Nous examinons ce matin trois rapports sur lesquels interviendront cinq rapporteurs.
Nous commençons par l'examen des crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Le projet de loi de finances pour 2023 intervient dans un contexte inédit de crise énergétique, qui bouleverse les hypothèses macroéconomiques et les prévisions budgétaires.
Les crédits « Énergie » de la mission « Écologie » s'élèvent à 17 milliards d'euros pour 2023. Ils sont complétés par le plan de relance depuis 2021, rattaché à la mission « Plan de relance », et par le plan « France 2030 » depuis 2022, rattaché à la mission « Investissements d'avenir ».
Toutefois, cet apparent effort budgétaire doit être relativisé. La hausse de 40 % du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » est due à un redéploiement de crédits, et non à leur revalorisation.
La baisse de 42 % du programme 345 « Service public de l'énergie » s'explique par la flambée des prix des énergies, et non par des économies.
L'engagement des crédits « Énergie » ne dépasse pas 15 % pour le plan d'investissement et 25 % pour le plan de relance, loin de ceux annoncés.
Avec 360 millions d'euros, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (FACÉ) est stable.
Le Gouvernement entend prolonger le bouclier tarifaire, pour un coût global de 45 milliards d'euros et un coût net de 20 milliards d'euros environ. Sont prévus un blocage ou une compensation des tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz, un amortisseur électricité au-delà de ces tarifs réglementés, des aides pour l'électricité et le gaz pour les collectivités territoriales et les entreprises énergo-intensives, ou encore un chèque ou une remise sur les combustibles et les carburants.
Cette prolongation du bouclier tarifaire m'inspire plusieurs commentaires. Son évaluation préalable est insuffisante, car elle a été introduite par des amendements gouvernementaux aux textes financiers.
S'agissant des bénéficiaires, ils sont ciblés. Les tarifs réglementés de vente ne concernent que 28 % de la consommation d'électricité et 8 % de celle de gaz ; ils disparaîtront le 1er juillet pour le gaz. Et aucune condition d'éligibilité n'est précisée pour l'amortisseur électricité...
Concernant les volumes, ils sont insuffisants. Même atténuée, la hausse des tarifs réglementés sera de 15 % en 2023. De plus, les chèques et remises sont l'équivalent d'un plein, guère plus.
Pour ce qui est des modalités, elles sont perfectibles. Si l'électricité est bien prise en compte, ce n'est pas le cas des autres énergies. Ainsi, il est prévu une baisse de la taxe intérieure de consommation pour l'électricité, mais pas pour le gaz.
Enfin, au-delà de ces mesures conjoncturelles, le manque de solutions structurelles est patent. À l'échelon national, n'ont été désignés ni les fournisseurs de secours et de recours en gaz ni les correspondants solidarité-précarité, pourtant utiles pour protéger les consommateurs. À l'échelon européen, le découplage du prix de l'électricité et de celui du gaz est encore attendu.
Le Gouvernement propose d'abaisser la fiscalité énergétique de 9 %. C'est une bonne nouvelle, mais les incitations fiscales sont elles aussi en baisse, de 4 %.
J'identifie donc plusieurs points de vigilance à ce sujet.
La taxation de la rente inframarginale ne doit pas pénaliser les installations renouvelables ou en cogénération.
Le taux réduit de TVA à 5,5 % sur la rénovation énergétique doit continuer de bénéficier aux travaux liés.
La prise en compte de la réglementation environnementale 2020 (RE2020) dans les exonérations de taxe foncière est prématurée.
L'évolution proposée des redevances hydroélectriques n'est pas admissible, car elle conduit à supprimer une souplesse administrative adoptée par notre commission dans la loi « Climat-Résilience » de 2021, ainsi que des recettes perçues par les collectivités territoriales.
Enfin, la production de biogaz et de bioénergies est très taxée et la conversion des véhicules et des chaudières est peu soutenue.
C'est pourquoi j'ai proposé une quinzaine d'amendements fiscaux, à titre personnel, dont l'examen se poursuit.
J'en viens aux crédits « Énergie » de la mission « Écologie », qui sont limités pour réussir la décarbonation de notre économie.
Premier domaine : la transition énergétique. Compte tenu de la flambée des prix, les charges de service public de l'énergie, qui sont des dispositifs de soutien public aux énergies renouvelables et à la lutte contre la précarité énergétique, sont négatives en 2023 ; c'est une première. Pour l'État, elles ne constituent plus des charges, mais des recettes ; pour les opérateurs, elles ne sont plus perçues, mais rétrocédées.
La situation est telle de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), en charge de leur estimation, a publié deux délibérations. En juillet, elle a évalué les gains à 16 milliards d'euros pour les énergies renouvelables et les coûts à 1 milliard d'euros pour le bouclier tarifaire. En novembre, elle a estimé ces gains à 35 milliards d'euros et ces coûts à 3 milliards d'euros. Or, le Gouvernement n'a pas intégré cette hypothèse macroéconomique dans sa prévision budgétaire. Il en résulte un budget manquant de cohérence, de lisibilité et de fiabilité ; je le déplore.
Dans ce contexte, les crédits posent trois questions.
La première est de savoir jusqu'où l'évolution du prix de l'électricité modifiera la prévision de budget, car une augmentation de 10 euros du prix du mégawattheure représente 0,6 milliard d'euros.
La deuxième question est de savoir dans quelle mesure la situation financière des opérateurs freinera l'essor des énergies renouvelables, car les rétrocessions annoncées auront un impact sur leur trésorerie et leurs recettes et, in fine, sur leurs investissements.
La dernière est savoir comment les gains, liés à des dépenses structurelles et issues en totalité d'énergies renouvelables, seront utilisés par l'État, car la tentation pourrait être de les allouer au financement du bouclier tarifaire, composé de dépenses conjoncturelles et en faveur pour partie d'énergies fossiles. Selon moi, c'est plutôt vers la relance du nucléaire qu'il faudrait les flécher : les 35 milliards d'euros de gains annoncés couvrent les deux tiers du coût des six réacteurs nucléaires EPR2 (European Pressurized Reactors 2).
Autre point, si le fonds chaleur renouvelable bénéficie de 520 millions d'euros, c'est d'ores et déjà insuffisant au regard de la dynamique des projets proposés.
Enfin, les fonds de revitalisation des territoires et d'accompagnement des salariés touchés par les fermetures de centrales - en l'espèce les quatre centrales à charbon et la nucléaire de Fessenheim - ne bénéficient d'aucune autorisation d'engagement. C'est d'autant moins acceptable que ces fonds ont été créés à l'initiative de notre commission, suite à la loi « Énergie-Climat » de 2019.
Deuxième domaine : la rénovation énergétique. Si MaPrimeRénov' monte en puissance, sa massification n'est pas atteinte : en 2021, les crédits versés ont été inférieurs de 44 % à ceux du crédit 'd'impôt pour la transition énergétique (CITE) en 2018, et les bénéficiaires inférieurs de 73 %.
De plus, MaPrimeRénov' n'atteint pas ses objectifs : en 2021, 378 828 primes ont été attribuées, contre un objectif de 500 000.
Surtout, MaPrimeRénov' exclut des bénéficiaires : seules 3 619 primes ont été versées à des propriétaires-bailleurs et 162 à des copropriétaires. Pire, l'éligibilité des ménages intermédiaires et supérieurs expire d'ici à fin 2022.
Troisième domaine : la précarité énergétique. Si le chèque énergie monte lui aussi en puissance, sa généralisation doit progresser : en 2021, les montants perçus ont été inférieurs de 15 % aux tarifs sociaux en 2017 et le nombre des bénéficiaires inférieur de 6 %.
En outre, le chèque énergie connaît des difficultés d'application. Les 31 000 personnes en situation d'intermédiation locative ne peuvent l'utiliser seules. Les droits liés sont peu opérants en l'absence d'un système de télétransmission. Le courrier d'accompagnement doit être simplifié pour être plus intelligible.
Enfin, le chèque énergie est peu mobilisé face à la crise énergétique. La revalorisation exceptionnelle appliquée en 2022 n'est pas reconduite en 2023 et son extension spécifique au fioul ne dépassera pas le mois d'avril prochain.
Quatrième domaine : la mobilité propre. Là aussi, le constat est mitigé : le montant de la prime à la conversion et du bonus automobile est en baisse de 8 % par rapport à 2020, et les crédits alloués à la prime sont quatre fois inférieurs à ceux du bonus.
L'instabilité normative de ces dispositifs est manifeste, la prime ayant été resserrée le 1er juillet dernier et le bonus devant l'être le 1er janvier prochain.
Cela nuit à leur déploiement : de 2018 à 2022, 983 222 primes ont été attribuées, soit moins que l'objectif d'un million fixé sur le quinquennat.
Dernier point : les opérateurs. Cette année, l'Agence pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) disposent des moyens humains et financiers renforcés, ce dont je me félicite puisque nous avions proposé une telle revalorisation l'an passé.
En revanche, le Médiateur national de l'énergie (MNE) est confronté à un afflux de litiges et n'est plus en mesure de respecter le délai de résolution de 90 jours. Il a besoin de trois équivalents temps plein travaillés (ETPT). De son côté, la CRE doit contrôler le bouclier tarifaire et suivre les projets renouvelables. Elle a besoin de 10 ETPT. Je fais miennes ces demandes raisonnables, justifiées par la crise énergétique.
Je dirai un mot sur les crédits « Énergie » extérieurs à la mission « Écologie ».
Premier point : le plan de relance. Sur les 14 milliards d'euros alloués à la transition énergétique, seuls 2 milliards d'euros sont engagés cette année.
Aussi, plusieurs sujets de préoccupation existent. Tout d'abord, la maquette budgétaire est complexe. De plus, l'énergie nucléaire ne représente que 470 millions d'euros soit 3 % du total. Certaines énergies renouvelables - l'hydroélectricité, les biocarburants, biogaz - ne sont pas soutenues. Enfin, les crédits s'achèvent en 2023, laissant en suspens le financement d'investissements structurants, dont les aides à la rénovation énergétique et les appels d'offres en matière d'hydrogène. Je plaide donc pour conforter ce plan et lui trouver un substitut l'an prochain.
Deuxième point : le plan d'investissement. Sur les 12 milliards d'euros attribués à la transition énergétique, seuls 3 milliards d'euros sont engagés cette année.
Ici aussi, des préoccupations sont palpables. Tout d'abord, l'évaluation préalable est faible. De plus, l'énergie nucléaire ne représente qu'un milliard d'euros, soit 8, % du total. Les 450 millions d'euros alloués au SMR (Small Modular Reactor) Nuward doivent être relevés à la hauteur des projets concurrents, et les 550 millions d'euros attribués aux réacteurs de rupture étendus aux différentes technologies - la fusion et la fission - et à l'ensemble du cycle - les combustibles et les déchets. C'est d'autant plus crucial que l'activité nucléaire du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) est en baisse, avec une baisse des crédits de 30 millions d'euros, sur la période 2020-2023, après une baisse de 70 millions d'euros sur la période 2017-2021.
S'agissant du soutien à l'hydrogène, il doit bénéficier en priorité au nucléaire et surtout être complété : si 1,7 milliard d'euros est attribué aux projets européens, il manque tout de même 1,6 milliard d'euros. Enfin, le soutien aux transports doit intégrer les biocarburants et le soutien aux technologies, le biogaz. J'appelle à compléter ce plan, pour en faire le levier de la relance du nucléaire.
Dernier point : le compte d'affectation spéciale CAS FACÉ. Alors qu'il présente un excédent, de 17 millions d'euros, ce dernier est capté par l'État. Les collectivités territoriales demandent à raison la revalorisation du fonds, au moins à hauteur de l'inflation. Je souhaite que ce fonds soit relevé pour utiliser cet excédent et suivre ainsi l'inflation.
En dépit des réserves que j'ai indiquées et compte tenu de la gravité des enjeux, j'émets un avis favorable sur ce budget, qui est un budget de crise, à inscrire dans la durée.
Pour le parfaire, plusieurs amendements me semblent cependant nécessaires.
