La commission procède à l'audition de M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire, sur le projet de loi de finances pour 2014.
Nous vous recevons, Monsieur le Ministre, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2014, pour faire le point sur la politique menée par le Gouvernement en matière d'industrie agroalimentaire. Ce secteur constitue l'un des fleurons de l'économie française avec un chiffre d'affaires de 161 milliards d'euros, près de 500 000 salariés employés par 13 500 entreprises, et une contribution positive au commerce extérieur de près de 9 milliards d'euros. Il apporte également une contribution intéressante au maillage du territoire.
Vous nous rappellerez les orientations stratégiques de votre politique, centrée sur une logique de filières. Au-delà, les crises régionales ou sectorielles conduisent à nous interroger sur la « durabilité » du modèle économique de cette industrie et sur les évolutions de fond à mettre en oeuvre pour que ce secteur conserve son rôle de leader. La France a, j'en suis persuadé, tous les atouts pour y parvenir à travers la diversité et la richesse de ses ressources naturelles et de ses productions agricoles de qualité. L'étape de la transformation est cruciale pour intégrer de la valeur ajoutée, peut-être en revenant sur la recherche systématique de baisse des prix des produits alimentaires. Il faut des propositions ambitieuses pour adapter ce modèle économique.
ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire. - Il y a un an, je suis venu exposer devant vous les grandes options de notre politique de développement de l'agroalimentaire. Je reviens faire le point avec vous sur ce que nous avons obtenu en matière de compétitivité, d'emploi et de qualité alimentaire, et ce qui reste à faire pour remplir les grands objectifs que nous avions énoncés.
Le 19 juin dernier, nous avons établi un contrat de filière, feuille de route écrite en commun avec les entreprises dans le cadre des Assises pour l'avenir de l'agroalimentaire qui se sont tenues dans les territoires au cours de l'hiver dernier, ainsi qu'avec les collectivités. Ce contrat de filière a retenu des objectifs que j'exposerai en trois points principaux.
Premier point : la compétitivité de nos entreprises. Elle se joue sur le facteur coût mais aussi sur la capacité à investir, à innover et enfin à exporter.
Les crises sont aussi des crises de sous-investissement. Le Gouvernement a créé la Banque publique d'investissement (BPI) et j'ai plaidé pour qu'un dossier relevant de l'industrie agroalimentaire fasse l'objet d'un traitement spécifique. L'encours total des prêts de BPI-France pour le financement des entreprises de l'agroalimentaire, toutes régions confondues, est aujourd'hui de 600 millions d'euros, qui doivent être tournés vers la modernisation de l'outil de production.
S'agissant de l'innovation, nous savons que la montée en gamme est la clé de la compétitivité des entreprises. Dans le cadre du programme des investissements d'avenir (PIA), nous avons fait en sorte que l'agroalimentaire soit également pris en compte : 2,9 milliards d'euros seront disponibles en particulier, mais non uniquement, pour les entreprises agroalimentaires. Mais le tissu de l'agroalimentaire se distingue de l'automobile, où les opérateurs innovants sont peu nombreux. Nous voulons mobiliser aussi bien les crédits de la recherche publique et privée autour de grands objectifs structurants : l'alimentation fonctionnelle, celle qui est adaptée par exemple aux sportifs ou aux seniors ; l'emballage intelligent, qui conserve les aliments plus longtemps et apporte des indications supplémentaires, source de compétitivité à l'export ; l'abattoir du futur, à la fois plus productif et respectueux des exigences sanitaires tout en améliorant la qualité du travail des salariés.
La compétitivité dépend aussi de l'exportation. Nous exportons aujourd'hui un milliard d'euros de plus qu'en novembre 2012 et l'excédent commercial a augmenté d'un milliard également. Certains secteurs se portent bien : vins, produits laitiers et céréales, mais il y a de vraies marges de progression sur les autres. Quel doit être le travail de l'État ? Nous avons avancé sur l'ouverture des marchés : le Japon s'est ouvert à la viande de boeuf et la Corée à la charcuterie de porc française. L'Asie est une priorité pour le ministère.
