La commission procède à la désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique et du projet de loi ordinaire relatifs au Défenseur des droits.
MM. Jean-Jacques Hyest, Patrice Gélard, Jean-René Lecerf, Jean-Paul Amoudry, Jean-Pierre Sueur, Jean-Pierre Michel et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat sont désignés comme membres titulaires et MM. Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier, M. François Pillet, Mme Catherine Troendle, MM. Jean-Pierre Vial et Richard Yung sont désignés comme membres suppléants.
La commission examine le rapport d'information de MM. Laurent Béteille et Richard Yung sur l'évaluation de la loi du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon.
Mon collègue Laurent Béteille et moi avons conduit un travail d'évaluation de la loi du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, loi qui a renforcé la protection de la propriété intellectuelle en France.
Ce travail d'évaluation nous a permis de constater qu'il est essentiel de conforter encore la réputation d'excellence et l'attractivité juridique de notre pays en matière de propriété intellectuelle.
Nous formulons dix-huit recommandations. Je vais vous présenter les douze premières, qui concernent la matière civile.
Tout d'abord, les recommandations n°s 1 à 6 portent sur la spécialisation des juridictions et des magistrats. Cette question est d'autant plus importante que la propriété intellectuelle est un domaine très concurrentiel marqué par le phénomène dit du « forum shopping ».
Rappelons qu'à l'initiative du Sénat, la loi de 2007 a posé le principe d'une concentration des compétences en matière de propriété intellectuelle : les décrets d'application de la loi de 2007 ont retenu seulement dix tribunaux de grande instance (TGI) compétents pour le contentieux des marques, dessins et modèles, indications géographiques et pour celui de la propriété littéraire et artistique. Nous proposons d'aller encore plus loin dans cette spécialisation : nous pensons que quatre ou cinq TGI pourraient suffire dans ces domaines : c'est l'objet de la recommandation n° 1.
Par ailleurs, alors qu'actuellement dix TGI sont compétents en matière d'obtentions végétales, nous souhaitons que soit confié à un seul TGI ce contentieux marginal (environ cinq affaires par an). Nous pensons que le TGI de Paris devrait être choisi : en effet, cette juridiction a reçu une compétence exclusive en matière de brevets et les contentieux portant sur les brevets et les obtentions végétales sont techniquement très proches. Tel est le sens de la recommandation n° 2.
Suivent quatre recommandations n°s 3 à 6 relatives à la spécialisation des magistrats en matière de propriété intellectuelle. Je rappelle que cette spécialisation, si elle n'a pas fait l'objet d'amendements parlementaires en 2007, a été fortement recommandée lors des débats, en commission comme en séance publique.
Tout d'abord, nous appelons le ministère de la justice à poursuivre les efforts engagés en matière d'adéquation profil/poste afin de créer des « filières » ou des « parcours de compétence » dans le domaine de la propriété intellectuelle (recommandation n° 3).
Ensuite, nous recommandons d'améliorer la formation des magistrats spécialisés par l'obligation de suivre une formation préalable et continue de haut niveau en matière de propriété intellectuelle (recommandation n° 4). Cette recommandation suscite certaines réserves de la chancellerie.
Par ailleurs, nous avons constaté à regret que la troisième chambre du TGI de Paris, compétente en matière de propriété intellectuelle, a vu une grande partie de ses magistrats partir au cours des années 2008-2009. Cette situation nuit à la préservation de la capacité d'expertise des juridictions et à la mémoire des dossiers. C'est pourquoi nous recommandons d'éviter, dans la mesure du possible, le renouvellement simultané de la totalité des magistrats spécialisés en propriété intellectuelle dans une même juridiction (recommandation n° 5).
Enfin, nous invitons le Conseil supérieur de la Magistrature (CSM) à adopter une politique de gestion des carrières qui favorise une durée d'affectation d'au moins huit à dix ans des magistrats spécialisés en propriété intellectuelle (recommandation n° 6). En effet, nous avons pu constater que les magistrats restent en poste trop peu de temps, notamment parce que le CSM s'oppose à leur avancement sur place pour le passage du second au premier grade. Nous relevons pourtant dans le rapport qu'aucune règle statutaire n'impose de faire bouger les magistrats tous les quatre ou cinq ans, et encore moins dans des contentieux aussi techniques ! Nous pensons que notre proposition est raisonnable : nous ne sommes pas allés jusqu'à préconiser une affectation de vingt-cinq ans, qui peut avoir des effets pervers.
Sur la question des dédommagements, je rappelle qu'un des principaux objectifs de la loi du 29 octobre 2007 était d'améliorer le calcul des dédommagements accordés par les tribunaux civils aux plaignants en matière de contrefaçon.
Même s'il paraît prématuré de se prononcer avec certitude, il semble que cet objectif ait été rempli.
Pour autant, la contrefaçon demeure encore aujourd'hui une faute lucrative. Autrement dit, lorsque les contrefacteurs ont, ce qui est pratiquement toujours le cas, une capacité de production supérieure au fabricant des produits authentiques, le faible montant des dédommagements accordés leur permet, au final, de retirer un avantage économique de la contrefaçon, avantage qui peut être très substantiel.
