Lors d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord entendu une communication de M. Josselin de Rohan sur la réunion des commissions de l'Assemblée de l'OTAN, tenue à Bruxelles, du 15 au 17 février 2009.
a rappelé que l'Assemblée parlementaire de l'OTAN organisait chaque année, à Bruxelles, une réunion de trois de ses cinq commissions consacrée à des contacts avec les principaux responsables civils et militaires de l'OTAN. Il a indiqué qu'il conduisait la délégation du Sénat qui comprenait également Mme Nathalie Goulet, MM. Didier Boulaud et Jean-Pierre Demerliat.
Cette réunion a tout d'abord confirmé les fortes attentes de l'ensemble des pays alliés vis-à-vis de la nouvelle administration américaine qui, dans ses premières déclarations, s'est montrée déterminée à privilégier l'approche multilatérale et à renforcer le dialogue avec les Européens, notamment dans le cadre de l'OTAN. Le discours prononcé par le vice-président Joseph Biden, lors de la Conférence sur la sécurité de Münich, le 7 février dernier, a tracé les grandes lignes de ce que pourrait être la politique étrangère du Président Obama : un rôle central donné à la diplomatie, notamment avec la nomination de deux envoyés spéciaux pour le Proche-Orient et pour l'Afghanistan et le Pakistan ; l'ouverture à un dialogue avec l'Iran ; la volonté de reprendre les relations avec la Russie sur de nouvelles bases ; le soutien au renforcement de l'Europe de la défense.
L'ambassadeur américain à l'OTAN a confirmé que les Etats-Unis pourraient, à terme, renforcer d'environ 30 000 hommes leur présence militaire en Afghanistan, dont 17 000 hommes dès le printemps 2009. Ces troupes seraient affectées à la FIAS (Force internationale d'assistance à la sécurité), et non à l'opération Enduring freedom, ce qui aura notamment pour conséquence de porter la contribution américaine à plus de la moitié des effectifs de l'OTAN dans cette opération.
a indiqué que l'ensemble des responsables politiques et militaires de l'OTAN avaient souligné la nécessité d'une approche globale en Afghanistan, combinant le rétablissement de la sécurité, une gouvernance plus efficace et l'aide au développement. Il a observé que, depuis le sommet de Bucarest d'avril 2008, qui avait entériné cette stratégie, la traduction concrète et les résultats de cette approche n'étaient guère perceptibles.
Il a ensuite évoqué l'avenir des relations entre l'Alliance atlantique et la Russie, qui avait constitué le second grand thème de discussion.
Le sentiment général, conforme aux propos tenus à cet égard à Münich par le Président Nicolas Sarkozy, est que l'OTAN a beaucoup à perdre d'une dégradation de ses relations avec la Russie, comme la Russie n'a rien à gagner à une relation conflictuelle et à l'isolement. La volonté de renouer le dialogue s'est notamment traduite par la reprise informelle des réunions du Conseil OTAN-Russie, suspendues depuis août dernier.
Les parlementaires des différents pays alliés ont noté les premières réactions positives de la Russie à l'égard des orientations de la nouvelle administration américaine, tout en exprimant un très grand scepticisme sur la réalité de cette détente. En effet, dans le même temps, la Russie a renforcé sa présence militaire en Abkhazie et en Ossétie du Sud. Elle tente également d'obtenir des pays d'Asie centrale une remise en cause des liens qu'ils avaient établis avec l'OTAN en vue de faciliter le soutien logistique aux opérations d'Afghanistan, comme en témoigne l'annonce de la fermeture de la base aérienne américaine de Manas en Kirghizie.
a ajouté que le souci de redéfinir un consensus entre alliés sur la politique à l'égard de la Russie, en dépit de la diversité des perceptions selon les pays, apparaissait désormais comme une priorité. Par ailleurs, le conflit russo-géorgien a conduit certains alliés, notamment les pays baltes, à s'interroger sur la capacité de l'OTAN à remplir sa mission de défense collective. A cet égard, la préparation du futur concept stratégique donnera lieu à un débat sur le rééquilibrage entre les missions « expéditionnaires » et la mission de défense collective, avec les conséquences qui doivent en découler en matière de planification, d'entraînement des forces et de capacités militaires.
Abordant la question de la position de la France dans l'OTAN, M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que la perspective d'une implication pleine et entière de la France dans les structures de commandement avait été saluée par les représentants de l'OTAN et plusieurs parlementaires de pays alliés, tant en raison de la plus-value apportée par la France au plan militaire que par le démenti qu'elle pouvait apporter à toute idée de concurrence entre l'OTAN et l'Europe de la défense.
La délégation française a rappelé que la France n'avait pas à faire son « retour » dans l'OTAN, puisqu'elle ne l'avait jamais quittée et était très fortement engagée dans les opérations et au plan financier. Elle a également précisé que la question était discutée au sein du Parlement et n'était pas formellement prise. Elle a rappelé les principes posés par le Livre blanc, notamment le maintien de l'autonomie de décision, l'exclusion de tout engagement automatique dans les opérations et l'absence de forces placées sous le commandement de l'OTAN en temps de paix. La délégation française a aussi souligné l'attachement de la France au développement d'une capacité militaire européenne autonome.
a également indiqué que la délégation avait pu aborder avec la représentation permanente de la France à l'OTAN, en marge de la réunion, les implications d'un renforcement de notre présence, en termes d'association à la préparation et à la mise en oeuvre des décisions concernant les opérations, ainsi que le processus de révision de la structure de commandement au terme duquel les postes de responsabilité seront répartis entre les nations.
a ajouté que, dans l'esprit des parlementaires des pays alliés, la pleine participation de la France dans les structures de l'OTAN paraissait acquise, nonobstant le processus de consultation parlementaire annoncé et l'absence, pour l'heure, de décision définitive. Il a également mentionné les traces laissées, au sein de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, par les clivages apparus l'année passée sur la question du processus d'adhésion de la Géorgie à l'Alliance atlantique.
a souhaité des précisions sur les premières orientations de l'administration américaine en matière de politique étrangère, notamment à propos des relations avec la Russie.
a répondu que le discours très substantiel prononcé à Münich par le vice-président Joseph Biden avait décliné les grandes lignes de la politique étrangère souhaitée par le Président Obama. Il traduisait effectivement la volonté de décrisper les relations avec la Russie et ouvrait, en particulier, la perspective d'avancées importantes en matière de réduction des armements nucléaires, avec la négociation d'un accord destiné à succéder au traité Start qui arrive à expiration en fin d'année. Les autorités russes avaient accueilli favorablement ces propositions, mais n'avaient elles-mêmes effectué aucun geste concret en retour, puisqu'elles avaient, par exemple, annoncé leur intention de renforcer leur présence militaire en Abkhazie et en Ossétie du Sud.
