Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 7 novembre 2012 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • AEF
  • infrastructure

La réunion

Source

Lors d'une première séance tenue dans la matinée, la commission auditionne Mme Delphine d'AMARZIT, chef du service des affaires multilatérales et du développement à la direction générale du Trésor, sur le projet de loi de finances pour 2013 (programme 110 « Aide économique et financière au développement » de la mission Aide publique au développement).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Vous êtes la chef du service des Affaires multilatérales et du développement du Trésor et représentez ici M. Ramon Fernandez, directeur général du Trésor, qui n'a pas pu se rendre à notre invitation. En matière d'aide au développement, le ministre du développement peut s'appuyer sur deux directions : la direction générale de la mondialisation au quai d'Orsay (DGM) et la direction générale du Trésor du ministère de l'économie et des finances.

Vous allez nous présenter les crédits du programme 110, consacrés à l'aide économique et financière. Il poursuit un double objectif : premièrement, de solidarité envers les pays en développement et, deuxièmement, d'influence et de promotion des intérêts français. Il représente près d'un tiers des crédits d'aide au développement inscrits au budget de l'État.

Ce programme comprend, pour l'essentiel, la participation française aux institutions multilatérales de développement et notamment la Banque mondiale, la tutelle de l'AFD, la gestion des crédits de bonification mis à la disposition de cette agence ainsi que des crédits bilatéraux d'assistance technique et de traitement de la dette. Parallèlement, le Trésor traite des questions de développement dans différentes enceintes, qu'il s'agisse de la Banque mondiale ou du secrétariat du Club de Paris ou des conseils d'administration des banques centrales de la Zone franc.

Ces différentes fonctions conduisent le Trésor à intervenir dans le domaine de la stabilité macro-économique des pays en développement, dans le secteur des infrastructures, de la promotion du secteur privé et, plus récemment, dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique.

Pour cette audition, nous vous avons naturellement demandé une présentation globale du programme 110 « aide économique et financière au développement » du projet de loi de finances pour 2013. Mais au-delà, c'est l'occasion pour nous de réfléchir aux objectifs, aux moyens et à l'efficacité de cette politique.

En juin dernier, la Cour des comptes a rendu public un rapport d'évaluation approfondie de l'ensemble des instruments de l'aide au développement. Comme nous avons déjà eu l'occasion d'en discuter lors de la table ronde du 3 octobre dernier, le rapport de la Cour des comptes est assez sévère sur l'organisation de cette politique publique. Il en critique en particulier trois aspects. Votre gestion n'est évidemment pas en cause et c'est bien plus l'organisation de cette politique dont il est question.

La Cour des comptes, tout comme l'étude du cabinet Ernst and Young, soulignent tout d'abord la faiblesse des moyens dont dispose le Gouvernement pour piloter et coordonner cette politique qui est partagée entre le ministère des affaires étrangères, celui de l'économie et des finances et l'AFD. Ces deux études soulignent ensuite la mauvaise allocation des moyens au regard des priorités françaises dans ce domaine et notamment des pays prioritaires de la coopération française. Elles évoquent enfin la faiblesse des moyens d'évaluation et l'absence d'indicateurs de résultats permettant de piloter cette politique publique en fonction de son efficacité.

Je souhaiterais que vous nous indiquiez dans quelles mesures ce budget a pris en compte ces observations ? Et puisque votre service est également en charge des questions de stabilité macro-économique, je souhaiterais que vous nous disiez un mot de la situation économique des pays du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne qui sont pour la commission les deux priorités de notre coopération au développement.

Debut de section - Permalien
Delphine d'Amarzit, chef du service des affaires multilatérales et du développement à la direction générale du Trésor

Le programme 110 relève de la responsabilité du ministère de l'économie et des finances et concentre un tiers du programme budgétaire concourant à l'aide publique au développement (APD). Il est très complémentaire du programme 209, et s'intéresse à trois grandes thématiques : le soutien à la stabilité macro-économique, le soutien aux politiques de croissance et le développement durable.

Les crédits relatifs à l'aide multilatérale, non européenne et non onusienne, sont le principal bloc de ce programme, notamment les contributions de la France aux fonds concessionnels hébergés par les banques multilatérales de développement (BMD) ainsi qu'à certains fonds sectoriels. Sur le PLF 2013, ce sont 674 millions d'euros qui sont prévus, dont 400 millions pour l'association internationale de développement (AID), et 127 millions pour le fonds africain de développement (FAD). Il regroupe également les crédits relatifs aux bonifications des prêts portés par l'AFD vers les États étrangers, et à l'aide budgétaire globale (ABG), ainsi que le financement des opérations d'allégement de dette, multilatérales comme bilatérales.

Au total, le budget 2013 est quasi stable par rapport à 2012 : -2,5% en crédits de paiement, et la répartition prévue est de 58% pour les actions multilatérales, 32% pour les bilatérales, et 10% pour le traitement de la dette des pays pauvres. Une forte baisse, de l'ordre de 24%, est constatée en autorisations d'engagement, mais celle-ci est due à la saisonnalité des annulations de dette.

Pourquoi une telle attention portée aux instruments multilatéraux ? En 2013 auront lieu d'importantes reconstitutions. Nous préparons d'ores et déjà la négociation de la future reconstitution de l'AID (le fonds concessionnel du groupe Banque mondiale) dont la conclusion est prévue dans le courant de l'année prochaine, de même que celle du Fonds africain de développement, le FAD. Concrètement, lors de ces cycles de négociation, les bailleurs de fonds dialoguent avec les institutions pour essayer d'influer sur leurs priorités. Il est important pour la France de faire entendre sa voix sur ces questions, et nous avons particulièrement insisté au cours du temps pour que l'AID accentue sa priorité sur l'Afrique subsaharienne. D'une manière générale, nous participons davantage aux fonds multilatéraux sur lesquels nos priorités sont alignées : nous avons des objectifs en termes d'allocation de notre aide vers l'Afrique subsaharienne, et participer à ces fonds multilatéraux démultiplie ces objectifs. Plus de la moitié des interventions de l'AID, sous forme de dons ou de prêts concessionnels, est dirigée vers les pays d'Afrique subsaharienne. Et bien sûr davantage pour le FAD.

Dans le cadre de cette action multilatérale, nous oeuvrons également à amener les pays émergents à contribuer progressivement à ces fonds. Ceux-ci conduisent de plus en plus une politique d'aide et une politique commerciale dans ces pays. Il faut veiller à ce que ces politiques aient les mêmes standards que les nôtres. En les amenant vers ces outils multilatéraux, on les intègre à une communauté de bailleurs qui procède du même esprit. A défaut, ils interviennent selon leurs propres modalités, et c'est un risque qui peut être mis en avant avec le projet de « banque des BRICS ». La France, de par sa position internationale, doit oeuvrer pour ce système plus inclusif et plus respectueux des standards communs. L'action multilatérale favorise aussi nos entreprises, en permettant de créer un effet de levier important. La part des entreprises françaises dans les marchés de la Banque mondiale est supérieure à celle du Japon, 3ème contributeur de l'AID, et équivalente à celle du Royaume-Uni, 2ème contributeur. Ainsi, dans le cadre de la revue à mi-parcours des actions de la Banque mondiale avant de basculer vers la négociation du prochain cycle, la France a animé pendant un an un groupe de travail sur les États fragiles et proposé des pistes sur la façon d'intervenir et selon quelles modalités dans ces États.

Nous soutenons également des interventions multilatérales sectorielles, au premier rang desquelles l'environnement et le financement de la lutte contre le changement climatique. A travers le programme 110, nous participons aux fonds préalablement existants, comme le fonds pour l'environnement mondial. Le PLF 2013 nous permettra de participer au futur fonds vert pour le climat, issu de la négociation de Copenhague et de Cancun, via une quote-part de la taxe sur les transactions financières domestique. Notre contribution au Fonds vert bénéficie d'ailleurs de la forte visibilité politique attachée à cette taxe.

Le deuxième grand bloc du programme 110 est la contribution aux actions de l'AFD, puisque le ministère met à disposition de l'AFD les fonds nécessaires pour lui permettre de bonifier ses prêts aux États étrangers qui en ont besoin. 242 millions d'euros sont inscrits au PLF 2013. Certains pays sont particulièrement ciblés : la panoplie de prêts de l'AFD permet en effet de mettre en place des partenariats différenciés prévus dans le cadre de la stratégie défendue par le Gouvernement et repris dans le document-cadre de coopération, qui prévoit une différenciation importante en fonction de la zone géographique et de l'état de développement des pays concernés entre les pays émergents, l'Afrique subsaharienne et la zone méditerranéenne.