Afin de faire disparaître, dans le domaine de la contrefaçon, toute « prime au vice », nous proposons d'inscrire, dans le code de la propriété intellectuelle, que « si les fruits de la contrefaçon dépassent les dommages et intérêts et si le contrefacteur est de mauvaise foi, la juridiction les restitue au titulaire du droit auquel il été porté atteinte.» (recommandation n° 7).
Par ailleurs, la loi du 29 octobre 2007 a instauré un droit à l'information qui vise à permettre aux autorités judiciaires civiles de mieux identifier l'ensemble des acteurs des réseaux de contrefaçon afin de démanteler ces derniers. Les premières décisions judiciaires soulignent l'intérêt de ce nouveau mécanisme. Toutefois, nous suggérons d'apporter deux clarifications procédurales attendues par les professionnels. Il s'agit, d'une part, de préciser que le droit à l'information peut être mis en oeuvre avant la condamnation au fond pour contrefaçon, y compris par le juge des référés (recommandation n° 8), d'autre part, de supprimer la liste des documents ou informations dont la communication est susceptible d'être ordonnée par le juge dans le cadre du droit à l'information (recommandation n° 9).
S'agissant du droit de la preuve, nous pensons utile de préciser dans le code de la propriété intellectuelle, d'une part, que l'huissier peut, dans le cadre d'une saisie-contrefaçon, procéder à une simple description détaillée des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer ces contrefaçons (recommandation n° 10), d'autre part, que le juge peut ordonner la production d'éléments de preuve détenues par les parties, indépendamment de la saisie-contrefaçon (recommandation n° 11).
Notre dernière recommandation en matière civile - et elle est très importante - concerne la lutte contre la cybercontrefaçon. Nous recommandons de faire évoluer la directive du 8 juin 2000 relative au commerce électronique, qui a été transposée en France par la loi du 6 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (recommandation n° 12). Il s'agirait de faire apparaître, aux côtés de l'hébergeur et de l'éditeur, une troisième catégorie d'acteurs sur Internet qu'on pourrait qualifier d' « éditeurs de services », qui sont plus que des hébergeurs (opérateurs qui offrent de l'espace sur Internet) mais moins que des éditeurs (opérateurs qui « fabriquent » du contenu). C'est le cas des sites collaboratifs dits « 2.0 » et des sites de vente aux enchères. Parce qu'ils retirent un avantage économique direct de la consultation des contenus hébergés, même lorsque ces contenus sont illégaux, dans le cas, par exemple, de contrefaçons, ces « éditeurs de service » devraient être soumis à un régime de responsabilité intermédiaire, plus clément que celui de l'éditeur mais plus sévère que celui de l'hébergeur. Devrait ainsi leur être imposée une obligation de mettre en place tous moyens propres à assurer une surveillance proactive des contenus qu'ils hébergent, d'autant que les outils de recherche syntaxique et sémantique ou de reconnaissance d'images ou de sons sont aujourd'hui très efficaces.
Avant de vous présenter les recommandations en matières pénale et douanière, je précise que notre rapport ne constitue qu'un premier bilan de la loi du 29 octobre 2007, d'autant que certains décrets, en particulier ceux portant sur la spécialisation des juridictions, sont intervenus tardivement.
Nous manquons d'un peu de recul pour évaluer efficacement la portée de certaines dispositions de la loi de 2007. Sans doute la jurisprudence pourrait-elle à l'avenir se préciser et se stabiliser sur certains sujets, rendant moins pertinentes quelques unes de nos recommandations, je pense à la recommandation n° 8 sur le droit à l'information et surtout à la recommandation n° 12 sur la création d'une nouvelle catégorie d'acteurs sur Internet qu'on a qualifiée d' « éditeurs de services », sujet sur lequel il est peut-être préférable de laisser la jurisprudence se prononcer au cas par cas.
Je précise également que la très grande majorité des personnes que nous avons entendues ont jugé globalement satisfaisantes les avancées contenues dans la loi du 29 octobre 2007.
J'en viens aux recommandations en matières pénale et douanière.
Je signale tout d'abord que la loi de 2007 comporte peu de dispositions à caractère pénal, en dehors - j'y reviendrai - de la création d'une circonstance aggravante sur les contrefaçons dangereuses.
Notre travail d'évaluation nous a conduits à réfléchir à une éventuelle spécialisation des juridictions en matière pénale. Rappelons que le législateur a fait le choix, en 2007, de ne pas prévoir une spécialisation des juridictions pénales dans le domaine de la propriété intellectuelle, jugeant alors satisfaisant le traitement de la contrefaçon en matière pénale. Toutefois, il ressort de nos auditions que la réponse pénale n'est pas si bonne. D'ailleurs, on note une certaine désaffection des titulaires de droits et de leurs avocats à saisir les juridictions répressives, considérées comme trop timides dans l'indemnisation accordée aux victimes de contrefaçon. Nous pensons qu'on pourrait résoudre cette difficulté par une spécialisation des juridictions en matière pénale.