Encore faut-il que les entreprises soient prêtes à exporter. Il faut donc rapprocher Ubifrance et Sopexa : le processus est en cours pour mutualiser les moyens et mettre en commun les stratégies. Il faut aussi mobiliser les entreprises sur les territoires : notre programme de soutien à l'export pour 250 petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI) doit accompagner ces entreprises du lieu de production au magasin du pays considéré. Il faut aussi développer une culture de l'export en France : nous organisons des séances de formation communes pour les entreprises et les services de l'État.
Deuxième point : l'emploi. Nous veillons à suivre en permanence les entreprises qui connaissent des difficultés en anticipant le plus possible, de manière à les accompagner avant qu'il ne soit trop tard.
Le groupe Doux était en dépôt de bilan en juin 2012 et, au mois d'août, l'hypothèse de la liquidation du pôle « frais » était envisagée. Nous avons sauvé la filière avicole sur la région Centre. 850 emplois ont été préservés sur 1 500 grâce à cette action. Toutefois, le site de Pleucadec a été fermé. Nous veillons à consolider la position du groupe comme opérateur de la filière grand export ; un plan de continuation sera présenté à la fin du mois au tribunal de grande instance de Quimper. S'agissant du groupe Gad, la fermeture du site de Lampaul-Guimiliau a été annoncée. Il faut préserver cet opérateur à travers ses autres activités, notamment sur le site de Josselin.
Un accord interbranches sans précédent par son ampleur a été signé au mois d'octobre pour la filière alimentaire sur la question de l'emploi et de la mise en oeuvre du contrat de génération. 90 000 embauches sont prévues d'ici à 2016 ; 30 000 seront réservées à des jeunes, ce qui permettra d'actionner le contrat de génération. Grâce à la mobilisation des entreprises, 150 000 jeunes pourront accéder à un contrat en alternance dans la filière.
Troisième point : la qualité alimentaire. Par-delà l'affaire de la viande de cheval, un doute permanent s'est installé concernant la qualité des aliments. Nous sommes en train de mettre au point, avec les entreprises, des engagements qui permettront l'amélioration de la qualité. Par exemple, les boulangers prennent un engagement sur la réduction de la teneur en sel, qui passera de 22 grammes par kilogramme de farine à 18,5 grammes.
J'ai fait cela pendant quarante ans de ma vie. Le problème est qu'on a, face à l'industrie agroalimentaire, une industrie pharmaceutique. Il faudrait d'abord régler le problème des allégations avant de réformer l'industrie agroalimentaire.
Cet engagement des boulangers est un vrai progrès. Le même travail est en cours pour la charcuterie, pour les boissons rafraichissantes. Le pacte qualité alimentaire concernera sept familles alimentaires d'ici à la fin de l'année ou au début de l'année prochaine.
Après avoir fait ce bilan, je tracerai trois directions de travail pour l'avenir.
Pour consolider nos filières, il faut continuer à avancer sur la filière grand export, mais aussi sur la filière porc : celle-ci, comme la filière volaille, a un besoin patent de structuration, qui doit être organisée par les professionnels.
En deuxième lieu, le dumping social existe en Europe : la directive sur le détachement des travailleurs est utilisée abusivement. Michel Sapin portera la voix de la France sur cette question au Conseil européen du mois de décembre.
Enfin, les relations entre les producteurs, les transformateurs et la grande distribution sont conflictuelles en France, alors qu'elles ne le sont pas en Grande-Bretagne et en Allemagne. Nous avons posé les premières pierres d'un nouveau modèle de régulation dans le projet de loi relatif à la consommation. C'est un enjeu majeur afin de soutenir l'appareil de production et la compétitivité des entreprises, de manière à corriger les effets négatifs de la loi de modernisation de l'économie (LME).
La filière alimentaire reste une grande filière. Elle doit être demain un fleuron industriel pour notre pays.
