Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale

Réunion du 15 novembre 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • CEF
  • PJJ
  • délinquance
  • enfance
  • outre-mer

La réunion

Source

La commission examine les amendements au texte n° 85 (2011-2012) qu'elle a établi pour la proposition de loi organique n° 69 (2009-2010) portant application de l'article 68 de la Constitution.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Nous allons examiner les amendements au texte de la commission, sachant que M. Hyest a déposé une motion tendant à opposer la question préalable et qui sera discutée en séance.

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

J'ai déjà présenté la teneur de notre amendement n° 3 qui veut donner au Parlement le pouvoir d'agir par l'intermédiaire des groupes politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je me suis penché attentivement sur cette question et sur l'ensemble des amendements. La commission de la Haute Cour devra être indépendante et pluraliste, et chaque groupe doit pouvoir y être représenté. Mais nous devons nous garder de certains effets, de certaines inégalités, surtout si nous nous dirigeons vers des groupes de dix membres. Dans une commission de douze membres, soit six sénateurs et six députés, dans l'hypothèse où, dans une assemblée, on compterait cinq, six, sept groupes, nous aurions des situations d'une inégalité inacceptable, un groupe de dix parlementaires pouvant avoir la même représentation qu'un groupe de 200. Faut-il augmenter le nombre de membres ? Avec 60 membres - le nombre souhaitable pour la proportionnelle des groupes - nous aurions un vrai petit Parlement. Est-ce souhaitable ? Je propose donc par mon amendement de porter le nombre de membres à seize parlementaires, soit huit sénateurs et huit députés élus selon la proportionnelle au plus fort reste des groupes dans le respect du pluralisme. Cette formule éviterait les inconvénients des autres solutions. Toutes les composantes seraient représentées sans contrainte inutile.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mme Borvo, à ce stade, ne parle que du droit de saisine qu'elle veut accorder aux groupes politiques, et ne traite pas de la composition de la commission. Pour la saisine, le rapporteur se rallie à un dixième des membres de chaque assemblée, qui est la solution du gouvernement. Mme Borvo va plus loin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous avez raison : j'abordais l'ensemble des amendements pour aller directement au coeur du problème. Je suis toujours hostile à l'amendement de Mme Borvo et je préfère la position du gouvernement dans son projet de loi. Je ne suis pas d'accord avec l'idée de laisser le droit de saisine à la discrétion des groupes.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Il ne nous semble pas absurde, pour une mesure exceptionnelle dans des circonstances exceptionnelles, de confier la saisine non seulement à 1/10e des membres d'une assemblée, mais aussi à un groupe. Nous sommes favorables à la proposition de Mme Borvo.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je suis contre. La destitution du chef de l'État est un acte grave qui ne saurait dépendre de l'action d'un groupe politique. Cette initiative serait nécessairement interprétée comme un geste politique, alors qu'il doit s'agir d'une démarche républicaine, dans l'intérêt supérieur de la nation. La formule du gouvernement respecte les droits du Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Nous allons peut-être avoir des groupes de dix membres : je suis contre cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous parlons de la saisine et non de la destitution. Je suis scandalisée par l'idée que la saisine par un groupe serait une « politisation » inacceptable, comme si le Parlement n'était pas de part en part politique. Je déplore cet éloge de l'apolitisme qui privilégie la collusion entre trente parlementaires à la démarche d'un groupe ! Je maintiens l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

J'aime la politique, j'en fais et j'en suis fier. C'est une activité digne. Mais, en l'espèce, il s'agit d'un manquement grave du chef de l'État qui amène à considérer sa destitution. Un certain nombre de parlementaires d'opinions différentes doivent pouvoir demander la saisine de la commission : il ne faut pas que cet acte d'une grande gravité soit perçu comme un acte dans le combat politique de chaque jour. Je vous rappelle ce que disait notre ancien collègue Robert Badinter : il se trouvera toujours « un vieux Caton ou un jeune Saint-Just » pour déposer une motion. La prudence de M. Badinter n'est pas pour autant de la défiance à l'égard de la politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Je me rallie à la position de M. le rapporteur car la saisine enclenche déjà quelque chose de lourd. Il faut un seuil minimal de parlementaires.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.

Article 4

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

J'ai présenté l'objet de l'amendement que je dépose : la commission comprendrait seize membres au lieu de douze, et ceux-ci seraient élus « dans le respect du pluralisme ».

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

S'il faut mentionner les groupes, n'est-il pas préférable de dire « dans le respect du pluralisme des groupes » car « la représentation proportionnelle au plus fort reste des groupes » est une formule ambiguë ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Elle se trouve dans le Règlement du Sénat, mais je suis sensible à l'argument de M. Richard Je proposerai de passer à seize, voire à vingt membres pour tenir compte de l'existence de cinq à six groupes dans chaque assemblée, tout en respectant la proportionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

A l'alinéa 1, deuxième phrase, de l'article 4 : premièrement, la commission comprend 20 membres ; deuxièmement, supprimer « des groupes » après « au plus fort reste » ; troisièmement, ajouter, après « reste », « dans le respect du pluralisme des groupes ».

