Sont nommés rapporteurs pour avis pour l'examen du projet de loi de finances pour 2016 :
sur l'administration territoriale, M. Pierre-Yves Collombat (mission « Administration générale et territoriale de l'État ») ;
sur l'asile, Mme Esther Benbassa, et sur l'immigration, l'intégration et la nationalité, M. François-Noël Buffet (mission « Immigration, Asile et Intégration ») ;
sur l'outre-mer, M. Thani Mohamed Soilihi (mission « outre-mer ») ;
sur les juridictions administratives et sur les juridictions financières, M. Michel Delebarre (mission « Conseil et contrôle de l'État ») ;
sur le développement des entreprises et de l'emploi, M. André Reichardt (mission « Économie ») ;
sur la fonction publique, Mme Catherine Di Folco (mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ») ;
sur l'administration pénitentiaire, M. Hugues Portelli, sur la justice judiciaire et l'accès au droit, M. Yves Détraigne, et sur la protection judiciaire de la jeunesse, Mme Cécile Cukierman (mission « Justice ») ;
sur la coordination du travail gouvernemental, les publications officielles et la modernisation de l'État, M. Alain Anziani, et sur la protection des droits et libertés, M. Jean-Yves Leconte (mission « Direction de l'action du Gouvernement ») ;
sur les pouvoirs publics, M. Jean-Pierre Sueur (mission « Pouvoirs publics ») ;
sur les relations avec les collectivités territoriales, Mme Jacqueline Gourault (mission « Relations avec les collectivités territoriales ») ;
sur la sécurité, M. Alain Marc (mission « Sécurité ») ;
sur la sécurité civile, Mme Catherine Troendlé (mission « Sécurité civile »).
La commission désigne Mme Éliane Assassi et M. François-Noël Buffet pour siéger comme membres titulaires au conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
La commission examine les amendements sur la proposition de loi n° 376 (2014-2015), adoptée par l'Assemblée nationale, relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre.
Nous examinons à présent les amendements sur la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre.
Les trois amendements que j'ai déposés tirent la conséquence de la position de la commission, qui a rejeté la proposition de loi la semaine dernière.
Notre groupe s'opposera à ces trois amendements. Dans sa position radicale, le rapporteur propose des amendements de suppression des trois articles, de sorte qu'il ne resterait rien du texte. Compte tenu de l'importance du sujet, nous ne pouvons pas suivre cette position...
Je n'interviendrai pas sur le fond, moi non plus, lors de la présente réunion, nous aurons l'occasion de nous exprimer en séance publique. La semaine dernière, sous la pression, vous avez retiré la motion préjudicielle que vous aviez déposée, et vous revenez à la charge en proposant de supprimer les trois articles, ce qui revient à refuser de discuter au fond de ce texte, qui repose sur des fondements juridiques précis, nationaux et internationaux, contrairement à ce qui est dit.
Je pense que les motivations de suppression de l'article 1er peuvent nous conduire, à l'avenir, à envisager de nouvelles choses dans toute une série de texte de loi. Vous parlez à propos de ce texte d'« imprécisions qui soulèvent des interrogations constitutionnelles » quant à l'objectif d'intelligibilité et de clarté de la loi. Autant dire que l'on peut émettre les mêmes réserves sur de nombreux textes de loi. Par ailleurs, l'argument selon lequel la prise de décision en la matière doit se faire au niveau européen est avéré pour de nombreux autres domaines, et pourtant je ne pense pas que la commission des lois considère que c'est à l'Union européenne de trancher, en amont, sur tous ces sujets... Si nous appliquions systématiquement les motivations que vous soulevez, le Parlement se dessaisirait de nombre de ses prérogatives...
Chacun s'étant exprimé, je mets aux voix les trois amendements de suppression du rapporteur.
Il nous faut ensuite déterminer une position de la commission sur les autres amendements, dans l'hypothèse où les amendements du rapporteur seraient rejetés en séance.
L'amendement n° 1 vise à étendre le périmètre des sociétés concernées par l'obligation d'établir un plan de vigilance. En raison de l'extension de périmètre qu'il propose, cet amendement encourt de façon encore plus forte les critiques adressées à la proposition de loi. J'émets donc un avis défavorable à cet amendement. Pour les mêmes motifs, j'émets le même avis défavorable sur tous les amendements suivants.
L'amendement n° 13 constitue manifestement un « cavalier législatif », puisqu'il ne concerne en rien l'obligation de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre. Je vous propose donc de le déclarer irrecevable en application de l'article 48, alinéa 3, du règlement du Sénat.
AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR
AUTRES AMENDEMENTS DE SÉANCE
Christophe-André Frassa est nommé rapporteur sur le projet de loi n° 786 (2013-2014) ratifiant l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives.
Ce rapport est un legs de Jean-Jacques Hyest, spécialiste reconnu du droit des entreprises en difficulté, matière austère et technique, mais fondamentale pour notre économie. Un droit des entreprises en difficulté efficace, ce sont des entreprises et des emplois sauvés.
Je souhaite rendre hommage à Jean-Jacques Hyest : il a été l'auteur de plusieurs rapports et rapporteur de plusieurs textes au Sénat depuis le début des années 2000, en particulier la loi de sauvegarde de 2005, qui a créé la procédure de sauvegarde à côté du redressement judiciaire et de la liquidation judiciaire. Il a aussi été, plus récemment, à l'origine de la création de la sauvegarde financière accélérée en 2010.
Jean-Jacques Hyest a mené la presque totalité des auditions de ce rapport, me laissant, notamment, l'audition du ministère de la justice. Ce sont ses conclusions et ses propositions qu'il m'appartient aujourd'hui de soumettre à la commission.
Je ne m'étends pas sur les évolutions récentes de cette branche du droit des entreprises et sur ses grands principes, que les ordonnances ne remettent pas en cause : vous pourrez trouver des éléments dans le rapport. Alors que, dans ce domaine, il y avait autrefois une grande loi par décennie, nous constatons néanmoins une accélération des réformes depuis 2005, sans doute en raison du contexte économique.
Qu'apportent les deux ordonnances ? Elles se situent dans le prolongement des réformes précédentes, depuis la grande réforme conduite par Robert Badinter en 1984 et 1985, qui a posé de nouveaux et de bons principes.
