Projet de loi relatif à la bioéthique - Suite de l'examen des amendements au texte de la commission spéciale
Je vous propose de consacrer une heure à l'examen des amendements au texte de la commission spéciale. La séance publique reprendra à 21 heures 30. Commençons par examiner quatre amendements rédactionnels de notre rapporteur.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR
Article 4 (Suite)
Les amendements rédactionnels n°s 327, 328, 329 et 330 sont adoptés.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Article 4 (Suite)
L'amendement n° 107 se situe dans la droite ligne de l'amendement n° 67 précédemment examiné par la commission spéciale, qui y a donné un avis favorable, dont il constitue un amendement de repli. Il établit la filiation de la mère d'intention par déclaration anticipée de volonté. J'y suis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 107.
L'amendement n° 108 représente un amendement de repli par rapport au précédent. Il ressort de la même idée : la mère est celle qui accouche. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 108.
L'amendement n° 109 rectifié constitue également un amendement de repli sur le même thème. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 109 rectifié.
Je suis également favorable à l'amendement n° 112, qui harmonise, dans le code civil, la formulation utilisée pour l'AMP.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 112.
L'amendement n° 195 judiciarise le recueil du consentement à l'AMP avec donneur et de la reconnaissance conjointe. Cette compétence relève des notaires depuis la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et la modification du dispositif semble quelque peu prématurée. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 195.
L'amendement n° 27 rectifié autorise le recueil du consentement à l'AMP avec donneur et de la reconnaissance conjointe par un avocat. Par cohérence avec l'avis donné ce matin à un amendement poursuivant un objectif similaire, mon avis est défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 27 rectifié.
L'amendement n° 111 clarifie l'information donnée par le notaire aux parents qui recourent à une AMP avec donneur sur les possibilités d'accès aux origines dont disposera leur enfant. Cette précision semble effectivement préférable à un renvoi au code de la santé publique. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 111.
L'amendement n° 113 supprime la révocation du consentement auprès du notaire. De fait, le choix que donne le texte entre le médecin et le notaire sera source de difficultés inutiles. Il implique que le notaire informe le médecin, dont il ne connaît pas forcément l'identité, de la révocation du consentement du conjoint, afin qu'il en tire les conséquences s'agissant de l'AMP.
Si je comprends bien le texte voté par l'Assemblée nationale, l'AMP pourrait alors avoir lieu, mais sans second parent.
C'est précisément le risque : normalement, l'AMP doit cesser en cas de révocation du consentement.
Pourtant, le projet de loi autorise désormais l'AMP pour les femmes seules...
La procédure envisagée par l'Assemblée nationale risque de conduire à des effets collatéraux indésirables. Je suis donc favorable à l'amendement.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 113.
L'amendement n° 63 prévoit un régime unique d'établissement de la filiation pour tous les couples, qui serait contradictoire avec celui qui est prévu par l'amendement n° 67 auquel la commission spéciale s'est déclarée favorable. Par cohérence, et parce que l'amendement a déjà été rejeté par la commission spéciale au stade de l'élaboration de son texte, mon avis est défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 63.
Les amendements identiques n° 232 et 242 créent également un régime unique d'établissement de la filiation. Leur principe a déjà été rejeté par la commission spéciale : avis défavorable.
L'amendement n° 277 impose la mention, dans l'acte de naissance, de la femme qui accouche au sein du couple de femmes, sans entraîner de conséquence sur la filiation. Sous réserve d'une rectification pour le rendre identique à l'amendement suivant, j'y suis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 277, sous réserve de rectification.
L'amendement n° 110 poursuit le même objectif : l'accouchement serait mentionné dans l'acte de naissance, mais la filiation toujours établie sur la base de la volonté des parents, via la reconnaissance conjointe. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 110.
L'amendement n° 269 supprime la mention de la reconnaissance conjointe dans l'acte de naissance afin d'éviter tout risque de discrimination liée au mode de conception de l'enfant. Or, seul sera mentionné le mode d'établissement de la filiation, comme sur tout acte de naissance, afin d'en assurer la sécurité juridique. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 269.
L'amendement n° 223 prévoit la mention, dans l'acte notarié, de la femme qui accouche. Il permet de ne pas nier la réalité de l'accouchement. Sagesse.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 223.
L'amendement n° 97 remplace les termes « père » et « mère » par ceux de « parents de l'enfant » à l'article 372 du code civil, en cohérence avec la rédaction de l'article 371-1. Seuls certains articles du code civil relatifs à l'autorité parentale utilisent déjà le terme « parents ». Si nous souhaitons harmoniser la terminologie, il conviendrait donc de modifier bien d'autres articles du code. Je demande le retrait de l'amendement ou, à défaut, j'y serai défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 97.