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je m'interroge sur le terme de pluralisme. Ce qu'on vise, n'est-ce pas plutôt la pluralité des groupes ? Le pluralisme comporte, me semble-t-il, une petite ambiguïté. Sans doute voulez-vous afficher ce terme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Il est normatif, ce que ne suggère pas « pluralité ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il est breveté : il a l'avantage de figurer à l'article 4 de la Constitution. Nous dirons ce qu'il faut en séance pour préciser sur ce point les travaux parlementaires. Il ne s'agit pas de représenter tous les courants de pensée du parti socialiste...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Je voterai contre. Votre amendement laisse supposer que chaque groupe serait représenté. Or nous légiférons de manière globale, dans tous les cas de figure. Si le seuil de constitution d'un groupe est abaissé à dix personnes, pas moins de 34 groupes pourraient être représentés !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous ne prendrons pas part au vote. Tout cela n'est pas mûr...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous allez le faire mûrir !

L'amendement du rapporteur est adopté. En conséquence la commission est défavorable aux amendements n° s 1 et 4 qui deviennent sans objet.

Article 5

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cet amendement, présenté par M. Collombat, ne me convainc pas. Il tend à supprimer les conséquences qui s'attacheraient au dépassement du délai d'un mois donné à la Haute Cour pour statuer. Dans ce cas, la Cour serait dessaisie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

L'article 68 de la Constitution dispose que la Haute Cour statue dans un délai d'un mois...

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Cela suppose que les faits soient incontestables. S'il y a le moindre doute, s'il faut procéder à une analyse approfondie des faits, le délai paraît insuffisant : l'impeachment de Nixon a pris six mois !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Tout dépend de son point de départ ! S'agit-il de la saisine de la Haute Cour ou du rapport de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Le délai d'un mois court à partir du moment où la proposition de réunion de la Haute Cour a été adoptée par les deux assemblées... L'amendement de M. Collombat supprime le dessaisissement de la Haute Cour au cas où elle ne statue pas dans les délais.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cela irait de soi, donc il vaut mieux que ce soit écrit. Imaginez la situation extraordinaire où se trouverait le pays, il n'est pas souhaitable qu'elle soit prolongée...

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.

Examen de l'amendement du rapporteur

Tableau des amendements extérieurs

Puis la commission examine le rapport pour avis de M. Nicolas Alfonsi sur le projet de loi de finances pour 2012 (programme « Protection judiciaire de la jeunesse » de la mission « Justice »).

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Je suis heureux de rapporter ce budget qui mérite à mon sens une attention particulière. Comme je l'indiquais l'an dernier, depuis 2008, la protection judiciaire de la jeunesse a profondément évolué : confrontée à une baisse continue de ses crédits (qui ont diminué de 6,3% entre 2008 et 2011) et de ses effectifs (suppression de 540 emplois), elle a recentré son action sur la prise en charge des mineurs délinquants et s'est dégagée de l'exécution des mesures d'assistance éducative ordonnées par les juges des enfants dans le cadre de la protection de l'enfance en danger. Ces mesures relèvent désormais de la seule compétence des services d'aide sociale à l'enfance des conseils généraux. Parallèlement, elle s'est engagée dans une démarche de restructuration de ses services déconcentrés, de rationalisation de l'offre de prise en charge sur l'ensemble du territoire et de modernisation de ses pratiques, afin de limiter l'effet des réductions budgétaires sur la qualité des prises en charge. A ce titre, des efforts très importants ont été accomplis et doivent être soulignés.

En 2012, la DPJJ prévoit de marquer une pause : pour la première fois depuis 2008, ses crédits augmenteront de 4,6% en autorisations d'engagement, de 2% en crédits de paiement. Elle disposera ainsi de près de 793 millions d'euros en autorisations d'engagement et de près de 773 millions d'euros en crédits de paiement. Toutefois, cet accroissement global dissimule une évolution contrastée, puisque l'essentiel de ces crédits supplémentaires seront consacrés à l'ouverture de vingt nouveaux centres éducatifs fermés (CEF). 30 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 10 millions d'euros de crédits de paiement seront affectés à ce projet. En 2012, 11,6 % du budget global de la PJJ sera ainsi consacré aux CEF. Parallèlement, le plafond d'emplois alloué à la PJJ diminuera globalement de 106 équivalents temps plein (ETP) : 76 ETP seront transférés au programme n°310 : « conduite et pilotage de la politique de la justice », afin de permettre la mise en place des plateformes interdirectionnelles CHORUS ; 60 nouveaux ETP seront dédiés à la création de 20 nouveaux CEF ; 50 nouveaux ETP seront affectés aux services de milieu ouvert, dans les territoires affectés par les délais de prise en charge les plus élevés ; parallèlement, 140 ETP devront être supprimés.

Je souhaiterais profiter de cette présentation pour mettre en perspective les évolutions accomplies depuis trois ans et évoquer les trois points suivants : d'une part les réformes intervenues dans l'organisation de la justice pénale des mineurs ; d'autre part, la priorité accordée depuis plusieurs années à la prise en charge des mineurs multirécidivistes ou multiréitérants, au détriment des structures de milieu ouvert et d'hébergement traditionnelles ; enfin, le problème de pilotage de la justice civile des mineurs.

Les réformes intervenues dans l'organisation de la justice pénale des mineurs, tout d'abord. Je passe rapidement sur la question de l'évolution de la délinquance des mineurs. Augmente-t-elle ? N'augmente-t-elle pas ? Certes le nombre de mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie augmente, mais la part des mineurs dans la délinquance globale est stable et diminue même légèrement (aux alentours de 19% de la délinquance globale).