Ainsi, ces ordonnances veulent rendre les procédures de prévention plus attractives pour les entreprises, notamment la conciliation, pour inciter bien sûr les entreprises à solliciter le tribunal le plus tôt possible en cas de difficulté économique, de préférence aux procédures curatives que sont les procédures collectives (sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires). Elles développent les ponts entre prévention et procédures collectives, dans la continuité de la sauvegarde financière accélérée. Elles améliorent le fonctionnement des procédures judiciaires, comme toute réforme, rééquilibrent les procédures en faveur des créanciers, en les incitant à trouver un accord avec le débiteur en conciliation et en leur ouvrant la possibilité de présenter un plan alternatif en sauvegarde ou en redressement judiciaire, renforcent le rôle du parquet, garant de l'ordre public économique, pour contrôler le bon déroulement des procédures et les droits de toutes les personnes intéressées et tendent à mieux garantir l'impartialité du tribunal et tirent les conséquences de certaines questions prioritaires de constitutionnalité dans ce domaine.
Deux nouvelles procédures sont créées : la sauvegarde accélérée, qui systématise les principes de la sauvegarde financière accélérée, et le rétablissement professionnel, procédure simplifiée destinée aux petits entrepreneurs sans salarié ni actif, sans tous les effets de la liquidation judiciaire, pour permettre le « rebond » en cas de difficulté économique.
Les ordonnances apportent également de nombreuses modifications ponctuelles, pour préciser, clarifier ou corriger certaines dispositions.
D'un point de vue statistique, sur 69 000 procédures ouvertes en 2013 au titre du livre VI du code de commerce, on compte 2 500 mandats ad hoc et conciliations, 1 500 sauvegardes, 16 000 redressements judiciaires et presque 40 000 liquidations judiciaires. La réalité des procédures, c'est d'abord la liquidation. Pour autant, le volume d'emplois n'est pas réparti de la même manière et de nombreux emplois sont sauvés grâce à ces procédures, en particulier en prévention et en sauvegarde. La plupart des liquidations sont sans salarié, ce qui justifie la nouvelle procédure de rétablissement professionnel, encore très peu utilisée, sans doute en raison d'incompréhensions sur ses conditions d'ouverture. Nous y reviendrons dans les amendements.
Sous l'influence du ministère de l'économie, avec l'expérience du comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI), le droit des entreprises en difficulté tend de plus en plus à devenir une « boîte à outils », pour gérer au cas par cas des dossiers de grandes entreprises. Je ne suis pas sûr que cette évolution soit toujours souhaitable, même s'il faut évidemment concilier approche économique et approche juridique en la matière. Il en résulte une complexité croissante, en particulier pour les petites entreprises, qui hésitent déjà beaucoup à s'adresser au tribunal.
Je n'entre pas davantage dans les détails des ordonnances, le rapport les présente de façon précise et complète, et nous discuterons de certains points à l'occasion des amendements.
En dehors de dispositions ponctuelles, pour lesquelles je vous proposerai des amendements, ces ordonnances ont été largement approuvées par les acteurs concernés et ont été mises en oeuvre de façon apparemment satisfaisantes, dans les tribunaux de commerce, à compter de juillet 2014.
Pour mémoire, la loi pour la croissance et l'activité d'août 2015 a apporté sa contribution à la réforme du droit des entreprises en difficulté, avec le mécanisme de « cession forcée » que le Gouvernement n'avait pas osé instaurer dans les ordonnances, et avec le regroupement devant le même tribunal des procédures concernant les sociétés d'un même groupe : c'est une initiative de François Pillet, à porter au crédit du Sénat et attendue depuis longtemps par les praticiens.
Alors pourquoi ce rapport sur les projets de loi de ratification de ces deux ordonnances ?
C'est une démarche vertueuse puisqu'il s'agit de faire sur les dispositions de ces ordonnances un travail d'analyse approfondi, comme sur un projet de loi, en tenant compte néanmoins de ce que les ordonnances sont en vigueur. Puisque nous avons accepté de déléguer notre pouvoir législatif dans cette matière, dans la loi du 2 janvier 2014 de simplification du droit des entreprises, il nous appartient de contrôler l'usage fait de cette délégation. Je rappelle que ces deux ordonnances comportent au total 131 articles : ce n'est donc pas au moment où nous devrons ratifier, sans doute par un amendement de dernière minute du Gouvernement, que nous pourrons faire ce travail de fond.
La même question se posera sans doute pour l'ordonnance réformant le droit des contrats et des obligations, à laquelle le Sénat était résolument opposé...
L'objectif est d'intégrer les amendements que nous adopterons ce matin dans le projet de loi sur la justice du XXIème siècle, en ratifiant l'ordonnance, car l'article 50 de ce projet de loi modifie des dispositions issues de ces ordonnances ou des dispositions connexes. Nous aurons donc un débat avec le Gouvernement à l'occasion de ce texte.
Au terme des travaux conduits de concert avec Jean-Jacques Hyest, je soumets à votre approbation 25 amendements, qu'il a directement inspirés, pour compléter les deux projets de loi de ratification que je vous propose d'adopter. Ces amendements concernent soit des dispositions issues des ordonnances, pour la plupart, soit des dispositions directement connexes, dans certains cas.
Il faut rendre hommage à notre rapporteur, qui a pu approfondir l'examen du texte en un temps record, grâce à sa parfaite connaissance du sujet. Nous pouvons à présent passer à l'examen des amendements relatifs à l'ordonnance du 12 mars 2014.
EXAMEN DES AMENDEMENTS SUR LE PROJET DE LOI RATIFIANT L'ORDONNANCE N° 2014-326 DU 12 MARS 2014
Articles additionnels après l'article unique
L'amendement COM-1 concerne la procédure d'alerte par le commissaire aux comptes. Il vise à supprimer l'obligation de déclencher la dite procédure en cas de désignation d'un mandataire ad hoc par le tribunal. Il précise par ailleurs que le commissaire aux comptes peut demander à être entendu par le président du tribunal.
L'amendement COM-1 est adopté.
Dès lors que la résidence principale de l'entrepreneur individuel est insaisissable de droit, le maintien d'une insaisissabilité volontaire pour les autres biens non affectés à l'activité professionnelle n'a plus lieu d'être. En cas d'ouverture d'une procédure collective à l'encontre d'un entrepreneur individuel, il serait paradoxal que celui-ci puisse faire échapper à la procédure une résidence secondaire. C'est une question d'équilibre entre les droits de l'entrepreneur et ceux des créanciers. C'est l'objet de l'amendement COM-2.