Je vous remercie pour la qualité et la précision de votre présentation. Avec une contribution positive de 9 milliards d'euros à notre commerce extérieur, les industries agroalimentaires occupent une place privilégiée dans notre économie. Avec 36 milliards d'euros de valeur ajoutée produite et près de 500 000 emplois, ce secteur contribue pleinement à la vitalité économique de nos territoires puisque ses entreprises se situent dans l'ensemble des régions. L'agroalimentaire fait ainsi l'objet de toute notre attention mais aussi de notre inquiétude. Il n'y a pas si longtemps, la France était à la première place européenne dans de nombreuses filières. Or, aujourd'hui, notre pays est rattrapé voire dépassé par l'Allemagne, les Pays-Bas, et d'autres. Certains de nos concurrents européens pratiquent le dumping social dans l'agroalimentaire. Comment faire face à ce phénomène ? Une réponse en termes de compétitivité est apportée par le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE). À quel niveau les entreprises de l'agroalimentaire bénéficient-elles de ce dispositif ? En Bretagne, l'agroalimentaire est en difficultés, avec des fermetures d'entreprises, des licenciements, un vieillissement de l'outil de production. Certains industriels n'ont pas modernisé leur outil de travail et ont leur part de responsabilité. Je souligne que l'État n'est pas resté inactif face aux difficultés des industries agroalimentaires. La signature du contrat de filière alimentaire le 19 juin 2013 en est la preuve. Pouvez-vous préciser le contenu du volet export de ce contrat et préciser comment se décline l'enveloppe de 100 millions d'euros sur trois ans prévue ? Enfin, dans le secteur de la volaille, plutôt que de privilégier l'export et les bas coûts, encouragés par des restitutions aux exportations, ne peut-on pas monter en qualité ?
Je vous avais reçu à Toulouse pour la visite du pôle de compétitivité, Monsieur le ministre, et je souhaite encore attirer votre attention sur quelques enjeux majeurs pour l'agroalimentaire. Les médecins sont formés à la nutrition à travers deux heures de cours par semaine durant leurs deux dernières années d'étude tandis que les vétérinaires suivent huit heures de cours par semaine durant tout leur cursus. Sur le plan de la nutrition, les vétérinaires sont mieux outillés que les médecins. Notre médecine est ainsi axée sur les produits durs, à l'inverse de ce que l'on observe dans les autres pays européen, en Asie ou aux États-Unis. Il serait bon que nous puissions relever le défi de la prévention des maladies par l'alimentaire. Lorsque j'ai sorti les premiers produits pour sportifs en 1978, étaient intégrés dans ces produits du magnésium, après avoir étudié les effets du magnésium sur le muscle pendant trois ans. Aucune étude n'avait été faite sur les produits vendus en pharmacie. Je déplore que l'on ne puisse pas communiquer, non pas sur les propriétés thérapeutiques, mais sur le confort alimentaire apporté par les produits nutritionnels, alors que les laboratoires pharmaceutiques peuvent le faire.
La question de la compétitivité peut être travaillée dans le cadre des pôles de compétitivité. On peut gagner 5 à 6 points de valeur ajoutée sur les produits par l'innovation. Mais l'enjeu essentiel est de regrouper des PME pour en faire des ETI. Nous en avons quatre fois moins qu'en Allemagne, et elles génèrent 12 à 14 % de valeur ajoutée en moins.
Ensuite, il me paraît indispensable de régler la question des relations entre industrie et grande distribution. Cinq distributeurs assurent 80 % du marché de l'alimentation. La LME a supprimé les marges arrière, qui ont été immédiatement remplacées par de nouvelles pratiques, comme la demande de livraison de quantités gratuites. Il faut réellement modifier la LME.
Enfin, il est nécessaire de mener un combat contre le dumping social. Les abattoirs allemands assurent l'abattage de bêtes venant du Nord de la France avec des salariés payés 500 euros pour 45 heures de travail. Un combat plus dur doit être mené, au nom de l'équité.
Je termine en déplorant que nous combattions sur les marchés internationaux avec un euro surévalué, qui pèse négativement sur notre compétitivité.
Sur les regroupements de PME pour créer des ETI, nous aurions pu aller plus loin dans la loi relative à l'économie sociale et solidaire, car ces regroupements sont possibles lors des transmissions.
Concernant la LME, nous aurons toujours un temps de retard dans les dispositifs législatifs mis en place pour réguler les relations entre distributeurs et leurs fournisseurs, même si nous essayons sans cesse de les renforcer, comme récemment dans le projet de loi relatif à la consommation. Les distributeurs développent des stratégies de contournement.