On assiste surtout depuis une dizaine d'années à un accroissement important du rôle du parquet en matière de justice pénale des mineurs. D'une part, les parquets poursuivent presque systématiquement les mineurs mis en cause. Le taux de réponse pénale était de 93,9% en 2010 (contre seulement 78,5% en 2002), en raison, notamment, d'une très forte diminution des classements sans suite. D'autre part, les parquets recourent de plus en plus aux procédures alternatives aux poursuites et à la composition pénale. En 2010, 53,6% des affaires mettant en cause des mineurs ont été classées après réussite d'une procédure alternative aux poursuites (dans deux tiers des cas, après un simple rappel à la loi). Depuis 2002, le législateur a conforté ce rôle croissant joué par le parquet, en créant deux procédures qui lui permettent de saisir directement la juridiction pour mineurs sans instruction préalable par le juge des enfants : la procédure de présentation immédiate, inspirée de la procédure de comparution immédiate applicable aux majeurs, créée en 2002, et la procédure de convocation par officier de police judiciaire (COPJ), créée par la loi du 10 août 2011, qui permet au parquet de faire comparaître le mineur devant la juridiction pour mineurs dans un délai de dix jours à deux mois. 1 686 procédures de présentation immédiate ont été mises en oeuvre par les parquets en 2010.

J'en viens maintenant aux bouleversements qui affectent à l'heure actuelle les juridictions pour mineurs. Tout d'abord, la loi du 10 août 2011 a créé une nouvelle juridiction : le tribunal correctionnel pour mineurs. Cette nouvelle juridiction sera compétente à partir du 1er janvier 2012 pour juger des mineurs récidivistes de plus de seize ans. Elle sera présidée par un juge pour enfants, qui sera assisté cette fois par deux magistrats professionnels, et non plus par deux assesseurs devant les tribunaux pour enfants, choisis en raison de leurs compétences et de leur intérêt pour les questions de l'enfance. Il y a là une regrettable mise à l'écart de personnes qui ont pourtant montré leur savoir-faire. Je précise que le Conseil constitutionnel a estimé que le tribunal correctionnel pour mineurs ne pouvait pas être considéré comme une juridiction pénale spécialisée.

J'évoquerai également la QPC du Conseil constitutionnel en date du 8 juillet 2011. Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a jugé que, désormais, un juge des enfants ayant instruit une affaire ne pourrait plus présider l'audience du tribunal pour enfants chargée de juger cette affaire sans porter au principe d'impartialité des juridictions une atteinte contraire à la Constitution. Cette décision inquiète fortement les magistrats pour enfants, notamment ceux situés dans les 34 tribunaux pour enfants qui ne comprennent qu'un juge pour enfants. Le Gouvernement a introduit des dispositions dans la « PPL Ciotti » afin de prévoir qu'en cas de nombre insuffisant de juges des enfants, il serait possible de faire appel à un juge des enfants du ressort de la cour d'appel. Cette solution inquiète les juges des enfants, notamment au regard de la charge de travail qu'elle entraînera (délais de route pour se rendre d'une juridiction à une autre, délais nécessaires pour prendre connaissance des dossiers, etc.). Comme vous le savez, cette proposition de loi est toujours en cours d'examen par le Parlement. Il y a par ailleurs eu des expérimentations dans certaines juridictions, mais le Gouvernement ne nous a pas donné davantage de précisions sur ce point.

J'évoquerai enfin rapidement la question des délais de jugement et d'exécution des décisions de justice, qui sont toujours trop importants.

Des progrès indéniables ont été réalisés par la PJJ : le délai moyen est passé de 28 jours à 20 jours environ. Toutefois, de très grandes disparités subsistent entre les territoires. Sur un axe Lille - Paris - Lyon - Marseille notamment, les délais d'exécution des décisions prises par les juridictions pour mineurs peuvent atteindre plusieurs mois, ce qui est très regrettable en termes de pédagogie de la réponse pénale.

J'en viens maintenant aux priorités qui fondent le budget que nous examinons. L'essentiel des crédits supplémentaires alloués à la PJJ en 2012 sera consacré à la création de 20 nouveaux CEF, comme le Gouvernement l'avait annoncé lors de la discussion de la loi du 10 août 2011 sur les « citoyens assesseurs ». Or la création de ces nouveaux CEF ne s'effectuera pas ex nihilo, mais à partir de la transformation d'unités d'hébergement existantes. Nos collègues François Pillet et Jean-Claude Peyronnet ont rendu il y a quelques mois un rapport d'évaluation consacré aux dispositifs de prise en charge des mineurs multirécidivistes créés en 2002 : centres éducatifs fermés et établissements pénitentiaires pour mineurs. Je ne reviens pas sur leurs conclusions, modérément optimistes s'agissant des CEF, plus mesurées s'agissant des EPM. Je souligne toutefois que ces dispositifs coûtent très cher : 614 euros par jour en CEF ; quant à l'EPM, le Gouvernement est incapable à ce jour de nous donner une évaluation globale du coût d'une journée de détention, ce qui n'est pas acceptable. Nos collègues l'ont évalué à environ 570 euros. A moyens budgétaires constants, le développement des CEF et des EPM diminue donc mécaniquement les moyens disponibles pour financer les services de milieu ouvert et les foyers d'hébergement classiques. Une telle orientation aura donc pour effet d'appauvrir la « palette » des réponses ouvertes aux juges des enfants, au préjudice de l'ensemble des mineurs concernés :

- d'une part, les établissements de placement éducatif (foyers traditionnels) offrent un mode de prise en charge adapté à certains mineurs délinquants moins « difficiles » que ceux qui sont placés en CEF ;

- d'autre part, un placement en CEF - ou une détention - ne peut être qu'une étape dans le parcours du jeune, qui doit pouvoir bénéficier d'un suivi éducatif à sa sortie, dans un foyer ou dans un service de milieu ouvert. Or, nous savons qu'il faut absolument éviter les « sorties sèches » de détention ou de centre éducatif fermé, au risque de favoriser la réitération.