L'amendement COM-3 vise à expliciter, pour éviter toute ambiguïté d'interprétation, que le débiteur n'a pas à informer le comité d'entreprise lorsqu'il demande la désignation d'un mandataire ad hoc ou l'ouverture d'une procédure de conciliation.
Là aussi, c'est une règle importante qui serait posée.
L'amendement COM-3 est adopté.
L'amendement COM-4 vise à préciser les conditions dans lesquelles le parquet peut exercer ses prérogatives de contrôle au cours de la procédure de conciliation.
L'amendement COM-4 est adopté.
L'amendement COM-5 est important. L'ordonnance du 12 mars 2014 a codifié une pratique appelée le « prepack cession », consistant à préparer, sous la confidentialité d'un mandat ad hoc ou d'une conciliation, la cession partielle ou totale de l'entreprise, cession qui sera mise en oeuvre dans le cadre d'une procédure ultérieure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. Pour assurer une plus grande transparence à cette procédure, sans remettre en cause la règle de confidentialité, le mandataire ad hoc ou le conciliateur devra rendre compte au tribunal de ses diligences pour mettre en concurrence les repreneurs potentiels et susciter autant que possible une pluralité d'offres, en vue d'obtenir la meilleure offre. Il s'agit en fait de permettre au tribunal de se prononcer sur la cession de la façon la plus éclairée possible. Cette procédure suscite des inquiétudes de la part des tribunaux et chez certains praticiens et experts ; il s'agit d'y répondre.
L'amendement COM-5 est adopté.
L'amendement COM-6 vise à supprimer la possibilité pour le débiteur lui-même de demander l'extension de la procédure à une ou plusieurs autres personnes. C'est une disposition singulière qui n'a guère été comprise.
L'amendement COM-6 est adopté.
L'amendement COM-7 a pour objet de clarifier la durée pour laquelle peut être renouvelée ou prolongée la période d'observation ouverte par le jugement d'ouverture d'une procédure collective.
L'amendement COM-7 est adopté.
L'amendement COM-8 vise à prévoir que le tribunal statuant sur l'ouverture d'une procédure collective sollicite les observations de l'Association de garantie des salaires, l'AGS, non seulement sur la désignation du mandataire judiciaire, mais aussi celle de l'administrateur judiciaire.
L'amendement COM-8 est adopté.
L'amendement COM-9 est important car il vise à clarifier certaines dispositions introduites par l'ordonnance du 12 mars 2014 en matière de déclaration des créances. Il précise la rédaction de la disposition selon laquelle, lorsque la déclaration de la créance est faite par un préposé ou un mandataire au nom du créancier, cette déclaration doit être ratifiée par le créancier. Surtout, il supprime le mécanisme de déclaration des créances par le débiteur pour le compte des créanciers, très mal compris par l'ensemble des praticiens, suscitant la confusion chez les créanciers sur ce qu'ils doivent faire pour que leur créance soit prise en compte et provoquant de larges critiques quant au risque d'atteinte aux droits des créanciers du fait d'un doute sur la fiabilité d'une telle déclaration.
L'amendement COM-9 est adopté.
L'amendement COM-10 vise à prendre en compte le cas où le projet de plan prévoit une modification des statuts et pas seulement une modification du capital de la société. Il s'agit de permettre le vote des assemblées compétentes avant l'adoption du plan par le tribunal.
L'amendement COM-10 est adopté.
L'amendement COM-11 corrige une malfaçon rédactionnelle.
L'amendement COM-11 est adopté.
L'amendement COM-12 vise à préciser que le privilège de conciliation, accordé aux personnes ayant accepté de contribuer à la continuation de l'entreprise, par l'apport de trésorerie ou la fourniture de biens et services nouveaux pendant une conciliation, vaudra bien en cas de procédure collective avec comités de créanciers. C'est une clarification.
L'amendement COM-12 est adopté.
L'amendement COM-13, lui aussi de clarification, vise à préciser, par cohérence, dans l'hypothèse où les comités de créanciers adoptent un projet de plan de sauvegarde ou de redressement proposé par un créancier et alternatif à celui élaboré par le débiteur et l'administrateur judiciaire, que le tribunal n'a à statuer que sur ce plan.
L'amendement COM-13 est adopté.
Il s'agit avec l'amendement COM-14 de mieux articuler le droit des procédures collectives avec le droit des sociétés, lorsque les capitaux propres d'une société en sauvegarde ou en redressement judiciaire sont inférieurs à la moitié du capital social. Dans le cas d'un redressement judiciaire comportant un projet de plan prévoyant une modification du capital, il s'agirait de préciser que la reconstitution partielle préalable des capitaux propres est obligatoire, lorsque l'assemblée des actionnaires n'y pourvoit pas.
L'amendement COM-14 est adopté.
L'amendement COM-15 tend à la simplification en limitant l'obligation d'établir l'inventaire du patrimoine du débiteur en liquidation judiciaire aux cas où celui-ci dispose effectivement encore d'actifs à inventorier.
L'amendement COM-15 est adopté.
L'amendement COM-16 lève une imprécision rédactionnelle.
L'amendement COM-16 est adopté.
L'amendement COM-17 apporte des modifications à la nouvelle procédure de rétablissement professionnel. Il clarifie les conditions d'ouverture de la procédure, afin de la rendre plus attractive, sans remettre en cause les garanties permettant au tribunal d'écarter les débiteurs cherchant à abuser de cette procédure. Il supprime ainsi l'obligation pour le débiteur de demander simultanément l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, s'il souhaite le bénéfice de l'ouverture d'une procédure de rétablissement professionnel. Une liquidation judiciaire peut être ouverte à tout moment, à la demande du ministère public, si le juge constate que le débiteur est de mauvaise foi. Cet amendement prévoit aussi, comme dans les procédures collectives, la participation de l'ordre professionnel lorsque le débiteur exerce une profession réglementée. Ce sont des ajustements.
L'amendement COM-17 est adopté.
L'amendement COM-18 maintient la possibilité, pour le tribunal, de prononcer une interdiction de gérer à l'encontre d'une personne ayant omis de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements. Largement approuvée par les praticiens, cette possibilité permet d'écarter de la vie des affaires des chefs d'entreprise pour leur manque de compétence dans la gestion de leur entreprise.
L'amendement COM-18 est adopté.