Le premier vise à garantir l'éligibilité des collectivités, des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises (TPE-PME) et des associations à l'amortisseur électricité.
Le deuxième entend augmenter de 800 000 euros les crédits de fonctionnement de la CRE, pour appliquer et contrôler le bouclier tarifaire.
Le troisième propose de prolonger l'éligibilité des ménages intermédiaires à MaPrimeRénov'.
Le quatrième vise à allouer 30 millions d'euros au fonds de revitalisation des territoires touchés par les arrêts des centrales.
Le cinquième tend à augmenter de 120 millions d'euros le chèque énergie, pour allouer 30 euros de plus par ménage, notamment aux ménages ruraux consommant du gaz, du bois ou du fioul.
Enfin, le dernier amendement prévoit de relever de 80 millions d'euros le fonds chaleur renouvelable, pour suivre la dynamique des projets.
Je vous invite à adopter ces amendements qui sont de nature à réduire la précarité énergétique, qui constitue, cet hiver, mais aussi pour les prochains, un lourd sujet tout en consolidant notre transition et notre souveraineté énergétiques.
Je ne doute pas que l'examen du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables qui s'achève, et le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, qui s'annonce, seront l'occasion de consolider structurellement notre législation, au-delà de ces mesures budgétaires et fiscales de court terme.
Un engagement est aussi nécessaire au sein de l'Union européenne (UE), car les États membres font face aux mêmes défis : réduire de moitié nos émissions de gaz à effet de serre et sortir en totalité du gaz russe d'ici à 2030.
Il s'agit à la fois d'un budget de crise et de transition en attendant la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).
Si j'ai bien compris, le budget du fonds chaleur est stable. C'est préjudiciable pour le développement des chaufferies bois. Les projets en cours ne pourront pas être forcément honorés étant donné l'augmentation des prix et nous devrons financer moins de dossiers sur l'année 2023.
Ses crédits sont en hausse, mais celle-ci ne correspond pas aux besoins. Or on possède un gisement considérable de ressources pour alimenter les réseaux de chaleur qui provient de la forêt, mais aussi des déchetteries, grâce au développement du tri sélectif. On constate que les communes, les particuliers et les entreprises qui ont opté pour des réseaux de chaleur ont fait un choix payant pour leur facture énergétique.
Article 42 ter
L'amendement n° II-350 a pour objet de garantir l'éligibilité des TPE-PME, des collectivités territoriales, des établissements publics et des associations à l'amortisseur électricité, institué par l'article 42 ter. En effet, la rédaction actuelle, qui renvoie entièrement la définition des bénéficiaires au décret, n'est pas suffisamment protectrice pour nos entreprises et nos collectivités.
Je précise que cet amendement n'est pas créateur de charge au sens de l'article 40 de la Constitution, puisqu'il reprend l'intention du Gouvernement.
L'amendement n° II-350 est adopté.
Après l'article 42 ter
L'amendement n° II-351 a pour objet de garantir l'éligibilité à MaPrimeRénov' aux ménages intermédiaires, qu'ils soient occupants ou propriétaires bailleurs. Il est important de se prononcer, car sinon je rappelle que seuls les ménages modestes ou très modestes sont prévus pour être éligibles en décembre 2023.
Comme le précédent, cet amendement n'est pas créateur de charge au sens de l'article 40 de la Constitution, puisqu'il reprend l'intention du Gouvernement.
J'ai lu que le Gouvernement allait créer un nouveau prêt à taux zéro qui serait couplé à MaPrimeRénov' : avez-vous des précisions ?
Il conviendrait d'interroger la commission des finances pour avoir davantage de précisions car cela relève plutôt de sa compétence.
L'amendement n° II-351 est adopté.
L'amendement n° II-352 a pour objet de relever de 800 000 euros les frais de fonctionnement - ce qui correspond à 10 ETPT - de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), pour lui permettre de surmonter le surcroît de dépenses lié au nécessaire contrôle du bouclier tarifaire.
Je rappelle que la CRE a pour mission de lancer et de gérer les appels d'offres qui seront très nombreux sur l'énergie renouvelable et aura pour nouvelle mission d'appliquer, de contrôler le bouclier tarifaire, dont le coût global est de 45 Mds€.
L'amendement n° II-352 est adopté.
L'amendement n° II-353 a pour objet d'allouer 30 millions d'euros au fonds de revitalisation des territoires, destiné à accompagner les fermetures des centrales fossiles ou nucléaires, qui ne fait l'objet d'aucune autorisation d'engagement.
Il se place dans la continuité du travail que nous avons effectué lors de l'examen de la loi « Énergie-Climat » de 2019, dont certaines dispositions concernaient l'accompagnement de la fermeture des quatre centrales à charbon d'ici 2022 et de la centrale de Fessenheim en 2020. Nous souhaitons flécher les crédits conformément aux engagements pris. Le Gouvernement a décidé de rouvrir la centrale à charbon de Saint-Avold, mais le financement semble bien léger...
Il faudra demander au Gouvernement, s'il est adopté, de lever le gage au lieu d'aller chercher des crédits ailleurs.
Nous sommes dans une situation en France où personne ne cherche à identifier les responsabilités de chacun. Enedis organise des réunions dans tous les départements pour expliquer comment, si nous sommes à la limite du black out, ils couperont l'électricité pendant deux heures - entre 8 heures et midi ou entre 18 heures et 21 heures - en l'annonçant trois jours avant à la population. Par ailleurs, ils couperont, non pas par le compteur Linky, mais le poste source, ce qui veut dire que des zones entières seront privées d'électricité.
Je pense donc que c'est une erreur de ne pas identifier les responsabilités de chacun. Ce sont ceux qui nous ont poussé à fermer les centrales thermiques qui nous conduisent à ces aberrations. Et ce n'est pas en affirmant que le nucléaire est la solution à tous les maux que nous réglerons ce problème. Je vous rappelle que pour produire de l'électricité pour satisfaire aux besoins en période de pointe, il n'y a que deux possibilités : les centrales thermiques ou les barrages hydroélectriques de gros volume.
Je pense que les Français, quand ils seront impactés par le prix du mégawattheure et des coupures de deux heures dans leurs activités ou leurs loisirs, souhaiteront rechercher les responsabilités de chacun. En tout cas, ce ne sera pas la nôtre, car nous, nous l'aurons dénoncé pendant des années, ici au Sénat.
L'amendement n° II-353 est adopté.
L'amendement n° II-354 tend à augmenter de 120 millions d'euros l'enveloppe du chèque énergie, pour allouer 30 euros de plus à 4,5 millions de ménages.
L'amendement n° II-354 est adopté.
L'amendement n° II-355 a pour objet d'allouer 80 millions d'euros au fonds chaleur renouvelable de l'Ademe, dont le montant est actuellement de 520 millions d'euros, afin de lui permettre d'atteindre 600 millions d'euros, ce qui correspond au volume des projets déposés pour 2023.
Cela contribuera aussi à accélérer le développement des énergies renouvelables !
L'amendement n° II-355 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous réserve de l'adoption de ses amendements.
Nous passons à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », pour laquelle nous avons trois rapporteurs.
rapporteur pour avis de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». - Nous rapportons une année de plus sur le budget de l'agriculture, et nous constatons que le Gouvernement ne parvient plus, après avoir parlé du « quoi qu'il en coûte », à faire redescendre le budget de l'État des sommets qu'il a atteints en 2020.
C'est ce que nous constatons pour l'agriculture, puisque les crédits de la mission augmentent de 900 millions d'euros. La facilité aurait été de donner un satisfecit au Gouvernement pour cette forte augmentation nominale. Mais, derrière les effets d'annonce, nous avons voulu, avec mes collègues Françoise Férat et Jean-Claude Tissot, étudier le budget avec rigueur. Et nous nous sommes aperçus que la réalité était tout autre.
Sur ces 900 millions d'euros de hausse, plus de 400 millions d'euros relèvent de la budgétisation de l'exonération en faveur des travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE), c'est-à-dire une mesure de périmètre. Ne restent plus que 500 millions d'euros.
Aux 500 millions d'euros restants, il faut encore retirer 200 millions d'euros qui correspondent à une hausse nominale, mais non réelle du budget. Avec l'inflation anticipée de 5 % pour 2023, le budget a en effet gonflé mécaniquement et artificiellement de 200 millions d'euros.
Alors vous allez me dire que 300 millions d'euros de hausse réelle, c'est encore beaucoup. Mais nous ne nous sommes pas arrêtés à une analyse purement quantitative des crédits. Car un bon budget agricole, ce n'est pas un budget en hausse ou un budget élevé, c'est un budget qui répond aux besoins de notre agriculture, de nos paysans et de nos entreprises, et un budget qui traduit les engagements pris par le Gouvernement.
Et s'agissant de ce dernier point, que penser ? Vous voyez peut-être où je veux en venir... À quoi correspond, pour l'essentiel, la hausse réelle de 300 millions d'euros ? Au financement, sur le budget de l'État, de la réforme de l'assurance récolte, à hauteur de 250 millions d'euros.
Et de l'assurance récolte, que dire ? Ce projet de loi de finances (PLF) est le premier rendez-vous budgétaire depuis mars 2022. Autant dire que le Gouvernement se savait attendu au tournant par le Sénat. Cette loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture, dont j'étais rapporteur, acte une victoire acquise de haute lutte au Sénat pour les agriculteurs, sur quatre taux : le seuil de la franchise, abaissé à 20 % de pertes de récolte ; le taux de cofinancement de l'assurance par les pouvoirs publics, porté à 70 % ; le seuil de déclenchement de l'intervention de l'État, ramené à 50 % de pertes ou à 30 % selon les récoltes ; et la prise en charge des pertes par l'État au-dessus de ce seuil, de 90 % pour les exploitants ayant souscrit à l'assurance.
Le Président de la République s'est engagé formellement sur ces taux, à l'occasion des Terres de Jim. Or, les 680 millions d'euros qui devraient en résulter ne figurent pas dans ce budget. Seuls 560 millions d'euros sont programmés : 255 millions d'euros par ce budget, 185 millions d'euros par le fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et 120 millions d'euros par la taxe sur les conventions d'assurance, payée par les agriculteurs eux-mêmes. Manquent 120 autres millions d'euros.
Le Gouvernement nous dit qu'il pourra, « peut-être », aligner les 120 millions d'euros restants à travers une « clause de rendez-vous ». Mais les agriculteurs ont rendez-vous tous les ans avec les effets du changement climatique ! Pourquoi ne pas aligner 680 millions d'euros d'entrée de jeu, quitte à annuler d'éventuels crédits non consommés en cours d'exercice ? N'oublions pas qu'un budget est aussi un instrument de communication et que le succès de la réforme dépend essentiellement du taux de pénétration de l'assurance à l'intérieur du système agricole et des exploitations, qui dépend lui-même de la capacité des pouvoirs publics à susciter la confiance des agriculteurs. Et comment leur donner confiance si, dès le premier exercice, on leur promet 680 millions d'euros, mais que 560 millions d'euros seulement sont programmés ?
Et ce ne sont pas les retards du Gouvernement dans la préparation de l'entrée en vigueur du nouveau régime au 1er janvier 2023 qui vont ramener cette confiance.
Le rapport sur la moyenne olympique n'a toujours pas été remis au Parlement, alors que nous savons tous que c'est un problème de fond de l'assurance récolte.
Le recours devant un comité départemental d'expertise contre les évaluations indicielles de pertes de récolte n'est toujours pas mis en place, alors que nous constatons, cette année, dans le cadre du système des calamités, qu'il y a des problèmes dans les évaluations indicielles par relevés satellitaires.
Non seulement le Gouvernement n'aligne pas d'entrée de jeu les sommes promises, mais on serait porté à croire qu'il fait tout pour ne pas avoir à les aligner par la suite.
C'est la raison pour laquelle nous vous proposons de ne pas adopter les crédits de cette mission.
La liste des refus passés ou anticipés du Gouvernement à nos propositions, pourtant constructives et pragmatiques, est malheureusement longue.