Nous proposons toutefois de maintenir la compétence des juridictions spécialisées et des JIRS (juridictions interrégionales spécialisées) pour les dossiers de contrefaçon relevant respectivement de la grande et de la très grande complexité (recommandation n°13). En effet, ces juridictions spécialisées possèdent une expertise reconnue en matière de délinquance économique et financière à laquelle la contrefaçon se rattache bien souvent.
En revanche, nous pensons utile de spécialiser quatre ou cinq tribunaux correctionnels exclusivement compétents pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des délits de contrefaçon ordinaire, c'est-à-dire pour les délits autres que ceux qui apparaissent d'une grande ou d'une très grande complexité (recommandation n° 14).
Cette spécialisation pénale permettrait de rapprocher les magistrats pénalistes et civilistes, ce qui nous amène à la recommandation n° 15 : créer, au sein de chacune des juridictions spécialisées, une chambre mixte de propriété intellectuelle associant des magistrats civilistes et pénalistes, et ce afin de garantir un meilleur dialogue des juges et une harmonisation des montants d'indemnisation des titulaires de droits.
Par ailleurs, nous avons cherché à évaluer l'apport de la loi de 2007 en matière de contrefaçons dangereuses. Je rappelle qu'à l'initiative du Sénat et de sa commission des lois, la loi a décidé d'aggraver les sanctions pour les contrefaçons dangereuses pour la santé et la sécurité des personnes. En effet, le législateur a été sensible au fait que la contrefaçon ne portait pas seulement atteinte à des intérêts économiques protégés et à la loyauté du commerce, mais pouvait également, dans bien des cas, mettre en danger les personnes, dans le cas en particulier des médicaments, des jouets, des pièces de rechange automobiles ou encore des lunettes de soleil.
Or, avant l'intervention de la loi, le droit retenait une seule circonstance aggravante : la commission du délit de contrefaçon en bande organisée. La loi en a donc ajouté une seconde. Nous avons constaté lors des auditions que les professionnels qui s'étaient, en 2007, déclarés réservés sur l'utilité d'une telle circonstance aggravante la jugeaient aujourd'hui très opportune. Nous demandons au ministère de la justice de se doter des outils statistiques permettant d'évaluer si la création de cette circonstance aggravante a conduit à une aggravation effective des sanctions pénales pour les contrefaçons dangereuses (recommandation n° 16).
Enfin, nous proposons deux recommandations n°s 17 et 18 en matière douanière. Je rappelle qu'en 2007, le législateur avait, principalement à l'initiative du Sénat et de sa commission des lois, renforcé les compétences des douanes en matière de lutte contre la contrefaçon. A titre d'exemple, nous avions décidé de réprimer plus sévèrement les contrefaçons de marques constatées lors des « transbordements », c'est-à-dire lorsque les marchandises acheminées sur des plateformes aéroportuaires ne sont pas destinées au marché français ou communautaire mais sont stockées temporairement dans l'attente de leur réexpédition, par voie aérienne, vers leur destination finale extra-communautaire. De la même façon, la loi a étendu la compétence des douanes en matière de dessins et modèles, ce qui a renforcé l'efficacité de l'action des douanes. En effet, il est très fréquent que, dans un souci de discrétion, les contrefacteurs utilisent, pour réaliser in fine des contrefaçons de marques, deux envois distincts : dans l'un, ils mettent des signes distinctifs contrefaisants (logos, étiquettes...) ; dans l'autre, les produit « nus ». Ces derniers constituent, en conséquence, des contrefaçons de dessins et modèles et non des contrefaçons de marques. Avant la loi du 29 octobre 2007, la saisie n'était possible que dans le premier cas, pas dans le second.
Les douaniers sont très satisfaits des nouveaux moyens d'action que la loi leur a accordés - ils nous l'ont dit lors d'un déplacement que nous avons effectué à la direction interrégionale des douanes de Roissy.
Nous avons toutefois une inquiétude : la Cour de justice de l'Union européenne doit, au cours du premier semestre 2011, se prononcer sur une question préjudicielle posée par une juridiction anglaise visant à déterminer si le Règlement communautaire 1383/2003 qui définit le champ d'intervention des douanes en matière de contrefaçon, permet ou non la retenue douanière. La Commission européenne soutient que les saisies ne doivent pas concerner des marchandises qui ne seraient pas destinées au territoire de l'Union européenne. Telle n'est pas la position de la France.
Par ailleurs, indépendamment de cette décision de justice attendue, la Commission européenne a engagé un processus de révision de ce Règlement : elle souhaite apaiser le conflit avec l'Inde et le Brésil, soupçonnés d'accueillir en masse des contrefaçons de médicaments, contrefaçons qui transitent souvent sur le sol communautaire. Autrement dit, la Commission pourrait souhaiter modifier le Règlement pour exclure explicitement la possibilité pour les douanes d'intervenir pour les produits en transbordement, au motif qu'on ne peut pas empêcher certains pays de se soigner. Mais je signale que les médicaments contrefaisants, qui ne subissent aucun contrôle, sont soit totalement inefficaces pour le traitement de la pathologie qu'ils sont supposés soigner, soit - pis encore - comportent des substances toxiques.
C'est pourquoi nous recommandons de ne pas toucher à la règlementation douanière communautaire ou, à défaut, de la clarifier pour prévoir explicitement la possibilité pour les douanes d'intervenir pour les produits en transit, quels qu'ils soient.
