La commission soumet au Sénat la nomination de M. François-Noël Buffet, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, Mme Catherine Di Folco, M. Loïc Hervé, M. Hussein Bourgi, M. Jean-Yves Leconte et M. Alain Richard comme membres titulaires, et de Mme Catherine Belrhiti, M. Christophe-André Frassa, Mme Marie Mercier, M. Hervé Marseille, M. Jérôme Durain, Mme Maryse Carrère et Mme Cécile Cukierman comme membres suppléants de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à ouvrir le tiers-financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique.
Nous examinons la proposition de loi visant à adapter la défense extérieure contre l'incendie à la réalité des territoires ruraux, présentée par Hervé Maurey, Françoise Gatel et plusieurs de leurs collègues.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui entend répondre à un problème lancinant, que les communes, en particulier en zone rurale, ne connaissent que trop bien, à savoir l'exercice particulièrement complexe de leurs missions en matière de défense extérieure contre l'incendie (DECI) - ce problème avait été souligné lors des élections sénatoriales de 2020.
Les difficultés en la matière sont connues de longue date et la consultation du répertoire des questions écrites des députés et des sénateurs corrobore le sentiment d'un État historiquement velléitaire en la matière : de sollicitations restées lettre morte en promesses de réformes non tenues, le sujet a longtemps constitué un « irritant » pour les maires en zone rurale.
Si, aujourd'hui, la passivité et l'inertie de l'État en la matière ne semblent plus de mise, nous le devons tout particulièrement à notre collègue Hervé Maurey, très mobilisé pour défendre les intérêts des communes rurales sur ce sujet, co-auteur avec Franck Montaugé d'un rapport d'information en 2021 et auteur de la proposition de loi que nous examinons.
Le cadre juridique applicable à ces missions avait pourtant été largement révisé par la loi Warsmann du 17 mai 2011. Pour mémoire, ce cadre prévoit une « hiérarchie des normes » entre plusieurs documents dont le règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie (RDDECI) constitue le noeud : ces règlements départementaux, établis en concertation avec les maires et arrêtés par le préfet de département après avis du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS), doivent tenir compte d'un référentiel national de la défense extérieure contre l'incendie (RNDECI) et s'imposent aux communes, dont les arrêtés et les éventuels schémas en matière de DECI doivent être conformes au RDDECI.
Outre le délai, jugé excessif, de mise en application de cette réforme, les difficultés des communes n'ont pas trouvé de solution définitive. Comme l'a relevé le rapport d'information d'Hervé Maurey et de Franck Montaugé précité, ces difficultés, qui demeurent, sont de quatre ordres.
Premièrement, la concertation des élus est jugée « inégale » dans l'élaboration des RDDECI.
Deuxièmement, la couverture du risque est qualifiée de « défaillante ».
Troisièmement, une difficulté tient à l'inadéquation entre les prescriptions des RDDECI et les risques réels, les premières n'étant pas toujours proportionnées aux seconds, en raison d'une évaluation insuffisante de la complexité des règles et, surtout, du défaut d'adaptation de celles-ci aux spécificités des territoires, en particulier ruraux. Nous avons tous entendu parler de la tristement célèbre règle des 200 ou des 400 mètres !
Quatrièmement, enfin, une autre difficulté concerne le coût financier, à la fois budgétaire et en termes de développement économique, notamment lorsqu'une autorisation d'urbanisme ne peut être accordée en raison du défaut de couverture du risque incendie.
La présente proposition de loi tend ainsi à traduire dans la loi ces recommandations, en prévoyant la concomitance de la révision du RDDECI et du schéma départemental d'analyse et de couverture des risques (SDACR), dont la loi prévoit déjà la révision quinquennale. Elle renforce la concertation des élus en prévoyant que le RDDECI est établi « après avis du conseil départemental et des associations départementales des maires » et contraint à une évaluation plus systématique.
Je partage pleinement l'intention de l'auteur, et je sais que nombre d'entre vous ont rencontré des maires confrontés à de réelles difficultés en la matière.
Les auditions que j'ai conduites m'ont néanmoins amené à vous proposer une réécriture du dispositif proposé par notre collègue Hervé Maurey. En effet, les personnes que j'ai auditionnées ont généralement convenu de l'incongruité que pouvait constituer la coexistence du SDACR et du RDDECI : de l'Assemblée des départements de France (ADF) à la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) en passant par le directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises, le préfet Alain Thirion lui-même, personne n'était en mesure de m'expliquer l'intérêt de l'existence de deux documents distincts.
Tout porte à croire que la DECI constituant le parent pauvre de l'organisation des moyens de lutte contre l'incendie, il a été fait le choix d'en faire un document annexe, distinct et sans articulation avec le document stratégique que constitue le SDACR.
Or, il me semble que la prise en compte des moyens et des difficultés rencontrées par les communes en matière de DECI doit justement constituer un élément de la stratégie des SDIS. La détermination et l'allocation des moyens de ceux-ci ne sauraient faire l'économie d'une analyse des forces et faiblesses de la DECI dans un département : le SDACR doit prévoir des adaptations de ses prescriptions en fonction de ces forces et faiblesses. Dans certains départements touchés l'an passé par les « mégafeux », le SDACR n'évoque même pas les questions d'eau.
C'est la raison pour laquelle, en lieu et place de la simple révision concomitante proposée par notre collègue Hervé Maurey, je vous proposerai un amendement tendant à simplifier et renforcer la portée de ce dispositif, en faisant du RDDECI un volet à part entière du SDACR. Ce volet continuerait ainsi à porter règlement départemental et, sans qu'il soit besoin de le préciser dans la loi, les arrêtés communaux et intercommunaux en matière de DECI devraient être conformes à ce nouveau volet du SDACR. Cette mesure constituerait également une simplification des documents organisant les SDIS, qui n'ont jamais fait l'objet d'une réforme globale portant une vision d'ensemble et stratégique de ces compétences.
La procédure d'adoption du volet spécifique à la DECI au sein du SDACR s'inspire très largement de celle qui est aujourd'hui applicable pour l'établissement du RDDECI. Elle conserve néanmoins deux apports du dispositif initial : le projet de document ferait l'objet d'une concertation élargie, le conseil départemental et les conseils municipaux et organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents étant désormais consultés pour avis, et d'une évaluation préalable du service public de la DECI, conformément au souhait de l'auteur de la proposition de loi. Le principe d'une révision concomitante du SDACR et de son volet relatif à la DECI serait également conservé.
Ce dispositif me paraît pouvoir être harmonieusement complété par l'amendement de notre collègue Hervé Maurey tendant à créer une commission départementale de suivi de la défense extérieure contre l'incendie. Constituée d'élus, elle aurait pour missions, d'une part, de procéder à l'évaluation régulière de l'état de la couverture des risques au regard des points d'eau situés sur le territoire dont elle ferait état dans un rapport annuel et, d'autre part, de formuler toute proposition d'évolution qu'elle jugerait pertinente. Cette piste d'évolution, évoquée par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) dans un rapport de juin 2022, me paraît consensuelle et permettrait aux élus de disposer d'un espace d'écoute et de dialogue avec le SDIS.
J'émettrai donc un avis favorable à son endroit, sous réserve de l'adoption d'un sous-amendement. Je propose en effet que ce rapport annuel puisse faire fonction, sur décision du conseil d'administration du SDIS, d'évaluation préalable du service public de la DECI l'année précédant la révision du SDACR.
Cette modification me paraît de nature à renforcer la place de cette commission, qui pourrait se voir attribuer un rôle majeur dans l'élaboration du volet « DECI » du SDACR. Elle constitue aussi une mesure de simplification, des évaluations aux objectifs similaires n'ayant pas nécessairement vocation à être multipliées.
Au bénéfice de ces observations, je vous suggère d'adopter la proposition de loi, sous réserve de l'adoption de ces amendements.
Je tiens à souligner que ces orientations ont été pleinement endossées par l'auteur de la proposition de loi, que je remercie pour son écoute attentive et la qualité de notre dialogue. Je crois exprimer notre sentiment collectif en disant que le sujet de la DECI doit beaucoup à Hervé Maurey, et j'espère que nous cheminerons collectivement ce matin vers une amélioration de la vie des communes rurales.
Merci pour ce rapport très complet.
Sur le fond, nous adhérons totalement à cette proposition de loi ainsi qu'à l'amendement et au sous-amendement proposés. L'article unique qui prévoit de ne plus laisser l'initiative du RDDECI au préfet, avec une révision dans un délai restreint, est de bon sens. Nous ressentons largement sur le terrain le manque de concertation avec les élus locaux. En outre, selon le chiffrage réalisé par le Sénat, 7 millions de personnes ne seraient actuellement pas protégées.
Toutefois, sur la forme, j'attire votre attention sur le fait que ce texte est directement issu des recommandations du rapport d'information publié par Hervé Maurey et Franck Montaugé. L'élégance des relations de travail qui prévaut au Sénat sous-tend que nombre de rapports d'information produits de manière transpartisane font l'objet de propositions de lois, elles-mêmes transpartisanes. Il s'avère que ce texte reprend quasiment mot pour mot, avant le travail du rapporteur, l'article 1er d'une proposition de loi qui avait été déposée en juin 2022 par Hervé Maurey et Franck Montaugé. Or l'un des auteurs n'a pas été consulté sur la reprise de ces dispositions dans la présente proposition de loi, ce que nous déplorons.
Toutefois, puisque l'intelligence collective et le respect des autres doivent primer, sachant que nous servons tous la cause des élus locaux. C'est pourquoi, dans l'intérêt général, nous voterons cette proposition de loi.
Je salue l'oeuvre du rapporteur, qui permet une simplification en rapprochant deux dispositifs existants.
En 2020, un grand nombre d'entre nous avons été interpellés sur la question de la défense extérieure contre l'incendie. Les élus locaux découvraient alors la déclinaison départementale des dispositions adoptées en 2015, qui fixaient la possibilité de procéder à toute nouvelle construction à une distance maximale de 400 mètres d'une borne incendie.