Le Gouvernement s'est opposé à la proposition des filières animales et végétales - après les avoir laissées travailler près de huit mois sur cette proposition - d'un coup de pouce à l'épargne de précaution pour celles qui s'engagent dans la contractualisation afin de lisser leurs coûts et leurs revenus. Une proposition dont le coût budgétaire aurait été très faible et qui aurait favorisé une contractualisation entre ces filières, sur trois ans seulement puisque nous demandions une expérimentation, ce qui aurait permis d'enclencher un système vertueux contribuant à stabiliser les prix.
Le Gouvernement s'est opposé au relèvement du seuil d'imposition au réel simplifié et du seuil d'exonération des plus-values, que nous avons malgré tout réussi à faire adopter au Sénat, pour tenir compte de l'inflation. Comment l'expliquer, alors que nous savons qu'avec celle-ci l'augmentation des prix de vente des produits agricoles fait mécaniquement augmenter les recettes sur les exploitations, donc le chiffre d'affaires (CA), et que ces seuils s'appliquent au CA ?
Il a fallu attendre le passage du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) au Sénat pour voter la pérennisation du TO-DE, alors que les entreprises expriment un besoin de plus de prévisibilité. Comment expliquer, après que le Président de la République eut annoncé, au selon de l'agriculture de cette année, la pérennisation du dispositif TO-DE, que la proposition du Gouvernement ait été de le maintenir une seule année de plus ? Un amendement du groupe Les Républicains, à l'Assemblée nationale l'avait prolongé jusqu'en 2026. Mais les agriculteurs souhaitaient sa pérennisation. Nous les avons entendus.
La vingtaine d'auditions que nous avons menée a conforté nos craintes sur les risques de décroissance liée à l'inflation énergétique : hausse du coût des intrants pour la prochaine campagne, difficile reconnaissance du statut d'énergo-intensif pour l'industrie agroalimentaire, risques de coupures de courant pour les filières périssables, manque de moyens des chambres d'agriculture et de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE). Le budget est insuffisant en la matière.
Rappelons enfin que l'article 8 de ce projet de loi poursuit l'assèchement de notre filière levure en coproduits sucriers, pour faire du bioéthanol. Or, la souveraineté alimentaire et la souveraineté énergétique doivent aller de pair, l'une ne pouvant se faire aux dépens de l'autre.
Heureusement, les résultats agricoles et agroalimentaires de cette année 2022 sauvent pour le moment nos agriculteurs. Mais la vague risque d'être d'autant plus violente qu'elle arrivera à retardement, et ce budget ne l'anticipe pas.
rapporteur pour avis de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». - Je partage en tous points ce que vient de dire notre corapporteur Laurent Duplomb : ce budget est insuffisant d'un point de vue économique. Il l'est aussi dans ses conséquences pour le métier vécu, au quotidien, par les agriculteurs. C'est ce second aspect que je voudrais développer.
Mes préoccupations sur ce budget font écho aux questions que j'avais posées au ministre de l'agriculture, M. Marc Fesneau. Je dois dire que ses réponses, sur la prise en charge du mal-être dans le monde agricole, et en particulier chez les éleveurs, ne m'ont pas complètement rassurée.
Je me réjouis, certes, de l'existence d'une feuille de route pour la prévention du mal-être et l'accompagnement des agriculteurs en difficulté. Mais je m'interroge sur la capacité du Parlement à suivre sa mise en oeuvre, tant les acteurs impliqués sont disséminés et les crédits pour la financer, dispersés. Il est très positif que tout l'écosystème agricole soit mobilisé face à cette problématique, mais il ne faut pas que des rôles mal définis se traduisent par une érosion des responsabilités. En somme, il faut un pilote dans l'avion.
Ce que nous demandons ne coûte pas grand-chose : un tableau de bord retraçant de manière synthétique la consommation des crédits dédiés à cette feuille de route, pour en suivre l'évolution en cours d'exercice et d'une année sur l'autre, et en mesurer l'ambition.
Si un tel document avait existé, il nous aurait permis, par exemple, d'anticiper la baisse de régime de 25 % en crédits de paiement (CP) de la ligne d'aide en faveur du redressement des exploitations en difficulté, qui passe de 7,1 millions d'euros à 5,2 millions d'euros. À notre sens, ces crédits, finançant notamment l'aide à la relance des exploitations agricoles (AREA), auraient dû être maintenus à leur niveau. Et si sous-consommation il y a, elle n'est pas à mettre sur le compte d'un manque de besoins, mais bien plutôt du non-recours : la pression psychologique et l'instabilité normative subies par les agriculteurs compliquent leur accès à des aides auxquelles ils auraient droit.
Autre exemple de cette instabilité normative, le crédit d'impôt service de remplacement devait arriver à échéance en 2024. Dans la suite de mon rapport, nous avons proposé avec Laurent Duplomb de le pérenniser et de relever son taux à 66 % dans tous les cas, contre 50 % aujourd'hui, et 60 % en cas de maladie. C'est ce qu'a voté le Sénat en fin de semaine dernière. Cela coûte quelques millions d'euros, mais c'est aussi un levier majeur d'attractivité pour l'agriculture face au défi du renouvellement.
J'ajoute qu'il faut traiter toutes les causes du mal-être dans une approche globale. La couverture vétérinaire des zones rurales et la mise à niveau de notre stratégie de biosécurité face aux crises sanitaires en font partie, car la détérioration de l'état de santé de leurs bêtes, voire l'abattage préventif, plonge les éleveurs dans un grand désarroi, quand cela se présente.
Aussi, je réitère mon appel à redoubler d'efforts sur les stages tutorés d'étudiants vétérinaires en zones rurales. Nos travaux sur le mal-être en agriculture nous ont fait mesurer à quel point les vétérinaires étaient de véritables sentinelles dans ces territoires. Les services du ministère nous ont expliqué la baisse des crédits par la suppression d'une subvention aux cliniques vétérinaires d'accueil, sans que le nombre de stages tutorés diminue. Très bien, car cette subvention créait un effet d'aubaine. Mais pourquoi les crédits récupérés n'ont-ils pas été fléchés vers la création de stages tutorés supplémentaires ? Ce dispositif ne coûte presque rien et donne d'excellents résultats.
Nous avons par ailleurs été alertés par les chambres d'agriculture sur le financement insuffisamment calibré des différentes bases d'identification animale, dont elles et d'autres acteurs doivent assurer la mise en place pour se conformer à la loi de santé animale, un règlement européen entrée en vigueur en 2021. Il manque 6 petits millions d'euros pour mettre en place, entre autres, la base « opérateurs ». De ce fait, les appels d'offres ne sont pas pourvus, alors que c'est un outil essentiel de traçabilité et de surveillance, dans un contexte où les crises sanitaires redoublent d'intensité.
S'agissant de l'influenza aviaire, la recherche sur un vaccin candidat est en cours et ne devrait pas aboutir avant le printemps 2023. Nous regrettons que le Gouvernement n'ait pas su désamorcer les réticences des filières, quand il était encore temps d'accélérer. Les producteurs craignaient en effet de perdre l'accès à des marchés étrangers alors que la volaille produite en France est en grande partie consommée sur le territoire national. La réponse, désormais, n'est plus budgétaire, mais se joue sur les terrains réglementaire et diplomatique dans les enceintes européennes et de l'Organisation mondiale de la santé animale (OMSA).
Mais que de temps perdu, alors que l'influenza aviaire n'est ni la première, ni la dernière épizootie à laquelle notre élevage est et sera confronté. Aussi, nous proposons, conjointement avec Marie-Christine Chauvin, présidente du groupe d'études Élevage, une multiplication par dix des fonds consacrés à la recherche sur des vaccins, de 1 à 10 millions d'euros.
Nous le proposons non pas tant pour l'influenza aviaire, que pour anticiper les crises à venir. La dimension encore largement familiale de nos élevages rend notre modèle plus vulnérable que d'autres car nos sites de production sont nombreux et les accouveurs et éleveurs sont proches, ce qui multiplie les risques de contamination. Comparée au milliard d'euros d'indemnisations depuis l'an dernier, cette hausse ne paraît pas exagérée, et surtout elle est en phase avec notre conviction que les solutions pour l'agriculture de demain sont à trouver dans la recherche et la science.
rapporteur pour avis de la mission« Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». - Mes collègues ont bien résumé les raisons de notre opposition, transpartisane, au vote des crédits de la mission.
Laurent Duplomb a insisté sur la faiblesse économique de ce budget, sur la compétitivité, l'assurance récolte et la contractualisation, et Françoise Férat sur sa faiblesse sociale et sociétale, sur l'accompagnement des agriculteurs en détresse, le service de remplacement et la santé animale. Je me félicite d'ailleurs du relèvement du crédit d'impôt service de remplacement à 66 %, même si j'aurais souhaité, avec mon groupe, une hausse plus ambitieuse.
Pour compléter ce travail d'équipe, je m'attarderai sur la dimension environnementale du budget, avec l'effort d'adaptation de notre modèle agricole et de notre forêt.
La mise en place de l'assurance récolte est une bonne chose, et il est dommage que le Gouvernement ne la finance pas assez. Mais rappelons qu'elle est davantage destinée à préserver le revenu des agriculteurs des aléas exceptionnels, qu'à adapter le modèle agricole français au changement climatique. Car, calculée sur les trois années moyennes sur les cinq dernières, elle ne tiendra pas compte d'une éventuelle baisse structurelle de la productivité agricole. C'est pourquoi il est si important d'investir dans l'expérimentation de nouvelles pratiques culturales et d'avoir une recherche de qualité sur les évolutions de notre modèle agricole.
Or, année après année, les recettes du compte d'affectation spéciale développement agricole et rural (Casdar) continuent d'être plafonnées. On ne voit pas bien la logique budgétaire de cette sous-estimation, puisque le ministre de l'agriculture nous a dit en audition qu'il s'engageait à récupérer l'excédent de collecte, qui devrait dépasser 17 millions d'euros en 2022. Pour 2023, les recettes sont estimées à 126 millions d'euros, soit autant qu'en 2022, alors qu'avec l'inflation les recettes continueront de grimper. Nous voterons donc contre le Casdar.
On peut se demander si le but est de faire perdre du temps et de l'énergie au ministère, aux instituts techniques, aux chambres d'agriculture et aux organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR), en les forçant à renégocier chaque année avec Bercy ? Est-ce pour les priver de la nécessaire visibilité dans la mise en oeuvre du Programme national pour le développement agricole et rural (PNDAR) 2022-2027 ? Ce n'est pas à la hauteur des enjeux d'innovation et de recherche agricoles.
En prime, tout le monde s'y perd puisque le ministère n'est pas en mesure de nous dire, sur le solde comptable de 18 millions d'euros, ce qui relève d'autorisations d'engagement pluriannuelles non encore décaissées ou de crédits mobilisables pour d'autres projets. Nous appelons le Gouvernement à accélérer son effort de traçabilité, grâce à l'application Chorus, pour identifier les crédits qui peuvent être récupérés et ainsi - pourquoi pas ? - prendre de l'avance sur la programmation du programme national de développement agricole et rural (PNDAR) 2022-2027.
Sur la forêt, nous portons un amendement pour assurer la sincérité du budget s'agissant des annonces du Gouvernement sur l'annulation du schéma d'emplois de l'Office national des forêts (ONF). Car le Gouvernement nous a soumis deux fois à ses habituels jeux de bonneteau budgétaires en un seul PLF - cela fait beaucoup.
Une première fois en maintenant dans le projet de loi de finances initial la baisse de 80 équivalents temps plein (ETP) prévue dans le contrat État-ONF, contrairement aux annonces qui avaient précédemment été faites de sa suspension. Cela a permis au Gouvernement d'afficher des créations de postes, qui ne sont qu'une stabilisation.
Une seconde fois en prétendant avoir rétabli ces 80 ETP, alors que l'enveloppe de 3,3 millions d'euros ouverte dans le texte transmis au Sénat n'en finance que 60, l'État laissant le soin à l'ONF de financer les 20 derniers ETP sur ses propres deniers. Or, les ressources propres de l'ONF sont amenées à rechuter l'an prochain avec les tendances baissières de la construction et donc du cours du bois d'oeuvre. Et les bénéfices financiers de la contractualisation pour l'établissement, espérés par le Gouvernement, nous semblent trop optimistes. Notre amendement ne vise donc pas à faire de la surenchère, mais à forcer le Gouvernement à assumer jusqu'au bout sa position, à faire preuve de plus de sincérité budgétaire.
