Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 29 avril 2014 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • PIB
  • solde
  • structurel
  • trajectoire

La réunion

Source

La commission procède tout d'abord à l'examen des amendements éventuels au texte de la commission n° 476 (2013-2014) sur la proposition de loi n° 415 (2013-2014) de M. Jacques Mézard et des membres du groupe RDSE, tendant à rééquilibrer les règles relatives à la perception de la taxe communale sur la consommation finale d'électricité au bénéfice des communes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Lors de l'examen des amendements de commission sur cette proposition de loi, plusieurs de nos collègues avaient voulu concentrer davantage la ressource au niveau des autorités organisatrices de la distribution d'électricité, d'autres souhaitant au contraire revenir sur des situations existantes et redonner plus de choix aux communes, y compris celles de moins de 2 000 habitants.

Nous avions choisi une position simple et équilibrée consistant à revenir à la situation antérieure à la loi de finances rectificative pour 2013, ni plus, ni moins. Je vous propose de confirmer cette position et, donc, de donner un avis défavorable aux amendements qui nous sont soumis. Les amendements n° 4 rectifié bis et 5 rectifié bis d'Alain Richard suppriment tout transfert automatique de la taxe communale sur la consommation finale d'électricité au bénéfice des communes (TCCFE), y compris pour les communes de moins de 2 000 habitants, contrairement au droit en vigueur, et fragiliseraient donc certaines autorités organisatrices de la distribution d'électricité. Quant à l'amendement n° 1 rectifié bis de Pierre Jarlier, son 1° est satisfait par le mécanisme actuel de reversement au bénéfice des communes de moins de 2 000 habitants ; son 2°, qui laisse les communes choisir et modifier la part de TCCFE qu'elles transfèrent, réduirait la visibilité du syndicat sur ses ressources ; son 3°, enfin, crée une contrainte pour les syndicats et les communes en imposant de prendre une décision sur le transfert de la TCCFE dans les six mois qui suivent le renouvellement des conseils municipaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Comme je l'ai déjà dit lors de la présentation du rapport, la vraie question est celle de l'automaticité du transfert de la TCCFE pour les communes de moins de 2 000 habitants lorsqu'elles ont transféré la compétence : pourquoi prévoir cette automaticité alors qu'il ne s'agit pas d'une taxe affectée ? Au conseil syndical de dire s'il a besoin de la totalité de ces sommes pour fonctionner, ou si une partie suffirait. Dans bien des syndicats, le transfert de compétences n'est pas total. À l'heure où les communes voient leurs dotations fondre, un peu de souplesse serait bienvenue. La TCCFE n'est pas une taxe affectée : rien n'oblige à ce qu'elle soit dédiée aux syndicats. Mon amendement propose donc que l'on étudie, à chaque renouvellement des conseils municipaux, si le syndicat a besoin de la totalité de la taxe ou non. C'est un amendement d'appel, mais la question mérite d'être posée.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Vos arguments sont légitimes et recevables. Il est vrai que les communes sont confrontées à des situations budgétaires compliquées.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

On peut souhaiter, comme le propose votre amendement, que ce soient les communes qui régulent les ressources des syndicats ou, à l'inverse, préférer que les syndicats régulent leurs ressources en fonction des investissements nécessaires, étant entendu qu'ils ont la possibilité de reverser tout ou partie des sommes perçues à leurs communes membres.

Il me semble qu'il y a une certaine unanimité, que ce soit parmi les associations d'élus ou au Gouvernement, pour aller vers plus de mutualisation et qu'il faut donc privilégier une régulation au niveau intercommunal.

Articles additionnels avant l'article 1er

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4 rectifié bis, ainsi qu'à l'amendement n° 5 rectifié bis.

Article 1er

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1 rectifié bis.

La commission entend ensuite une communication de M. François Marc, rapporteur général, sur le projet de programme de stabilité avant sa transmission à la Commission européenne, en application de l'article 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Les États membres de l'Union européenne transmettent au Conseil et à la Commission, chaque année avant la fin du mois d'avril, leurs programmes de stabilité et leurs programmes nationaux de réforme. En mai-juin, la Commission européenne évalue ces programmes et élabore un projet de recommandations pour chaque pays. Le Conseil de l'Union examine ce projet et arrête des recommandations, qui sont ensuite présentées au Conseil européen pour approbation. En juillet, le Conseil adopte les recommandations par pays et les États membres sont invités à les mettre en oeuvre, notamment dans leur prochain projet de budget. La transmission du programme de stabilité ouvre donc une séquence essentielle du semestre européen.