En conséquence, il me semble essentiel d'appeler le Gouvernement à la plus grande prudence s'agissant de la réalisation de ce projet de création de nouveaux CEF. Et ce d'autant plus que le secteur associatif habilité souffre de ces réductions de crédits dans le domaine du milieu ouvert et dans les foyers classiques d'hébergement : en 2011, ce secteur subit un report de charge d'environ 2 mois de crédits de paiement. Un grand nombre de services sont déstabilisés, voire contraints à la fermeture, ce qui est très préoccupant. Le Gouvernement indique avoir pris la mesure de cette difficulté. Ainsi, un projet de décret est actuellement examiné par le Conseil d'Etat afin de permettre à la DPJJ d'assurer le financement de services associatifs par dotation globale de financement.

Je terminerai mon intervention par quelques mots sur la question de la protection de l'enfance en danger. Depuis 2008, la PJJ s'est désengagée de l'exécution des mesures de protection ordonnées par les juges des enfants, à l'exception des mesures d'investigation. Depuis 2011, plus aucun crédit n'est consacré à ces prises en charge. Toutefois, la DPJJ a une compétence générale de pilotage de l'ensemble des questions intéressant la justice des mineurs. Or, ce pilotage est nettement insuffisant à l'heure actuelle.

En effet, l'ensemble des mesures judiciaires prescrites par les juges des enfants doivent désormais être exécutées par les conseils généraux. Dans une décision QPC du 25 mars 2011, le Conseil constitutionnel a considéré qu'il n'y avait pas eu transfert de charges. Nous prenons acte de cette décision. L'Etat a par ailleurs mis en place un certain nombre de mécanismes de concertation avec les conseils généraux, notamment les cellules de recueil des informations préoccupantes, afin de trouver des solutions permettant d'assurer la continuité du parcours des jeunes concernés. Toutefois, et en dépit des préconisations formulées par la Cour des comptes, l'Etat -la DPJJ- ne dispose toujours pas d'outil de suivi lui permettant de connaître le taux et les délais d'exécution des mesures de protection décidées par les juges des enfants. Cette situation est particulièrement regrettable : il ne me paraît pas acceptable que le ministère de la justice, qui est en principe le garant du bon fonctionnement de la Justice, ne soit pas en mesure de savoir si les décisions prononcées par des juges des enfants sont exécutées dans des délais raisonnables et dans des conditions satisfaisantes. En conséquence, il me semble qu'il convient d'appeler le Gouvernement à mettre en oeuvre dans les plus brefs délais un tel outil de suivi.

J'en viens à ma conclusion. J'ai l'honneur de rapporter les crédits de la PJJ depuis plusieurs années maintenant. Il me semble qu'il faut replacer les choses en perspective. Oui il y a des problèmes préoccupants, notamment le développement des CEF au détriment du milieu ouvert et l'absence de suivi des décisions prises par les juges des enfants en assistance éducative. Mais des efforts ont aussi été réalisés par la PJJ, il y a eu des progrès indéniables, un renforcement du dialogue social notamment. En outre, les CEF permettent de limiter l'incarcération des mineurs. Je suis donc favorable à ce budget et propose à la commission de lui donner un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

La conclusion du rapporteur m'interpelle. L'an dernier, vous nous disiez déjà qu'il n'y avait plus de marge de manoeuvre ! Nous devons une protection à ces mineurs qui sont avant tout des mineurs en danger. Pour ma part, je voterai contre ce budget.

J'ai par ailleurs quelques questions. Les conséquences de la réforme de la carte judiciaire sur les tribunaux pour enfants ont-elles été évaluées ? Pourquoi l'Etat veut-il diminuer le taux d'encadrement dans les centres éducatifs fermés gérés par les associations ? Ces centres ont des conventions particulières, et la diminution du taux d'encadrement risque de poser de graves difficultés aux CEF gérés par le secteur associatif. Par ailleurs, en cette période de pénurie budgétaire, qu'en est-il du financement de la proposition de loi de M. Ciotti, qui entend placer des mineurs délinquants dans des centres relevant de l'EPIDe ? Le ministre a annoncé que deux millions d'euros seraient dégagés pour permettre ce financement : sur quelles missions seront-ils prélevés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

La difficulté de l'Etat à appréhender statistiquement les taux d'exécution des mesures d'assistance éducative prononcées est une question majeure.

La loi réformant la protection de l'enfance avait pointé cette lacune : il n'existe pas d'outil statistique renseignant sur l'efficacité des interventions publiques en la matière.