L'amendement COM-19 est lui aussi important car il renforce l'impartialité du tribunal dans les procédures collectives, en encadrant davantage les fonctions de juge-commissaire. Le président du tribunal, s'il a connu d'une entreprise dans le cadre de la prévention, ne peut être désigné juge-commissaire. Il ne participer à la formation de jugement, tout comme le juge-commissaire. L'amendement vise également le cas du juge commis.
L'amendement COM-19 est adopté.
L'amendement COM-20 ajoute une précision au mécanisme procédural instauré par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques pour regrouper devant un même tribunal les procédures collectives concernant les sociétés d'un même groupe, en l'étendant aux sociétés soeurs.
L'amendement COM-20 est adopté.
L'amendement COM-21 supprime toute mention au casier judiciaire du jugement de liquidation judiciaire prononcée à l'encontre d'une personne physique, comme c'est déjà le cas depuis 2003 dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Il vise à faciliter le rebond des entrepreneurs en difficulté.
L'amendement COM-21 est adopté.
L'amendement COM-22 harmonise le règlement amiable agricole avec la procédure de conciliation.
L'amendement COM-22 est adopté.
L'amendement COM-23 surmonte la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation selon laquelle le mécanisme de garantie des salaires, financé par l'Association de garantie des salaires (AGS), n'inclut pas le précompte salarial des cotisations et contributions sociales. Cette jurisprudence a effectivement remis en cause la règle suivie jusque-là, affectant les finances de l'AGS.
L'amendement COM-23 est adopté.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
EXAMEN DES AMENDEMENTS SUR LE PROJET DE LOI RATIFIANT L'ORDONNANCE N° 2014-326 DU 26 SEPTEMBRE 2014
Nous pouvons à présent passer à l'examen des amendements relatifs au projet de loi ratifiant l'ordonnance du 26 septembre 2014 complétant l'ordonnance du 12 mars 2014.
Articles additionnels après l'article unique
L'amendement COM-1 précise le rôle du tribunal lorsqu'une entreprise lui demande l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, alors que les difficultés rencontrées ne le justifient pas.
L'amendement COM-1 est adopté.
Jean-Jacques Hyest tenait beaucoup à l'amendement COM-2, qui réduit de dix à cinq ans la durée maximale du plan de sauvegarde, pour la différencier davantage du redressement judiciaire, la réserver aux entreprises dont la capacité de continuation est avérée, et la rendre plus acceptable pour les créanciers.
L'amendement COM-2 est adopté.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Les projets de loi de ratification d'ordonnances obéissent à une procédure particulière : le Gouvernement les dépose sur le bureau des assemblées, à charge pour elles de s'en saisir. Nous avons décidé de nous en saisir, mais n'ayant pas été inscrits à l'ordre du jour prioritaire par le Gouvernement, ces textes devront être intégrés dans la discussion en cours de projets de loi à l'objet connexe, comme celui relatif à la justice du XXIe siècle...
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans les tableaux suivants :
PROJET DE LOI RATIFIANT L'ORDONNANCE N° 2014-326 DU 12 MARS 2014
PROJET DE LOI RATIFIANT L'ORDONNANCE N° 2014-1088 DU 26 SEPTEMBRE 2014 COMPLÉTANT L'ORDONNANCE N° 2014-326 DU 26 SEPTEMBRE 2014
La commission examine le rapport de M. Hugues Portelli et le texte qu'elle propose sur le projet de loi n° 34 (2015-2016), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public.
Nous examinons à présent le rapport d'Hugues Portelli sur le projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de réutilisation des informations du secteur public.
EXAMEN DU RAPPORT
Le projet de loi « pour une République numérique », que nous examinerons bientôt contenait initialement un chapitre transposant la directive du 26 juin 2013 relative à la réutilisation des données publiques. Or celle-ci aurait dû être transposée il y a plus de trois mois, ce qui nous exposait à un risque de sanction. Le Gouvernement nous soumet donc ce chapitre sous forme d'un projet de loi distinct. Celui-ci conserve des séquelles du texte initial : il « surtranspose » le droit européen, comme c'est souvent le cas.
La directive de 2013 a été écrite par la Commission européenne dans le cadre d'un vaste chantier de « dépoussiérage » de près de 400 directives ; celle qu'elle actualise datait de 2003, et avait elle-même été transposée dans notre droit au moyen d'une ordonnance adoptée en 2005, modifiant la loi relative à l'accès des documents administratifs de 1978. C'est en s'appuyant sur cette ordonnance que s'était développé l'open data, c'est-à-dire l'ensemble des politiques de publication et de réutilisation des données publiques.
La directive de 2013 est ambivalente : d'un côté, elle rend plus facile la réutilisation de données publiques, de l'autre, elle maintient, notamment dans le secteur de la culture, le versement de redevances ou la conclusion d'accords d'exclusivité. Le projet de loi, lui, reste influencé par le texte initial du Gouvernement, qui affirme le principe de gratuité... Pour l'heure, restons-en à la transposition de la directive.
Prenons l'exemple du Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM). Il réalise et vend des cartes maritimes ; il en achète aussi, à nos voisins britanniques par exemple, afin de croiser les mesures faites des plateaux continentaux de part et d'autre de la Manche. Si le SHOM devait céder gratuitement ses cartes et que son homologue anglais continuait de vendre les siennes, il perdrait un million d'euros de recettes mais continuerait à payer pour les données britanniques. Il s'agit avant tout d'éviter la distorsion de concurrence entre organismes publics français et étrangers : ceux-ci fixeraient eux-mêmes les règles de réutilisation de leurs données. La directive de 2013 les oblige de toute façon à fixer un coût modique équivalant au coût marginal de collecte, de production, de mise à disposition et de diffusion augmenté d'un retour sur investissement raisonnable.
Les députés sont allés plus loin encore que le Gouvernement dans la « surtransposition ». Je vous propose de nous en tenir au texte du Gouvernement et quand ce dernier aura été trop loin de revenir à celui de la directive.
Deux groupes d'influence - de poids inégaux - pèsent sur ces questions de transfert de données du public vers le privé : d'une part, les associations et mouvements citoyens à but non lucratif qui veulent accéder aux informations mais n'ont que des capacités artisanales pour les exploiter ; d'autre part, les entreprises, qui y voient la matière première de nouveaux services commerciaux. Je ne suis pas surpris du résultat au niveau européen que vous avez décrit, car ces acteurs savent se faire entendre, et les gouvernants manquent parfois de la vigilance requise. Nous avons toutes les raisons de faciliter le développement de cet aspect de l'économie, mais regardons attentivement qui paye pour qui...