La France poursuit un double objectif budgétaire : ramener le déficit effectif en dessous de 3 % du PIB en 2015, le Conseil ayant autorisé, dans sa décision du 21 juin 2013, le report de la correction du déficit excessif de 2013 à 2015 ; ramener le solde structurel à zéro en 2017.

Le Gouvernement retient une hypothèse de croissance de 1 % pour 2014, légèrement supérieure à celle du projet de loi de finances. La note de conjoncture de l'INSEE publiée en mars prévoit déjà un acquis de croissance de 0,7 % à la fin du premier semestre. En 2015, le Gouvernement anticipe une croissance de 1,7 %. Ces hypothèses sont très proches de celles de la Commission européenne, de l'OCDE et du FMI.

Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) estime que « la prévision de croissance du Gouvernement de 1 % pour l'année 2014 est réaliste et que le scénario sur lequel elle repose n'est affecté d'aucun risque baissier majeur ». Pour 2015, il considère que « l'hypothèse d'une croissance de 1,7 % en 2015 n'est pas hors d'atteinte, mais que le scénario macroéconomique du Gouvernement repose sur la réalisation simultanée de plusieurs hypothèses favorables ». Il fait état de fragilités résidant essentiellement dans l'estimation de l'impact économique du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ainsi que du Pacte de responsabilité et de solidarité, qui pourrait être plus tardif que ne le prévoit le Gouvernement.

Pour 2016 et 2017, le Gouvernement retient une hypothèse de croissance de 2,25 %. Le scénario macroéconomique associé au projet de loi de finances pour 2014, qui anticipait une progression de 2 % pour chacune de ces deux années, est actualisé afin de tenir compte des effets du Pacte de responsabilité et de solidarité qui, selon le Gouvernement, « soutiendrait la croissance à hauteur de 0,25 point en 2016 et 2017 et permettrait la création de 190 000 emplois à l'horizon 2017 », comme l'a récemment rappelé le Premier ministre.

Le Haut Conseil juge « optimiste le scénario macroéconomique du Gouvernement pour 2016-2017, car il repose sur des hypothèses favorables tant pour le soutien apporté par l'environnement international que pour le dynamisme de la demande intérieure ». Mais, dans les périodes sombres que nous traversons, n'est-il pas bienvenu de réhabiliter la vertu de l'optimisme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Le précédent Gouvernement était déjà bien optimiste...

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

En tout état de cause, la révision à la hausse des prévisions de croissance pour 2016 et 2017 n'a qu'un effet limité sur la trajectoire des finances publiques. Avec une croissance de 2 %, le solde structurel resterait inchangé, le solde public serait de - 1,6 % du PIB et la dette publique de 92,8 % en 2017 : les effets concrets de la réévaluation des anticipations de croissance pour les années 2016 et 2017 doivent donc être relativisés.

La trajectoire pluriannuelle des finances publiques vise à ramener le solde public à - 3 % du PIB en 2015, et à - 1,3 % en 2017, et le solde structurel à - 0,25 % en 2017. La dette publique serait stabilisée dès 2015 et décroîtrait en 2016 pour atteindre 91,9 % du PIB en 2017. La trajectoire de solde structurel a dû être décalée depuis le dernier programme de stabilité. En effet, le solde structurel pour 2011 a été réévalué à la fin du premier semestre 2013, ce qui a conduit à réviser à la baisse le solde structurel de 0,2 point en 2012. La faiblesse de la conjoncture économique en 2013 a creusé l'écart par rapport à la trajectoire. Le rendement des mesures nouvelles en recettes a été moindre qu'anticipé et des dépenses imprévues ou non maîtrisables ont dû être réalisées. En revanche, les dépenses de l'État et celles relevant de l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM), maîtrisables, ont été inférieures à la prévision - nous y reviendrons lors de l'examen du projet de loi de règlement.

Dans ces conditions, le solde structurel s'établirait à - 2,9 % du PIB en 2013, soit 1,3 point de moins que la cible retenue par la loi de programmation, ce qui devrait conduire au déclenchement du mécanisme de correction par le HCFP à l'occasion du projet de loi de règlement. Ce mécanisme joue en cas d'écart supérieur à 0,5 point de PIB sur une année entre le solde structurel et la trajectoire fixée par la loi de programmation des finances publiques.