Les raisons en sont nombreuses. L'aide sociale à l'enfance (ASE) ne passionne pas les médias, sauf pour quelques circonstances dramatiques, et elle est souvent reléguée au second rang des priorités. Lorsque l'observatoire de l'enfance en danger (ONED) a été chargé de mettre en place un instrument statistique qui permette de mieux appréhender l'ASE, il a dû vaincre les réticences des travailleurs sociaux qui dénonçaient un risque de fichage social. Je me félicite que, malgré tout, à force de dialogue, ce dossier ait été mené à son terme, ce qui nous permettra de disposer dans quelques années d'études statistiques complètes sur la situation de l'enfance en danger et l'efficacité des dispositifs mis en place pour prévenir la délinquance des mineurs. Nos débats seront ainsi plus informés et nous éviterons le pilotage à vue actuel.

Je souscris à la proposition du rapporteur sur la création d'un outil statistique de suivi des décisions judiciaires rendues en la matière.

S'agissant du budget proprement dit, je me réjouis de la progression, dans un contexte difficile, des moyens alloués à la PJJ, même si cette augmentation arrive après plusieurs années de diminutions de crédits et de transferts rampants de compétences aux collectivités territoriales. Dans la situation budgétaire que nous connaissons, il nous appartient de bien distinguer le souhaitable du possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je salue l'expertise de notre collègue Nicolas Alfonsi mais j'indique que mon groupe ne le suivra pas et votera contre ces crédits. L'augmentation des moyens ne sert que le développement des centres éducatifs fermés (CEF), manifestation moderne des bagnes d'enfants que l'ordonnance de 1945 avait pourtant supprimés.

La politique conduite à destination des mineurs associe un volet préventif et un volet répressif. La prévention est délaissée, non seulement par certains conseils généraux, au nom de priorités plus médiatiques, mais aussi par l'État. Quant au droit pénal des mineurs, l'actuel garde des Sceaux, Michel Mercier, en restera comme le fossoyeur, par les réformes qu'il a conduites.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je ne fais que souligner une dérive dangereuse à laquelle nous ne pouvons souscrire.

En promulguant sans différer l'ordonnance de 1945, alors que d'autres priorités auraient pu s'imposer à lui à l'époque, le Général de Gaulle a manifesté que la protection des enfants était une priorité nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Je partage la plupart des réserves et des observations présentées par notre rapporteur, qui rejoignent plusieurs des remarques que nous avions formulées, avec Jean-Claude Peyronnet, dans notre rapport sur les centres éducatifs fermés. Parler à leur sujet de bagnes d'enfants est excessif...

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Je voterai les crédits du budget car l'augmentation proposée témoigne de l'attention particulière que le Gouvernement porte à la protection judiciaire de la jeunesse.

La délinquance des mineurs évolue, sa nature change. La moitié des vols avec violence sont commis par des mineurs. La solution des CEF, qui n'ont rien d'établissements pénitentiaires pour mineurs, est plus adaptée à cette évolution d'une certaine délinquance des mineurs et à l'intensité qui la caractérise.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Tout en rejoignant notre rapporteur sur de nombreux points, j'en tire des conclusions inverses. Certes le budget progresse mais dans le pire faut-il louer ce qui l'est un peu moins ?

Surtout, deux évolutions me paraissent très contestables : la dissociation entre le traitement de la délinquance des mineurs et la protection de l'enfance, d'une part, et la montée en charge de l'enfermement comme panacée pour la délinquance des mineurs, d'autre part.

J'ajoute qu'il faut rester prudent sur les conclusions que l'on tire des variations constatées dans la mesure de la délinquance des mineurs.

Enfin, il me semble que le problème essentiel reste le défaut de l'Etat pour le développement des mesures en milieu ouvert.

En dépit de la légère augmentation de ces crédits, nous voterons contre ce budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

La réforme de la protection de l'enfance intervenue en 2007 repose sur le schéma suivant : à la PJJ, la prise en charge des mineurs délinquants, aux départements celle de l'enfance en danger. Pour autant, il faut veiller à la continuité de ces deux missions et éviter toute césure entre elles. Il est malheureux que la Chancellerie ait pris argument de la distinction créée par la réforme pour réduire les moyens de la PJJ alors qu'elle aurait au contraire dû les employer au traitement de la délinquance des mineurs.

Pour autant, je regrette qu'en manifestant votre opposition vous négligiez le fait que les crédits augmentent, ce qui va dans le bon sens. Le présent budget est un très bon budget contrairement à ceux des années précédentes.

Quant à qualifier les CEF de bagnes pour enfants, c'est oublier l'approche éducative qui les sous-tend.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La bonne et la mauvaise oppositions ne sont pas toujours celles que la majorité estime telle...

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Les CEF ne sont certes pas un bagne mais ils possèdent tout de même des barreaux. J'ajoute qu'on ne dispose toujours pas de la preuve de leur efficacité pour lutter contre la délinquance des mineurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

L'an passé, je m'étais engagé à donner, pour la dernière fois, un avis favorable au budget de la PJJ, dans l'attente de progrès. J'observe que dans un contexte budgétaire très contraint, les crédits augmentent. Doit-on faire la fine bouche parce que la progression ne profite qu'aux CEF et non au secteur associatif habilité qui en a pourtant le plus besoin ?

A Mme Virginie Klès, je voudrais préciser que la réforme de la carte judiciaire n'a pas eu d'impact sur la PJJ et lui confirmer que les documents budgétaires ne prévoient aucun financement pour le dispositif prévu par la proposition de loi de M. Ciotti.