Vous avez, Monsieur le Ministre, le souci de bien faire. Mais aujourd'hui, dans notre pays, il est impossible de créer de nouveaux bâtiments d'élevage, en particulier en volaille et en porc. Dans le nord des Deux-Sèvres, les industries de transformation de volaille représentent 3 000 emplois. Dans ma commune, l'abattoir emploie 500 personnes. Or, les industriels sont en manque de matière première. Ils ne trouvent plus suffisamment de dindes et les abattoirs ne tournent plus à leur maximum, car on ne peut plus construire de bâtiments d'élevage. C'est la conséquence du Grenelle de l'environnement. Ensuite, l'arsenal réglementaire a été renforcé à l'excès. J'ai appris récemment que les bâtiments industriels devaient être dotés un dispositif de retraitement des eaux utilisées pour la lutte contre un éventuel incendie, ce qui peut coûter jusqu'à 100 000 euros pour les seuls frais d'étude. Enfin, nos difficultés à l'export sont importantes. Nous avons besoin dans les ambassades de recruter des jeunes qui sortent des écoles de commerce et qui connaissent les milieux économiques. Quand nos groupes d'amitié font des déplacements, pourquoi n'emmènerions pas avec nous, à leurs frais, des chefs d'entreprises ? Cela ne coûtera rien mais pourrait les aider à l'export par les contacts qu'ils pourraient nouer sur place.
Élu du département de l'Aude, j'ai été aux premières loges pour mesurer les conséquences du scandale de la viande de cheval. La sécurité alimentaire est une priorité des français et le programme n° 206 consacré à la sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation est exemplaire en préservant les crédits et en recherchant la plus grande efficacité de notre administration dans ce domaine. Le travail de la direction générale de l'alimentation (DGAl) et de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) étant primordial, pouvez-vous nous confirmer qu'elles ne subiront pas de baisses d'effectifs pour 2014 et pour 2015 ? En outre, nous réalisons une bonne part de notre excédent commercial dans le secteur agroalimentaire grâce au secteur viticole. La consommation mondiale de vin est en augmentation régulière. Il y a des parts de marché à maintenir ou à conquérir. Les pays du nouveau monde ou l'Espagne effectuent un travail de promotion en Europe du Nord, en Russie, en Chine, bref, partout où la consommation progresse. Ne faudrait-il pas que la France, compte tenu de ses atouts en viticulture, renforce son action de promotion à l'étranger dans ce secteur, mais aussi à l'intérieur de nos frontières où la consommation ne cesse de baisser ?
Où en est le rapprochement entre Ubifrance et la Sopexa ? Quel en est le calendrier et quelles en sont les modalités ? Quel rôle envisager pour les régions, les chambres d'agriculture, les chambres de commerce, dans la promotion des exportations ? Beaucoup d'acteurs interviennent mais le saupoudrage ne génère pas forcément une importante force de frappe. Je souligne que le volontariat international en entreprise (VIE) joue un rôle important de soutien à l'export.
Quelles suites ont été données au rapport du Sénat sur la situation de la filière viande ? Je rends hommage aux enquêteurs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui sont particulièrement efficaces.
Quel bilan, enfin, peut-on tirer de la création de l'ANSES, fruit de la fusion réalisée en 2010 de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSET) ?
Il y a quelques années, nous avons perdu la bataille du textile. Ne perdons pas la bataille de l'agroalimentaire. Nous disposons d'atouts que nous n'avions pas dans le textile. Le premier d'entre eux est la sécurité alimentaire. Nous devons renforcer les normes d'étiquetage. Et n'hésitons pas à parler de patriotisme alimentaire. Le deuxième atout de notre pays réside dans l'existence d'une demande mondiale importante dans l'agroalimentaire, par exemple sur le lait en poudre en Chine. Pour développer l'exportation, il faut apprendre à chasser en meute afin d'être efficaces, en associant tous les acteurs : chambres d'agriculture, chambres de commerce...
Il existe enfin en Europe un problème de dumping social et de concurrence déloyale manifeste avec l'application de la directive sur les travailleurs détachés. L'Allemagne va peut-être faire rapidement évoluer sa législation en imposant un salaire minimum. En France, du fait de la révision générale des politiques publiques (RGPP), le nombre des inspecteurs du travail a fortement diminué. La tendance doit être inversée, pour se donner les moyens des politiques que nous décidons. En Europe, le Royaume-Uni et la Pologne sont toujours les plus opposés à la mise en place de normes sociales. Le rapport de forces peut-il évoluer ?