La commission a ensuite entendu une communication de MM. Didier Boulaud et Xavier Pintat sur la visite de la commission de défense de l'Assemblée de l'OTAN aux Etats-Unis, du 25 au 30 janvier 2009.
a précisé que cette visite, qui réunissait 33 parlementaires venant de 17 pays de l'OTAN, s'était déroulée une semaine après l'investiture du Président Obama. Les contacts établis avec les membres du Congrès, certains représentants de l'administration et des experts indépendants avaient confirmé les premières orientations de la nouvelle politique étrangère américaine, à savoir la priorité accordée à l'Afghanistan et au Pakistan, la volonté affichée de remettre à l'honneur le multilatéralisme et une diplomatie plus coopérative, et l'intention d'améliorer les relations avec la Russie.
a indiqué que la commission avait consacré la majeure partie de ses travaux au dossier de la défense antimissile, avec une réunion au siège de la Missile Defense Agency à Washington, puis une visite du Centre d'opération de la défense antimissile dans le Colorado et à la base de Vandenberg, en Californie, où est implanté l'un des deux sites d'intercepteurs.
Il a rappelé que les Etats-Unis avaient développé, au cours de ces dernières années, des capacités désormais opérationnelles en matière de défense antimissile, même si un certain nombre de moyens prévus par leur programme ambitieux restent à mettre au point, en particulier le laser aéroporté qui permettrait de détruire des missiles balistiques durant leur phase de propulsion. Il a précisé que la nouvelle administration avait déclaré son intention de poursuivre ce programme, même si elle souhaite en évaluer la performance technique et le coût, ce qui pourrait en ralentir temporairement le rythme de mise en oeuvre.
Il s'est ainsi déclaré convaincu que les Etats-Unis ne renonceraient pas à la défense antimissile, qui correspond à un mouvement profond faisant l'objet d'un consensus bipartisan. Il a par ailleurs estimé que le lancement réussi d'un satellite par l'Iran, au début du mois, témoignait d'un degré de maîtrise inattendu des technologies dans le domaine balistique, ce qui ne pouvait qu'accentuer l'évaluation de la menace à laquelle répond ce programme. Il a, à ce propos, rappelé que le système de défense antimissile américain n'était pas conçu pour parer une attaque provenant d'une puissance majeure, mais pour protéger le territoire américain d'un nombre limité de missiles relativement peu sophistiqués. Les installations envisagées en Pologne et en République tchèque étaient explicitement destinées à contrer une future menace iranienne.
a ensuite décrit les différents moyens d'interception envisagés à chacune des trois phases du parcours d'un missile balistique : la phase de propulsion, la course dans l'espace extra-atmosphérique et la phase de rentrée dans l'atmosphère. Il a précisé que l'interception dans cette dernière phase augmentait les inconvénients liés aux débris. En revanche, l'interception dans la phase de propulsion, beaucoup plus difficile à réaliser sur le plan technique, compte tenu du très court délai de réaction, se traduirait, à son sens, par une nouvelle forme de dissuasion, plus défensive qu'offensive. En effet, le pays attaquant prendrait le risque de voir son territoire affecté par la destruction du missile.
En conclusion, il a estimé que l'Europe devrait nécessairement se déterminer sur la défense antimissile, étant donné les implications en termes de sécurité et de développements technologiques.
a indiqué que tous les éléments du programme américain de défense antimissile n'étaient pas parvenus au même degré de maturité. Si les systèmes de défense contre les missiles à courte et moyenne portée paraissaient fonctionner avec efficacité, il n'en était pas encore de même pour les missiles à longue portée. Par ailleurs, il a estimé qu'au-delà de la menace iranienne, évoquée à l'appui de ce programme, la Chine n'était certainement pas étrangère aux motivations des Etats-Unis. Il a également mentionné, de manière plus générale, les préoccupations américaines en matière de domination du milieu spatial, alors que la Chine avait démontré sa capacité à détruire un de ses satellites en orbite.
a également souligné que le système de défense antimissile des Etats-Unis, y compris les éléments envisagés sur le continent européen, avait pour objet essentiel la protection du territoire américain. Aussi l'intérêt réel de l'Europe à s'associer à ce programme paraissait-il contestable. Il a indiqué que la poursuite des projets en Pologne et en République tchèque serait subordonnée au résultat des expertises demandées par la nouvelle administration américaine pour en évaluer la maturité technologique. Au demeurant, le processus parlementaire d'approbation des accords bilatéraux n'était pas achevé dans les deux pays concernés.
Enfin, M. Didier Boulaud a mentionné les inquiétudes exprimées sur ce programme par la Russie, tout en précisant que celle-ci n'en rejetait pas le principe même, puisqu'elle avait proposé de s'y associer, en utilisant, par exemple, un radar russe situé en Azerbaïdjan.
a évoqué le débat sur l'antagonisme ou la complémentarité entre dissuasion et défense antimissile. Il a souligné le caractère crucial du système de commandement d'un tel dispositif, estimant que les délais de décision très brefs, nécessaires à l'interception d'une attaque, aboutiraient à s'en remettre, dans ce domaine, aux seules autorités américaines. Dans ces conditions, il a douté que la France puisse, d'une manière ou d'une autre, s'associer à ce dispositif, et il s'est interrogé sur la possibilité, pour l'Europe, de disposer de moyens d'alerte avancée pour la détection des tirs de missiles balistiques. Enfin, il a souligné la contradiction entre la volonté affichée des Etats-Unis d'oeuvrer pour le désarmement nucléaire et un projet qui ne pourra qu'inciter des puissances telles que la Chine à développer leurs capacités balistiques et nucléaires.
a rappelé que, dans son discours de l'Ile Longue de janvier 2006, le Président Chirac avait estimé que la défense antimissile ne pouvait se substituer à la dissuasion mais pouvait la compléter en diminuant nos vulnérabilités. Il a par ailleurs confirmé que le projet de loi de programmation militaire prévoyait le développement de radars et de satellites de détection et d'alerte avancée. Il a souligné l'impact des recherches effectuées en matière de défense antimissile pour le développement des capacités technologiques de l'industrie américaine. Le débat sur une éventuelle implication européenne dans la défense antimissile, dans le cadre de l'OTAN, comportait ainsi d'importants enjeux industriels et technologiques, notamment pour la France qui est le pays européen disposant du plus grand nombre de compétences en la matière. Il y avait, de ce point de vue, un véritable risque de rester à l'écart du développement de technologies dont les Etats-Unis détiendraient définitivement le monopole.