M. Christophe Béchu, effectivement, le dispositif statistique est défaillant. Une des raisons en est l'absence d'homogénéité dans la gestion par les départements de l'aide sociale à l'enfance, qui reflète aussi l'inégalité des situations dans lesquelles ils sont placés.

Je partage l'appréciation de M. Jean-Pierre Michel sur le fait que le droit pénal des mineurs s'éloigne de la doctrine classique. J'observe cependant que certaines de ces évolutions sont rendues nécessaires par des décisions du Conseil constitutionnel qu'il ne nous appartient pas de commenter.

Quant aux évolutions récentes de la délinquance des mineurs soulignées par notre collègue François Pillet, j'observerai seulement que les hausses enregistrées résultent aussi des décisions du parquet de poursuivre plus systématiquement ces faits de délinquance.

Pour conclure, je voudrais insister sur la grande complexité de la protection judiciaire de la jeunesse et l'absence d'homogénéité qui la caractérise. Si je suis favorable à ce budget c'est parce qu'il augmente malgré tout mais je souhaite qu'il soit le dernier soumis aux contraintes qu'on a fait peser jusqu'alors sur la PJJ.

La commission adopte un avis défavorable sur les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse.

Enfin, la commission examine le rapport pour avis de M. Félix Desplan sur le projet de loi de finances pou 2012 (crédits affectés aux départements d'outre-mer de la mission « Outre-mer »).

Debut de section - PermalienPhoto de Félix Desplan

L'avis budgétaire outre-mer fait l'objet, depuis cette année, de deux avis, l'un consacré aux DOM, dont je suis le rapporteur, le second aux COM, confié à Monsieur Cointat. Toutefois, la première partie du rapport, consacrée aux crédits de la mission, à son évolution, à ses indicateurs ainsi qu'à la politique de défiscalisation, est commune aux deux avis.

Le projet initial de loi de finances pour 2012 prévoyait, pour la mission outre-mer, 2,179 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,035 milliards d'euros en crédits de paiement. Toutefois, après l'annonce du Premier ministre du 24 août dernier, selon laquelle un effort supplémentaire d'un milliard d'euros d'économies devait être recherché, la mission outre-mer a fait l'objet d'un coup de rabot de 48 millions d'euros en autorisations d'engagement, portant ainsi celles-ci à 2,131 milliards d'euros et de 56 millions d'euros en crédits de paiement, portant ces derniers à 1,979 milliard d'euros. Ce coup de rabot conduit à une diminution des autorisations d'engagements égale à 1,15 % par rapport au budget de 2011 et les crédits de paiement au même niveau.

On constate que si les crédits de la mission « outre-mer » ont augmenté dans le cadre de la loi de finances pour 2010, en raison des mouvements sociaux ayant secoué les DOM des Antilles et à la suite de l'adoption de la LODEOM, la mission outre-mer a connu une forte diminution en 2011 et une nouvelle en 2012. Dans le cadre du PLF pour 2012, le niveau des crédits de la mission n'atteint pas celui du budget pour 2010.

Les indicateurs de performance qui accompagnent la mission ne permettent pas de mesurer la rentabilité des choix effectués par l'État en faveur des outre-mer. Or, les priorités données en matière de défiscalisation et d'exonération des charges patronales et sociales devraient nécessairement s'accompagner d'une étude d'impact.

La défiscalisation représente en effet 2,96 milliards d'euros, soit 1,5 fois le montant des crédits de paiement de la mission outre-mer. Force est de constater qu'il s'agit d'un dispositif coûteux pour lequel il n'existe aucun dispositif d'évaluation des dépenses fiscales pour les DOM et est limité pour les COM. C'est pourquoi l'initiative de Messieurs Carrez, Cahuzac et Bartolone visant à demander au Gouvernement de déposer un rapport au Parlement sur l'opportunité de transformer les dépenses fiscales en dotations budgétaires me paraît tout à fait excellente. Je souhaite préciser d'ailleurs que, compte tenu de la priorité donnée ces dernières années à la dépense fiscale en outre-mer, la limitation des niches fiscales sans compensation a un impact beaucoup plus fort sur les territoires ultramarins que sur ceux de l'hexagone. Elle freine carrément leur développement.

Enfin, la dernière observation sur ce premier point concerne l'accompagnement budgétaire utilisé pour la départementalisation de Mayotte. Au titre du PLF pour 2012, Mayotte devrait bénéficier de 700 millions d'euros en autorisations d'engagement et 659,3 millions d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation respective de 2,07 % et 1,2 % par rapport à 2011. Toutefois, on constate que les crédits destinés à Mayotte sont affectés en priorité à la modernisation et au renforcement du développement économique de Mayotte et non, à proprement parler, à l'évolution institutionnelle de ce territoire. Seuls les crédits alloués à la nouvelle organisation judiciaire et à la mise en place du revenu de solidarités actives participent directement à l'effort de l'évolution institutionnelle de Mayotte.

Je souhaiterai maintenant aborder les questions liées à la lutte contre l'immigration clandestine et l'amélioration des moyens de la justice qui font l'objet d'une volonté affichée du Gouvernement mais avec des moyens limités.