Le secteur agroalimentaire bénéficie du CICE à hauteur de 800 millions d'euros. On peut ajouter environ 500 millions d'euros de soutiens au titre du dispositif TODE, travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi. Les moyens engagés par l'État pour soutenir la compétitivité de la production et de la transformation de produits agricoles sont donc importants.
Le contrat de la filière alimentaire prévoit une enveloppe de 100 millions d'euros sur la période 2013-2015. Plus de 20 millions d'euros en 2013 seront consacrés à l'animation des pôles de compétitivité, à la charte emploi, à la convention de délégation de service public confiée à la Sopexa, à la convention avec BPI France, au financement des centres techniques ou encore au financement de l'observatoire de la qualité de l'alimentation (OQALI). En 2015, nous atteindrons 22,4 millions d'euros pour ces actions. Il existe également des crédits pour la modernisation des abattoirs ou encore le soutien à la filière laitière à hauteur de 17 millions d'euros en 2013, montant porté à 24 millions d'euros en 2015. La plateforme Expadon est très attendue par les professionnels pour délivrer en temps réel de manière dématérialisée les certificats sanitaires à l'export. La mise au point est en cours. Plus de 8 millions d'euros auront été nécessaires sur trois ans sur ce dispositif.
Je partage l'objectif d'Alain Chatillon en matière de développement des ETI. Il n'y a pas aujourd'hui suffisamment d'ETI structurantes dans la filière alimentaire.
Cela est vrai dans toute l'industrie, pas seulement dans l'agroalimentaire.
Pour soutenir la constitution d'ETI, un fonds public-privé prendra la suite d'Agro Invest, à partir de fonds venant de banques privées et de la BPI. Il serait dédié au soutien aux ETI. La discussion est encore en cours sur le volume financier que mobilisera ce fonds.
L'euro fort présente quelques avantages pour l'économie française mais présente aussi des inconvénients pour les entreprises. La baisse des taux d'intérêt de la banque centrale européenne (BCE) peut avoir un effet positif sur le taux de change. La parité euro-dollar et euro-real devrait s'améliorer et faciliter la vie des entreprises exportatrices.
En réponse à Michel Bécot, je souligne qu'il est évident qu'il n'y a pas de transformation s'il n'y a pas de production. De ce point de vue, le choix du Président de la République dans la mise en oeuvre de la PAC de soutenir l'élevage permet indirectement de soutenir les industries de la viande. Une simplification de la réglementation est envisagée pour les élevages, en particulier pour les élevages porcins, où les seuils en matière d'autorisation doivent être alignés sur la réglementation européenne. Mais nous conserverons les mêmes exigences environnementales. Un décret a été préparé pour modifier la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) en créant la procédure d'enregistrement. Il est actuellement en phase de consultation du public. Il facilitera les agrandissements et regroupements. Mais, il ne faut pas tout attendre de la réglementation et de l'action de l'État. Chacun dans la filière porcine doit aussi prendre ses responsabilités.
En réponse à Roland Courteau, je souligne que le Gouvernement a mis fin à l'hémorragie des effectifs sur le programme n° 206 consacré à la sécurité sanitaire. Nous stabilisons en 2014 les effectifs destinés au contrôle, afin de garantir un niveau élevé de sécurité sanitaire. En matière d'exportations de vin, il existe des marges de progression, dans un contexte de concurrence très forte entre pays producteurs. Nos professionnels du vin en France ont une forte culture de l'export, ce qui constitue un réel atout.
En réponse à Gérard César, je précise que le rapprochement entre Ubifrance et Sopexa est en cours avec trois objectifs concrets : rapprocher les programmes d'action, rapprocher les bureaux à l'étranger et mettre en place une structure commune de pilotage. Une lettre commune des présidents et directions générales d'Ubifrance et de Sopexa m'a précisé que le projet opérationnel serait finalisé en janvier prochain. Il appartiendra ensuite au Gouvernement de valider les mesures prises. Il s'agit d'être plus opérationnel à l'export. C'est la première fois depuis dix ans que nous avançons sur ce dossier.