Le solde public serait de - 4,3 %, selon les données publiées par l'Insee le 31 mars dernier, alors que la prévision associée au projet de loi de finances pour 2014 était de - 4,1 %. Cela s'explique par le ralentissement des recettes publiques et par le creusement du déficit des administrations publiques locales (APUL), multiplié par 2,5 entre 2012 et 2013. Afin de réduire l'écart par rapport à la trajectoire, le Gouvernement a d'ores et déjà programmé une réduction des dépenses de 4 milliards d'euros pour 2014. L'effort à consentir pour atteindre les 3 % du PIB serait ainsi réparti entre 2014 et 2015.

La répartition des efforts en dépenses et en recettes s'inverse à partir de 2014, comme s'y est engagé le Gouvernement. Dans un premier temps, l'ajustement des finances publiques a reposé sur les recettes, qui ont un effet moins pro-cyclique, à court terme, que les baisses de dépenses. Une fois la reprise de l'activité engagée, on passe aux économies.

La trajectoire de redressement des comptes publics de 2015 à 2017 repose sur un effort inédit de 50 milliards d'euros d'économies, qui implique une maîtrise sans précédent de l'évolution de la dépense publique. Cette dernière augmenterait en volume de 0,1 % en moyenne entre 2015 et 2017, mais baisserait de 0,3 % en 2015. Une partie substantielle de l'effort serait alors réalisée dès 2015 - année au titre de laquelle 21 milliards d'euros d'économies sont prévus. Le total des économies sera ensuite porté à 37 milliards d'euros environ en 2016, et atteindra les 50 milliards d'euros en 2017.

Les efforts seront partagés entre les différentes catégories d'administrations en fonction de leur poids dans la dépense publique : 18 milliards d'euros pour l'État et les organismes divers d'administration centrale, 11 milliards d'euros pour les administrations publiques locales et 21 milliards d'euros pour les administrations de sécurité sociale.

Il s'agit pour l'État de poursuivre la stabilisation du point d'indice de la fonction publique, de recentrer ses interventions, de réduire les moyens humains et financiers des opérateurs et de maîtriser les dépenses de fonctionnement des ministères. La baisse de 11 milliards d'euros entre 2015 et 2017 des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales devrait entraîner une rationalisation de la dépense publique locale, qui serait favorisée par le projet de réforme territoriale annoncé par le Premier ministre. Enfin, 10 milliards d'euros d'économies seraient réalisées sur les dépenses d'assurance maladie grâce à une réduction du taux d'évolution de l'ONDAM.

Le Gouvernement attend 11 milliards d'euros d'économies de la réforme des retraites et de celle de la politique familiale, qui ont d'ores et déjà été votées, ainsi que d'autres sources d'économies : un report de la revalorisation des prestations sociales, la poursuite du rétablissement de l'équilibre des régimes de retraite complémentaires, une diminution des dépenses d'assurance-chômage, la poursuite de la réforme de la politique familiale et des économies de fonctionnement dans les organismes de protection sociale.

L'effort sur les dépenses prévu par le projet de programme de stabilité devra impérativement être respecté. Calculé afin de ne pas hypothéquer la reprise, le montant des économies annoncées laisse peu de marge de manoeuvre. Faire moins compromettrait la capacité de la France à respecter ses engagements européens.

Des projections ont été réalisées à partir de deux scénarios : celui d'une croissance des dépenses en volume de 1,25 % entre 2014 et 2017, soit la moyenne constatée en 2012 et 2013 ; celui d'une croissance des dépenses de 0,75 %, soit une progression intermédiaire entre cette moyenne et l'objectif du Gouvernement. La trajectoire de l'effort en recettes est supposée inchangée. Ces projections montrent que le non-respect des objectifs d'évolution de la dépense publique dégraderait fortement la trajectoire : dans le premier scénario, le solde effectif s'établirait à - 3,8 % du PIB et la dette publique à 98 % du PIB, contre respectivement - 2,7 % du PIB et 95,3 % dans le deuxième scénario. Le solde structurel serait de - 2,6 % du PIB dans le premier scénario, contre - 1,5 % du PIB dans le deuxième. Lâcher sur les économies déséquilibrerait donc toute la trajectoire.

Le taux de prélèvements obligatoires va diminuer à compter de 2015 pour revenir à 45,3 % du PIB en 2017, soit 0,6 point en deçà de l'objectif initialement retenu dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques. Le président de la République a demandé au Gouvernement que cet engagement fort soit concrétisé. La baisse du taux des prélèvements obligatoires entre 2015 et 2017 traduirait les effets du Pacte de responsabilité et de solidarité, poursuivant la réduction du coût du travail engagée avec le CICE. Ce Pacte s'appuie sur plusieurs piliers : la poursuite de l'allègement du coût du travail, pour 10 milliards d'euros ; la modernisation de la fiscalité des entreprises, avec une suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et une baisse de l'imposition des bénéfices des sociétés, pour 11 milliards d'euros ; des mesures de solidarité pour les ménages modestes, à hauteur de 5 milliards d'euros.

Selon Eurostat, le déficit effectif de la zone euro serait revenu à 3 % du PIB en 2013. Cela engage la France à persévérer dans ses efforts. Elle figure en effet parmi les dix États de la zone euro ayant un déficit effectif supérieur à 3 %, et son niveau de dette publique est légèrement supérieur à la moyenne. Pour autant, la France a réalisé un effort substantiel d'ajustement de ses finances publiques. Entre 2010 et 2013, le déficit effectif a été réduit de 2,7 points du PIB ; c'est moins, certes, que l'Allemagne, qui a bénéficié d'une conjoncture économique plus favorable, mais plus que l'Italie, l'Espagne et les Pays-Bas. Son déficit structurel a diminué de 2,9 points de PIB, ce qui est proche de l'ajustement structurel réalisé par l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, et sensiblement supérieur à celui réalisé par les Pays-Bas. Enfin, si la dette publique a progressé de 10,8 points de PIB entre 2010 et 2013, seule l'Allemagne a fait reculer son ratio d'endettement au cours de la période. Malgré ce petit retard, notre situation est loin d'être calamiteuse. Le programme d'efforts que le Gouvernement nous propose vise à retrouver une trajectoire vertueuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Merci pour cet exposé pédagogique. Vous avez bien montré la sensibilité de la trajectoire du solde à différentes hypothèses de croissance et de dépenses. Ces projections complètent utilement l'avis du Haut Conseil des finances publiques, qui reste purement littéraire. C'est pourtant son rôle de tester, voire de contester les hypothèses...

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Il y a un an, nous était présenté, à grand renfort médiatique, le fameux rapport Gallois, qui devait rendre à notre pays sa compétitivité. Qu'en reste-t-il aujourd'hui ? Le CICE, qui n'est pas financé... Vous avez annoncé des allégements de charges pour les entreprises à hauteur de 20 milliards d'euros ; la loi de finances en a financé 6,5 milliards par une hausse de TVA, le reste doit l'être par des économies. Ces allègements de charges sont certes nécessaires, mais comment comptez-vous les financer ? Sur les 50 milliards, quelle est la part correspondant au CICE ? Le tableau qui nous a été présenté parle de lui-même, de par son imprécision. Les mesures annoncées ne cessent d'évoluer. Ainsi, si l'on ne fait plus les poches des petits retraités, on fait gaillardement celles des collectivités territoriales. Je me souviens des hurlements de l'actuelle majorité quand un gouvernement avait demandé un effort de 200 millions d'euros ; aujourd'hui, on en réclame 11 milliards ! En tant qu'élus locaux, nous avons tous vu notre dotation globale de fonctionnement (DGF) baisser de 3 à 5 % ; les collectivités locales vont devoir réduire leurs investissements, au détriment de l'emploi.

Il faudra m'expliquer comment on compte économiser 10 milliards d'euros sur les dépenses d'assurance maladie. Pensez-vous vraiment y parvenir en développant la chirurgie ambulatoire ? Je doute que de tels documents soient pris au sérieux à Bruxelles.

L'Espagne, l'Italie, le Portugal ne se sont pas contentés de ralentir la progression de leurs dépenses publiques, ils les ont réduites, en valeur réelle ! Peut-on continuer de tout miser sur la reprise mondiale ? En attendant, les mesures emblématiques, comme l'imposition à 75 % des revenus de plus d'un million d'euros, font surtout fuir les entreprises.

La notion de déficit structurel est bien approximative. On ne tient pas compte des événements extérieurs qui auraient altéré les résultats. Soit, mais les 15 milliards de rentrées fiscales en moins par rapport aux attentes étaient tout à fait prévisibles : nous vous avions prévenus ! Là encore, il n'est pas certain que vous parveniez à convaincre Bruxelles.

Seule bonne nouvelle, le taux auquel l'État emprunte demeure exceptionnellement bas. Est-ce parce que les agences de notation estiment que l'Allemagne ne lâchera jamais la France ? Il n'est pas sûr qu'au rythme actuel, elles en restent longtemps persuadées...

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Baisse de la fiscalité, baisse des charges des entreprises, accent mis sur l'emploi : je me réjouis de ce nouveau cap, même si l'on en reste pour l'instant au stade du discours. La recherche de la compétitivité exige en effet des efforts de la part de tout un chacun. Taxer les riches et la finance ne suffira pas à redresser la situation.

Sincérité et prudence sont les principes de base de toute comptabilité, privée ou publique. Ont-ils été observés ici ? La sensibilité de la réévaluation des prévisions de croissance est faible, dites-vous. Pourquoi ? À partir de quel niveau de croissance l'impact sur les comptes publics serait-il visible ?

Je suis réservé sur la notion très théorique de déficit structurel, inventée pour se faciliter la tâche. De fait, il suffit d'accuser la conjoncture. Sur quelles hypothèses de croissance potentielle repose le calcul du déficit structurel ? Il me semble que le Gouvernement français et la Commission européenne n'ont pas la même appréciation.

Je me réjouis de voir que l'on annonce quelques efforts sur les dépenses, mais je remarque que les dépenses publiques ont augmenté plus vite en 2013 qu'en 2012, et qu'elles continueront d'augmenter en 2014. Parler aux Français d'économies et non de moindre augmentation des dépenses, c'est les berner...

Là où les dépenses baissent réellement, c'est sur les dotations aux collectivités territoriales. La répartition de l'effort est-elle équitable ? Pour le savoir, il faudrait connaître le budget, la dette et le déficit de chaque catégorie d'administration, en valeur absolue. Les collectivités locales me paraissent être davantage sollicitées que l'État ou la sécurité sociale. Or leurs investissements ont un impact direct sur la croissance et l'emploi. Il y aurait d'autres pistes d'économies à rechercher, notamment par des réformes structurelles.

À eux deux, le gouvernement Fillon et le gouvernement Ayrault ont alourdi les prélèvements sur les entreprises de 30 milliards d'euros, que vous leur rendez maintenant avec le CICE et les allègements de charge : l'on revient ainsi à la situation de 2011 - qui n'était déjà guère brillante...

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

En résumé, je me réjouis du changement de cap annoncé ; il va dans la bonne direction, même s'il faudrait aller plus loin.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je remercie le rapporteur général de son exposé. Nous commençons à être familiers de ce genre de document. Le nouveau cap est encourageant. Je m'interroge toutefois sur les efforts demandés aux collectivités locales : les 11 milliards d'euros d'économies sont censés provenir de la stabilisation des dépenses au niveau de l'inflation, d'une part, et de la réforme territoriale, d'autre part. Or l'inflation est aujourd'hui inférieure à 2 %. La stabilisation doit-elle être uniforme, ou s'entend-elle collectivité par collectivité ? La baisse des dotations de 1,5 milliard d'euros déjà actée est-elle incluse dans le nouveau chiffre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Le Gouvernement compte sur la réorganisation territoriale pour supprimer les doublons, mais je ne vois pas comment une telle réforme pourrait engendrer des économies d'ici 2017. Bref, ces 11 milliards d'euros proviennent-ils de la réduction des dotations ou correspondent-ils à une réduction des dépenses ou aux gains attendus de la réorganisation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je ne peux que souhaiter que les objectifs budgétaires soient atteints, tout en remarquant que l'hypothèse de croissance retenue est plutôt optimiste.

Une baisse des dotations de 11 milliards d'euros forcera les collectivités territoriales à réagir. Seules les plus riches peuvent espérer trouver des économies sur leurs dépenses de fonctionnement ; les autres devront réduire leurs dépenses d'investissement, ce qui aura un impact sur la croissance, augmenter les impôts locaux ou augmenter leur endettement. A-t-on anticipé la réaction des collectivités ? Quelles hypothèses ont été retenues ? Je doute que l'on impose le régime draconien préconisé par le rapport Malvy-Lambert.

Qu'attend le Gouvernement des collectivités ? Il n'est guère réaliste de penser qu'une baisse de 11 milliards d'euros des dotations va se traduire par une baisse équivalente des dépenses, sans réduction des investissements ni hausse des impôts locaux.

Quant à la réorganisation territoriale, comment pourrait-elle avoir dégagé des économies d'ici 2017 ? Sans doute entraînera-t-elle même des dépenses, dans un premier temps. Je plains les maires qui ont été élus ou réélus sur des programmes généreux !

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

L'effort pour restaurer les comptes publics est nécessairement collectif. La DGF n'est pas la seule ressource des collectivités ; la péréquation existe. La chambre régionale des comptes de Bretagne a montré que sur trois ans, les ressources des intercommunalités avaient augmenté en moyenne de 5 % par an : leurs finances ne sont pas nécessairement en déshérence. Bien des communes ont transféré des charges aux intercommunalités sans pour autant commettre l'erreur de baisser les impôts. Certaines collectivités sont plus riches que d'autres, mais d'après mon expérience personnelle, dans l'ensemble le bloc communal a plutôt bien vécu ces dernières années. D'aucuns affirment que la baisse des dotations aura un impact sur l'investissement, c'est possible...

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Ce n'est pas certain. Des communes, se fondant sur la solidarité territoriale des conseils généraux, ont été peu vigilantes sur leurs dépenses de fonctionnement. Certains réclament des réformes structurelles, mais jamais l'opposition ne dit ce qu'elle entend par là.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Faites-le ! À chaque proposition, vous dites que ce n'est pas ce qu'il faut faire, puis vous critiquez une politique qui ne va ni assez vite ni assez loin : c'est contradictoire avec vos autres remarques. Le cap a été donné avec détermination et énergie. S'il faut rester vigilant, il convient aussi de mobiliser nos concitoyens autour de la politique dont l'avenir du pays dépend.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Le choix de réduire les dépenses publiques, nous ne le partageons pas : c'est bien pour cela que nous n'avions pas voté le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Il faudrait, nous dit-on, dégager des ressources pour améliorer la compétitivité de nos entreprises, plombée par le coût du travail, et pour cela réduire les cotisations sociales. Il serait intéressant d'examiner l'évolution de la part des salaires dans la richesse produite par les sociétés non financières depuis les années 1980 : Christian Chavagneux pointe dans un article récent un niveau de rémunération du capital aujourd'hui très supérieur à ce qu'il était alors !

Les collectivités devraient participer à cette réduction, car elles dépenseraient beaucoup ? Avec le groupe de travail sur la fiscalité des ménages, nous avons vu comment leur action pour faire vivre des services publics était la manière la plus efficace de réduire les inégalités. Réduire leurs dépenses, c'est remettre en cause cette action. Souvenez-vous qu'en 2008, chacun se félicitait des atouts que constituaient notre protection sociale et les services publics locaux pour absorber les conséquences de la crise.

Les baisses prévues pour 2014 et 2015 font-elles partie des 11 milliards d'euros annoncés ? Nous voyons déjà les conséquences de la baisse pour les communes ayant une forte proportion d'habitants non imposables, d'une moindre compensation des exonérations : l'investissement baisse, avec des effets sur l'emploi et l'activité économique. Ces mesures sont contreproductives. Au lieu d'aider la France à se redresser, elles augmentent ses difficultés. J'ai lu la déclaration de Jean-François Copé dans Les Échos : il préconise une économie de 130 milliards d'euros, ce qui serait une saignée, une catastrophe insupportable. Nous en avons suffisamment d'exemples chez nos voisins méditerranéens, avec des conséquences chez nous, comme ces entreprises portugaises qui s'implantent sur le marché français du BTP et fragilisent nos petites entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Je suis d'accord avec les orientations générales de ce programme de stabilité : la défense de l'emploi et la baisse des dépenses publiques. J'aimerais savoir si les baisses déjà prévues de 1,5 milliard d'euros pour 2014 et de 4,5 milliards d'euros pour 2015 font partie des 11 milliards d'euros annoncés ou s'y ajoutent. S'agit-il de 11 milliards en année pleine ou en cumulé ? Beaucoup de communes ont vu leur DGF baisser de 3 à 5 %, soit un tiers des économies annoncées l'année dernière : cela représenterait donc un sixième de l'effort finalement déterminé. Toutes parviendront-elles à présenter un budget en équilibre ?

Les 18 milliards d'euros de réduction affichés pour l'administration de l'État et les agences m'inquiètent. Nous avons tous participé à des travaux exigeants : pourquoi l'examen du projet de loi de finances rectificative ne serait-elle pas l'occasion d'analyser, mission par mission, les conséquences de cette réduction et notamment la cohérence entre moyens et personnel ? L'abandon de la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux pourrait en effet produire un décalage entre un personnel nombreux et une absence de moyens.

Les réformes structurelles que nous appelons de nos voeux sont celles qu'ont menées les pays du Nord : la réorganisation de l'administration de l'État, que la France n'a pas faite, comme en témoigne le caractère interministériel de toutes les circulaires que reçoivent les maires. Nous pouvons rêver à une administration publique globalisée avec la fusion des trois fonctions publiques. Ce gisement d'économies mériterait d'être exploré.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Le rapport que nous venons d'entendre ne cite pas un chiffre pourtant significatif : l'écart entre la dépense publique française et celle de nos voisins, qui est de dix points. Notre État est boursouflé et impotent. La nécessité de mener les réformes dont parle Fabienne Keller est évidente. Au lieu de prétendre intensifier ou accélérer la politique menée jusqu'à présent, le Premier ministre devrait avoir la capacité, comme Laurent Fabius en son temps, d'affirmer qu'il mène une autre politique. Avec l'idée que la baisse des dépenses serait plus récessive que les hausses d'impôts, nous nous retrouvons après deux années avec un manque à gagner de 15 milliards d'euros.

Les collectivités vont réduire leur investissement : la plupart des communes vivent sur un pied modeste. Par quoi le remplacer ? La logique voudrait que ce soit l'investissement direct étranger (IDE). Or la taxe imbécile à 75 %, qui ne concerne aucun d'entre nous, fait horreur à New York et à Londres : les IDE ont baissé de 77 %, chiffre colossal. Il faut redonner aux Français l'envie d'entreprendre et aux étrangers d'investir chez nous. Sinon, nous aurons mécaniquement un investissement moindre, donc plus de chômage et plus de dépenses sociales. Il faut inverser la politique suivie par le dernier gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Tout en souscrivant aux orientations du programme de stabilité, je me demande si les 11 milliards d'euros demandés aux collectivités contiennent bien la baisse de 4,5 milliards d'euros des concours financiers de l'État déjà annoncée. Vous parliez de baisses de DGF de 4 % ; j'en ai vu de 10 %, dans des intercommunalités, avec seulement 1,5 milliard d'euros de baisse. Comment opérer cette ponction sans créer de nouvelles inégalités territoriales ? Toutes les collectivités n'ont pas les mêmes capacités de contribution et certaines ont déjà fait des efforts de gestion importants. S'il est difficile pour une baisse de 1,5 milliard d'euros de faire monter en puissance la péréquation horizontale, cela sera encore plus délicat avec une baisse aussi importante. Ne peut-on pas prélever de manière différenciée selon les capacités contributrices ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Je salue la voie vertueuse qu'emprunte la politique gouvernementale. Vous citez le sud de l'Europe ; parlons du nord : nos voisins rhénans ont une croissance positive et un chômage en baisse parce qu'ils ont pris ces mesures il y a cinq ans. La Grèce elle-même, après avoir été mise à la torture, retrouve la grâce des marchés et la croissance revient.

L'opposition, qui vilipendait hier des collectivités dépensières et mal gérées, pleure aujourd'hui sur leur sort. Elles vont augmenter leurs impôts, M. Dallier ? La région Bourgogne n'en perçoit plus depuis trois ans, grâce à vos amis, sinon pour les cartes grises que personne ne touchera ! Sur un budget de 880 millions d'euros, l'État demandera à la collectivité que je préside momentanément un effort de 34 millions d'euros sur trois ans. Nous ferons des économies sur les transports, c'est certain, mais aussi par le rapprochement que j'engage avec une région voisine, qui peut rapporter six millions d'euros par an. La suppression d'un aéroport sur les deux petits que comptent nos deux régions représente une économie de quatre millions d'euros pour ma collectivité. Même chose sur les agences de développement, les incubateurs ou l'agence touristique. J'accepte bien volontiers les efforts dont le Gouvernement a le courage de montrer la nécessité, car ils seront payants demain. Certaines communes souffriront, certes. Mais n'en avez-vous pas vu, comme moi, vous présenter des projets autofinancés à 15 % et attendant 85 % de subventions ? N'avons-nous jamais eu la faiblesse de céder à une demande de terrain de sport, de salle à usage multiple, d'équipements manifestement redondants ? Nous ne pourrons plus le faire demain. Je préfère avoir de l'investissement productif dans l'économie que des subventions coûteuses pour la collectivité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Certains collègues de l'opposition comme Francis Delattre, reprochent à ce programme un manque de sérieux.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je lui rappelle ce qu'a fait son ami Alain Juppé, alors Premier ministre : pour atteindre des critères de Maastricht inaccessibles, il a réclamé au président de la République la dissolution de l'Assemblée nationale afin de disposer d'une majorité de combat. Je n'aurai pas l'outrecuidance de prétendre que c'est le gouvernement de gauche qui a offert à la France 3 % de croissance pendant deux ou trois ans...