On constate une pression migratoire hétérogène dans les DOM, avant tout liée à l'importance des facteurs géographiques et économiques. Ainsi, la proximité géographique d'Anjouan et de Mayotte ou bien la montée récente du cours de l'or pour la Guyane expliquent en grande partie l'importance de ce phénomène qui s'accompagne d'une immigration clandestine forte. On estime le nombre d'immigrés clandestins entre 30.000 et 60.000 en Guyane, soit entre le quart et le tiers de la population, et à 15.000 en Guadeloupe, soit 3 % de la population. A Mayotte, les immigrés clandestins sont évalués à 50.000, représentant entre un quart et un tiers de la population.

Le Gouvernement a souhaité répondre à cette situation par la mise en place d'une politique active de reconduite à la frontière. Les objectifs ont été largement dépassés : en 2010, on dénombre 13,65 % de reconduites à la frontière en plus des objectifs initiaux prévus pour les cinq DOM, en raison de l'augmentation des effectifs de police et de gendarmerie nationales. Pourtant, force est de constater que cette politique du chiffre atteint ses limites puisque, comme l'a montré la Cour des Comptes dans un récent rapport, en raison de la persistance des flux migratoires clandestins.

Une politique de coopération transfrontalière, aujourd'hui peu développée, représenterait véritablement un outil de lutte contre l'immigration clandestine. En Guyane, la lutte contre l'orpaillage clandestin ne saurait sans doute se limiter à des opérations policières et militaires ; son efficacité serait sans doute favorisée par la mise en oeuvre d'une stratégie plus globale, mobilisant toutes les administrations concernées et nécessitant donc une coordination interministérielle, sous l'autorité même du premier ministre.

Rappelons également la situation de surpopulation des centres de rétention administrative -à titre d'exemple, le taux d'occupation du CRA de Pamandzi a atteint 145 % en 2009 - ainsi que les conditions de salubrité très préoccupantes. Cette situation est ancienne et n'a fait l'objet que d'améliorations légères et timides. En effet, les crédits consacrés à la politique immobilière des CRA sont modestes et affectés prioritairement à des réhabilitations de centres existants, alors que la réalisation d'opérations nouvelles s'impose en la matière.

Enfin, le dernier point sur lequel je souhaiterais attirer votre attention, concerne la situation de la justice dans les DOM. On constate toujours la persistance d'une surpopulation carcérale dans les DOM des Antilles et à Mayotte, malgré l'augmentation du nombre de places dans les maisons d'arrêt ou les centres pénitentiaires entre 2006 et 2011, égale à 24 %. A titre d'exemple, le taux d'occupation du QMA de Baie-Mahault en Guadeloupe est de 156,4 %. En revanche, la situation de la Réunion se distingue par un taux d'occupation inférieur à 100 % dans deux des trois centres pénitentiaires.

Pour faire face à cette situation, un certain nombre d'opérations immobilières visent à augmenter la capacité d'hébergement et la mise aux normes des différentes structures. Malgré une légère amélioration, on ne peut que regretter que la réalisation des extensions ou des reconstructions des établissements pénitentiaires soit annoncée à des horizons éloignés alors même que la situation de surpopulation carcérale est ancienne et atteint aujourd'hui, dans beaucoup d'établissements, un seuil inacceptable.

Dernière observation, les juridictions judiciaires et administratives doivent faire face à un afflux de dossiers que leurs moyens limités ne permettent pas de traiter efficacement. Ainsi, en Guadeloupe, les délais moyens de jugement du tribunal administratif de Basse-Terre sont de deux ans et demi contre onze mois en moyenne en métropole mais ce délai s'élève à cinq ans pour les dossiers non urgents. La réalisation de nouveaux locaux tarde également, comme l'illustre la Cour d'appel de Fort-de-France, qui est logée dans des locaux provisoires depuis ... 1981.

En conclusion, je souhaite rappeler que les concours de politiques transversales, qui représentent environ 85 % de l'effort global de l'État, sont en stagnation pour les DOM. Les crédits de la mission outre-mer, représentant environ 15 % de l'effort global de l'État, sont, eux aussi, en stagnation pour les DOM.

J'ajoute que seule une autorité rattachée au Premier ministre permettrait d'imposer à chaque département ministériel une bonne prise en compte de l'outre-mer dans les politiques dont il a la charge et d'imposer une réelle coordination, pour une politique plus efficace.

Aussi, après ce bref tour d'horizon, je vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « outre-mer ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Dans le cadre de la réflexion sur les missions que notre commission pourrait conduire, j'ai pensé qu'une des priorités en termes de déplacements serait d'envoyer une mission à Mayotte, compte tenu des événements actuels et de la situation sociale difficile. Nous pourrions à cette occasion nous rendre également à La Réunion.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Je tiens à souligner que ce budget n'est pas en régression et qu'il traduit la volonté d'effort du Gouvernement pour l'outre-mer. Face à une bouteille à moitié pleine ou à moitié vide, il faut toujours se demander lorsqu'on souhaite une autre bouteille, si la nouvelle sera plus vide ou plus pleine. Un budget de gauche pour l'outre-mer ne serait pas meilleur ! Dans le budget qui nous est présenté, l'effort sur le service militaire adapté est maintenu. La priorité donnée au logement social, à la continuité territoriale et aux investissements essentiels est également maintenue. C'est donc pour moi une bouteille à moitié pleine, même si certaines choses ne sont pas pleinement satisfaisantes. Il est en effet toujours possible de faire mieux et plus, notamment pour mettre fin au déséquilibre entre les moyens dont dispose la direction générale de l'outre-mer et les résultats insuffisants qu'elle obtient. On peut encore améliorer le caractère interministériel de la mission, puisque seulement 15 % de l'effort global de l'Etat en faveur de l'outre-mer y est concentré. Le ministre doit être davantage concepteur et non seulement coordinateur du budget de l'outre-mer.