s'est interrogé sur la capacité des Etats-Unis, dans le contexte de crise économique et financière, à assumer le financement d'un programme aussi coûteux. Il a également mentionné les craintes de la Russie vis-à-vis d'un dispositif qu'elle estime en réalité dirigé contre elle.
a demandé des précisions sur le poids de la défense antimissile dans le budget de la défense américain.
a indiqué que les Etats-Unis dépensaient en moyenne 10 milliards de dollars par an pour la défense antimissile, sur un budget de la défense d'environ 600 milliards de dollars. Il a estimé que l'argumentation russe était beaucoup plus politique que technique, la capacité limitée du projet américain ne prétendant ni ne pouvant contrer la puissance nucléaire russe puisqu'elle est sans commune mesure avec le nombre de têtes nucléaires détenues par la Russie et ses dispositifs de pénétration et de leurre.
s'est déclaré convaincu que les objectifs poursuivis par les Etats-Unis n'étaient, en aucune manière, liés à une menace iranienne, mais visaient à assurer leur suprématie vis-à-vis de la Chine et de la Russie. De ce fait, ils comportaient un fort risque d'escalade et de relance de la course aux armements. Il a estimé que le projet américain ne diminuait en rien la vulnérabilité du territoire européen et que ni la France ni l'Europe ne devaient y participer. Il a contesté que des enjeux technologiques puissent justifier une implication des industries françaises alors que la France a démontré, depuis des décennies, son aptitude à développer de manière indépendante des capacités stratégiques que lui déniaient les Etats-Unis.
a convenu que la France avait pu développer seule sa force stratégique. Il a, en revanche, estimé qu'elle n'aurait pas les moyens d'agir de même en matière de défense antimissile.
La commission a ensuite procédé à l'audition conjointe de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, et de M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur la position de la France dans l'OTAN.
Rappelant que la participation pleine et entière de la France aux structures de l'OTAN pourrait être annoncée par le Président de la République lors du sommet de l'Alliance qui se tiendra les 3 et 4 avril 2009 à Strasbourg et à Kehl, M. Josselin de Rohan, président, a souhaité avoir des précisions sur les implications de cette manifestation en termes d'effectifs et de contribution financière. Il s'est également interrogé sur les perspectives d'avancées en matière de politique européenne de sécurité et de défense, au regard notamment de l'opposition du Royaume-Uni à la mise en place d'un centre permanent de planification et de conduite des opérations de l'Union européenne ou encore des difficultés du programme de l'avion de transport militaire A400M. Enfin, estimant que la France devrait prendre toute sa part dans les réflexions autour de la révision du concept stratégique de l'OTAN, il s'est interrogé sur l'articulation entre cette réflexion et la modification de la position française au sein de l'Alliance.
a d'abord rappelé que, si la France était membre de l'OTAN depuis sa fondation en 1949, elle occupait aujourd'hui une position spécifique au sein de cette organisation, depuis la décision prise en 1966 par le Général de Gaulle de quitter la structure militaire intégrée.
Toutefois, il a indiqué que ce retrait n'avait pas remis en cause la détermination de la France à respecter la clause de défense collective en cas d'agression et n'avait pas empêché le développement d'accords de coopération fixant les conditions dans lesquelles les forces françaises interviendraient aux côtés des forces intégrées en cas de conflit, à l'image des accords Ailleret-Lemnitzer de 1967.
a ensuite rappelé que, depuis la fin de la guerre froide et à compter de l'implication de l'OTAN dans les Balkans, la position de la France avait notablement évolué.
A la suite de la crise yougoslave, la France s'est rapprochée de l'OTAN en 1995, sans toutefois revenir dans le commandement intégré. Ainsi, depuis cette date, la France participe aux réunions des ministres de la défense de l'Alliance et le chef d'état-major des armées siège au comité militaire.
Déjà évoquée en 1995, la réintégration pleine et entière de la France dans les structures de l'OTAN avait cependant achoppé sur la question d'un rééquilibrage des commandements, la proposition française d'attribuer à un Européen le commandement de Naples en charge de la Méditerranée ayant été rejetée.
Une nouvelle étape a été franchie après 2002 à la suite des décisions du sommet de Prague, la France ayant accentué, de manière limitée et ciblée, l'insertion d'officiers français dans les états-majors en charge des planifications opérationnelles qui concernent la France.
Par ailleurs, la France apporte une contribution essentielle à la force de réaction rapide de l'OTAN (NRF), ainsi qu'à la force de réserve stratégique.
En définitive, M. Hervé Morin a indiqué que du statut particulier de la France au regard des 25 autres Etats membres ne subsistaient aujourd'hui que deux caractéristiques : d'une part, la non participation au groupe des plans nucléaires et au comité des plans de défense et, d'autre part, une présence réduite dans la structure de commandement. La France n'envisageant pas de siéger au groupe des plans nucléaires, la question porte donc aujourd'hui sur une pleine participation de la France au comité des plans de défense et à la structure de commandement.
a alors rappelé que, même renforcée, la présence française au sein des états-majors de l'OTAN restait actuellement extrêmement modeste avec 110 militaires insérés dans les états-majors, auxquels il faut ajouter 115 personnels affectés au sein des missions de liaison, sur un total de près de 13 000 personnels inclus dans les structures de commandement, soit 1 % de l'effectif.
a indiqué qu'un retour plein et entier de la France dans l'ensemble des structures de commandement impliquerait de rehausser progressivement notre présence, l'effectif britannique, supérieur à 900 postes, donnant un ordre de grandeur approximatif de ce que pourrait être à terme la contribution française.
Il a estimé que la participation de la France au sein de l'Alliance pourrait connaître une montée en puissance progressive étalée sur une période de trois à cinq ans, pour atteindre au total environ 900 personnels en 2014, ce qui représenterait au terme du processus un coût supplémentaire d'un peu plus de 80 millions d'euros en année pleine.