L'autre grand instrument de financement est celui des aides budgétaires globales, instrument souple et conforme à l'esprit de la Déclaration de Paris. Elles interviennent soit pour apporter un soutien rapide d'urgence, pour favoriser la stabilisation macroéconomique en cas d'un besoin de financement clair, soit pour contribuer à des stratégies de plus long terme visant à lutter contre la pauvreté, via un canal d'aide budgétaire en dons ou en prêts.

Enfin, le programme 110 intègre les impacts budgétaires des annulations de dette des pays pauvres, conformément aux engagements internationaux de la France. En 2012, nous absorbons le point d'achèvement de la Côte d'Ivoire et de la Guinée. En 2013, nous aurons des traitements de dette importants, surtout si nous parvenons à négocier le traitement des arriérés de la Birmanie, peut-être le Zimbabwe également (ces deux traitements sont imputés sur le programme 852). Il nous restera ensuite deux pays importants à traiter, dont le calendrier est incertain : la Somalie et le Soudan.

Enfin, le programme 110 finance aussi les instruments d'aide-liée de l'État, qui ont un double objectif d'aide au développement et de positionnement des entreprises françaises sur des marchés à fort potentiel. La réserve pays émergents n'émarge pas sur le programme 110, mais nous avons le fonds d'études et d'aides au secteur privé (FASEP) ainsi que des fonds plus ciblés.

Voilà pour les axes principaux du programme 110. Il existe une forte complémentarité avec les actions du ministère des affaires étrangères. Nous nous répartissons les instruments mais discutons ensemble des objectifs. Le document-cadre de coopération a été élaboré en commun, nous siégeons ensemble dans certaines instances et le dernier COM de l'AFD, document unique à la différence de la période précédente où chacun négociait le sien, a été élaboré en commun. Notre dialogue est fréquent et va s'intensifier dans le cadre des Assises du développement et de la solidarité internationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Ma question porte sur les instruments de notre politique bilatérale. La France a réduit ses dons et augmenté ses prêts. Ceci pose un défi pour la mise en oeuvre de la nouvelle stratégie de la France et le ciblage sur les pays les moins avancés qu'elle a proposé. Quand on regarde le budget, de 2008 à 2013 les subventions gérées par l'AFD auront diminué de 20% quand les bonifications de prêts auront augmenté du même pourcentage. Est-ce que cela procède d'une nécessité liée à la rareté des crédits ou d'une volonté politique ?

J'en viens maintenant à l'AFD. Ma première question concerne les fonds propres de l'agence. Elle limite aujourd'hui ses interventions dans des pays prioritaires comme le Maroc et la Tunisie. La Cour des comptes, dans un rapport particulier sur l'AFD, lui donne un satisfecit sur sa gestion, mais souligne la nécessité de renforcer son capital. Apparemment, plusieurs pistes sont à l'étude. Pouvez-vous nous en dire plus ?

L'AFD et l'Etat sont liés par une convention-cadre qui fixe notamment la rémunération de l'AFD pour les opérations qu'elle effectue au nom de l'Etat. Là encore, la Cour des comptes souligne la nécessité de revoir cet accord. Qu'en est-il ?

Les deux récentes évaluations sur notre politique de coopération se prononcent en faveur d'une poursuite des transferts de compétence au profit de l'AFD, à la fois pour des raisons de compétence en matière de gestion de projet et de rationalisation du réseau. Ces transferts pourraient concerner la gouvernance, l'éducation supérieure et également le suivi macro-économique. En tant que tutelle de l'AFD, pensez-vous que ces transferts soient souhaitables ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Le projet de loi de finances prévoit une affectation de 10 % du produit de la taxe sur les transactions financières (TTF) à l'aide au développement. C'est un début. Certains regrettent que le pourcentage ne soit pas plus élevé, que l'assiette ne soit pas plus large. Nous comprenons les contraintes du Gouvernement, même si nous regrettons que le montant ainsi affecté soit plafonné. Il ne s'agit pas véritablement de 10 %, mais de 60 millions d'euros. Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionne le FSD, qui percevra ces fonds et quels seront les critères d'attribution ?

Quels sont les fonds internationaux qui devraient être reconstitués l'année prochaine ? Pouvez-vous nous dire lesquels, nous décrire les montants en jeu ? C'est important pour nous, parce que, sur le programme 110, l'Etat renégocie ses contributions sur plusieurs années et se présente devant le Gouvernement en indiquant que l'on ne peut pas modifier ces contributions puisqu'elles correspondent à des engagements de l'Etat.

Quelques questions ponctuelles sur la myriade de fonds spécialisés qui sont financés par le programme 110, comme le METAC ou l'AFRITAC : pourquoi le fonds sur la vaccination (Iffim) ne relève-t-il pas du programme 209 ? Qu'est-ce que le fonds contre les juridictions non coopératives ? Quelles sont les lignes directrices de l'action du Trésor sur ces fonds spécialisés ?

Nous avions fait adopter, il y a deux ans, un amendement demandant notamment à ce que le document de politique transversale (DPT) intègre un bilan des engagements internationaux de la France dans le domaine de l'aide au développement. Le DPT vient d'être publié avec plus d'un mois de retard. Malheureusement, le document qui nous a été transmis ne comporte pas ce recensement. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ? Par ailleurs, nous souhaiterions que ce document soit revu pour être intelligible. Il y a un document-cadre, avec une stratégie par type de partenariat, des indicateurs, pourquoi ne pas reprendre ce cadre pour rendre lisible ce document ? Il est indispensable, pour expliquer aux Français pourquoi nous votons ces crédits, d'avoir des indicateurs de résultats.

Le ministre des affaires étrangères a insisté sur la dimension économique de notre diplomatie. Il est vrai qu'il nous faut chercher la croissance sur les marchés extérieurs. Or, il est un domaine où la France a des atouts, c'est l'expertise technique, en particulier dans le domaine de l'économie verte où notre savoir-faire est reconnu. Il s'agit de marchés considérables, financés en grande partie par des appels d'offres internationaux des grands bailleurs de fonds multilatéraux. Or, dans ce domaine, la France concourt à ces appels d'offres en ordre dispersé avec des opérateurs qui n'ont pas une taille suffisante pour être véritablement compétitifs. Comme l'ont souligné de nombreux rapports, l'offre française en matière d'expertise technique est fragmentée, chaque ministère ou presque a son opérateur. Les principaux acteurs se concurrencent, avec des champs de compétences qui se recoupent et des modèles économiques différents qui faussent le jeu, alors que les Allemands ou les Britanniques ont un opérateur unique, et bénéficient ainsi d'économies d'échelle importantes. Le rapport Maugüé, demandé par le Parlement, a souligné l'année dernière que l'expertise technique avait besoin d'une politique et d'un arbitre. N'y a-t-il pas moyen de fédérer les actions de l'opérateur lié aux finances ADETEF avec celui du Quai d'Orsay, FEI ? Par ailleurs, le ministère de l'économie et des finances devrait abonder le fonds d'expertise de l'AFD. Est à dire que l'AFD sera un nouvel opérateur ?

Debut de section - Permalien
Delphine d'Amarzit, chef du service des affaires multilatérales et du développement à la direction générale du Trésor

Les subventions inscrites dans le programme 209 ne relèvent pas de ma responsabilité et je ne peux donc me prononcer sur leur évolution. En revanche, les bonifications des prêts, qui relèvent du programme 110, ont effectivement été augmentées. Cette augmentation ne procède pas d'une « compensation » de moindre subvention, elle a accompagné l'extension géographique et sectorielle du mandat confié à l'AFD, par exemple dans le domaine de la croissance verte et solidaire. Par ailleurs, la France reprend, avec prudence, ses prêts aux pays d'Afrique sub-saharienne dont la soutenabilité de la dette a été restaurée par l'initiative d'annulation de dette des pays pauvres très endettées, « PPTE » ; notre pays agit d'ailleurs dans ce domaine selon des critères plus sévères que ceux du FMI et de la Banque mondiale.

Debut de section - Permalien
Delphine d'Amarzit, chef du service des affaires multilatérales et du développement à la direction générale du Trésor

La Côte d'Ivoire a reçu cette année un prêt de 350 millions d'euros visant à lui permettre de stabiliser sa situation politique et économique à l'issue du conflit.

Il faut aussi avoir conscience que les pays émergents ont tendance à prêter sans beaucoup de conditionnalité à des pays dont les Etats occidentaux viennent d'alléger la dette. Il s'agit là d'une situation problématique sur laquelle nous essayons de discuter avec les pays émergents, mais aussi avec les pays africains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Nous pratiquons donc des prêts « vertueux » alors que les pays émergents ne s'embarrassent pas de telles subtilités.