L'exemple des cartes maritimes est très éclairant. La directive européenne ne prévoit-elle pas un dispositif commun à tous les États membres de l'Union européenne ? Qu'est-ce qui justifie que la France aille au-delà ?
Le texte restreint-il la possibilité pour l'administration de vendre à des acteurs privés des listes d'informations relatives aux citoyens ?
Je rejoins totalement Alain Richard. La directive était-elle d'applicabilité directe, monsieur Vasselle ? Globalement, il semble que non ; la transposition qu'en font les États leur laisse une certaine capacité de modulation : il leur est loisible de réclamer une redevance ou de conclure des accords d'exclusivité pour leurs organismes.
Monsieur Mézard, aux termes de la directive de 2003, les droits de propriété intellectuelle des tiers limitent déjà la vente de telles informations. Les données personnelles sont protégées par la loi de 1978.
Comment expliquer alors que l'État - sous tous les gouvernements - ne réponde pas à mes questions concernant la vente du fichier d'immatriculation ?
S'il s'agit de données personnelles, l'administration n'a le droit ni de les donner, ni de les vendre...
J'ignorais que ces fichiers étaient vendus ; c'est une ressource utile, qui évitera d'augmenter les prélèvements obligatoires. Pour le justifier, l'administration n'a-t-elle pas tenu le même raisonnement que celui qu'on peut tenir sur les permis de construire ? Ceux-ci étant considérés non comme des données personnelles mais comme des décisions administratives notifiant un droit et accessibles au public, ceux-là peuvent être regardés comme des autorisations de mettre un véhicule en circulation...
Je ne suis pas certain que l'on puisse aller jusqu'au bout de la comparaison. Vous soulevez une question intéressante, nous l'approfondirons.
Je n'ai jamais vu de préfecture communiquer des données personnelles sans les anonymiser... Prenons garde à ne pas entraver le principe général de circulation des données publiques, qui est un moteur d'activité important. Il appartient aux autorités détentrices des informations de s'assurer qu'elles sont expurgées des données personnelles, conformément à la loi de 1978.
L'article 3 dispose que la redevance de réutilisation des informations peut être réclamée par une administration tenue « de couvrir par des recettes propres une part substantielle des coûts liés à l'accomplissement de ses missions de service public ». C'est assez flou...
Cela concerne notamment l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), que j'ai auditionné, ou l'INSEE.
Les statuts des établissements publics précisent la nature de leurs ressources - subventions et ressources propres. S'agissant des services de l'État, je ne sais pas comment l'on pourrait statuer.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 1er B
L'amendement COM-1 rétablit une rédaction plus fidèle à la directive : « lorsqu'elles sont mises à disposition sous forme électronique, ces informations le sont, si possible, dans un standard ouvert et aisément réutilisable ». Nous supprimerions par ailleurs une précision inutile : « lisible par une machine ».
Les données peuvent-être être mises à disposition autrement que sous forme électronique ?
Article 1er
L'amendement COM-2 rétablit l'article 11 de la loi CADA, de façon à maintenir un régime dérogatoire de réutilisation pour les informations figurant dans des documents produits ou reçus par des établissements et institutions d'enseignement et de recherche. Cette dérogation ne vaudrait que pour les documents produits ou reçus dans le cadre de leurs activités de recherche. Cette distinction reprend celle prévue par l'ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics.
De permettre à ces établissements de conserver leurs prérogatives en matière de réutilisation des données de recherche.
La formulation n'est-elle pas excessive ? Nul ne pourrait contrôler ce à quoi ces établissements interdisent l'accès...
Le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, que j'ai interrogé, est défavorable à cette disposition. Dans les milieux universitaires, la loi est plutôt bien perçue, car elle favorise la communication des travaux intellectuels. De deux choses l'une : ou bien les documents ne sont pas communicables, parce qu'inachevés ou protégés par le secret industriel ou commercial ou le droit de la propriété intellectuelle : ils ne sont alors pas réutilisables ; ou bien ils appartiennent à la littérature universitaire, déjà soumise à un droit particulier - la protection contre la copie par exemple -, et il n'y a pas de raison de restreindre leur communication. Il paraît en outre exorbitant que chaque institution fixe le coût de mise à disposition de ses documents. Je suis réservé sur cet amendement.
Je rejoins M. Sueur. Cette disposition va beaucoup plus loin que le projet de loi : je voterai contre cette dérogation.
Alors que l'on renforce l'autonomie des universités, cette disposition est une bonne chose.
Elle n'interdit pas la diffusion des données, mais leur réutilisation, ce qui est très différent. Le droit en vigueur dispose que les conditions de réutilisation des informations sont fixées le cas échéant par l'administration lorsqu'elles figurent dans des documents produits ou reçus par des établissements d'enseignement supérieur et de recherche ou des services culturels.
Est-il si facile de distinguer la diffusion de la réutilisation ? Comment qualifier la citation d'un autre document par exemple ?
Une précision encore : ne sont concernés que les cas de réutilisation avant publication.
Ce qui est en jeu, c'est la loyauté de la concurrence entre chercheurs. Celui qui a constitué une base de données originale pour ses recherches ne doit pas se la voir réclamée par l'un de ses concurrents, sous peine de diminuer ses chances de publier ses travaux dans une revue à comité de lecture, par exemple.
La directive est muette sur ce point : c'est une « surtransposition » de la part du Gouvernement.
L'amendement COM-2 est adopté.
Article 2
L'amendement rédactionnel COM-3 est adopté.
La directive impose la transparence des accords d'exclusivité conclus en matière de réutilisation des informations publiques. Les députés ont précisé que cette transparence s'applique également aux avenants, aux conditions de négociation, et les critères retenus pour l'octroi d'un droit d'exclusivité et que la publication se ferait au format électronique.
Cette disposition est trop imprécise et inutile : de tels accords d'exclusivité sont généralement conclus à l'issue d'une procédure de mise en concurrence régie par les règles relatives aux marchés publics. N'insérons pas ces dispositions dans la loi du 17 juillet 1978. Au surplus, l'article 44 de l'ordonnance garantit un équilibre entre, d'une part, les exigences de confidentialité propres à prévenir la divulgation de secret en matière industrielle et commerciale et à préserver la concurrence loyale et, d'autre part, les règles en matière de liberté d'accès aux documents administratifs. Voilà pourquoi l'amendement COM-4 rétablit le texte initial.