Enfin, aux côtés de la gestion des forêts publiques, il convient tout de même de rappeler que 90 % de la forêt qui a brûlé l'été dernier correspond à de la forêt privée.
Nous proposons avec mes corapporteurs, en lien avec les auteurs du rapport d'août dernier sur la prévention des feux de forêt, Anne-Catherine Loisier et Olivier Rietmann, de créer 20 ETP pour le Centre national de la propriété forestière (CNPF). La forêt privée, qui représente pourtant trois quarts des surfaces, est le parent pauvre de notre politique forestière : le CNPF, dont les missions sont certes plus réduites que celles de l'ONF, compte moins de 350 ETP sous plafond, contre environ 8 000 pour l'ONF.
Nous proposons que les 20 postes créés soient pour moitié des techniciens forestiers de terrain, afin de dynamiser la gestion et favoriser le regroupement des parcelles, et pour moitié des référents pour la défense des forêts contre l'incendie dans chaque région, comme le proposent les rapporteurs de la mission conjointe de contrôle sur les feux de forêt et de végétations, dont Anne-Catherine Loisier et Olivier Rietmann, ici présents.
Tant pour la sylviculture que pour l'agriculture, il va falloir modifier certaines pratiques et certains itinéraires techniques, et prévoir une intervention plus active de l'homme, pour s'adapter au changement climatique. En ce domaine, comme dans les domaines évoqués par mes collègues, ce budget n'est pas à la hauteur : nous voterons contre, mais nous espérons que le Gouvernement reprendra certaines de nos propositions, peu coûteuses.
rapporteur spécial de la mission« Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». - La commission des finances est en accord avec ce qui vient d'être dit par les corapporteurs. Nous avons, en outre, une inquiétude sur les clauses miroirs, car nous renforçons les normes franco-françaises et les effectifs pour les contrôler, sans aucune contrepartie pour les produits importés. Cela contribue à creuser le solde de la balance commerciale de l'agriculture française.
Je souhaiterais remercier les trois corapporteurs. L'année 2023 sera déterminante pour l'assurance récolte. Si le mécanisme ne fonctionne pas, alors nous aurons dilapidé plusieurs décennies de confiance réciproque entre l'État et les agriculteurs grâce à l'ex-fonds des calamités agricoles - fondé sur le principe du un pour un. Nous abandonnons un système, alors que les réformes ne sont pas prêtes, et que l'amplitude des situations auxquelles sont confrontés les agriculteurs ne fait que s'accroître.
Concernant les crédits du Casdar, je suis scandalisé par le fait qu'ils soient utilisés dans d'autres secteurs que l'agriculture, alors qu'il s'agit d'une idée des agriculteurs. En effet, ces crédits sont totalement payés par les agriculteurs et proviennent de leur propre développement ; pas un euro ne provient de l'État.
S'agissant de la forêt, nous n'avons jamais mis autant d'argent pour replanter, régénérer nos forêts - et je rends, là, hommage au Gouvernement. Mais attention, ce n'est pas parce qu'un arbre a été planté qu'il va pousser ; nous avons besoin d'accompagnements en termes de sylviculture, de protection et d'entretien des parcelles. Vos propositions à cet égard sont très pertinentes.
Je partage certaines inquiétudes des rapporteurs, mais mon groupe ne souhaite pas s'opposer aux crédits de la mission.
Nous pouvons ne pas être d'accord sur les chiffres, mais nous ne pouvons que constater l'augmentation de ce budget par rapport à la LFI 2022 ; c'est un budget qui va accompagner la mise en oeuvre de la politique agricole commune (PAC).
Je note une progression importante en faveur de la structuration des filières, notamment dans les territoires ultramarins, la mise en pratique concrète du projet de loi assurance récolte, avec 255,5 millions d'euros de crédits de l'État, la modernisation des exploitations et des crédits supplémentaires pour l'ONF - à cet égard, nous pouvons émettre des critiques, mais 10 millions d'euros supplémentaires ont été dégagés par rapport à ce qui était prévu initialement.
Nous pouvons également critiquer la reconduction du plafond du Casdar, mais l'enveloppe est tout de même maintenue à 126 millions d'euros.
L'année dernière, la commission des finances du Sénat avait approuvé les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pourtant globalement stables par rapport au PLF 2021. Cette année, si nous ne sommes pas d'accord sur le pourcentage de hausse, nous ne pouvons que constater une forte augmentation du budget. Je ne vois donc pas de raison objective à s'opposer aux crédits de cette mission.
Je voudrais tout d'abord saluer le travail de nos rapporteurs. Les éleveurs sont très inquiets et les messages qui leur seront envoyés avec ce PLF 2023 sont essentiels. Ils ont besoin d'être rassurés afin que nous puissions les entraîner dans une démarche assurantielle.
S'agissant des forêts, je pense, comme les rapporteurs, que le Gouvernement fait une mauvaise lecture de la situation forestière. Certes, il est important de reboiser, mais ce dont nous manquons le plus aujourd'hui, c'est de la main-d'oeuvre, et ce à tous les échelons.
Je ne reviendrai pas sur les postes supprimés à l'ONF en dépit des tours de passe-passe du Gouvernement pour le masquer, mais je voudrais dire que si nous accablons souvent cet organisme, je ne connais pas beaucoup d'établissements publics qui, en l'espace de vingt ans, ont perdu près de 40 % de leur personnel, alors que la forêt à continuer à s'étendre - ainsi que les contraintes afférentes à sa gestion. Nous devons arrêter d'alourdir le fardeau de l'ONF et accompagner ses agents dans une triple mission : sociétale, de production de bois et environnementale.
Mais nous ne devons pas oublier la forêt privée, dont les propriétaires n'ont pas les moyens pour relever les défis, non seulement de production, mais également de lutte contre les incendies. Je me réjouis donc que mes collègues soient aussi sensibles à abonder les moyens du CNPF.
Mon groupe ne votera pas les crédits de cette mission.
Concernant les assurances, je n'ai toujours pas compris comment nous allons pouvoir contourner cette moyenne olympique, sachant que la question se joue au niveau de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ; chaque fois que nous posons la question au ministre, nous n'avons pas de réponse. Je crains, comme Laurent Duplomb, qu'un dispositif pourtant relativement bien structuré ne se traduise par un échec ; dans ce cas les agriculteurs ne voudront plus entendre parler d'assurance avant longtemps !
Vous n'avez pas évoqué le plan stratégique national (PSN), déclinant la PAC, et la façon dont il va être mis en oeuvre, soutenu et éventuellement accompagné. Avez-vous étudié cette question, qui me paraît fondamentale ? Je pense notamment aux territoires qui sont en difficulté sur le plan agricole. Je fais allusion aux territoires de polyculture-élevage. Ces derniers bénéficient de dispositifs tels que l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), mais il faudrait sans doute inventer des dispositifs pour reconnaître leur spécificité et la nécessité de les accompagner.
Au sujet de l'eau, qu'en est-il en termes d'investissement et d'accompagnement ? En effet, quelles que soient les techniques utilisées, le coût sera élevé. De plus, je souhaiterais évoquer le sujet important de la gestion des projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE), qui impliquent les agriculteurs, mais pas seulement ; cet aspect, de même que l'évolution des pratiques culturales, sont-ils appréhendés dans ce budget ?
Enfin, s'il ne s'agit pas d'opposer les modèles d'élevage intensif et extensif, ces derniers doivent être reconnus et préservés. En effet, ils représentent un enjeu important pour les territoires, notamment en termes de qualité. Cependant, l'influenza aviaire les fragilise et entraîne la fermeture de certaines exploitations, ce qui est dommageable pour les exploitants, mais aussi pour les filières et territoires concernés.
Je siège ici depuis onze ans et, pour la onzième fois, je vais défendre les moyens de l'agriculture biologique. Aujourd'hui, la consommation stagne et la production augmente, un nombre grandissant d'agriculteurs faisant leur conversion. Ainsi, un pan entier de l'économie agricole se retrouve en difficulté. En juin dernier, quand la filière porcine a été fragilisée, 20 millions d'euros lui ont été dédiés. Que fait-on pour aider l'agriculture biologique ? On devrait la considérer comme une filière comme les autres, et la préserver.
Je rappelle au passage les aménités positives apportées par cette forme d'agriculture et les externalités négatives produites par l'agriculture conventionnelle. À titre d'exemple, si l'on considère la qualité de l'eau, entre 1 et 1,5 milliard d'euros sont dépensés chaque année, rien que pour limiter la présence de nitrates et de pesticides dans l'eau. Or l'agriculture biologique n'a aucune incidence négative sur cette question.
L'agriculture biologique doit être soutenue en termes de communication et l'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique (Agence bio) a besoin de moyens supplémentaires pour assurer sa mission. De plus, il importe de soutenir l'enseignement agricole et la recherche en la matière, et en particulier l'institut technique de l'agriculture biologique (Itab), qui n'a pas les moyens de mener ses travaux.
Pour conclure, si nous reconnaissons des avancées, ce qui est proposé en matière d'agriculture biologique demeure décevant. Par ailleurs, les élevages de plein air méritent d'être davantage soutenus ; il s'agit pour eux d'une question de survie. Pour ces raisons, nous nous abstiendrons sur les crédits de la mission.
Je partage les conclusions des rapporteurs et souhaiterais revenir sur l'importance de l'amendement prévoyant des fonds supplémentaires pour la vaccination. En effet, l'influenza aviaire, dont nous parlons beaucoup en ce moment, ne doit pas cacher le risque représenté pour nos élevages par d'autres maladies, dont la propagation pourrait être évitée ou limitée grâce à des vaccins adaptés. Il faut donc consacrer les fonds nécessaires à la recherche en la matière ; il s'agit d'une question sanitaire, mais aussi économique, très importante.
Je voudrais insister sur le mal-être agricole ; si je me réjouis de l'allocation de nouveaux crédits, des inquiétudes demeurent. Lors de la récente audition du ministre, j'ai posé des questions à ce sujet, mais il n'a pas eu le temps de répondre ; il devait le faire par écrit et j'attends toujours... Je les lui poserai de nouveau dans l'hémicycle.
Concernant les comités départementaux, seront-ils opérationnels d'ici la fin 2022, comme cela était prévu ?
En outre, je suis déçu de constater que les crédits consacrés au redressement des exploitations en difficulté, notamment ceux de l'aide à la relance des exploitations agricoles (Area), aient vu leur montant diminuer de 2 millions d'euros.
Par ailleurs, je suis préoccupé par le manque d'humanité des administrations vis-à-vis des agriculteurs, que signale le rapport et que nous avions déjà souligné. Résoudre ce problème ne coûterait rien à l'État puisqu'il s'agirait de donner des directives aux administrations, notamment à la Mutualité sociale agricole (MSA) et aux services administratifs, afin qu'ils fassent preuve d'une plus grande considération, notamment dans les courriers envoyés.
J'en viens à l'assurance récolte que beaucoup ont évoquée. Il semble que nous ayons mis la charrue avant les boeufs. En effet, nous aurions dû nous assurer que le rapport tant attendu sur la moyenne olympique ait le temps de décanter, même si je me réjouis que le débat ait enfin eu lieu. L'inquiétude perdure, les objectifs n'étant pas atteints.
Enfin, je suis moi aussi satisfait par la perspective de pérennisation du dispositif TO-DE, même si des problèmes d'acceptabilité demeurent du côté gouvernemental.
Je souhaiterais élargir notre réflexion. D'abord, nous évoquons souvent nombre de sujets techniques sans jamais parler de l'humain, qui devrait représenter la priorité. À ce titre, j'ai apprécié que le ministre de l'agriculture aborde ce volet lors de son audition.