En réponse à Yannick Vaugrenard, j'estime que l'action de soutien des collectivités territoriales à l'export est indispensable. Il ne s'agit pas que l'État remette en cause des outils qui marchent bien mais d'assurer une meilleure coordination. La bannière France doit flotter au-dessus de chacune des initiatives de nos régions. Celles-ci, qui connaissent bien la réalité des territoires, sont associées à la conception même de notre programme de soutien renforcé de 250 entreprises à l'export. Il s'agit d'éviter les doublons qui sont démoralisants, en particulier pour le contribuable. Les blocages en matière de lutte contre le dumping social en Europe ne viennent pas de l'Allemagne mais plutôt du Royaume-Uni, attaché à une politique libérale, et des pays d'Europe centrale et orientale, qui sont les plus réticents à modifier la directive sur le détachement des travailleurs, en particulier ses articles 9 et 12, car leurs ressortissants sont ceux qui occupent ces emplois en détachement. Un prochain rendez-vous de négociation au sein du Conseil européen est prévu en décembre. Il n'était pas envisageable de signer un accord en octobre car les propositions faites étaient trop éloignées des exigences française. Mon collègue Michel Sapin est à l'oeuvre sur cette question, sur laquelle malgré tout, nous avançons.
Un salaire minimum allemand ne suffira pas à résoudre le problème du dumping. Il s'agit également d'harmoniser la protection sociale.
Je voudrais partager votre optimisme sur l'agroalimentaire, mais nous devons être réalistes. Le constat est cruel : nos productions ovines sont en chute libre, les productions bovine, porcine, et de volaille sont également sur la pente descendante. Les quotas laitiers ont permis le maintien de la production de lait, mais qu'en sera-t-il après la fin des quotas ? Certains éleveurs se reconvertissent aujourd'hui en production de céréales. L'objectif est de produire plus et mieux. Mais comment faire dans un contexte de pression sur les terres agricoles. La conversion à l'agriculture biologique entraîne une baisse de production des parcelles concernées de l'ordre de 20 %. La réduction de l'utilisation des pesticides et de l'ensemble des intrants peut induire une baisse des volumes de production. Enfin, je déplore que tous les ministres successifs aient été dans l'incapacité de trouver des solutions concernant les prédateurs, notamment le loup. Produire mieux est toujours possible, mais je doute de la capacité à produire plus. Enfin, ce qui arrive aujourd'hui en Bretagne s'explique par la détérioration de notre compétitivité prix par rapport à nos concurrents. Même l'Allemagne exporte des produits agricoles dans notre pays. Les agriculteurs subissent des mesures qui nuisent à la compétitivité. Les taxes sur l'eau représentent plus que le prix brut de l'eau. L'augmentation est spectaculaire en 10 ans. Les frais d'analyse augmentent les charges et pénalisent la compétitivité. Je salue la volonté de simplification en matière de construction de porcheries, mais cela n'empêchera pas les contentieux. Enfin, je termine par deux questions : la filière agroalimentaire était-elle présente sur le salon « Made in France Expo » la semaine dernière ; et avance-t-on sur les questions d'étiquetage ? Je me réjouis de l'exposition universelle de Milan de 2015, qui sera une formidable vitrine.
En juillet dernier, la mission du Sénat sur la filière viande que je présidais a adopté son rapport à l'unanimité, moins une abstention. Sur les 40 propositions, plusieurs ont déjà été mises en oeuvre. Durant la discussion au Sénat du projet de loi relatif à la consommation, nous avons adopté un texte prévoyant l'obligation de renégocier les prix des produits alimentaires en cas de volatilité forte des prix agricoles, ainsi qu'un amendement rendant obligatoire l'étiquetage de l'origine des viandes transformées.
Il est important d'apporter des réponses cohérentes. La procédure d'enregistrement pour les installations d'élevage porcin est une bonne réponse, en l'associant au plan de développement de la méthanisation. Nous n'aurions pas eu de difficultés de gestion des effluents d'élevage en Bretagne si l'on avait développé la méthanisation. Le rapport de la mission sur la filière viande a mis en évidence le fait que la France a perdu en une décennie entre 10 et 25 % de production, selon les secteurs. La réforme de la PAC de 2003, prévoyait la fin des restitutions aux exportations en 2013. Il aurait fallu que les volaillers de l'Ouest de la France prennent en compte cette perspective dans leurs stratégies industrielles. Or, cela n'a pas été le cas. On a poursuivi l'exportation de poulets subventionnés alors que durant cette même période, les importations en France de poulet standard sont passées de 8 % à 48 %. Nous sommes désormais dans une impasse.