L'amendement COM-4 est adopté.
Article 3
Article 4
Les licences rappelant les règles relatives à la réutilisation des informations publiques, l'amendement COM-7 les rend obligatoires à titre pédagogique et dans un objectif de prévention des litiges, et cela que la réutilisation donne ou non lieu au paiement de redevances.
Pourquoi obliger l'administration à attacher une licence à toute communication ? La loi de 1978 prévoit déjà que « la réutilisation des informations publiques est soumise à la condition que ces dernières ne soient pas altérées, que leur sens ne soit pas dénaturé et que leurs sources et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées ». Cet amendement est inutilement lourd.
C'est affaire de fidélité à l'objectif de la directive. La licence est une simple confirmation du fait que l'administration applique la loi. Or la formulation « donne lieu à l'établissement d'une licence » confère à l'administration un véritable pouvoir de décision... La rédaction n'est pas pleinement aboutie.
Tous les documents émanant de l'État publiés sur le site data.gouv.fr sont déjà soumis à la « Licence ouverte », et ne donnent donc pas lieu au paiement d'une redevance. La licence se contente de rappeler les règles.
Il y en a plusieurs, selon qu'elle est ouverte ou non. Le Conseil d'État n'a pas tranché la question de savoir si une licence était de nature contractuelle ou réglementaire.
L'amendement COM-7 est adopté.
Article 5
L'amendement de coordination COM-8 est adopté.
Article 7
L'amendement COM-9 rectifié rend le texte applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises. Nous avons là une divergence d'interprétation avec le Gouvernement : le statut de Wallis-et-Futuna n'est pas exactement le même que celui de la Polynésie française.
En Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, n'appartient-il pas à l'autorité territoriale de légiférer sur l'accès aux documents administratifs ?
Je m'aligne sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel... Le rapport écrit donnera la référence détaillée.
L'amendement COM-9 rectifié est adopté ; en conséquence, l'amendement COM-11 tombe.
Article 8
L'amendement COM-10 rectifié étend l'obligation de mise en conformité aux accords d'exclusivité conclus en vue de la numérisation de ressources culturelles ainsi qu'à ceux conclus entre personnes publiques dans le cadre de leurs missions de service public.
L'amendement COM-10 rectifié est adopté.
Article 9
L'amendement COM-12 du Gouvernement renvoie à une ordonnance la codification des dispositions relatives à l'outre-mer. Avis favorable sous réserve de l'adoption du sous-amendement COM-13 rectifié, qui précise le champ de cette habilitation et supprime une disposition inutile dans la mesure où en application de l'article 38 de la Constitution, il appartient à chaque ordonnance de déterminer son champ d'application territorial.
Le sous-amendement obligerait le Gouvernement à prendre deux ordonnances sur le fondement, respectivement, des articles 38 et 74-1 de la Constitution - il est vrai que nous n'en mourrions pas... Le rapport public du Conseil d'État de 2005 indique de toute façon que nous ne pouvons fonder une unique ordonnance sur deux bases distinctes.
Les ordonnances prennent de nos jours des formes variées, parfois celles d'articles de projets de loi...
Le sous-amendement COM-13 rectifié est adopté.
L'amendement COM-12, sous-amendé, est adopté.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
- Présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente -
La commission examine le rapport de M. Philippe Bas et le texte qu'elle propose sur la proposition de loi n° 6 (2015-2016), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales.
EXAMEN DU RAPPORT
Nous examinons à présent le rapport de M. Philippe Bas sur la proposition de loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales.
Voici une queue de comète du projet de loi relatif au renseignement, définitivement adopté par le Parlement le 24 juin dernier. Dans sa décision du 23 juillet 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions relatives à la surveillance des communications électroniques internationales, non pas pour des raisons de fond, mais pour incompétence négative du législateur : en renvoyant à deux décrets en Conseil d'État, dont l'un ne devait pas être publié, le législateur n'a pas exercé la plénitude de ses compétences.
Les techniques de surveillance des communications internationales se sont développées depuis les années 2000, à la suite de décisions du chef de l'État et du Gouvernement, sur une base juridique qui n'était pas prévue pour de telles activités : les règles de police administrative relatives aux interceptions de sécurité établies par la loi du 10 juillet 1991. Les nouvelles techniques n'ont pas pour objet de surveiller les résidents français, mais sont néanmoins exploitées sur notre sol et, de façon exceptionnelle, les communications entre des personnes dont les numéros ou identifiants techniques sont rattachables au territoire français peuvent se trouver interceptées. Il convenait de sortir ces situations de ce no man's land juridique.
Le Gouvernement a choisi de s'en remettre à une initiative parlementaire, celle de Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale. Afin toutefois de parer à tous les risques d'inconstitutionnalité sur le fond, j'ai déposé en septembre une proposition de loi très proche et demandé au Président du Sénat, qui l'a accepté, de faire usage de la faculté que lui confère l'article 39 de la Constitution de demander l'avis du Conseil d'État sur la conformité de ce texte à nos principes constitutionnels et conventionnels. La Haute juridiction a levé tous nos doutes le 15 octobre dernier par l'avis qui vous a été adressé.
Les informations qui transitent par les câbles internationaux auxquels la France est reliée peuvent être exploitées par la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Les flux comportant, à la source comme à la réception, des identifiants nationaux seront écartés automatiquement ; le projet de loi garantit l'impossibilité d'y accéder, ce que la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) pourra vérifier. Ensuite, les flux mixtes, c'est-à-dire les communications dont l'émetteur ou le récepteur peut être rattaché par son identifiant ou son numéro au territoire national, seront exploités dans les conditions de droit commun de la surveillance intérieure, telles que définies par la loi sur le renseignement. Enfin, les communications émises ou reçues à l'étranger feront l'objet de ce régime spécifique.
Je me suis rendu à deux reprises dans les locaux de la DGSE pour observer le fonctionnement du système, vérifier la réalité des garanties offertes aux personnes et la finesse du système de sélection des informations. Les flux sont importants ; le travail des services consiste à les trier et à se rapprocher des cibles préalablement identifiées. Le texte prévoit que le Premier ministre pourra donner une autorisation portant sur une zone géographique, ou ciblant des organisations particulières, voire des personnes. Cette autorisation fera l'objet d'une communication a posteriori à la CNCTR.