Pour toutes ces raisons, je serai favorable à l'adoption de ces crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Notre commission doit examiner plusieurs budgets qui traduisent une grande faiblesse de la politique gouvernementale depuis de nombreuses années. De ce fait, face à tous les retards accumulés, on pourrait penser que ces budgets pourraient être pires. Nous ne sommes cependant pas là pour mesurer des efforts relatifs, mais pour pointer des manques flagrants de la politique menée. Si nous voulons que notre commission soit entendue, nous ne devons pas formuler un avis en demi-teinte. Par conséquent, j'appuierai la proposition de notre rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Pour répondre à M. Cointat sur la question de savoir si le budget de l'année prochaine sera meilleur que celui de cette année, je tiens à préciser que si le changement de majorité auquel il fait allusion a lieu, nous ne pourrons certes pas augmenter tous les budgets, en raison des réalités du contexte économique. Cependant, voter contre les missions qui nous sont proposées, c'est s'opposer aux choix de politique générale et de répartition des efforts opérés par le Gouvernement.

Je formulerai quelques brèves remarques. Tout d'abord, les crédits du budget 2012 pour les départements d'outre-mer n'atteignent pas ceux du budget 2010. Ensuite, concernant la politique de défiscalisation, je rappelle que ce sont des dépenses qui ne servent qu'à une partie de la population, tout comme les niches fiscales. Il conviendrait donc, comme l'ont proposé nos collègues députés, de s'interroger sur le moyen de traduire ces défiscalisations de façon positive afin de les rendre plus efficaces. Enfin, je considère qu'au vu de la situation très préoccupante à Mayotte, il faudra décider de mesures fortes. S'agissant de la question de l'immigration clandestine, une piste proposée par notre rapporteur consiste à développer la coopération transfrontalière. Souvenons nous que le Gouvernement actuel a d'ailleurs vanté l'idée d'accords signés avec les pays d'origine en matière d'immigration !

Debut de section - PermalienPhoto de Félix Desplan

J'apprécie la liberté d'analyse et l'objectivité de M. Cointat, et je peux comprendre qu'il ne soit pas en mesure, pour des raisons politiques, de tirer des conclusions à la hauteur de ses analyses.

En matière de logement social, des efforts ont été faits dans le budget 2010, dans le cadre de la LODEOM et pour répondre aux demandes formulées pendant les événements de 2009. Mais aujourd'hui, on peut constater une baisse des crédits. Le Gouvernement s'étant engagé pour une nouvelle politique de rattrapage, même s'il y a aujourd'hui une crise financière, il faut comparer le budget qui nous est présenté avec le budget 2010 et non avec celui pour l'année 2011 où le gouvernement avait stoppé les efforts budgétaires.

S'agissant des cinquante-sept mesures adoptées par le comité interministériel de l'outre-mer, il a été indiqué, lors des discussions en mai dernier à l'Assemblée nationale, que ces mesures ont été mises en oeuvre à hauteur de 30 %, alors que le Gouvernement prétend que 85 % d'entre elles sont appliquées ou en voie de l'être. C'est une différence considérable !

Pour le logement social, les crédits ont permis de ne réaliser que le tiers de ce qui était nécessaire.

En ce qui concerne la continuité territoriale, la Cour des comptes a rendu un rapport à la demande de la commission des finances du Sénat qui permet d'émettre plus que des réserves sur la gestion et les suites que l'on peut attendre de LADOM. On sait que les crédits consacrés à cette question sont insuffisants. Le Gouvernement prévoit d'envoyer 1200 jeunes des départements d'outre-mer suivre leur formation en métropole, sur les crédits de LADOM. Il est nécessaire de disposer dès à présent d'une évaluation qui permette de vérifier que les crédits disponibles sont suffisants pour faire face à la demande.

Je terminerai mon propos par la question de Mayotte. J'ai reçu ce matin le député de Mayotte à ce sujet. Dans mon rapport, j'affirme que la départementalisation a été mal préparée. Les Mahorais s'attendaient à ne plus avoir de problèmes après la départementalisation. On aurait dû leur permettre d'être mieux préparés à ce passage sur le plan de l'éducation et de la formation : les agents des juridictions judiciaires administratives ou de l'administration territoriale ne sont pas formés à ce changement. Je salue donc l'idée de l'envoi d'une mission à Mayotte proposée par notre président.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Monsieur le Président a indiqué que le budget 2012 était inférieur au budget 2010. Je tiens cependant à préciser que si le budget qui nous est présenté cette année est en effet légèrement inférieur en crédits de paiement à l'exécution du budget en 2010, il est cependant supérieur aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2010. Cela montre donc que le Gouvernement avait dépensé plus que les crédits votés, et qu'il y a ainsi un véritable effort gouvernemental en faveur des départements d'outre-mer.

La commission adopte un avis défavorable sur les crédits de la mission « Outre-mer ».