La commission procède à l'audition de M. Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives, sur le projet de loi de finances pour 2011.
Nous allons entendre M. le Ministre présenter son budget pour 2011, qu'il soit le bienvenu !
Les crédits du programme 163 « Jeunesse et vie associative », en augmentation de 10 %, visent trois priorités : le soutien à l'initiative et à l'engagement des jeunes, avec des crédits qui passent de 66,2 millions à 110,8 millions, par la montée en charge du service civique ; le développement des actions d'insertion des jeunes, avec des crédits qui passent de 77,9 à 53,7 millions, baisse optique qui tient essentiellement à ce que les actions du fonds d'expérimentation jeunesse monteront en charge en 2012 ; enfin, le soutien à la vie associative, qui bénéficiera d'une enveloppe inchangée, à 47,8 millions, laquelle ira principalement aux postes fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep) et aux têtes de réseau.
Par souci de cohérence, j'ai rassemblé avec les crédits du service civique les autres actions qui peuvent s'y apparenter, notamment celle d'Envie d'agir.
À ce propos, je veux réagir à un communiqué de presse de M. Demuynck, pour les inexactitudes qu'il contient. J'ai été un parlementaire assidu, dès 1992, j'ai rapporté des textes importants, sur la décentralisation, sur le revenu de solidarité active (RSA), j'ai été secrétaire d'État et ministre délégué, avant de devenir ministre de plein exercice : j'ai donc quelque expérience de la vie politique et administrative. Aussi, je suis très surpris que M. Demuynck ait publié un communiqué par deux fois erroné, alors qu'il n'avait pas donné suite à mes trois propositions de rencontre ! (M. Demuynck s'exclame) Première inexactitude : il n'est pas vrai que la campagne d'information sur le service civique ait été supprimée, la première vague a eu lieu en octobre, une seconde est imminente et 10 300 jeunes se sont déjà porté candidats. Nous tenons donc les engagements de mon prédécesseur, et M. Hirsch est intervenu sur les ondes pour dire son plein accord avec notre façon de faire.
Il n'est pas vrai non plus qu'Envie d'agir soit supprimée : comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale, et parce que je considère normal de réserver la primeur de ces informations aux parlementaires, j'ai décidé de maintenir inchangée cette action, après avoir envisagé de la reformater et avoir constaté l'émoi qu'une telle perspective avait provoqué. L'action est donc maintenue, avec les mêmes objectifs, les mêmes modalités, et les mêmes crédits.
Si M. Demuynck avait bien voulu me rencontrer, je lui aurais dit tout cela de vive voix...
Nous donnerons la parole à notre rapporteur pour avis sur la mission « Jeunesse et vie associative » M. Lozach, mais j'inscris d'ores et déjà M. Demuynck juste après, car je ne doute pas qu'il réagira à vos propos qui ne manquent pas... de vivacité ! Le moins qu'on puisse dire, c'est que le débat est ouvert.
Je me devais de réagir, étant donné les inexactitudes du communiqué de presse que j'ai cité.
Pour en revenir au programme 163, après avoir prévu 40 millions pour les 10 000 jeunes du service civique en 2010, nous prévoyons pour l'an prochain 97 millions pour 15 000 volontaires, avec la perspective de 20 000 jeunes et 134 millions en 2012. Il est vrai que les ambitions initiales étaient plus importantes : elles ont été réduites après un arbitrage du Premier ministre. En tout état de cause, nous constatons un véritable engouement pour le service civique, les candidats ne manquent pas et le travail devant nous concerne davantage l'offre.
Le fonds d'expérimentation jeunesse est abondé de 35 millions, ce qui le porte à 75 millions, auxquels s'ajoutent 58 millions du plan de relance et 25 millions pour les laboratoires d'expérimentation jeunesse. L'analyse de ce fonds mérite quelques explications : M. Hirsch avait engagé 300 expérimentations, j'ai retenu celles qui sont les plus structurantes, pour les inscrire dans la nouvelle politique que représentent les laboratoires d'expérimentation jeunesse. Ces laboratoires visent toutes les actions d'insertion sociale et économique, l'aide à la mobilité des jeunes, aussi bien que leur engagement citoyen, ils sont financés par l'État, aussi bien que par les collectivités territoriales, par leurs établissements, et par le privé : nous en attendons un effet levier important, sur le modèle de ce qui s'est fait avec la rénovation urbaine. Nous dotons le fonds de 24 millions cette année, pour tester les laboratoires sur huit territoires, qui représentent un dixième de la population. Le privé, avec l'union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM) et Total, apportent 55 millions.
Les autres crédits vont au renforcement de l'information des jeunes, à l'aide à la mobilité, à l'office franco-allemand de la jeunesse (OFAJ), à l'office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ), à l'institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP), ou encore à l'accès des jeunes les plus défavorisés aux métiers de l'animation sociale.
Le soutien à la vie associative conserve 47,8 millions, les 3 millions du conseil national de la vie associative (CNVA) sont sanctuarisés et permettront la formation des bénévoles, les postes Fonjep se voient attribuer une enveloppe de 25 millions, inchangée malgré les restrictions budgétaires.
Par nature, la politique en direction de la jeunesse est transversale, interministérielle. Je fais de l'orientation avec mon collègue de l'Éducation nationale, de l'insertion avec le ministre de l'emploi, de l'aide au logement avec mon collègue au logement. Pour la première fois, le document de politique transversale retrace l'importante mobilisation de l'État pour les jeunes : un total de 75,2 milliards, dans un budget de maîtrise de la dépense publique. Pour aller plus loin, nous devrons en passer par un changement en profondeur de la gouvernance de certains des dispositifs.
J'ouvre le débat, non sans préciser que notre commission, même si ce n'est pas dans son titre, est compétente pour les questions touchant à la jeunesse et à la vie associative.
Votre budget n'est pas facile à comparer d'une année sur l'autre, étant donné ses changements de périmètre. Il faut relativiser la hausse que vous affichez puisque le service civique représente déjà 46 % de votre budget et que vous annoncez 10 300 candidats alors qu'il devrait déjà y avoir 10 000 recrutés cette année...
La révision générale des politiques publiques (RGPP) est passée par les services déconcentrés de l'État : elle se traduit par la suppression de 4 500 emplois équivalent temps plein. Vos services étant regroupés avec d'autres au sein de directions interministérielles départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations, quelles y seront les réductions d'effectifs, avec quelles conséquences sur leurs capacité d'action ?
Vous vous félicitez que les crédits de l'action « Développement de la vie associative » passent de 12,2 millions à 13,4 millions, mais considérant que 3 millions consacrés à la formation des bénévoles sortent cette année de la ligne, il serait plus juste de dire que les crédits de cette action passent de 15,2 millions à 13,4 millions.