Il existe certes des problèmes de compétitivité. Je salue la fermeté de Michel Sapin dans la négociation européenne sur la modification de la directive sur les travailleurs détachés car il existe aujourd'hui des distorsions de concurrence. Mais le succès de l'Allemagne ne provient pas que de ces distorsions. Les allemands ont aussi réalisé de gros investissements dans les abattoirs. De tels investissements n'ont pas été faits en France et les entreprises de volaille et de porc n'ont pas eu la même stratégie. Il faut se poser les bonnes questions.
Investir, innover, exporter : le projet est intéressant et vous l'exposez avec passion. Mais nous avons besoin de clarté sur le terrain. Quels sont vos relais ? Cela ne marchera que si les partenaires répondent présent. Il me semble important d'être directif. Les petites entreprises en particulier doivent être guidées vers l'export. Je suis inquiet quant à l'avenir du secteur de la transformation des viandes. Peut-être a-t-on insuffisamment investi mais les comptes d'exploitation ne le permettaient pas. Je suis encore plus inquiet quant à la production. Nous allons connaître une mutation considérable dans la production laitière, et dans l'ensemble des productions animales, pas tant pour des raisons économiques que des raisons liées aux conditions de vie. Le risque est d'assister, impuissants, à la mise en place d'un modèle que nous ne voulons pas, avec des fermes de 1 000 vaches. Enfin, pouvez-vous nous indiquer comment réguler le secteur de la distribution ? Concernant la qualité des produits, comme je l'avais exprimé dans le cadre de la mission du Sénat sur la filière viande, nous sommes bien placés en France, mais il faudrait davantage développer la communication sur les signes de qualité, qui est insuffisante. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer où en sont les suites de « l'affaire Spanghero » ?
Les difficultés de nos entreprises de l'agroalimentaire concentrées en Bretagne ont pour cause un problème de compétitivité. Le dumping social explique les mouvements de délocalisation. Travaillez-vous à une politique sociale européenne ? Le salaire minimum n'est pas le seul outil. Il me semble nécessaire également d'avoir une politique environnementale harmonisée au niveau européen. Lorsque j'étais étudiant, la moitié du porc français était produit en Bretagne et la moitié des porcs bretons étaient produits autour de Lamballe. Une telle concentration est catastrophique sur le plan environnemental. Mais si on produit des porcs en Bretagne, on les abat en Allemagne et on les découpe en Pologne, ce n'est pas mieux. Il nous faut une politique des transports à l'échelle de l'Europe pour éviter de telles aberrations. Je suis étonné que le Gouvernement n'ait pas expliqué aux bretons que l'écotaxe pouvait contribuer à relocaliser la production. L'écotaxe part d'un bon principe et je fais partie des rares qui la défendent encore. Si l'on explique l'écotaxe sans parler d'environnement et de relocalisation de production, en ne voyant en elle qu'un moyen d'augmenter les recettes fiscales de l'État, les oppositions seront majeures. Puisque l'écotaxe est suspendue, sachons faire de la pédagogie.
Investir, repositionner ses produits sur le haut de gamme lorsqu'on est positionné sur les produits de bas de gamme, constitue une stratégie de long terme et ne peut se faire en un an. Par ailleurs, pour investir, il faut d'abord être rentable et disposer de fonds. Or, la plupart de nos entreprises ne sont pas assez rentables pour pouvoir investir. Les difficultés de nos entreprises n'ont pas une cause unique.
Le contrat de la filière alimentaire prévoit de développer les recrutements dans les prochaines années. Or, je viens encore de lire le témoignage d'une entreprise d'abattage située à Cuiseaux, qui, malgré des centaines d'annonces d'offres d'emploi, n'a recruté que 4 personnes en France et a dû recourir pour couvrir ses besoins à des salariés étrangers. Est-ce exact ?
Dans la Somme, 50 producteurs de lait arrêtent leur activité chaque année. Ce ne sont pas des agriculteurs en retraite mais des jeunes. A ce rythme-là, on ne trouvera plus de lait dans ma région d'ici peu.