Je remercie les co-rapporteurs pour leur exposé. Je les invite à une certaine prudence concernant la présentation des recommandations sur la spécialisation des magistrats. Il est difficile pour le ministère de la justice de proposer des stages de formation continue de plusieurs mois. Quant à la recommandation concernant le renouvellement simultané des magistrats spécialisés, j'en comprends la logique mais on ne peut pas empêcher les magistrats de partir, surtout s'ils se voient proposer des opportunités professionnelles intéressantes.
Nous visons le cas de magistrats qui partent contre leur gré alors qu'ils auraient souhaité bénéficier d'un avancement sur place pour approfondir encore quelques années leur spécialisation en matière de propriété intellectuelle. Je signale que le CSM lui-même admet la nécessité d'une certaine stabilité dans des fonctions particulières puisque, par exemple, il accepte l'avancement sur place des magistrats spécialisés du pôle antiterroriste de Paris. Nous préconisons simplement, pour les magistrats spécialisés en propriété intellectuelle, un alignement sur cette « doctrine ».
Nous envisageons de traduire les recommandations de portée législative dans une proposition de loi.
Le rapporteur de ce texte pourra peut-être proposer de le compléter en réfléchissant à l'opportunité d'aligner certaines procédures - anciennes - applicables en matière de propriété littéraire et artistique sur celles en vigueur en matière de propriété industrielle.
Une incidente : il y a de plus en plus de pillages de travaux universitaires.
Ce n'est pas nouveau... parfois une même thèse a été reprise cinq fois sous des titres différents !
La commission autorise la publication du rapport d'information.
Nous avons le plaisir d'accueillir M. Alex Türk, président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).
Je voudrais d'abord mettre l'accent sur l'extraordinaire importance des nouvelles technologies. On peut en distinguer quatre, qui peuvent être groupées deux à deux, d'une part, la vidéosurveillance et la biométrie, d'autre part, la géolocalisation et les réseaux, notamment téléphoniques : avec les deux premières on peut suivre une personne, savoir où elle est à telle heure, mais si les pouvoirs publics le souhaitent, il est juridiquement possible de les interdire alors que c'est impossible pour les deux dernières. Le développement de la géolocalisation et des réseaux fait donc peser de plus grandes menaces sur les libertés individuelles. La vidéosurveillance et la biométrie sont visibles, la géolocalisation et les réseaux, invisibles, sont beaucoup plus dangereux.
La conception de la vie privée est en train de changer : Mark Zuckerberg, président-directeur général de Facebook explique tranquillement qu'on doit admettre une réduction de la sphère de la vie privée. Par ailleurs, nous avons entendu Eric Schmidt, président-directeur général de Google estimer qu'il faudrait accepter, en application de la théorie de la « banqueroute de réputation », de changer régulièrement d'identité pour récupérer une forme d'anonymat sur le réseau. Cette idée séduit de nombreux Américains ! C'est un aveu d'échec car cela revient à dire : puisque les Etats sont impuissants à protéger l'identité des personnes à l'heure des nouvelles technologies, il leur appartient de prévoir la possibilité d'un changement d'identité de leurs citoyens...
Je suis également inquiet de la concentration des dispositifs de surveillance dans les grands lieux de rassemblement tels que les stades, les gares et surtout les aéroports où les individus sont tracés depuis leur arrivée jusqu'à leur embarquement dans l'avion.
J'appelle également votre attention sur le phénomène du nuage numérique ou « cloud computing ». Des milliards de données sont stockées pour l'éternité dans des « fermes numériques », pas très bien gardées. Le droit à l'oubli a-t-il un sens quand une information peut réapparaître des années plus tard ?
Par ailleurs, il faut poser clairement le problème des nanotechnologies. Certes, elles représentent un progrès pour l'humanité en matière de santé. Cependant, quand des systèmes informatiques seront disséminés par millions, soit autant de Mini brothers invisibles, l'on regrettera le bon vieux temps de Big Brother. La miniaturisation implique l'invisibilité et, par là, l'irréversibilité.
J'insiste également sur la dématérialisation des systèmes qui crée ce qu'on appelle « l'informatique d'ambiance ». On entre dans une ère nouvelle où les technologies sont partout autour de nous, sans que l'on en ait conscience et a fortiori sans que l'on puisse les maîtriser.
Quelles sont les solutions qui s'offrent aux pouvoirs publics pour répondre à ces évolutions aussi passionnantes que préoccupantes ?
La CNIL estime que la première réponse est la pédagogie. C'est pourquoi notre Commission consacre beaucoup de temps et d'argent à des actions d'information et de sensibilisation, en coopération avec le ministère de l'Education nationale : nous avons ainsi récemment adressé des centaines de milliers de brochures à des parents, des élèves, des centres de documentation... Reconnaissons que les professeurs sont parfois dépassés par les nouvelles technologies, surtout quand on sait qu'un élève de 4ème passe en moyenne 2 heures et demie sur Internet tous les soirs de la semaine (le week-end c'est encore plus). Mais la communauté éducative ne doit pas renoncer pour autant : elle doit apprendre aux élèves à préserver les valeurs essentielles que sont l'identité et l'intimité.