Articles additionnels après l'article 4
L'amendement n° 229 rectifié établit la filiation de la mère d'intention par la reconnaissance volontaire pour un enfant conçu par AMP avant l'entrée en vigueur de la loi. Il permet d'établir une filiation rétroactive. Je ne vois pas bien comment deux femmes pourraient prouver qu'elles ont eu recours à une AMP en France alors que cela n'est pas autorisé. En outre, pour les enfants conçus par AMP à l'étranger, le recours à la reconnaissance volontaire de l'article 376 du code civil pour la mère d'intention en heurterait le principe qui relève d'un aveu de participation à la procréation charnelle. De fait, il ne peut à l'évidence s'appliquer à un couple de femmes. Avis défavorable.
Deux lectures sont prévues sur le projet de loi : nous pourrons donc affiner les rédactions. Il faudra nous interroger sur le régime transitoire applicable aux enfants déjà nés d'une AMP.
Si nous ne votons pas cet amendement, il faudra effectivement trouver une solution pour les enfants nés d'une AMP avant la loi.
L'une des mères étant biologique, sa filiation avec l'enfant est automatiquement établie. S'agissant de l'autre mère, je rappelle que l'adoption est autorisée pour tous les couples.
Certes, mais elle n'intervient que plusieurs années après la conception.
La mère biologique peut-elle s'opposer à l'obtention du statut de parent pour l'autre mère ?
La reconnaissance volontaire implique le caractère actuel du lien entre l'enfant et la mère d'intention. C'est déjà possible pour un homme qui épouse une femme et reconnaît son enfant. Mêmement, nous parlons de situations dans lesquelles existe un projet commun. Pourquoi, dès lors, ne pas autoriser la procédure de reconnaissance volontaire ? Il est vrai, cependant, que l'avis défavorable proposé par notre rapporteur est conforme à la position de la commission spéciale. Nous en débattrons en séance publique.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 229 rectifié.
L'amendement n° 198 rectifié bis rend possible l'établissement d'une double filiation maternelle ou paternelle par la possession d'état, c'est-à-dire le fait de se comporter comme un parent. Le dispositif, cependant, est fondé sur la vraisemblance biologique. Nous avions rejeté cette possibilité au stade de la commission spéciale. Par cohérence, mon avis est défavorable.
Nous connaissons la problématique des parents privés de lien biologique avec l'enfant au moment de la séparation du couple. La possession d'état constitue un instrument juridique permettant la reconnaissance d'un droit à l'égard de l'enfant. Son extension aux couples de même sexe mérite d'être étudiée avec attention.
La possession d'état permet de conforter une filiation. La Cour de cassation y fait référence dans sa jurisprudence relative à la transcription d'actes d'état civil établis à l'étranger s'agissant du conjoint du père biologique.
Je comprends la motivation des auteurs de l'amendement. Néanmoins, d'aucuns font déjà état de leur suspicion quant au risque de reconnaissance de la gestation pour autrui (GPA) s'agissant de l'article 1er du projet de loi : ne prêtons pas davantage le flanc à la critique avec un tel amendement. Je suis sensible, en outre, aux arguments de notre rapporteur.
Comment établir a posteriori une filiation pour les enfants conçus par AMP à l'étranger avant le vote de la loi ? La possession d'état le permet. Le dispositif n'est applicable qu'après un certain nombre d'années passées auprès de l'enfant en tant que parent. S'agissant de la GPA, si nous refusons toute transcription automatique des actes d'état civil établis à l'étranger, nous sommes favorables à l'adoption et à la possession d'état pour établir une filiation.
La possession d'état, pour s'appliquer, doit être « continue, paisible, publique et non équivoque ». Or, comment qualifier de « non équivoque » un lien avec la mère d'intention alors qu'un père biologique est susceptible d'exister ?
La possession d'état est forcément, dans le cas que nous évoquons, équivoque à l'égard d'un potentiel père. Par ailleurs, monsieur Bigot, je n'ai pas la même analyse s'agissant du sens donné à la notion de possession d'état dans la jurisprudence de la Cour de cassation. Enfin, M. Mohamed Soilihi a raison : le dispositif pourrait aisément entraîner la régulation de la GPA.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 198 rectifié bis.
L'amendement n° 9 a le même objet que le précédent ; j'y suis donc défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9.
L'amendement n° 199 rectifié bis vise à établir la filiation par présomption pour l'épouse de la femme qui accouche, sur le modèle de la présomption de paternité. La présomption de paternité est fondée sur l'existence du mariage, mais aussi sur la vraisemblance d'une procréation charnelle : cela fonctionne pour un couple hétérosexuel, mais pas pour un couple homosexuel. Un tel amendement a déjà été rejeté par la commission spéciale. Mon avis est défavorable.
Votre avis défavorable est cohérent avec votre position de ce matin sur l'amendement relatif à l'établissement de la filiation dans les couples de femmes. Nous essayons de bâtir un régime de la filiation qui soit le même pour tous les couples.
On ne peut pas élargir la notion de présomption de paternité pour en faire une présomption de maternité, ce n'est pas la même chose !
C'est faux ! La présomption de paternité permet de reconnaître comme étant le père, la personne mariée avec la femme qui accouche, faisons la même chose pour la deuxième mère.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 199 rectifié bis.