Le Conseil d'État a estimé que la nouvelle rédaction de la proposition de loi tenait compte des griefs formulés par le Conseil constitutionnel ; que la différence de régime entre la surveillance des étrangers et des résidents français était justifiée et que la conciliation entre la protection de la sécurité nationale et le respect de la vie privée et du secret des correspondances n'était pas manifestement déséquilibrée ; que le dispositif était conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur l'application de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif au respect de la vie privée et familiale. Enfin, le Conseil d'État a considéré que les possibilités de recours des personnes surveillées étaient suffisantes : toute personne pourra s'assurer auprès de la CNCTR qu'elle ne fait pas l'objet d'une surveillance irrégulière (la commission ne confirmant ni infirmant l'existence d'une éventuelle surveillance) ; si, de sa propre initiative ou saisie par un particulier, la CNCTR estime qu'une garantie fondamentale est méconnue, son président ou trois de ses neuf membres pourront saisir le Conseil d'État. Celui-ci déclare dans son avis que cette procédure, quoique moins aisée que la procédure nationale, donne un moyen de recours au citoyen surveillé à l'étranger. C'est d'un grand raffinement dans la protection des droits des citoyens ! Peu d'États s'en préoccupent à ce point.
Fort de ces analyses, j'ai considéré pouvoir vous proposer d'approuver le texte de la proposition de loi, auquel j'ai apporté quelques amendements.
Notre groupe considère qu'il s'agit d'un complément à une loi déjà adoptée. Grâce au Sénat, le texte a été modifié pour prendre en compte des considérations relatives au respect des libertés individuelles, de la vie privée et des données personnelles. Il ne s'agit pas de refaire le débat mais de répondre à la remarque du Conseil constitutionnel. Comme l'a excellemment exposé le rapporteur, ce texte m'apparaît vertueux. La DGSE, aux fonctionnaires de laquelle je rends hommage, fonctionne dans des conditions très particulières. Il est clair que les garanties offertes par ce texte ne doivent pas avoir beaucoup d'équivalents dans le monde. Je ne suis pas sûr que les États-Unis, où nous nous étions rendus avec André Reichardt dans le cadre de la commission d'enquête sur les réseaux djihadistes, prennent de semblables précautions.
Sur les quinze amendements du rapporteur, douze ou treize sont rédactionnels. Deux apportent des modifications plus substantielles. La durée de conservation des correspondances, fixée à douze mois par l'Assemblée nationale, est réduite à dix mois. La question posée par l'amendement COM-5 de la possibilité pour le Premier ministre de faire appel à des délégués pour désigner de nouveaux systèmes de communication - soit entre cinq et dix décisions par an - ne représente pas une divergence excessive.
Puisque vous ne prenez pas la direction d'un vote conforme, confirmez-vous, monsieur le Rapporteur, qu'un accord en commission mixte paritaire vous paraît raisonnable de manière à éviter une lecture ultime de l'Assemblée nationale sur la question du passage de douze à dix mois, ou la désignation de délégués ?
Oui, cette proposition de loi fait suite au texte sur le renseignement qui avait établi beaucoup de mesures. Les communications internationales n'ont peut-être pas reçu l'attention qu'elles méritaient au Parlement : nous devons nous y attacher davantage que lors de l'examen du premier texte. S'il faut rendre hommage à sa volonté de disposer d'un avis du Conseil d'État, il est dommage que le rapporteur n'ait pas procédé à des auditions techniques pour obtenir des réponses sur des notions telles que celles d'identifiant. Un Français peut avoir des identifiants étrangers et des étrangers des identifiants français. Si l'observation sur ce qui est envisagé est ici plus précise, il s'agit là d'une pêche au chalut, en décalage avec ce qu'on a pu dire lors de l'examen de la loi sur le renseignement. Comment s'assurer qu'un résident français n'aura que des identifiants français ? On établit entre ce qui se passe en France et à l'étranger une séparation complètement virtuelle car ne correspondant pas à la réalité technique.
La question des avocats français qui servent des intérêts français à l'étranger se pose. L'alinéa 12 limite la protection envisagée dans le texte initial, en particulier dans le contrôle de la CNCTR. Il est précisé que ces personnes « ne peuvent faire l'objet d'une surveillance individuelle de leurs communications à raison de l'exercice du mandat ou de la profession concernée ». C'est moins précis que ce qui a été retenu dans le texte initial pour une situation en France, or on ne peut tracer de vraie frontière entre les deux cas.
Pourquoi établir des principes différents sur l'exploitation des données de connexion alors qu'on ne fournit pas les mêmes garanties pour leur récupération ? Le délai de conservation des conversations téléphoniques ne court pas à partir de la date de recueil, mais de la date d'exploitation, contrairement à ce qui avait été envisagé. Doit-on vraiment poser sur la table tout ce qu'il est possible de faire, légitimant ainsi toutes les pratiques ?
Nous n'allons pas reprendre le débat sur la loi relative au renseignement. Le rapporteur l'a rappelé, la non-conformité dénoncée par le Conseil constitutionnel ne portait pas sur le fond, auquel nous sommes opposés en ce qu'il élargit de façon importante le champ de la surveillance. Notre groupe ne votera pas cette proposition de loi.
Il existe une différence de base entre le régime applicable aux communications intérieures et internationales. Tout droit est territorial. La loi intérieure a autorité sur les opérateurs, qui coopèrent à l'application des décisions. À l'international, l'interception est clandestine. Les différences de procédure en sont la conséquence. Notre collègue Jean-Yves Leconte se trompe sur les garanties. Dès lors qu'on se livre à des exploitations individuelles issues de la collecte nécessairement indifférenciée de données sur un réseau international, on entre dans le même schéma de garanties que pour les exploitations individuelles provenant d'un réseau français.
Autant le texte sur le renseignement posait des difficultés sur les libertés publiques, autant celui-ci est plus protecteur que ses équivalents étrangers. Sous le bénéfice d'inventaire des réserves émises par M. Leconte, qui fait sans doute référence aux Français de l'étranger disposant d'identifiants étrangers, ce texte ne soulève pas d'objection essentielle.