Cette question est compliquée. Relevant du SDIS, la défense extérieure contre l'incendie est financée par le département à hauteur de 50 %, l'autre moitié étant financée par les communes et les intercommunalités, lesquelles ont la responsabilité de la sécurité incendie sur leur territoire. Elles doivent faire face aux dépenses prévues par le SDACR défini par le SDIS.
Le Président du Sénat a demandé à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation un rapport d'information sur ce sujet, qui a été produit par nos collègues Hervé Maurey et Franck Montaugé, et qui a conduit Hervé Maurey à déposer cette proposition de loi, que j'ai cosignée.
Cette proposition de loi, amendée dans le sens indiqué par le rapporteur, répond aux objectifs de simplification et de véritable concertation des élus. Notons que les SDIS imposent parfois aux communes, par souci extrême de sécurité, des dépenses considérables, alors même que de nouveaux engins plus performants existent. Je me félicite donc que le maire soit pleinement associé.
J'ai noté que ce sujet avait été un irritant lors des sénatoriales de 2020, mais il l'est toujours en 2023.
Après avoir procédé à quelques acrobaties pour faire en sorte que ces dépenses figurent dans la liste des dépenses subventionnables au titre de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), ce qui grève cette enveloppe, nous en constatons les limites dans la mesure où aucune différenciation n'est réalisée entre les territoires ni entre les outils. Certains départements, dont le mien, disposent effectivement d'engins plus adaptés et plus légers.
J'espère que ce texte, qui est bienvenu et qui est très attendu, fera consensus au Sénat et prospérera à l'Assemblée nationale. Là encore, le Sénat montre sa capacité à écouter les territoires.
Je donne totalement acte à Laurence Harribey de ses observations. Franck Montaugé a évidemment contribué à la rédaction du rapport d'information produit au nom de la délégation aux collectivités territoriales, j'espère que nous répondons aux problématiques qu'il y a soulevées. Il aura sans doute l'occasion de s'exprimer en séance publique.
Concernant le périmètre de l'article 45 de la Constitution, je vous propose de considérer que celui-ci comprend les dispositions relatives à la planification et à l'exercice par les communes et établissements publics de coopération intercommunale des missions de défense extérieure contre l'incendie.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
Article unique
L'amendement COM-1 est adopté.
L'article unique est adopté.
Après l'article unique
J'ai déjà présenté l'amendement COM-2 rectifié tendant à créer une commission départementale de suivi de la défense extérieure contre l'incendie. Les membres de cette commission consultative ne peuvent pas appartenir au conseil d'administration du SDIS. Par ailleurs, les représentants du directeur général du SDIS viendront conseiller techniquement les maires des communes rurales pour ce qui concerne les enjeux réglementaires et les obligations qui s'imposent à la gestion de tels risques. Nous avons voulu éviter tout conflit d'intérêts entre le conseil d'administration du SDIS et cette instance de concertation.
Je suis favorable à cet amendement, sous réserve de l'adoption du sous-amendement COM-3, qui prévoit que le rapport annuel, l'année précédant la révision du SDACR, vaut évaluation préalable du service public de la défense extérieure contre l'incendie, et ce dans un esprit de simplification.
Le sous-amendement COM-3 est adopté. L'amendement COM-2 rectifié, ainsi sous-amendé, est adopté et devient article additionnel.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Nous examinons maintenant la proposition de loi tendant à garantir la continuité de la représentation des communes au sein des conseils communautaires, présentée par Mme Françoise Gatel et plusieurs de ses collègues.
Je remercie notre collègue Françoise Gatel de cette initiative. Certes, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui entend répondre à un problème ponctuel, mais elle mérite toute notre attention, car certaines communes connaissent des situations de vacances durables de sièges au sein des conseils communautaires faute de candidats de même sexe pour remplacer le conseiller démissionnaire. Ainsi, pour illustrer mon propos, j'évoquerai le recours gracieux formé par le préfet de la Nièvre en 2021 à l'encontre de la délibération procédant au remplacement d'un conseiller de sexe masculin démissionnaire de son mandat municipal par une conseillère municipale, faute de candidats de même sexe, aboutissant à une vacance durable du poste en dépit de cette candidature. Si celui-ci n'a fait qu'appliquer la règle de droit, cette règle conduit, faute de candidats, à freiner la représentation juste et continue des communes au sein de leur intercommunalité.
Ce constat a été partagé par le Gouvernement ainsi que certains de nos collègues députés. En effet, Élodie Jacquier-Laforge et Raphaël Schellenberger déplorent dans leur rapport d'information sur la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal d'octobre 2021 « les marges de manoeuvre nulles » des élus locaux face à une telle obligation et appellent le ministre des collectivités territoriales à se saisir du sujet.
De façon analogue, interrogé par Françoise Gatel, l'ancien ministre des collectivités territoriales Joël Giraud avait constaté que « ces situations, qui sont exceptionnelles, pourraient faire l'objet d'une attention particulière à l'occasion d'un prochain vecteur législatif ».
Une telle situation de vacance est préjudiciable aux communes et aux intercommunalités, et ce à trois égards.
Premièrement, la vacance d'un siège aboutit à un amoindrissement de la représentation des communes au sein du conseil communautaire, alors même que les intercommunalités ont de nombreuses compétences.
Deuxièmement, dans certains cas, une telle vacance conduit à un amoindrissement des droits de l'opposition, qui peut se retrouver privée de représentation au sein du conseil communautaire, faute d'un réservoir de candidat de même sexe, fléchés ou non, suffisant.
Troisièmement, des vacances durables sont également préjudiciables au bon fonctionnement des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre eux-mêmes, dont les décisions pourraient être considérées comme entachées d'un défaut de représentativité et de légitimité, en particulier s'agissant des équilibres fragiles de la pondération de la représentation de la ville-centre et de l'ensemble des communes de plus petite taille.
La présente proposition de loi apporte une solution pragmatique en prévoyant, pour les seules communes de plus de 1 000 habitants représentées par plusieurs sièges au conseil communautaire, et lorsqu'il n'existe pas de conseiller municipal, « fléché » ou non, de même sexe candidat à ce siège, de le pourvoir par le suivant de liste « fléché » et élu au conseil municipal sans tenir compte de son sexe. Lorsque la liste concernée ne comporte plus de conseillers municipaux dits « fléchés », le siège serait alors pourvu par le premier conseiller municipal élu sur la liste n'exerçant pas de mandat de conseiller communautaire, sans tenir compte de son sexe.
Ces deux assouplissements étant subsidiaires aux modalités existantes de remplacement d'un conseiller communautaire démissionnaire, le dispositif me semble constituer un point d'équilibre satisfaisant entre l'exigence d'égale représentation des hommes et des femmes et l'indispensable représentation juste et continue des communes au sein des conseils communautaires.
Je vous propose, cependant, avec l'accord de l'auteur de cette proposition de loi, d'adopter un amendement de précision.
La principale originalité du dispositif initial est de n'être applicable qu'à l'issue de la première année du mandat. La rédaction de la proposition de loi initiale, si elle a le mérite de prévoir une première limitation, apparaît toutefois imprécise. Le point de départ de ce délai n'est pas suffisamment déterminé, ainsi que l'a indiqué en audition la direction générale des collectivités locales (DGCL).
C'est pourquoi je vous propose de préciser que le dispositif s'appliquerait à compter d'une année suivant la date d'installation du conseil municipal, afin notamment de tenir compte d'éventuels renouvellements locaux.
Au bénéfice de ces observations, et sous réserve de l'adoption de cet amendement, je suis donc favorable à l'adoption de cette proposition de loi.
Merci à l'auteur de ce texte de nous proposer une mesure frappée au coin du bon sens. Cependant, pourquoi le point de départ se déclenche-t-il à l'issue de la première année du mandat, et non pas dès que le poste devient vacant ?
Pourquoi ne pas simplement flécher au départ davantage de conseillers municipaux ?
Nous voterons cette proposition de loi. Je rejoins l'observation de Mme Lherbier, à savoir flécher plus de personnes dès le départ, voire prévoir un autre système. Toutefois, ce texte corrige un vide juridique existant.
Pour ma part, je resterai vigilant afin que ce nouveau dispositif ne donne pas libre cours à l'imagination de certains qui en tireraient profit pour faire élire plus d'hommes que de femmes. C'est pourquoi, il est essentiel d'avoir prévu qu'il ne sera applicable qu'à l'issue de la première année du mandat.
Ce texte correctif sera utile, même si les situations de vacances restent à la marge. Fondamentalement, la problématique est celle de la parité au sein des intercommunalités. J'ai cru comprendre que les amendements que j'ai déposés seront déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution. Mais le problème de fond a trait aux différents modes de scrutin. Il conviendrait d'aligner le mode de scrutin en vigueur pour les communes de moins de 1 000 habitants sur celui des communes de plus de 1 000 habitants, avec une représentation miroir des femmes au moins au sein de l'exécutif.
Quoi qu'il en soit, nous voterons cette proposition de loi, en soulignant cependant qu'elle ne malheureusement répond pas aux difficultés auxquelles nous faisons face.
Je tiens à préciser que l'ordre de remplacement, lorsqu'un poste de conseiller communautaire est vacant, est d'abord le suivant de même sexe sur la liste des conseillers communautaires, puis le conseiller municipal non fléché, mais de même sexe, et, le cas échéant, le conseiller municipal du sexe opposé.
Ce texte vient ainsi corriger deux situations : celle où les listes minoritaires comptent très peu d'élus, et celle des villes-centres, qui concentrent la très grande majorité de la population, dans lesquelles la quasi-totalité des conseillers municipaux sont conseillers communautaires, comme à Besançon ou Le Havre.
J'alerte sur le fait que le législateur privilégierait ici l'intégrité de la représentation d'une composante politique d'un conseil municipal à la parité. Je ne sais pas si l'Assemblée nationale partagera cet arbitrage... L'idée même d'une micro-dérogation au principe de parité est de nature à déclencher quelques tempêtes. Personnellement, je voterai cette proposition de loi, mais sans être sûr qu'elle pourra prospérer.
Ce texte très modeste apporte des solutions à des situations certes ponctuelles, mais qui représentent néanmoins une atteinte à la démocratie - je pèse mes mots.
La représentation des communes au sein de l'intercommunalité est déterminée quantitativement par le poids de la population, comme l'a rappelé la décision du Conseil d'État dit « Commune de Salbris ». Il ne s'agit nullement de contester ou de nier le principe de parité, mais il ne saurait, néanmoins, être supérieur au principe démocratique, qui permet à une commune d'être justement représentée au sein du conseil communautaire. En outre, les manquements qui ne permettent pas à la commune d'être représentée concernant principalement l'opposition, qui, souvent, avec un faible nombre de conseillers municipaux, se retrouve sous-représentée faute d'un réservoir suffisant de candidats pour siéger au conseil communautaire.
Monsieur Benarroche, si malice il y a, elle n'a pas de genre... Enfin, mes chers collègues, je crois que nous ne devons pas sous-estimer la détermination des femmes conseillères municipales à vouloir être conseillères communautaires.
M. Éric Kerrouche a évoqué deux amendements qui me paraissent extrêmement pertinents. Il conviendrait d'instaurer la parité au sein des exécutifs des intercommunalités, ou a minima, une clause miroir qui impliquerait la même répartition au sein de l'exécutif qu'au sein de l'assemblée intercommunale. Or ces amendements tomberaient sous le coup du fameux article 45 de la Constitution.
Cette proposition de loi porte sur l'intercommunalité et la parité. Je ne comprends donc pas pourquoi ces amendements seraient irrecevables dans la mesure où l'article 45 dispose que, en première lecture, tout amendement est recevable dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte. Si je conviens que ces amendements n'ont pas un lien direct avec le texte, ils ont un rapport indirect avec le texte que nous examinons. J'aimerais que l'on me dise un jour au nom de quel principe l'adjectif « indirect » n'est jamais pris en compte.
Je tiens à rappeler à notre collègue Jean-Pierre Sueur qu'un commentaire du Conseil constitutionnel précise qu'il est nécessaire qu'une des dispositions figurant dans le projet de loi initial permette de rattacher un amendement au périmètre du texte, ce qui n'est pas le cas dans cette proposition de loi.
Le texte porte ici seulement sur le remplacement des sièges communautaires en cas de vacance. Par ailleurs, ces amendements visent à modifier le code général des collectivités territoriales, alors que les dispositions proposées concernent le code électoral.
Le coeur du sujet est que nous souhaitons tous davantage de femmes maires, ce qui permettrait de résoudre l'ensemble des questions que nous nous posons ce matin.
Sur l'application de ce dispositif à l'issue d'une année de mandat seulement, l'objectif est très précisément de prévenir les actes de malveillance visant à contourner le principe de parité. L'amendement précise simplement le point de départ de l'application du dispositif.
J'entends votre explication sur cette année neutralisée. Cependant, des évènements majeurs peuvent survenir, tel le décès d'un conseiller. Pendant un an, vous pénalisez une collectivité qui subirait cette vacance au sein du conseil communautaire. Or des décisions prises à ce niveau impactent fortement les communes, comme vous l'avez si justement souligné.
Les dispositions existantes s'appliqueraient en cas de vacance du siège au cours de la première année du mandat : le conseiller pourrait être remplacé par un conseiller municipal, « fléché » ou non, s de même sexe.
S'agissant du périmètre de l'article 45 de la Constitution, je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives aux modalités de désignation des conseillers communautaires représentant les communes en cas de vacance de siège.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
Article unique
L'amendement COM-4 est adopté.
Après l'article unique
Les amendements COM-1 et COM-5 visent à supprimer l'obligation de remplacer un conseiller communautaire par le suivant de liste pour les communes de moins de 1 000 habitants.
J'émets un avis défavorable sur ces amendements qui dérogent au résultat du vote des citoyens, qui ont décidé de l'ordre des conseillers municipaux du fait du mode de scrutin applicable aux communes de moins de 1 000 habitants. En outre, les règles applicables aux communes de moins de 1 000 habitants n'entraînent pas, aujourd'hui, de situation de vacance durable des sièges représentant une commune au conseil communautaire, puisque tous les conseillers municipaux inscrits sur la même liste que le démissionnaire peuvent prétendre à le remplacer. Enfin, s'agissant des règles de désignation des suppléants, l'ordre du tableau du conseil municipal qui régit la désignation des conseillers communautaires titulaires doit également être respecté dans la mesure où le conseiller suppléant a vocation à devenir le conseiller titulaire si celui-ci cesse d'exercer ses fonctions.
Je rejoins totalement la rapporteure. Cette proposition de loi a pour objet de respecter le résultat démocratique. Dans les communes de moins de 1 000 habitants, les conseillers sont élus individuellement et figurent sur la liste en fonction de leur résultat personnel. « Piocher » dans la liste est donc de nature à revenir sur le choix des électeurs. Pour cette raison, j'y suis défavorable.
Vous ne m'avez pas répondu sur la possibilité de flécher dès la constitution des listes municipales davantage de candidats.
La proposition de loi ne fait que répondre à une difficulté en ajustant une situation très ponctuelle, la vacance durable au sein d'un conseil communautaire. Il ne s'agit nullement ici de faire un travail de fond pour modifier le code général des collectivités territoriales ou le code électoral qui régissent les règles de fléchage des candidats dès la constitution des listes de candidats aux élections municipales. Enfin, je rappelle que le fonctionnement des EPCI repose largement sur des accords locaux, qui peuvent décider aussi des acteurs qui intégreront leur conseil communautaire.
Les amendements COM-1 et COM-5 ne sont pas adoptés.
Les amendements COM-3 et COM-2 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Nous examinons la proposition de loi visant à permettre une gestion différenciée de la compétence « Eau et Assainissement », déposée par Jean-Yves Roux et plusieurs de ses collègues.
Mme Ventalon, MM. Darnaud et Rietmann puis M. Arnaud ont déjà déposé en 2022 deux propositions de loi sur cette thématique.
Le texte que nous examinons aujourd'hui sera débattu en séance publique le 16 mars prochain, à l'occasion de la niche parlementaire réservée au groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE).
La loi du 3 août 2018 dite « Ferrand-Fesneau » a rendu possible le report au 1er janvier 2026 du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes. Nous prenons la mesure des limites de cette loi et sommes confrontés à une difficulté, les communautés de communes n'ayant pas réalisé les travaux nécessaires.
Après les annonces faites hier par M. Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de France, sur la préservation de l'eau et la réparation des canalisations d'eau et d'assainissement, il nous semble qu'octroyer un délai supplémentaire ou rendre le transfert de compétence facultatif pourrait permettre de régler le problème. Les avis sont très favorables à cette proposition au sein de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) et de l'Association nationale des élus de la montagne (ANEM).
Cette proposition de loi entend répondre à une problématique qui nous préoccupe régulièrement et que vous connaissez bien : celle du transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux communautés de communes.
Certains de nos collègues, comme Mathieu Darnaud ou Françoise Gatel, s'intéressent depuis longtemps à cette question sur laquelle nous nous penchons de nouveau, parce que les députés n'ont pas souhaité s'en saisir. Nous soumettrons donc ce texte à la sagacité de nos collègues de l'Assemblée nationale, après avoir conduit des auditions qui démontrent la nécessité de rendre la capacité aux communes de choisir si elles souhaitent transférer les compétences eau et assainissement aux communautés de communes.
Je suis conseiller municipal d'une petite commune de 215 habitants et conseiller d'une petite communauté de communes de 5 200 habitants, dont j'ai été président pendant quelques années. Le texte proposé par Jean-Yves Roux répond aux attentes légitimes des élus des territoires ruraux et de la montagne, dont nous sommes tous les deux issus. En effet, l'intercommunalisation forcée des compétences eau et assainissement n'est pas en phase avec les capacités techniques et financières des communes de ces territoires.
En matière d'eau et d'assainissement des eaux usées, le Gouvernement a brutalement remis en cause la liberté des communes par le biais de simples amendements déposés à l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). L'objectif poursuivi était de rendre obligatoire le transfert de ces compétences aux communautés de communes et d'agglomération, à l'instar de ce qui était déjà prévu pour les communautés urbaines et les métropoles.
Notre assemblée s'est opposée à ce transfert obligatoire, consciente des difficultés qu'il allait poser aux communes de nos territoires ne connaissant pas la même urbanisation que les autres intercommunalités. Toutefois, lors de la commission mixte paritaire qui s'était alors tenue, le Parlement avait trouvé un compromis en reportant le transfert obligatoire au 1er janvier 2020.
Il s'agissait d'un premier aménagement, qui a été suivi d'une longue série, car nous n'avons jamais abandonné l'objectif de laisser aux communes leur liberté, ce qui constitue une position constante du Sénat.
Ainsi, dès janvier 2017, le président Retailleau a déposé une proposition de loi visant à rétablir le caractère optionnel du transfert de ces compétences aux communautés de communes et d'agglomération. Sur la base de l'excellent rapport de notre collègue Mathieu Darnaud, notre commission avait adopté ce texte, qui a ensuite été voté à l'unanimité par le Sénat. L'Assemblée nationale a néanmoins décidé de renvoyer l'examen de cette proposition de loi en commission.
Nos collègues députés ont préféré apporter une réponse différente en adoptant un texte visant à reporter le transfert au 1er janvier 2026 pour les seules communautés de communes, à condition pour les communes membres de réunir une minorité de blocage. Ce texte, devenu loi du 3 août 2018 dite « Ferrand-Fesneau », a offert un répit bienvenu, mais insuffisant.
Par la suite, la loi Engagement et proximité du 27 décembre 2019 a étendu les cas dans lesquels cette minorité de blocage pouvait s'appliquer. De plus, elle a régularisé les délibérations intervenues après le 1er juillet 2019, date butoir à laquelle les intercommunalités devaient se prononcer sur le report. Elle a aussi permis, après le 1er janvier 2020, l'exercice d'une minorité de blocage des communes membres d'une communauté de communes, dans l'hypothèse où cette dernière tenterait d'obtenir l'exercice des compétences eau et assainissement de manière anticipée par rapport à l'échéance de 2026.
Le transfert obligatoire a ensuite fait l'objet d'une autre série d'aménagements, qui demeurent toutefois limités et ne sauraient constituer des réponses adéquates aux attentes exprimées de façon répétée par les élus locaux.
En premier lieu, la loi Ferrand-Fesneau a permis aux communautés de communes de se substituer à leurs communes membres au sein d'un syndicat, si au moins une commune siégeant au sein de ce syndicat n'est pas membre de la communauté de communes.
En second lieu, la loi Engagement et proximité a prévu la possibilité de déléguer les compétences eau et assainissement à une commune membre de la communauté de communes ou à un syndicat infra-communautaire. La délégation à ce dernier est toutefois très encadrée. En effet, le syndicat doit avoir existé au 1er janvier 2019 et être inclus en totalité dans le périmètre de l'intercommunalité. Les communes ne peuvent donc pas créer un syndicat pour bénéficier de cette faculté de délégation. En outre, le maintien du syndicat doit être décidé par le seul organe délibérant de la communauté de communes. La décision ne revient donc pas aux conseils municipaux et aucun mécanisme de minorité de blocage n'est prévu. Même si le syndicat est finalement maintenu, il exerce ses missions pour le compte de l'intercommunalité, à qui il rend compte de son activité.
En troisième lieu, la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS) dispose que les syndicats infra-communautaires de gestion des eaux préexistants au sein d'une communauté de communes sont maintenus après le 1er janvier 2026, sauf si la communauté de communes délibère contre ce maintien. Les syndicats exerceront alors les compétences eau et assainissement en lieu et place de la communauté de communes. Une fois de plus, le pouvoir des communes est donc fortement réduit.
En résumé, après le 1er janvier 2026, le transfert des compétences sera définitif, même si les communes peuvent en moduler les effets par le mécanisme des délégations que je viens de décrire. Toutefois, celui-ci ne permet pas aux communes d'être maîtres de leur destin en matière d'eau et d'assainissement.
Cette situation doit donc évoluer rapidement, car, nous le savons, l'échéance du 1er janvier 2026 est proche et risque d'avoir un « effet cliquet ».
Avant d'évoquer la proposition de loi de notre collègue Jean-Yves Roux, je tiens à revenir quelques instants sur les arguments qui justifient un vote favorable de notre commission.
D'abord, les élus locaux craignent une forte augmentation du tarif de l'eau, compte tenu de l'hétérogénéité des modalités de gestion au sein d'une même intercommunalité. En outre, l'intercommunalisation de ces compétences risque d'entrainer simultanément une perte de connaissance des réseaux et des dépenses nouvelles de fonctionnement, pour l'emploi d'agents spécifiques dédiés.
Ensuite, le périmètre administratif des communautés de communes ne correspond pas à la réalité géographique et hydrique des territoires concernés - il s'agit là d'une critique constante de notre commission.
En outre, les maires que j'ai entendus confirment que de nombreuses intercommunalités ne sont pas en demande d'exercer les compétences relatives à l'eau et à l'assainissement des eaux usées. Nombre d'entre elles ne le souhaitent pas. Il est évident que les territoires pour lesquels la mutualisation de ces compétences est pertinente l'ont déjà fait depuis plusieurs années, sans attendre le vote de la loi NOTRe en 2015.
Enfin, les inquiétudes des élus locaux sont objectivées par les statistiques relatives à l'exercice des compétences eau et assainissement par les communautés de communes. En effet, au 1er octobre 2022, seules 329 des 992 communautés de communes exercent la compétence liée à l'eau, 420 sont chargées de l'assainissement collectif et 723 gèrent la compétence de l'assainissement non collectif. Ces chiffres confirment l'absence de consensus majoritaire au sein de l'organe délibérant des communautés de communes pour exercer ces compétences.
Lorsque j'ai procédé à l'audition des services de la direction générale des collectivités locales (DGCL) chargée des questions d'eau et d'assainissement, je leur ai présenté les différents arguments que je viens d'évoquer. Cependant, j'ai été surpris par leur impossibilité de m'expliquer comment justifier concrètement l'obligation de transfert.
J'aimerais également partager une réponse que l'on m'a apportée et qui pourrait vous faire sourire. Il m'a été expliqué que le transfert des compétences aux communautés de communes pourrait résorber le taux de fuites. Ce taux est utilisé pour mesurer l'efficacité de la gestion des réseaux. Mais ce n'est pas parce que la compétence sera transférée à l'intercommunalité qu'il y aura des financements supplémentaires pour les investissements à réaliser ! L'État sera-t-il prêt à dépenser davantage pour les communautés de communes ? Je ne le crois pas et j'aimerais que l'on parvienne à m'expliquer en quoi ce transfert permettra de résoudre le problème.
À l'aune de l'ensemble de ces éléments concrets et de ma conviction personnelle, j'adhère complètement à l'intention qui sous-tend la proposition de loi de Jean-Yves Roux, laquelle prévoit de supprimer le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux communautés de communes.
Je vous proposerai néanmoins d'adopter un amendement de réécriture globale, visant à renforcer l'opérationnalité du dispositif, en organisant les modalités de restitution des compétences aux communes et en leur offrant la possibilité de maintenir les conventions de délégation existantes, et de conclure de nouvelles conventions compte tenu de leur liberté retrouvée en la matière. En prévoyant un mécanisme de restitution aux communes des compétences déjà transférées, nous renforcerons l'effectivité juridique du texte.
La faculté de restitution peut s'exercer à tout moment et pour tout ou partie des compétences. L'amendement proposé donne le pouvoir aux communes, et non à l'intercommunalité, de décider d'une restitution des compétences eau et assainissement. Ainsi, elle pourra être obtenue si une majorité des conseils municipaux la demande. Concrètement, si une communauté de communes est composée de dix communes, il faudra qu'au moins six conseils municipaux, indépendamment de leur poids démographique, délibèrent en faveur d'une restitution des compétences. À titre d'exemple, la communauté de communes de Millau compte 30 000 habitants dont 23 000 se trouvent à Millau. En retenant le poids démographique, si la ville de Millau s'opposait, les communes rurales ne pourraient jamais retrouver leurs compétences.
Afin d'éviter aux communes minoritaires de se voir imposer une « redescente » de compétences qu'elles ne souhaitaient pas exercer, l'amendement prévoit aussi un mécanisme de transfert « à la carte » et simplifié des compétences « redescendues » à la communauté de communes.
En outre, afin d'éviter qu'une minorité de communes ne se retrouvent dans l'impossibilité d'exercer à nouveau ces compétences en cas de majorité défavorable à une restitution, le dispositif prévoit que dès lors qu'il existe un accord sur cette demande entre la communauté de communes et une ou plusieurs communes, la restitution peut avoir lieu.
En second lieu, il semble essentiel d'assurer une stabilité aux conventions de délégation existantes entre les communautés de communes et leurs délégataires. En effet, il ne faut pas remettre en cause des modalités de fonctionnement satisfaisantes pour les communes.
Néanmoins, dans l'hypothèse d'un changement du titulaire de l'exercice de ces compétences en raison d'une restitution de ces dernières à la commune, l'amendement prévoit la possibilité pour la commune de mettre fin à la convention de délégation avant son terme dans le but de la renégocier, d'assurer une restitution effective des compétences aux communes ou de modifier le périmètre des syndicats délégataires.
En troisième lieu, je propose de créer un mécanisme dérogatoire de délégation de compétences plus souple que celui prévu par le droit commun. En effet, les délégataires pourront être des communes ou des syndicats infra-communautaires existants ou créés postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi, ce qui est actuellement impossible. La délégation pourra également porter sur tout ou partie des compétences eau et assainissement. Enfin, la convention de délégation devra prévoir les conditions tarifaires des services d'eau et d'assainissement des eaux usées sur le territoire de la communauté de communes.
Pour conclure mon propos, je tiens à souligner que j'ai travaillé en parfaite coopération avec Jean-Yves Roux et que j'ai interrogé certains de nos collègues ayant beaucoup travaillé sur ce sujet, pour élaborer l'amendement proposé et pour formuler des pistes de solutions équilibrées et consensuelles, dans l'intérêt de nos communes.
Le rapporteur a parfaitement rappelé la longue histoire qui prévaut depuis que se pose cette question du transfert forcé des compétences. Tout cela m'évoque L'Affaire Tournesol et le sparadrap du capitaine Haddock, dont il ne parvient pas à se débarrasser. En l'espèce, il s'agirait plutôt du sparadrap de Marylise Lebranchu, anciennement ministre de la décentralisation, de la fonction publique et de la réforme de l'État, puisque la faute originelle provient de la loi NOTRe de 2015. Nous avions alors prévenu du risque que nous courions en niant le principe de libre administration des communes.
Depuis, nous avons observé quelques tentatives, émanant surtout du Sénat, pour trouver des aménagements au transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux intercommunalités. Toutefois, ces mesures se heurtent à de telles difficultés de mise en oeuvre qu'il apparait clairement que ces concessions modestes, faites par le Gouvernement pour tenter de sauver la mise et maintenir coûte que coûte ces transferts obligatoires, ne suffiront pas.
En 2015, le Gouvernement justifiait son choix sous couvert de rationalisation des cartes syndicales liées à ce service public. Il expliquait que les taux de fuites étaient plus importants pour les petits syndicats que pour les gros et que ces compétences devraient donc s'exercer au niveau intercommunal. Il niait ainsi la réalité territoriale et géophysique, sur laquelle s'appuie l'exercice syndical.