2ème réponse : la CNIL se doit d'analyser aussi finement que possible les nouvelles technologies et les nouveaux comportements qu'elles induisent. Elle doit même avoir un temps d'avance : c'est pourquoi notre commission s'est récemment dotée d'un laboratoire, composé d'ingénieurs de haut niveau, chargé d'assurer une veille technologique. Nous sommes la première commission de protection des données à l'avoir fait.
Enfin, la 3ème réponse est capitale : c'est la réponse juridique. Il y a quelques semaines, plusieurs sénateurs, dont le Président Jean-Jacques Hyest, ont signé une proposition de résolution visant à apporter le soutien du Parlement à la signature d'une convention universelle pour la protection des personnes à l'égard du traitement des données personnelles. Il est très important de tout faire pour arriver un jour à élaborer un instrument international contraignant garantissant le respect de la protection des données personnelles et de la vie privée, car l'encadrement des nouvelles technologies ne peut être que mondial. Or, je rappelle que si de nombreux pays de l'Union européenne, le Canada, la Nouvelle-Zélande et quelques pays d'Afrique et d'Amérique soutiennent la nécessité d'une intervention protectrice des pouvoirs publics et mettent progressivement en place à cet effet des normes et des organismes spécialisés, d'autres, tels que les États-Unis, le Japon, la Chine ou l'Inde, restent étrangers à ces préoccupations. Je signale que les parlements allemand et espagnol ont récemment voté des résolutions visant à promouvoir la signature d'une convention internationale pour la protection des données personnelles. C'est pourquoi je me tourne vers le Président : pensez-vous qu'on puisse espérer à brève échéance le vote au Sénat de votre proposition de résolution ?
Je souhaite une inscription rapide de cette proposition à l'ordre du jour du Sénat car, en effet, nous avons besoin de nous doter d'un instrument juridique international contraignant.
J'ai plusieurs questions ou remarques.
Tout d'abord, que pensez-vous de la mise en place en France des titres sécurisés : passeports biométriques hier, cartes d'identité électronique sans doute demain ? Je rappelle que notre collègue M. Jean-René Lecerf a déposé une proposition de loi sur la protection de l'identité, qui devrait être examinée au Sénat dans les prochains mois.
Ensuite, la CNIL a-t-elle toujours un différend avec la société Google au sujet de ses voitures « Street View », qui sillonnent la France pour photographier les routes mais qui permettent également de capter des mels et des informations confidentielles transitant par les réseaux WI-FI non protégés ?
Par ailleurs, je suis effrayé par le développement fulgurant des réseaux sociaux.
Enfin, pouvez-vous nous présenter l'état d'avancement de votre projet de création de labels identifiant et valorisant des logiciels, applications et systèmes offrant des garanties renforcées en matière de protection des données personnelles ?
Je confirme les propos de M. Alex Türk sur la remise en cause de cette valeur fondamentale qu'est le droit au respect de la vie privée. En tant que co-auteur, avec Mme Anne-Marie Escoffier, d'un rapport d'information sur la vie privée à l'heure des mémoires numériques, je participe régulièrement à des colloques sur ce sujet. J'y entends de plus en plus souvent que la notion de vie privée n'a plus de sens ! Or, le droit à la vie privée est inhérent à la démocratie. Je pense qu'on ne pourra pas bloquer les évolutions technologiques mais nous avons assurément besoin d'un cadre juridique international qui protège davantage les données personnelles et la vie privée.
A-t-on déjà perdu la partie ? N'est-il pas déjà trop tard pour agir ? Est-on encore en mesure de maîtriser des technologies qui, par définition, ne connaissent pas de frontières ? Je voudrais donner un exemple : les pilotes de ligne ont certains logiciels qui permettent de tracer l'ensemble des avions qui se trouvent dans l'espace aérien. Du coup, pour sécuriser certains déplacements, sont créées des « identités fictives » pour échapper à ce traçage !
Je remercie M. Alex Türk pour la qualité de son exposé. Je voudrais dissiper certaines inquiétudes. La crainte a toujours accompagné, dans l'Histoire, les grandes mutations techniques. Et n'oublions pas que les nouvelles technologies ont aussi des effets positifs incontestables car elles permettent l'accès à l'information : on a vu récemment en Tunisie et en Égypte combien cela pouvait être important ! A mes yeux, la question centrale est celle de la régulation mondiale. Mais le chemin est long et difficile car il faudra d'abord convaincre certains pays européens et il faudra ensuite que l'Europe se batte pour porter la valeur « vie privée » dans le monde.
Par ailleurs, j'ai été saisi il y a quelque temps d'une question sur les boîtes noires que certains fabricants automobiles ont décidé d'intégrer dans leurs voitures et qu'ils considèrent comme leur propriété. La question est la suivante : à qui appartiennent les données de la boîte noire : au fabricant ou au propriétaire du véhicule qui ne peut pas les lire seul ? J'ai transmis cette question aux services de la CNIL que je remercie au passage pour leur disponibilité. Je m'interroge : faudrait-il légiférer au plan national pour prévoir explicitement que les données appartiennent au propriétaire du véhicule ?