Par ailleurs, j'aimerais que nous considérions le problème structurel qui touche l'élevage. En effet, la décapitalisation du cheptel français est de cet ordre et ce phénomène, s'il se poursuivait, aurait de terribles conséquences sociales, humaines, économiques et environnementales. Cependant, il n'y a pas de fatalité. Un repère me paraît important en la matière : pourquoi le lait est-il moins cher en France que dans les autres pays européens ? Il ne faut pas s'étonner ensuite de la décapitalisation comme du manque d'attractivité et d'intérêt suscités par la filière, notamment auprès des jeunes qui sortent de formation.
Un véritable travail de fond et de réflexion s'impose, dont le Sénat pourrait avoir l'initiative. J'ai souvent dressé un parallèle entre ce sujet alimentaire et ce que nous vivons dans le domaine de l'énergie, où des mutations aux conséquences aussi lourdes sont à l'oeuvre et où l'on voit les problèmes arriver sans être capables de bien y répondre.
La semaine dernière encore, j'entendais des agriculteurs faire part de la pression qu'ils subissaient, notamment en matière de contrôles ; comment l'action publique s'est-elle déshumanisée à ce point ? Il nous faut tenter d'apporter des solutions.
Je voudrais revenir sur l'élevage en plein air, qui rencontre d'importantes difficultés liées à l'influenza aviaire. Alors que ces élevages connaissent une grande détresse, nous adoptons la stratégie de la fuite en avant, sans nous poser les vraies questions. En effet, nous parlons vaccination, mais il faudrait mener des études sur les causes de ces épidémies de plus en plus importantes et fréquentes.
En outre, le mot étant à la mode, il faudrait nous interroger et nous mettre d'accord sur ce que nous entendons par « souveraineté alimentaire ». À ma question, le ministre a répondu à côté.
Enfin, j'en viens à l'ONF, qui fait face aujourd'hui à des défis colossaux. Le ministre s'est engagé à ce que ses effectifs ne baissent pas en 2023, mais le contrat État-ONF pour 2021-2025 n'est pas rassurant. Le temps des positions défensives est révolu et il s'agit de passer à l'offensive, pour reconquérir les effectifs perdus, sans doute par centaines.
Merci pour vos interventions, qui ne semblent pas nécessiter de réponses de la part des rapporteurs, dont vous avez tous salué le travail.
En vous écoutant, une idée émerge qui me pousse à dire, comme Patrick Chauvet, que la situation de l'agriculture ressemble effectivement à celle du secteur énergétique. En effet, les réformes à mener sont structurellement lourdes et probablement de rupture, y compris en ce qui concerne des institutions comme l'ONF.
S'il faut questionner les moyens accordés, il s'agit aussi de s'interroger quant à la façon de faire. Cette réflexion de fond doit être menée, et il me semble que nous le faisons déjà au Sénat, à travers nos rapports, à travers les travaux des groupes d'études « Forêt et filière bois », « Élevage » et « Agriculture et alimentation ». Il s'agirait peut-être de revoir la structure générale afin de rattacher entre elles les questions abordées. Toutefois, ce que je souhaiterais, c'est que le travail de fond que nous produisons soit entendu, à la fois par le Gouvernement, mais aussi par les médias et la société française.
La souveraineté alimentaire se mesure à l'aune des importations, qui sont aujourd'hui massives. Ainsi, la France n'est plus à l'équilibre et la tendance demeure à la baisse, notamment en raison de la décapitalisation du cheptel, qui s'élevait à 1 % par an et atteint désormais 1,5 %. Cela peut paraître peu, mais c'est une augmentation de 50 %. Il sera difficile d'inverser la tendance et, sur le terrain, on observe une terrible morosité ambiante chez les agriculteurs.
Enfin, je m'inquiète quant à la transmission des exploitations. Aujourd'hui, l'agriculture n'est pas attractive et il est difficile de renouveler les chefs d'exploitation, notamment dans le domaine de l'élevage laitier où le coût de la main-d'oeuvre, souvent familiale, est faible. Près de 60 % des exploitations ne trouvent pas de repreneurs. Cette tendance lourde de l'agriculture en régression engendre de l'inquiétude. Nous semblons être entrés dans un cycle long et nous aurons beaucoup de mal à remonter la pente, comme c'est le cas dans le domaine de l'énergie.
Vous décrivez ici les conclusions du rapport que vous avez présenté, Serge Mérillou, avec Pierre Louault et Laurent Duplomb, sur la compétitivité de la ferme France. En effet, nous devons nous montrer très attentifs à ce qui se passe et aux possibles conséquences en matière de souveraineté pour le pays agricole que nous sommes. Je vous conseille la lecture d'un article de la journaliste Emmanuelle Ducros, dans l'Opinion, ce matin, sur la précarité alimentaire et les conséquences sociales de la situation agricole dans laquelle nous sommes.
Nous en venons à l'examen des amendements.
L'amendement II-367 vise à revaloriser les montants dédiés au réseau des chambres d'agriculture. En effet, le réseau n'a pu compenser l'impact de la hausse du point d'indice de la fonction publique par une hausse de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti, ni par une hausse de la subvention pour charges de service public. Si l'on souhaite apporter une assistance importante à l'agriculture pour lui permettre de franchir les différents caps que nous avons décrits aujourd'hui, il faut s'en donner les moyens. Cet amendement prévoit donc de majorer de 11 millions d'euros les crédits de l'action n° 27 du programme 149.
L'amendement II-367 est adopté.
L'amendement II-369 vise à mettre en adéquation les différents logiciels et systèmes informatiques dédiés à l'enregistrement des animaux et de leurs mouvements. En effet, si la France est championne en termes de traçabilité des animaux, depuis la naissance jusqu'à l'abattage, il nous faut moderniser ce système et il manque pour ce faire 6 millions d'euros, que cet amendement vise à allouer.
J'en profite pour dire un mot du Casdar, plafonné à 126 millions d'euros. Le ministre ayant annoncé qu'au moins 17 millions d'euros d'excédents de collecte pourraient être reversés dans le circuit, le Casdar pourrait s'élever à 143 millions d'euros, voire plus. Si c'était plus, on pourrait trouver facilement ces 6 millions d'euros, qui doivent servir à accompagner un système qui fonctionne et permet notamment de gérer les épidémies quand elles se déclarent.
Ce sujet est d'une grande importance. J'en ai fait l'expérience en tant que responsable agricole pendant la crise de la vache folle. La France a été pionnière en matière d'identification pérenne généralisée (IPG) et de traçabilité, qui ont été mises en oeuvre grâce à des financements des éleveurs et des pouvoirs publics. Cette question est stratégique et on ne peut imaginer que les éleveurs soient abandonnés. Il s'agit d'un investissement sociétal, qui ne concerne pas seulement les agriculteurs, mais permet aussi au consommateur, où qu'il soit, d'avoir accès à une traçabilité complète. La France a été exemplaire en la matière et doit le rester.
Encore un mot sur le Casdar : il s'agit d'un compte abondé seulement par les agriculteurs, dont le reste à utiliser ne doit pas être versé au budget général, mais réaffecté à des fins de recherche et d'innovation.
L'amendement II-369 est adopté.
L'amendement II-368 vise à augmenter de 9 millions d'euros les crédits alloués à la recherche sur la vaccination, de manière à anticiper les crises sanitaires. Ces crédits s'élèveraient ainsi à 10 millions d'euros. Je rappelle qu'1 milliard d'euros ont été dépensés en indemnisations depuis l'an dernier.
L'amendement II-368 est adopté.
L'amendement II-370 vise à aider le Gouvernement à assumer ses propositions en finançant 20 ETP pour l'ONF pour un coût de 1,1 million d'euros.
L'amendement II-371 vise quant à lui à augmenter de 1,3 million d'euros les crédits alloués au CNPF, afin de couvrir la création de 20 ETP - les 20 emplois coûtant donc moins cher à l'ONF qu'au CNPF.
Les amendements II-370 et II-371 sont adoptés.
Je suis très heureux de constater que les amendements ont été votés à l'unanimité, si l'on excepte les abstentions. En effet, malgré le rejet des crédits de la mission, ils permettent de montrer que nous cherchons à apporter des améliorations.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ainsi qu'à l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
rapporteur pour avis des programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement » et « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat ». - Si vous écoutez le bruit ambiant, vous aurez l'impression qu'il n'est question que de rénovation énergétique des logements et plus de constructions neuves. Il ne s'agit pas de nier - bien au contraire - l'importance de la transition énergétique. Cependant, nous observons ici le signe d'un certain pessimisme et de l'adoption progressive d'une vision décroissante voire décliniste qui, sous prétexte de protéger les générations futures, ne leur laisse que bien peu de place pour construire leur vie.
Beaucoup de projets font même face à une obstruction qui décourage les maires comme les promoteurs. Le logement ne fait pas encore l'objet d'actions violentes mais on observe un mécontentement s'exprimer dans certains territoires, par rapport à des sujets tels que les locations touristiques ou les meublés de tourisme. Ainsi, au mois de novembre 2021, des milliers d'actifs ne parvenant plus à se loger ont manifesté à Bayonne.
Si l'on ne peut que s'inquiéter pour les années à venir, il nous faut pourtant tenir ces deux objectifs : rendre plus sobres les logements pour atteindre la neutralité carbone et continuer de construire pour soulager les zones tendues, afin d'offrir à nos concitoyens un toit ainsi qu'un parcours résidentiel, sources d'épanouissement familial et personnel.
C'est en gardant en tête cette double perspective que je vous propose d'aborder l'examen des crédits « Logement », avant de m'intéresser plus spécifiquement au financement du logement et à l'avenir d'Action Logement, aux enjeux de la rénovation thermique et aux pistes de soutien à la construction.
Je vous propose donc de commencer par l'examen du budget proposé pour 2023 pour les trois programmes de la mission cohésion des territoires dédiés à cette question, les 109, 135 et 177.
Dans un contexte où l'inflation anticipée est de 4,2 %, les crédits de la mission « Cohésion des territoires » et ceux des trois programmes dédiés au logement progressent de 3,9 %, pour atteindre 16,9 milliards d'euros.
De plus, les dépenses fiscales représentent un montant équivalent au budget lui-même, les taux de TVA réduits pour les travaux - 10 % pour l'entretien et 5,5 % pour les économies d'énergie - pesant le plus lourd dans ce total, pour un montant de 6,5 milliards d'euros.
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 est un budget de transition qui ne marque pas d'inflexion importante, sauf en ce qui concerne les crédits dévolus à l'Agence nationale de l'habitat (Anah).
Le premier poste reste le programme 109 « Aide à l'accès au logement » dédié au financement des aides personnelles au logement (APL), qui pèse à lui seul 13,3 milliards d'euros et connaît cette année une augmentation de 292 millions d'euros. Cette hausse ne s'explique ni par un coup de pouce spécifique ni par un regret quant aux mesures passées, mais traduit les décisions votées cet été dans le cadre de la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat : la revalorisation de 3,5 % des APL en raison de l'inflation et le plafonnement à 3,5 % de la hausse de l'indice de référence des loyers (IRL).
Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » représente le deuxième poste puisqu'il pèse 2,8 milliards d'euros. Il est consacré à l'hébergement et à l'insertion des personnes vulnérables dans le logement. La dynamique budgétaire est davantage portée par des sous-jacents comme la revalorisation des métiers du secteur « accueil, hébergement, insertion » (AHI) - avec 148 millions d'euros supplémentaires en 2023 -, que par de nouveaux développements en matière de Logement d'abord - dont les crédits augmentent de 44 millions d'euros.
Depuis plusieurs années, les crédits inscrits dans les PLF successifs sont toujours inférieurs à ceux qui sont exécutés, notre pays restant fidèle au principe de l'accueil inconditionnel. Ainsi, le Gouvernement a accepté d'abonder le budget initial de 40 millions d'euros à la suite d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale pour maintenir environ 195 000 places d'hébergement et a renoncé à en baisser le nombre. Cependant, compte tenu d'une pression migratoire qui se maintient à un niveau élevé, la politique du Logement d'abord, qui consiste à permettre aux personnes précaires d'accéder directement à une solution durable, notamment accompagnée socialement, ne parvient pas à faire reculer le recours à l'hébergement d'urgence ou aux nuitées hôtelières.
Dans ce contexte compliqué, le programme 177 joue le rôle de dernier filet de sécurité pour des populations en grande difficulté. À ce titre, je souhaite que tous les personnels des services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO), qui assurent la prise en charge, soient traités de la même manière. Ainsi, les écoutants du 115 ne doivent pas rester les seuls à ne pas bénéficier de la revalorisation des rémunérations du secteur AHI et je vous proposerai un amendement en ce sens.
Le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » constitue le troisième volet du budget et atteindra 780 millions d'euros, ce qui représente une progression de 47,4 %. Cette évolution s'explique par l'accroissement significatif des moyens de l'Anah. Le programme 135 pourvoit aux moyens de fonctionnement et d'investissement de l'Agence tandis que les aides sont financées par le programme 174, qui vient d'être présenté par Daniel Gremillet. La contribution du programme 135 à l'Anah passera de 170 à 404 millions d'euros. Cette hausse recouvre la création de 25 postes supplémentaires, le déploiement du réseau France Rénov' et la préparation de Ma Prime Adapt', qui sera dédiée à l'adaptation des logements au vieillissement de la population.
Ce budget prolonge plus qu'il n'initie ou ne fait des choix. Cet entre-deux est particulièrement sensible pour trois dossiers clés : le financement du logement et du logement social en particulier, la rénovation et la construction neuve.
Je voudrais d'abord aborder le financement du logement en général, à travers la situation d'Action Logement, ainsi que le financement du logement social, à travers le Fonds national des aides à la pierre (Fnap) et l'avenir de la réduction de loyer de solidarité (RLS). L'ensemble est intimement lié.
En 2023, le Gouvernement contraindra une nouvelle fois Action Logement à verser 300 millions d'euros, dans le cadre de l'article 16 du PLF. Mais, cette année, la contribution se fera au profit du Fnap et elle est présentée comme s'inscrivant dans la continuité de l'accord trouvé autour de la RLS. Cela concrétise les craintes que j'avais exprimées l'an passé, même si une telle issue n'était pas inévitable. Ainsi, le Gouvernement aurait pu consentir à reprendre la part qui devrait lui revenir dans ce fonds de financement du logement social et qui, de manière paradoxale, est depuis plusieurs années financée par les bailleurs sociaux eux-mêmes et dont la trésorerie est versée automatiquement à l'État...
Malgré mon opposition de principe à ce procédé, nous sommes démunis en tant que parlementaires. La suppression de l'article 16 ferait porter le poids, en l'état des textes, sur les bailleurs sociaux. Par ailleurs l'article 40 nous empêche de transférer la charge à l'État comme il serait légitime de le faire. Enfin, la réduction de la contribution d'Action Logement réduirait les moyens du Fnap et empêcherait de mobiliser les reliquats pour la rénovation ou l'augmentation de l'aide unitaire au logement dans un contexte de hausse des coûts.
Cette nouvelle captation des ressources d'Action Logement, qui s'est opérée sans concertation, s'inscrit dans un contexte préoccupant pour le groupe paritaire. En effet, le 31 août dernier, le directeur général de l'Insee a pris la décision - apparemment technique - de classer sa filiale Action Logement Services (ALS), responsable de la collecte et de la distribution de la participation des employeurs à l'effort de construction (Peec), comme une administration publique, faisant entrer le solde de ses comptes et sa dette dans ceux de l'État, au sens des critères du traité de Maastricht. L'impact de cette opération n'est d'ailleurs pas négligeable puisqu'elle entraine un endettement supplémentaire de 0,3 point de PIB.
De plus, cette décision pourrait conduire le ministre des comptes publics à classer ALS parmi les Organismes divers d'administration centrale (Odac), où sont notamment regroupés les grandes agences ou instituts de l'État. L'une des principales conséquences serait l'interdiction pour ALS de s'endetter à plus de 12 mois, sauf exception prévue par la loi, ce qui transformerait profondément son modèle de financement et de fonctionnement, et menacerait sa capacité à remplir ses engagements financiers vis-à-vis de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) ou du programme Action Coeur de ville (ACV).
Action Logement a déposé des recours gracieux auprès de l'Insee et de Bercy, qui sont en cours d'instruction.
Si ce processus allait à son terme, il conduirait à une scission de fait au sein du groupe Action Logement, l'État contrôlant étroitement la collecte et l'emploi de la Peec. L'un de ses objectifs pourrait être de s'assurer de l'équilibre des ressources et des dépenses en arbitrant directement entre le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), le Fnap, ACV ou la garantie Visale. Les partenaires sociaux ne conserveraient sans doute qu'une très faible marge de manoeuvre en dehors de la gestion des filiales immobilières. Ainsi, cela préempterait largement la négociation de la convention quinquennale qui a pour but d'établir un accord entre Action Logement et l'État sur l'emploi de la Peec.
Néanmoins, l'avenir n'est pas écrit et il ne va pas de soi qu'un organisme paritaire collectant une contribution des entreprises pour partie volontaire soit classé comme Odac. L'acceptation des entreprises n'est d'ailleurs pas acquise. J'ajoute que le secteur du logement a un intérêt stratégique à ce qu'Action Logement reste un acteur autonome, à la fois philosophiquement, comme héritier et incarnation du pacte social d'après-guerre entre patrons et salariés, mais aussi financièrement, la Peec étant, avec le Livret A, l'une des « deux mamelles » du logement pour reprendre la formule de Sully. Si la contribution d'Action Logement au Fnap en 2023 protège momentanément les ressources des bailleurs sociaux, elle pourrait être une sécurité très provisoire face aux besoins comptables du ministère du budget.
Concernant le Fnap lui-même, l'État a fait le choix en 2023 de mobiliser les reliquats, soit environ 200 millions d'euros, en raison d'opérations abandonnées, au service de la rénovation thermique dans le secteur HLM. Derrière l'effet d'annonce, ce montant ne représente pas une enveloppe nouvelle de l'État mais provient des fonds des bailleurs sociaux eux-mêmes. Ainsi, elle aurait pu être affectée à la construction neuve de logements sociaux, dont nous avons tant besoin. Enfin, elle est inférieure à l'aide apportée par le plan de relance. En l'état, cette enveloppe ne pourra d'ailleurs pas être renouvelée en 2024 avec les mêmes sources de financement ; l'État sera-t-il au rendez-vous ?
Enfin, la question du financement du logement social au cours du quinquennat et de la prolongation de la RLS se pose. Nous devrions d'ailleurs plutôt évoquer les conditions de sa prolongation, tant les intentions du Gouvernement semblent limpides en la matière. Outre le prolongement des dispositifs propres au Fnap que je viens d'évoquer, l'article 41 ter du PLF, rattaché à la mission, aura pour but de maintenir son rendement à hauteur de 1,3 milliard d'euros en 2023. L'avenir est normalement soumis à la conclusion d'un « Pacte de confiance » entre l'État et l'Union sociale pour l'habitat (USH), sans doute au printemps prochain. La RLS a essentiellement été absorbée par les bailleurs grâce à un accroissement de l'endettement. Or la hausse des taux d'intérêt remet en cause ce modèle d'autant que les coûts de production sont en forte augmentation et que le parc social est confronté à l'impératif de rénovation des logements pour continuer à pouvoir les louer. Je vous présenterai donc un amendement sur ce point, pour que la pérennisation de facto de la RLS soit enfin discutée.
La rénovation des logements constitue le deuxième grand sujet de ce budget et des prochaines années dans ce domaine. La loi « Climat et résilience » a imposé un calendrier des rénovations, selon lequel les logements classés G, F et E ne pourront plus être loués à partir de 2025, 2028 et 2034. Cette interdiction s'appliquera dès le 1er janvier 2023 aux logements dits « G + », qui sont les plus énergivores. Ce calendrier très resserré est susceptible d'avoir des conséquences majeures.
L'Institut Paris Région a établi qu'en Île-de-France, il concernait 2,3 millions de logements, soit 45 % du parc de résidences principales selon l'ancien diagnostic de performance énergétique (DPE), le nouveau étant plus sévère. À Paris même, deux tiers du parc locatif est directement visé. Paris n'est pas la France mais cette étude montre le caractère crucial du sujet. Une enquête récente de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim) montre que, devant ce défi, beaucoup de bailleurs privés pourraient baisser les bras. Un quart pourrait vendre à des occupants qui ne feront pas nécessairement les travaux. De plus, entre 5 % et 10 % pourraient opter pour les meublés de tourisme qui ne sont pas soumis à cette réglementation. Les y soumettre, comme le ministre du logement a indiqué vouloir le faire, ne règlera pas le problème qui est autant un sujet de financement que de séquencement face aux capacités limitées des professionnels à mener à bien les travaux. Enfin, la fiabilité du lien entre la réalisation de travaux et le saut en termes d'étiquette énergétique reste un sujet non réglé.
Dans ce ciel chargé, le projet de loi de finances rectificative (PLFR) et le PLF apportent quelques éclaircies.
Tout d'abord, dans le cadre du PLFR, un amendement a été adopté à l'Assemblée nationale visant à doubler le déficit foncier, qui correspond à la part des charges supérieure aux revenus fonciers et peut être déduit du revenu global, salaire ou pension de retraites, pour faire diminuer l'impôt sur le revenu. Cette mesure était très attendue par les propriétaires effectuant des travaux dans des logements énergivores et nous l'avions votée dans la loi « Climat et résilience », mais elle n'était pas restée dans le texte. Nous saluons donc ce doublement du déficit foncier jusqu'en 2025, même s'il arrive un peu tardivement.
En outre, les moyens de l'Anah vont fortement augmenter dans le PLF puisque son budget s'accroît de 900 millions d'euros à travers le programme 174 et de 219 millions d'euros grâce à l'affectation de recettes de quotas carbone. L'Anah a été fortement critiquée par la Cour des comptes l'an passé et cette année par le Défenseur des droits. En effet, il semble de bon ton de lui faire porter la responsabilité du retard français en matière de rénovation énergétique des logements. Cependant, cela me parait assez injuste. L'Anah est au contraire le symbole et le symptôme du réveil de notre pays sur cette question, mais aussi de nos difficultés et de nos insuffisances. Je voudrais rappeler qu'entre 2019 et 2023, le plafond d'emplois de l'Anah aura été multiplié par deux, passant de 115 à 232 emplois équivalents temps plein (ETP). Entre 2019 et 2021, toutes aides confondues, les décaissements ont été multipliés par trois, le nombre de logements aidés par cinq.
Ainsi, Ma Prime Rénov' a été attribuée à 644 000 logements en 2021, pour un total de 2 milliards d'euros et un montant moyen de 3 200 euros. Dans 80 % des cas, il s'agit comme prévu de mono-gestes, concernant des systèmes de chauffage dans 70 % des cas. De plus, 85 % des aides sont attribués en moins de quinze jours. Seuls 500 à 600 dossiers sont bloqués et font l'objet d'un traitement individuel, qui devrait permettre de résoudre 90 % des cas d'ici la fin de l'année.
Je serai donc moins sévère que Daniel Gremillet quant à l'Anah, d'autant qu'elle est aussi confrontée à une importante transformation interne. Certes, des insuffisances demeurent, mais il ne faut pas décourager ses équipes.
Cependant, l'Anah doit encore réussir à massifier l'accompagnement pour entraîner la massification des rénovations globales. En effet, les rénovations relèvent encore trop largement du mono-geste, ce qui doit changer dans la perspective de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Sans minimiser le problème, les chiffres sont tout de même encourageants. Ainsi, Ma Prime Rénov' Sérénité, consacrée à la rénovation globale, a permis de rénover plus de 41 000 logements en 2021, dont plus de 23 000 ont bénéficié d'une bonification pour sortie de passoire thermique.
Par ailleurs, Ma Prime Rénov' Copropriétés commence à monter en puissance, bien que lentement en raison de la difficulté de faire voter des travaux en assemblée générale. En 2021, elle a concerné 12 000 logements. Les solutions passent certainement par une plus grande aide accordée aux propriétaires modestes, pour lesquels la prime pourrait être doublée, ce que j'ai demandé au ministre. Des solutions juridiques peuvent aussi être envisagées pour rendre solidaires les propriétaires. En effet, dans un même immeuble, les logements n'ont pas forcément la même étiquette et les propriétaires ne sont pas tous pressés de la même manière par le calendrier. Il faut donc réfléchir à des solutions telles que l'opposabilité du DPE collectif pour un immeuble ou du vote du programme pluriannuel de travaux.
Dans le parc social, les enjeux de rénovation thermique sont relativement moins importants en proportion - environ 1,2 millions de logements à traiter avant 2034 - mais posent aussi des questions différentes. Les bailleurs sociaux sont des acteurs institutionnels, qui peuvent entreprendre des rénovations de masse rentabilisées sur de longues durées. Ils se projettent par ailleurs au-delà de 2034 et envisagent dès aujourd'hui l'avenir de leur patrimoine à l'horizon 2050, date à laquelle un maximum de logements devra avoir atteint les classes A ou B selon la SNBC.
La question se pose donc pour eux en termes de stratégie de patrimoine, de savoir s'ils ne doivent pas dès aujourd'hui organiser des rénovations dans cette perspective, afin de ne pas faire plusieurs des travaux et de les rentabiliser au plus tôt. Pour donner un ordre de grandeur, le coût moyen d'une réhabilitation thermique serait de l'ordre de 38 000 euros, celui d'une rénovation donnant une seconde vie au bâtiment allant au-delà de 2050 serait d'environ 100 000 euros, à comparer avec un coût de 158 000 euros pour une construction neuve. Les bailleurs sociaux envisagent de réaliser environ 10 000 rénovations « seconde vie » par an dans un premier temps.
Pour cela, ils demandent que ces opérations soient aidées par des subventions du Fnap, des prêts à long terme de la Caisse des Dépôts, mais aussi en termes de fiscalité, par une TVA à taux réduit et une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), ainsi qu'un reconventionnement des loyers comme des logements neufs. La démarche est prometteuse et offre une vision stratégique qui manque dans le secteur du côté de l'exécutif. Elle permet aussi de s'organiser pour viser clairement l'horizon 2050, ce que j'avais plaidé dans le cadre de la loi « Climat et résilience », en proposant d'intégrer dès aujourd'hui les logements D à la réflexion.
Je terminerai en disant quelques mots de la construction neuve. Elle est en berne. Du côté des logements sociaux, Emmanuelle Wargon avait affiché l'objectif de 250 000 logements en deux ans et on ne franchira peut-être pas le seuil des 180 000 agréments. Du côté des autres constructions, les évolutions sont moins lisibles. En effet, on constate d'une part une forte augmentation conjoncturelle du nombre de permis de construire délivrés - 523 000 entre septembre 2021 et août 2022 - en raison du bouclage des projets antérieurs à la réglementation environnementale RE 2020. Cependant, les biens mis en vente baissent de 10 % et les réservations de 20 % au cours du dernier trimestre, ce qui est inquiétant. Parallèlement, l'indice du coût de la construction a augmenté de 8 % en un an selon l'Insee.
Notre analyse doit se porter au-delà de la conjoncture et le domaine du logement s'inscrit dans le temps long. Il est essentiel de donner de la visibilité aux outils fiscaux et au cadre juridique pour les investisseurs. En effet notre pays a préféré multiplier les niches plutôt que de réfléchir à un cadre global et stable, que je nomme « statut du bailleur privé ». Je me réjouis que le ministre et d'autres me rejoignent sur le principe, même si je ne suis pas sûre que nous en ayons la même vision.
En outre, il nous faut réhabiliter l'acte de construire et retrouver le mode d'emploi avec les maires. Depuis la suppression de la taxe d'habitation, nous sommes confrontés à un problème. La commission Rebsamen a obtenu l'an passé une compensation partielle et temporaire par l'État de l'exonération de TFPB des nouveaux logements sociaux, ce qui est bien mais très insuffisant. En effet, cette mesure ne concerne que les constructions à venir et ne vise que 10 ans d'exonération au lieu de 25. La Fédération des promoteurs immobiliers a proposé d'attribuer aux communes une fraction de la TVA sur la construction neuve, ce qui constitue une idée à creuser.
Par ailleurs, le « zéro artificialisation nette » (ZAN) fait figure d'épée de Damoclès au-dessus de tous les projets. La mission de contrôle que conduisent Valérie Létard et Jean-Baptiste Blanc fera bientôt des propositions à ce sujet, afin de sortir de ce paradoxe, relevé avec humour par notre collègue Jean-Marc Boyer : « construire moins pour loger plus ».
Enfin, je rappellerai qu'un parcours résidentiel fluide, notamment entre location et accession, représente l'une des clés pour sortir des difficultés actuelles. C'est la raison pour laquelle, comme chaque année depuis sa suppression, je proposerai un amendement pour rétablir l'APL accession. Si nous le votons systématiquement au Sénat depuis 2018, l'Assemblée nationale n'a cessé de le supprimer au prétexte de vouloir économiser, alors que cela ne coûterait que 50 millions d'euros, tout en permettant à de nombreux citoyens d'accéder à la propriété, plus particulièrement dans les territoires tendus.
En conclusion, nous sommes face à un budget de transition, empreint de plus de continuité que de nouveauté. Des intentions intéressantes sont énoncées, d'autres nous inquiètent. Le Gouvernement n'a pas vraiment abattu son jeu ni défini son cap. Plusieurs sujets cruciaux pour l'avenir du logement vont être discutés au cours des prochains mois ; il nous faudra être particulièrement vigilants.
Dans ce contexte, je ne souhaite pas afficher une opposition de principe, qui ne donnerait pas sa chance à la négociation ou à des compromis constructifs. Mais je ne souhaite pas non plus accorder un blanc-seing qui donnerait l'impression que nous soutiendrions des évolutions que nous désapprouvons et sur lesquelles nous avons mis en garde les Gouvernements successifs.
Je vous propose donc une abstention engagée, exigeante et même combative, dans l'attente des décisions que le Gouvernement prendra en matière de logement pour le reste du quinquennat.
Je remercie d'abord Dominique Estrosi Sassone pour ce brillant rapport.
La commission des finances s'est réunie le 15 novembre et, sur ma proposition, s'en est remise à la sagesse du Sénat concernant l'adoption des crédits de la mission. En effet, ce budget consacre l'absence de lisibilité de la politique du Gouvernement en matière de logement et d'urbanisme.
Je rappelle que les crédits sont en légère augmentation en euros courants, mais en diminution de 1,9 % en euros, compte tenu du niveau élevé d'inflation attendu pour 2023. En ce qui concerne le programme 177, on nous répétait qu'avec la fin de la crise sanitaire, le parc d'hébergement serait réduit de façon modérée en 2023, ce qui ne sera pas le cas puisque le Gouvernement a demandé 40 millions d'euros supplémentaires. Je crains cependant que cela ne soit pas suffisant, les crédits demandés pour 2023 étant moins élevés que ceux de 2022 si l'on tient compte des crédits ouverts en cours d'année.
En outre, le Gouvernement n'a pas encore annoncé ses objectifs en matière de Logement d'abord, pour lequel il risque de demander une ouverture de crédits en cours d'année. Il s'agit donc bien d'une navigation à vue, une fois de plus.
En matière d'aide au logement, le programme 109 porte sur les aides de guichet non pilotables. Or malgré leur coût élevé, les prestations sociales couvrent une part de plus en plus réduite des dépenses courantes et des ménages, et les dépenses de logement augmentent. Malgré les mesures prises, les ménages font face au poids croissant de l'inflation.
De plus, je dois souligner que la réforme de la loi organique relative aux lois de finances va nécessiter une modification du schéma de financement des APL. En effet, le Fonds national d'aide au logement (Fnal) ne pourra plus recevoir le produit des cotisations des employeurs en 2025.
S'agissant du programme 135, le secteur de la construction comme celui du logement social s'inquiètent devant la hausse des coûts et des taux, comme devant la difficulté d'obtenir des permis de construire. Pour sa part, l'Anah reçoit une dotation bien plus importante pour la rénovation énergétique, mais il ne suffit pas d'injecter des subventions. Les rénovations globales devraient constituer un objectif, mais elles souffrent de leur complexité pour les particuliers comme du manque d'un écosystème d'entreprises capables de les conduire.
En ce qui concerne, l'urbanisme et la construction, je regrette que le PLF n'apporte rien à la définition d'un modèle de financement du ZAN. Nous ne sommes pas entendus sur le sujet et cela est inquiétant. La commission des finances tirera les conséquences du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, qui ouvre de nombreuses pistes. Ainsi, nous mettrons probablement en place une commission - et il faudra le faire ensemble, madame la présidente - pour trouver un financement et une fiscalité locale pour le ZAN.
Par ailleurs, le fonds friches a fait l'objet d'une forte mobilisation dans les territoires, qui se dilue dans le fonds vert pour lequel le Gouvernement ne donne que peu de visibilité. Je crains la démobilisation des acteurs sur toutes ces questions et il en va de même pour la politique de la ville.
En effet, les résultats de cette politique sont toujours aussi peu visibles quant à la situation des habitants des quartiers. Ensuite, le Gouvernement ne montre pas plus de volonté que les années précédentes de mettre en oeuvre son engagement à contribuer au financement du nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU), puisque la dotation budgétaire de celui-ci est toujours limitée à 15 millions d'euros alors que l'Anru doit désormais décaisser plus de 500 millions d'euros par an. Or Action Logement est le principal financeur de l'Anru. Au sujet d'Action Logement, je m'associe en tous points à l'analyse réalisée par Dominique Estrosi Sassone. Le sujet est grave. L'organisme a été mis sous forte pression par le Gouvernement qui lui impose à présent de participer au financement du Fnap pour un montant de 300 millions d'euros.
En raison de ce manque global de lisibilité, la commission des finances a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat, étant entendu que nous avons donné un avis favorable à l'adoption de article rattaché 41 ter. En effet, il s'agit d'une mesure de désindexation de la réduction du loyer de solidarité, qui n'allège pas vraiment la charge pesant sur les bailleurs sociaux mais évite de l'augmenter.
Je vous proposerai un amendement à l'article 41 ter. L'article a été introduit à l'Assemblée nationale afin de ne pas dépasser l'objectif d'un rendement budgétaire de 1,3 milliard d'euros pour la RLS. Nous n'avons pas de visibilité sur la RLS, mais nous sommes convaincus que le Gouvernement pérennise ce dispositif de fait. Nous nous étions mobilisés pour dénoncer un mauvais coup porté au monde du logement social, qui allait obérer les capacités d'autofinancement, ce qui s'est effectivement passé. Le Gouvernement avait annoncé que la RLS serait en application jusqu'en 2022, mais il s'agit à présent d'acter de nouveau le fait qu'en 2023.
Je voudrais de nouveau interpeller le Gouvernement pour le pousser à dire qu'il est en train de pérenniser la RLS. La seule possibilité de le faire, même si ce n'est pas dans nos habitudes, est de demander un rapport. Il devra être finalisé sous quatre mois parce que c'est au printemps que l'USH pourrait signer le Pacte de confiance avec le Gouvernement. Le Gouvernement devrait jouer cartes sur table avant cette échéance et informer le Parlement des conséquences d'un tel dispositif, pour répondre à ce qui nous préoccupe au premier chef : la demande de construction de logements sociaux et de rénovation énergétique.
Mon groupe est d'accord avec nombre des analyses et propositions faites par Dominique Estrosi Sassone, même si nous ne partageons pas tout à fait la même vision de ce que doit contenir le concept de « statut du bailleur privé ».
Notre groupe votera contre ces crédits parce qu'il y a trop de non-dits. En étudiant les documents publiés par la haute administration, de Bercy ou du logement, nous comprenons ce qu'ils ont théorisé : il faut construire moins. Ils semblent le justifier en arguant de la baisse démographique prévue. Mais cette baisse n'est pas certaine. De plus, le processus de décohabitation est toujours en cours et le mal-logement reste considérable. Enfin, pour procéder à leur calcul, ils divisent le nombre de logements et de mètres carrés par le nombre d'habitants, pour arriver à la conclusion qu'il y en a assez. Comme si tout le monde allait trouver un logement, spontanément et sur chaque territoire ! Comme ils refusent d'observer la situation de manière objective et de planifier de façon souple en fonction des besoins des territoires, la crise est chronique. Cependant, si la construction n'est plus un enjeu pour le Gouvernement, il se garde d'en faire part aux Français pour qui cette idée est inaudible.