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

C'était grâce au plan Juppé et à l'augmentation de 2 % de la TVA.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je vous laisse vos appréciations. La clairvoyance des gouvernants de 1995 n'était pas à son plus haut niveau...

Le changement de cap dont certains se félicitent a eu lieu en réalité lors de l'élection du président de la République qui a voulu relever le pays : tout partait à vau l'eau.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Les impôts ont été sollicités en premier, certes, parce que le budget de 2012 n'était pas financé.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je partage l'inquiétude pour les collectivités locales. Le Gouvernement a recherché un équilibre en étalant dans le temps et en négociant avec Bruxelles deux années supplémentaires. Je note encore une contradiction chez Francis Delattre, qui dénonce un ralentissement sans commune mesure avec les coupes que d'autres ont opérées, et s'inquiète dans le même temps de la baisse des dotations aux collectivités et du ralentissement consécutif de l'investissement...

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

S'agissant de ces dotations, je ne suis pas l'auteur du document qui sera envoyé à Bruxelles ; je ne fais que lire comme vous à sa page 32 : « Après un gel en valeur des concours financiers de l'État aux collectivités locales en 2013, ces concours sont réduits de 1,5 milliard d'euros en 2014 puis de 11 milliards en niveau sur la période 2015-2017. »

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

À l'Assemblée nationale, Christian Eckert a indiqué ceci : « La diminution des dotations aux collectivités territoriales par rapport à l'évolution tendancielle, de 11 milliards d'euros sur trois ans, sera ainsi accompagnée de réformes importantes évoquées par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale. La baisse des dotations devrait conduire la dépense locale à croître à un rythme proche de l'inflation jusqu'en 2017. Nous demandons donc aux collectivités locales un effort réel de stabilisation en volume de leurs dépenses, mais néanmoins inférieur à celui auquel l'État sera soumis avec la baisse en valeur des dépenses des ministères. L'effort ainsi porté par les collectivités est proportionnel également à leur poids dans la dépense, le secteur local représentant à peu près un cinquième de celle-ci. » Voilà les éléments de précision que vous me demandiez.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

L'ensemble des organismes internationaux s'accordent à identifier une faiblesse de notre pays à la fois sur le plan de la compétitivité hors-prix, qui conduit nos produits à être très sensibles à l'appréciation de l'euro, et sur celui de la compétitivité-prix, car le coût du travail a augmenté plus vite que dans les autres pays de l'OCDE. C'est pour cela que nous supprimons la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) à hauteur de 5 milliards d'euros et réduisons encore les charges de 10 milliards d'euros.

Quant aux hypothèses de croissance, la différence entre 2 et 2,25 % n'est pas décisive pour atteindre les objectifs. Le niveau élevé des dépenses publiques de la France, que relève Aymeri de Montesquiou, n'est pas nouveau. L'OCDE montre que nous avions le plus haut de tous les pays dès 2007, alors qu'en 2013 nous sommes en quatrième position, même si la part dans le PIB a augmenté. Quant à ceux qui veulent baisser plus radicalement les dépenses, je les invite à aller expliquer cela dans les cages d'escalier...

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Nous ne mobiliserons pas le pays en suscitant le découragement. Il faut trouver une équation équilibrée, comme le fait le Gouvernement dans ce document. Le ministre répondra aux autres questions.

La commission donne acte à M. François Marc, rapporteur général, de sa communication et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

La réunion est levée à 15h50.