Je remercie, à mon tour, M. Alex Türk pour sa présentation. Je voudrais connaître la position de la CNIL sur la question du vote électronique, qui intéresse beaucoup les Français de l'étranger.
Telle la langue d'Ésope, la modernité technologique est la meilleure et la pire des choses. Le phénomène d'usurpation d'identité, notamment sur Internet, m'inquiète. Sur la géolocalisation, je note que la quasi-totalité des personnes ignorent la différence entre bracelets fixes et mobiles. Enfin, je me demande comment on peut assurer efficacement la protection des individus dans les aéroports quand on voit qu'un récent reportage télévisé a montré les défaillances des sociétés de sécurité privées qui interviennent de plus en plus souvent dans les aéroports.
Les évolutions décrites par M. Alex Türk sont inquiétantes mais je suis rassuré de constater que la CNIL les suit très attentivement, ce dont je la félicite. En réponse à M. Jean-Pierre Sueur, je rappelle que le 14 juillet 1789 s'est réalisé sans Internet !
J'ajoute que l'humanité n'a pas toujours su répondre aux défis techniques.
Je voudrais formuler deux remarques : l'une pessimiste, l'autre optimiste.
La remarque pessimiste d'abord : s'agissant de l'éducation, c'est un échec. Le problème, ce n'est pas une éducation technicienne mais comment former un esprit critique ?
La remarque optimiste ensuite : plus les systèmes deviennent complexes, plus ils deviennent ingérables. Quand on regarde le déroulement du 11 septembre aux États-Unis, on est étonné. Le système Echelon, mis en place par les États-Unis, ce système d'écoute de tout ce qui se passe dans le monde, les États-Unis n'ont jamais pu en tirer quoi que ce soit. Est-ce trop optimiste comme remarque ?
Il y a des phénomènes de thrombose. Plus on est informatisé, plus les systèmes sont complexes, plus ils sont fragiles. Le moindre flocon de neige immobilise tout pendant des jours entiers. Regardez ce qui s'est passé à Roissy.
Les nouvelles technologies sont à l'origine du phénomène dit de la « réalité augmentée ». Elles peuvent être très intrusives et permettent de regarder des choses intimes. Nous sommes à l'aube d'une nouvelle ère : regardez certaines banques en ligne américaines qui ont des millions de clients « virtuels »... S'agissant de la signature éventuelle d'une convention universelle, je suis pessimiste. Tous les grands acteurs de l'Internet sont américains : on est pieds et poings liés. Qu'avons-nous à offrir à la table des négociations ? Pas grand-chose, je le crains... d'autant que la volonté européenne n'est pas affirmée sur cette question.
Je vais essayer de répondre de manière aussi complète que possible aux fort intéressantes questions qui m'ont été posées.
Tout d'abord, la CNIL a effectivement à se prononcer au sujet de l'application « Street View » de la société Google qui a capté des contenus alors que cela ne correspondait pas à sa finalité première. Notre commission se prononcera le 17 mars prochain sur ce point.
S'agissant de la labellisation, on avance de manière réaliste et raisonnable. Les labels concernant les audits et les formations devraient voir le jour fin 2011 ; ceux concernant les produits fin 2012. Les ingénieurs de la CNIL y travaillent activement.
En effet, M. Yves Détraigne, la notion de vie privée est de plus en plus contestée. Beaucoup considèrent qu'on peut exposer la vie d'autrui au nom de la liberté d'expression. A cet égard, je regrette que les juges soient beaucoup moins sévères en matière de diffamations commises sur Internet qu'en dehors.
Concernant les relations entre l'Europe et les Etats-Unis, je rappelle que ces derniers n'ont ni loi « informatique et libertés » ni organe dédié à la protection des données personnelles. Les Etats-Unis ont tendance à considérer ces dernières comme des biens marchands et non comme des attributs de la personnalité. C'est pourquoi il sera difficile de faire aboutir une convention universelle de protection de la vie privée...
Cela dit, les nouveaux outils technologiques, tels que les réseaux sociaux, sont encore très récents. Il existe un temps d'apprentissage ; on peut parier que les comportements et stratégies vont encore beaucoup évoluer. En février 2009, les réactions consécutives à l'annonce par Facebook de sa décision de modifier ses conditions générales d'utilisation afin de se rendre propriétaire à vie des données figurant sur ses pages ont montré que les utilisateurs sont très sensibles au respect de la vie privée, même si leur comportement pourrait laisser penser le contraire.
Je crois également qu'il faut que l'Europe prenne des positions fortes concernant la révision de la directive européenne de 1995 relative à la protection des données personnelles. Rappelons, à cet égard, que la commission européenne avait, à l'été 2008, nommé un groupe d'experts composé, aux quatre cinquièmes, de personnalités représentant les intérêts américains, chargé d'engager la réflexion sur la révision de cette directive européenne.
Jugeant - à juste titre - inacceptable cette composition, la commission des affaires européennes avait décidé, à l'initiative de son Président, alors M. Hubert Haenel, d'adopter une proposition de résolution européenne.