Concernant les conséquences de la participation pleine et entière de la France aux structures de l'OTAN sur la construction de l'Europe de la défense, M. Hervé Morin a indiqué qu'elle serait source de clarification, la position singulière de la France au sein de l'OTAN ayant contribué à développer chez ses partenaires européens le sentiment que la France souhaitait construire l'Europe de la défense contre l'OTAN, alors que l'ensemble des autres Etats de l'Union européenne conçoivent l'OTAN comme un cadre naturel et essentiel pour leur sécurité, ce qui figure d'ailleurs dans le traité de Lisbonne.
Cette volonté de clarification explique d'ailleurs pour une large part les progrès significatifs enregistrés par la présidence française de l'Union européenne en matière de défense, qui se sont traduits par des avancées concrètes et pragmatiques.
a cité à cet égard l'achèvement réussi de l'opération EUFOR au Tchad et en République Centrafricaine et le lancement, à l'initiative de la France et de l'Espagne, de la première opération navale de l'Union européenne pour lutter contre la piraterie au large des côtes somaliennes, commandée par un amiral britannique depuis le quartier général de Northwood.
Il a également mentionné, s'agissant des capacités militaires, les projets concrets portant notamment sur la modernisation des hélicoptères, la constitution d'une flotte aérienne d'avions de transport, autour des avions existants puis de l'A400M, l'inter-opérabilité des moyens aéronavals, le renseignement spatial avec le programme Musis, la mise en réseau de moyens de surveillance maritime, la mise en place d'un plan d'évacuation des ressortissants européens en cas de crise ou encore les échanges en matière de formation des officiers, à l'image du programme Erasmus.
a indiqué que la seule déception portait sur le renforcement des capacités propres de l'Union européenne en matière de planification et de conduite d'opérations, la proposition française de renforcer l'actuel centre d'opération à Bruxelles ayant achoppé en raison des réticences du Royaume-Uni. Toutefois, il a relevé à ce sujet un changement d'attitude à l'égard de l'Europe de la défense aussi bien de la part des Etats-Unis d'Amérique, que de pays traditionnellement considérés comme atlantistes, tels que l'Espagne ou la Pologne.
S'agissant du programme de l'avion militaire A400M, M. Hervé Morin a salué la qualité du rapport présenté conjointement par la commission et par la commission des finances, dont il a déclaré partager les conclusions. Il a indiqué qu'il avait proposé aux autres ministres de la défense des six pays européens participant à ce programme de se réunir au début du mois de mars en vue de définir une position commune sur ce dossier. M. Hervé Morin a déclaré que sa conviction profonde était qu'il fallait poursuivre ce programme mais que cette position n'était pas partagée par l'ensemble des pays partenaires.
Enfin, concernant la révision du concept stratégique, qui devrait être lancée lors du sommet de l'Alliance des 3 et 4 avril, M. Hervé Morin a estimé que la France devrait prendre toute sa part à cette réflexion, comme elle l'avait fait en 1999 lors de l'élaboration de l'actuel concept stratégique.
Il a indiqué que la position de la France était que l'OTAN n'avait pas vocation à devenir une « ONU bis » et à s'élargir indéfiniment, mais qu'elle devait rester une alliance militaire ayant pour vocation première d'assurer la sécurité du continent européen.
a rappelé que la France figurait depuis déjà plusieurs années parmi les principaux contributeurs aux opérations de l'OTAN. Ainsi, la France a été le premier contributeur européen à l'opération « Force alliée » en ex-Yougoslavie au printemps 1999, elle a engagé un fort contingent au Kosovo dans le cadre de la KFOR et elle apporte une contribution significative à la FIAS, comme d'ailleurs à l'opération « Enduring freedom » en Afghanistan.
La présence modeste de la France au sein des états-majors de l'OTAN implique inévitablement une moindre influence sur la planification et la conduite des opérations.
a cité, à cet égard, l'exemple des bombardements de l'OTAN en ex-Yougoslavie au printemps 1999. Bien que représentant le premier contributeur européen avec près d'une centaine d'avions sur un millier déployés, la France n'avait pas été associée à l'élaboration des plans en raison de son absence des structures de commandement.
a ensuite souligné que la participation pleine et entière de la France aux organes de l'OTAN ne signifiait en aucun cas l'abdication de l'indépendance nationale en matière de politique étrangère, ni un alignement sur les Etats-Unis.
Il a rappelé que la règle de base du fonctionnement de l'OTAN était la prise de décision par consensus et que chaque Etat membre restait maître de ses positions. Il a cité à cet égard l'exemple de l'Allemagne qui, lors du conflit irakien, s'était fermement opposée à la politique américaine.
Il a également indiqué que la clarification de la position de la France au sein de l'Alliance était de nature à favoriser les progrès de la politique européenne de sécurité et de défense, certains de nos partenaires européens voyant une contradiction entre la volonté de la France d'engager une coopération plus poussée en matière de défense, tout en maintenant une spécificité qui, dans ce domaine, la démarque nettement de ces mêmes alliés européens, puisque ces pays conçoivent l'OTAN comme un cadre naturel et essentiel pour leur sécurité.
Il a souligné, à cet égard, le changement d'attitude de certains de nos alliés européens traditionnellement attachés au lien transatlantique et à l'OTAN qui, comme la Pologne, participent pleinement aux opérations de la politique européenne de sécurité et de défense de l'Union européenne, telles que l'opération EUFOR au Tchad et en République Centrafricaine ou l'opération EULEX au Kosovo.
Enfin, M. Bernard Kouchner a estimé que la participation pleine et entière de la France aux organes de l'OTAN serait un moyen de peser plus fortement sur les réflexions concernant la définition du nouveau concept stratégique de l'OTAN.