Sur Envie d'agir, je laisse volontiers la parole à M. Demyunck, même si comme lui je constate qu'une circulaire du mois d'août annonçait la fin du dispositif, et que le site internet n'en n'est plus accessible depuis.
S'agissant de l'observatoire de la jeunesse, ne craignez-vous pas que son action double celle de l'INJEP ?
Ne redoutez-vous pas, ensuite, que la réforme en cours des collectivités territoriales ne fragilise les politiques publiques en direction de la jeunesse ? La commission mixte paritaire (CMP), qui se réunira demain, va manifestement supprimer la clause de compétence générale : n'y voyez-vous pas un risque que les collectivités territoriales ne se désengagent ?
Enfin, quel bilan faites-vous du nouveau RSA jeunes ? Les conditions d'accès n'en sont-elles pas trop restrictives, puisqu'il faut que les jeunes aient travaillé deux ans dans les trois précédentes années ?
Le service civique a déjà enregistré 10 300 candidatures, nous avons activé les grandes têtes de réseau et notre travail va s'orienter désormais vers les réseaux locaux, via les associations départementales de maires, car les communes, leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou encore les associations d'utilité publique peuvent recourir au service civique. Dans un déplacement récent, j'ai constaté qu'un centre de gestion de la fonction publique territoriale avait un projet pour un volontaire.
La montée en puissance du service civique est donc conforme à nos attentes, notre campagne de communication a produit les effets que nous en attendions.
Le chiffre de 4 500 suppressions d'emploi portait sur toutes les actions sociales, dont beaucoup ne relèvent pas de mon ministère ; dans mes services, la RGPP se traduit par la suppression de seulement 15 emplois équivalent temps plein.
S'agissant du soutien à la vie associative, mon intention est bien de « reformater » les aides, en nous appuyant davantage sur les têtes de réseau dans le cadre de conventions pluriannuelles d'objectifs. Quant aux 3 millions du CNVA, ils sont sanctuarisés.
Nous lançons les laboratoires d'expérimentation jeunesse, qui préfigurent les changements que nous souhaitons dans la politique en direction de la jeunesse, politique encore trop dispersée et qui a vocation à s'allier davantage les têtes de réseau, tout en s'appuyant sur les postes Fonjep. L'État et les collectivités territoriales s'associent, c'est le cas dans le Nord-Pas-de-Calais, où l'État apporte 4 millions et la région tout autant, puis le privé 2 millions. Il faudra aller plus loin dans la réflexion, pour conforter les politiques de cohésion sociale, qui passent aussi par un « reformatage » de la politique de la ville.
Je répète que nous maintenons l'action Envie d'agir, avec des crédits inchangés. Mes services n'ont pas envisagé de la supprimer, mais seulement de la suspendre. Devant l'émoi provoqué par cette perspective, j'ai demandé un audit rapide de l'ensemble des actions conduites, j'ai consulté, et c'est ensuite que j'ai annoncé, devant les députés, ma décision de maintenir Envie d'agir.
L'Observatoire de la jeunesse, ensuite, sera très bien articulé avec l'INJEP puisque c'est cet institut national qui en assurera l'ingénierie et l'animation. Nous avons besoin de mieux connaître la jeunesse, l'institut national est le mieux à même de nous y aider. Sait-on par exemple que trois jeunes sur quatre se préoccupent plus du sens de leur futur travail que des revenus qu'il leur apportera ? Que deux sur trois sont intéressés par l'engagement dans un service civique ? Les jeunes veulent s'engager, donner un sens à leur vie : ils ne sont pas tels que les plus âgés les voient et ce décalage ne date pas d'aujourd'hui.
Sur la réforme des collectivités territoriales, je me garderai bien de prédire ce que la CMP décidera. Par ma longue expérience de parlementaire, je sais que la CMP est à même d'élaborer un compromis empreint d'équilibre et de bon sens. M. Legendre m'est témoin qu'à titre personnel, j'avais dit ma préférence pour le texte du Sénat. Quant aux financements croisés, ils continueront d'être le mode courant de la politique en direction de la jeunesse.
Il est encore trop tôt pour faire le bilan du RSA-jeunes, pour lequel j'ai repris mot pour mot le décret préparé par mon prédécesseur. Les conditions sont restrictives, ce sont celles que M. Hirsch avait décidées. Nous en étions fin septembre à 5 636 dossiers, qui concernent surtout des 22-25 ans relevant du RSA-activité. Il paraît raisonnable de tabler sur 15 000 bénéficiaires, mais nous fonctionnons à guichet ouvert : le RSA- jeunes est un droit, le budget s'adaptera. Il en va comme pour le RSA-activité, dont le flux financier a augmenté de 57% depuis juin, pour atteindre 110 millions par mois. Faut-il aller plus loin ? La question devra être examinée à l'avenir, comme pour les autres droits sociaux. Pour ce qui est de mon action, j'ai appliqué exactement ce à quoi mon prédécesseur s'était engagé, dans le sens du discours que le Président de la République a prononcé en Avignon en septembre 2009.
Monsieur le Ministre, vous me faites trop d'honneur en me citant en préambule à la présentation de votre budget. Je suis également un parlementaire aguerri, puisque je suis entré pour première fois au Parlement en 1986 comme député, et c'est à ce titre que je crois savoir qu'un parlementaire n'a pas à demander un rendez-vous individuel à un ministre pour être informé !
Je maintiens mon propos : les engagements pris par votre prédécesseur n'ont pas été tenus. Vous vous félicitez de disposer de plus de 40 millions pour le service civique, mais vous n'avez pas communiqué auprès des jeunes sur le service civique avant le mois d'octobre, alors il est bien normal qu'ils se présentent encore peu nombreux ! Il fallait, comme il en avait été convenu, communiquer avant l'été, pour que les jeunes puissent intégrer cette perspective dans leurs projets, mais vous avez attendu l'après-rentrée ! Vous n'avez fait qu'une toute petite communication, via internet et la radio, mais rien dans la presse ! Vous annoncez une deuxième vague imminente de communication, mais vous n'en n'avez pas encore l'autorisation formelle et on voit mal comment les choses se feront avant la fin de l'année... Dans ces conditions, le budget du service civique ne peut être que réduit, comme il en est allé pour le service civil. Bien sûr les jeunes s'intéressent au service civique, et avec eux les élus, les associations, tous ceux qui s'engagent au service de leur pays. Mais ils n'ont aucune information, parce que vous ne communiquez pas ! Les engagements ne sont donc pas tenus.
L'objectif initial était de 25 000 volontaires pour 2011, vous vous félicitez de le ramener à 15 000 ! On projetait d'atteindre 10 % d'une classe d'âge en 2014, l'objectif est repoussé de trois ans... Pendant ce temps, des jeunes qu'on pourrait aider ne trouvent pas de solutions : nous perdons un temps précieux, et, sur le terrain, tous ceux à qui l'on a annoncé un service civique digne de ce nom, nous prennent pour des fantaisistes.
Sur Envie d'agir, ensuite, nous prenons acte de votre décision récente. Mais notre inquiétude était tout à fait légitime puisqu'une circulaire du 12 août dernier annonçait la fin de cette action !
Mais un directeur de votre administration y précise pourtant qu'Envie d'agir ne sera pas reconduite l'an prochain et il remercie tous ceux qui s'y sont engagés jusqu'à aujourd'hui... Or, Envie d'agir est très importante pour les jeunes, en particulier ceux des quartiers difficiles. Vous la rétablissez, pourquoi ne communiquez-vous pas ? Et si vous maintenez les crédits, sur quelle ligne budgétaire allez-vous les prendre ?
Ce n'est pas la première fois dans l'histoire politique et administrative de notre pays que des arbitrages doivent être revus d'une année sur l'autre. La maîtrise des dépenses publiques est prioritaire, les arbitrages en tiennent compte. Bercy voulait maintenir le chiffre de 10 000 volontaires rémunérés, je demandais 25 000 et j'ai obtenu 15 000, vous savez bien comment cela se passe. M. Hirsch a reconnu à la radio que cet arbitrage était dicté par l'objectif de maîtrise des dépenses publiques, cela ne signifie pas l'abandon du service civique ! Je ne fais ici que vous décrire une réalité. Au total, j'ai obtenu 66 millions dans la négociation budgétaire, en mobilisant en particulier 24 millions qui n'ont pas été dépensés cette année et que Bercy aurait bien placés ailleurs... À chacun sa vérité.
S'agissant de la communication, nous avons eu recours à une agence spécialisée, et c'est sur son conseil que nous avons préféré communiquer à la rentrée plutôt qu'au mois de juin. Le résultat est plutôt bon, puisque le site a été visité 165 000 fois par des internautes et que 10 300 jeunes se sont porté candidats. La difficulté réside maintenant plutôt du côté de l'offre, pour mieux l'organiser. Nous allons lancer la deuxième campagne de communication, qui va amplifier le mouvement. En tout cas, vous me trouverez toujours en première ligne de la négociation budgétaire, au service de la jeunesse.
Enfin, si mes services ont envisagé de suspendre Envie d'agir, et non de la supprimer, c'est en tenant compte du service civique et des laboratoires d'expérimentation jeunesse, qui partagent la même philosophie. Ensuite, si j'ai décidé de maintenir cette action, c'est en entendant l'émoi provoqué par les changements envisagés, et il m'a paru bien naturel d'en informer les parlementaires en premier, dans le cadre de la discussion budgétaire.
Quant au budget proprement dit, Envie d'agir représente 3,7 millions : c'est 1,5 % de mon budget, je les mobiliserai par redéploiement, sans besoin d'une ligne spécifique.
Nous venons d'assister à ce que l'on appelle en sport un échange franc et viril. Et j'ai cru entendre qu'une course au plus ancien parlementaire était lancée : ayant été élu député dès 1973, je veux bien participer !
Notre rapporteur est fondé à poser toute question qu'il estime légitime à M. le ministre, de même qu'à en attendre une réponse, et M. Demuynck peut lui aussi poser toute question, il y est particulièrement autorisé, puisqu'il avait rapporté la loi sur le service civique.
C'est l'occasion pour moi de vous inviter au prochain « Rendez-vous du Sénat », voulu par le président Larcher, qui, dans ma bonne ville de Cambrai, sera consacré le 18 novembre prochain au service civique, à la formation et à l'orientation des jeunes, ainsi qu'à leur accès à l'emploi. Dans le centre universitaire de la ville, nous y entendrons en particulier M. Demuynck et vous-même, monsieur le ministre : une occasion de poursuivre le débat, sur le terrain !
Au mois de juillet dernier, j'ai eu l'occasion de rencontrer dix jeunes envoyés en Haïti dans le cadre du service civique. Leurs conditions d'intervention étaient particulièrement déplorables. Monsieur le ministre, comment le service civique opère-t-il à l'étranger ? Quelles sont les conditions d'accueil et d'intervention des jeunes qui s'y engagent ?
Le service civique a vocation à s'appliquer à l'étranger aussi bien que sur le territoire national. J'ai rencontré des jeunes au retour d'Haïti : il est vrai que la logistique a posé de gros problèmes, il faut en tirer les enseignements.
J'ai signé à Londres une convention avec l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), pour que les établissements français participent à l'accueil de volontaires du service civique, en lien avec l'association de M. Godefrain. Nous devons encore promouvoir et conforter le dispositif, c'est une évidence, tout est allé très vite depuis son adoption.
Je m'inquiète des conséquences de l'article 54, qui supprime le versement rétroactif de trois mois d'aide personnalisée au logement (APL) lors du premier versement de cette aide. En effet, les associations d'insertion perçoivent souvent cette aide, via le tiers payant, en particulier les foyers de jeunes travailleurs : la fin du versement rétroactif de trois mois d'APL risque de les fragiliser financièrement. Or, dans le cadre de la mission « Jeunes » du Sénat présidée par Mme Le Texier, nous avons tous souligné le rôle essentiel du logement pour l'autonomie des jeunes et le passage à l'âge adulte. Un président de foyer m'a saisie de cette question, elle touche des structures très diverses.
Il est aussi question de supprimer l'aide à la gestion locative sociale. Cela fait beaucoup. Pouvez-vous nous rassurer ?
Le service civique nous préoccupe. Nous avions été très réticents sur l'âge de 16 ans et les possibilités ouvertes aux seniors nous paraissaient incongrues ; nous nous inquiétions aussi pour les indemnités. Votre prédécesseur nous avait promis un rapport plus détaillé sur les âges et sur les fonctions. Pourriez-vous prendre l'engagement de nous en remettre un d'ici six mois ?
Si votre budget passe de 193 millions à 212 millions, 60 % des crédits vont au service civique et au fonds d'expérimentation pour la jeunesse qui n'existaient pas il y a deux ans. Il y a donc ailleurs des diminutions, que l'on peut chiffrer à 25 %. Toutes les actions de proximité liées aux communes sont touchées ; les maires le constatent, les associations manquent de moyens. Allez-vous demander aux collectivités de prendre en charge ces actions ?
On a déjà parlé de la montée en puissance du service civique. J'avais voté la proposition de loi, mais j'ai le sentiment qu'il y a un retard à l'allumage. Je circule beaucoup parmi les jeunes : il est préférable de ne pas réaliser de sondages ! Je suis consterné de constater qu'à peine un étudiant ou un lycéen sur cinquante sait de quoi il s'agit.
Vous parlez du soutien à la vie associative quand vos prédécesseurs parlaient de soutien au bénévolat. Quand celui-ci fond comme neige au soleil, comment remotiver les gens ? Votre ministère et celui des sports participent au parcours animation sport. La diminution de vos crédits signifie-t-elle que vous lui substitueriez le service civique et que deviendra cette action ?
Quand j'étais ministre du logement, le ministère du budget proposait déjà de supprimer la rétroactivité de l'APL, mais cela ne s'est pas fait. Voilà une question d'arbitrage. Cependant, je conviens avec vous que les aides au logement sont essentielles pour l'insertion des jeunes. Lorsque j'étais au pôle social, nous avions, Jean-Louis Borloo et moi, signé une convention avec Laurent Hénart afin de mettre les jeunes dans une logique de logement. Cependant, ce programme dépend de Benoist Apparu, que je consulterai avant de vous répondre par écrit.
Pour le service civique, nous allons avoir un conseil d'administration avec Martin Hirsch. Vous saurez d'ici la fin de l'année combien il y a eu de connexions, et combien d'offres... Je vous ferai un rapport plus complet. J'entends dire que le dispositif n'est pas très connu, mais Martin Hirsch s'emploie à le faire connaître, et M. Demuynck également.
Les parlementaires sont bien placés car ils ont beaucoup travaillé sur ce projet. Ils peuvent en être les ambassadeurs. Nous allons engager une campagne.
Nous continuons à avoir des crédits pour aider les associations au niveau local. Cependant, la dispersion n'est pas de bonne gouvernance et ces aides ne sont pas pluriannuelles. Je propose donc un autre système : expérimentons les chartes territoriales de cohésion sociale. Puisque 80 % des actions sont territorialisées, il serait plus efficient de contractualiser avec les collectivités. Non, nous ne fossiliserons pas les dispositifs et si certains mécanismes avaient eu plus de financements (3,7 millions pour Envie d'agir), je préfère préfigurer une gouvernance territorialisée pour des parcours individualisés.
En prévision de l'année européenne du volontariat, j'ai lancé un comité de pilotage en juillet. Le bénévolat, c'est du contrat moral. Je me suis beaucoup investi pour défendre ce qu'on appelle à tort la « niche fiscale - associations », car la générosité ne se plafonne pas. J'ai demandé à Mme Marland-Militello de travailler sur le bénévolat, mais je suis ouvert à ce que des sénateurs fassent de même.
La gouvernance du parcours animation sport était mauvaise ; mon ministère mettait de l'argent sans savoir où il allait. Une nouvelle réflexion conjointe permettra de préconiser une offre mieux adaptée aux besoins des jeunes, en particulier dans les zones les plus difficiles, les zones urbaines sensibles (ZUS). Cela explique l'évolution des crédits. La logique voudrait d'ailleurs que le ministère des sports pilote ce dispositif.
Je répondrai par écrit aux autres questions.
Vous avez compris à la franchise des échanges tout l'intérêt que nous portons à ces questions. Les problèmes des jeunes sont prioritaires et les parlementaires peuvent jouer un rôle. Nous nous reverrons au budget mais, vu l'ampleur du débat, il nous faut prendre rendez-vous pour le printemps, plus tôt, même, si vous le jugez utile.
Ensuite, la commission procède à l'audition de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur le projet de loi de finances pour 2011.
Bien que le budget triennal soit placé sous le signe de la réduction des déficits publics, l'enseignement supérieur et la recherche demeurent la priorité des priorités et bénéficient de moyens exceptionnels. Les réformes engagées se poursuivent tandis que sur 22 milliards de crédits extrabudgétaires, 3,581 milliards sont dégagés pour les appels à projets des laboratoires de l'enseignement supérieur. Quant aux crédits budgétaires, 9 milliards sont investis en 2011, soit près de 4,7 milliards de moyens supplémentaires. Les crédits de paiement progressent de 468 millions ; le crédit impôt recherche (CIR) augmente de 145 millions et l'immobilier, avec les partenariats public-privé, de 238 millions ; les intérêts de l'opération Campus représentent 270 millions ; 58 chantiers seront ouverts d'ici la fin de l'année. Au total, les moyens nouveaux représentent une augmentation de 15 %, ce qui est inédit, mais conforme aux engagements du Président de la République.
Comme il y avait eu une polémique sur les chiffres, nous avons pris un indicateur transparent et ex-post. La dépense intérieure d'éducation, celle qui est effectivement réalisée et qui apparaît dans les comptes des établissements universitaires, atteignait en 2009 10 219 euros par étudiant, contre 8 548 en 2006, soit une progression de 19 %. Quand on se rappelle que la dépense par élève est de 10 000 euros, on constate que l'on a rattrapé un retard inacceptable. La dépense intérieure de recherche a également connu une belle progression, passant de 2,06 en 2007 à 2,22 % du PIB - on se rapproche des 3 %.
Notre première priorité est de renforcer l'attractivité des carrières. Nous ne sommes pas soumis à la règle du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux et tous les postes seront remplacés. L'augmentation de 311 millions se situe dans la continuité du plan carrières. Nous aurons des primes au mérite et un intéressement collectif.
Pour accompagner la réforme des carrières et favoriser la réussite des étudiants, le dixième mois de bourse a pour contrepartie l'allongement de l'année universitaire. Priorité est donnée au logement étudiant. À la fin de l'année, nous aurons réalisé 4 838 logements et en aurons réhabilité 8 523. Sur quatre ans, nous aurons livré 44 000 logements, soit le quart des 160 000 places de CROUS - c'est énorme ! Nous dépassons les objectifs du rapport Anciaux et le taux de satisfaction des étudiants s'établit à 85 %. Nous voulons organiser une conférence nationale sur le logement étudiant pour en étudier tous les aspects. En effet, beaucoup de collectivités ont réalisé des logements qui ne sont pas comptabilisés dans ces chiffres.
Afin de conforter l'autonomie des universités et de stimuler leurs initiatives pour la formation et la recherche, l'opération Campus concerne 12 campus labellisés ; je n'aurai garde d'oublier les 9 campus prometteurs et innovants.
Nous poursuivons l'augmentation des moyens de la recherche, conformément aux engagements du Président de la République. Nos engagements internationaux seront tenus, mais les établissements devront réaliser des économies de gestion. L'institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) gèrera le plan Cancer 2, les moyens du centre national d'études spatiales (CNES) augmentent de 15 millions et les crédits du commissariat à l'énergie atomique (CEA) et d'Oseo sont pérennisés. Enfin, la recherche privée est soutenue à travers le crédit impôt recherche.
Vous le voyez, ce budget est celui d'une ambition inédite, d'un État plus que jamais engagé, d'universités mobilisées pour la réussite de leurs étudiants, d'une recherche publique d'excellence, d'une recherche privée dynamisée.
Je salue la présence de M. Dominati, rapporteur spécial. Il est le bienvenu.
Je vous remercie, madame, de cet exposé. Vous l'avez montré, l'engagement de faire de l'enseignement supérieur une priorité est devenu une réalité. Quel bilan dressez-vous du plan Réussite en licence ? Selon votre inspection générale, très peu d'universités ont mis en place un suivi du coût des actions. En outre, la suppression de la circulaire relative au fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes (FSDIE) ne fragilise-t-elle pas celui-ci ?
L'article 30 du budget pour 2011 prévoit d'exonérer de contribution au désendettement de l'État les produits de cession d'immeubles de l'État dont disposent les universités qui en ont demandé la dévolution. Certains produits concernent des établissements implantés à Saclay. Quelle est la portée de ce dispositif ? Le rapport que j'avais rédigé avec M. Adnot recommandait de mutualiser une part de ces produits. Quel est votre sentiment à cet égard ?
Je félicite la ministre de son exposé brillant et maîtrisé. Son budget a dû faire des envieux...
Comment expliquer la réduction des moyens consacrés à l'agence nationale de la recherche (ANR) ? On nous dit que les pôles de compétitivité profiteraient davantage aux grandes entreprises qu'aux petites et moyennes entreprises (PME). Vous proposez 12 sociétés d'accélération du transfert de technologie. Pouvez-vous nous en dire plus et nous expliquer les conséquences des modifications apportées au crédit d'impôt recherche à l'Assemblée nationale ?
Le plan Réussite en licence a suscité un élan et permis une prise de conscience. 730 millions sur cinq ans y ont été consacrés. De nouveaux dispositifs ont été mis en place, des stages de rentrée à la remise à niveau en orthographe (on parle plutôt d'expression écrite et orale pour les étudiants). Cela bouge partout. Autre réforme importante, cruciale même, le contrôle continu en première année oblige à suivre l'étudiant du début à la fin. Enfin, le modèle SYstème de répartition des Moyens à l'Activité et à la Performance (SYMPA) a eu un effet incitatif en retenant non plus les étudiants inscrits à la rentrée, mais les étudiants présents en février. Les universités allongent l'année universitaire à dix mois et nous le vérifierons en 2011. La note de l'inspection a été publiée dans un quotidien du soir comme s'il s'agissait d'un audit. Ce rapport d'étape ne porte que sur 11 des 83 universités. On constate de multiples efforts : l'échec a reculé de 10 % à Bordeaux I. Il reste néanmoins difficile de structurer une véritable politique de scolarité avec des services performants en raison du sous-encadrement comme de l'éparpillement des responsabilités et du manque de stratégie d'ensemble d'université (on raisonne par licences). Des filières anglophones ont été créées, pour évaluer et améliorer le niveau d'anglais. Bref, cette note est très partielle, et j'ai demandé un document exhaustif. L'Inspection générale travaille sur le soutien à la formation : accueil, suivi personnalisé, administration de qualité. Nous avons aussi ouvert le chantier d'un référentiel de formation afin d'assurer une meilleure lisibilité des dispositifs et de rendre les licences plus attractives.
Pourquoi avoir supprimé la circulaire de 2001 sur le FSDIE, qui est maintenu ? Pour lui substituer une charte qui fera reculer l'opacité.
Nous voulons dynamiser la gestion du patrimoine immobilier. Voilà pourquoi nous avons obtenu que les universités conservent la totalité du produit des cessions. C'est important pour les établissements qui déménageront à Saclay. L'enjeu financier est de 300 millions. Cela va avec l'autonomie financière. Nous n'avons pas tranché dans le sens de la mutualisation car il y a des projets dans 9 universités et qu'il est préférable qu'elles développent des schémas directeurs immobiliers. Poitiers prévoit de se séparer de 50 000 m² pour restructurer son campus autour de la bibliothèque, mais la valorisation des bâtiments anciens n'est que de 2 millions. Il n'en sera pas de même si l'on donne à Jussieu 30 000 m² en face de Notre-Dame... Nous préférons donc le dialogue tout en restant vigilants sur les pépites que sont les droits à construire en centre-ville. L'université de Lausanne, qui n'est que locataire, a réussi à autofinancer la construction d'une bibliothèque de deuxième génération qui a reçu le prix Pritzker : la propriété n'est pas l'alpha et l'oméga, c'est la compétence à drainer des fonds qui importe.
L'ANR attribuera 772 millions en 2011, soit 60 millions de moins qu'en 2010, mais 17,5 milliards de plus dans les contrats d'avenir. Comment gérer cette montée en puissance ? Elle est sous la mer... Le coup de booster est phénoménal ! Pour éviter les doublons, la programmation devient triennale. Les programmes blancs passent de 35 à 50 % des financements. Le dynamisme de l'ANR doit être vertueux.
De nombreuses PME sont concernées par le CIR : elles représentent 28 % de l'effort de recherche mais 51 % des financements. Il y a donc un effet redistributif très fort. L'un des objectifs des sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) est de rapprocher le public du privé. Dotées de 900 millions, elles auront le statut de sociétés filiales des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES). Veillant tout particulièrement à la maturation des projets au plus fort potentiel - pour passer du brevet à la start-up -, elles permettront une mutualisation, s'occuperont des licences et pourront intervenir au-delà du deuxième tour de table. Pour être opérationnelles, elles doivent avoir une taille suffisante. Nous en envisageons une dizaine. Les PRES ont si bien compris l'enjeu que Nantes et Rennes proposent une SATT commune.
Je n'ai pas besoin de défendre le crédit impôt recherche. On est passé de 34 à 51 projets d'investissements étrangers en France. Au CNRS, les contrats avec le privé ont progressé de 29 % ; le nombre de brevets déposés a crû de 36 % et 38 % ont été transférés au privé. Certes, il ne fallait pas partir de très haut pour obtenir de telles augmentations. Cependant, je note également que le nombre d'entreprises recrutant de jeunes docteurs a doublé en deux ans. Stabiliser le mécanisme est affaire de confiance pour les investisseurs. Les députés n'ont procédé qu'à des ajustements raisonnables, en vue d'empêcher les abus - même si je n'étais pas favorable à ce qu'on amende la loi. S'il y a baisse de 7 %, les dépenses d'environnement tiendront compte de l'amortissement et il y en aura plus dans l'industrie que dans les services, ce qui apparaît logique. Il faut mieux contrôler la rémunération des cabinets de conseil pro-CIR.
Le Gouvernement fournira des chiffres sur les créations de filiales afin que celles-ci ne soient pas destinées à bénéficier trois fois du CIR. Les modifications sur la formation et les frais de fonctionnement respectent le dispositif et nous souhaitons le maintien du taux actuel car nous ne sommes pas convaincus qu'il n'y ait pas élasticité de la dépense de recherche des grands groupes.
Je m'interroge sur la réalisation des opérations réalisées dans le cadre de partenariats public-privé. Dispose-t-on d'un bilan de ceux qui ont été mis en oeuvre en 2010 ? Quels moyens sont prévus pour 2011 ?
La Conférence des présidents d'université a noté l'absence de prise en charge du coût du GVT (glissement vieillesse technicité), alors que dans le cadre de l'autonomie, les établissements, qui disposeront de compétences élargies, ont la responsabilité de la masse salariale.
Le CIR laisse en suspens une contradiction qui marque l'investissement en matière de recherche dans notre pays : alors que nous disposons désormais du dispositif fiscal le plus incitatif pour la recherche privée, nous restons, dans le classement de l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), au seizième rang mondial pour la dépense des entreprises au regard du produit intérieur brut (PIB). C'est à n'en pas douter qu'il y a de la triche. On entend beaucoup, dans les sphères patronales, vanter les mérites du CIR pour l'optimisation de l'impôt sur les sociétés. Or, les dépenses de recherche des entreprises ont un rôle à jouer dans le développement de la recherche et pour aider la France à sortir, grâce à l'innovation, de l'impasse de la crise.
Je souhaite également évoquer le problème de la retraite de nombreux chercheurs, qui ont été en activité sans être rémunérés au sens propre ou sans cotiser pour la retraite : je pense aux doctorants, aux boursiers de recherche, aux chercheurs ayant bénéficié de libéralités, qui vont subir une sévère décote dans leur pension. Comment mieux reconnaître leur effort ?
Je salue à mon tour, madame la ministre, dans le contexte que nous connaissons, l'effort remarquable de ce budget, qui s'inscrit de surcroît dans la durée.
Je m'interroge cependant sur la mise en oeuvre du plan Campus. Qui pilote ? Qui est maître d'ouvrage ? Qui décide de la programmation ? Est-ce l'État ? Est-ce chaque université, charge à elle de négocier ensuite avec l'État ? Comment éviter le coup par coup, hors toute stratégie ? Comment le plan s'articulera-t-il avec le financement qu'assurent les collectivités ? Comment se combineront à cela, dans certaines zones, les crédits extrabudgétaires du grand emprunt ? J'ajoute que la douzaine d'opérations prévues n'éclusera pas la totalité des cinq milliards. Le reliquat serait bien utile à toutes les autres...
Vous avez souligné l'augmentation de l'investissement par étudiant, de l'ordre de 10 000 euros, en le comparant au coût d'un lycéen. Mais où en sommes-nous du coût d'un étudiant en classe préparatoire ?
Vous avez indiqué que dans le cadre du plan Campus, 44 000 logements étudiants seraient financés par l'État. Beaucoup de régions, via les contrats de plan État-région, ont elles aussi inscrit des crédits pour le logement étudiant : a-t-on connaissance de la part de leur effort dans ce grand chantier ?
Plus généralement, des collectivités, comme l'Aquitaine, dont je suis, se sont très fortement impliquées dans le plan Campus. Se pose donc, ainsi que l'a souligné M. Dauge, la question complexe du pilotage. Les collectivités ne veulent pas être réduites au seul rôle de financeurs...
Vous avez dit votre ambition pour la filière anglophone. Je ne doute pas que le président Legendre y reviendra, mais je puis vous citer une anecdote vécue. L'anglais se trouve quelquefois imposé à des étudiants qui ont choisi l'option sciences du langage, et souhaitaient plutôt un renforcement en techniques d'expression orale et écrite...
Est-ce bien faute de moyens ou par un orgueil de l'université qui rechigne à mettre en place des renforcements ?
On répond qu'il n'y a plus de place en techniques d'expression et qu'ils doivent donc aller en anglais.
En dépit du manque de moyens, ce budget contient quelques signaux. Le programme pour les projets « blancs » monte à 50 % à l'ANR, au lieu des 10 % initialement prévus : c'est une bonne nouvelle pour la liberté de la recherche fondamentale. De même pour la conditionnalité à l'embauche de doctorants des avantages fiscaux attachés au CIR. Nous nous réjouissons de voir le ministère échapper à la règle du non-remplacement d'un départ sur deux à la retraite, dont vous pouvez être fière, madame la ministre.
Fière n'est pas le juste mot. C'est une demande que j'ai su justifier, dans un esprit de responsabilité.
Que ne fait-on de même ailleurs ! La mission et le budget en charge de la culture scientifique se sont éteints. Votre représentant au Forum territorial du 28 septembre dernier, a déclaré, en présence de Mme Haigneré, que tous les moyens seront transférés à Universcience. C'est un peu comme si le ministère de la culture disait à l'Odéon qu'il aura tous les moyens des théâtres de province. Mme Haigneré devra certes financer le Palais de la découverte et la Cité des sciences, mais on ne peut faire l'impasse sur tous les établissements de diffusion de la culture scientifique de province.
À mon tour de vous féliciter de ce budget, en même temps que de votre rôle majeur dans l'abandon du projet initial du ministre de créer une alternative entre aide personnalisée au logement (APL) et demi-part de l'impôt sur le revenu. Il faudra revenir à la charge sur la possibilité d'étendre la garantie du revenu locatif à tous les bénéficiaires du logement étudiant...
Pouvez-vous dresser le bilan du dispositif des primes d'excellence scientifique ? Où en est-on, enfin, du million d'euros promis pour le Grenelle ?
Vous avez donné, en réponse au rapporteur, les précisions que j'attendais sur le plan Réussite licence, et je vous en remercie. La commission sera intéressée par le bilan complet dont vous disposerez à terme. Je vous félicite de votre action, depuis 2007, à la tête de ce ministère : les engagements du Président de la République ont été tenus. Les résultats sont là.
Je m'associe aux remerciements de M. Demuynck : le maintien de l'APL pour les étudiants figurant sur la déclaration de revenus de leurs parents a été bien perçu.
Depuis la loi sur l'autonomie des universités, qui devait y mettre le holà, un quart d'entre elles demandent encore aux étudiants des frais d'inscription illégaux. Je suppose que des instructions ont pourtant été données par les recteurs pour les inviter à respecter la législation.
Vous nous avez aimablement invités à visiter l'exposition « Douze campus », qui atteste que vous misez sur l'émergence de campus d'excellence. Mais ne conviendrait-il pas, parallèlement, sachant les critiques dont fait l'objet le classement de Shanghai, d'agir pour que l'Union européenne dispose enfin, en 2011, de son propre classement ?
En cette après-rentrée, vous devez disposer de données sur la répartition des étudiants entre les formations sélectives et les autres. La demande de plus en plus forte, ces dernières années, pour les premières - classes préparatoires, instituts universitaires de technologie (IUT), médecine... - a-t-elle dépassé les 50 % ? Vous connaissez notre inquiétude de voir les universités reléguées au rang de deuxième choix, pour ne pas dire de choix par défaut. Où en est-on ? Des progrès sensibles ont-ils été enregistrés, dans les classes préparatoires, en matière de diversité sociale ?
Quant à la question de la formation des maîtres, je vous ferai la grâce de ne pas vous la poser... Mais le fait est que la copie est entièrement à refaire.
Si vous ne me posez pas la question, je ne pourrai pas y répondre...
C'est sans doute à M. Chatel qu'il faudrait la poser.
Un dernier mot, enfin, sur le dossier du Grand Paris : La structure de l'établissement public qui aura siège au plateau de Saclay se met en place : 31 postes au conseil d'administration, 31 hommes...
Chaque ministère nomme quelques personnalités. L'équilibre est difficile à trouver...
Vous avez évoqué, madame la ministre, le développement de filières anglophones. Si vous entendez par là qu'il serait temps de développer la connaissance des langues étrangères, nous sommes tous d'accord, et plusieurs des rapports que j'ai rédigés au nom de cette commission pourront vous le confirmer. S'il s'agit d'accueillir des étudiants anglophones dans des filières spécifiques, nous n'y voyons pas d'objection : la loi Toubon le permet. S'il s'agit de faire de l'anglais la langue d'enseignement pour une partie seulement des disciplines, elle le permet aussi. En revanche, constituer une filière dans laquelle l'anglais serait seule langue véhiculaire pour des étudiants français serait parfaitement contraire à la loi de la République.
Je lève d'emblée l'ambiguïté : je visais des filières bilingues, très demandées par les élèves et propres à motiver des étudiants de bon niveau qui souhaitent poursuivre. Je souhaite d'ailleurs voir aussi se développer, dans les projets d'établissement, des filières multilingues (M. le président approuve), qui mettent à profit les atouts des territoires. Je regrette que la faculté de Lille ne dispense pas de cours de néerlandais, que l'université de Perpignan ne propose pas de filière bilingue espagnol, comme je suis effarée de constater qu'il n'existe plus, à Strasbourg, d'étudiants totalement germanophones. C'est là un vrai problème, et un vrai sujet pour des universités autonomes, animées d'un objectif de professionnalisation des étudiants. Certaines universités plus modestes ont en revanche fait des choix audacieux. C'est le cas des langues orientales, à la Rochelle, animée sans doute par sa tradition d'exploration du Nouveau Monde... Je regrette que la France, cinquième puissance mondiale, ne joue pas à plein la carte du plurilinguisme. Il est difficile de trouver des enseignants ? Mais les professeurs de langue sont aussi attachés à l'enseignement de civilisation : je leur dis « banco », qu'ils le fassent en anglais. Nous avons un problème dans l'enseignement, en France, des langues étrangères : on n'apprend pas à les parler. Nous sommes le seul pays où existe cette incongruité que les élèves de terminale passent leur première langue à l'écrit, et le latin à l'oral...
Les opérations réalisées en 2009-2010, monsieur Renar, via des partenariats public-privé réalisés en crédits budgétaires concernent la Sorbonne - pour Clignancourt et Paris IV -, Paris VII et le campus de chimie des Grands moulins, Versailles-Saint-Quentin et le zoo de Vincennes. En 2011, 238 millions seront consacrés à la rénovation de campus - Toulouse-Le Mirail, Le Havre, Créteil-Marne-la-Vallée, Valenciennes, Dijon, autrement dit, pour les quatre derniers, les sites de taille moyenne qui ont reçu le prix spécial du jury pour leurs projets innovants.
À cela s'ajoutent les cinq milliards de dotation en capital au bénéfice des sites retenus par le plan Campus, dont s'inquiètent M. Dauge et Mme Cartron, qui concernent 46 universités, soit plus de la moitié du parc, et 40 écoles. Il est logique que les grandes métropoles soient les plus concernées, dès lors que les plans précédents, mis en oeuvre par M. Jospin puis M. Allègre, ont financé les IUT, le développement des pôles de proximité et les nouvelles universités de banlieue : les universités les plus vétustes sont aujourd'hui celles des grandes métropoles, dont Paris, en particulier pour les campus de sciences humaines et sociales.
En attendant que soient finalisés les partenariats public-privé, fin 2011, nous employons les 270 millions d'intérêts de la dotation pour ouvrir 58 chantiers liés à la vie étudiante - cafétérias, espaces verts, bibliothèques...-, dont les universités seront maîtres d'ouvrage. Ils seront pilotés par les PRES, ou, pour Strasbourg, par l'université.
Il est vrai, madame Cartron, que les collectivités participent au financement, très inégalement cependant - et j'espère que le premier bilan, dont il ressort que Paris et l'Île-de-France ne mettent pas un euro hors contrat de projet, fera évoluer les esprits... L'Aquitaine est en revanche exemplaire, puisque Bordeaux et sa communauté ont choisi de financer à parité : un euro pour un euro. Cela est remarquable. Même chose en Languedoc-Roussillon. Le Nord-Pas-de-Calais, qui n'avait pas été sélectionné dans le premier appel à projet, fait lui aussi un effort... Mais la moyenne des cofinancements ne dépasse pas 40 %. Tel est le cas en Alsace, ou en Rhône-Alpes, où il est vrai qu'il faut soutenir deux sites, à Lyon et à Grenoble. Ceci pour dire que je regrette certains choix, car c'est le territoire qui en pâtit.
Ce n'est pas aux financeurs de piloter : ils sont présents dans les conseils d'administration - où d'ailleurs l'État ne siège pas, ce qui peut poser problème... Reste qu'il y a eu appel à projets, validés par un jury international : nous savons où nous allons. Au moment de la dévolution du patrimoine immobilier, les universités présenteront un schéma directeur d'aménagement, et l'on retombera dans une relation contractuelle classique.
Vous m'interrogez, monsieur Renar, sur le GVT. À terme, tous les établissements seront autonomes et devront gérer l'évolution de la pyramide des âges. Nous sommes pour l'heure en période transitoire, et nous leur laissons donc le temps. Il revenait donc au ministère d'être vigilant, mais nos prévisions sont un peu bousculées par les nouvelles dispositions de la loi sur les retraites, qui permettent de dépasser la limite d'âge à ceux qui manquent de trimestres. Nous allons aider les universités qui ont un GVT en expansion, mais il faudra qu'à terme elles l'intègrent dans leur calcul. Cela serait trop facile de se tourner vers l'État quand on est en difficulté, alors que l'on ne reverse pas quand la situation est meilleure. J'ajoute que l'État ne saurait avoir de relation directe annuelle avec des universités autonomes, au même titre qu'il s'en abstient avec le CNRS... Il faudra peut-être, cela étant, faire émerger avec doigté, dans les rectorats, des interlocuteurs financiers pour les universités en région.
Vous doutez, monsieur Bodin, des vertus du CIR. Oui, la France est au seizième rang mondial pour l'investissement dans la recherche des entreprises au regard de son PIB. C'est bien pourquoi nous avons créé le CIR. On ne peut pas transformer d'un coup les décisions d'investissement à dix ans des entreprises. Notre structure entrepreneuriale n'est pas innovante. Pour la changer, et aller vers un modèle à l'allemande, il faut être très volontaire aussi je vous adjure de maintenir le CIR - les abus, nous les surveillerons.
Pour la retraite des chercheurs, nous avons complètement changé le mode de calcul, répondant par là à la demande des enseignants-chercheurs, en transformant le statut des doctorants, qui passent d'allocataires de bourses à contractuels de la fonction publique. Les « post-doc », y compris à l'étranger, pourront aussi être pris en compte et l'ancienneté sera retenue dès qu'ils décrocheront un emploi statutaire - cela vaut pour l'avenir, pas pour le passé.
Le coût d'un étudiant en classe préparatoire reste depuis 2007, madame Cartron, à 14 000 euros. Les 19 % d'augmentation du coût d'un étudiant classique constituent donc un rattrapage. J'ajoute que nous avons mis 1 500 places aux concours de sortie de khâgne, en intégrant les concours de l'IEP, de HEC, de l'ESSEC... Alors que l'on peut mettre quarante élèves en khâgne, la moyenne n'est aujourd'hui que de dix-sept. Il faut remplir les classes, en offrant des débouchés aux littéraires.
Sur le logement étudiant, une conférence s'ouvrira prochainement avec les collectivités territoriales. Nous voulons renforcer les modules de renforcement en langue française : leur succès est tel qu'ils sont du coup pris d'assaut. Il serait bon d'évoquer la question avec M. Luc Chatel...
Mme Blandin, notre idée est qu'Universcience, qui s'est vu transférer 3,6 millions, soit l'agence de la culture scientifique et gère les crédits du grand emprunt prévus à cette fin. Comme à l'étranger, on pourrait prévoir qu'un pourcentage des crédits dispensés par l'ANR soit consacré à la diffusion culturelle.
Vous demandez, monsieur Demuynck, une extension de la garantie location à tous les bailleurs de logements étudiants. Votre appui a été précieux pour l'APL. Je vous engage à poursuivre...
Le bilan de la prime à l'excellence scientifique est conforme aux attentes : 16 % des laboratoires de l'institut national de la recherche agronomique (INRA) et 10 % de ceux de l'INSERM l'ont demandée, ce qui représente 5 % des chercheurs, soit un taux conforme à la prévision de 20 % sur quatre ans. Parallèlement, nous mettons en place un intéressement collectif des équipes sur les contrats passés, y compris avec l'ANR.
Le milliard du Grenelle est plus que dépensé, dépassé, puisque nous y serons dès 2011. Les organismes ont réorienté leur programmation vers les priorités du Grenelle. L'ANR est concernée pour 212 millions, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) pour 450 millions. La mobilisation est donc exceptionnelle.
Je remercie Mme Mélot de son appréciation. Les frais illégaux, madame Papon, sont quasiment en extinction. On ne déplore plus que des frais de dossiers, certes illégaux, mais qui ne dépassent guère les vingt euros. Nous restons cependant vigilants.
Il y aura une conférence nationale sur le classement des universités de France. Je me suis rendue à Jiao Tong, à la suite des Finlandais, qui ont depuis deux universités classées... Je me suis aperçue que seules 50 % des publications de nos unités de recherche sont prises en compte : nos universités ne sont pas bonnes communicantes... Se pose aussi la question des critères : l'accueil des étudiants compte, il n'est pas vulgaire de s'en soucier... Le classement du Times pose lui aussi problème : la France est loin d'être en réalité douzième. Mais les indicateurs sont mal renseignés : certaines universités négligent de répondre, au prétexte qu'elles manquent de temps.
Des classements existent en Europe. Celui de l'Allemagne classe ainsi quatorze universités françaises. Le classement européen se bâtira sur ce modèle, discipline par discipline, pour une vraie mobilité des chercheurs...
Nous ne disposerons des données sur la répartition des étudiants que mi-novembre, mais je puis vous dire dès à présent, monsieur Bodin, que la préinscription en premier cycle à l'université, hors IUT, constitue un premier choix pour 13 % d'étudiants supplémentaires : c'est là un indicateur qualitatif qui témoigne d'un choix de coeur important, quand le quantitatif est biaisé, puisqu'il comporte des choix par défaut. Sans doute faut-il attribuer ces bons résultats au développement de filières sélectives dans les universités nouvelles, comme les doubles diplômes. En 1990, un million d'étudiants étaient inscrits en filière générale à l'université, et 160 000 en filières sélectives. En 2010, les filières sélectives concernaient un tiers des étudiants, soit une multiplication par trois, contre seulement 20 % d'augmentation en filières générales. Mais il existe aussi à l'université des filières générales sélectives, qui répondent à un incontestable besoin d'encadrement, comme la médecine ou le droit ; les sciences humaines et sociales ne doivent pas avoir peur de s'y engager.
Pour favoriser la diversité, il faut, au-delà des bourses, faire entrer dans les écoles. S'il est légitime que les concours évaluent un niveau académique, certaines épreuves, comme l'addition du thème et de la version en langues vivantes, ressemblent à une double peine : traduire la langue de Shakespeare dans la langue de Baudelaire... Mieux vaudrait évaluer les capacités à se débrouiller dans la langue. L'école Centrale travaille avec une cellule de linguistes à faire évoluer les épreuves, afin de les rendre moins discriminantes. Il convient aussi d'améliorer les épreuves orales, pour mieux tenir compte de l'intensité des parcours des étudiants, ainsi que le font toutes les universités dans le monde. Un étudiant boursier de Clichy n'a pas eu un parcours aussi aisé qu'un élève qui sort de Louis-le-Grand. Il est donc bon d'introduire un critère de « réussite dans l'adversité », quand aujourd'hui, l'oral reste « un écrit debout ».
En matière de formation des maîtres, monsieur Bodin, nous sommes en période transitoire : nous allons améliorer le dispositif. Une maquette intéressante est déjà à l'étude. Nous explorons, avec Luc Chatel, l'idée d'un post-master en alternance, qui pourrait encourager les plus défavorisés à se lancer dans la carrière.
Trente et un administrateurs au conseil d'administration de l'établissement public de Saclay, monsieur Bodin, et trente et un hommes ? Je suis atterrée. D'autant que je suis en train de tenter de débaucher une femme pour la présidence de la fondation de coopération scientifique... La difficulté tient à ce que chaque ministre a à nommer quelques personnes. Même chose pour les élus.
Si je dois justifier mes propres choix, je vous dirai que j'ai reconduit le président du conseil d'administration, qui n'avait pas démérité, et que dès lors qu'aucune femme n'est hélas médaille d'or du CNRS, je n'ai pu nommer que deux hommes. Quant à la présidence de la fondation de coopération scientifique, je viens de vous dire ce qu'il en est.