Debut de section - Permalien
Delphine d'Amarzit, chef du service des affaires multilatérales et du développement à la direction générale du Trésor

Ce sont les pays ayant de fortes ressources en matières premières qui bénéficient de prêts apparemment avantageux de la part des pays émergents. La France a intérêt à ne pas laisser les seuls émergents monopoliser les offres de prêts, tout en respectant le cadre de la viabilité de la dette. Comme l'a annoncé le ministre de l'économie et des finances, M. Pierre Moscovici, lors de la dernière réunion des ministres des finances de la Zone franc, la France soutient la création par la Banque mondiale d'un fonds d'expertise qui fournira des conseils juridiques aux pays sollicitant des prêts. Par ailleurs, nous invitons nos partenaires à respecter le cadre d'intervention défini par le FMI sur l'analyse de viabilité de la dette, de façon à ajuster ces prêts à la situation macro-économique du pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

J'ai été informé que le Maroc venait de bénéficier de fortes sommes fournies par le Qatar pour la rénovation de ses hôpitaux.

Debut de section - Permalien
Delphine d'Amarzit, chef du service des affaires multilatérales et du développement à la direction générale du Trésor

Le Maroc s'inscrit dans un cadre d'intervention validé par le FMI, puisqu'il a négocié un programme, mais certains pays comme la Tunisie ne souhaitent pas demander l'appui du FMI, sans doute en raison du « stigma » politique qui reste attaché aux interventions du FMI.

Je vais essayer de répondre rapidement à vos autres questions. Les fonds propres de l'AFD devront être conformes aux nouveaux critères définis par Bâle III, qui sont encore en cours d'élaboration, et nous travaillons avec l'agence pour nous y préparer. Par ailleurs, la convention-cadre de 2007 pourrait également être adaptée sur certains points.

La future taxe sur les transactions financières montera progressivement en charge, avec 60 millions d'euros en crédits de paiement affectés la première année à l'aide au développement, 100 millions la deuxième année et 160 millions en 2015, sachant que des engagements plus importants peuvent être pris dès 2013. La TTF (taxe sur les transactions financières), comme la taxe sur les billets d'avion, sera intégralement affectée au fonds de solidarité pour le développement (FSD). M. Cambon m'a interrogée sur la raison de la présence de certains petits fonds dans le document de politique transversale : ceci répond au souci du ministère des finances d'être exhaustif dans sa présentation. Ainsi, le METAC et l'AFRITAC contribuent à l'assistance technique. L'IFFIm (Facilité financière internationale pour la vaccination) est effectivement la seule portant sur le secteur de la santé qui émarge au programme 110 : c'est lié au caractère financièrement innovant (recourant à des émissions obligataires sur les marchés financiers) de ce mécanisme. Globalement, notre volonté est de veiller à ne pas multiplier ces petits fonds, et de tenter d'en supprimer au moins autant qu'on en crée, le dernier exemple en date étant le fonds créé auprès de la Banque mondiale par le partenariat de Deauville au profit des pays du printemps arabe en transition.

S'agissant du document de politique transversale, nous sommes conscients de la difficulté que crée pour les Assemblées sa transmission tardive. Nous faisons les meilleurs efforts mais c'est un document en « bout de chaîne » : il est notamment le fruit d'une enquête annuelle sur les sommes affectées à l'APD par les très nombreux ministères qui contribuent à cette politique ; au-delà des programmes 110 et 209, il dépend donc des arbitrages budgétaires, qui prennent nécessairement plus de temps une année d'alternance politique comme 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Mes remarques n'étaient en rien une critique. M. Peyronnet et moi-même nous efforçons de travailler sur l'évaluation de la politique d'aide au développement, ce qui suppose une réflexion en amont du budget.

Debut de section - Permalien
Delphine d'Amarzit, chef du service des affaires multilatérales et du développement à la direction générale du Trésor

L'intérêt que porte à notre action le Parlement est apprécié par mes services. Cependant, pour les raisons que j'ai précédemment exposées, l'enquête annuelle sur l'APD est difficile à mener précocement dans l'année.

En matière d'expertise technique, nous observons une tension classique entre intégration et spécialisation. Il y a effectivement une fragmentation importante du secteur. Nous effectuons un effort important de coordination, par exemple avec France expertise internationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Quels sont les outils de contrôle dont vous disposez en cours d'exécution de votre programme ? On se rappelle que des crédits ont longtemps été versés à l'assemblée parlementaire de l'UEO alors même que celle-ci n'existait plus ! Quels sont vos moyens d'action en cas d'exécution partielle ou si le pays a évolué de telle manière qu'il ne répond plus aux critères initiaux ?

Ensuite, est-il possible d'inclure dans vos conventions une clause de remboursement en cas d'arrivée dans le pays d'un don ? Dans n'importe quel ménage surendetté, une rentrée d'argent, suite à une succession par exemple, sert au remboursement d'une partie des dettes ! On pourrait imaginer que les États soient exemplaires de ce point de vue, et je pense à certains pays comme le Qatar, dont la réputation en matière de dons d'argent, autant auprès des pays en développement que de nos banlieues, n'est plus à faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Je me réjouis de trouver, dans le rapport bisannuel au Parlement, trois pages d'explication des divers sigles et abréviations ! Le jargon de l'aide publique au développement est une véritable jungle.

Ma question porte sur le montant de l'aide octroyée. On parle souvent en termes de pourcentages. Ne serait-il pas plus judicieux d'annoncer plutôt les montants ? Car une baisse du pourcentage consacré à l'APD n'est pas forcément révélatrice d'une baisse du montant !

Debut de section - Permalien
Delphine d'Amarzit, chef du service des affaires multilatérales et du développement à la direction générale du Trésor

Sur les outils de contrôle, nous avons la certitude que ce que nous finançons existe, et nous avons des systèmes de conventions pour nos versements. La plupart des contributions financées par le programme 110 passent par des acteurs comme l'AFD ou les institutions multilatérales financières (Banque mondiale, banques multilatérales de développement...) eux-mêmes soumis à de nombreux contrôles, et dont les actionnaires accordent une forte priorité à la bonne gestion. Néanmoins nous avons aussi des clauses permettant de suspendre les versements si des difficultés surgissent. Pour les prêts de l'AFD, un certain nombre de principes sont prévus dès la convention de prêt, avec des marqueurs ou déclencheurs pour le versement. Régulièrement, nous vérifions que les réformes demandées ont été mises en oeuvre, ou nous analysons pourquoi un marqueur bloque. Ainsi, dernièrement, le Liban n'a pas effectué les réformes prévues, les décaissements ont donc été suspendus. Des conditionnalités sont attachées à nos prêts. On essaie d'appliquer les mêmes principes pour les annulations de dette, en intégrant des clauses de retour à meilleure fortune lorsque c'est justifié. Il peut y avoir, à défaut d'une aide du Qatar, des découvertes de puits de pétrole dans des pays pauvres, mais lorsqu'un engagement d'annulation a été pris sur le plan international comme avec l'initiative PPTE, nous devons nous y conformer.

Concernant la trajectoire de l'aide publique au développement, l'engagement de 0,7% d'APD par rapport au revenu national brut est international et vise à égaliser les efforts des pays. En France, même si l'objectif n'est pas nécessairement atteint, nous avons tout de même un effort supérieur à celui de certains pays plus riches. En termes de communication, je partage votre sentiment qu'une communication en volume plutôt qu'en pourcentages est plus parlante. Il faut aussi prendre en compte l'ensemble de notre coopération, qui ne se limite pas à l'APD, pour comprendre la problématique plus large de financement du développement.

Puis la commission auditionne Mme Laurence Franceschini, directeur général des médias et des industries culturelles au ministère de la Culture et de la communication, sur le projet de loi de finances pour 2013 (programme 115 « Action audiovisuelle extérieure » de la mission Médias).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Madame le directeur général, je suis heureux de vous accueillir devant notre commission pour cette audition consacrée au projet de loi de finances pour 2013. Vous êtes en effet responsable de deux programmes complémentaires qui apportent aux opérateurs l'essentiel de leurs ressources :

- le programme 115 « Action audiovisuelle extérieure » de la mission « Livres, médias et industries culturelles » ;

- le programme 844 « Contribution à l'action audiovisuelle extérieure » qui affecte une partie du produit de la contribution à l'audiovisuel public, autrement dit la redevance.

Cette action constitue un élément important de notre influence et du rayonnement de notre langue et de nos valeurs. D'ailleurs, le ministre des Affaires étrangères participe, avec ses collègues de la Culture et du Budget, à la définition des orientations stratégiques et exerce avec eux la tutelle sur les deux opérateurs que sont « l'Audiovisuel extérieur de la France » (AEF) et TV5 Monde.