J'ajoute que le commissaire européen M. Jacques Barrot avait, au même moment, décidé de dissoudre ce groupe d'experts ; c'est pourquoi notre commission, saisie de cette proposition de résolution, ne l'avait pas adoptée.
Je voudrais indiquer également qu'à mes yeux Internet est un phénomène sans précédent qui ne peut être comparé à aucune des mutations technologiques que le monde a connues jusqu'à présent. Nous sommes devant un phénomène global, absolument nouveau, qui appelle des réponses radicalement nouvelles.
Sur la position européenne concernant la promotion d'une convention universelle de protection des données, il faut reconnaitre, en effet, qu'elle ne sera pas facile à établir. Certains pays, tels que le Royaume-Uni ou l'Irlande, sont sur la ligne américaine. Nous avons un immense travail de conviction à accomplir.
Sur le vote électronique, la CNIL n'a pas de position a priori. A titre personnel, j'y suis très hostile pour les scrutins politiques nationaux car je crois qu'on n'a rien à gagner à supprimer le rendez-vous démocratique fondamental que sont le vote et le dépouillement collectifs. En revanche, la question se pose différemment lorsque les électeurs sont très éloignés des bureaux de vote. Nous tenons toutefois à ce que le vote électronique offre les mêmes garanties que le vote conventionnel. Il ne faut pas abaisser le niveau démocratique.
Je précise également que la CNIL est très ouverte à la lutte contre la fraude documentaire : la biométrie peut rendre des services mais l'usage des empreintes digitales peut être détourné. J'ajoute que nous ne sommes pas opposés aux solutions technologiques en matière de sécurité. Par exemple, la CNIL n'est pas hostile aux scanners corporels dans les aéroports dès lors que le système est entouré de garanties afin qu'aucune personne ne puisse, par ces procédés, accéder à l'intimité d'une personne.
Avez-vous des contacts réguliers avec les magistrats afin de les sensibiliser à la question de la protection de la vie privée à l'heure du numérique ?
Oui, nous avons des échanges mais la tâche est difficile. Les parquets classent souvent sans suite les affaires portant sur ces questions ; c'est sans doute lié à la nouveauté de la matière.
Par ailleurs, on m'a interrogé sur la pédagogie en matière de protection des données. Je crois qu'il faut une instruction civique résolument moderne, basée sur les valeurs d'identité et d'intimité. Je suis frappé de constater que les jeunes mélangent souvent intimité et innocence, puisqu'ils n'hésitent pas à livrer sur Internet des informations personnelles, dès lors que, disent-ils, « ils n'ont rien à se reprocher ». Or, le raisonnement selon lequel je n'ai rien à craindre si je n'ai rien à me reprocher est dangereux. C'est la notion d'intimité qui est en cause. Aux personnes qui me disent que cela ne les gêne pas d'être vues avec leur conjoint légitime, j'explique qu'ils ont droit à la même intimité, quelle que soit la personne avec laquelle ils sont. Je revendique le droit de ne pas être vu ni entendu. Ne mélangeons pas intimité et innocence.
Oui, mais cette transparence doit permettre le contrôle de l'Etat par les citoyens, pas le contrôle entre citoyens !
Je précise également que je suis moins optimiste que vous au sujet du système Echelon, mis en place par les Etats-Unis.
Enfin, concernant les boîtes noires des voitures, la CNIL n'est pas compétente pour se prononcer sur le point de savoir si les données, y compris personnelles, qu'elles renferment appartiennent aux propriétaires des véhicules ou aux fabricants automobiles. A titre personnel, il me semble que le propriétaire d'une voiture est propriétaire de l'ensemble des éléments qui la composent.
La commission entend une communication de M. Richard Yung sur les initiatives européennes en matière de droit de la famille.
La réunion à laquelle j'ai assisté au nom de la commission le 30 novembre dernier a été organisée par la commission des affaires juridiques du Parlement européen et elle a porté sur les initiatives européennes en matière de droit de la famille.
L'entrée en vigueur du traité de Lisbonne a changé la donne puisque la coopération judiciaire en matière civile relève maintenant de la procédure législative ordinaire. Seules les mesures relatives au droit de la famille obéissent à la procédure législative spéciale qui requiert l'unanimité au sein du conseil.
Mme Viviane Reding a introduit les travaux de la réunion en insistant sur la nécessité de faciliter la vie des citoyens européens qui s'établissent ou circulent dans un autre pays que le leur.
Quatre sujets ont été examinés à cette occasion : les successions transfrontalières, le règlement transfrontalier des divorces et les régimes matrimoniaux, la reconnaissance des couples et des différentes formes de conjugalité dans l'Union et, enfin, les médiations familiales.
La commission des lois a déjà eu l'occasion de se pencher sur le premier sujet avec la proposition de résolution rapportée par notre ancien collègue M. Pierre Fauchon. Le projet de règlement relatif aux successions transfrontalières vise à établir un cadre législatif cohérent pour le règlement des conflits de lois en matière de successions, la détermination du juge compétent et la reconnaissance mutuelle et l'exécution des décisions en la matière. La loi applicable serait celle de la dernière résidence du défunt sauf à ce qu'il ait expressément opté pour sa loi nationale.
