence de contrôle de l’application par le Gouvernement des politiques publiques et d’un droit des citoyens à la transparence.

La nationalité française se mérite. Trop de binationaux profitent des protections de la justice et du laxisme judiciaire pour faire régner la terreur et entretenir le communautarisme.

La naturalisation n’est pas un chèque en blanc. Trop souvent nous connaissons des manifestations, nombreuses et violentes, de la part des binationaux sur notre sol, car ces derniers se sentent à l’abri de tout retour de bâton.

Pour ces raisons, il nous faut élargir les conditions de recours à la déchéance de nationalité ; la fermeté est plus que jamais de mise !

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L’amendement n° 50 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot et Houpert, Mme Lopez, MM. Bruyen, Cadec, Genet et Saury, Mme Jacques, MM. Bonneau, Sido, Chasseing, Somon et Klinger et Mmes Josende, Goy-Chavent, Devésa et Aeschlimann, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 25 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° S’il est condamné pour un acte qualifié d’homicide ou de tentative d’homicide commis sur un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique. »

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Mon amendement tend également à modifier le code civil, mais il diffère de ceux que vient de présenter M. Ravier.

Celui-ci a pour objet de rappeler que, selon les statistiques officielles, les forces de l’ordre et, plus largement, les Français ont eu à déplorer, chacune des dernières années, entre quatre et seize décès de policiers ou gendarmes en mission.

Aujourd’hui, je voudrais, sur le fondement de l’article 25 du code civil, ouvrir la possibilité de déchoir de sa nationalité française un binational ayant porté atteinte à la vie d’un gendarme, d’un policier, ou de toute autre personne dépositaire de l’autorité publique.

Je ne reviens pas sur la procédure de déchéance de nationalité, qui sanctionne des faits d’une particulière gravité ; vous pourrez vous référer à l’exposé des motifs de mon amendement.

Je dirai simplement que l’accès à la nationalité, c’est l’aboutissement de l’intégration. Dans le champ de l’intégration, il y a aussi la question de la nationalité. Il est important, selon moi, que l’on donne ce signal de cohésion, de solidarité et de cohérence à nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

En droit de la nationalité, notamment en matière de déchéance, un certain équilibre a été atteint. Il nous a semblé que la disposition défendue par M. Ravier, au vu de son caractère assez large, aurait pour effet de déséquilibrer le droit existant.

Nous avons envisagé d’un œil plus favorable la mesure proposée par Mme Boyer, puisqu’elle vise un point qui n’est pas indifférent à la question de l’intégration, à savoir l’homicide, ou la tentative d’homicide, d’une personne dépositaire de l’autorité publique.

C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 526 rectifié de M. Ravier et un avis de sagesse sur l’amendement n° 50 rectifié de Mme Boyer.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Il est défavorable sur ces deux amendements, mais, en tout cas pour le second, ce n’est pas pour des raisons de fond : on pourrait discuter des propositions faites par Mme Boyer, voire être d’accord avec elle, mais, je le redis, je ne souhaite pas que nous abordions ici les sujets liés à la naturalisation et à la nationalité, qui relèvent d’un autre code et n’ont donc pas leur place dans le présent projet de loi. Nous estimons donc que ces dispositions constituent des cavaliers législatifs, qui seront sans doute censurés par le Conseil constitutionnel ; j’y insiste pour les futurs lecteurs de nos débats.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Monsieur le ministre, j’entends bien votre argument, mais, même répété, il ne me convainc pas. On ne peut pas, en même temps, prétendre légiférer sur l’immigration et l’intégration et refuser d’aborder la nationalité.

Il me semble que l’amendement n° 50 rectifié, relatif aux dépositaires de l’autorité publique, qui sont particulièrement malmenés aujourd’hui, pourrait recueillir l’assentiment de nos collègues. Ainsi, on enverrait aujourd’hui un signal extrêmement important et pertinent au regard du sujet dont nous débattons, l’immigration et l’intégration.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.

L’amendement n° 49 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot et Houpert, Mme Lopez, MM. Bruyen et Cadec, Mme P. Martin, MM. Genet, Szpiner et Saury, Mmes Muller-Bronn et Jacques, M. Chasseing, Mme Imbert, M. Klinger et Mmes Josende, Goy-Chavent et Devésa, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le troisième alinéa de l’article 25–1 du code civil est ainsi rédigé :

« Les dispositions de cet article ne s’appliquent pas si les faits reprochés à l’intéressé sont mentionnés au 1° de l’article 25. »

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Je retire l’amendement, madame la présidente !

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L’amendement n° 49 rectifié est retiré.

Mes chers collègues, nous avons examiné 94 amendements au cours de la journée ; il en reste 433.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

M. Gérald Darmanin, ministre. Une broutille !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 8 novembre 2023 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures trente, le soir et la nuit :

Désignation des 23 membres de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier (droit de tirage du groupe Les Républicains) ;

Désignation des 21 membres de la délégation sénatoriale aux outre-mer autres que les 21 sénateurs d’outre-mer, membres de droit ;

Suite du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (procédure accélérée. texte de la commission n° 434 rectifié, 2022-2023).

En outre, avant la suspension de l’après-midi :

Désignation des 37 membres du groupe de travail préfigurant la commission spéciale chargée d’examiner, sous réserve de son dépôt, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le mercredi 8 novembre 2023, à zéro heure cinquante-cinq.