Ces programmes seront sans doute pour vous l'occasion d'évoquer l'évolution institutionnelle de ces opérateurs. Nous avons suivi avec attention le feuilleton à rebondissements qui :

- partant de la création d'un nouvel opérateur sous forme d'une société holding regroupant Radio France Internationale (RFI), France 24 et Monte-Carlo Doualiya (MCD) et 49 % des parts de la chaîne francophone TV5 Monde,

- a conduit, après une rationalisation accompagnée de deux plans sociaux, à la fusion en une entreprise unique en février de cette année, à un projet contestable et contesté de fusion des rédactions et à un projet de regroupement sur le site d'Issy-les-Moulineaux,

- pour aboutir avec sagesse à la décision ministérielle du 12 juillet dernier, s'appuyant sur un rapport confié à M. Jean-Paul Cluzel, qui conclut à l'abandon de la fusion des rédactions et à l'adossement de TV5 Monde sur France Télévisons.

Une nouvelle présidente-directrice générale, Mme Saragosse, a été nommée à la tête de l'AEF. Elle est invitée à proposer de nouvelles orientations stratégiques mais aussi à négocier et à conclure, « enfin », le contrat d'objectifs et de moyens que nous attendons depuis 4 ans ! La nomination d'un directeur général à TV5 Monde pour la remplacer devrait intervenir prochainement. Celui-ci devra participer à l'élaboration d'un nouveau plan stratégique 2013-2016 avec les représentants de l'ensemble des pays partenaires. Il s'agit donc de périodes-clefs pour les deux opérateurs.

Ces décisions techniquement appropriées pourront, nous l'espérons, rétablir le dialogue social au sein de l'AEF. Pour autant, les perspectives budgétaires pour 2013 sont marquées par le sceau du nécessaire redressement des finances publiques et en conséquence par un strict maintien des dotations de l'État à leurs niveaux de 2012. L'exercice budgétaire 2013 va donc être très compliqué pour les deux opérateurs.

Dans ce contexte, comment définir des priorités en matière d'action audiovisuelle extérieure ? Faudra-t-il revoir nos ambitions en ce domaine ?

Debut de section - Permalien
Laurence Franceschini, directrice générale des médias et des industries culturelles

L'audiovisuel extérieur de la France a été réformé sur les bases des conclusions d'un rapport qui a été confié à M. Jean-Paul Cluzel. Celui-ci devait examiner la pertinence stratégique de l'AEF, celle de son périmètre et de sa gouvernance et de certaines décisions qui avaient été prises dans le prolongement de la création juridique d'AEF comme société unique en février dernier. Fort de son expérience personnelle - il a dirigé RFI, il y a quelques années et connaît bien la société de l'intérieur- M. Cluzel a pu travailler vite et efficacement. Il a conclu, en s'appuyant également sur des expériences étrangères, que la convergence des médias avait, certes, des conséquences sur l'audiovisuel extérieur, mais que vouloir passer directement, au lendemain de l'instauration d'une société unique déjà mal ressentie au sein de RFI, à une organisation des rédactions par langues, était trop rapide et techniquement peu pertinent compte tenu de l'identité et des missions des antennes. En conséquence il fallait maintenir l'autonomie des rédactions de RFI et de France 24. Après l'installation de l'ensemble des personnels sur le site d'Issy-les-Moulineaux, et une fois que la nouvelle présidente-directrice générale Mme Marie-Christine Saragosse, qui insiste beaucoup et à juste titre sur ces identités des chaînes, aura défini un plan stratégique, il est probable que des coopérations naturelles et pragmatiques entre les rédactions s'organiseront, notamment pour enrichir les plateformes numériques. Le conseil d'administration de l'AEF a demandé que lui soit présenté un nouveau projet d'organisation sur ces fondements, ce qui devrait être fait lors de sa prochaine réunion à la fin du mois de novembre.

Le deuxième volet de la réforme revient sur le partenariat entre l'AEF et TV5 Monde sur lequel votre commission avait, à plusieurs reprises, manifesté un certain scepticisme. Les conclusions du rapport Cluzel montre qu'il est plus cohérent et pertinent que France Télévisions reprenne la majeure partie de la participation de l'AEF dans le capital de la chaîne francophone. Pour les pays partenaires, ce sont d'ailleurs des chaînes généralistes de service public qui portent les participations. Le partenariat n'avait pas véritablement pris forme et n'avait pas eu de traductions concrètes d'ampleur suffisante. Ce transfert sera réalisé d'ici la fin de l'année ou le début de l'année prochaine. Il n'est pas exclu que l'AEF conserve une petite participation.

S'agissant du déménagement des équipes de RFI, la décision a été prise de faire en sorte qu'il soit effectué dans la sérénité et non à marche forcée pendant la période estivale. Il devrait se dérouler entre décembre et janvier prochains. Ce n'est qu'une fois que l'ensemble des équipes sera présent sur le site commun que la nouvelle organisation pourra vraiment fonctionner et prospérer. Nous avons également pour préoccupation les conséquences financières du décalage intervenu dans son déroulement. Au-delà du mois de janvier, ces conséquences seraient aggravées car le retard compromettrait le calendrier de réalisation des travaux d'aménagement de la Maison de Radio France.

La désignation de Mme Saragosse, dont les compétences professionnelles sont reconnues, est un atout et une assurance qu'un vrai dialogue social va pouvoir être établi au sein de la société. Une fois élaboré le plan stratégique, reprendra la négociation du contrat d'objectifs et de moyens en espérant qu'il pourra être conclu au cours de l'année 2013

Au moment où a été fixé le montant de la dotation pour 2013, il n'y avait pas vraiment d'autre choix, en l'absence d'orientations claires, que de la maintenir, à titre conservatoire, à son niveau de 2012, soit 314,2 millions d'euros dont 75 millions d'euros seraient destinés à TV5 Monde, ce qui n'est pas sans poser de problèmes en raison du renouvellement des équipements techniques de cette entreprise. On peut comprendre que ce n'est qu'au vu de la présentation de son plan stratégique que l'on pourra regarder quels moyens, et éventuellement quels moyens supplémentaires, pourront être mis en oeuvre pour l'AEF. Vous connaissez les contraintes du budget 2013, c'est ce qui rend encore plus importante la négociation du contrat d'objectifs et de moyens. C'est une société qui doit s'installer dans une sorte de sérénité sociale et qui doit remplir complètement ses missions. Il y a au sein de cette société des gens de talent qui ne demandent qu'à bien faire leur travail et qui l'ont démontré. Chacun a pu saluer la façon dont les journalistes des rédactions de RFI et de France 24 ont assuré avec réactivité et compétence, et parfois au péril de leur vie, la couverture des évènements du « printemps arabe ».

L'action audiovisuelle extérieure doit assurer le rayonnement et la présence de la France dans le monde, mais aussi la diffusion du regard singulier que nous portons sur le monde, et qui est attendu sur les autres continents. Je pense que le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens sera l'occasion pour l'État de manifester l'importance et la confiance qu'il accorde à cette société.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Avec ma collègue Joëlle Garriaud-Maylam, nous avons reçu, la semaine dernière, Mme Saragosse qui nous a paru très inquiète. Elle nous a permis de mesurer l'ampleur et la difficulté de sa tâche. La mise au point du budget pour 2013 va être très compliquée. Le climat social reste tendu et elle va devoir affronter quelques défis techniques outre le déménagement de RFI. N'est-il pas envisageable d'apporter un complément de dotation dès 2013 à cette société ?

Nous n'avons pu obtenir communication de l'annexe du rapport Cluzel sur laquelle repose le calcul des zones d'incertitudes budgétaires, en réalité des déficits cumulés, dont le montant s'élèveraient selon l'Inspection générale des finances à 54 millions d'euros, selon M. Cluzel à 34 millions d'euros, à l'horizon 2013-2014. Qu'en est-il vraiment ? Quelles solutions envisage la tutelle ?

Deux questions ne semblent pas avoir été tranchées par le communiqué ministériel du 12 juillet, celui de la rédaction commune arabophone, et celui du pôle commun multimédia. Quelle est la position de la tutelle sur ces deux points ?

Le rapport Cluzel recommandait l'attribution à RFI de fréquences FM dans plusieurs métropoles régionales où nos concitoyens d'origine étrangère sont très nombreux. Mme Saragosse en a parlé lors de son audition au Sénat. C'est une idée intéressante : ne faut-il pas aller dans cette direction dès lors qu'AEF est désormais principalement financée par la redevance?

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

L'adossement à France Télévisions a été décidé. Comment est-il envisagé ? Faut-il que France Télévisions reprenne la totalité de la part de l'AEF, ce qui porterait sa participation à plus de 60 % et ferait de TV5 Monde sa filiale ? Je m'interroge sur la position de nos partenaires francophones, d'autant qu'il y a déjà eu beaucoup de remous dans le passé. Il est important de tenir compte de leurs appréciations.

Je souhaiterais savoir ce qui retarde la nomination d'un président de TV5 Monde. Mme Saragosse cumule l'ensemble des fonctions à AEF et TV5 Monde, ce qui est difficile. Quel est le calendrier ?

Sur le plan budgétaire, la stagnation proposée de la dotation de la France, la fin en 2012 du dispositif de rééquilibrage des contributions des pays partenaires et de la garantie d'un montant minimal de ressources publicitaires par la régie, au moment où, sans compter le glissement de ses frais généraux en raison de ses engagements contractuels et réglementaires, TV5 Monde est tenue de procéder à des appels d'offres pour le renouvellement de son dispositif technique de production, postproduction et diffusion dont les contrats prennent fin mi-juin 2013 : ne risquent-ils pas de conduire à une impasse ?

Est-il envisageable, et à quelle échéance, d'augmenter l'enveloppe d'acquisitions d'oeuvres françaises par TV5 Monde qui a chuté de 15 % depuis 2007, ce qui a des conséquences pour l'attractivité de ses programmes et pour la création audiovisuelle française ?

Il nous semble qu'une loi sur l'audiovisuel est en préparation. Concernera-t-elle les opérateurs de l'audiovisuel extérieur ? Est-il envisagé de donner à TV5 Monde le statut au titre de l'article 45 de la loi de 1986 comme c'est le cas d'Arte ? Est-il envisagé d'étendre le « must carry » de cette chaîne à l'Outre-mer, ce qui aurait en outre pour avantage sa diffusion dans les pays voisins ?

Debut de section - Permalien
Laurence Franceschini, directrice générale des médias et des industries culturelles

S'agissant de la dotation d'AEF, il convient de la replacer dans une dotation pour l'ensemble de l'audiovisuel public qui diminue de 1,6 %, celle de France Télévisions baissant de 2,3 % par rapport à la LFI 2012 et de 3,4 % si on tient compte des reports de crédits de 2011 sur 2012. Relativement parlant, notre démarche conservatoire a permis de préserver la dotation de l'AEF, elle est la moins touchée, mais je comprends que cela puisse paraître insuffisant et que la représentation nationale puisse vouloir accompagner le nouvel élan en souhaitant mieux doter l'AEF. Dans le cadre du débat au Sénat, il y aura peut-être des éléments, grâce aux amendements apportés à la redevance des éléments qui permettront d'aider à financer quelques impasses.

S'agissant des impasses, beaucoup de chiffres circulent qui ne sont pas tous bien documentés. Les évaluations de l'inspection générale des finances sont obsolètes car établies dans un autre contexte et fondées sur une stratégie qui était tout autre à l'époque. Les chiffres du rapport Cluzel sont très évaluatifs. Notre appréciation, s'agissant d'une impasse éventuelle de court terme et sans tenir compte des propositions que pourrait faire Mme Saragosse dans son plan stratégique, tournait autour de 5 millions d'euros. S'il n'est pas souhaitable qu'une société se trouve en déficit, cette question peut trouver une solution dans un cadre pluriannuel et en vue la préparation du projet de loi de finances pour 2014 car il y aura peut-être, avec une possible réforme de la contribution à l'audiovisuel public, des éléments à trouver qui permettront à l'ensemble du secteur de bénéficier d'un financement qui assure son indépendance et d'une forme de dynamisme. Nous rencontrons demain Mme Saragosse et son équipe, nous aurons probablement à l'occasion du débat au Sénat des éléments d'évaluation plus précis à communiquer.

Pour ce qui concerne l'organisation de la rédaction arabophone, nous nous appuierons sur les propositions de la direction de l'AEF. Nous avons mesuré l'apport de MCD à RFI et à France 24. Mais il ne faut pas brûler les étapes. C'est d'abord à la direction de nous faire part de ses propositions après concertation avec ses équipes, les rédactions et les journalistes. C'est un chantier ouvert.

Sur la reconfiguration du capital de TV5 Monde qui n'est pas encore arrêtée, je ne pense pas trahir un secret en indiquant que nous ne nous acheminons pas vers un transfert de la totalité des parts de l'AEF à France Télévisions dont la part serait limitée à 49 %. TV5 Monde ne serait pas une filiale de France Télévisions. L'AEF pourrait conserver le reliquat de cette participation. Bien entendu, cette question fait partie de la concertation régulière que nous avons avec nos partenaires francophones et ce schéma, semble-t-il, leur conviendrait.

Pour le remplacement des dirigeants, dans un premier temps il sera procédé à la nomination d'un directeur général, notre proposition devrait être transmise aux partenaires très prochainement. Pour ce qui concerne le président, il devra y avoir préalablement une modification de statuts.

Nous n'avons pas envisagé de faire de TV5 Monde une société nationale de programme. Arte France n'est pas une société nationale de programme. Elle fournit les programmes français au GEIE Arte qui, lui, est le diffuseur en application, non de la loi du 30 septembre 1986, mais du traité fondateur. En outre, le capital des sociétés nationales de programme doit être détenu à 100 % par l'État, ce qui n'est pas envisageable pour TV5 Monde.

Enfin, s'agissant de l'extension de la diffusion de RFI en métropole, c'est une question ancienne. RFI est déjà diffusée en région parisienne et elle apporte beaucoup aux auditeurs intéressés par les relations internationales et la géopolitique même si les programmes sont d'abord conçus pour l'extérieur. Son extension fait partie des questions à évoquer dans la mise au point de la stratégie de l'AEF et lors de la préparation du contrat d'objectifs et de moyens car il faudra trouver un financement pour cette diffusion. C'est d'ailleurs tout l'intérêt de la démarche du contrat pluriannuel qui permet d'établir des priorités, un échéancier et qui donne à la gouvernance de l'entreprise plus de visibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Nous avions, avec d'autres sénatrices, à l'occasion de la discussion de la loi sur la modernisation de l'économie, montré les risques de la fusion et déposé des amendements pour garantir le statut des personnels. Nous constatons que nous avons eu raison trop tôt. Ma première question porte sur le développement des émissions de RFI en persan ce qui me paraît devoir être, compte tenu du contexte international et de la situation politique de ce pays, une priorité. Il n'est pas possible de se contenter d'une diffusion par Internet qui est contrôlé. La seconde sur l'impact financier des plans sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Je suis un auditeur régulier de RFI. Quand j'écoute cette radio, je suis mieux informé sur l'Afrique, mais lorsque je souhaite disposer d'informations sur les autres pays européens, sur la Slovénie, l'Autriche ou la Lituanie, il n'existe pas d'offres. Ne serait-il pas utile de créer une chaîne qui permette aux auditeurs de trouver non seulement des informations sur la vie politique de ces pays, mais aussi la vie culturelle, sportive, économique, la façon dont les gens vivent. Ce serait une façon de rapprocher nos concitoyens des peuples européens. Ne pourrait-on, même en situation de contrainte budgétaire, évaluer l'intérêt d'un tel projet?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Besson

Je m'étais inquiété l'année dernière des réticences des hôtels du groupe Accor à favoriser la diffusion de France 24 et de TV5 Monde. Vos démarches ont-elles été fructueuses ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Il me semblait que la direction du groupe Accor avait donné des instructions pour demander aux hôtels de le faire. Mais très souvent dans le monde, nous avons France 24, mais pas TV5 Monde, et parfois France 24 en anglais ou en arabe et pas en français. Or l'une des missions de l'audiovisuel extérieur est de favoriser la francophonie.

Le standard HD va s'imposer progressivement dans le monde et il ne sera pas possible pour les chaînes de l'audiovisuel extérieur, sauf à perdre des parts de marché, de ne pas proposer un signal de qualité équivalente à celui de leurs concurrents. A-t-on évalué le coût des investissements nécessaires ? Y aura-t-il des surcoûts de contrat satellitaire ? Comment ces charges nouvelles et sans doute inéluctables seront-elles financées ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

Pour l'information de notre collègue Bernard-Reymond, il existe à Nantes une radio thématique européenne Euradio Nantes qui répond à sa demande, mais c'est une radio locale. Ne peut-on encourager des initiatives de ce type ?

Debut de section - Permalien
Laurence Franceschini, directrice générale des médias et des industries culturelles

La diffusion en persan me semble d'une importance évidente. Dans le cadre du projet stratégique de l'AEF, les choix linguistiques de RFI seront probablement revisités. J'ai peu de doutes sur la réceptivité de Mme Saragosse sur ce point et cela fait partie des choses essentielles pour lesquelles il faut qu'elle ait les moyens de sa stratégie.