Nous nous étions inquiétés en commission de ce qu'on puisse ainsi échapper au mécanisme de la réserve héréditaire. Force est de constater qu'aucune garantie n'est donnée sur ce point, ce qui nous impose de rester vigilants.
S'agissant des divorces transfrontaliers et des régimes matrimoniaux, l'Union européenne ne connaît que le règlement Bruxelles II bis qui définit le juge compétent et pose le principe d'une reconnaissance mutuelle en matière matrimoniale.
Deux initiatives sont à signaler : tout d'abord, la coopération renforcée en matière de divorce, première de l'histoire de l'Union. Elle répond à l'impasse dans laquelle était placée l'Europe, la Suède s'étant opposée à la proposition de règlement dite « Rome III » qui visait à permettre aux époux de choisir comme loi applicable à leur divorce, celle de leur mariage, celle de leur nationalité, celle de leur résidence habituelle ou celle du juge du lieu où ils se sont mariés.
Le Conseil JAI des 2 et 3 décembre dernier a validé le projet de règlement restreint aux 14 Etats membres de cette coopération renforcée.
La seconde initiative n'est pas à proprement parler communautaire puisqu'il s'agit uniquement d'une initiative bilatérale sur la création, en février 2010, d'un régime matrimonial franco-allemand. Elle répond à des difficultés avérées. Ce régime fonctionne comme si les époux étaient sous le régime de séparation de biens : ils conservent l'administration, la jouissance et la libre disposition de leurs biens personnels et chacun reste seul tenu des dettes nées de son chef avant ou pendant le mariage. Ils ne peuvent cependant pas déroger à certaines règles impératives relatives au logement de la famille et à la solidarité des dettes engagées dans l'intérêt du ménage. Ce régime franco-allemand constitue un progrès notable. En inspirera-t-il d'autres ?
La question de la reconnaissance des différentes formes de conjugalité ne fait l'objet d'aucune initiative particulière de l'Union européenne. En revanche, cette thématique a été débattue au cours de la réunion.
Certains Etats membres reconnaissent le mariage homosexuel, d'autres un partenariat entre personnes de même sexe équivalent au mariage, d'autres des partenariats conventionnels similaires au Pacs et, enfin, certains ne connaissent que le mariage entre personnes de sexe différent. Cette hétérogénéité n'est pas sans poser de difficultés lorsque se pose la question de la reconnaissance dans un Etat donné d'une union contractée dans un autre Etat. La solution qui semble se généraliser est celle de la reconnaissance des unions étrangères dans leur qualification d'origine, sous réserve des dispositions d'ordre public.
Le dernier thème sur lequel a porté la réunion est celui du développement de la médiation familiale dans le cas des enlèvements internationaux d'enfants. Une réflexion est engagée pour constituer un groupe de travail spécifique au sein du réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale, chargé d'examiner les moyens les plus appropriés pour promouvoir et améliorer l'utilisation de la médiation familiale internationale dans les cas de rapts internationaux d'enfants. Cette question se pose en Europe mais aussi vis-à-vis d'autres pays comme le Japon, qui n'a pas ratifié la convention de La Haye.
Un rapport doit par ailleurs être prochainement déposé par la commission des affaires juridiques sur l'application du règlement Bruxelles II bis sur la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière d'autorité parentale.
En principe, les questions familiales ne relèvent pas de la compétence de l'Union. La convention franco-allemande portant création d'un régime matrimonial commun est une initiative bilatérale dont on ne peut nier le succès. Il serait pertinent de s'en inspirer pour régler des difficultés qui se posent avec d'autres pays, comme la Russie. Mais le problème, c'est que le Gouvernement français s'abstient d'agir au motif que l'Union est en négociation avec la Russie sur ce point. Or les problèmes ne sont pas différents de ceux auxquels étaient confrontés les couples franco-allemands. On ne peut se satisfaire de cette situation.
La commission procède ensuite à l'examen de pétitions.
En questions diverses, nous devons examiner ce matin deux pétitions.
La pétition n° 70-252 de M. Guy Derbez et environ 13 000 autres pétitionnaires soutient la campagne de l'Institut pour la Justice, qui vise à « modifier la loi pour permettre à la police d'agir immédiatement » en cas d'occupation sans autorisation du domicile d'autrui.
Cette pétition demandait plus précisément le maintien au Sénat d'une disposition insérée par la commission des lois de l'Assemblée nationale dans le texte de la LOPPSI. Il s'agit du III de l'article 32 ter A, qui, s'il avait été supprimé en deuxième lecture au Sénat, a été rétabli dans une version modifiée lors de la commission mixte paritaire, dont les conclusions ont été adoptées hier dans chacune des deux assemblées.
Par conséquent, il y a lieu de répondre aux pétitionnaires en leur indiquant que leur demande a été satisfaite.
La pétition n° 70-253 de Mme Carole Delallée et 23 autres pétitionnaires demande qu'en application de la convention européenne pour la protection des animaux de compagnie du 13 novembre 1987, le cheval soit reconnu en tant qu'animal de compagnie.
Considérant qu'il s'agit d'une demande relevant de la compétence de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, il y a lieu de lui renvoyer cette pétition.