A cet égard, M. Bernard Kouchner a indiqué que, parmi les principales questions qui devraient être au centre des débats sur le futur concept stratégique, figuraient notamment la poursuite de la politique d'élargissement de l'Alliance et les relations avec la Russie, qui donnent lieu à des divergences entre alliés européens, certains, notamment les pays d'Europe centrale et orientale, continuant de percevoir la Russie avant tout comme une menace, alors que d'autres, comme la France et l'Allemagne, soutiennent la recherche d'une approche plus coopérative.
ont souhaité savoir si le Parlement serait consulté sur la réintégration de la France dans l'OTAN et, dans l'affirmative, selon quel calendrier et quelles modalités.
a contesté l'idée selon laquelle la présidence française de l'Union européenne s'était traduite par des avancées significatives dans le domaine de la défense, en indiquant que sur un point aussi essentiel que la création d'un centre permanent de planification et de conduite des opérations de l'Union européenne, aucun progrès n'avait été réalisé du fait de l'opposition du Royaume-Uni. Il a également souhaité obtenir des précisions au sujet des négociations en cours concernant l'attribution à la France de postes de commandement au sein de l'OTAN. Il s'est interrogé sur le point de savoir si l'annonce de la réintégration de la France dans l'OTAN n'était pas un marché de dupes puisque les négociations sur le devenir de l'Alliance ou le concept stratégique étaient encore à venir.
a également souhaité savoir si l'Assemblée nationale et le Sénat pourraient se prononcer par un débat et un vote sur la réintégration de la France dans l'OTAN.
s'est interrogé sur la position de la France à l'égard des nouvelles priorités de l'administration présidentielle américaine concernant notamment l'Afghanistan, l'Iran et la Russie et il s'est demandé, en particulier, si la France envisageait de renforcer son contingent militaire en Afghanistan.
a estimé qu'il était indispensable que sur une question aussi essentielle le Parlement puise se prononcer par un vote. Il a jugé que la réintégration de la France dans l'OTAN, qui était une décision irréversible, était de nature à limiter l'indépendance et la souveraineté de la politique étrangère et de la défense de la France et a indiqué que, pour ces raisons, il se prononcerait contre cette mesure.
Il a considéré qu'il était paradoxal de vouloir réintégrer le commandement militaire de l'OTAN dans une période d'incertitude sur l'avenir de cette organisation. Enfin, il a estimé que cette mesure condamnerait définitivement la construction d'une Europe de la défense autonome.
s'est demandé si l'on avait bien mesuré les avantages et les inconvénients d'une telle décision, qui constituait une « rupture » avec la position constante de la France depuis la décision prise par le Général de Gaulle en 1966 de se retirer du commandement militaire intégré, décision qui n'avait pas été remise en cause par les quatre présidents de la République qui lui ont succédé.
a souhaité des précisions sur l'information parue dans plusieurs journaux selon laquelle la France aurait obtenu l'accord des Etats-Unis pour que deux commandements de l'OTAN soient attribués à des généraux français, dont l'un des deux grands commandements stratégiques « Allied Command Transformation », basé à Norfolk et l'un des commandements régionaux de l'OTAN situé à Lisbonne.
a estimé que la participation pleine et entière de la France aux structures de l'OTAN constituait moins une « rupture » que l'évolution d'un processus engagé depuis la fin de la guerre froide. Il a rappelé que la France était profondément engagée, depuis une quinzaine d'années, dans toutes les opérations de l'OTAN, et que l'on pouvait s'interroger, dans ces conditions, sur l'intérêt de s'« auto-exclure » des rouages de l'organisation.
Il a indiqué que cette mesure ne remettait en cause ni l'indépendance de la politique étrangère, ni la souveraineté en matière de défense, la dissuasion nucléaire française restant, en tout état de cause, en dehors du cadre de l'OTAN. Il a considéré que le principal enjeu reposait sur la construction d'une Europe de la défense mais que l'expérience avait montré qu'il n'était pas possible de construire l'Europe de la défense contre l'OTAN.
En réponse, M. Bernard Kouchner a apporté les précisions suivantes :
- la participation pleine et entière de la France aux structures de l'OTAN ne signifie en aucune manière l'abdication de notre indépendance en matière de politique étrangère, la règle de base du fonctionnement de l'OTAN étant la prise de décision par consensus, chaque Etat membre restant maître de ses décisions et de l'emploi de ses forces ;
- le renforcement de la présence française au sein des états-majors de l'OTAN permettrait de renforcer notre influence au sein de l'Alliance et permettrait d'être davantage informé et associé à la prise de décision au sein de l'organisation ;
- même si aucune disposition constitutionnelle n'y oblige le Gouvernement et si le précédent de 1995 n'avait donné lieu à aucun débat au Parlement, un débat sera tout de même organisé à l'Assemblée nationale et au Sénat dans le courant du mois de mars, la décision de conclure ce débat par un vote incombant au Premier ministre et au Président de la République ;
Il a également rappelé, à cet égard, que la décision prise par le Général de Gaulle, en 1966, de retirer la France de la structure militaire intégrée avait fait l'objet d'une simple lettre, et qu'une motion de censure avait été déposée à l'Assemblée nationale, les positions politiques étant à l'époque inversées par rapport à celles d'aujourd'hui ;
- concernant l'Afghanistan, le Président de la République a indiqué, de la manière la plus ferme, que la France a déjà renforcé son contingent qui représente près de 3 300 hommes sur les 55 000 de la FIAS et qu'il n'est pas envisagé d'augmenter encore ces effectifs.
a également apporté les précisions suivantes :
- une participation pleine et entière de la France aux structures de l'OTAN n'aurait aucune incidence sur la décision de participer ou non à une opération de l'OTAN qui resterait du seul ressort de chacun des Etats membres, ni sur le statut des forces françaises, qui demeureraient sous commandement national ;
- cette mesure n'a pas d'incidence sur la force nucléaire de dissuasion, qui restera indépendante, même si, depuis la déclaration d'Ottawa du 19 juin 1974, l'Alliance atlantique reconnaît l'apport de la dissuasion nucléaire française à la stratégie globale de l'Alliance ;
- les négociations en cours sur l'attribution de postes de commandement à la France participent d'un processus d' « européanisation » de l'Alliance ;
- si l'Union européenne ne dispose pas encore d'un centre permanent de planification et de conduite des opérations, elle a déjà une capacité autonome grâce aux quatre quartiers généraux d'opérations multinationaux situés dans les pays membres. Cette situation n'est toutefois pas pleinement satisfaisante. Enfin, la présidence française de l'Union européenne a obtenu la mise en place à Bruxelles, au sein des instances de l'Union, d'un centre autonome de planification stratégique civile et militaire, ce qui est une première.
Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de Son Exc. M. Daniel Jouanneau, ambassadeur de France au Pakistan.