J'en profite pour préciser que nous n'avons pas seulement besoin de constructions en zones tendues. En effet, d'autres besoins se font sentir en zones détendues, en moindre quantité et d'une autre nature qualitative. Les besoins dans les territoires sont variés et doivent être redéfinis.
En ce qui concerne le logement social et Action Logement, je voudrais rappeler que pour la partie énergétique, le plan de relance avait consacré 200 millions d'euros supplémentaires pour la rénovation des HLM sur deux ans. La première année, tout était déjà consommé et des dossiers sont encore en attente. Pourtant, si l'on consacrait 500 millions d'euros par an à cette question, on entrainerait une accélération de la rénovation dans le logement social, qui tirerait la filière sur l'ensemble du territoire.
Par ailleurs, nous sommes pris en étau sur la question d'Action Logement. En effet, si nous baissons sa contribution, l'État ne compensera pas. En même temps, on ne peut cautionner la manière dont l'État conçoit l'avenir de cet organisme.
Nous pourrions préparer une résolution du Sénat sur Action Logement, sur sa conception et son avenir. En effet, il nous faut préserver cet outil et demander une clarification juridique. Je ne suis d'ailleurs pas étonnée qu'un problème juridique se pose, puisque nous n'avons pas bien calé, au regard des critères européens, la Peec et la garantie de pouvoir conserver l'autonomie paritaire de l'organisme. Il faut trouver les moyens de sauvegarder ce paritarisme, structurant pour notre modèle social depuis le Conseil national de la Résistance.
En outre, même avec la prime accession, il est difficile de trouver des accédants modestes, en province, qui parviennent à acheter un logement parce que les banques ne leur prêtent pas en raison d'apports personnels insuffisants. Le prêt à taux zéro (PTZ) répond en partie à cette problématique. Nous avions obtenu d'Action Logement la création pour les salariés modestes d'une prime de 10 000 euros pour l'accession sociale. Cependant, il n'est pas certain qu'Action Logement puisse encore mettre en oeuvre ce dispositif. De plus, la mesure ne concerne pas les fonctionnaires, notamment ceux dont les métiers sont essentiels. Je déposerai donc un amendement pour que cette prime soit élargie, grâce à des financements de l'État, aux travailleurs essentiels dont les entreprises ne cotisent pas au dispositif du 1 % logement.
Quand nous avons entendu M. Béchu, qui est pourtant un élu local, dès que nous avons parlé logement, il a renvoyé la responsabilité vers les copropriétés ou les bâtiments publics. Mais la question des logements et de la fameuse résorption des passoires énergétiques reste aberrante.
Sans vision planifiée - au sens gaulliste du terme - établie avec les territoires dans un mouvement de consultation puis de planification centrale, nous n'atteindrons pas les objectifs fixés et les Français auront le sentiment que la classe politique leur ment. Peut-être faudrait-il demander à François Bayrou d'être entendu puisqu'il est chargé de la planification...
Je voudrais commencer par saluer la grande qualité du rapport dont je partage l'analyse, notamment en ce qui concerne la manière dont l'État nous emmène dans une direction qui interroge. Le Sénat devrait s'emparer de la question et produire un travail de fond. En effet, nous nous trouvons à la croisée des chemins et il est temps de mettre en oeuvre une véritable vision pour les politiques du logement, incluant les modes de financement et les moyens de mobiliser les acteurs, pour ne plus subir les choix imposés par l'État, dont on mesure aujourd'hui l'énormité des conséquences.
Mon groupe est très sensible à la question du logement social et nous tenons à ce que notre pacte social d'après-guerre soit préservé. Il faut être au rendez-vous pour le logement des salariés, des plus modestes et des plus démunis. Pour ce faire, il faut préserver Action Logement. Depuis son origine, cet organisme doit être financé de façon paritaire. Néanmoins, puisque chaque année l'État ne contribue plus, on finit par le reclasser en administration publique ! Action Logement a joué son rôle d'acteur solidaire des politiques du logement et aujourd'hui on explique que ce sont ses choix qui conduisent l'Insee à le reclasser ! Si nous prenons cette direction, de nombreuses questions se poseront : que deviendra Action Logement à terme ? Que deviendra la Peec ? Sera-t-elle toujours affectée au logement ?
L'État demande à Action Logement de remettre 300 millions d'euros au Fnap sans consultation, considérant qu'il s'agit de l'argent de l'État. C'est grave ! Nous changeons de paradigme et faire comme si tout cela était normal reviendrait à l'accepter. L'État doit contribuer à la politique du logement à la française. Notre pacte social d'après-guerre et le paritarisme en dépendent !
Je défendrai demain deux amendements pour proposer que la contribution d'Action Logement ne dépasse pas 150 millions d'euros et qu'elle se fasse dans le cadre de la convention quinquennale.
Lors de son audition devant notre commission, le ministre a affirmé qu'il fallait construire plus pour loger plus. Néanmoins, Marie-Noëlle Lienemann a bien expliqué comment, dans la haute fonction publique, on pense l'inverse. Il faudrait qu'un jour les objectifs du Gouvernement apparaissent de façon claire.
Par ailleurs, lors de cette audition, le ministre a expliqué qu'il fallait « redonner de la perméabilité ». Si quelqu'un pouvait m'expliquer ce que ces mots signifient...
En ce qui concerne Ma Prime Renov', je suis surpris par les éléments que vous a donnés le directeur de l'Anah et selon lesquels 85 % des demandes d'aides seraient traitées en quinze jours. Dans mon département, les demandes restent des mois sans nouvelle et l'Anah est injoignable.
Notre rapporteur a tout dit ! Je la rejoins sur l'idée qu'il s'agit d'un budget dans lequel les crédits sont stables voire en légère augmentation, mais qui ne dit rien des orientations nouvelles en matière de politique du logement. Cela est catastrophique. Bruno Le Maire a dit qu'il n'y avait pas besoin de construire, mais si on ne construit pas, le modèle du logement social à la française sera remis en cause. Je rappelle que, dans le cadre du modèle actuel, deux tiers des ménages sont éligibles au logement social et que 2,2 millions de Français attendent un logement, que ce soit pour y accéder ou pour en changer. Le parcours est en panne et nous sommes en train de tuer l'accession sociale à la propriété comme le parcours résidentiel.
En 2021, on observe une baisse de 22 % de la construction de logements par rapport à 2017. De plus, le choc inflationniste va toucher le domaine en général et, si le taux du livret A augmente, les taux bancaires aussi. Par ailleurs, le ZAN va renforcer la rareté et la cherté du foncier.
Il faut au moins essayer de maintenir quelques dispositions de capacités d'autofinancement, particulièrement des bailleurs sociaux. En effet, la décorrélation qui est en train de se produire entre charges et recettes va entraîner un stress durable pour notre modèle. Ce que nous ne construisons pas maintenant va manquer et le déficit de logements s'accumule.
Par ailleurs, confrontés à des difficultés financières, les bailleurs finiront par choisir entre l'obligation de rénovation fixée par la loi « Climat et résilience » et la construction. Nous sommes en faveur de la rénovation, mais elle ne doit pas se faire au détriment de l'augmentation du parc de logements.
En matière de rénovation dans le parc privé, les financements sont présents et Ma Prime Renov' fonctionne bien. Mais ce qui m'inquiète, c'est l'accompagnement des ménages et l'opérabilité d'une filière constituée de multiples artisans, qui n'est pas très coordonnée. En outre, dans le parc privé, 85 % des chantiers concernent des opérations mono-gestes et on observe peu de parcours de rénovations globales.
En ce qui concerne la seconde vie, j'ai des doutes sur le fait que les avantages fiscaux puissent être les mêmes que pour le neuf. Les biens sont considérés comme du neuf dans l'ancien et ne consomment pas de foncier, ce qui va dans le sens de la SNBC. Cependant, le dispositif reste onéreux et je crains que, compte tenu des difficultés financières, il ne fonctionne pas.
Je finirai en disant qu'en ce qui concerne Action Logement, la volonté de budgétiser la Peec est toujours présente.
Merci pour ce travail, qu'il nous faudra poursuivre au sein de la commission. En effet, nous sommes à la croisée des chemins.
Il ne faut pas oublier les enjeux que représentent la sobriété énergétique et la limitation de l'artificialisation. Nous sommes confrontés à des injonctions contradictoires, auxquelles s'ajoute le caractère d'urgence.
En ce qui concerne la rénovation thermique, il faudrait investiguer davantage pour comprendre comment les actions entreprises, qui ne sont pas construites dans le cadre d'une stratégie et d'une planification mais plutôt juxtaposées, ne parviennent pas du tout à atteindre les objectifs fixés. En effet, nous sommes très loin des rénovations globales mises en oeuvre de manière massifiée dont nous avons besoin pour nous engager dans la sobriété.
Je reviendrai pour finir au paradoxe soulevé par M. Boyer dans sa question au ministre : « construire moins pour loger plus ». Nous devons nous interroger, notamment sur le fait que certains logements, parfois agrandis, accueillent aujourd'hui beaucoup moins d'habitants que dans le passé. Peut-être les termes ne sont-ils donc pas si antagonistes qu'ils y paraissent. Il faudrait réinventer des formes de cohabitation pour permettre à certains logements d'accueillir davantage de personnes, ce qui ne signifie pas qu'il faille arrêter de construire.
C'est ce qu'ont dit les rapporteurs en demandant notamment plus de moyens pour la rénovation. En effet, ce n'est pas contradictoire.
Lors des débats sur la RLS, nous avons abordé l'enjeu de la vente de logements par les bailleurs sociaux qui devait venir abonder les budgets ; comment cette option s'est-elle traduite dans la réalité ?
Cette disposition se trouvait dans loi Elan puisque la vente des logements devait permettre aux bailleurs sociaux de récupérer des fonds propres pour les réinvestir. À l'époque, on évoquait « un logement vendu, deux logements construits ». Nous savons que ce n'est pas le cas, en particulier dans les zones tendues. La vente de logements conserve des proportions très réduites parce que la mise en vente n'est pas simple. Cela n'a pas généré l'autofinancement de fonds propres nécessaires à relancer la construction.
La thèse « un logement vendu, deux logements construits » était fausse...
Et puis on observe des effets de bord pervers. Je le constate dans le parc social de ma commune : on vend très peu cher des logements qui sont des passoires thermiques, à des gens très modestes qui sont heureux de devenir propriétaires. Ensuite, un problème se pose pour la copropriété quand il s'agit de rénover l'ensemble du logement.
Au moment de la loi Elan, nous avions dénoncé les objectifs affichés, les qualifiant d'intenables. La suite nous a donné raison.
Depuis le début, la commission des affaires économiques alerte sur les risques que vous venez d'évoquer, madame la présidente : quand on vend du patrimoine qui n'est pas remis en état à des ménages modestes n'ayant pas les moyens de financer les rénovations, on aggrave la situation et on crée de futures copropriétés dégradées.
Je précise que nous n'avons jamais été contre la vente de logements sociaux. Ce que nous avions dénoncé à l'époque, c'était la volonté de leur massification.
L'amendement II-372 vise à accorder une prime aux écoutants du 115, qui font un travail considérable. Cependant, leur salaire n'a pas fait l'objet d'une revalorisation, à laquelle il s'agit donc de consacrer 6,322 millions d'euros.
L'amendement II-372 est adopté.
L'amendement II-374 vise à rétablir l'APL accession.
L'amendement II-374 est adopté.
EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
Article 41 ter
L'amendement II-373 vise à demander un rapport sur la RLS, pour pousser le Gouvernement à formuler sa position sur le sujet.
L'amendement II-373 est adopté.
La commission propose de s'abstenir sur les crédits des programmes 177, « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 109, « Aide à l'accès au logement », et 135, « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », de la mission « Cohésion des territoires ».
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 41 ter.
La réunion est close à 11 h 50.