L'amendement n° 105 qui vise à créer un sexe neutre à l'état civil, ne présente pas de lien suffisant avec le texte et me semble donc irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution. Ce sujet aurait nécessité un débat de fond.
L'amendement n° 105 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Article 4 bis
Les amendements identiques n° 117, 160 rectifié et 210 rectifié bis visent à supprimer l'article 4 bis introduit par notre commission à l'initiative de notre collègue Bruno Retailleau. Ils sont donc contraires à la position de la commission spéciale, qui entendait limiter la dernière jurisprudence de la Cour de cassation s'agissant de la transcription à l'état civil de l'acte établissant la filiation d'un enfant conçu par GPA à l'étranger. Mon avis est donc défavorable.
Les amendements n° 8, 104 et 249 proposent une nouvelle rédaction de l'article 4 bis afin que les jugements étrangers établissant la filiation d'enfants nés d'une GPA aient, en droit français, les mêmes effets qu'un jugement d'adoption plénière. Cela reviendrait à admettre la GPA, pourtant interdite en droit français. Ils sont contraires à la position de la commission spéciale et j'émets un avis défavorable.
L'amendement n° 250 propose une nouvelle rédaction de l'article 4 bis, qui va dans le même sens que les trois précédents amendements. Il exigerait de surcroît que le consentement de la mère porteuse soit mentionné dans le jugement et interdirait toute contestation de la transcription, ce qui me semble inconstitutionnel. Il est contraire à l'interdiction de la GPA en droit français : mon avis est défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 250.
L'amendement n° 216 rectifié ter réécrit l'article 4 bis pour codifier dans la loi les termes de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur la filiation d'un enfant issu d'une GPA. Il est contraire à la position de la commission, j'y suis donc défavorable.
Il s'agit plutôt d'y codifier trois décisions de la Cour de cassation, dont une d'assemblée plénière. La Cour de cassation avait cependant souhaité disposer d'un avis consultatif de la Cour européenne des droits de l'homme.
Effectivement. Cet amendement modifie l'article 47 du code civil pour prévoir que la GPA ne fait pas obstacle à elle seule, à la transcription de l'acte ou du jugement concernant le lien biologique ni à la reconnaissance du lien de filiation à l'égard du parent d'intention.
Nous avons un problème d'organisation de nos débats : si les amendements de suppression de l'article 4 bis sont adoptés, nous ne pourrons pas défendre notre amendement de réécriture de l'article. Il faudrait que nous soyons autorisés à modifier notre amendement pour le transformer en article additionnel après l'article 4 bis.
Je suis extrêmement favorable à la GPA, mais il serait dommage d'avancer sur ce sujet au détour d'un amendement ; je voterai donc contre pour l'instant, dans l'attente d'un projet de loi complet sur l'AMP et la GPA.
Les décisions de la Cour de cassation sont-elles au cas d'espèce ou de principe ?
À la suite de décisions contradictoires, la Cour de cassation a demandé un avis consultatif à la Cour européenne des droits de l'homme. L'assemblée plénière a statué sur la base de cet avis, s'agissant d'un couple hétérosexuel qui avait eu recours à la GPA. Cette décision a été reprise le 18 décembre dernier pour un couple de deux hommes. Il s'agit donc bien d'une jurisprudence de principe.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 216 rectifié ter.
Par l'amendement n° 301, le Gouvernement propose une nouvelle rédaction de l'article 4 bis. Il insère dans l'article 47 du code civil une disposition interprétative visant à préciser que l'appréciation de la régularité des actes de l'état civil étranger se fait au regard de la loi française. Pour être transcrit, l'acte doit en effet être pris dans les formes usitées dans le pays étranger et les faits déclarés doivent correspondre à la réalité.
Le but du Gouvernement est de revenir à la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation sur la filiation biologique réelle, mais je doute que la rédaction proposée soit opérationnelle. La « réalité » n'est pas une notion juridique : les parents sont, ou ne sont pas, les vrais parents de l'enfant ; s'ils ne le sont pas, l'acte ne pourra pas être transcrit. Peut-être la ministre pourra-t-elle nous éclairer ? Mon avis est défavorable.
La rédaction proposée par le Gouvernement est inaboutie. Son intention est peut-être que les actes soient conformes à la législation française : « celle-ci » renverrait alors à « transcription » ?
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 301.
Article additionnel après l'article 4 bis
L'amendement n° 31 est relatif à l'inscription à l'état civil du prénom et du nom de l'enfant sans vie. C'est un sujet délicat, sur lequel nous aurions besoin d'un vrai débat. Sans lien avec le texte, cet amendement me semble irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution.
L'amendement n° 31 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Article 1er (Suite)
Deux sous-amendements n° 325 et 326 ont été déposés à l'amendement n° 24 : l'un allonge le délai de 18 à 24 mois et l'autre supprime l'autorisation de l'Agence de la biomédecine.
Sur ce sujet de la procréation post mortem, l'amendement de notre collègue Catherine Procaccia me semblait le plus complet. Mon avis est défavorable à ces deux sous-amendements.
TABLEAU DES AVIS
La réunion est close à 20 h 25.