Accueillant M. Daniel Jouanneau, M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que la commission s'intéressait notamment aux relations entre le gouvernement, l'armée et les services secrets pakistanais. Evoquant la situation sécuritaire, il a souligné que les attentats de Bombay avaient ravivé les tensions avec l'Inde. Il a relevé l'ambiguïté de la politique pakistanaise en Afghanistan, avec le sentiment d'un double jeu de certaines autorités dans la lutte contre le terrorisme.
a noté l'intérêt de la commission pour le Pakistan ces dernières années et indiqué que le titre de son dernier rapport d'information sur le sujet : « Le Pakistan, un équilibre difficile au coeur d'une région instable », restait tout à fait pertinent. Le Pakistan est un pays qui inquiète à juste titre. Les soldats français tués dans la vallée d'Uzbin ont été victimes de taliban venus du Pakistan. Les attentats de Bombay ont été préparés au Pakistan. Le quartier général d'Al Qaïda se trouve au Pakistan. Il faut désormais voir le Pakistan comme un problème en soi et non plus comme une partie de la question afghane. Ce pays de 170 millions d'habitants qui, compte tenu de son dynamisme démographique, devrait en compter 200 millions dans dix ans, est le seul Etat musulman doté de l'arme nucléaire et de missiles pour la transporter.
Il existe cependant un autre Pakistan, doté d'un grand potentiel de développement, francophile et qui offre de nombreuses occasions de partenariat.
Rappelant le contexte de la création du pays, il a souligné que le rêve de ses fondateurs ne s'était pas réalisé. Ceux-ci souhaitaient rassembler la majorité des musulmans du sous-continent indien. Or, là où ils étaient minoritaires, ils sont restés en Inde, et aujourd'hui, l'Inde compte presque autant de musulmans -150 millions- que le Pakistan.
Depuis son indépendance, le Pakistan a vécu durant trente-quatre ans sous un régime militaire, avec des parenthèses démocratiques qui se sont généralement terminées par des dérives autoritaires. Ce pays a été également profondément marqué par la séparation sanglante, mais inévitable, intervenue en 1971, avec le Pakistan oriental devenu le Bangladesh. Le Pakistan peut être une société violente, marquée par des affrontements croissants entre sunnites, entre sunnites et chiites, et des violences récurrentes infligées aux femmes. C'est un Etat sur la défensive, qui se considère incompris par la communauté internationale, obsédé par la menace que ferait peser sur lui la puissance indienne, menace renforcée avec l'accession de New-Delhi à l'arme nucléaire. Cette défiance se traduit dans les faits : ainsi, seul 1 % du commerce extérieur pakistanais se fait avec l'Inde, pourtant peuplée d'1,1 milliard d'habitants et avec laquelle le Pakistan partage une frontière de 3 000 km. Ce sentiment d'être menacé est alimenté par le non règlement de la question du Cachemire, qui reste une plaie ouverte entre les deux pays et permet à l'armée de justifier son poids budgétaire et son rôle politique.
Les grands choix stratégiques du Pakistan ont tous été déterminés par rapport à l'Inde : quand celle-ci s'est rapprochée de l'URSS, le Pakistan a choisi l'alliance avec les Etats-Unis, encore resserrée après le 11 septembre 2001. Une des hantises du Pakistan est d'être pris en tenaille entre l'Inde et l'Afghanistan. Le Pakistan a toujours souhaité que le régime afghan lui soit favorable. De même, la guerre entre la Chine et l'Inde l'a conduit à un fort rapprochement économique, militaire et culturel avec la Chine. En revanche, le choix de l'alliance américaine est difficile à assumer par le gouvernement face à l'opinion pakistanaise, marquée par un vif sentiment anti-américain, condamnant tout gouvernement pakistanais à un grand écart permanent entre ses choix extérieurs et la pression intérieure.
Le retour à la démocratie, en 2008, a soulevé de grands espoirs, vite dissipés. Il n'y a pas eu de renouvellement des dirigeants, les mêmes grandes familles restant très représentées dans les assemblées. Les nouveaux dirigeants se trouvent confrontés à trois réseaux terroristes en partie interconnectés : Al Qaïda dans les zones tribales et les montagnes du Nord, les taliban afghans créés à l'origine par l'Inter Services Intelligence (ISI) avec l'aide américaine, et les taliban pakistanais qui montent en puissance et dont l'objectif est de détruire l'Etat, aux symboles duquel ils s'attaquent. A cela s'ajoutent les extrémistes non terroristes qui procèdent par intimidation et créent ainsi un climat de fortes tensions dans un pays qui est profondément modéré et se sent menacé dans son identité.
A ce climat délétère s'ajoute une gestion déficiente de l'économie avec l'insuffisance d'investissements dans l'énergie, dans l'agriculture, alors que la vallée de l'Indus est potentiellement une des plus fertiles du monde, dans l'industrie, notamment le textile, dans la santé et l'éducation. Cette carence explique la prolifération des madrasas, qui sont gratuites et dont les élèves sont logés et nourris. Le président Zardari n'a pas su rétablir la confiance. Il reste marqué par le discrédit lié à son enrichissement à l'époque où son épouse était Premier ministre. Le gouvernement manque de vision et de projet collectif. La justice et la police sont corrompues. Seule l'armée est respectée, notamment parce qu'elle constitue une des rares voies de promotion sociale. Le pouvoir actuel est assuré par trois dirigeants : le Président de la République, le Premier ministre Gilani et le chef d'état-major de l'armée de terre, le général Kayani, alors que l'armée dispose d'un pouvoir de veto sur toutes les décisions portant sur les relations avec l'Inde, l'Afghanistan, la lutte contre le terrorisme et le secteur nucléaire. Le Pakistan apparaît donc comme une démocratie non stabilisée et le retour des militaires au pouvoir, même s'il n'est pas souhaité par la population, est une option possible.
a cependant souligné que ce pays présentait des atouts, comme en témoigne la récente transition démocratique qui s'est réalisée sans problèmes, le général Musharraf abandonnant le pouvoir sous la pression de l'armée. Le pays est animé par de grands débats publics, auxquels participe activement la diaspora, et qui sont relayés par une presse très libre. L'Assemblée nationale, présidée par une femme, compte 76 femmes sur 342 députés. Le secteur privé est très dynamique et beaucoup de Pakistanais sont préoccupés par l'image de leur pays à l'extérieur et la montée du fondamentalisme. Enfin, la communauté internationale se mobilise activement en faveur du Pakistan, dans la crainte qu'il ne devienne le premier Etat nucléaire « failli ». L'accent est mis sur le rapprochement avec l'Inde et l'Afghanistan, et le développement économique et social. Pour sa part, la France doit développer un dialogue politique et stratégique avec Islamabad tant au niveau de l'exécutif que du Parlement, fondé sur de fortes exigences en matière de lutte effective contre le terrorisme, que l'armée doit considérer comme sa priorité tout en prenant des distances avec son obsession de la menace indienne.