Nous sommes face à un sujet majeur. Le Gouvernement s'obstine à ne pas vouloir remettre cette mesure sur le métier, niant une réalité que les communes perçoivent de mieux en mieux à l'approche de 2026. En 2018, nous leur avons donné huit années supplémentaires, mais il ne s'agissait que de faire reculer l'obstacle qui s'annonce et se traduira par de graves difficultés en matière de fonctionnement démocratique, de gouvernance, de prix de l'eau, de réseaux et de capacités, les petits syndicats risquant de perdre des compétences, techniques, mais aussi humaines. Aujourd'hui, nous ne sommes pas en mesure de leur donner une perspective claire. Il va falloir que le Gouvernement prenne conscience des difficultés à venir et cette proposition de loi est la bienvenue, car elle fait office de piqûre de rappel, sur un sujet dont on risque de ne pas pouvoir se débarrasser, comme du sparadrap du capitaine Haddock.
Rares sont les sujets qui reviennent ainsi à échéance régulière et font l'objet de trois dépôts de propositions de loi, émanant de trois groupes différents. On a prétendu que nous étions enfermés dans des logiques anti-intercommunalistes et que nous tentions, de façon déguisée, de détricoter l'intercommunalité. Mais les faits sont têtus. Nous devons prendre en compte les aspirations des élus des territoires.
La loi NOTRe avait pour objectif de toiletter la carte intercommunale et les préfets avaient la mission de faire disparaitre les syndicats, notamment ceux des eaux. Pourtant, aucun syndicat des eaux n'a été supprimé lors des travaux des commissions départementales de coopération intercommunale.
Le Sénat a toujours adopté une démarche objective. À titre d'exemple, je rappelle que pour la loi Engagement et proximité, nous avons souscrit à la proposition faite par le Gouvernement de mettre en oeuvre le principe de subdélégation. Cependant, nous avions annoncé nos craintes - tout comme nous l'avions fait au moment des discussions sur la loi NOTRe -, convaincus que cette disposition nouvelle en droit ne fonctionnerait pas. Aujourd'hui, quatre départements s'y sont essayés, mais cela ne pouvait pas fonctionner puisque les communes se voyaient transférer ou déléguer l'exercice de la compétence, sans retrouver la capacité de fixer le prix de l'eau ou de voter le budget.
Nous sommes dans une impasse et, au-delà du débat technique dans lequel je ne voudrais pas que nous nous enfermions, deux sujets prévalent. Le premier a été rappelé : la compétence de l'eau est singulière et ne répond pas à une logique intercommunale, mais à une problématique de bassin versant. Souvent, les périmètres intercommunaux relèvent plutôt d'une logique de bassin de vie, raison pour laquelle nous n'avons pas fait disparaitre les syndicats des eaux. Cependant, à partir de 2026, les syndicats agiront en représentation-substitution des intercommunalités. Ainsi, ce ne seront plus les communes qui désigneront les membres du conseil syndical, mais les intercommunalités. L'intercommunalité sera toujours en capacité d'imposer des choix, à commencer par des choix budgétaires, à des syndicats dont tout le monde s'accorde à dire qu'ils fonctionnent parfaitement bien.
Le prix de l'eau pour l'usager représente le deuxième argument plaidant en faveur d'un caractère facultatif du transfert. Hier, nous entendions l'ensemble des directeurs des agences de l'eau, dans le cadre de la mission d'information sur la « Gestion durable de l'eau : l'urgence d'agir pour nos usages, nos territoires et notre environnement » que le Sénat conduit depuis le mois dernier. Tous s'émeuvent et expliquent qu'ils ont mis en place les « Aqua prêts » pour leur permettre d'investir, mais que cela ne fonctionne pas. Les budgets eau et assainissement des intercommunalités sont saturés en raison du désengagement de ces agences et, au bout du compte, on actionne le levier fiscal et on augmente le prix de l'eau. Ce n'était pas la volonté du législateur.
Nous ne souhaitons pas faire de l'eau une compétence singulière même si, compte tenu des phénomènes de sécheresse qui vont rythmer les années à venir, une grande agilité en matière de gouvernance de l'eau sera nécessaire.
J'observe d'ailleurs que de nombreuses agences, alors même que nous ne sommes pas encore en 2026, ne financent plus les projets d'eau dès lors que la commune n'est pas en intercommunalité. Il s'agit là d'un profond dysfonctionnement et une façon de piétiner le travail du législateur. Par ailleurs, les enveloppes de dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) sont contraintes de prendre en compte les projets eau et assainissement dans certains départements, alors que la DGCL ne le souhaitait pas. Pour toutes ces raisons, je souscris pleinement au texte et aux aménagements proposés.
Au Sénat, l'eau constitue une sorte de marronnier. Nous nous battons depuis 2016 pour faire valoir une intelligence de situation et nous sommes totalement incompris. Chaque fois que nous évoquons ce sujet, nous sommes confrontés à une raideur caricaturale et on nous explique que l'intercommunalité est à même de gérer l'eau de la façon la plus efficiente, assurant un taux de fuites et un coût moindres. Toutefois, si nous continuons d'évoquer ce sujet, c'est parce qu'il y a des territoires en France où l'on ne peut pas intercommunaliser la gestion de l'eau. Celle-ci doit se faire à l'échelle d'un bassin versant, l'eau ne suivant pas, dans son cours, un périmètre administratif.
J'en viens à l'invention de la subdélégation. Pourquoi les communes donneraient-elles à l'intercommunalité une compétence pour qu'elle la leur redonne ensuite ?
Certains territoires rencontrent toujours des difficultés que nous ne parviendrons pas à résoudre. Il est temps que nous réussissions à nous faire comprendre et qu'on arrête de nous caricaturer, alors même qu'il s'agit d'une affaire de bon sens et que la preuve de l'efficience du transfert n'a pas été faite. Le transfert pose un problème de coût et interroge en matière de DETR, voire de dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), quand des sommes folles sont prévues pour financer la distribution, la qualité de l'eau et les ouvrages.
Les élus ont inventé l'intercommunalité pour la gestion de l'eau et de l'assainissement il y a bien longtemps, avec la création des syndicats. Notre obsession est salutaire. Je finirai en soulignant que les choses se compliquent, certains ayant déjà transféré leurs compétences.
Le sujet est effectivement récurrent. Il est aussi passionnant et passionné, mais il est peut-être moins sensible dans les territoires qu'ici. En effet, si fin 2021 seules 31 % des communes avaient transféré leurs compétences, fin 2022, 48 % des intercommunalités ont pris la compétence de l'eau et 56 % celle de l'assainissement. Nous observons donc une accélération sensible des transferts.
Par ailleurs, Intercommunalités de France a lancé une enquête pour savoir ce que comptaient faire les territoires et nombre d'intercommunalités ont annoncé qu'elles exerceraient la compétence à partir de 2023 ou 2024, soit bien avant la date fixée.
Le Sénat s'est saisi de cette question à plusieurs reprises et a adopté un certain nombre de mesures d'assouplissement. À ce titre, la date butoir a été reportée à 2026. En outre, le dispositif des subdélégations a été mis en place et un certain nombre de communes y ont eu recours. La possibilité pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de financer des investissements sur le budget principal a permis de dégager des moyens utiles. Enfin, la dérogation à la dissolution des syndicats a été mise en oeuvre ici et là.
Je souhaiterais rappeler combien cette compétence est importante et sensible dans les temps qui sont les nôtres. À cet égard, il faut pouvoir investir de façon massive.
Par ailleurs, l'émiettement qui existait et qui existe encore dans certains départements favorise certains grands groupes, les syndicats n'ayant pas les moyens de conduire leurs propres analyses ni d'avoir leurs propres capacités de décision.
Tous les assouplissements adoptés depuis la loi NOTRe, qui n'avait effectivement pas pris en considération les difficultés liées au transfert, permettent aujourd'hui d'avancer. Ainsi, nous ne comprenons pas pourquoi il faudrait balayer tout ce qui a été décidé en adoptant cette proposition de loi. D'ailleurs, nos collègues les plus allants sur le sujet devraient relire les déclarations qu'ils ont faites lors des débats autour de la loi 3DS et des autres textes : ils disaient que ces solutions de compromis étaient bénéfiques et devaient permettre de régler les problèmes.
Le débat sur la compétence eau et assainissement prend un caractère quasi obsessionnel au Sénat, pas forcément pour de bonnes raisons. Certaines interventions ont souligné que les transferts n'étaient pas forcément efficients, mais encore faudrait-il prouver l'efficience de l'exercice de cette compétence au niveau communal et syndical !
Historiquement, quand on a créé les syndicats intercommunaux, en 1890, ils concernaient peu de compétences, mais l'une des premières a été - avec celle de l'électrification - celle de l'eau et l'assainissement, signe qu'une commune pouvait difficilement la gérer seule, eu égard à sa nature stratégique et à son coût.
Par ailleurs, on nous donne les chiffres en matière d'exercice des compétences, mais je rappelle que si 50 % des intercommunalités exercent la compétence eau, cela concerne déjà 76 % de la population française. De la même façon, pour l'assainissement, environ 55 % des communautés de communes l'exercent, ce qui représente 80 % de la population. Dans les faits et en volume, nous avons déjà basculé dans un autre monde.
J'entends qu'il faut prendre en considération la question géographique dans l'exercice de cette compétence. Mais est-ce fait davantage au niveau communal et syndical ? Je ne le crois pas. Un exercice communal de la compétence eau et assainissement ne constitue pas une garantie de l'exercice de cette compétence sur l'ensemble du bassin.
En outre, nous rencontrons des problèmes d'investissements. J'entends les questions posées par l'utilisation de l'enveloppe DETR. Toutefois, parce que certains veulent maintenir le coût de l'eau très bas, nos réseaux souffrent d'un sous-investissement chronique, qui n'est pas tenable dans le cadre du réchauffement climatique. L'investissement se fait mieux en volume au niveau intercommunal, au moins sur cette compétence.
En 2017, le déficit annuel d'investissement pour le renouvellement de nos réseaux était estimé entre 776 millions et trois milliards d'euros. Pourtant, eu égard à la rareté de l'eau et aux difficultés actuelles, cette compétence n'a jamais été aussi importante sur nos territoires, quelle que soit l'utilisation que l'on fait de l'eau.
Le rapporteur l'a rappelé : la loi a déjà été adaptée à quatre reprises. On peut continuer à jouer et à détricoter ce qui a été fait ou alors, on décide de laisser le mouvement se faire et on considère que certains territoires, comme les montagnes, ont besoin d'un traitement différencié...
Non, ce n'est pas ce que vous dites. La loi est générale par définition et elle s'applique à tous. Or les problèmes que nous évoquons sont particuliers.
Je rappelle que, dans l'enquête réalisée auprès des présidents d'intercommunalités, l'eau apparait comme la deuxième priorité des mandats de l'ensemble des présidents, quelle que soit leur appartenance politique ; tout le monde prend conscience de l'intérêt stratégique de cette compétence. Laissons-la être transférée et pensons les choses autrement sur certains territoires. Mais ne remettons pas en cause des choses acquises dans la majorité des territoires, où les choses se déroulent plutôt bien, y compris en matière d'investissement.
Les syndicats intercommunaux à vocation multiple (SIVOM) fonctionnent souvent très bien, en termes d'investissement et de coûts, assurant un maintien du prix de l'eau à un niveau très compétitif. Quand le transfert a lieu au forceps, les maires ne sont pas en mesure de se plaindre alors que le prix de l'eau augmente. En effet, l'intercommunalité détient le pouvoir et l'argent. Même s'il y a un semblant d'accord, le transfert leur reste au travers de la gorge, quelle que soit leur couleur politique. Certes, l'eau va devenir un or blanc et nous manquons déjà d'eau potable, livrée au moyen de citernes dans certains endroits. Mais n'oublions pas que plus ils sont noyés dans un gros système, moins les maires se sentent écoutés et moins ils osent prendre la parole.
J'ai été président d'une petite intercommunalité très rurale de 5 200 habitants, comprenant treize communes. Aujourd'hui, deux d'entre elles appartiennent au syndicat des rives du Tarn, deux autres au syndicat mixte du Lévézou Ségala, trois autres sont en régie et, à l'Est, une commune fait partie d'un SIVOM ; treize communes pour quatre régimes différents.
Mon appréhension des choses n'est pas la même que la vôtre, monsieur Kerrouche. Effectivement, le transfert fonctionne dans les villes et quand on raisonne en masse, mais nous raisonnons pour tous les Français, y compris ceux qui habitent dans des zones très rurales, pour lesquelles la commune compte beaucoup.
Je ne parviens pas à comprendre pourquoi la communauté de communes serait plus efficiente. Je comprendrais mieux si l'on transférait la compétence aux départements, car les investissements seraient alors uniformisés. Mais les intercommunalités sont toutes différentes.
La DETR est amputée à certains endroits d'une partie de son budget qui devrait servir à financer d'autres investissements comme les écoles, pour financer l'eau et l'assainissement. Cela pose un véritable problème.
De plus, des maires ont pensé qu'ils pourraient remettre à plus tard certains investissements, notamment en matière d'épuration. Le transfert de compétences s'accompagnera d'un transfert de charges. Face à ce sous-investissement observé dans la perspective de 2026, nous nous devons de réagir.
En outre, vous dites que la mutualisation assure toujours un meilleur fonctionnement. J'étais président d'un SIVOM quand nous sommes passés en communauté de communes et ce changement a coûté beaucoup plus cher que prévu, parce qu'il nécessitait la présence de cadres intermédiaires. Tous ces changements d'échelle coûtent plus cher que prévu et c'est le cas aussi du regroupement des régions. J'espère d'ailleurs qu'il y aura un jour une mission d'information ou une commission d'enquête sur ce sujet, parce que beaucoup d'argent public a été perdu.
Nous souhaitons que ceux qui ont déjà la compétence et veulent la conserver puissent le faire. Mais 2026 va arriver de façon très brutale et nous serons confrontés à des problèmes très difficiles à gérer dans de nombreuses intercommunalités. Par ailleurs, nous ne voulons pas que les communes n'aient plus que l'état civil à gérer. Les maires qui le souhaitent doivent pouvoir conserver certaines compétences, d'autant que les intercommunalités ne souhaitent pas toutes se les accaparer.
Notre ancienne collègue Jacqueline Gourault avait voté avec nous le caractère optionnel du transfert. Cependant, une fois arrivée au Gouvernement, elle a fait valoir un non définitif...
Certains d'entre vous souhaitent peut-être accompagner ce mouvement vers des communautés de communes de plus en plus larges. Mais désormais, qui va siéger au sein des gros syndicats ? Les représentants de communautés de communes...
Qui sont les représentants des communautés de communes ? Ce sont les représentants des communes.
M. Kerrouche fait valoir que ceux qui siègent à la communauté de communes restent des représentants communaux. Cependant, je voudrais rappeler l'idée initiale d'élire le président des exécutifs d'EPCI au suffrage universel direct, ce qui revenait à signer l'arrêt de mort des communes. Nous sommes dans la même logique. D'ailleurs, le terme « émiettement » ne traduit que le particularisme des syndicats et la volonté d'exercer cette compétence à l'échelle syndicale ou communale. Le terme est impropre.
De plus, le fait que 55 % des intercommunalités aient récupéré la compétence ne traduit en rien une volonté des communes pour que cette compétence s'exerce au niveau intercommunal. De même, vous évoquez 76 % de la population ; que fait-on fait des 24 % qui restent ? Ces chiffres traduisent les fortes difficultés rencontrées sur les territoires. Ces arguments me semblent assez spécieux, et je décèle derrière la volonté de passer, de manière assez sournoise, toutes les collectivités locales à la toise de l'intercommunalité.
Je ne peux pas laisser dire à notre collègue Didier Marie que la subdélégation fonctionne. Allez voir la DGCL et ils vous l'expliqueront : quatre départements y ont eu recours et le Vaucluse vient de renoncer parce que la situation était catastrophique. Si, dans ces conditions, vous estimez que le dispositif fonctionne, alors je comprends mieux pourquoi vous considérez comme une réussite le fait que 58 % des compétences aient été transférées, alors que ce chiffre reste très faible au regard des obligations prévues par la loi. Il s'agit de la seule compétence pour laquelle les élus trainent autant des pieds et je parle aussi d'élus métropolitains, comme ceux de Marseille que nous avons entendus.
Par ailleurs, M. Kerrouche dit que nous sommes tous d'accord en ce qui concerne les territoires de montagne. Mais pourquoi ne pas avoir proposé des aménagements de la loi pour qu'on les prenne en considération ? Déposez donc des amendements !
Dans mon département, une intercommunalité de 5 000 habitants représente un sixième du territoire de l'Ardèche. Demain, elle sera dans l'incapacité chronique de prendre en charge les compétences eau et assainissement. Les élus viennent encore de déposer à l'ANEM une motion signée à l'unanimité, pour dire qu'ils n'auraient pas les moyens budgétaires d'exercer ces compétences. Et ils ne seront pas suffisamment accompagnés par les agences de l'eau.
On peut dire que nous sommes des « crypto-réactionnaires » qui ne lâcheront pas le sujet. Mais on peut aussi considérer le sujet de façon qualitative et non quantitative. Faites une proposition, monsieur Kerrouche ! Arrêtez de dire que nous sommes sur une position défensive !
Que votre appréciation des intercommunalités soit différente de la nôtre, je l'entends. D'ailleurs, notre propos n'est pas de dire qu'il ne faut pas de transfert, mais qu'il y aura des territoires dans lesquels on ne pourra pas procéder au transfert. Il faut faire des propositions pour régler les problèmes posés.
Enfin, je ne peux pas non plus laisser dire que les syndicats des eaux ne fonctionnent pas. Allez sur les territoires : tout le monde salue leur travail. Et, si les préfets ne s'y sont pas attaqués, c'est bien parce qu'ils fonctionnent. Le syndicat peut faire un travail cousu main, en finesse, quand l'intercommunalité est toujours rattrapée par son principe de gouvernance et de centralité.
Le procès en intention n'est pas toujours drôle. D'abord, vous semblez penser que, parce que nous sommes favorables à ce transfert, nous ne sommes pas au courant de ce qui se passe dans les départements que nous représentons. Je suis élu d'un territoire rural et j'ai la prétention de connaitre mon territoire à peu près autant que vous connaissez les vôtres.
Deuxièmement, monsieur Darnaud, il y avait ici deux rapporteurs de la loi 3DS et j'attendais des propositions sur la différenciation...
En tout cas il n'y en a pas eu sur ce sujet. On ne peut reprocher aux autres de ne pas faire de propositions quand on a eu la possibilité d'en faire !
Troisièmement, en ce qui concerne la question syndicale, il y a deux façons de voir. De multiples études, dont l'une a été menée par la DGCL, montrent que les syndicats sont peu démocratiques dans leur fonctionnement et parfois techniquement défaillants. Pourtant, j'entends ici que tout va bien au pays des syndicats... Je ne dis pas qu'il faut systématiquement les supprimer. Il faut traiter les difficultés là où elles se trouvent et de manière spécifique, sans en ajouter ailleurs.
Enfin, j'en viens à la question des moyens, qui n'a rien à voir avec le transfert. Ce sujet est lié à une absence globale de moyens pour exercer les compétences eau et assainissement. Il ne s'agit pas d'un problème de véhicule législatif ou de contenant juridique.
Je ne peux pas laisser dire que les rapporteurs des différents textes n'ont rien proposé ! Je me souviens d'une première réunion à laquelle nous assistions avec Mathieu Darnaud. Nous n'étions pas encore assis que déjà les mots « eau » et « assainissement » avaient été prononcés et que Mme Gourault disait : « vous n'allez pas recommencer ? » Nous continuons parce que même vous, Messieurs Kerrouche et Marie, confessez qu'il existe un vrai problème...
Eh bien nous, nous aimons régler les difficultés. Il faut se rappeler ici l'objectif de l'intercommunalité : faire ensemble ce qu'on ne peut pas faire seul. Vous m'expliquerez, monsieur Kerrouche, comment une intercommunalité de 100 000 habitants aura les moyens de financer les investissements nécessaires. Pourrait-on se montrer raisonnables et pragmatiques, et trouver des solutions intelligentes ?
C'est un débat qui dure depuis trop longtemps et j'espère qu'il finira un jour. Ce qui nous différencie fondamentalement, au-delà des aspects techniques liés à cette question, c'est la manière dont nous concevons le rôle des élus locaux. La gouvernance locale doit-elle être décidée par voie d'autorité ou faut-il faire confiance aux élus locaux ? Nous avons d'un côté l'étatisme, qui se méfie des élus, qui veut les encadrer et impose sa règle et, de l'autre, la confiance pour l'adaptation aux réalités du terrain de l'organisation des compétences. C'est de ce côté que je me situe, comme la proposition de loi qui nous est soumise.
Tous les collègues qui se font les témoins des difficultés rencontrées par des élus locaux face à ce problème n'inventent rien. De la même manière, ceux qui disent que, dans de nombreux cas, la compétence intercommunale fonctionne de manière satisfaisante n'inventent rien non plus. L'erreur fondamentale réside dans le caractère systématique du transfert. Nous, sénateurs, sommes-nous en faveur de l'étatisme ou d'une organisation différenciée en fonction des besoins de la population ?
Enfin, en ce qui concerne les moyens d'investissements, je me permets de rappeler que si les réserves des agences de l'eau n'avaient pas été pillées en 2014 pour faire les fins de mois de l'État, nous n'en serions pas là.
Philippe Bas vient de résumer la philosophie de cette proposition de loi. Nous sommes les rapporteurs de ce que nous vivons sur les territoires.
La loi 3DS a permis la différenciation et c'est ce que nous proposons de faire au moyen de l'amendement de réécriture proposé. Encore une fois, nous n'empêchons rien.
Deux choses importent à chaque maire : la qualité et la quantité de l'eau disponible. Nous avons suffisamment de nouveaux habitants dans nos communes, fussent-elles rurales, qui étudient les relevés des agences régionales de santé (ARS) pour savoir si la qualité de l'eau est bonne. Et quand ce n'est pas le cas, les maires savent réagir.
En ce qui concerne la quantité, je fais aussi confiance aux maires. Je vois comme nous sommes organisés sur mon territoire, où des interconnexions ont été réalisées pour être utilisées en cas de problème. Nous faisons confiance aux maires qui doivent répondre à cette double nécessité.
Je ne vois pas en quoi cette proposition de loi pourrait être néfaste. Ce que nous proposons se fonde sur ce que nous constatons et nous ne souhaitons pas que les gens se retrouvent au pied du mur en 2026.
Nous en venons au périmètre retenu en application de l'article 45 de la Constitution : je vous propose de considérer qu'il inclut les dispositions relatives aux compétences des communautés de communes en matière d'eau et d'assainissement des eaux usées.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
Article unique
L'amendement COM-6 rectifié est adopté.
Intitulé de la proposition de loi
L'amendement COM-5 vise à modifier l'intitulé de la loi en remplaçant les mots : « de la compétence «Eau et Assainissement» » par les mots : « des compétences «eau» et «assainissement» ».
L'amendement COM-5 est adopté.
L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La réunion, suspendue à 11 h 05, est reprise à 14 heures.
Nous examinons le rapport de nos collègues Nadine Bellurot et Jérôme Durain dans le cadre de notre mission d'information relative aux impacts de la réforme de la police nationale sur l'exercice des missions de police judiciaire, engagé en septembre dernier.
Plusieurs rapports sur le sujet, venus des corps d'inspection et de nos collègues députés, ont été publiés depuis que nous avons lancé nos travaux, et nous avons pu en tenir compte. Chacun se souvient ici que le projet de réforme avait été à l'origine de vives contestations de la part de la police judiciaire et des magistrats à l'été dernier, contestations qui se sont poursuivies jusqu'à aujourd'hui. En lançant notre mission d'information, nous avions pour objectif d'évaluer la pertinence de l'organisation actuelle mais aussi et surtout de nous positionner sur le projet de réforme.
Nous avons entendu, avec mon collègue co-rapporteur Jérôme Durain, plus de 120 personnes et réalisé deux déplacements. Nous avons en particulier entendu l'ensemble des représentants de la police et de la justice des départements expérimentant la nouvelle organisation proposée.
Premier constat : l'organisation des missions judiciaires dans la police nationale ne répond plus aux enjeux actuels de la criminalité. De nouvelles formes de criminalité émergent, marquées par un lien très fort entre délinquance locale et trafics d'envergure internationale. Or, l'exercice de la police judiciaire dans la police nationale est aujourd'hui séparé en deux directions : la direction centrale de la sécurité publique (DCSP), en charge de la petite et moyenne délinquance et qui traite près de 98 % des infractions enregistrées par les services de police ; et la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), qui est une direction spécialisée en charge de la lutte contre la criminalité organisée, le terrorisme, la cybercriminalité ainsi que les formes graves et complexes de la délinquance spécialisée. Ces deux directions disposent d'une grande autonomie de fonctionnement, chacune d'elle ne rendant en pratique compte qu'à sa direction centrale. Le manque d'interactions entre services au niveau local pèse sur l'efficience de l'action de la police nationale.
À cela s'ajoute une perte d'attractivité croissante de la filière judiciaire dans la police nationale. Les causes de la « désaffection » de la police judiciaire sont multiples et bien connues : complexification de la procédure, forte responsabilisation personnelle des enquêteurs, déception des enquêteurs devant les décisions prises par les tribunaux, découragement face à la priorité affichée depuis quelques années en faveur des services de voie publique au détriment de ceux de l'investigation, afin de « mettre davantage de bleu sur le terrain ».
Cela se combine et entretient un phénomène préoccupant d'engorgement des procédures. Les stocks de procédures sont aujourd'hui très importants et concernent tant les contentieux de masse que les infractions délictuelles et criminelles graves. Cela conduit à une dégradation constante de la qualité des procédures pénales, des délais de traitements accrus et incompatibles avec les attentes des justiciables, ainsi que des modalités de traitement dégradées.
C'est dans ce contexte difficile pour la police judiciaire qu'intervient la proposition de réforme de la police nationale. Elle poursuit deux objectifs : une organisation en filières au niveau national, permettant l'unification des missions d'investigation au sein d'une seule direction, et, au niveau local, la création de « directions départementales de la police nationale » (DDPN) rassemblant l'ensemble des filières métiers de la police nationale dans une seule entité et sous une seule autorité.
Nos principales critiques tiennent à la méthode appliquée dans ce projet de réorganisation, avec l'expérimentation de ce nouveau schéma d'organisation dans plusieurs territoires d'outre-mer et dans huit départements hexagonaux. Trois années se sont écoulées depuis le lancement des premières expérimentations, mais il s'avère extrêmement difficile d'en établir un bilan.
Nous nous y sommes pourtant attelés : quelques points de satisfaction apparaissent indéniablement pour les directions mises en place dans les territoires ultramarins. Mais pour les expérimentations dans l'Hexagone, les résultats sont bien plus hétérogènes : si de véritables gains organisationnels et opérationnels peuvent être décelés dans certains départements, en particulier en Savoie, nombre de DDPN s'apparentent davantage à des « coquilles vides » dont la mise en place n'a eu aucun effet sur les pratiques.
Le projet de généralisation, ensuite, a été très mal conduit : le manque de concertation et de communication ont alimenté les doutes autour d'un projet lui-même inabouti, aux contours flous et changeants. Le projet a ressemblé à une succession d'ajustements en réaction aux contestations, sans stratégie claire ni calendrier prédéterminé.
Le projet de départementalisation s'est donc imposé comme un sujet incontournable dans l'agenda politique et médiatique, ce qui a obligé le ministre de l'intérieur à lancer une mission d'audit pour évaluer les expérimentations - ce qui n'était pas prévu à l'origine - et à différer la mise en oeuvre de la réforme pour attendre les conclusions de notre mission d'information et de celle de nos collègues de l'Assemblée nationale.
Après avoir entendu plus de 120 personnes, nous avons pu nous faire une idée éclairée du sujet. La réforme envisagée de la police nationale nous parait, dans le fond, viser la gouvernance de la police nationale plutôt que l'institution elle-même. Son enjeu principal est l'attribution opérationnelle des responsabilités et la rationalisation des moyens après des années de spécialisation et de dispersion qui ont abouti à un paradoxe : celui de directions obligées à définir leurs interactions par voie de protocoles...
Afin de répondre aux craintes qu'elle a suscitées, la réforme devra établir des règles claires sur trois sujets majeurs.
Le premier est le choix des futurs directeurs départementaux de la police nationale : un nouveau métier est à définir, et il faut garantir l'indépendance des nouveaux directeurs par rapport aux politiques quant aux missions de police judiciaire de la police nationale.
Le deuxième est celui de l'organisation de la chaîne de commandement et des prérogatives de chacun. L'un des enjeux importants de la réforme est la création d'une double autorité sur les services d'investigation placés au niveau départemental : autorité hiérarchique du DDPN, mais autorité fonctionnelle des représentants de la filière au niveau territorial supérieur - notamment au niveau zonal. Les prérogatives et moyens de chacun devront être clarifiés.
Le troisième enjeu est l'organisation territoriale elle-même, qui devra permettre de continuer à traiter de l'ensemble du spectre de la criminalité. Une organisation en trois niveaux nous semble la plus pertinente : un niveau national chargé de définir la doctrine d'emploi, d'assurer la coordination des services de police judiciaire et de conduire les enquêtes s'agissant des faits les plus complexes nécessitant l'intervention des offices centraux ou la coordination d'un grand nombre de services sur l'ensemble du territoire national ; un niveau zonal disposant d'une autorité sur les services de police judiciaire départementaux afin d'assurer la coordination de leurs actions et chargé de traiter la criminalité organisée, complexe ou présentant une particulière gravité, notamment grâce à l'implantation d'antennes des offices centraux - cet échelon devra disposer de moyens humains et budgétaires propres pour réaliser ses missions ; enfin, un niveau départemental, où l'organisation en trois niveaux des services de police judiciaire retenue dans les territoires ultramarins devra être généralisée. Pour ce faire, le caractère interdépartemental des services traitant la criminalité la plus complexe devra être préservé et un service traitant de la criminalité intermédiaire devra être généralisé dans l'ensemble des départements.
Nous sommes convaincus que la généralisation des DDPN avant la fin de l'année 2023 n'est ni réaliste, ni raisonnable : les conditions ne sont pas réunies pour conduire sereinement la réforme dans le respect du calendrier annoncé par le ministre de l'intérieur devant notre commission le 14 février dernier.
C'est pourquoi, sans remettre en cause le bien-fondé de la réforme et ses gains potentiels, il est impératif de la soumettre à un moratoire jusqu'à la fin des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, le ministre de l'intérieur lui-même ayant dit à plusieurs reprises les risques encourus lors de ce grand événement.
Ce moratoire sera l'occasion de lancer de véritables préfigurations - et non plus des expérimentations - dans l'Hexagone en sortant de la contrainte du droit constant ; il nous paraît également nécessaire d'avancer en temps masqué pour poser les jalons indispensables à la réussite de la réforme. Ni la modification de près de 180 textes règlementaires, ni la mise en cohérence de l'architecture numérique des applications de la police nationale avec sa nouvelle organisation, ni encore la mise en place de regroupements immobiliers, ne se feront du jour au lendemain.
Afin de ne pas reproduire les erreurs passées, il conviendra également de profiter de ce délai pour conduire une concertation continue et sincère, tant au niveau local que national, tant auprès des policiers que des magistrats.
La mission d'information nous a par ailleurs fait prendre conscience d'une problématique majeure pour notre société : celle des stocks de procédure dans nos commissariats - il y en a 2,6 millions -, qui sont autant de bombes à retardement pour la société. La contestation de la réforme de la police nationale en a été le révélateur, puisque les personnels des services de police judiciaire craignaient - et craignent encore - que la réforme ne conduise à les mettre à contribution pour résorber le stock d'affaires accumulées dans les services de la sécurité publique. Une telle orientation serait déraisonnable, inefficace et profondément nuisible à la société. C'est la raison pour laquelle nous estimons qu'un rééquilibrage des moyens entre voie publique et investigation est indispensable.
Le doublement des effectifs sur la voie publique n'aura de sens que si les effectifs des services judiciaires qui traitent les enquêtes et ceux des juridictions sont augmentés de manière proportionnelle. Sans cela, c'est toute la chaine pénale qui sera engorgée, sans amélioration de la réponse pénale. Il est certes important d'arrêter le délinquant en bas de l'immeuble, mais il faut aussi monter plus haut dans la hiérarchie de la délinquance, ou bien l'action ne sert à rien. Ce renforcement des effectifs devra être particulièrement important s'agissant de la hiérarchie intermédiaire dans les services d'investigation.
Nous considérons également que la réforme, par la création d'une filière judiciaire unifiée, constitue une opportunité : si elle est saisie, elle offrira aux personnels de véritables parcours de carrières, tant en matière de formation que de perspectives d'évolution de carrière et d'avancement.
Enfin, la réforme doit aussi être l'occasion de rappeler et de mieux garantir le respect des prérogatives de l'autorité judiciaire.
Le procureur de la République est chargé de mettre en oeuvre la politique pénale dans son ressort. Or, la définition des priorités assignées par les parquets aux services d'enquêtes se heurte parfois aux priorités définies par le préfet aux services de voie publique. Il convient de rétablir les procureurs de la République dans leur rôle de décisionnaires, en demandant aux préfets d'ajuster leurs orientations en fonction de la définition des priorités de politique pénale sur un territoire. Un dialogue croissant entre préfets et procureurs est ainsi nécessaire pour assurer la bonne déclinaison territoriale de la mise en oeuvre de la politique pénale définie par l'autorité judiciaire.
S'agissant du libre choix du service enquêteur, qui est une exigence posée par l'article 12-1 du code de procédure pénale, ce principe se heurte déjà fréquemment aux capacités de traitement limitées de certains services spécialisés. C'est donc en fait l'affectation et la répartition dans le temps des moyens humains entre les différents services appelés à réaliser des investigations qui sont en jeu.
Nous proposons donc de renforcer l'effectivité de ce principe par plusieurs moyens : en assurant un suivi du maintien des moyens matériels et humains affectés aux missions de police judiciaire, en inscrivant dans les textes règlementaires l'intégralité des services que l'autorité judiciaire pourra saisir dans la nouvelle organisation de la police nationale, en prévoyant l'information systématique du procureur et du juge d'instruction des moyens alloués par enquête.
Plus avant, nous demandons à ce que les doctrines nationales en cours d'élaboration rappellent formellement et solennellement les grands principes des relations entre l'autorité judiciaire et les services de police judiciaire. Ces grands principes sont : le placement de la police judiciaire sous la direction, le contrôle et la surveillance de l'autorité judiciaire, qui a valeur constitutionnelle ; les prérogatives de l'autorité judiciaire s'agissant notamment de la mise en oeuvre des priorités de politique pénale ; le secret de l'enquête et de l'instruction ; la préservation de la possibilité pour le procureur de la République ou le juge d'instruction de choisir librement le service d'enquête en charge des investigations ; la préservation d'une capacité à lutter contre l'ensemble du spectre de la criminalité, depuis la criminalité organisée ou financière à la délinquance du quotidien, en passant par la délinquance intermédiaire présentant un ancrage interdépartemental ou interrégional.
Voilà les recommandations que nous avons formulées d'un commun accord sur cette réforme.
Le projet de réforme était fortement contesté dans la police et magistrature l'été dernier, mais nous n'entendons désormais plus parler de contestation: que s'est-il passé entre-temps ?
Ceux qui contestent la réforme dans la police se sont exprimés et ils avaient décidé de suspendre leur mouvement jusqu'au 11 mars, date prévue d'une nouvelle mobilisation. Cette mobilisation a été reportée en raison de la contestation sur la réforme des retraites. Cependant, leur activité a continué sur les réseaux sociaux.
Dans la magistrature comme dans la police, des craintes ont été exprimées, le Gouvernement s'est expliqué et a fait des annonces, le mouvement a été suspendu en effet, dans l'attente d'investigations complémentaires, en particulier les deux rapports d'information de l'Assemblée nationale et du Sénat. Le nôtre clôt ainsi cette séquence.
Effectivement, il y a eu, le mois dernier, un rapport issu de trois services d'inspection, et il y a eu à la fin de l'année dernière un courrier du ministre de l'intérieur au ministre de la justice, confirmant que l'autorité judiciaire reste maîtresse de la police judiciaire - ce rappel du principe a peut-être contribué à apaiser les choses. De fait, la contestation n'a pas porté sur les aspects organisationnels du projet, une réforme est attendue, mais sur ce qui touche à la police judiciaire : la question s'est posée du niveau de responsabilité aux différents échelons de l'organisation proposée. On a pu alors réaliser que le niveau zonal serait intéressant pour l'échange d'informations contre la délinquance et qu'il y aurait là un progrès pour l'exercice des missions de police judiciaire.
Nos auditions nous ont fait toucher les causes de la colère envers la réforme. Il faut prendre en compte deux faits majeurs : le stock considérable des procédures en attente, qui a un effet très négatif sur les agents mais aussi sur les justiciables, et la prévalence d'une délinquance massive autour des stupéfiants, dont on nous a dit, à tous les niveaux, qu'elle requiert l'institution d'une police dédiée : tous les acteurs nous ont alertés sur le fait que cette délinquance gangrène le pays, et s'il ne faut pas exagérer ce phénomène, il faut prendre en compte ces signaux d'alerte très clairs.
Merci pour ce travail important, nous savons que vous êtes allés au fond des choses, cela nous est précieux. Et maintenant, à quoi tout cela va-t-il servir ? J'ai été frappée par le changement de vocable du ministre de l'intérieur : il ne parle plus d'une réforme de la police judiciaire, mais de la police. Et quel en sera le calendrier ? Vous dites votre perplexité, votre inquiétude même, d'une réforme précipitée - et vous demandez un moratoire jusqu'après les jeux Olympiques et Paralympiques : avez-vous rencontré le ministre pour le lui dire et lui présenter vos propositions ? Et quelle sera sa réponse - car assurément, votre travail n'a rien du pamphlet ni du brûlot politique, c'est un travail des plus sérieux, qui appelle une réponse précise du ministre.
Nous allons d'abord voter ce rapport, qui sera celui de la commission, puis nous l'l'adresserons au ministre de l'intérieur.
C'est effectivement la procédure. Nous proposons un moratoire et de desserrer l'étau. Cette réforme est mal née, on a peine à se représenter que certains services ont reçu leur nouvel organigramme sans aucune concertation préalable : en matière de conduite de projet, il est difficile de s'y prendre plus mal ! Le moratoire est l'occasion d'examiner les solutions, qui existent, et de les concerter.
Notre idée est bien de contribuer à améliorer les choses par la réforme, nous voulons lui donner toutes ses chances. Le ministre de l'intérieur a reconnu les difficultés numériques, les problèmes dans la mise en oeuvre de la réforme là où elle a été expérimentée ; il y a aussi, bien sûr, des problèmes d'immobilier qu'on ne règle pas en un jour. La gendarmerie est en avance sur l'immobilier et le numérique, grâce à son organisation. Nous devons, ensuite, prendre pleinement en compte les rendez-vous internationaux qui ont lieu en France cette année et l'an prochain, ils sont très importants pour notre pays. Pour notre réputation, nous devons les réussir. Il est donc plus judicieux de repousser la mise en oeuvre de la réforme et de la préfigurer très concrètement et dans le détail, à partir de ce qui a été expérimenté. Mettons-nous en situation, entièrement, pour une mise en route plus rapide une fois le bon moment venu.
Effectivement, la réforme, pour réussir, doit être servie par des moyens adaptés. Nous en avons eu un exemple à Angers, en visitant la plateforme « à 360 degrés » sur les migrations : le dispositif est là, mais sans moyens suffisants, ce qui contraint toute mise en place effective...
Je soumets désormais à votre approbation les 22 recommandations des rapporteurs.
Les recommandations sont adoptées.
La commission adopte le rapport et en autorise la publication.
La réunion est close à 14 h 40.