On s'acheminera assez facilement, si le Sénat adopte ce texte avec des modifications à la marge, vers un accord en commission mixte paritaire. Soyez sûrs que je le rechercherai. Monsieur Leconte, la décision du Conseil constitutionnel nous faisait un devoir d'aller au fond des choses. L'avis du Conseil d'État me rassure. Le texte couvre un maximum de garanties. Le cadre juridique ne s'attache pas à la nationalité de l'utilisateur mais aux instruments qu'il utilise : pour un ordinateur, l'adresse IP, pour le téléphone, la carte SIM et le numéro d'identification du territoire national, c'est-à-dire le préfixe en 0033.
Je n'ai pas procédé à de nouvelles auditions techniques mais celles organisées avant l'examen de la loi sur le renseignement m'avaient donné un niveau de compréhension suffisant. Je me suis également récemment rendu à la DGSE pour comprendre le fonctionnement de ses capacités techniques.
La protection des professions « protégées » me paraissait suffisante. Quant aux délais, les conditions de traitement des données sont plus difficiles qu'auparavant. Avant de procéder à l'exploitation, il faut appliquer de nombreux filtres afin d'arriver à l'information réellement utile. La masse d'informations est très excessive par rapport aux besoins réels. Il s'agit d'aller chercher l'aiguille dans la botte de foin, d'où les délais retenus.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 1er
L'amendement rédactionnel COM-1 est adopté, ainsi que l'amendement rédactionnel COM-2.
L'amendement de précision COM-3 est adopté, ainsi que l'amendement rédactionnel COM-4.
L'amendement COM-5 retient l'expression « réseaux de communications électroniques », plus appropriée sur le plan juridique que celle de « systèmes ». Il confie en outre au Premier ministre les décisions de désignation des réseaux de communications pouvant faire l'objet d'une interception, rares et appartenant à un domaine sensible, au lieu d'en permettre la délégation à ses collaborateurs.
Je suis incapable de décrire la différence entre « réseaux » et « systèmes ». La prudence commande de s'assurer auprès des rédacteurs du texte de la raison initiale du choix de ce mot. N'ayant pas une vision détaillée de la façon dont on pénètre les mécanismes, je préfère m'en tenir à la connaissance de ceux qui s'en chargent.
La décision d'interception est prise à l'encontre d'un flux d'informations géré par un acteur qui peut être une autorité publique, un État ou une compagnie privée. Je conviens que le besoin d'autorisation n'est pas fréquent, tout simplement parce que beaucoup de ces réseaux sont surveillés en permanence. Si survient l'indication que la surveillance d'un nouveau réseau est nécessaire, le Premier ministre sera toujours en mesure de signer l'autorisation en cas d'urgence. La portée de cette mesure n'est-elle pas seulement symbolique ? Un directeur de cabinet du Premier ministre peut tout signer - c'est d'ailleurs ainsi que notre État fonctionne, et mieux que d'autres. Existe-t-il une raison politique ou juridique à cette mesure ?
Le choix de l'expression « réseaux » repose sur ce qui existe dans notre droit, notamment à l'article L. 32 dans le code des postes et communications électroniques, et répond à la réalité des dispositifs à surveiller. Cela ne soulève pas de difficulté, je m'en suis assuré. Quant à la délégation, si nous avions accepté dans la loi relative au renseignement que le Premier ministre ait plusieurs délégués outre son directeur de cabinet, la décision politique de désigner ces réseaux, qui interviendra peu souvent, peut lui être confiée sans alourdir sa tâche. Les Premiers ministres, comme les ministres, ont toute latitude pour s'organiser. Je ne m'accroche pas à cet amendement, bien qu'il mette le Premier ministre face à sa responsabilité.
L'amendement COM-5 est adopté, ainsi que l'amendement rédactionnel COM-6.
L'amendement COM-7 supprime les dispositions précisant que l'autorisation du Premier ministre peut exclure certains numéros d'abonnement ou d'identifiants techniques de toute surveillance. Pourquoi ? S'il s'agit d'écarter l'écoute de personnalités bénéficiant d'immunité, ce ne serait pas une simple faculté mais une obligation tirée des conventions internationales ; s'il s'agit de moduler la précision de l'autorisation, c'est le cas général. Cette mention, inutile, m'apparaît motivée par la volonté d'afficher que jamais la France n'écoutera le Premier ministre d'un pays voisin. On n'a pas besoin d'insérer une disposition floue dans le texte pour affirmer ce principe.
L'amendement COM-7 est adopté, ainsi que l'amendement rédactionnel COM-8.
L'amendement COM-9 diminue la durée de conservation des correspondances interceptées. Moins longtemps ces renseignements sont conservés, si cela est compatible avec les exigences de la surveillance, plus grandes sont les garanties.
Vous avez écrit « recueil » plutôt qu'« exploitation ». Il y a donc deux avancées.
Je me demande, comme Jean-Pierre Sueur, quelle est l'importance du passage de douze à dix mois. Est-ce par cohérence avec la loi sur le renseignement ?
Il existe deux délais : celui de conservation à partir du premier jour d'exploitation, qui est réduit de douze à dix mois, et celui de conservation après le recueil, de quatre ans. Nous avons toujours veillé à ne pas autoriser la conservation des informations relevant de la vie privée au-delà de ce qui est nécessaire pour la surveillance. Nous avons eu là-dessus bien des débats avec le Gouvernement. Il s'agit simplement de limiter le délai le plus possible. Je n'en fais pas un argument majeur d'amélioration des garanties fondamentales offertes au citoyen.
Des opérations matérielles peuvent être réalisées par nos services ou par des opérateurs privés. L'amendement COM-10 a pour but que celles qui sont nécessaires à la mise en place de mesures de surveillance internationale dans les locaux et installations des opérateurs de réseaux de communications électroniques concernés puissent être effectuées sur ordre du Premier ministre, ou de la personne spécialement déléguée par lui, par des agents qualifiés de ces opérateurs dans leurs installations respectives. Nous apportons une garantie juridique aux opérateurs qui sont sous notre juridiction.
Aux opérateurs nationaux, comme Orange. Deux types d'actions sont conduits par l'État et par les opérateurs.
Des communications internationales peuvent en effet être gérées par des opérateurs français.
Exactement.
L'amendement COM-10 est adopté.
Les amendements rédactionnels COM-11 à COM-13 sont adoptés, ainsi que l'amendement de coordination COM-14.
Article 2
L'amendement de coordination COM-15 est adopté.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La réunion est levée à 11 h 35
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :