Lors d'une première séance tenue dans la matinée, la commission examine le rapport pour avis de M. Jean Faure sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2011 : programme 152 « Gendarmerie nationale » (mission Sécurité).
Le programme 152 relatif à la gendarmerie nationale représente, dans le projet de loi de finances pour 2011, environ la moitié (46 %) des crédits de la mission « Sécurité », contre 54 % pour la police nationale.
D'un montant prévu de 7,7 milliards d'euros de crédits de paiement, le programme enregistre, par rapport à la loi de finances initiale pour 2010, une augmentation de 97,4 millions d'euros, soit + 1,28%.
Quant aux autorisations d'engagement, avec un montant prévu de 7,6 milliards d'euros, elles connaissent une légère diminution de - 0,88 %.
Dans un contexte de gel des dépenses publiques, ces évolutions confirment la priorité accordée par le gouvernement à la sécurité.
Toutefois, l'analyse des crédits de la loi de programmation triennale des finances publiques fait apparaître une réduction de 482 millions d'euros en crédits de paiements pour la gendarmerie sur les trois prochaines années, soit une baisse de - 12 %, par rapport aux montants indiqués dans le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (dite LOPPSI 2).
Les dépenses de personnel s'élèvent à 6,5 milliards d'euros pour 2011, en augmentation de 134 millions d'euros par rapport à 2010. Elles représentent environ 84 % des crédits de la gendarmerie.
Après une suppression de 1 246 emplois en 2009, et de 1 300 postes en 2010, la gendarmerie devrait perdre à nouveau 957 postes en 2011, en application de la règle de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, soit une baisse de 3 500 emplois sur trois ans. Sur la période 2011-2013, ce sont 3 000 postes qui devraient être supprimés dans la gendarmerie.
On peut rappeler que, alors que la LOPSI avait fixé à 7 000 emplois les renforts nécessaires à la gendarmerie, la gendarmerie s'était vu doter de 6 050 emplois sur la période 2003-2007.
Au total, le plafond d'emploi, qui était de 101 000 en 2008, devrait passer à 97 000 en 2011.
Même si le ministre de l'intérieur s'est engagé à ne pas remettre en cause la capacité opérationnelle de la gendarmerie et la densité de son « maillage territorial », je suis néanmoins préoccupé par cette forte baisse des effectifs de la gendarmerie.
Comme nous l'a indiqué le directeur général de la gendarmerie nationale, le général Jacques Mignaux, lors de son audition, après avoir supprimé de nombreux postes au sein des écoles, des états-majors et quinze escadrons de gendarmes mobiles, la gendarmerie est aujourd'hui « à l'os ».
On peut toutefois se féliciter de la réduction des tâches indues, comme les transfèrements judiciaires, qui devraient être transférés progressivement à l'administration pénitentiaire, aux termes d'un accord entre le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice.
Ce transfert correspond, en effet, à l'une des recommandations du groupe de travail sur l'avenir de la gendarmerie et il devrait permettre de remettre environ 1 000 gendarmes et policiers sur le terrain.
En dépit de la baisse des effectifs, le poste consacré aux rémunérations et aux charges sociales devrait augmenter en 2011, en raison notamment de mesures catégorielles, à l'image du plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE), de la mise en oeuvre de la nouvelle grille indiciaire des militaires ou encore de la transposition aux sous-officiers de gendarmerie de la revalorisation de la grille indiciaire de catégorie B du corps d'encadrement et d'application de la police nationale.
Ces mesures catégorielles doivent, en effet, permettre d'aller vers une « parité globale » de traitement et de carrière entre les policiers et les gendarmes, conformément à l'engagement du Président de la République.
Dans un contexte budgétaire contraint, la direction générale de la gendarmerie nationale a fait le choix de « sanctuariser » les dépenses de fonctionnement, à un montant de 968 millions d'euros, afin de préserver la capacité opérationnelle des unités.
Enfin, l'enveloppe budgétaire allouée à la gendarmerie au titre des investissements connaît une forte baisse.
Avec un montant de 161 millions d'euros, les crédits de paiements diminuent de 11 millions d'euros par rapport à 2010, soit une baisse de - 6,5 %.
Les autorisations d'engagement, qui correspondent à des opérations futures, avec un montant prévu de 114 millions d'euros, connaissent une réduction encore plus sensible, de 151 millions d'euros, soit - 57 %.
Cette enveloppe ne permettra pas de lancer de « grands » programmes d'investissement, comme le renouvellement des hélicoptères de type Ecureuil ou des véhicules blindés, dont le taux de disponibilité est préoccupant.
La gendarmerie devrait assurer le maintien en condition opérationnelle de ces matériels, en prélevant des pièces détachées sur les appareils hors d'usage et devrait néanmoins acquérir un hélicoptère par an.
De même, le budget pour 2011 ne permettra pas de lancer de programme d'investissement immobilier, à l'exception du pôle de police judiciaire de Pontoise. C'est à mes yeux une autre source de préoccupation.
Le parc domanial de la gendarmerie nationale, dont plus de 70 % ont plus de vingt cinq ans, a atteint un niveau préoccupant de vétusté.
A l'avenir, faute d'investissement, la maintenance risque de peser de plus en plus lourdement.
Les crédits disponibles, financés au titre de la LOPPSI 2, sont principalement consacrés aux nouvelles technologies, comme la vidéo-protection ou encore les équipements de lecture automatisée des plaques d'immatriculation.
Enfin, je voudrais dire un mot à propos de la sous-dotation des OPEX.
Près de 700 gendarmes français participent actuellement à des opérations extérieures, notamment en Afghanistan, à Haïti, au Kosovo, en Géorgie et en Côte d'Ivoire.
En tant que force de police à statut militaire, capable d'agir dans un large spectre de crise, la gendarmerie nationale est en effet particulièrement adaptée à ce type d'opérations. J'avais d'ailleurs personnellement insisté pour inscrire cette mission spécifique dans la loi relative à la gendarmerie.
Avec notre collègue Jacques Gautier, nous vous avions d'ailleurs présenté le dispositif de la gendarmerie française en Afghanistan, et, avec notre collègue André Vantomme, nous vous avions présenté le dispositif en Géorgie.
Le coût de ces OPEX est intégré dans le budget de la gendarmerie depuis 2004.
A ce titre, la gendarmerie bénéficie depuis 2007 d'un financement de 15 millions d'euros, dont 11 millions d'euros pour les dépenses de personnels et 4 millions d'euros pour le fonctionnement.
Or, si cette dotation permet généralement de couvrir les besoins de fonctionnement, elle est structurellement insuffisante.
Ainsi, chaque année, le surcoût est de l'ordre de 20 à 30 millions d'euros et cette année ce surcoût devrait dépasser 25 millions d'euros.
Pour la seule mission en Afghanistan, le surcoût prévu est de 15 millions d'euros.
Or, faute de financement suffisant, ces crédits sont prélevés sur les autres postes de dépenses, par des redéploiements de crédits, notamment par des économies provenant du non recrutement de gendarmes.
Je considère donc qu'il serait souhaitable à l'avenir de mieux évaluer le coût prévisible de ces OPEX et, en cas de dépassement, de les financer sur un fonds interministériel, à l'image des armées pour ne pas grever le budget de la gendarmerie.
Je compte d'ailleurs interroger le ministre sur ce point lors du débat en séance publique sur le projet de loi de finances.
En conclusion, je vous proposerai d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Gendarmerie nationale ».
La sous-dotation des OPEX est un problème que nous avons bien connu avec les armées mais qui a trouvé une solution avec la mise en place d'un financement par le biais de la réserve interministérielle.
Pourquoi la gendarmerie ne bénéficierait-elle pas, elle aussi, de ce système ?
Depuis l'intégration de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, la couverture surcoût des OPEX n'est plus assurée par décret d'avance. En 2008 et 2009, ils ont été comblés par le dégel d'une partie de la mise en réserve des crédits de la gendarmerie. Cette année, la gestion fait apparaître une dépense de près 26 millions d'euros sur ce poste et ce surcoût devrait être résorbé par un redéploiement des dépenses de personnel.
Pour 2011, comme en 2010, le programme 152 est doté à hauteur de 15 millions d'euros pour les dépenses relatives aux OPEX, soit un surcoût de 25 millions d'euros, notamment en raison de l'engagement de la gendarmerie en Afghanistan.
C'est la raison pour laquelle je considère que ce surcoût devrait être pris en charge par la réserve interministérielle, à l'image des armées.
J'ai eu l'occasion de rappeler, lors de l'audition du général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale, devant notre commission, notre attachement à la gendarmerie nationale et aux hommes et femmes qui composent cette institution.
Dans un contexte d'augmentation de la délinquance, on ne peut qu'être préoccupé par la baisse des effectifs de la gendarmerie et par l'absence de financement suffisant pour le renouvellement de ses équipements et de son parc immobilier. Notre groupe ne votera donc pas les crédits de la mission « Sécurité ».
La commission émet -le groupe UMP et le groupe UC votant pour, le groupe socialiste et le groupe communiste, républicain et citoyen votant contre, le groupe RDSE s'abstenant- un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Sécurité dans le projet de loi de finances pour 2011.
La commission examine ensuite le rapport pour avis de MM. André Dulait et Jean-Louis Carrère sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2011 : mission Défense (programme 178 « Préparation et emploi des forces »).
Comme vous le savez, le programme « Préparation et emploi des forces » regroupe la majeure partie des dépenses de personnel et de fonctionnement des armées. Avec 22 milliards, ce programme est le plus important en volume de la mission Défense.
J'exposerai, pour ma part, les dépenses de personnels, laissant à notre collègue, Jean-Louis Carrère, le soin de traiter des dépenses de fonctionnement et de maintien en condition opérationnelle.
Le programme 178 rassemble 88 % des effectifs du ministère de la défense, soit 265 000 Equivalents temps plein travaillés (ETPT). Il s'agit, à 83 % de militaires et à 17 % de civils. Ce programme concentre donc toutes les problématiques de la gestion des ressources humaines des armées. Il constitue aujourd'hui le coeur de ce que l'on appelle « la grande manoeuvre des ressources humaines » en cours.
Aussi, je voudrais, tout d'abord, évoquer la poursuite de cette réforme de notre outil de défense en matière de ressources humaines. J'aborderai ensuite les crédits du titre 2 du programme 178 pour 2011.
Le projet de budget pour 2011 s'inscrit dans le cadre fixé par la LPM. Je ne vais pas revenir sur la LPM, mais je rappellerai juste qu'avec une suppression programmée de 54 000 postes, la diminution du format d'ici 2014 est sans précédent : il s'agit là d'une réduction de plus de 20 % de nos effectifs. Mais plus encore que la déflation des effectifs, c'est la réorganisation des méthodes avec :
- la mutualisation et la rationalisation du soutien commun et le transfert de plus de 25 000 personnes des armées vers la sphère interarmées ;
- les restructurations territoriales, avec 27 fermetures en 2009 et plus de 100 unités restructurées en 2010 et 123 opérations de restructuration à réaliser en 2011 ;
- la poursuite du mouvement de création des bases de défenses : En 2011, la France devrait disposer de 60 bases de défense opérationnelle, 51 en métropole et 9 en outre-mer ou à l'étranger.
- et enfin la poursuite des expérimentations d'externalisation.
Toutes ces réformes menées de front constituent autant de défis pour les armées qui sont en train de procéder à une transformation inédite par son ampleur. Nos armées entreprennent un processus de transformation considérable.
D'un point de vue budgétaire, les économies directement liées à la réduction des effectifs sont sur le triennum, de l'ordre de 213 millions pour 2011, 225 en 2012 et 228 en 2013 : soit 666 millions sur la période 2011-2013. Ces économies devaient être entièrement réinvesties dans l'outil de défense, d'abord sur la condition militaire, ensuite sur les équipements.
La marge nette des économies générées par la réforme pour financer des équipements est pour l'instant limitée en raison des dépenses liées à :
- l'accompagnement social des restructurations ;
- aux mesures catégorielles de revalorisation de la condition militaire ;
- des dépenses imprévues, que j'évoquerai dans un instant.
Sur l'ensemble de la mission, ces gains nets, c'est-à-dire une fois prélevées toutes ces dépenses, ont été de seulement 10 millions en 2010, pour une masse salariale de 9 milliards. Ils seront de 125 millions l'année prochaine.
Les gains sont donc en grande partie absorbés par les mesures de revalorisation de la condition militaire.
Sur le plan des effectifs : il est prévu que la déflation porte à 75 % sur les soutiens. Elle devra respecter une proportion de 25/75 % entre civils et militaires.
Les opportunités que présente cette réforme, tout à fait nécessaire, sont réelles. Une organisation rationalisée et mutualisée devrait être mise au service de notre outil opérationnel. C'est l'enjeu de la réforme : les économies de personnels doivent provenir des réorganisations et des mutualisations. Si l'on diminue les effectifs sans réformer l'organisation en profondeur, c'est l'outil militaire dans sa globalité qui est mis en péril.
La difficulté, c'est que les deux opérations sont menées de front : des objectifs de baisse d'effectifs ont été définis ; il faut qu'ils soient en phase avec le calendrier des restructurations.
Sur la période 2011-2013, le ministère prévoit en moyenne une baisse de 8 000 emplois nets par an, par régulation des flux, reclassement dans la fonction publique ou attribution de pécule.
En 2010, la déflation s'est poursuivie au même rythme que 2009, mais compte tenu de l'avance prise, la réduction est de l'ordre de quelque 3 400 postes supplémentaires par rapport aux réductions prévues.
En ces temps de baisse d'effectifs, recrutement et fidélisation restent plus que jamais les priorités. Si la déflation d'effectifs se fait en resserrant trop les recrutements, cela se traduira par :
- le vieillissement des armées,
- un déséquilibre de la pyramide des grades,
- un embouteillage des carrières,
- et vraisemblablement un gonflement des soutiens.
Ces évolutions, à l'opposé de ce que nous recherchons, se traduiraient par une désorganisation des structures opérationnelles.
Pour l'instant le seul volet de la manoeuvre qui ne fonctionne pas c'est le volet reclassement des militaires vers la fonction publique, mais il fallait s'y attendre : Seulement la moitié de l'objectif a été atteint : toutes les administrations réduisent leurs effectifs et n'accueillent donc pas nos militaires à bras ouvert.
J'en viens aux crédits du titre 2 du programme 178 pour 2011. Je ne vais pas vous assommer de chiffres, mais il en faut pour comprendre l'évolution des grandes masses. Je vous renvoie à mon rapport écrit pour ce qui est de l'évolution en détail de chaque ligne budgétaire.
Le projet de loi de finances pour 2011 traduit la reconnaissance de la sous-dotation du titre 2 de la mission Défense que nous avions soulignée l'année dernière.
Pour le programme 178, les principales mesures seront :
- un abondement à hauteur de 113 millions dit de « resoclage » pour compenser les dépenses non programmées en LPM ;
- un GVT (glissement vieillesse-technicité) solde négatif de 57 millions ;
- des mesures d'économies : notamment pas de revalorisation du bordereau de salaire ouvrier, une accélération de la déflation OME et étranger ;
- le financement de mesures catégorielles pour 72 millions d'euros.
L'une des difficultés de la « manoeuvre » tient dans la concordance entre le cadrage financier retenu pour l'évolution de la masse salariale et les objectifs en matière d'effectifs.
Par rapport à la LPM, plusieurs évolutions ont conduit à une augmentation de la masse salariale alors même que les effectifs diminuent :
- l'intégration dans l'OTAN. La participation pleine et entière à l'OTAN se monte pour 2010 à près de 26 millions d'euros au Titre 2. A terme, les surcoûts OTAN seront de près de 56 millions d'euros par an qui n'avaient pas été anticipés au niveau de la LPM ;
- le doublement des effectifs à Abou Dhabi. La montée en puissance des effectifs de 254 en 2009 à 560 en 2011 s'accompagnera d'une dépense de la masse salariale croissante, passant de 6,7 millions d'euros en 2009 à 19,4 millions d'euros en 2011.
D'autres dépenses ont été subies : le désamiantage -95 millions d'euros- ou encore l'augmentation du coût de l'indemnisation chômage des militaires, plus de 100 millions d'euros depuis 2009.
Le montant de l'indemnisation chômage, qui atteint des records, montre l'impérieuse nécessité de réussir la reconversion des militaires. Nous aurons d'ailleurs prochainement à nous pencher sur un projet de loi relatif à ce sujet.
L'autre difficulté est de parvenir à faire coïncider - dans le temps et selon les types d'emplois - les départs naturels et les besoins en réduction de postes.
De ce point de vue, deux points me préoccupent.
Le premier concerne la fidélisation des militaires du rang. L'âge moyen de départ des militaires du rang de l'armée de terre ne cesse de baisser. Il est aujourd'hui en dessous de 7 ans, c'est-à-dire en dessous de la période minimale qui permettrait de rentabiliser l'effort de recrutement et de formation. Plus que jamais la fidélisation devient un enjeu de la qualité de notre outil de défense. Sans doute les restructurations en cours ont un impact. Il faut bien voir que sur 125 000 terriens en 2010, 95 000 ont été concernés par des mesures de mobilité. Comme l'a dit le CEMAT « ce n'est plus de la mobilité, c'est de la bougeotte ». Mais il y a aussi des causes plus structurelles.
Le second concerne l'impact de la réforme des retraites. La réforme se traduira globalement par un décalage de 2 ans des limites d'âge, une augmentation du taux de cotisation, et un décalage du minimum garanti à 15 ans de service, à 19,5 ans.
Ce dernier point est un sujet de préoccupation pour les armées car cela risque de dissuader les contractuels, qui font des carrières courtes, de renouveler leur contrat après dix ans puisqu'ils devront désormais faire 19,5 ans au lieu de 15 ans pour obtenir une pension mensuelle entre 500 et 600 euros.
L'autre point qui préoccupe les armées est l'incidence de la réforme des retraites sur la déflation des effectifs. Naturellement, le prolongement des carrières va à l'encontre de la réduction du format qui repose en partie sur les départs naturels. Par rapport au schéma initial, la réforme des retraites impose sans doute le renforcement et la pérennisation de la politique d'aide au départ.
Ces tensions ne se cumulent pas avec les difficultés attendues sur les OPEX. En effet, avec 630 millions d'euros pour 2011 contre 570 pour 2010, la dotation allouée aux surcoûts des opérations extérieures progresse. Nous n'en sommes pas à une budgétisation intégrale, mais nous nous en approchons. Je rappelle que pour 2010, les besoins s'élèvent à 867 millions d'euros. Mais, et c'est là la différence avec les années antérieures à 2009, conformément à la loi de programmation militaire, le financement résiduel des OPEX ne reposera pas sur les crédits d'équipement de la Défense, mais sur la réserve de précaution interministérielle.
Les OPEX appartiennent désormais au fonctionnement ordinaire de nos armées. Elles ne sont plus ni imprévisibles, ni ponctuelles. Elles doivent donc être prévues en construction budgétaire dès la loi de finances initiale.
Un dernier mot, mais je ne voudrais pas être trop long, pour évoquer le budget des réserves militaires qui reste très en deçà des montants qui permettraient aux armées d'atteindre les objectifs qu'elles se sont fixés en matière de recrutement.
Dans un contexte de réduction des formats des armées qui est aujourd'hui calculé au plus juste, les réserves jouent un rôle d'appoint de plus en plus important pour absorber les pics d'activité. Nous aurons d'ailleurs l'occasion d'en parler en décembre avec le rapport de nos collègues Garriaud-Maylam et Boutant sur l'utilisation des réserves en cas de crise majeure.
Sous le bénéfice de ces observations, je recommande l'adoption des crédits de la mission Défense.
Je vous remercie.
Cet aspect de la politique de défense a déjà été longuement débattu notamment lors de l'adoption de la LPM. Le groupe Socialiste ne partage pas les orientations prises dans ce domaine. Cette réforme était sans doute nécessaire, mais elle est menée avec trop de rapidité. Par ailleurs, il n'est pas normal que les OPEX ne soient pas intégralement budgétisées. Le budget exige de la sincérité, de la clarté et de la transparence.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi la masse salariale augmente alors même que les effectifs diminuent ?
L'évolution de la masse salariale dans ce contexte de déflation des effectifs est liée d'une part aux mesures de revalorisation de la condition militaire et d'autre part à un glissement vieillesse-technicité (GVT) négatif. L'évolution des crédits OPEX inscrits dans le budget est très satisfaisante. Dans la mesure où on ne connaît pas à l'avance le montant exact des départs en début d'année, il est normal qu'une marge de manoeuvre soit prévue. Elle sera prise en compte in fine par la réserve interministérielle.
Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi les gains nets issus de la réduction des effectifs sont si limités ?
Les marges de manoeuvre budgétaires issues de la déflation des effectifs sont absorbées par les mesures de revalorisation de la condition militaire, les mesures d'accompagnement sociales des restructurations et l'augmentation de différentes catégories de dépenses dont les dépenses liées à l'indemnisation chômage des militaires. Tout cela aboutit à un gain faible de 10 millions d'euros.
Pouvez-vous nous indiquer les mesures prises par les armées pour fidéliser les militaires du rang. La diminution de la durée des contrats dans l'armée de terre à moins de sept ans est en effet préoccupante. L'effort de recrutement et de formation de ce personnel doit être rentabilisé sur des périodes plus longues.
Le nombre des départs subis par les armées avant sept ans et même plus tôt dans la carrière est en effet très préoccupant. C'est pourquoi les armées ont pris des mesures pour d'une part améliorer le recrutement et d'autre part favoriser le renouvellement des contrats et la fidélisation des militaires dans les dix premières années.
Si dans la période de crise économique actuelle, la persistance d'un chômage élevé favorise le recrutement des armées, il faut garder à l'esprit qu'en cas de reprise de la croissance, les armées devront offrir des salaires suffisamment attractifs pour faire face à la concurrence du secteur privé.
J'ai constaté que les crédits destinés aux OPEX de la gendarmerie étaient inscrits au budget de la gendarmerie. Ne conviendrait-il pas de les inscrire sur le programme 178 sur la ligne consacrée aux OPEX ?
C'est un point qui a été effectivement évoqué lors de la présentation du budget de la gendarmerie et la question sera posée au ministre de l'intérieur.
Les réserves constituent une force d'appoint nécessaire au bon fonctionnement des armées. Elle fournit un renfort aux forces d'active avec des volontaires disposant d'un haut niveau de qualification. On a vu lors de la gestion des conséquences de la tempête Xynthia que les réserves pouvaient apporter un concours important aux forces d'active et de secours ; or on constate depuis plusieurs années une diminution du budget des réserves. Cette diminution préoccupe les associations de réservistes que nous avons rencontrées dans le cadre de la mission sur l'utilisation des réserves en cas de crise. Cette diminution entraîne une diminution du nombre d'activités par an et donc de la formation et de l'entraînement des réservistes, ce qui est inquiétant à plus d'un titre.
Je partage cette préoccupation et m'associe pleinement aux propos de mon collègue Michel Boutant.
Après la situation des personnels, que vient d'exposer notre collègue André Dulait, je vais vous présenter les crédits de fonctionnement du titre 3 du programme 178, programme placé sous la responsabilité de l'amiral Guillaud, chef d'état-major des armées (CEMA).
Je ferai le point sur les bases de défense, qui assurent le soutien des unités qui leur sont rattachées, puis évoquerai le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels et l'entraînement des personnels.
Le projet de loi de finances pour 2011 attribue à ce titre 3 5,804 milliards d'euros de crédits de paiement (CP), contre 5,493 milliards en 2010, soit une hausse de 5,7 %, avec + 310,6 millions d'euros, inégalement répartis entre les quatre actions qui composent le titre 3.
L'action n° 1 « Emploi des forces » augmente ainsi de 22 %, permettant l'amélioration de l'insertion de la France dans des dispositifs militaires multinationaux, comme la force de réaction rapide de l'Union européenne et la capacité de réaction rapide de l'OTAN « Nato Response Force » (NRF).
L'action n° 2 « Préparation et emploi des forces terrestres » recule de 13,1 %, traduisant notamment la contraction des jours d'entraînement de l'armée de terre, dont le général Irastorza, chef d'état-major de l'armée de terre, a analysé les éléments lors de sa venue devant notre commission.
L'action n° 3 « Préparation des forces navales » diminue de 9,8 % et l'action n° 4 « Préparation des forces aériennes » diminue de 5,7 %; essentiellement par transfert de crédits consacrés au soutien vers les bases de défense.
Vous trouverez les éléments détaillés de chacune de ces actions dans mon rapport écrit. Je m'en tiendrai ici à l'exposé des principales problématiques du titre 3.
Le nombre total de 60 bases de défense (BdD) a été retenu, au terme d'une période d'expérimentation commencée en janvier 2009, avec d'abord 11 bases expérimentales en 2009, puis, en 2010, 18 bases « pilotes », dont celle de Nancy où s'est rendue une délégation de la commission, le 8 avril dernier. 51 BdD seront déployées en métropole, 5 outre-mer et 4 à l'étranger, à Djibouti, aux Emirats Arabes Unis, au Gabon et au Sénégal.
Ces bases constituent « le principal levier de la mutualisation de l'administration générale et du soutien commun », selon les termes du ministère de la défense. Leur déploiement suppose une harmonisation des procédures, aujourd'hui différentes selon les armées, en matière de systèmes d'information, et de gestion du personnel et des soldes. Si je me réfère aux réponses qui m'ont été faites sur ces points, cette harmonisation, simple dans son principe, mais dont les détails sont difficiles à mettre en oeuvre, n'aboutira pas avant 2012 ou 2013, dans le meilleur des cas.
Je crains, et certains chefs d'état-major ne cachent pas leurs réserves sur ce point, que ce processus de mise en place des BdD n'ait été trop hâtif. Je comprends, cependant, qu'il convenait de réduire le plus possible la période de transition entre l'ancien et le nouveau système.
Nous jugerons aux résultats, et observerons si cette mutualisation des procédures, qui suppose celle des soutiens, aboutira bien à l'objectif poursuivi, qui est la réduction du nombre des personnels qui leur sont dévolus, et, in fine, à des économies budgétaires.
Des rapprochements entre armées ont déjà été réalisés en matière d'habillement, fonction qui pourrait être externalisée au terme d'un bilan économique et social qui s'achèvera fin 2011.
L'harmonisation des différents régimes indemnitaires en matière de crédits d'alimentation est également en cours, et la modernisation de l'économat des armées a également été entreprise.
Les commissariats d'armées ont été réunis en un organe unique, dont une partie des activités sera transférée aux Bases de défense.
J'en viens aux difficultés financières et d'organisation suscitées par le maintien en condition opérationnelle (MCO) de matériels de plus en plus vecteurs de technologies.
Ce MCO relève budgétairement du titre 3 du programme 178, mais implique également les rémunérations versées aux différents personnels intervenant dans la maintenance, rémunérations qu'il est malaisé d'évaluer financièrement avec précision : c'est pourquoi le suivi financier s'opère par la notion d'entretien programmé des matériels (EPM), qui ne recouvre que des coûts de fonctionnement. Un matériel en bonne condition opérationnelle constitue un élément déterminant de la capacité d'action des armées.
La maintenance et son coût ne sont devenus des sujets de préoccupation majeure qu'à partir des années 1990, du fait de la complexité croissante des matériels utilisés. Le redressement des montants financiers dévolus à cette fin constituait une des priorités de la LPM 2003-2008, tandis que les armées s'organisaient, dans le même temps, pour mieux structurer leurs services de maintenance. Ainsi furent successivement créés le service de soutien de la flotte (SSF) en 2000, la SIMMAD (structure intégrée de maintien en condition opérationnelle du matériel aéronautique de défense) en 2002, le SIAé (service industriel d'aéronautique) en 2007, et la SIMMT (structure interarmées du MCO des matériels terrestres) le sera en 2011.
Mais, malgré ces réorganisations, les coûts ne cessent de croître. Ainsi, le MCO de l'armée de terre est passé de 1,183 milliard d'euros en 2005 à 1,437 en 2008, celui de l'armée de l'air, de 1,688 milliard à 1,72 milliard aux mêmes dates, et celui de la marine de 941 millions à 1,027 milliard.
L'actuelle loi de programmation militaire prévoit que les coûts des matières premières et des prestations industrielles continueront d'augmenter, mais que le volume des personnels civils ou militaires, relevant du ministère de la défense et affectés à la maintenance, décroîtra, ce qui conduira à une stabilité des coûts globaux. Il est, en effet, prévu qu'une part importante des activités de maintenance sera transférée à des structures de type industriel, qu'elles soient privées ou étatiques. Un calendrier prévisionnel de leurs travaux leur permettra de mieux les organiser, et d'en réduire, de ce fait, les coûts.
Lors de son audition par la commission, le 14 octobre dernier, l'amiral Guillaud n'a pas caché ses préoccupations dans ce domaine et a estimé que la création de ces structures constituait certes un levier positif, mais qui ne produira des effets de modération des coûts de MCO que dans la durée. Cette modération est surtout attendue d'une globalisation, dans les contrats passés avec les industriels, des commandes d'équipements et des opérations de maintenance, requérant ainsi une plus forte implication des industriels, dès la conception des équipements, dans l'organisation de leur future maintenance.
Un cas concret récent illustre ce propos : deux contrats ont été conclus, en juillet 2010, entre l'Etat et la Snecma, pour la maintenance du moteur du Rafale, le M88, l'un portant sur un coût forfaitaire d'entretien par heure de vol, pour une durée de 10 ans, l'autre sur le coût des pièces de rechange. Cet engagement dans la durée donne à l'industriel une visibilité sur son plan de charge, et lui permet donc de s'engager sur ces coûts forfaitaires, plus réduits.
Je dois également évoquer le sujet controversé de l'externalisation de certaines activités. Il est logique qu'avec la professionnalisation, les armées se soient consacrées prioritairement à leur « coeur de métier », concluant des marchés de service pour le gardiennage de bâtiments non militaires, l'entretien des véhicules de la gamme commerciale, l'entretien des locaux et des espaces verts.
Cependant, comme tous les contrats impliquant de la main-d'oeuvre, ils sont coûteux, même s'il est rationnel que ces fonctions ne soient plus assumées par des militaires.
Un partenariat public-privé a également été conclu en 2008 entre le ministère de la défense et une société privée pour la fourniture d'heures de vol à l'école de pilotage de l'armée de l'air à Cognac, et semble donner des résultats positifs pour les finances publiques, même s'il est un peu tôt pour établir un bilan.
Je terminerai avec l'entraînement des forces. Les temps d'entraînement réalisés, armée par armée, ont été stables en 2009 par rapport à 2008, mais devraient se réduire légèrement dans les années à venir. Aussi, pour l'armée de terre, l'objectif de 120 jours/homme par an sera ainsi ramené à l05 d'ici 2013, à l'exception des pilotes d'hélicoptère dont l'entraînement devrait être identique, à 180 heures.
Le chef d'état-major de l'armée de terre (CEMAT) a estimé que cette réduction n'affecterait pas la capacité opérationnelle de son armée, notamment du fait de sa participation accrue à des OPEX (opérations extérieures).
Pour la marine, l'activité des unités de surface a été de 87 jours en 2009, contre 94 prévues, et se monterait à 100 jours en 2010. Les heures de vol de l'aéronavale ont été de 170, contre 200 prévues, et de 180 en 2009.
Enfin, l'armée de l'air a accompli, en 2009, 177 heures pour les pilotes de chasse, 304 pour le transport et 151 pour les hélicoptères. Les objectifs pour 2010 étaient respectivement de 180, 400 et 200 heures. C'est incontestablement pour les pilotes de transport que la situation continue d'être la plus critique.
Si ces chiffres bruts dépeignent une réalité facile à comprendre, leur pertinence est difficile à juger pour un non-spécialiste, d'autant que les comparaisons avec les principales armées occidentales se heurtent à des modalités de recension différentes des nôtres.
En résumé, je récapitulerai ainsi les grands enjeux du titre 3 : le regroupement des soutiens au sein des BdD produira-t-il les économies espérées en termes de personnels ?
Le ministère de la défense parviendra-t-il à mieux impliquer les industriels français dans la « bataille » des coûts du MCO ?
Les réductions budgétaires permettront-elles de garantir à nos troupes un niveau d'entrainement suffisant, compatible avec nos engagements sur différents théâtres extérieurs.
Au vu de l'ensemble de ces observations, je m'en remets à la sagesse de la commission sur l'avis à donner sur les crédits du titre 3 du programme 178 pour 2011.
J'ai deux questions : d'une part, pourquoi existe-t-il deux organismes distincts, la SIMMAD et le SIAé, pour la maintenance des matériels aéronautiques ?
Vous avez, d'autre part, évoqué la forte réduction des heures d'entraînement des pilotes de transport : n'est-elle pas due à l'actuelle pénurie affectant la flotte d'avions de transport militaire, dans l'attente de l'arrivée de l'A-400M ?
En effet, le vieillissement de la flotte d'avions de transport altère les capacités d'entraînement.
S'agissant de la maintenance aéronautique, le SIAé a une mission plus industrielle que la SIMMAD, qui est chargée d'organiser la cohérence de cette maintenance au sein des armées.
Puis la commission examine le rapport pour avis de MM. Daniel Reiner et Xavier Pintat sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2011 : mission Défense (programme 146 «Équipement des forces»).
Monsieur le président, mes chers collègues, je souhaiterais, comme l'an dernier, ranger mes observations dans deux séries de considérations ; la première aura trait aux caractéristiques financières du projet de loi de finances, la seconde concernera plus spécifiquement les données physiques, c'est-à-dire les programmes d'équipement.
Concernant les données financières, ma première observation est que la programmation budgétaire ne sera pas intégralement respectée.
Le projet de loi de finances pour 2011 est le premier de la programmation triennale 2011-2013. Cette programmation fait apparaître que les ressources de la mission « défense » seront en retrait par rapport à celles fixées par la loi de programmation militaire.
Les crédits budgétaires devraient être inférieurs de 3,63 milliards d'euros aux prévisions de la LPM.
En contrepartie, le Gouvernement estime que les ressources exceptionnelles liées à la vente de l'immobilier de défense et à la mise aux enchères de fréquences satellitaires seront supérieures de 2,37 milliards aux prévisions.
Au total, il devrait manquer 1,25 milliard d'euros sur trois ans pour atteindre les objectifs de dépense de la LPM.
Pour mémoire, la réduction des ressources budgétaires affectera essentiellement les années 2012 et 2013.
Les crédits de la mission défense s'élèveront à 31,19 milliards d'euros en 2011, soit quasiment ce qui était prévu par la LPM (31,23 milliards) ; en revanche, ils ne seront que de 31,69 milliards en 2012 (- 380 millions d'euros/LPM) et de 32,09 milliards en 2013 (- 0,83), en supposant toutefois que les prévisions sur les recettes exceptionnelles s'avèreront exactes.
Les prévisions portant sur les seules ressources budgétaires font apparaître un manque de 500 millions d'euros pour 2011, de 1,34 milliard en 2012 et de 1,79 milliard en 2013.
Au sein des crédits de la mission défense, les crédits de paiement affectés au programme 146 pour l'équipement des forces diminueront de 5,78 % en 2011
Les crédits de paiement, hors fonds de concours, s'établissent à 10,7 milliards d'euros, en diminution de 5,79 % par rapport à 2010 et les autorisations d'engagement s'établissent à 13,243 milliards d'euros en augmentation de 13 %, le tout dans le cadre d'une « mission défense » elle-même en légère augmentation d'une année sur l'autre de 0,78 %.
Au sein du Programme 146, la part des équipements conventionnels (DGA comprise) par rapport à la dissuasion et aux programmes liés à la fonction commandement et maîtrise de l'information passe à 69 % pour les CP (66 % dans le PLF 2010) et descend à 57 % (62 % dans le PLF 2010) pour les AE, ce qui représente respectivement 7,45 et 7,57 Mds d'euros.
Cette réduction des crédits d'équipement va se traduire par le report d'un nombre limité de programmes.
Les économies sur les dépenses d'équipement résultent d'un décalage dans le temps de certaines opérations, sans remise en cause de programmes majeurs, la LPM devant, en tout état de cause, être actualisée en 2012. Ces reports de programmes sont complétés par des mesures financières, notamment de cadencement du versement des acomptes aux fournisseurs. Sont ainsi décalés : la rénovation des Mirage 2000D ; le programme d'avions ravitailleurs multirôle MRTT ; la quatrième étape du programme de surveillance de l'espace aérien et de commandement des opérations aériennes SCCOA ; certains programmes d'armement terrestre (futur blindé de reconnaissance, rénovation Leclerc, lance-roquette unitaire) ; le programme de satellite d'écoute Ceres qui devait entrer en service en 2016.
Au total, on peut dire, d'une part, qu'il est vrai que le budget de la défense a été relativement préservé.
L'application de la norme retenue pour l'ensemble du budget de l'Etat, c'est-à-dire la stabilisation des dépenses en valeur, sans ajustement à l'inflation, aurait conduit à une réduction des crédits du ministère de la défense de 4,8 milliards d'euros sur trois ans, par rapport à la LPM, alors que, dérogeant à cette norme, le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit une progression de 3 % en valeur d'ici 2013 au profit de la défense, ce qui limite la réduction des crédits budgétaires par rapport à la LPM à 3,6 milliards d'euros sur trois ans et que cette réduction s'imputera principalement sur les années 2012 et 2013.
D'autre part, et même si on le comprend, ce sont les équipements militaires qui font l'objet de cette déflation. Il eût été en effet difficile d'accroître encore la déflation des effectifs au-delà de ce qui était prévisible. En outre, la casse est pour ainsi dire limitée, puisque le gouvernement n'a pas décidé d'annuler purement et simplement des programmes, mais d'en reporter quelques uns. C'est un moindre mal, mais il pose la question de la cohérence globale de nos forces.
Ce qui m'amène précisément à ma deuxième série de considérations sur la mise en oeuvre des programmes.
Premièrement, je citerai, pour ce qui est des équipements conventionnels, deux sujets qui donnent des résultats.
Le premier est celui du sauvetage du programme d'avion de transport A400M. Après de longs mois de discussions, l'avenant au programme a été signé entre les Etats contractants et EADS. Cet avenant répartit les 5,2 milliards d'euros de surcoûts entre les Etats qui paieront 3,5 milliards d'euros de plus (dont 1,5 milliard d'euros en aides à l'exportation) et EADS qui a déjà dû provisionner 1,8 milliard d'euros dans ses comptes 2009. La commande totale est passée de 180 avions à 170. La cible de 50 avions pour la France reste inchangée. Evidemment, le coût unitaire de chaque avion, développement compris, est fortement réévalué, en dépit d'un contrat qui était initialement conçu pour éviter ce type de surcoût.
Le second est la mise à l'eau de la FREMM Aquitaine, le 4 mai 2010, qui a mis un terme aux tergiversations de ce programme initialement ciblé sur 17 frégates, mais sous-financé et désormais réduit à 11 unités pour la France. La seconde FREMM, destinée au Maroc est en cale sèche et la construction de la troisième, destinée à la Marine nationale, la « Normandie », a commencé depuis octobre 2009.
Enfin, je citerai la remise sur pied du programme successeur au missile Milan. Certes rien n'est encore décidé. Mais le refus du Milan ER pour les besoins des forces françaises déployées en Afghanistan aurait pu conduire à l'éviction du missilier européen MBDA de ce segment. L'achat de missiles américains Javelin, pour parer à toute rupture capacitaire et pour équiper nos forces en opérations extérieures, a permis à l'industriel de relancer une proposition plus en adéquation avec le besoin exprimé.
Au tout premier rang de mes sujets d'inquiétude, je citerai le report du programme de rénovation des Mirage 2000D. C'est un sujet agaçant. Le Livre blanc prévoyait que les forces aériennes reposeraient sur deux piliers : le Rafale et le Mirage 2000D, qui est un excellent avion et qui pourrait, sous réserve de la rénovation de ses systèmes d'armes, être opérationnel jusqu'en 2024. Le report de cette rénovation, si elle était confirmée l'an prochain, pourrait conduire à une obsolescence de ces appareils en 2014 et à réduire, dans des proportions considérables, le format de l'aviation de combat française. On peut comprendre les engagements pris par le Gouvernement vis-à-vis de Dassault, afin de lui assurer une production minimale de onze avions par an. Mais cet engagement contractuel prévoyait des contrats exports qui n'ont pas eu lieu et de ce fait nous aurons onze Rafale de plus, mais pas de Mirage 2000D. Or si le programme de rénovation est reporté trop longtemps, cela ne vaudra plus la peine de le faire et nous aurons donc quatre-vingt avions qui devront déclasser, ce qui diminuera d'autant l'aviation de combat française, par rapport au format du Livre blanc. Ce serait une perte de capacité considérable.
Je citerai également le report du programme MRRT (Multi-Role Transport and Tanker), destiné à pourvoir au remplacement de la flotte de ravitailleurs en vol actuellement composée de Boeing KC-135, qui va contraindre à trouver des solutions palliatives, toute rupture capacitaire étant de ce point de vue inacceptable, notamment pour les forces aériennes stratégiques.
En outre, je mentionnerai l'absence de décision concernant le drone MALE. Je sais bien que la succession du drone Harfang actuellement déployé en Afghanistan devrait se décider dans les semaines qui viennent. Le choix se fera entre l'acquisition de systèmes supplémentaires de ce drone ou bien l'achat de drones américains de type « Reaper ». Par ailleurs, le choix d'un drone plus lourd devrait également être effectué, soit sur la base du projet Talarion d'EADS, soit sur la base du projet britannique MANTIS, élargi, le cas échéant, à un ou plusieurs partenaires français. Quelle que soit la solution retenue in fine, je pense que nous avons collectivement perdu beaucoup de temps. L'industrie française disposait de toutes les technologies utiles pour être présente sur ce segment. Il serait utile de comprendre les causes de cette situation paradoxale afin d'en tirer les enseignements pour le futur.
Enfin, je mentionnerai le report du programme Scorpion, destiné à assurer la plus grande cohérence des matériels utilisés pour les équipements de l'armée de terre. C'est un programme intelligent. Les reports successifs depuis plusieurs années risquent fort d'engendrer des surcoûts.
En conclusion, je souhaiterais vous faire part de trois observations de portée générale qui dépassent les crédits du programme 146, mais y sont néanmoins étroitement liées. Les deux premières portent sur la base industrielle française et européenne de défense et la troisième sur la construction laborieuse de l'Europe de la défense.
La première est l'insuffisante restructuration de l'industrie navale européenne de défense : la décision prise à la fin de l'année 2009 par les dirigeants du groupe allemand ThyssenKrupp Marine Systems (TKMS) de se rapprocher du groupe émirati d'Abou Dhabi MAR sonne le glas d'un possible EADS naval entre la France et l'Allemagne. Avant cela, le différend entre DNCS et son partenaire Navantia sur les sous-marins Scorpène, désormais porté devant les juridictions arbitrales, avait suspendu une coopération franco-espagnole pourtant prometteuse. Ce secteur dispose pourtant d'atouts solides avec des groupes présents sur tous les segments du marché, une modernisation réalisée à marche forcée au cours des dix dernières années et une recherche en développement de tout premier ordre. En une dizaine d'années, la France a su consentir les sacrifices nécessaires pour reconvertir ses arsenaux et forger, à travers DCNS, un remarquable outil capable de rivaliser avec les meilleures sociétés internationales. Ce dont souffre ce secteur, tout le monde en est conscient, c'est le morcellement des acteurs européens sur des marchés nationaux trop étroits. L'Europe navale militaire compte encore cinq acteurs majeurs et vingt chantiers navals alors que les Etats-Unis n'ont que deux groupes principaux et neuf chantiers de taille importante. Ces deux groupes réalisent ensemble plus de trente milliards de dollars de chiffre d'affaires par an alors que les acteurs européens parviennent à peine à dix milliards. En l'absence de programmes structurants et de tout projet d'alliance l'industrie navale de défense européenne a peu de chances de progresser dans les années à venir. Les acteurs s'observent, dans l'attente de savoir qui sera le premier à jeter l'éponge, et les logiques de court terme l'emportent sur une vision de long terme, dont on peine du reste à envisager les contours. Malgré tout, la concentration de l'industrie navale de défense européenne se fera. La question est de savoir combien de temps cela prendra et lequel survivra.
Ma seconde remarque porte sur l'insuffisante restructuration de l'industrie européenne des blindés : tout le monde en convient, le marché des industriels européens des blindés est trop fragmenté. Chaque Etat européen ayant encouragé ses propres industriels, aucun groupe n'a pu émerger à l'échelle européenne. Cette situation a favorisé le rachat par des groupes américains d'industriels européens, comme ce fut le cas en Suisse ou en Espagne. En France, trois producteurs, dont une société détenue entièrement par l'Etat, se partagent un marché étroit et semblent peu enthousiastes à l'idée d'un regroupement. Pourtant, lorsque les programme de véhicule blindé multirôle (VBMR), le successeur du VAB et EBRC (engin blindé de reconnaissance et de combat), le successeur de l'AMX 10-RC auront été choisis, il semble évident qu'un seul industriel restera en lice, surtout si ce dernier programme se faisait en coopération, totale ou partielle, avec les Britanniques. Je sais que la DGA ne dissuade pas les principaux acteurs de se rapprocher, tout au contraire. Je sais également que, sur les trois acteurs français, deux sont privés et que le rapprochement dépend, d'une part, de la bonne volonté des actionnaires et, d'autre part, des équipes de direction. Mais sans doute, dans le respect des prérogatives de chacun, il serait souhaitable qu'une concertation plus poussée soit menée afin qu'un ou des regroupements s'opèrent, sur une base nationale ou transnationale. Si nos amis allemands ne sont pas intéressés il nous faudra regarder ailleurs, en Italie ou en Angleterre.
Ma troisième et dernière observation porte sur les accords de Londres, venant après la réintégration de la France dans l'OTAN et avant la probable participation de la France à la défense anti-missile balistique de l'OTAN, qui marquent une inflexion notable de la stratégie française et le délitement du lien franco-allemand. La question qui se pose est de savoir si cette stratégie va se traduire, à terme, par la fin du projet européen en matière de défense ou, au contraire, par une renaissance. L'Europe monétaire s'est faite autour de l'Allemagne et de la France. L'Europe de la défense ne pourrait-elle pas se construire autour du Royaume-Uni et de la France ? C'est un pari hasardeux, en la réussite duquel j'ai personnellement un peu de mal à croire.
Au bénéfice de ces réserves et de ces observations, je suggère à la commission, en ma qualité de rapporteur, d'adopter les crédits du programme 146 équipement des forces et, à titre personnel, je m'abstiendrai.
Je vous remercie, cher collègue, pour votre rapport. Je tiens toutefois à réagir à votre dernière observation : les liens avec l'Allemagne. Cela pose effectivement un vrai problème. Les Allemands ont sur le nucléaire, en général, et la dissuasion, en particulier, une position totalement opposée à la nôtre. S'agissant de la défense anti-missile balistique par exemple, ils estiment que ce doit être un substitut et non un complément à la dissuasion, et cela, visiblement, ne les gêne pas que cette défense soit entièrement financée et dirigée par les Etats-Unis. Par ailleurs, ils consacrent de moins en moins de crédits budgétaires à leur défense. Quant à leur industrie de défense, elle est de grande qualité, mais leurs dirigeants refusent de s'allier à d'autres Européens. En somme, les Allemands veulent bien être exportateurs, mais ils ne veulent pas dépenser d'argent public pour leur défense. Or si l'Europe veut préserver son autonomie de décision et ne pas être à la remorque des Etats-Unis il faut bien qu'elle accepte de faire des efforts. Or, avec la France, seuls les Britanniques sont prêts à en faire.
Dans ces conditions, nous avons le sentiment qu'au fond nos partenaires ne veulent pas de l'Europe de la défense. C'est pour cela que nous sommes repassés dans un cadre bilatéral avec la Grande-Bretagne. J'espère que les Allemands, les Italiens et les Espagnols demanderont à monter dans le train et que l'on arrivera à créer de facto une coopération renforcée. Mais rien n'est moins sûr. Nous entendons à chaque réunion de l'OTAN des discours innombrables des Baltes et des Luxembourgeois qui nous disent ce qu'il faut faire en matière de défense, mais qui eux-mêmes ne font aucune dépense de défense. Il est logique que les nations qui veulent se défendre se regroupent.
je partage votre avis. Sur le nucléaire, il n'y a rien à espérer de l'Allemagne. En revanche, sur le conventionnel, il y avait des entreprises qui pouvaient coopérer, dans l'industrie navale et dans celle des blindés. C'est vrai que l'effort que consent l'Allemagne à sa défense est faible et vraisemblablement appelé à décroître encore. Néanmoins, il faut en permanence ouvrir les portes et tendre les mains. Il faut que certains pays puissent se raccrocher à l'accord franco-britannique. Sinon, soyons clairs, l'Europe de la défense sera morte. D'autant que les Britanniques ne veulent pas en entendre parler, pas plus qu'ils ne veulent entendre parler de l'Agence européenne de défense. Dans ce contexte, le rôle de la France est de continuer à porter l'Europe de la défense.
Je remercie Daniel Reiner pour la clarté de son exposé et son intervention en faveur de l'Europe de la défense. D'après les informations dont je dispose, tout au long des négociations avec les Britanniques, les Allemands, les Italiens et les Espagnols ont été tenus au courant de nos avancées et ils se sont effectivement interrogés pour savoir s'ils devaient monter dans le train. La porte reste donc ouverte. De la même façon, les Britanniques ont tenu informés leurs cousins américains. Il semblerait du reste que les Américains, dont le centre d'intérêt principal est le Pacifique, en aient assez de financer la défense européenne.
S'agissant de la rénovation des Mirage 2000D, l'amendement de l'Assemblée nationale, qui abonde de dix millions d'euros le programme 146, semble ne pas satisfaire l'état-major et puiser sur les crédits du programme 178. Il faudrait sans doute que les moyens de lancer cette opération soient trouvés en gestion, et non pas prélevés sur d'autres programmes. Notre commission ne devrait-elle pas déposer un amendement de rétablissement des crédits du programme 178 ?
l'amendement de L'Assemblée nationale a été adopté à l'unanimité. Il a le mérite de poser la question de l'amélioration des capacités d'écoute des Mirage 2000D même si la solution proposée ne correspond pas exactement aux voeux des militaires.
Ce rétablissement serait peut être opportun mais je constate que nous avons les mêmes préoccupations que l'Assemblée nationale sur la rénovation du Mirage 2000D et nous pouvons inviter le ministère à trouver les solutions adéquates en gestion.
Je reviens sur les accords de Londres. Faute de grives, on mange des merles ; faute d'Europe de la défense, on fait un accord avec les Anglais. C'est en réalité la fin de l'Europe de la défense et le Sommet de Lisbonne qui va s'ouvrir dans quelques jours en sonnera le glas. Nous socialistes regrettons beaucoup que le débat qui devait avoir lieu ce lundi 15 novembre au Sénat sur la défense anti-missile ait été reporté au 9 décembre. Des décisions très importantes seront prises à Lisbonne, et le Parlement en aura été exclu.
Sur le débat, je me permets de vous rappeler que c'est le groupe socialiste qui en a demandé le report afin de permettre de continuer l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. De toute façon, le ministre de la défense venait juste d'être nommé et, dans ces conditions, un tel débat n'aurait pas eu grand sens. En revanche, il sera important que le ministre de la défense vienne rendre compte, devant le Parlement, de ce qui s'est décidé à Lisbonne.
Je remercie le rapporteur pour la franchise de ses propos. Cela fait plusieurs réunions déjà que nous évoquons la fin de l'Europe de la défense. Quand en prononcerons-nous définitivement l'acte de décès ?
A vrai dire, un acte de décès a été prononcé en 1954, quand nous Français avons refusé de nous engager dans la Communauté européenne de défense, mais il est vrai, qu'à cette date, ce projet avait quelque chose d'onirique. Cette décision a marqué la mise en sommeil de l'Europe de la défense jusque au milieu des années 1990. Depuis une douzaine d'années, l'Europe de la défense est sortie de son sommeil et des outils ont été forgés. Ils sont disponibles, mais personne ne veut s'en emparer. Il ne faut surtout pas prononcer l'acte de décès. Il y aura bien un moment où nécessité fera loi et les outils que nous avons forgés serviront alors. Dans l'instant, on peut constater avec peine que cette idée patine, mais il ne faut pas désespérer. Il ne faut pas renoncer.
Je suis d'accord avec le rapporteur. Il faut avoir la sagesse de ne pas renoncer. Sur la défense anti-missile balistique, je rappellerai que c'est un débat demandé à l'initiative du groupe socialiste, mais que nous y avons renoncé car on nous proposait de tenir le débat à une heure ridicule. Je regrette qu'il n'ait pas eu lieu, car il serait intéressant qu'entre nous on aille au fond des choses, qu'on se dise la vérité et, si possible, qu'on fasse apparaître un socle de consensus sur ce sujet.
Pour une fois, je suis d'accord avec Jean-Louis Carrère. En réalité, derrière l'échec de l'Europe de la défense, il y a le fait que personne ne veut mettre l'argent nécessaire pour assurer une défense indépendante. C'est pour cela que l'accord avec les Anglais est intéressant. Il ne faut pas acter la mort de l'Europe de la défense.
Monsieur le président, mes chers collègues, au sein du programme 146, je suis plus particulièrement chargé des deux actions «dissuasion» et «commandement et maîtrise de l'information».
La dissuasion tout d'abord. Les dotations qui lui sont consacrées en 2011 sur l'ensemble du budget de la défense, tous programmes confondus, sont de l'ordre de 3,3 milliards d'euros pour les autorisations d'engagement, soit une baisse de 13 %, et de 3,4 milliards d'euros pour les crédits de paiement, en baisse quant à eux de 3,5 %. Plus de 80 % des crédits relèvent du programme 146, les études-amont, le MCO et les infrastructures figurant sur d'autres programmes.
Cette diminution des dotations traduit l'état d'avancement normal des programmes et les variations des besoins financiers d'une année sur l'autre. Elle n'appelle pas de commentaires particuliers.
Il faut surtout retenir que l'année 2010 marque une étape très importante pour la modernisation de nos capacités nucléaires, avec l'entrée en service, à quelques mois d'intervalle, de l'ASMP/A dans la composante aéroportée et du M51 sur le 4ème et dernier SNLE-NG, le Terrible, dans la composante océanique. La direction des applications militaires du CEA va, pour sa part, réceptionner le calculateur Tera 100, 20 fois plus puissant que le calculateur actuel, dans le cadre du programme simulation. Enfin, deux opérations importantes ont été lancées l'été dernier : l'adaptation d'un de nos trois SNLE-NG en service -le Vigilant- pour qu'il puisse être équipé du M51 en 2013 et le développement de la version dite « M51.2 » du missile balistique, c'est-à-dire celle qui emportera la future tête nucléaire océanique -TNO- conçue à partir du concept de charge « robuste », et dont la fiabilité et la sûreté pourront être validées sans essais.
Nous franchissons donc un jalon très important dans la concrétisation de nos objectifs, à un moment où la question du nucléaire militaire revient au devant de la scène internationale, avec la conférence d'examen du TNP, le nouveau traité START et le débat sur le nouveau concept stratégique de l'OTAN.
Il me semble que cette séquence internationale conforte plutôt la vision réaliste de la France. La conférence d'examen a abouti à un document consensuel, ce qui n'avait pas été le cas en 2005. Il correspond globalement à notre approche équilibrée entre les trois piliers du traité : la non-prolifération, le désarmement et le développement responsable du nucléaire civil.
Nous voyons aussi, comme l'a toujours souligné la France, qu'il faut s'attacher aux actes et aux réalités, davantage qu'aux discours. On nous a parfois reproché de ne pas nous monter suffisamment enthousiastes sur la vision du président Obama d'un «monde sans armes nucléaires». Nous constatons aujourd'hui, comme nous l'avait très bien expliqué Jean-Pierre Chevènement dans son rapport sur le désarmement :
- que le nouveau traité START prévoit une réduction assez limitée du nombre d'armes déployées par les Etats-Unis et la Russie sur une période de 7 ans, et qu'il ne dit rien sur l'élimination des armes en réserve ou en attente de démantèlement ;
- que la ratification de ce traité par le Sénat américain n'est toujours pas acquise ;
- que plus personne ne semble envisager une ratification, par ce même Sénat, du traité d'interdiction des essais nucléaires, alors qu'il s'agissait d'un engagement fort du président Obama dans son discours de Prague ;
- que la Chine a refusé à New York tout engagement sur un moratoire sur la production de matières fissiles militaires, le Pakistan bloquant, pour sa part, l'ouverture des négociations sur un futur traité à ce sujet à la Conférence du désarmement ;
- qu'aucun progrès n'a été accompli sur les deux crises de prolifération, nord-coréenne et iranienne.
C'est pour cela que nous insistons, avec l'appui des Américains, des Britanniques, d'autres alliés et de M. Rasmussen, pour que le futur concept stratégique de l'OTAN réaffirme que la stratégie de dissuasion devra continuer à jouer un rôle central tant que des armes nucléaires subsisteront. Comme vous le savez, l'Allemagne, appuyée par la Belgique, les Pays-Bas et la Norvège notamment, souhaite, au contraire, un signal dans le sens d'une atténuation du rôle du nucléaire, signal qui ne nous paraît pas en phase avec la réalité de l'environnement international.
Un mot sur l'autre puissance nucléaire d'Europe occidentale.
Dans la Strategic Defence Review publiée le 19 octobre dernier, le Royaume-Uni réaffirme sa doctrine de « dissuasion minimale », très proche de ce que nous appelons la « stricte suffisance ».
En ce qui concerne le format des forces nucléaires britanniques, qui repose sur une composante unique, la composante sous-marine, il faut retenir trois décisions importantes :
- les sous-marins actuels de classe Vanguard seront prolongés ; ce n'est qu'en 2016 que sera décidé si la prochaine génération, dont le premier exemplaire entrera en service en 2028, comptera quatre ou trois SNLE ;
- ces futurs sous-marins seront conçus pour n'emporter que 8 missiles, au lieu de 16 sur les Vanguard ; d'ores et déjà, le nombre de missiles Trident opérationnels sur les Vanguard sera ramené à 8 au maximum ;
- le volume total de l'arsenal nucléaire britannique, qui s'élevait à 225 têtes nucléaires, sera ramené à 180 têtes maximum ; le nombre de têtes nucléaires opérationnelles sera réduit de 160 à 120 et il n'y aura pas plus de 40 têtes nucléaires par SNLE.
Les Britanniques s'orientent donc vers une nouvelle réduction du format de leurs forces nucléaires.
Dans le même temps, vous le savez, la France et le Royaume-Uni ont signé à Londres, le 2 novembre 2010, un important traité relatif à des « installations radiographiques et hydrodynamiques communes ». Dans le préambule du traité, nos deux pays réaffirment leur détermination à maintenir «une capacité nucléaire minimale crédible» et considèrent que leurs forces nucléaires «contribuent à la sécurité de l'Europe dans leur ensemble».
La coopération porte sur l'un des volets du programme simulation, le volet expérimental. On parle souvent du laser mégajoule, dédié à l'étude des phénomènes thermonucléaires ; on connaît moins la machine radiographique Airix, en service depuis 2000 au camp de Moronviliers près de Reims. Elle est, quant à elle, destinée à l'étude des phénomènes non nucléaires du fonctionnement de l'arme, c'est-à-dire le fonctionnement de l'amorce. Cette machine doit être transférée au centre de Valduc, en Côte d'Or. L'installation sera complétée par l'ajout de deux autres machines, ce qui permettra d'avoir une vue plus précise du comportement des matériaux.
C'est sur ce projet que porte la coopération franco-britannique. Baptisée « Epure », cette installation sera commune aux deux pays, mais exploitée séparément. Chaque pays effectuera de manière indépendante ses propres essais et restera détenteur de leurs résultats. La France et le Royaume-Uni vont en revanche partager à parts égales tous les coûts de construction et de fonctionnement à compter de 2015. Nous allons donc pouvoir réduire de moitié l'effort que nous envisagions de consacrer à ce projet. Sur l'ensemble de la durée de vie de l'équipement, l'économie pour la France pourrait atteindre 500 millions d'euros.
Nous aurons l'occasion de revenir sur ce traité qui sera présenté au Parlement. Outre les incidences financières, qui ne seront pas immédiates, sa dimension politique est évidente. Cette coopération, comme celle qui est prévue par la déclaration de Londres sur des équipements et des technologies pour les sous-marins nucléaires, sont les signes d'un haut degré de confiance entre les deux pays et touchent aux aspects les plus stratégiques de notre politique de défense.
J'en reviens aux aspects plus directement budgétaires avec la seconde action qui relève de mon rapport : l'action «commandement et maîtrise de l'information ».
Première remarque : comme les années précédentes, il est prévu de financer une partie des programmes concernés, à hauteur de 750 millions d'euros, par des ressources extrabudgétaires du compte d'affectation spéciale « fréquences hertziennes ».
En 2009 et en 2010, ce compte n'a encaissé aucune recette. Par conséquent, il a fallu trouver des mesures palliatives en consommant les crédits de reports.
Un point positif pour 2011 : le calendrier de vente des fréquences est établi, avec une échéance en mars 2011 pour Rubis et en juillet pour FELIN. Il reste à voir si le résultat des appels d'offres sera à la hauteur des attentes du ministère de la défense et si les sommes pourront effectivement être versées en 2011, étant donné la possibilité de recours.
Autre élément positif, la consultation des industriels vient enfin d'être lancée pour l'externalisation de l'exploitation du satellite de télécommunications Syracuse III. Cette opération est incluse dans les recettes exceptionnelles prévues en 2011, à hauteur de 400 millions d'euros, mais si elle se réalise, il est probable que ce sera plutôt sur 2012.
En résumé, les perspectives de recettes sur le compte «fréquences hertziennes» sont plus tangibles que ces deux dernières années, mais l'aléa n'est pas totalement levé, avec un risque de report de charges, puisque l'on ne pourra plus faire appel à des crédits de report, aujourd'hui presque entièrement consommés.
Au sujet de Syracuse III, je rappelle que les armées conserveraient environ 90 % des capacités du système, l'opérateur pouvant louer à d'autres clients les 10 % restants. Il s'agit d'inciter les armées à être plus sélectives dans l'usage des liaisons hautement protégées qui devraient être réservées aux communications le justifiant véritablement, et de diminuer le coût d'exploitation du système. Toutefois, plus le temps passe, moins l'opération présentera d'intérêt pour l'opérateur et pour les armées, car on se rapprochera de la fin de vie des satellites, prévue en 2016 pour le premier et 2018 pour le second.
Je précise que les télécommunications par satellites sont mentionnées dans la déclaration de Londres du 2 novembre. La France et le Royaume-Uni vont lancer l'an prochain une étude de concept commune pour les futurs satellites qui entreront en service entre 2018 et 2022. Les Britanniques ont déjà externalisé leurs télécommunications satellitaires avec le système Paradigm, exploité par Astrium.
Je souhaiterais maintenant évoquer de manière plus globale les programmes spatiaux.
D'après les indications qui m'ont été données par le délégué général à l'armement, la programmation triennale n'a pas remis en cause l'enveloppe attribuée à l'espace par la LPM. Il s'agissait, vous le savez, d'une des priorités du Livre blanc.
A l'intérieur de cette enveloppe, les crédits destinés aux satellites d'observation Musis ont été majorés, afin de pouvoir lancer le programme sur une base nationale, sans attendre le cofinancement par des partenaires européens. La commande de 2 satellites doit intervenir d'ici la fin de l'année, avec une mise en service prévue en 2016 pour le premier et 2017 pour le second. La continuité devrait ainsi être garantie avec Helios II. Plusieurs pays européens devraient à terme rejoindre ce programme et apporter une contribution financière.
En revanche, le lancement du programme de satellites de renseignement électromagnétique Ceres est décalé. La mise en orbite, initialement envisagée en 2016, pourrait être reportée jusqu'en 2020. L'écoute spatiale présente un double intérêt : détecter les signaux radars adverses en cas d'opération, intercepter les communications. Nous avons déjà effectué, sur ce plan, des réalisations expérimentales, avec des démonstrateurs. C'est le cas des quatre micro-satellites Essaim, dédiés à l'interception des communications, qui ont été lancés fin 2004 mais dont l'exploitation se termine cette année. Fin 2011 ou début 2012 sera lancé le démonstrateur Elisa, dédié à la détection des signaux radar. Le report du programme Ceres va créer un « trou » entre ces démonstrateurs, qui ont fourni du renseignement intéressant, et une capacité opérationnelle pérenne.
Enfin, toujours dans le domaine spatial, la réalisation d'un satellite d'alerte avancée pour la détection des tirs de missiles balistiques, pourrait être légèrement décalée, avec une mise en service en 2020 au lieu de 2019. Ce satellite bénéficiera des enseignements tirés du démonstrateur spatial Spirale, lancé début 2009, et dont l'exploitation donne, semble-t-il, d'excellents résultats. C'est, par ailleurs, en 2011 que doit être lancé un programme de démonstrateur pour un radar de surveillance très longue portée. Le radar lui-même doit être lancé en 2015 pour une mise en service en 2018.
Comme l'a indiqué le président de Rohan, la semaine dernière, il s'agit d'un programme particulièrement stratégique dans le cadre du débat sur la défense anti-missile.
Je terminerai par les drones.
C'est un domaine dans lequel nous avons déploré à la fois l'insuffisance des moyens et le flou des perspectives.
L'insuffisance des moyens est liée aux retards et déboires de nos programmes. Lorsque nous avons voté la LPM 2003-2008, nous attendions l'entrée en service du système intérimaire en 2003 et la livraison de 12 drones Euromale, réalisés en coopération européenne, en 2009. Comme vous le savez, le système intérimaire Harfang n'est entré en service que fin 2008-début 2009, avec 5 ans de retard. Nous avons trois drones en Afghanistan et un quatrième sur la base de Cognac. Le programme Euromale n'a, quant à lui, jamais vu le jour et a été réorienté en Advanced UAV. L'étude de levée de risque effectuée sur ce projet ne semble pas concluante et l'échéance de mise en service serait en tout état de cause tardive.
Sur les perspectives, je me réjouis de la coopération qui s'engage avec les Britanniques sur les drones MALE. Une évaluation va être lancée en commun en 2011. L'objectif est de disposer à l'horizon 2020 d'un système de drones de haute capacité.
Le DGA nous a indiqué que, pour attendre le système futur, nous avons le choix entre la pérennisation du système Harfang et l'achat sur étagère du Predator B américain, le « Reaper ».
D'après les indications dont je dispose, les performances des deux systèmes ne sont pas comparables. Plus puissant, plus rapide, volant à plus haute altitude, le Reaper possède 36 heures d'autonomie contre 24 pour le Harfang. De conception ancienne, les capteurs optiques du Harfang permettent tout au plus de détecter une activité suspecte, mais pas de l'identifier très précisément, comme peuvent le faire ceux du Reaper. Pour des raisons analogues, le calculateur du Harfang n'autorise guère d'évolution, par exemple de couplage entre capteurs optroniques et électromagnétiques, ce qui n'est pas le cas pour le Reaper. Enfin, l'effet de série bénéficie au Reaper, produit à 200 exemplaires, son coût à l'heure de vol étant bien inférieur à celui du Harfang.
On voit donc bien dans quel sens penche la balance et, sur le plan de l'autonomie stratégique, il n'apparaît pas, par exemple, que les Italiens soient en quoi que ce soit limités par le fait d'être équipés en drones américains.
Des éléments complémentaires sur la possibilité de prolonger le Harfang sont en cours d'examen et la question sera soumise au nouveau ministre de la défense. Pour ma part, j'estime que la priorité est de renforcer rapidement l'équipement des forces sans obérer les ressources financières permettant de nous doter d'une capacité pérenne à l'horizon 2020, si possible en coopération franco-britannique.
En conclusion, je porte une appréciation positive sur les actions qui relèvent de mon rapport :
- la dissuasion, avec un déroulement très satisfaisant des programmes et la coopération franco-britannique qui s'engage ;
- les programmes liés à la fonction connaissance et anticipation, notamment les programmes spatiaux qui, en dépit de quelques glissements, sont globalement maintenus dans la nouvelle programmation financière.
Je réitère mes préoccupations sur les recettes exceptionnelles, tout en constatant que les procédures sont désormais bien enclenchées et que l'on devrait disposer d'éléments plus tangibles, notamment sur les ventes de fréquences, d'ici quelques mois.
Sous le bénéfice de ces observations, j'invite la commission à émettre un avis favorable sur les crédits du programme « équipement des forces » comme sur ceux de l'ensemble de la mission «défense».
Je souhaiterais des précisions sur le projet de coopération franco-britannique « Epure ». Vous avez dit que les deux pays coopéreront sur la réalisation de l'installation mais que chacun resterait maître des ces résultats. Est-ce que cela veut dire qu'il n'y aura pas de coopération sur la recherche ? Par ailleurs, est-ce que le Royaume-Uni pourra mettre en commun ses résultats avec des pays tiers, par exemple les Etats-Unis ?
Il faut tout d'abord rappeler que la simulation regroupe plusieurs types d'activités. Il y a la recherche fondamentale, et le traité franco-britannique prévoit un laboratoire de recherche commun à Aldermaston, en Angleterre. Il y a également les équipements expérimentaux, c'est-à-dire le laser mégajoule, pour les expériences sur les phénomènes thermonucléaires, et la machine radiographique Airix pour celles qui concernent l'amorce. Enfin, les résultats des expériences sont exploités par des calculateurs. Français et Britanniques ont réalisé qu'ils menaient des expériences de même type sur le fonctionnement non nucléaire des armes. Les Britanniques ont un programme équivalent à Airix, mais, comme nous-mêmes avec cette dernière, ils sont limités dans leurs capacités du fait que cette machine comporte un seul axe d'observation. Pour simplifier, eux comme nous souhaitent pouvoir passer à l'image en trois dimensions. Finalement, l'installation Epure comportera trois machines, une apportée par chaque pays et une construite en commun. Mais chacun conduira ses essais de manière totalement indépendante et fera l'usage qu'il souhaite de ses résultats.
Il est effectivement très clair que l'indépendance nationale de l'un comme de l'autre pays est parfaitement préservée.
La machine Airix va être transférée de Champagne à Valduc. Y aura-t-il également des transferts d'emplois ?
Il y aura probablement quelques transferts d'emplois, mais les déplacements auront surtout lieu au moment des expériences. Il y aura nécessairement une présence britannique à Valduc.
La commission examine enfin le rapport pour avis de M. Didier Boulaud sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2011 : mission Défense (programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » et programme 212 « soutien de la politique de défense »).
Mon rapport pour avis couvre les deux programmes de la mission « défense » qui ne touchent pas directement aux forces armées : l'environnement et la prospective, placés sous la responsabilité du directeur aux affaires stratégiques au sein du programme 144, et le soutien, géré par le secrétaire général pour l'administration au sein du programme 212. Les deux responsables de programmes, M. Miraillet et M. Piotre, sont venus devant la commission exposer dans le détail leur projet de budget. Je me limiterai donc à quelques observations.
Le programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » regroupe deux actions principales : les crédits de recherche du ministère et les services de renseignement dits « de sécurité », à savoir la DGSE et la DPSD. La Direction du renseignement militaire relevant de la responsabilité du chef d'état-major des armées au sein du programme 178.
Globalement, les crédits du programme 144 sont en augmentation et atteindront 1,8 milliard d'euros en 2011. La progression est très légère pour les crédits de paiement, + 0,7 %, et elle est beaucoup plus significative pour les autorisations d'engagement, en hausse de 5 %.
C'est le renseignement qui soutient cette progression des crédits du programme. Il s'agit d'une des principales priorités du Livre blanc, et depuis 2008, les moyens sont en hausse constante.
La DGSE en est la principale bénéficiaire, avec un budget de 550 millions d'euros, hors fonds spéciaux, soit 14 % de plus en autorisations d'engagement et 6 % de plus en crédits de paiement.
Premièrement, ses effectifs vont à nouveau augmenter en 2011, conformément aux engagements pris par le Livre blanc qui prévoit 15 % de personnels en plus sur six ans. L'année 2011 sera celle au cours de laquelle les recrutements supplémentaires seront les plus nombreux, à savoir 165 personnes. Fin 2011, les deux tiers des recrutements supplémentaires prévus par la LPM auront été effectués et les effectifs auront augmenté de 10 % sur trois ans. Ces recrutements concernent exclusivement des personnels de haut niveau : deux tiers d'ingénieurs spécialisés dans le renseignement technique pour les deux tiers, un tiers sur des analystes et des linguistes pour l'exploitation du renseignement. Le nombre des emplois créés ne donne pas la pleine mesure de l'effort financier réalisé. Il s'agit quasi-exclusivement de personnels de catégorie A. En outre, il y a parmi eux beaucoup de contractuels dont les rémunérations sont très supérieures aux grilles de la fonction publique, car ils sont également très recherchés par les entreprises.
Un deuxième facteur d'augmentation des crédits est la poursuite de l'amélioration de la situation statutaire et indiciaire des fonctionnaires de la DGSE. Cela a été fait ou est en cours pour les catégories B et C. Ce sera ensuite le cas pour les catégories A avec la modernisation des statuts et la création d'un corps d'administrateurs. Il s'agit à la fois d'aligner les perspectives de carrière sur la fonction publique d'Etat et de favoriser la mobilité avec cette dernière. L'aspect le plus visible de cette refonte tient à ce que ce corps sera en partie recruté à la sortie de l'ENA, afin de donner un signe de la volonté de décloisonner et de revaloriser le renseignement.
Troisième facteur d'augmentation, les crédits d'équipement. Il s'agit de renforcer les moyens fixes ou déployables d'écoute des télécommunications, afin de s'adapter à la croissance des flux, ainsi que les capacités de déchiffrement, grâce à un centre de calcul en cours de réalisation à la caserne Mortier. Une partie de ces équipements bénéficieront en 2011 de crédits complémentaires d'une cinquantaine de millions d'euros venant du SGDSN ou du ministère de l'intérieur, car les matériels sont utilisés au profit de l'ensemble de la communauté du renseignement, notamment de la DCRI. Il faut aussi prendre en compte les nouveaux besoins d'infrastructure liés à l'augmentation des effectifs. L'aménagement de locaux existants, voire la construction de locaux supplémentaires, seront nécessaires dans les années à venir tant au siège du boulevard Mortier qu'au fort de Noisy.
En résumé, le projet de budget 2011 de la DGSE traduit l'accentuation des moyens humains et techniques prévue par le Livre blanc. Comme j'avais eu l'occasion de le dire les années précédentes, cet effort qui se chiffre en dizaines de millions - ce qui reste modeste par rapport à l'ensemble du budget de la défense - doit surtout être analysé comme un rattrapage nécessaire. Dans le passé, les moyens de la DGSE n'avaient pas suivi les exigences découlant du nouvel environnement de sécurité et des nouvelles technologies de communication.
J'ajoute que la DGSE bénéficie également de moyens qui ne relèvent pas de son budget, comme les satellites de renseignement. Le programme Musis, qui doit remplacer le satellite Helios II, semble préservé. J'ai en revanche quelques inquiétudes sur le décalage du satellite d'écoute Ceres, même si la DRM semble plus concernée que la DGSE. Une capacité d'écoute spatiale, en particulier des communications, me semble vraiment indispensable pour des zones d'intérêt comme le Sahel.
Toujours sur le renseignement, je voudrais dire un mot sur la DPSD, service moins connu que la DGSE et dont on parle peu. La DPSD est en quelque sorte le service de sécurité interne du ministère de la défense. Elle agit également au profit des entreprises liées à la défense, en matière de contre-ingérence et d'intelligence économique.
A l'exact opposé de la DGSE, la DPSD doit perdre 15 % de ses effectifs en six ans, soit environ 200 emplois. Mais cette diminution ne devrait pas affecter la substance du service, puisqu'elle portera essentiellement sur des personnels affectés à des tâches très administratives de gestion des procédures d'habilitation des personnels. Ces procédures vont être entièrement numérisées. Les gains obtenus vont en partie être redéployés pour renforcer le niveau de qualification, en recrutant davantage d'officiers brevetés et de personnels civils de catégorie A. Ainsi, la DPSD n'avait que 15 emplois civils de catégorie A en 2009. Elle en aura 33 en 2011.
L'objectif poursuivi est double : recruter des experts techniques pour les missions liées à l'expertise et au contrôle sur la sécurité des systèmes d'information du ministère ; disposer, en quantité et en qualité, des analystes chargés d'exploiter le renseignement recueilli et de le valoriser au profit de l'ensemble de la communauté du renseignement.
On peut donc constater un effort pour moderniser la DPSD et pour lui donner les moyens de contribuer davantage à la politique du renseignement.
Le second volet du programme 144 concerne les actions de recherche et de technologie de la DGA.
L'essentiel des dotations est constitué des crédits d'études-amont, qui financent les programmes de recherche contractualisés avec l'industrie. Ils augmentent de 5 % pour les autorisations d'engagement, à 708 millions d'euros, mais diminuent de près de 1 % pour les crédits de paiement, à 646 millions d'euros.
Pour simplifier, on constate depuis trois ans un tassement des crédits de paiement du programme 144 destinés aux études amont, autour de 650 millions d'euros par an. Des financements complémentaires permettent de porter la dotation autour de 700 millions d'euros. En 2009 et 2010, il y avait eu 110 millions d'euros supplémentaires sur deux ans avec le plan de relance. En 2011, on attend 50 millions d'euros provenant des ventes de fréquences hertziennes, si celles-ci se réalisent.
Ces 700 millions d'euros annuels correspondent sensiblement à ce qui a été prévu par la LPM. C'est mieux qu'au cours de la LPM précédente. Mais cela risque de ne pas satisfaire les besoins pour deux raisons.
D'abord, il n'y a pratiquement plus de grand programme d'équipement en cours de développement. Dans le budget 2011, les dépenses de développement, qui font travailler les bureaux d'études, sont en baisse de 270 millions d'euros. Dans une période où la charge de travail liée aux développements va baisser, il faudrait pouvoir augmenter l'autre source d'alimentation des bureaux d'études, à savoir les études amont.
Le deuxième problème vient de ce que le budget d'études amont va de plus en plus être absorbé par la nécessité de maintenir les compétences liées à la dissuasion. Nos SNLE et nos missiles sont en service. Les programmes successeurs ne seront pas lancés avant longtemps, mais il faut d'ores et déjà les préparer par de la recherche technologique. En 2011, la dissuasion représentera 25 % de l'enveloppe études amont. La proportion montera sans doute à 30 % dans les années à venir. Le solde disponible se réduit pour les autres domaines, notamment l'aéronautique ou les missiles conventionnels, sans parler de sujets comme les technologies anti-missiles.
Cette situation rend beaucoup plus difficiles les arbitrages entre les différents domaines de recherche qui risquent de devenir vraiment douloureux dans un proche avenir.
Dans ce contexte, et faute d'augmentation globale de l'enveloppe, deux voies sont privilégiées : la recherche duale et la coopération européenne.
S'agissant de la recherche duale, parmi plusieurs initiatives, je citerai le dispositif Rapid, régime d'appui aux PME pour l'innovation duale, qui a démarré mi-2009 avec un financement de 10 millions d'euros. Devant le succès rencontré, le dispositif Rapid a été doté de 30 millions d'euros en 2010 et ce montant sera au minimum maintenu en 2011. Un dispositif de même type doit être lancé au profit des laboratoires de recherche, en liaison avec l'Agence nationale de la recherche.
Quant à la coopération européenne en matière de recherche, c'est un objectif affiché qui ne se traduit pas beaucoup dans les faits. Aujourd'hui, 17 % de notre budget d'études amont correspond à des projets menés en coopération. Nous étions à 19 % il y a deux ans, donc nous avons reculé. Un certain nombre de projets continuent de voir le jour dans le cadre de l'Agence européenne de défense. Nous avons aussi des coopérations bilatérales et la recherche est un des volets de la déclaration franco-britannique du 2 novembre.
Finalement, le développement de la recherche duale ou de la coopération européenne ne peut compenser qu'à la marge les tensions qui s'exercent sur le budget des études amont.
On doit reconnaître que ce budget est préservé en 2011. Mais cela n'enlève rien au fait qu'à terme, nous allons rencontrer des difficultés pour maintenir toutes les compétences technologiques de nos industriels.
J'en viens au programme 212 « soutien de la politique de défense ». Il regroupe les crédits relatifs à l'administration centrale, à la politique immobilière du ministère de la défense, y compris la plupart des opérations d'infrastructure des armées, à l'accompagnement des restructurations, aux musées et services d'archives et à la communication.
Au titre de l'administration générale, le projet de budget intègre les mesures de réorganisation intervenues au titre de la RGPP. C'est le cas de la création des centres ministériels de gestion au 1er trimestre 2010. Ces 7 centres (Saint-Germain-en-Laye, Metz, Lyon, Toulon, Bordeaux, Rennes et Brest) visent à mutualiser les opérations de gestion administrative du personnel civil. Jusqu'alors, le suivi des effectifs, la gestion administrative et le pourvoi des postes étaient partagés entre la direction des ressources humaines du ministère et les armées.
Le projet de budget pour 2011 prévoit d'autre part une nette augmentation des dotations liées aux restructurations. Les crédits de paiement passent de 360 à 490 millions d'euros. Il s'agit notamment de financer les aides au départ ou à la mobilité des personnels civils, qui doublent pratiquement de 2010 à 2011. La progression des dépenses est surtout due à la mise en oeuvre du nouveau plan de stationnement, qui implique des travaux d'aménagement et d'infrastructure. Les besoins financiers correspondants ont été fortement réévalués sur le début de la LPM en raison de l'accélération du calendrier de création des bases de défense, dont l'achèvement est prévu au 1er janvier 2012, et de besoins complémentaires identifiés à l'occasion des premiers redéploiements. Les autorisations d'engagement à ce titre sont de 524 millions d'euros pour 2011, soit 150 millions d'euros de plus que ce qui avait été prévu initialement en LPM.
Enfin, le programme 212 est surtout celui de la politique immobilière.
Un rapport conjoint de notre commission et de la commission des finances vous a été présenté à ce sujet au mois de mai. François Trucy et moi-même avons tout d'abord constaté que l'objectif particulièrement ambitieux fixé par la LPM - plus de 1,9 milliard d'euros de recettes immobilières sur trois ans, de 2009 à 2011 - avait été fortement contrarié.
Sur 2009 et 2010, ces recettes ont atteint, en comptant large, c'est-à-dire en comptabilisant l'avance sur loyers versée par la SNI et le solde en début d'exercice, environ 500 millions d'euros, au lieu de 1,6 milliard d'euros. Trois raisons à cela : l'échec du projet de vente en bloc de l'immobilier parisien à une société de portage qui en serait devenue propriétaire avant même la libération des locaux ; la difficulté à concrétiser le projet de location de longue durée de l'Hôtel de la Marine ; le dispositif de cession à l'euro symbolique, qui concerne de nombreux sites concernés par les restructurations, mais qui est postérieur à l'élaboration de la LPM et n'a pas été pris en compte dans les chiffrages.
Ce déficit en ressources, supérieur à 1 milliard d'euros sur deux ans, a été en partie compensé par des mesures de trésorerie de grande ampleur. Près de 760 millions d'euros auront pu être mobilisés au profit des dépenses immobilières en autorisant la consommation de crédits de report. Cependant, il semble bien qu'au total, le déficit en ressources sur les programmes immobiliers et d'infrastructure soit compris entre 250 et 300 millions d'euros sur les deux premières années de la loi de programmation.
On peut légitimement s'inquiéter des conséquences de ce déficit sur les opérations d'entretien immobilier, les programmes de mises aux normes environnementales ou le cadre de vie et de travail des personnels. Il va peser sur l'environnement des personnels et accentuer un sentiment de « paupérisation », y compris sur certaines infrastructures opérationnelles comme les pistes aériennes. C'est une inquiétude qui a été clairement exprimée par le chef d'état-major des armées et les chefs d'état-major d'armée.
J'indique simplement que j'avais émis de vives réserves, deux années de suite, en insistant sur la fragilité du montage censé procurer un volume massif de recettes immobilières.
Pour 2011, les prévisions de recettes immobilières sont beaucoup plus raisonnables et accessibles : 158 millions d'euros. Pour 2012, 134 millions d'euros seulement sont anticipés. En 2011 et 2012, la politique immobilière reposera essentiellement sur des crédits budgétaires, ce qui élimine les aléas, même si ces crédits ne sont probablement pas suffisants pour éviter les retards dans les opérations.
Ce n'est qu'en 2013 que sont à nouveau prévues des rentrées importantes, supérieures à 670 millions d'euros, qui incorporent en partie la vente des immeubles du 7ème arrondissement, c'est-à-dire l'îlot Saint-Germain et ses annexes. Je pense pour ma part que les aléas pesant sur la vente de l'immeuble principal du ministère sont loin d'être levés. Cette emprise possède à l'évidence un caractère atypique, du fait de sa superficie et du type de bâtiments existants, ce qui pourrait la rendre difficile à céder.
De même, nous ne voyons pas clairement ce qui pourra advenir de l'Hôtel de la Marine, où les objectifs de valorisation financière et de valorisation culturelle seront difficiles à concilier.
Enfin, je termine en rappelant que le contrat de réalisation du nouveau ministère à Balard sera conclu en avril 2011. Une dotation de plus de 900 millions d'euros d'autorisations d'engagement est inscrite au budget au titre de ce contrat de partenariat de 30 ans, qui inclura non seulement la construction, mais aussi l'entretien et la maintenance, les services tels que la restauration, le gardiennage, la gestion de l'hébergement des militaires sur le site ou la maintenance des réseaux informatiques. Nous avions largement présenté ce projet dans le rapport conjoint avec la commission des finances. Le nouveau siège s'accompagnera d'une diminution de l'administration centrale et des états-majors, du fait d'économies sur les soutiens, mais aussi de délocalisations en province ou en région parisienne. Par rapport au coût de fonctionnement actuel, on escompte une économie substantielle, mais l'analyse comparative ne pourra véritablement être faite qu'une fois les offres connues.
En conclusion, je pourrais résumer mes appréciations sur les deux programmes dont j'ai la charge comme suit. Le budget 2011 traduit le renforcement de la fonction renseignement et je m'en félicite. Les dotations destinées à la recherche sont préservées, mais ce niveau, peu ou prou stabilisé depuis trois ans risque fort de se révéler très vite insuffisant pour maintenir toutes nos compétences technologiques et en développer de nouvelles, dans un contexte de diminution du chiffre d'affaires des bureaux d'études sur les développements. Enfin, les craintes que j'avais émises depuis deux ans sur les recettes immobilières se sont avérées fondées. Le « matelas » des crédits de report, qui a permis d'amortir le choc de la non-réalisation des recettes, sans que l'on évite cependant un décalage des financements, est aujourd'hui épuisé. Les armées ont exprimé leur inquiétude sur le déroulement des programmes d'infrastructure, notamment celles qui forment le cadre de vie et de travail des personnels.
Je m'en remets donc à la sagesse de la commission sur l'adoption des crédits relevant de mon rapport.
En savez-vous davantage sur le cahier des charges établi en vue de la location de l'Hôtel de la Marine, qui devait être établi ces jours-ci.
Le cahier des charges doit effectivement être établi préalablement au lancement de l'appel à projets. J'essaierai d'en connaître la teneur. La Commission nationale des monuments historiques a été consultée et il semblerait qu'elle ait posé des conditions. Je présume que le cahier des charges imposera des contraintes quant aux possibilités d'utilisation future de l'immeuble, au regard de la protection du patrimoine.
Mes chers collègues, après avoir entendu les rapporteurs pour avis sur les quatre programmes de la mission, je vous demande de vous prononcer sur l'ensemble de la mission.
La commission émet ensuite un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Défense dans le projet de loi de finances pour 2011, les membres du groupe du rassemblement démocratique et social européen s'abstenant et les membres du groupe socialiste votant contre.
Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'examen du rapport pour avis de M André Trillard sur le programme 303 « Exercice du droit d'asile» de la mission Immigration, asile et intégration.
La mission « Immigration, asile et intégration» a été créée en 2007 avec deux programmes: le programme 303 porte sur «l'immigration et l'asile », le programme 104, sur « l'intégration et l'accès à la nationalité française ». Depuis cette création, notre commission se saisit pour avis du programme 303 et, plus particulièrement, de l'action n°2 portant sur la «garantie de l'exercice du droit d'asile», qui relevait auparavant du ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE). Le but de cet avis est de continuer à examiner les conditions de fonctionnement de l'Office pour les réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). L'OFPRA qui relevait du ministère de l'immigration va retourner à l'Intérieur. La CNDA a été rattachée, depuis le 1er janvier 2009, au Conseil d'État, et ses crédits inscrits dans la mission « Conseil et Contrôle de l'État ».
Je vous renvoie à mon rapport imprimé pour l'analyse détaillée, pour m'en tenir à certains points critiques. S'agissant de l'OFPRA, j'avais évoqué l'an dernier les mots du ministre Éric Besson, parlant d'une «explosion» de la demande d'asile. En effet, celle-ci a augmenté de 23% en 2009, et de 10% au premier semestre 2010, laissant augurer une croissance analogue à celle de l'année précédente. En 2009, 47 700 demandes d'asile ont été formulées, - premières demandes et réexamens. L'augmentation d'activité de l'OFPRA s'est élevée en 2009 à 11% à effectifs constants, augmentant le nombre des dossiers en instance à 20 500 au 30 juin 2010, ce qui allonge le délai d'examen des dossiers à 4 mois contre 3 mois en 2008. Cela a des conséquences financières, les aides sociales accordées au demandeur prenant effet rétroactif depuis le jour de sa demande. Pour faire face à cette situation, le projet de budget pour 2011 prévoit un renfort de 30 officiers de protection contractuels pour 18 mois, portant le plafond global d'emploi de l'OFPRA à 442 ETP (équivalents-temps plein), dont 164 titulaires et 113 contractuels de cadre A.
Si la France reste en Europe le premier pays destinataire de demandeurs d'asile, les demandes adressées à d'autres pays augmentent : + 18% pour l'Allemagne, +24% pour l'Autriche, +40% pour la Belgique. Au niveau mondial, la France arrivait en 2009 derrière les États-Unis, qui comptaient 50 000 demandes, mais avant le Canada (34 000 demandes). Toujours en 2009, c'est d'Europe que sont issus le plus grand nombre de demandeurs d'asile, (19 000), alors qu'en 2008, c'était l'Afrique qui venait en tête, avec 17 400 demandes. Cette tendance se poursuit au 1er semestre 2010, avec 9 400 demandes en provenance d'Europe, l'Afrique restant le deuxième continent d'origine des demandeurs (8 400). La forte augmentation des demandeurs originaires du Kosovo, au nombre de 3 050, soit 70% de plus qu'en 2008, explique cette évolution, qui persiste au 1er semestre 2010 (1 550 demandes). Les demandes russes augmentent également de 50% au 1er semestre 2010. Deux autres pays fournissent une demande en forte progression: le Bangladesh (+80%), et la République démocratique du Congo (+30%).
Pour faire face à cette situation, la première priorité du ministère de l'immigration pour 2011 est de « mieux harmoniser les politiques de l'asile au plan européen et international», notamment par la négociation d'un régime d'asile européen commun, espéré pour 2012.
J'en viens maintenant à la CNDA, dont le rattachement à la mission « Conseil et Contrôle de l'État» se justifie par son rôle juridictionnel. J'ai été frappé par la contradiction existant entre l'impact de ses décisions et l'excessive «personnalisation» de certaines d'entre elles, qui semblaient davantage découler de la conception que se font de l'asile certains magistrats vacataires que des éléments du dossier. Je constate donc avec satisfaction une évolution vers une plus grande professionnalisation du corps des magistrats, qui conduira, je n'en doute pas, à une impartialité accrue de la Cour, corollaire indispensable de son statut de juridiction. C'est ainsi que 10 magistrats à plein temps, issus du Conseil d'État, ont été affectés à la CNDA à compter du 1er septembre 2009. Ils ont présidé chaque mois, depuis cette date, une moyenne de 68 audiences, les présidents vacataires restant majoritaires, avec une moyenne de 125 audiences par mois.
Les décisions prises par les formations de jugement ont une grande importance, puisqu'elles peuvent casser un avis négatif donné par l'OFPRA sur une demande d'asile et accorder, ipso facto, le statut de réfugié au demandeur initialement débouté, ainsi que, rétroactivement, le RMI et l'ensemble des prestations sociales dues depuis le premier jour de sa demande. Certes, l'OFPRA, malgré la qualité de ses officiers de protection, n'est pas infaillible. Mais le caractère un peu systématique des décisions prises par certaines formations de jugement de la CNDA est préoccupant.
D'autres aspects du fonctionnement de la CNDA sont problématiques, comme le mode de recrutement des interprètes, le choix systématique des mêmes avocats par les déboutés ainsi que l'accroissement exponentiel du montant de l'aide juridictionnelle, passée de 200 000 euros en 2005 à 1,480 million prévu pour 2010.
Mes interrogations sont partagées par la commission des finances, qui a publié, le 6 octobre dernier, un rapport d'information intitulé: «La CNDA: une juridiction neuve, confrontée à des problèmes récurrents», lequel recommande d'imposer un délai d'un mois aux requérants devant la CNDA pour déposer une demande d'aide juridictionnelle et d'élargir à d'autres barreaux que ceux de Paris et Versailles l'inscription d'avocats sur les listes de cette aide.
Ces remarques formulées, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 303 « Immigration et asile» de la Mission Asile et Immigration.
Pourquoi tant de demandes du Kosovo ? C'est maintenant un pays en paix, où ce sont les Serbes qui sont en minorité.
C'est plutôt un pays qui donne une impression de paix, les Serbes étant cantonnés d'un côté et les albanophones de l'autre. Une technique simple pour distinguer l'origine des commerçants : les uns, bien que majoritairement musulmans, ont dans leur boutique la photo de Mère Térésa tandis que les autres y affichent celle de Poutine. Les monastères orthodoxes sont dans des enclaves serbes mais, dans ces enclaves, la population majoritaire a déjà basculé à plusieurs reprises. Rien n'est fini et heureusement que la Minuk et des forces françaises sont à Pristina et Mitrovica. Quoi qu'il en soit les demandes d'asile viennent principalement d'Albanais, non de Serbes.
Le véritable pays d'origine est souvent difficile à déterminer. Beaucoup de réfugiés jettent leurs vrais papiers puis se prétendent irakiens. Quoi qu'il en soit, la Cour nationale a une vision bien différente de celle de l'OFPRA.
Elles proviennent de Caucasiens et de Russes politiquement opprimés. Les Tchétchènes sont très nombreux, ce qui n'est pas sans poser ici certains problèmes de sécurité.
Ce qui est choquant, c'est que certaines de ses décisions sont conditionnées par les conceptions propres à quelques-uns de ces magistrats vacataires.
Le Gouvernement a bien installé des tribunaux de proximité où officient des juges vacataires et volontaires, alors que, parallèlement, on a fermé des tribunaux d'instance qui étaient de vrais tribunaux.
Vous pouvez aller assister aux audiences de cette Cour à Montreuil. L'ayant fait, je suis maintenant un peu réservé quant à certains aspects de son fonctionnement. Ses décisions ont pourtant d'énormes conséquences car elles ne sont pas susceptibles d'appel, et la rétroactivité du RMI accordé à une famille de plusieurs personnes peut atteindre des dizaines de milliers d'euros. Les décisions devraient aussi mieux prendre en compte les problèmes de sécurité intérieure. Au fond, cette Cour juge les décisions de l'OFPRA, et il est étonnant d'en déduire que celle-ci se trompe dans près de 25 % des cas.
Il y a des avocats désignés d'office, qui parlent peu, et des interprètes, qui parlent beaucoup...
En 2009, on a enregistré 1 894 demandeurs d'Arménie - hors mineurs - 3 000 du Kosovo, 1500 de Russie, principalement des Tchetchènes, 400 de Géorgie, 300 d'Albanie, 167 de Bosnie-et-Herzégovine, une centaine de Moldavie et 81 de Biélorussie. Ces réfugiés sont souvent en réel danger.
Et il y a des demandes un peu « exotiques » : combien de vrais Irakiens parmi ceux qui prétendent avoir perdu leurs papiers ?
La commission émet ensuite un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Immigration, asile et intégration dans le projet de loi de finances pour 2011, les membres du groupe socialiste et du groupe communiste républicain, citoyen votant contre.
La commission examine ensuite le rapport pour avis de M. André Trillard sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2011 : mission Action extérieure de l'État (programmes 105, 151 et 332).
Les crédits affectés à la mission « Action extérieure de l'État » progressent de 4 % en 2011 par rapport à 2010, pour atteindre 2,965 milliards de crédits de paiement (CP). Cette progression est évaluée à structure constante, c'est-à-dire compte non tenu des sommes affectées au programme 332, créé spécifiquement en 2011 pour financer les présidences françaises du G20 et du G8. Je vous renvoie à mon rapport imprimé pour l'analyse détaillée de ce programme, comme des programmes 105 «Action de la France en Europe et dans le monde », et 151 «Français à l'étranger et affaires consulaires », pour m'en tenir à quelques remarques.
La croissance des crédits affectés au programme 105, de 6,6 % en CP, à 1,814 milliards, découle pour l'essentiel de l'amélioration du financement des opérations de maintien de la paix (OMP), menées dans le cadre des Nations unies. Sur les 112,35 millions supplémentaires affectés à ce programme, 80 millions leur sont consacrés. J'avais souligné, dans mon avis précédent, combien la croissance des financements requis par ces OMP, comme par les contributions obligatoires dues aux organisations internationales pesait sur les ressources du programme 105. C'est toujours le cas, mais je me félicite d'une meilleure prévision budgétaire, en loi de finances initiale, du montant d'engagements auxquels nous ne pouvons nous soustraire, et qui devaient être, de toute façon, honorés.
La France participe, par l'envoi de personnels, à 9 des 16 OMP déployées, et elle en est le cinquième contributeur, à hauteur de 7,5% de leur financement, qui est en forte croissance depuis le début des années 1990. Les contributions obligatoires et les OMP ont représenté en 2009 70 % de la consommation des crédits du programme 105, hors dépenses de personnel, avec une part respective de 36 % et de 34%. Pour les contributions obligatoires, les quinze premières organisations absorbent 80 % des financements. Parmi celles-ci, citons, par ordre décroissant, l'ONU, le Conseil de l'Europe, l'OTAN, l'OMS, la FAO, l'AIEA, l'OCDE, l'OIT, l'UNESCO, l'OSCE, le Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie, l'OMC, l'Organisation des Nations-Unies pour le développement industriel et le Tribunal pénal international pour le Rwanda. De vives interrogations planent sur l'efficacité de certaines de ces organisations, et sur leur ratio coût/efficacité. Nous ne pouvons que le déplorer, et peut être en tirer des leçons pour l'avenir, en exhortant l'exécutif à se montrer plus réservé face à d'éventuelles créations de nouveaux organismes de ce type.
Je me félicite de la stabilisation - de la fin de la chute - des crédits d'intervention affectés à la coopération de sécurité et de défense, à 35 millions en CP, alors qu'ils avaient été réduits en 2008 et 2009. Cette somme intègre les 3,4 millions du programme 209 consacrés à la sécurité intérieure et à la sécurité civile, affectées au programme 105 à compter du PLF 2011. Compte tenu d'une réserve légale qui devrait s'élever à 1,8 million, les crédits disponibles devraient être de 33,06 millions.
La réserve légale constituée en 2010 a été mobilisée pour soutenir les actions en Mauritanie; celle de 2011 pourrait donc également l'être en cas de nécessité. Les priorités géographiques de cette coopération découlent, pour des raisons évidentes, de l'actualité récente au Niger et dans les pays de la zone sahélienne : Niger donc, Mauritanie et Mali. Parmi les 16 écoles militaires existant en Afrique, consacrées à la formation du maintien de la paix, la France soutient particulièrement celle de Bamako, au Mali, celle de Ouidah, au Bénin, et celle d'Awaé, au Cameroun. Il s'agit là d'une coopération de long terme, appuyant des écoles nationales qui ont un rayonnement régional et dont le coût est inférieur à la venue de stagiaires en France. Une nouvelle école de génie-travaux vient d'être ouverte à Brazzaville, en partenariat avec certaines entreprises françaises qui ont besoin de recruter des chefs de chantier congolais.
Il s'agit là d'une forme très efficace de coopération tant pour la France que pour les pays partenaires. En effet, l'armée est souvent, dans ces États aux structures fragiles, l'institution la plus solide, et notre action de formation ne peut qu'être bénéfique pour doter ses cadres de modes de pensée et d'action inscrits dans une perspective démocratique. Par ailleurs, cette coopération constitue un partenariat concret de développement, et contribue à l'influence de la France, tant dans les pays africains francophones que dans ceux qui les entourent, qu'ils soient anglophones ou lusophones.
J'en viens maintenant aux éléments saillants du programme 151 « Français à l'étranger et action consulaire », dont les crédits progressent de 5,4 % à 348,18 millions de CP en 2011. L'action n°1 «Offre d'un service public de qualité aux Français de l'étranger», qui regroupe l'action consulaire, progresse de 6,6%, à 184,5 millions, et représente près de 54 % du montant du programme. Ces sommes sont consacrées à l'accès aux services administratifs pour nos compatriotes de l'étranger, à l'aide sociale qui peut leur être apportée en cas de besoin, et à l'animation du réseau consulaire, qui s'appuie, de façon croissante, sur nos consuls honoraires.
C'est l'action n°2 «Accès des élèves français au réseau AEFE » (Agence pour l'enseignement français à l'étranger) qui bénéficie de la plus forte augmentation, avec 13,5 millions supplémentaires, soit une croissance de 13 %. Cette action représentait 32,71 % du programme en 2010, proportion qui passe à 34,68 % en 2011.
L'élément problématique dans cette action touche à la prise en charge (PEC) par l'État des frais de scolarité des élèves français des classes de lycée. Cette décision, conforme à une promesse du candidat Nicolas Sarkozy durant la campagne présidentielle de 2007, n'a cessé de faire débat depuis son instauration, du fait des importants montants financiers qu'elle requiert, alors que nous nous trouvons dans un contexte de grande rigueur budgétaire. La commission des finances du Sénat a souhaité, dès l'origine, l'encadrement de cette mesure, et nous l'avons soutenue dans cette démarche. Cette exigence de réalisme a conduit à l'instauration d'un moratoire qui limite actuellement cette PEC aux seules classes de lycée. Elle a fait l'objet en 2010 de deux rapports, l'un par la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de la commission des finances de l'Assemblée nationale, l'autre, rédigé par Mmes Geneviève Collot, députée, et Maryse Joissains, sénatrice, à la demande du Président de la République, et rendu public le jour de l'audition de M. Bernard Kouchner par notre commission, le 3 novembre dernier. Leurs conclusions diffèrent et je n'évoquerai pas ici, faute de temps, leurs points de convergence et de divergence. La commission sénatoriale des finances a, de nouveau, adopté un amendement visant à modérer le dynamisme de la dépense induite par la PEC, et je vous propose, dans mon intervention en séance publique, d'apporter le soutien de notre commission à cet amendement.
J'en viens au problème complexe de l'immobilier à l'étranger. La France possède un grand nombre d'implantations à l'étranger, dont l'entretien est rarement assuré de façon correcte. A cet état de fait s'ajoute que, depuis le 1er janvier dernier, les produits de cession de nos biens à l'étranger sont devenus le moyen de financement unique des opérations immobilières du MAEE à l'étranger, aucun crédit budgétaire n'étant plus alloué à ce titre. Les futures opérations de rénovation et d'achat dépendent de la remontée des produits de cession vers le MAEE. Or, le délai entre la mise en vente d'un bien et sa réalisation est souvent de l'ordre d'une année, voire plus. Le ministère a établi une liste de biens immobiliers «réalisables» en 2010-2012, que vous trouverez dans mon rapport écrit, et dans laquelle sont représentés tous les continents. La trentaine de cessions à venir sont évaluées à un total de près de 370 millions. Le principe même de ces cessions me semble positif, dans la perspective d'une meilleure organisation et gestion des implantations à l'étranger, puisque le produit en sera entièrement affecté au MAEE. Cependant, le marché immobilier est volatile, ce qui peut être profitable, en cas de hausse, car les prix attendus des cessions seront alors supérieurs aux attentes - mais aussi ceux des achats éventuels ; en revanche, en cas de baisse, comme celle qui affecte les marchés immobiliers, objet d'une «bulle» spéculative, comme en Espagne par exemple, les cessions ne pourront être effectuées qu'à un prix inférieur à celui escompté ou elles ne pourront pas aboutir, faute d'acheteur.
Le programme 332 regroupe les sommes destinées à financer les présidences françaises du G20 et du G8. Elles sont estimé à 80 millions en A.P., dont 60 millions sont inscrits dans le PLF 2011, pour 50 millions de C.P.
Sous le bénéficie de ces remarques, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 105, 151 et 332 de la mission « Action extérieure de l'État » pour 2011.
J'ai découvert dans une récente émission télévisée que le Quai envisage de se séparer de certains bâtiments à l'étranger. Or, nous avons une responsabilité vis-à-vis de notre patrimoine, même hors de l'Hexagone. J'espère qu'on tiendra compte de la qualité particulière de certains de nos bâtiments à l'étranger et qu'on n'ira pas trop vite, ni trop fort.
J'ai vu cette émission et j'ai eu l'occasion de visiter, à Madrid, la Casa Velasquez et le Palais Farnèse à Rome. L'état de notre ambassade à Madrid est tel que, en France, ce bâtiment serait fermé. Il n'offre aucune accessibilité aux handicapés et on y trouve des volées de marches dans toutes les directions. Faut-il rénover ou acheter ailleurs ?
Il s'agit du patrimoine de la France, il appartient à tous et on ne peut l'utiliser pour régler des problèmes de trésorerie.
Ce qui ajoute à la complexité du problème, c'est que la Casa Velasquez et la Villa Medicis n'appartiennent pas aux affaires étrangères mais, respectivement, au ministère de l'enseignement supérieur et à celui de la culture.
L'augmentation des crédits du programme 151 ne profite pas aux Français de l'étranger dont les aides sociales ne sont pas améliorées. Les 13,5 millions supplémentaires sont destinés à la prise en charge des frais de scolarité.
Ne peut-on envisager qu'une mission de deux sénateurs, un de la majorité et un de l'opposition, se rende sur les sites de nos bâtiments à l'étranger ?
En tant que rapporteur, je ne fais que cela ! Mais en Europe seulement parce que nos crédits sont limités.
M. Jacques Berthou - Il faut distinguer entre vétusté et accessibilité et entre ce qui est plus ou moins urgent.
Notre chancellerie à Madrid a gardé pendant dix ans sur sa façade les marques d'une manifestation espagnole. Nos ambassades doivent être traitées comme nos bâtiments publics en France et offrir la même accessibilité, ce qui n'est pas le cas à Madrid.
N'oublions pas la désastreuse opération de l'Imprimerie nationale : les dizaines de millions perdus auraient été mieux utilisés à rénover nos ambassades.
Puis la commission examine le rapport pour avis de Mme Monique Cerisier-ben Guiga sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2011 : mission Action extérieure de l'Etat (programme 185 « action culturelle et scientifique extérieure »).
Je vais présenter d'abord les aspects plutôt positifs du nouveau programme 185 « diplomatie culturelle et d'influence », puis j'évoquerai ses aspects négatifs.
Concernant tout d'abord les aspects positifs, on peut se féliciter de la nouvelle maquette budgétaire qui réunit l'ensemble des crédits consacrés à la diplomatie culturelle et d'influence dans le programme 185. La répartition de ces crédits entre les programmes 185 et 209 était fondée sur une logique géographique, fixée par l'OCDE, et la liste des pays évoluait d'une année sur l'autre, rendant difficile les comparaisons. Surtout, elle n'était pas cohérente, car l'action culturelle n'est pas différente dans un pays développé et dans un pays en développement, et elle ne permettait pas aux rapporteurs du Parlement d'avoir une vue d'ensemble. Le nouveau programme 185 regroupe désormais l'ensemble des crédits consacrés à la diplomatie culturelle et d'influence, quels que soient les pays concernés. Cette nouvelle architecture, plus claire et plus cohérente, facilitera les redéploiements.
Deuxièmement, la mise en place des nouveaux opérateurs, prévus par la loi relative à l'action extérieure de l'Etat du 27 juillet dernier, laisse augurer un net progrès par rapport à la situation antérieure de CulturesFrance. L'année 2011 devrait ainsi être marquée par la mise en place de l'Institut français. Je me suis longuement entretenue à ce sujet avec M. Xavier Darcos et Mme Laurence Auer, et je tiens à saluer leur professionnalisme et leur engagement. L'Institut reprendra les missions exercées actuellement par CulturesFrance, auxquelles s'ajouteront de nouvelles missions, en particulier concernant le recrutement et la formation des personnels du réseau culturel à l'étranger - pour lesquelles une expérimentation sera conduite dans treize postes pilotes. Après avoir suscité des craintes, le nombre de candidatures pour cette expérimentation a été très élevé. L'Institut français devrait inaugurer ses nouveaux locaux, dans le XVe arrondissement en février 2011 et bénéficier d'une subvention de 37 millions du ministère des affaires étrangères et européennes et d'un transfert de 41 agents qui s'ajouteront aux 99 personnes employées actuellement par CulturesFrance. Si M. Xavier Darcos et son équipe se sont déclarés plutôt satisfaits de ces moyens, ils ont en revanche regretté l'absence de liens entre l'Institut français et l'audiovisuel extérieur de la France.
Troisième élément de satisfaction -satisfaction modérée-, la stabilisation de l'enveloppe des bourses destinées aux étudiants étrangers et le prochain regroupement de la gestion de ces bourses par le transfert des activités internationales du CNOUS au nouvel établissement public CampusFrance. Ces dernières années, comme je l'avais regretté à de nombreuses reprises, les financements consacrés aux bourses par le ministère des affaires étrangères avaient beaucoup diminué. De plus, en raison de la diminution globale des crédits, de nombreux postes diplomatiques ont utilisé l'enveloppe des bourses pour faire face à des dépenses courantes. Selon la Cour des comptes, les crédits des bourses ont diminué de 40 % entre 2007 et 2010. Et le nombre de boursiers a chuté de 30 % entre 2002 et 2009. De plus, sur 120 millions programmés en 2009, seuls 98 ont été réellement dépensés. Certes, le nombre d'étudiants étrangers inscrits dans les universités et les grandes écoles françaises augmente car le nombre et la mobilité internationale des étudiants progressent dans le monde. Mais la diminution du nombre de bourses ne nous permet pas de sélectionner et de jouer sur la qualité des étudiants accueillis en France. Le ministère a décidé de stabiliser l'enveloppe destinée aux étudiants étrangers sur la période 2011-2013 et la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats devrait envoyer des instructions aux postes diplomatiques assorties de sanctions, pour que ces crédits soient réellement utilisés à cette fin.
Après ces remarques plutôt positives, j'en viens à mon premier sujet de préoccupation: Les crédits consacrés à la coopération culturelle et d'influence, qui avaient fortement diminué les années précédentes, devraient connaître à nouveau une forte baisse sur la période 2011-2013. Les crédits de fonctionnement et d'intervention diminuent de 5 % en 2011 et cette baisse devrait atteindre 10 % en 2013. Dans ce contexte, ne risque-t-on pas de compromettre la réforme de l'action culturelle ? Comment justifier, par exemple, que la subvention aux Alliances françaises soit réduite, alors que le ministère vient de signer une convention avec la Fondation ?
Deuxième motif d'inquiétude: la forte réduction des personnels du réseau culturel. Le ministère des affaires étrangères et européennes avait déjà connu une diminution de 10 % de ses effectifs ces six dernières années. Malgré cela, sur la période 2011-2013, il devrait connaître une nouvelle réduction de 610 emplois, au titre du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Toutefois, le ministère a demandé et obtenu que ces nouvelles réductions d'effectifs portent davantage sur des postes de contractuels ou de recrutés locaux que sur les postes de titulaires. Le souci d'éviter un conflit social avec des syndicats puissants n'est sans doute pas étranger à ce choix. En conséquence, sur 610 postes supprimés, seulement 150 sont des postes de titulaires et la plus grande partie sont des postes de détachés, de contractuels ou de recrutés locaux. Or, ce sont sur eux que repose le fonctionnement du réseau culturel et de coopération ; ce sont eux qui sont la mémoire des postes et instituts culturels, ce sont eux dont le carnet d'adresses est si utile aux titulaires qui débarquent et qui repartent, souvent, avant d'avoir noué le moindre contact utile....
Enfin, j'insisterai sur la situation financière très difficile de l'AEFE (Agence pour l'enseignement du français à l'étranger). Le Sénat vient de voter une loi de programmation des finances publiques 2011/2013 dont l'article 11 interdira aux établissements publics de souscrire des emprunts remboursables en plus de 12 mois. La liste de ces établissements n'est pas encore parue mais l'inquiétude est grande au sein de l'AEFE car cela lui interdirait pratiquement tout emprunt en vue de la rénovation ou de la construction d'établissements. Depuis 2005, l'Agence a engagé un programme immobilier scolaire d'un montant de 202 millions alors que sa subvention totale est stabilisée à 420 millions sur les trois prochaines années. Un emprunt global de 97 millions a permis de financer 48 % de ce programme immobilier. Or, si c'est L'AEFE qui emprunte, ce sont les établissements - donc les familles - qui devront rembourser cet emprunt, via l'augmentation des droits de scolarité. Et tous ces emprunts sont remboursables sur 15 ans, les établissements commençant à rembourser dès la remise des clés. Par exemple, le lycée de Dakar que le ministre de l'éducation nationale inaugure aujourd'hui - alors que ce ministère n'a pas participé à son financement - a fonctionné pendant des années sous des tentes, puis dans des Algéco. Le coût en a été de 21 millions, dont une partie a été financée par l'emprunt. Le remboursement coûtera aux familles 325 euros par élève et par an, soit une augmentation de 13 % des frais de scolarité. Ce cas de figure est général et tous les proviseurs préviennent à l'avance les familles de cette obligation de remboursement.
En 2011, le poids de l'immobilier à la charge de l'AEFE devrait encore s'alourdir puisque l'État va lui transférer 95 sites scolaires -soit la totalité de l'existant. Comment cela sera-t-il possible ? Le coût sera de 140 à 300 millions. Comment donc l'Agence pourra-t-elle financer cette dépense supplémentaire alors que son fonds de roulement n'est que de 11 jours ? La seule solution, c'est l'emprunt, même s'il impose un lourd sacrifice pour les familles.
Je suggère donc que la commission demande que l'article 11 de la loi de programmation budgétaire triennale ne soit pas appliqué à l'AEFE.
Pour conclure, en dépit de l'insuffisance des crédits du programme 185, je suppose que la commission émettra un avis favorable et je m'en remets donc à sa sagesse.
La France n'a pas non plus les moyens de construire des écoles partout dans le monde. Si on peut continuer à emprunter sur 15 ans, tant mieux ! Mais il faut tenir compte de la situation budgétaire actuelle.
Il ne s'agit pas de construire de nouveaux établissements, mais de remettre en état ceux qui existent.
Nous savons seulement que la loi triennale interdit aux opérateurs de l'Etat de contracter des emprunts pour plus de 12 mois, alors que l'AEFE a besoin d'emprunter pour 15 ans.
Ce texte doit passer en CMP. Nous pourrons peut-être convaincre nos collègues des finances d'ici le 13 décembre.
J'approuve Mme le rapporteur pour avis. Le nouveau lycée de Dakar n'aura pas coûté un kopeck au budget de l'Etat.
Notre commission s'est beaucoup intéressée à l'action culturelle extérieure. L'enseignement français à l'étranger n'est pas un luxe : sans lui, que resterait-il de notre présence culturelle ? Il est légitime d'attirer l'attention des autorités sur une disposition aux conséquences désastreuses pour l'AEFE, car certains établissements ont à l'évidence besoin de rénovation, d'extension ou même de reconstruction. Ne condamnons pas une pièce essentielle de notre dispositif culturel à l'étranger.
En Espagne, il y a 22 ou 23 lycées français. Il faudrait normalement en refaire un tous les 18 mois. Nous allons à la catastrophe !
On rencontre tous les cas de figure, associations, locaux offerts par la ville, c'est un héritage de l'histoire.
Il faut permettre des emprunts allant jusqu'à 15 ans. Aller au-delà coûterait trop cher.
Seuls les établissements de Madrid et de Barcelone sont en gestion directe et concernés par le dispositif dont j'ai parlé. Les autres relèvent d'associations, de la Mission laïque voire du privé.
Concrètement, on ne verse rien : on réduit simplement les remontées financières vers l'agence, qui, elle, continue à payer les enseignants.
À New York, la gestion est assurée par une société anonyme au sein de laquelle les décisions sont prises par un conseil d'administration.
Le conseil d'administration engage le proviseur, qui recrute les enseignants par voie de petites annonces.
Ce n'est pas surprenant, avec des dettes supérieures à 100 millions de dollars !
Article additionnel
Nullement convaincue par le rapport au Président de la République, remis par nos collègues Mmes Colot et Joissains, je propose, à l'amendement n° 1, un double plafonnement de la prise en charge. Ce dispositif serait fondé sur un montant fixé par décret, alors que nos collègues proposent de cristalliser les droits de scolarité de la rentrée 2007 - 2008. À Rome, les familles ont payé en 2008 quelque 800 euros de plus qu'en 2007. Imaginez la situation dans les établissements où des travaux importants ont été entrepris ! Songez à la situation dans les pays connaissant une forte inflation, comme le Venezuela. La cristallisation proposée augmenterait le reste à charge.
Je propose en outre de prendre en compte les revenus des familles, ce que nos collègues jugent scandaleux. À les entendre, il faudrait verser plus de 2 millions d'euros dans la poche des familles dont les enfants sont scolarisés à New York !
L'amendement n° 1 est inapplicable, car il est à peu près impossible de contrôler les revenus perçus à l'étranger, faute de déclaration fiscale fiable, même en Autriche ! On ne peut tout de même pas rechercher les signes de train de vie.
Nos compatriotes installés à New York n'ont pas tous les moyens de payer l'école.
L'amendement présenté par M. Gouteyron à la commission des finances tente de bloquer les dépenses. En tout état de cause, un décret devra intervenir.
Pourquoi faire référence à l'année scolaire 2007 - 2008 ? Parce qu'elle marque l'origine du dispositif, mais nous proposons d'augmenter de 3 % par an les montants constatés. Il est impossible de fixer un prix par pays : il faut raisonner par établissement. Les parents prendront en charge 10 % à 20 % des frais de scolarité, sur le modèle de l'assurance maladie. Ils connaissent la crise budgétaire qui frappe la France.
Je voterai l'amendement de M. Gouteyron.
Il n'est peut-être pas simple de vérifier les revenus déclarés à l'étranger, mais on le fait pour les boursiers.
Le contrôle n'évite pas toute fraude, mais il la limite. Je souhaite un usage avisé des deniers de l'Etat.
Il serait inacceptable de faire un tel cadeau à des familles dont on ignore les ressources !
Les explications de M. del Picchia sont laborieuses. La France s'est lancée dans une opération hasardeuse en promettant de payer les frais de scolarité des enfants français scolarisés à l'étranger. En effet, cette charge évolue de manière exponentielle.
Je voterai l'amendement présenté par Mme Cerisier ben Guiga, car nous ne pouvons laisser les choses en l'état.
Il me semble que la mesure est trop large. Mme le rapporteur pour avis propose de généraliser le régime applicable aux bourses, mais l'objection formulée par M. del Picchia est fondée : nous ne pouvons connaître les revenus des familles. L'écrêtement préconisé par Mmes Colot et Joissains est déjà un progrès.
Je suis défavorable à l'amendement n°1.
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
Mon amendement n° 2 va en réalité dans le même sens. En principe, l'écrêtement doit faire passer la dépense de 119 millions à 112. Pour vérifier la réalité de l'économie, nous avons besoin de distinguer la prise en charge directe et l'attribution de bourses.
Je souhaite d'autre part que l'action au n° 2 « Accès des élèves français au réseau AEFE » soit renommée l'année prochaine pour devenir « Accès des élèves français aux établissements d'enseignement français à l'étranger ».
Quel est l'intérêt pratique de l'amendement n° 2 ?
Le refus de généraliser les contrôles exigés pour l'attribution de bourses n'a qu'un fondement idéologique. Sur le plan budgétaire, 112 millions d'euros sont inscrits pour 2012, alors que les dépenses cumulées de bourse et d'aides directes devraient atteindre 150 millions.
Avec la cristallisation, il devrait manquer 40 millions d'euros en 2014.
L'inspection des finances est claire : l'économie atteindra 5 à 7 millions d'euros. Nous n'empêcherons pas d'abonder les crédits des bourses, au contraire, mais il y aura une trace.
Je refuse de voir l'argent des contribuables inonder les familles qui n'en ont pas besoin, mais couler au goutte-à-goutte vers celles qui peinent à scolariser leurs enfants.
En l'occurrence, je ne peux être défavorable à une simple demande d'information du Parlement.
L'amendement n° 2 est adopté.
Article 48 et état B
Là encore, avec l'amendement n° 3, je vous propose de combler le trou que l'Etat creuse dans le budget de l'AEFE en lui imposant des charges nouvelles. Il s'agit ici des cotisations de pensions civiles du personnel détaché, dont le coût passera de 132 millions d'euros en 2010 à 142 en 2011.
Pour financer ce différentiel, je propose de prélever 5 millions d'euros sur les frais d'organisation du G8 et autant sur ceux du G20.
Je suis très défavorable à cette initiative, pour le moins prématurée. Attendons un éventuel reliquat des crédits consacrés aux G8 et au G20, au lieu de retomber dans les mauvaises pratiques des opérations de maintien de la paix, systématiquement sous-financées.
Notre collègue n'avait guère d'illusions sur le sort de son amendement.
L'amendement n° 4 de M. del Picchia tend à augmenter de 119 millions d'euros les autorisations d'engagement et les crédits de paiement du programme « Accès des élèves français aux établissements d'enseignement français à l'étranger », en réduisant à due concurrence les crédits du programme « Français à l'étranger et affaires consulaires ».
Je propose ici d'abonder un nouveau programme remplaçant le 151, avec deux sous-actions.
Ce regroupement est logique, mais la création d'un nouveau programme réduit la souplesse dans la gestion des crédits.
Je suis très tenté de solliciter l'avis du Gouvernement, pour adopter l'amendement s'il ne soulève pas d'objection.
Pareille amputation des crédits d'aide mettrait le programme de l'AEFE au-dessous du niveau exigé par la LOLF. On a déjà envisagé de reverser les crédits dans le programme 105 !
Il est certes bon d'interroger le Gouvernement, mais à la création de deux sous-comptes ne crée ni une mission, ni un chapitre.
La loi du 17 janvier 2002 impose de financer la troisième catégorie aidée parmi les adhérents de la Caisse des Français de l'étranger (CFE). Le projet de loi de finances réduit de 2,5 millions à 500 000 euros la subvention versée à ce titre par l'Etat.
La dépense prévue étant égale à 2,5 millions, il faut abonder le programme en prélevant 2 millions sur les crédits informatiques. C'est l'objet de l'amendement n° 5.
En principe, les adhérents de la CFE acquittent une cotisation calculée sur la moitié du plafond de la sécurité sociale, un niveau très supérieur aux revenus perçus par nombre de nos concitoyens résidant à l'étranger. D'où la prise en charge par l'Etat d'un tiers de la cotisation des quelque 8000 Français dont les revenus n'atteignent pas la moitié du plafond de la sécurité sociale. En pratique, la CFE se fait rembourser son déficit, compris dans les 2,5 millions d'euros. À titre exceptionnel, la caisse pourrait financer cette catégorie en 2011...
Il vaudrait mieux prélever les crédits sur l'Union pour la Méditerranée, qui ne sert à rien et qui ne se réunira pas vu la situation au Proche-Orient.
Le véritable problème posé est celui d'abonder une dépense qui pourrait être prise en charge par la CFE, largement excédentaire grâce à la gestion de notre collègue M. Cantegrit. La Cour des comptes a estimé que ces résultats permettraient d'envisager la réduction de l'aide versée par le Quai d'Orsay, voire sa suppression. Sur le fond, il n'est pas choquant de voir la solidarité interne à la caisse financer la troisième catégorie aidée, surtout dans un contexte où les marges de manoeuvre du budget général semblent épuisées. Le seul fonds de roulement de la caisse atteint 142 millions d'euros !
Mon avis est défavorable.
J'ai lu le rapport de la Cour des comptes. Il ne faut pas confondre solidarité interne à la caisse et solidarité nationale. Le fonds d'action sociale de la caisse pourrait agir plus énergiquement en faveur de nos concitoyens les plus défavorisés.
Je crains que la troisième catégorie aidée ne disparaisse après 2011.
Je n'entre même pas dans le dossier de la CFE, car les compensations et surcompensations existent entre caisses françaises. Ainsi, la caisse des vétérinaires a surcompensé la caisse des notaires !
Je retire l'amendement. Le Parlement vote une loi ; sa non-application compromet la protection de milliers de personnes en 2012.
L'amendement n° 5 est retiré, ainsi que l'amendement n° 6.
Pourrait-on connaître les intentions du Gouvernement quant à l'application de l'article 11 de la loi de programmation triennale à l'AEFE ? Ne convient-il pas de déposer un amendement ?
La commission s'inquiète : le rapporteur demandera au ministre des affaires étrangères d'agir auprès de son collègue du budget dans le sens indiqué, c'est-à-dire d'éviter que cette disposition ne s'applique à l'AEFE.
Espérons que cette belle unanimité fera fléchir Bercy, dont on connaît le coeur compassionnel...
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission Action extérieure de l'Etat.
La commission examine ensuite le rapport pour avis de M. Joseph Kergueris sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2011 : mission Médias (programme 115 « audiovisuel extérieur »).
Nous allons maintenant examiner les crédits du programme « Action audiovisuelle extérieure » de la mission Médias.
Pour mon avis, je me suis entretenu avec M. Alain de Pouzilhac, président directeur général, et avec Mme Christine Ockrent, directrice générale déléguée de la société Audiovisuel extérieur de la France, ainsi qu'avec Mme Marie-Christine Saragosse, directrice générale de TV5 Monde. J'ai visité les installations de France 24, Radio France Internationale et TV5 Monde, dont j'ai rencontré les principaux responsables. Je me suis entretenu avec le sous-directeur chargé de l'audiovisuel extérieur au Quai d'Orsay. Enfin, la commission a auditionné Mme Laurence Franceschini, directrice générale des médias au ministère de la culture et de la communication, qui assure la tutelle sur l'audiovisuel public.
J'évoquerai successivement la réforme de l'audiovisuel extérieur, la situation des opérateurs, les crédits inscrits dans le projet de budget et les perspectives de la loi de programmation triennale.
Lancée par le Président de la République à l'été 2007, la réforme de l'audiovisuel extérieur français devait renforcer la cohérence, l'efficacité et les synergies entre opérateurs - Radio France Internationale (RFI), TV5 Monde et France 24, mais aussi remédier à la faiblesse du pilotage stratégique de l'Etat en supprimant la multiplicité des tutelles et des sources de financement.
D'où la création, en avril 2008, de la société holding dénommée Audiovisuel Extérieur de la France (AEF), entièrement détenue par l'Etat et qui regroupe l'ensemble des participations publiques. La loi du 5 mars 2009 a transformé cette holding en société nationale de programme, chargée de contribuer à la diffusion et à la promotion de la langue française, des cultures française et francophone, ainsi qu'au rayonnement international de la France. La constitution de ce groupe est achevée : AEF détient 100 % du capital de RFI et de France 24. Elle possède également 49 % de TV5 Monde, chaîne partenaire et non filiale, ce qui a permis d'apaiser les craintes de nos partenaires francophones.
À mes yeux, le bilan de la réforme est globalement positif, mais je regrette que le Gouvernement n'ait pas encore pu transmettre au Parlement le contrat d'objectifs et de moyens entre l'Etat et AEF, car ce document doit définir les priorités stratégiques et les perspectives financières de l'audiovisuel extérieur. Des discussions semblent achopper sur les dotations pour 2012 et 2013.
J'en viens à la situation des opérateurs.
Le plan stratégique 2009-2012 de la chaîne francophone et multilatérale TV5 Monde a été adopté en novembre 2008 par la conférence ministérielle de Vancouver, entre la France et ses partenaires francophones - le Canada, le Québec, la Suisse et la Belgique. Ce plan tend à faire de TV5 Monde un média global présent notamment sur Internet et la téléphonie mobile.
J'ai constaté sur place que la chaîne avait enrichi son site Internet, développé sa présence sur les plates-formes sociales comme « You Tube » ou « Twitter », mais aussi sur la télévision de rattrapage et la vidéo à la demande. La chaîne a lancé en 2009 une WebTV destinée aux enfants, puis une WebTV Afrique en 2010.
Le basculement de l'analogique au numérique représente un défi. En juillet 2010, TV5 Monde a cessé sa diffusion par satellite analogique en Europe. Sa reprise par la télévision numérique terrestre en France coûterait environ 2 millions d'euros.
Au terme de quatre années de diffusion, le bilan de la chaîne d'information France 24 est encourageant. J'ai rencontré une rédaction jeune et dynamique, dont les programmes sont diffusés en français, en anglais et, depuis le 12 octobre, en arabe, grâce aux synergies avec la radio Monte Carlo Doualiya, filiale arabophone de RFI. Son audience progresse, notamment au Maghreb et en Afrique, où elle concurrence des autres chaînes comme la BBC, CNN et Al Jazeera.
La priorité reste la distribution de France 24, peu accessible en Asie et dans les Amériques.
Enfin, la situation de Radio France Internationale s'est stabilisée, malgré une réforme inachevée.
L'enjeu est de mettre un terme à l'érosion de l'audience, notamment en Europe, mais aussi de conforter ses positions en Afrique francophone et de les développer en Afrique anglophone et lusophone. Il fallait donc redéfinir les priorités géographiques et réorganiser les rédactions en langues étrangères, dont certaines sont supprimées, comme le serbo-croate ou l'albanais. La stratégie mise en oeuvre devait aussi redresser la situation financière de la radio et à améliorer sa gestion, puisque RFI avait accumulé entre 2001 et 2008 des résultats négatifs atteignant 31,9 millions d'euros.
Attendue depuis une dizaine d'années, cette réforme s'est traduite par un plan global de modernisation, accompagné d'un plan joliment appelé «de sauvegarde de l'emploi» prévoyant 206 suppressions de postes. D'où le conflit social de l'an dernier. Toutefois, 275 demandes de départs volontaires ont été adressées à la direction pour... 206 suppressions de postes prévues ! Le coût total du plan social est évalué à 41 millions d'euros, financés par l'Etat.
La prochaine étape de la réforme sera le déménagement de RFI, actuellement située dans le bâtiment de Radio France, pour se rapprocher de France 24. Le coût de cette opération est évalué à 21 millions d'euros, en raison des considérables investissements programmés. Aucun financement n'est inscrit dans le projet de loi de finances pour 2011, mais l'Etat devrait prendre en charge ce déménagement.
Les crédits consacrés à l'audiovisuel extérieur passeront de 313,5 millions d'euros en 2010 à 330 millions d'euros en 2011, soit une augmentation de 5,3 %. Cette enveloppe comporte une subvention de 1,6 million d'euros pour la radio franco-marocaine Medi 1 et une dotation de 327,7 millions d'euros pour AEF. Toutefois, comme AEF sera désormais assujettie à la taxe sur les salaires pour 7,5 millions d'euros, l'augmentation n'est que de 2,9 % à périmètre constant. À titre de comparaison, la dotation de l'Institut national de l'audiovisuel augmente de 5,4 %, celle de Radio France de 3,9 %, la subvention d'Arte de 4,1 %. Comme l'audiovisuel extérieur ne bénéficiera pas de compensation pour la diffusion de France 24 en TNT outre-mer, malgré un surcoût compris entre 2,5 et 3 millions d'euros, l'augmentation des crédits de l'audiovisuel extérieur avoisine 1,6 %.
Le plus préoccupant à mes yeux tient à la forte diminution prévue des crédits en 2012 et en 2013, puisqu'il devrait baisser de 8,5 % et de 4 % : ne risque-t-on pas de compromettre la réforme en cours ? Le ministère de la culture invoque l'augmentation des ressources propres, qui ne représentent que 1,3 % des recettes de France 24 et 3,7 % pour RFI, soit environ 3,5 millions d'euros au total. Dans un contexte de réductions des recettes publicitaires, est-il réaliste de prévoir le double en 2011 et le quadruple en 2012 ?
En conclusion, je propose d'adopter les crédits, sous réserve d'un amendement qui abonderait l'audiovisuel extérieur de 5 millions d'euros, prélevés sur le groupement d'intérêt public « Passage à la télévision tout numérique », doté de 131 millions d'euros en 2011, contre 40 en 2010, pour financer le basculement de l'analogique au numérique. Cela permettrait de financer la diffusion de France 24 sur la TNT outre-mer et la présence de TV5 Monde sur la TNT en Île-de-France.
L'exécutif n'exerce pas suffisamment sa tutelle sur l'audiovisuel public extérieur.
Il faut sans doute faire plaisir aux dirigeants - c'est ainsi que M. Aillagon avait déménagé TV5 Monde il y a quelques années vers le parc Monceau- mais débourser 21 millions d'euros pour un déménagement est inacceptable dans un contexte de rigueur budgétaire !
Monsieur le rapporteur, quelle est la rémunération des dirigeants de France 24 ? D'après la presse, elle s'élève à 300 000 euros par an... L'exécutif ne peut pas demander, d'un côté, aux Français de se serrer la ceinture et, de l'autre, laisser filer les rémunérations dans le secteur public de l'audiovisuel. Pour moi, ce sont des dérives absolues.
C'est juste ! Pourquoi laisser faire n'importe quoi au sein de l'audiovisuel extérieur quand l'on tient la bride si courte à l'AEFE et à l'Institut Français ?
Une explication qui ne justifie rien : l'audiovisuel extérieur a recruté des personnes qui avaient autrefois des rémunérations de ce niveau dans le secteur privé. Il serait intéressant de savoir dans quelles conditions il a procédé à ces recrutements...
Réponse de bon soldat, monsieur Pasqua, « les nominations font partie de notre dotation »...
Madame Tasca, je dispose des mêmes informations que celles données par la presse. L'Audiovisuel extérieur de la France étant devenu une société de programmes depuis la dernière réforme, son conseil d'administration décide les rémunérations de ses dirigeants. Celles-ci tiennent compte du parcours antérieur de leurs actuels dirigeants : Mme Ockrent, directrice générale, a eu la carrière que l'on sait ; le PDG de la holding, M. de Pouzilhac, est l'ancien PDG de Havas. L'Etat peut faire entendre sa voix au conseil d'administration. La représentation parlementaire y est symbolique : nous disposons d'une seule voix, celle de M. Duvernois.
Une rémunération de 300 000 euros divisée par 14 mois, comme il est d'usage dans les médias, équivaut à un salaire mensuel de 21 000 euros. Cela correspond au tarif d'un rédacteur en chef de journal, y compris de province.
Je le sais ! Ne vous en déplaise, le secteur public a ses spécificités, ses missions propres, sa grille de salaires. Ensuite, que les personnes se portent candidates en connaissance de cause ! Il est exclu qu'on y négocie son salaire comme dans le privé. C'est un mauvais usage des deniers publics.
Les salaires pratiqués dans les radios privées sont plus importants. Si nous voulons recruter des personnes de qualité, nous devons tenir compte du marché.
Cette évolution est conforme à la tendance observée dans toutes les entreprises publiques...
Le coût du déménagement a également retenu notre attention. Pour l'heure, France 24 a ses bureaux à Issy-les-Moulineaux tandis que RFI, qui acquitte un loyer, est installée dans des locaux inadaptés de Radio France, dans la maison ronde et un immeuble adjacent. Les équipements de RFI datent, on pense à l'époque : « Les Français parlent aux Français » ! Le plan stratégique prévoit une mutualisation de leurs moyens : leurs rédactions arabes se soutiennent désormais. Compte tenu de la technologie actuelle de création des programmes, le rapprochement géographique des entités dans deux immeubles contigus, que l'on pourrait rejoindre par une passerelle, accroîtrait les mutualisations et renforcerait l'esprit maison. TV5 Monde a une histoire plus ancienne ; son plan stratégique est bien établi ; la présence des autres partenaires francophones y crée une saine émulation. France 24, d'après ce que j'ai constaté lors de mes missions de contrôle, travaille plutôt bien. En revanche, se posera bientôt le problème du vieillissement des équipes, sauf à la section web constituée de jeunes, comme partout bien ailleurs, bien encadrée. A RFI, l'ambiance a changé : la méfiance mutuelle entre cadres et journalistes, très palpable l'an dernier, est moins sensible. Atterrés par le chiffre de 21 millions, nous avons demandé une présentation comptable sous forme de contributions à des investissements car il s'agit d'un investissement pour accueillir RFI dans des conditions contemporaines.
La transformation d'une radio suppose l'achat de matériels modernes. Sans cela, le déménagement ne servira à rien ! En outre, pour améliorer les synergies, France 24 doit recourir aux correspondants étrangers de RFI, ce qui suppose une formation des journalistes radio aux techniques de l'image, du montage.
Je vous propose d'émettre un avis favorable sous réserve d'un amendement visant à abonder de 5 millions d'euros les crédits de l'audiovisuel extérieur. Ce transfert de crédits pourrait provenir d'un groupement d'intérêt public « Passage à la télévision tout numérique », qui est doté d'une enveloppe de 131 millions d'euros, contre 40 millions d'euros en 2010, et qui est destiné à financer les opérations relatives au basculement de l'analogique au numérique. Il permettrait de financer le surcoût de la diffusion de France 24 sur la TNT outre-mer et la diffusion sur la TNT en Ile-de-France de TV5 Monde.
L'amendement est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission Médias, amendé.