Enfin, j'attire votre attention sur l'entreprise Roquette Frères, qui traite la fécule de pomme de terre. Il n'y a plus assez de production de pomme de terre fécule pour alimenter les deux usines qui existent en France. Il faudrait prévoir une aide spécifique couplée dans le cadre de la PAC pour ne pas voir le secteur de la fécule de pomme de terre disparaître dans notre pays.
Comment produire plus ? D'abord en donnant des signes clairs aux producteurs. La réorientation de la PAC à hauteur d'un milliard d'euros par an au profit de l'élevage est un message tangible adressé aux éleveurs.
Ensuite, il nous faut améliorer le cadre des discussions commerciales mais aussi créer un nouvel état d'esprit dans lequel se déroulent les négociations. J'interviens directement en ce sens auprès des entreprises de la distribution comme auprès de celles de la transformation afin d'obtenir des améliorations concrètes.
Il est également nécessaire de simplifier les normes, par exemple en créant un régime d'enregistrement pour les élevages porcins.
Pour que notre politique soit efficace, il faut que tous les outils aillent dans le même sens, avec un souci de cohérence. Mais l'État ne peut être le seul à assumer ses responsabilités. Les professionnels, les filières elles-mêmes doivent se structurer et s'organiser. Il faut sortir des logiques opportunistes et individualistes pour définir des stratégies collectives d'avenir, sur le porc, le poulet, et plus largement l'ensemble des filières animales.
L'exposition universelle de Milan en 2015 sera un grand moment pour mettre en avant les atouts français au sein du Pavillon France. Nous devons avoir le souci de valoriser le signe « origine France ». Nous sommes en train de mettre au point le label « viande de France » avec la grande distribution et les industriels, afin de mieux valoriser nos productions vis-à-vis des consommateurs.
Nous avons déjà mis en oeuvre plusieurs mesures recommandées par le rapport de la mission sénatoriale sur la filière viande et sommes prêts à travailler ensemble pour aller encore plus loin.
Concernant les signes officiels de qualité, il faut évidemment les mettre en valeur davantage et aider les entreprises à respecter les cahiers des charges. La politique de l'agroalimentaire ne peut pas se résumer aux signes de qualité. Il faut valoriser la qualité de tous les produits français et pour tous. On ne doit pas rentrer dans des logiques de segmentation excessive. La qualité pour tous est l'objectif de notre politique. Concernant l'affaire Spanghero, la justice a été saisie et poursuit son travail.
Concernant l'écotaxe, qui a été suspendue et non supprimée, je compte sur vous pour convaincre vos collègues. Nous travaillons au sein du Gouvernement à adapter le dispositif, en tenant compte de la réalité économique des entreprises.
Le besoin de clarté sur le terrain est évident. L'État assure un pilotage à travers un référent sur l'agroalimentaire dans chaque région. Mais il ne faut pas être dans une logique de guichet mais dans une logique proactive, en allant vers les PME qui ont des produits formidables et n'ont pas les moyens de se lancer à l'export. Le dispositif du ministère poursuit ce but.
Concernant la fécule de pomme de terre, l'enjeu du maintien de la production a bien été identifié par le ministère de l'agriculture mais à ce stade, nous n'avons pas encore procédé à un arbitrage.
Je confirme qu'il existe une pénurie de main d'oeuvre dans beaucoup d'entreprises de l'agroalimentaire. Je déplore qu'alors que les abattoirs ont automatisé leurs chaînes, rendant le travail moins pénible, l'on ne puisse recruter que des salariés étrangers dans nos entreprises.
Je confirme que ce type de phénomène existe pour certains métiers en tension, qui sont les métiers durs, et pas les mieux payés. Nous devons nous poser la question des conditions de travail et des rémunérations. Une réponse doit être apportée en termes d'amélioration des qualifications. Investir dans de nouvelles chaînes de productions permet aussi d'améliorer les conditions de travail. Améliorer les conditions de vie des salariés de l'agroalimentaire est une des priorités de mon ministère. Il n'y aura pas de progrès économique sans progrès social. La formation est une donnée importante. Trop de salariés n'ont même pas bénéficié d'une demi-heure de formation en plusieurs années. Le contrat de filière met l'accent sur la formation, et en particulier sur les savoir fondamentaux. Il existe encore un illettrisme contre lequel il faut lutter. Le contrat de filière multiplie par dix le nombre de salariés concernés par ces formations.