Il y a eu deux plans sociaux de l'AEF, le premier pour un montant de 41 millions d'euros, le second de 24 millions d'euros (dont 6,3 millions d'euros seront inscrits dans le projet de loi de finances rectificatives de fin d'année 2012).

S'agissant de la thématique européenne, c'est dans le cadre de l'élaboration de la stratégie de l'entreprise, et notamment du contenu des programmes de RFI, que cette question pourra être étudiée. Par ailleurs, il existe aussi une chaîne de télévision européenne Euronews qui bénéficie de financement de l'Union européenne. On peut d'ailleurs regretter, en tant que citoyen, que l'Union européenne ne soit pas suffisamment présente dans les médias. Cela devrait être une véritable priorité pour l'Union, car le déficit d'image peut devenir préoccupant.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Mon souhait n'est pas que des programmes soient consacrés à l'Europe, ni à la création d'une « Radio Bruxelles » pour donner des informations sur le fonctionnement de l'Union européenne, mais d'une chaîne dont la thématique serait l'actualité et la vie quotidienne des Européens, une sorte de Radio France Europe, comme il existe France Culture ou France Info, une chaîne identifiée que les auditeurs intéressés aurait à leur disposition en permanence.

Debut de section - Permalien
Laurence Franceschini, directrice générale des médias et des industries culturelles

Le passage au standard HD est un enjeu majeur et une priorité de TV5 Monde car cette chaîne ne sera plus retenue dans les offres de distribution si elle n'est pas diffusée dans ce standard. C'est l'objet du nouveau dispositif technique qui sera mis en place dès 2013 et que la chaîne aura les moyens de financer.

Nous avons entrepris des démarches pour transmettre votre préoccupation au groupe Accor. Il est difficile de comprendre cette attitude de la part de ce groupe d'hôtels. Nous poursuivrons celle-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Il me semble que des instructions avaient été données par la direction du groupe, mais il faudrait vérifier qu'elles soient bien effectives.

- Présidence de M. Jean-Claude Peyronnet, vice-président -

Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission auditionne M. Jean-Paul BODIN, secrétaire général pour l'Administration au ministère de la Défense, sur le projet de loi de finances pour 2013 (programme 212 « Soutien de la politique de la défense» de la mission Défense).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Le programme « Soutien de la politique de la défense » n'est pas le plus important en volume puisqu'il ne mobilise que 7,5 % des crédits du budget de la défense, mais il porte sur des fonctions essentielles pour permettre aux autres composantes, et notamment à nos forces armées, de se consacrer à leur « coeur de métier ».

Il en va ainsi de la politique immobilière, qui mobilise plus de la moitié des crédits du programme et qui est loin de se limiter aux dossiers qui font la « une » de l'actualité comme le projet Balard ou la mise à disposition pour leur cession de certains immeubles de prestige. Elle porte sur la réalisation et l'adaptation des infrastructures qui doivent permettre de recevoir, en temps utile, les nouvelles gammes de matériels, je pense naturellement aux FREMM et aux Barracuda, à l'A400M ou aux nouveaux hélicoptères de combat, mais aussi d'accueillir pour se loger, pour se former et se maintenir en condition, les militaires de nos trois armées.

Il en va également des dispositifs d'accompagnement des restructurations, outils importants pour réussir tout à la fois l'adaptation fonctionnelle des sites densifiés, notamment dans les nouvelles bases de défense, et la transition sur le plan social et dans les territoires impactés. Nos collègues Gilbert Roger et André Dulait ont pu mesurer, dans leur rapport sur les bases de défense, la lenteur du rythme de consommation des crédits mobilisés. C'est un sujet qui préoccupe beaucoup les sénateurs.

Ensuite la politique des ressources humaines qui accompagne le processus de déflation des effectifs avec des volets d'action sociale, de reclassement et de reconversion tout à fait importants.

Le programme 212 porte enfin sur la rationalisation des systèmes d'information, d'administration et de gestion, objectif stratégique, mais qui peut connaître des dysfonctionnements dans sa mise en oeuvre. Le déploiement chaotique de Louvois en constitue malheureusement un exemple. Vous aurez sans doute à coeur de nous faire part de votre appréciation sur l'origine de ce problème et sur les décisions mises en oeuvre pour sortir de cette situation.

D'une façon plus générale, vous nous direz comment vous articulez vos priorités avec l'objectif de redressement des finances publiques assigné par la programmation budgétaire 2013-2015. Comment les arbitrages ont-ils été réalisés ? Enfin, vous pourrez nous livrer vos réflexions sur la place des fonctions de pilotage et la réforme du ministère à l'heure de la préparation du Livre blanc et de la LPM. Je pense entre autres à des questions comme le « dépyramidage » afin de réduire un taux d'encadrement élevé ou comme la rationalisation des soutiens communs, telles qu'elles ont pu être esquissées par la Cour des comptes dans son bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire.

A l'issue de votre intervention, je donnerai la parole à notre collègue Jean-Marie Bockel, co-rapporteur, avant de laisser s'exprimer celles et ceux d'entre nous qui le souhaiteront. Mme Michèle Demessine, l'autre co-rapporteure du programme 212, actuellement en mission à l'étranger, m'a prié de bien vouloir vous exprimer ses regrets de ne pas pouvoir participer à cette réunion.

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration

Le projet de loi de finances pour 2013 du ministère de la défense est un budget de transition à trois titres.

Première annuité du budget triennal 2013-2015, il constitue un budget de transition vers le redressement des finances publiques qui implique des économies notamment dans le domaine du fonctionnement et de l'infrastructure qui à terme peuvent poser des difficultés.

Prenant acte de l'écart entre les ressources initialement programmées au titre de la LPM 2009-2014 et les ressources effectivement affectées, écart qui s'élève à 3 milliards d'euros sur la période 2009-2012, c'est un budget de transition dans l'attente d'une nouvelle LPM 2014-2019. Ceci nous a amené, notamment dans le domaine de l'infrastructure, à revoir un certain nombre de dépenses pour tenir compte de la diminution des crédits mais sans anticiper la prochaine LPM et donc à décaler plutôt qu'annuler des opérations.

Enfin, c'est un budget de transition vers le nouveau modèle d'armées qui sera proposé dans le cadre des travaux sur le Livre blanc et la défense nationale, et dont il convient de ne pas préempter les choix qui seront examinés en conseil de défense et de sécurité nationale au tout début de l'année 2013.

En ce sens, le budget pour 2013 tient compte des besoins de financement de la LPM 2009-2014.

Il confirme la baisse des effectifs inscrite dans cette loi, sans pour autant préempter les choix futurs. De plus, il concrétise la juste participation de la défense à l'effort de redressement des finances publiques.

Ainsi sur le périmètre de la mission « Défense », le montant des crédits inscrits au projet de loi de finances s'élève, hors pensions, à 31,4 milliards d'euros, soit le maintien du budget prévu en LFI 2012.

Trois programmes budgétaires sont placés sous la responsabilité du secrétaire général pour l'administration : au sein de la mission « Défense », le programme 212 intitulé « Soutien de la politique de la défense », au sein de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » et le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ». Je vais vous présenter sept points concernant le programme 212 « Soutien de la politique de la défense » dont vous avez rappelé le montant modeste mais aussi le rôle dans le soutien de la politique de défense.

Il répond à trois enjeux ministériels : d'abord, le pilotage et la coordination des politiques transverses exercées par des directions fonctionnelles, par exemple les questions financières, la politique des ressources humaines ou la gestion du patrimoine immobilier, ensuite la fourniture de prestations dans des domaines particuliers de soutien (infrastructure, soutien du cabinet de l'administration centrale, systèmes d'information, d'administration et de gestion, action sociale, reconversion, etc....) et enfin l'accompagnement social, économique et immobilier de la réforme dans laquelle est engagé le ministère, notamment au titre des restructurations.

Les crédits budgétaires de ce programme s'élèvent à 3,513 milliards d'euros en AE et 2,852 milliards d'euros en CP, soit, comparativement à 2012, une augmentation de 137 millions d'euros des AE et une diminution de 193 millions d'euros des CP. L'augmentation des AE répond à un élément purement technique sur lequel je reviendrai à propos des crédits d'infrastructure.

A ces crédits s'ajoutent des recettes exceptionnelles au titre des cessions immobilières plafonnées à hauteur de 200 millions d'euros, prévision de recettes qui apparaît réaliste et prudentielle mais qui nécessite une forte mobilisation, en tenant compte des risques pesant sur les cessions parisiennes, notamment en terme de calendrier et de décote si elles sont utilisées pour répondre à la politique de logement. Ce sera probablement le cas pour la caserne de Reuilly où le président de la République a fait les annonces relatives à la politique du logement social. Sont ainsi prévus d'être cédés en 2013 à la ville de Paris ou à des investisseurs la caserne de Reuilly, rue de Bellechasse, l'hôtel du génie ainsi que le pavillon et l'abbaye de Penthemont, l'hôtel de l'artillerie à Saint Thomas d'Aquin et le centre de la pépinière. Ce sont des immeubles qui peuvent avoir des vocations diverses, de bureaux mais pas uniquement, et sur lesquels les intentions que pourrait avoir de la ville de Paris en matière de réalisation de logements peuvent avoir un impact. Certaines de ces cessions interviendront tardivement et les recettes ne seront pas utilisables en 2013. La caserne Lourcine a été cédée en 2012 au CROUS et à des établissements spécialisés pour réaliser des logements pour les étudiants pour la somme de 52 millions d'euros qui ont été versés sur le CAS fin septembre par transfert de crédits du CAS du ministère de l'enseignement supérieur. Ils font partie des crédits que nous pourrons utiliser en 2013.

Le plafond d'emploi du programme 212 pour 2013, avec 13 160 ETPT, augmente de 54 emplois par rapport à 2012. Cette évolution s'explique par la poursuite des réformes engagées au niveau de l'administration centrale notamment par la mutualisation de différents services. Nous avons, en 2009, fusionné les structures de soutien de l'administration centrale et celles de la direction générale pour l'armement (DGA) en créant le service parisien de soutien de l'administration centrale (SPAC). Nous allons en 2013 poursuivre ce mouvement en y intégrant le soutien RH-Paie de la DGA, ce qui se traduira par le transfert de 155 emplois de la DGA vers le SGA avec une charge de déflation de 45 emplois qui s'appliquera entre 2014 et 2017. La création du service ministériel des systèmes d'information de fonctionnement RH (SMSIF-RH), à Tours, au plus près du pôle des DRH d'armées, et qui regroupe l'ensemble des compétences de maintenance applicative et de tierce maintenance d'exploitation des SI RH du ministère, se traduira par le transfert de 136 emplois venant des armées vers le SGA.

En neutralisant ces variations de périmètre liées à la réforme, le programme contribue à la réduction globale des effectifs à hauteur de 273 emplois (ETPT).

Les crédits au profit des infrastructures portent sur trois types de dépenses :

- les infrastructures d'une manière générale ;

- la politique du logement familial ;

- et enfin la mise en place du nouveau plan de stationnement.

Les crédits d'investissement au profit des infrastructures représentent un total de près de 1 280 millions d'euros d'AE et plus de 820 millions d'euros de CP, dont les 200 millions d'euros de recettes exceptionnelles évoquées précédemment.

La comparaison entre les dotations 2012 et 2013 doit tenir compte de la mise en place d'AE affectées sur des tranches fonctionnelles, dont notamment 250 millions d'euros au titre des infrastructures d'accueil et de soutien des sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda à Brest, Toulon et Cherbourg. Ce mécanisme des tranches fonctionnelles, qui permet d'avoir une indication précise du coût prévisionnel d'un investissement et d'assurer sa réalisation, est mis en place pour les dépenses d'infrastructure à compter de 2013 après avoir été expérimenté en 2011 et 2012.

Entre 2012 et 2013, les crédits destinés aux dépenses d'infrastructure diminuent (recettes exceptionnelles comprises) de 166 millions d'euros.

Pour tenir compte de cette diminution des crédits de paiements en 2013, le plan d'engagement a fait l'objet d'un refroidissement à hauteur de 393 millions d'euros pour l'année 2012 et à hauteur de 351 millions d'euros en 2013 par rapport à la programmation issue de l'exécution de l'actuelle LPM. Les décisions ont été prises en étroite relation avec l'EMA, dans le cadre d'un comité de pilotage de la fonction infrastructure qui réunit sous ma présidence, le major général des armées, les sous-chefs plans et soutien de l'EMA, le directeur des affaires financières, le directeur de la mémoire du patrimoine et des archives et le directeur du service d'infrastructure de la défense. Cet abattement de 393 millions d'euros, soit 30 % des crédits initialement prévus en 2012, a porté sur les infrastructures classiques et surtout les infrastructures techniques, notamment les infrastructures opérationnelles ainsi que sur les infrastructures concernant la mise en place du nouveau plan de stationnement. Les travaux relatifs à la condition du personnel, à l'accueil des nouveaux matériels et à la dissuasion ont été préservés, tant en exécution 2012 qu'en construction budgétaire pour 2013, le ministre nous ayant demandé d'être attentif au maintien de l'activité du personnel militaire, mais aussi à ses conditions de vie car c'est important notamment dans la période du retour de nos troupes d'Afghanistan.

Seront ainsi réalisées et financées en 2013 (crédits de paiement), au titre des opérations majeures, les opérations d'infrastructure pour l'accueil des hélicoptères HN90-Caïman au 1er RHC de Phalsbourg (42,54 millions d'euros) ; les structures de mise en oeuvre et de maintenance ainsi qu'un centre de formation au profit des équipages et des mécaniciens nécessaires à l'accueil de la flotte des A400M sur la base d'Orléans-Bricy (38,62 millions d'euros) ; les études pour l'adaptation des infrastructures d'accueil et de soutien à Toulon, Cherbourg et Brest en vue de la livraison des SNA BARRACUDA (20 millions d'euros) ; les opérations d'infrastructure nécessaires à l'accueil des véhicules blindés de combats d'infanterie - VBCI (19,46 millions d'euros) et l'adaptation des infrastructures nécessaires à l'accueil des frégates multi-missions (FREMM) à Brest (8,05 millions d'euros) qui commencent à sortir des chantiers de Lorient.

S'agissant de la force de dissuasion, nous avons engagé des travaux à l'Ile Longue de réfection des installations électriques et de la station de pompage. Le plan de charge du service d'infrastructure de la défense sera donc bien rempli avec notamment des infrastructures très techniques comme celles que je viens d'évoquer mais avec aussi un programme de remise en état des installations électriques des ports de Brest et Toulon. Ce plan de charges nous permettra de maintenir les compétences du personnel du SID, compétences techniques qui font la singularité du service, l'un des derniers au sein des administrations de l'État, et qui doivent être une priorité si l'on veut conserver un service capable d'apporter aux armées les infrastructures techniques dont elles ont besoin. Si nous voulons conserver dans ce service des ingénieurs et des techniciens de bon niveau, il faut maintenir un volume suffisant de travaux. Donc je me réjouis que nous puissions lancer des travaux d'une certaines technicité (aménagement de quais, installations électriques, dragage).

Les crédits d'investissement au profit du logement familial représentent 45 millions d'euros, complétés par 55 millions d'euros au titre des crédits de fonctionnement, consacrés principalement au paiement de loyers outre-mer et à des dépenses d'entretien du propriétaire. Nous avons passé une convention de longue durée avec la SNI qui est chargée des travaux d'entretien du locataire. Ces montants, qui peuvent paraître modestes, permettront de poursuivre l'adaptation du parc du ministère de la défense à la nouvelle carte militaire, au travers de ventes (559 depuis 2009, 1 300 d'ici 2016), de nouvelles réservations (1 200 depuis 2009, 1 300 d'ici 2016), de résiliations de conventions (2 000 depuis 2009, 500 d'ici 2016) et d'évolution du parc des logements domaniaux. Un complément de dotation sur cette politique sera fourni par l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique dans le cadre d'un fonds de concours à hauteur de 10 millions d'euros. Cet établissement public est intervenu à hauteur de 18 millions d'euros en 2012. Ces fonds ont des réserves financières de plusieurs centaines de millions d'euros. Grâce à une modification du décret qui les concerne, les excédents de résultats de ces fonds peuvent être utilisés pour acquérir des logements qui servent de garantie pour le fonds et en même temps répondent à la demande des personnels.

Enfin, 202,63 millions d'euros en AE et 208,62 millions d'euros en CP seront consacrés à la mise en oeuvre du nouveau plan de stationnement, en réalisant par exemple le transfert du centre de renseignement Air (CRA) et le commandement des forces aériennes (CFA) au Mont-Verdun (10,8 millions d'euros), en créant une plate-forme logistique à Orléans-Chanteau dans le cadre de la réorganisation du ravitaillement sanitaire (28,7 millions d'euros) ou encore en restructurant le quartier Rannes de Tours qui accueille les services de la direction du personnel militaire de la marine (6,3 millions d'euros), la poursuite des travaux d'installation des groupements de soutien des bases de défense (11 millions d'euros).