a précisé que la communauté française au Pakistan ne comptait que 525 membres et que les échanges commerciaux entre les deux pays étaient très limités, de l'ordre de un milliard d'euros par an. La France jouit néanmoins d'une très bonne image, fondée sur le souvenir de la politique indépendante menée par le Général de Gaulle, la non-participation de notre pays à la guerre en Irak, une position de leadership européen et une bonne connaissance et donc un respect de la religion islamique, première communauté musulmane en Europe. Plus récemment, l'aide très efficace apportée par la France après le tremblement de terre de 2005 a été saluée. Les entreprises françaises présentes au Pakistan relèvent pour l'essentiel de la haute technologie, avec Sanofi-Aventis, Servier, Alcatel-Lucent, Sagem, Thalès, Areva T & D. Total y a implanté près de 400 stations-service, Carrefour est sur le point d'ouvrir un hypermarché à Lahore, Accor construit un Sofitel à Karachi. Enfin, les Pakistanais sont très reconnaissants du travail effectué par les archéologues français qui ont découvert, dans la vallée de l'Indus, des vestiges remontant à 6 000 ans avant Jésus-Christ.
Il est indéniable que le pays est marqué par l'insécurité, mais il est cependant possible de se rendre sans problème dans les villes principales.
s'est interrogé sur les nouvelles orientations américaines à la suite de la visite au Pakistan du général David Petraeus, commandant des forces américaines dans la région, et de Richard Holbrooke, envoyé spécial du président des Etats-Unis pour le Pakistan et l'Afghanistan. Il a souhaité connaître la place des services de sécurité dans l'Etat pakistanais.
a indiqué que l'approche de la nouvelle administration américaine semblait plus globale, moins essentiellement militaire et, à la différence de la précédente, moins donneuse de leçon. Richard Holbrooke a passé trois jours entiers au Pakistan et a rencontré de nombreuses personnalités. Se plaçant dans une posture d'écoute, il est resté très prudent quant aux nouvelles orientations américaines qui semblent cependant se traduire par le renforcement de l'aide au développement du pays, notamment dans les domaines de l'éducation et de la santé.
L'absence d'une police de qualité est une réelle difficulté dans la lutte contre les taliban. Cette lutte est menée par l'armée qui vide littéralement les vallées par ses bombardements, à tel point que 200 000 personnes, réfugiées dans leur propre pays, sont aujourd'hui abritées dans des camps de fortune.
Le choix par le président Obama d'une forte personnalité comme celle de Richard Holbrooke a certainement pour objectif de contrebalancer le poids des militaires à Washington.
Les services secrets pakistanais (ISI) se sont beaucoup ingérés dans la politique intérieure et, quand il y avait des élections, ils ont contribué à en truquer les résultats. L'ISI a également créé les moudjahiddin à l'époque de l'occupation soviétique de l'Afghanistan, puis a entretenu des relations très ambivalentes avec les taliban et les madrasas. L'ISI n'a probablement pas de responsabilité dans la préparation des attentats de Bombay, mais ceux qui les ont préparés étaient connus de l'ISI et auraient dû faire l'objet d'une surveillance.
Les services français coopèrent avec l'ISI qui souhaite notamment suivre la trajectoire des taliban pakistanais en Europe.
s'est interrogé sur les relations entre l'armée et la religion dans un pays où les coups d'Etat militaires se sont appuyés sur une alliance de l'armée avec les religieux alors que l'Islam pakistanais est fondamentalement modéré. Il a souhaité connaître l'état des relations de l'armée pakistanaise avec les Etats-Unis, probablement excellentes au niveau du corps des officiers, mais sans doute rendues plus difficiles du fait des attaques de drones sur le territoire pakistanais.
En réponse, M. Daniel Jouanneau a apporté les éléments suivants :
- le lien unissant l'armée et la religion a été renforcé par le général Zia, qui a contrebalancé le resserrement de l'alliance avec les Etats-Unis par une islamisation de l'armée ; les capitaines de l'époque sont maintenant généraux et ont une vision religieuse de leur mission de lutte contre les « infidèles », c'est-à-dire contre l'Inde ;
- les hauts gradés de l'armée sont, certes, formés aux Etats-Unis, mais n'ont cependant pas une admiration inconditionnelle envers ce pays, ce qui s'est publiquement manifesté lorsque le président Zardari y a effectué son premier voyage officiel. Les reproches émis alors l'ont conduit à se rendre, immédiatement après, en Chine ;
- le ressentiment de l'armée envers les Etats-Unis découle, en partie, des critiques incessantes formulées par les militaires américains combattant en Afghanistan contre sa supposée mansuétude à l'égard des menées d'Al Qaïda. Ainsi, en 2008, les Américains ont affirmé que de hauts dirigeants terroristes étaient hébergés dans les zones tribales pakistanaises, et ont enjoint à l'armée afghane de les neutraliser, faute de quoi, ils le feraient eux-mêmes ;
- les Américains basés en Afghanistan utilisent des drones Predator, armés de puissants missiles Hellfire, pour liquider les dirigeants supposés d'Al Qaïda dans ces zones tribales ; Islamabad se limite à des protestations formelles lorsque des terroristes avérés sont tués, mais sa position est de protester vivement si des populations civiles sont accidentellement touchées ;
- ces recherches relèvent du maintien de l'ordre et devraient donc être effectuées par la police pakistanaise et non par l'armée. Mais cette police est mal formée. L'aide américaine récemment promise au Pakistan, portant sur l'octroi de 1,5 milliard de dollars par an sur cinq ans, renouvelable (proposition de loi Biden-Lugar, devenue Kerry-Lugar), est conditionnée par la lutte pakistanaise contre le terrorisme. Elle reflète la stratégie de la nouvelle administration qui met l'accent à la fois sur le développement et sur la montée en puissance de la police.
s'est enquise des fondements de la francophilie évoquée par M. Daniel Jouanneau et a souhaité avoir des précisions sur la situation des établissements culturels français au Pakistan, dans un contexte de fort désengagement culturel du ministère des affaires étrangères.
En réponse, M. Daniel Jouanneau a précisé que :
- la France est considérée comme un pays qui n'est pas mû par des arrière-pensées hégémoniques, à la différence des Etats-Unis ; de même, s'il existe une certaine admiration pour la Grande-Bretagne, elle demeure l'ancienne puissance coloniale. Par contraste, l'action de la France au Pakistan est ressentie comme désintéressée et venant d'une puissance dont la politique étrangère a toujours été indépendante, comme l'a prouvé sa position sur l'Irak ou, plus récemment, l'engagement du Président de la République dans la crise de Gaza ;
- trois alliances françaises sont présentes à Karachi, Islamabad et Lahore ; le contexte sécuritaire tendu a conduit à la suppression de leurs activités artistiques, mais elles ont maintenu leurs cours de français. Toujours pour des raisons de sécurité, il a fallu fermer l'école française Alfred Foucher d'Islamabad qui, avec 90 élèves de seize nationalités, représentait une cible pour le terrorisme.
rappelant qu'il avait défendu sans succès Ali Bhutto, victime d'un véritable assassinat judiciaire, a rappelé qu'il avait alors constaté combien la culture britannique du respect de la loi était forte au Pakistan, et que la Cour suprême jouissait d'une grande considération.
En réponse, M. Daniel Jouanneau a précisé que :
- ce prestige s'est dégradé car le nouveau président de la Cour est considéré comme inféodé au président Zardari qui l'a nommé. Certains des juges destitués par le président Musharraf ont été rétablis et d'autres non, ce qui crée de vives dissensions au sein même de la Cour et constitue un facteur de paralysie ;
- si le fonctionnement du système judiciaire suscite la défiance des Pakistanais, les avocats sont le fer de lance de la contestation au sein de la société civile. Ils ont organisé de grandes manifestations contre la destitution du président Chaudhry, et poursuivent leur action avec succès ; de nouvelles manifestations sont prévues, en principe les 15 et 16 mars, qui culmineront avec un rassemblement devant la Cour suprême.
s'est interrogé sur la portée de l'accord qui vient d'être conclu, entre le pouvoir et les taliban, dans la vallée de Swat, consistant, semble-t-il, à échanger l'instauration de la charia contre un engagement sécuritaire. Il a souhaité obtenir des précisions sur l'état des échanges militaires entre la France et le Pakistan, notamment dans le domaine des sous-marins. Il s'est enfin enquis de la présence éventuelle d'Oussama ben Laden et du mollah Omar au Pakistan.
En réponse, M. Daniel Jouanneau a indiqué que :
- le mollah Omar avait été localisé au Waziristan ; en revanche, les interrogations subsistent quant à la présence d'Oussama ben Laden ;
- l'accord de Swat vise, en effet, à rétablir la pratique de la charia, qui consiste essentiellement dans l'activité de tribunaux locaux réglant, selon la loi islamique, les petits litiges de la vie courante. S'il existe déjà au Pakistan, dans plusieurs régions, des tribunaux appliquant la charia, avec au sommet un contrôle de la Cour suprême, l'implantation de juridictions charia dans la vallée de Swat est inquiétante compte tenu de l'interprétation qui pourrait être donnée localement du droit islamique. C'est en effet dans cette vallée que des extrémistes ont incendié les écoles de filles ;
- le Pakistan possède aujourd'hui cinq sous-marins conventionnels achetés à la France : deux Agosta 70 construits dans notre pays et trois Agosta 90, dont le dernier a été construit à Karachi. L'armée pakistanaise souhaite se doter de sous-marins supplémentaires, mais la décision que prendront les autorités pakistanaises dépendra de leur capacité de financement, dans un contexte budgétaire très dégradé.
a souhaité savoir si l'accord intervenu dans la vallée de Swat ne constituait pas une première tentative pour séparer les taliban pakistanais des taliban afghans, selon la stratégie récemment exposée à la commission par le général David Petraeus. Il s'est interrogé sur les moyens dont disposent les Etats-Unis pour apaiser les tensions entre l'Inde et le Pakistan à propos du Cachemire.
En réponse, M. Daniel Jouanneau a précisé que la présence d'Al Qaïda avait attiré au Pakistan de nombreux étrangers -Ouzbeks, Indonésiens, Tchétchènes, Ouigours- dont Islamabad souhaite vivement le départ ; c'est pourquoi le gouvernement cherche à instaurer un cessez-le-feu avec les taliban nationaux en leur proposant une réinsertion au sein de la société. Il faut rappeler que le dialogue conduit par le général Musharraf avec les taliban a eu pour seul résultat de renforcer ces derniers, sans rien apporter au gouvernement. Comme en Afghanistan, la seule sortie de crise possible, in fine, sera politique ;
- la crise du Cachemire, qui a surgi après l'indépendance des deux Etats issus de l'Empire britannique, a conduit le Conseil de sécurité de l'ONU à proposer un référendum permettant aux populations cachemiris de choisir leur nationalité, référendum que l'Inde a constamment refusé ; son organisation, à l'heure actuelle, conduirait peut-être au choix de l'indépendance du Cachemire, plutôt qu'à un souhait de rattachement à l'Inde ou au Pakistan ;
- le président Musharraf avait entrepris une politique de détente avec l'Inde pour dépassionner la crise du Cachemire : ainsi, la frontière entre les deux Cachemire avait été ouverte et des échanges s'étaient instaurés ; son projet visait à rendre le référendum caduc au profit du statu quo, ce que n'ont pas accepté les militaires pakistanais ;
- le président Obama avait initialement le projet de confier à son envoyé spécial, Richard Holbrooke, un mandat de négociation sur le Cachemire, ce qui a immédiatement suscité l'opposition résolue de l'Inde. Le mandat de Richard Holbrooke porte donc uniquement sur le Pakistan et l'Afghanistan. En privé, certains responsables pakistanais admettent que le Cachemire pourrait évoluer vers une plus grande autonomie et que la ligne de contrôle pourrait avoir un caractère définitif. Mais cette issue raisonnée ne prévaudra qu'avec des dirigeants déterminés à l'imposer tant à New-Dehli qu'à Islamabad.
a fait état d'une récente mission accomplie pour la commission en Afghanistan, au cours de laquelle les contacts avec les membres du Sénat afghan avaient mis en lumière leur souhait que la France renforce son aide au développement et son soutien à la sécurité. Il s'est demandé si cette vision positive de l'action française ne risquait pas d'être compromise par le retour envisagé de la France au sein du commandement intégré de l'OTAN ?
En réponse, M. Daniel Jouanneau a précisé que cette décision devait être expliquée aux Pakistanais. Il a souligné que les Etats-Unis et l'OTAN étaient impopulaires au Pakistan, beaucoup plus que les Etats membres de l'Alliance atlantique.