Il convient cependant d'être vigilant et de garantir le maintien des crédits à ce niveau afin de préserver et développer les compétences du service. A cet égard, le fait que nous (état-major des armées, SGA) ayons été contraints au 1er trimestre de reporter près de 750 millions d'euros d'opérations inscrites initialement en programmation ne peut pas être renouvelé. Si nous ne disposons pas des crédits suffisants pour entretenir et améliorer le patrimoine, il faudra nécessairement revoir le plan de stationnement. Une étude sur la rationalisation de la maintenance du parc immobilier du ministère nous a conduit à considérer que pour maintenir en l'état le patrimoine, il faudrait consacrer en 2012, 16,77 euros TTC par m², soit 529 millions d'euros alors que nous consacrons 10,45 euros par m² soit 350 millions d'euros, toutes ressources confondues, c'est-à-dire les crédits d'entretien courant 130 millions d'euros et les crédits destinés à la rémunération du personnel employé dans des régies (4 031 postes). Au-delà de la maintenance des bâtiments, ce constat nous conduit à mener une réflexion sur la nécessité d'acquérir plutôt que de louer dans le cas des immeubles de bureaux non spécifiques. Faut-il faire cet investissement pour 25-30 ans alors que nous ne savons pas si les structures seront organisées de la même façon et avec les mêmes besoins à cette échéance ? Nous nous interrogeons en définitive sur la vision très patrimoniale que nous avons de ce parc et sa conciliation avec une diminution des enveloppes de crédits qui peuvent lui être consacrées. En l'état actuel, il faudrait autour de 1,5 milliard d'euros par an, or on est bien en dessous et on ne voit pas comment atteindre un tel niveau, ce qui conduit à réviser notre politique en ce domaine, en tout cas à l'étudier, le dernier rapport de la Cour des comptes nous y invitant d'ailleurs.

Les crédits destinés aux systèmes d'information d'administration et de gestion s'élèvent à 118 millions d'euros en AE et 106,2 millions d'euros en CP soit une baisse de 8 % pour les crédits de paiement. Cette baisse est possible grâce à la rationalisation du parc, notamment la diminution du nombre d'applications, qui commence à produire des effets.

Mais des difficultés comme celles que nous rencontrons avec Louvois entraînent aussi des dépenses supplémentaires que nous n'avons pas prévues. Ainsi, le décalage du raccordement de l'Armée de l'air entraîne une dépense supplémentaire de 1,5 million d'euros. En conséquence, nous sommes en train d'effectuer une revue de tous les projets en cours pour les maintenir sous des contraintes budgétaires fortes et j'ai décidé la mise en place d'un système de pilotage en crédits de paiements plus précis que celui dont nous disposions, en autorisations d'engagement.

S'agissant des crédits de la politique des ressources humaines, le budget de l'action sociale s'établit à 78,4 millions d'euros. Il retrouve ainsi son niveau de 2009. Cela permettra néanmoins de maintenir les actions en faveur de l'accueil des jeunes enfants, de la protection complémentaire, du soutien psychologique des familles des militaires servant notamment en Afghanistan et des personnels handicapés et la prise en compte des risques psychosociaux.

S'agissant des restructurations, le ministère consacrera 210 millions d'euros en 2013 à l'accompagnement social (dont 95 millions d'euros sur le programme 212). Les mesures de ce plan d'accompagnement des restructurations (PAR) porteront notamment sur l'aide à la mobilité et l'incitation au départ des militaires, pour 115 millions d'euros (dont 106 millions d'euros pour le financement du pécule). S'agissant du personnel civil, elles se répartiront, pour l'essentiel, entre les indemnités de départ volontaire, pour 33 millions d'euros (dont 28 millions d'euros dédiés aux ouvriers de l'Etat), l'accompagnement de la mobilité (28 millions d'euros) et le financement des surcoûts liés à l'indemnisation du chômage (29 millions d'euros).

Enfin, le volet économique de l'accompagnement des restructurations sera doté à hauteur de 60,3 millions d'euros en AE. 60 millions d'euros seront destinés aux entreprises, collectivités territoriales et autres collectivités, et 0,3 million d'euros à des diagnostics territoriaux. Nous allons entrer dans une phase d'accélération de la consommation de ces crédits car nous avons désormais 45 contrats de redynamisation des sites de défense et plans locaux de redynamisation signés sur les 58 prévus initialement, et ils commencent à être mis en oeuvre.

Au global, les crédits de fonctionnement du programme 212 seront réduits de 54 millions d'euros en crédits de paiement au titre des économies prévues pour le redressement des comptes publics. 15 millions d'euros porteront sur les fonctions supports et concerneront principalement le fonctionnement de l'administration centrale (13,7 millions d'euros). Cela nous conduit à examiner l'ensemble des dépenses de fonctionnement courant, à demander par exemple de ne plus acheter de mobilier de bureau pour les services appelés à rejoindre Balard en 2015, mais aussi à réduire l'ensemble du parc des véhicules de gamme commerciale de 3 000 véhicules sur 16 000, en essayant de faire principalement l'effort sur les administrations centrales et d'en limiter l'impact sur les bases de défense. La mise en oeuvre de ces mesures d'économies commence à poser des difficultés de fonctionnement quotidien. Elle est néanmoins indispensable.

En conclusion, le budget pour le programme 212 s'inscrit pleinement dans les objectifs de réduction des dépenses de l'État. Il fait apparaître des difficultés notamment en ce qui concerne les crédits d'infrastructure qui doivent nous inciter à nous poser de réelles questions dans la perspective de la prochaine LPM sur notre déploiement sur le territoire. Nous avons fait le nécessaire pour faciliter l'arrivée de nouveaux matériels et pour maintenir les infrastructures techniques et celles en faveur du personnel à niveau.

Cependant les dépenses d'infrastructures vont peser sur la prochaine LPM, car il va falloir réaliser des dépenses très importantes compte tenu de l'arrivée de nouveaux équipements comme les sous-marins nucléaires, mais aussi des travaux sur nos installations nucléaires des ports de Brest et Toulon et sur certaines bases aériennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Le projet Balard est un partenariat public-privé (PPP). Je reste sceptique sur les PPP. La Cour des comptes a fait récemment un rapport sur un hôpital de la région parisienne qui est très sévère. A quelle hauteur cela va-t-il peser sur le budget de la défense ?

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration

Nous aurons dans quelques semaines un rapport de l'Inspection générale des finances sur les PPP de manière générale et un rapport de cette inspection et du Contrôle général des armées (CGA) sur l'opération Balard en particulier. Nous verrons quel sera le jugement porté par ces corps d'inspection.

Le montant de la redevance annuelle constante est de 154 millions d'euros TTC durant 27 ans, de 2014 à 2041, soit globalement une opération qui équivaut à 3,5 milliards d'euros constants HT. Elle recouvre des dépenses immobilières à hauteur de 54 millions d'euros, des dépenses de systèmes d'information et de communication (42,5 millions d'euros couvrant l'ensemble des besoins -investissement, financement, exploitation et renouvellement -pour une durée de cinq ans, période qui comprend l'exploitation de la bureautique, puis 29 millions d'euros au-delà jusqu'au terme du contrat), une redevance liée aux services (alimentation, gardiennage, entretien des bâtiments) de 34 millions d'euros, d'autres pour la maintenance (20 millions d'euros), le gros entretien (9 millions d'euros) et enfin pour l'énergie (5,5 millions d'euros).

Cette redevance correspond en gros au montant des dépenses de fonctionnement que nous faisons actuellement pour soutenir l'administration centrale qui est dispersée sur un grand nombre de sites, pour payer des loyers - aujourd'hui le loyer de l'immeuble occupé par la DGA à Bagneux s'élève à 16 millions d'euros -, et aux dépenses de personnel en matière de soutien. Toutes ces dépenses ont été prises en compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Je ne dis pas que l'opération n'a pas un intérêt fonctionnel, mais quelle aurait été plus économique en maîtrise d'ouvrage publique (MOP) si on se réfère aux exemples dont nous disposons.

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration

Ce que je sais, c'est que pour des opérations sous MOP, et nous avons deux exemples récents de contentieux que nous sommes en train de régler sur l'hôpital Sainte-Anne à Toulon et sur les hôpitaux Begin et du Val de Grâce à Paris, il peut aussi y avoir des dérives de calendriers et de coûts : 20 millions d'euros à Toulon sur un montant initial de 100 millions d'euros.

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration

Dans une opération comme Balard, nous avons dû travailler très précisément à la définition du cahier des charges car c'est le document de référence. Il ne se passe pas un jour sans que nos interlocuteurs ne s'y réfèrent et notre équipe en charge du pilotage est en discussion permanente avec les équipes du groupement OPALE sur les moindres travaux. Par exemple, la dépollution des terrains de la parcelle Est avait été réalisée sur la base de diagnostics préalables mais, manifestement, à la suite de carottages, nous nous sommes aperçus qu'il y avait des éléments qui n'avaient pas été pris en compte ; nous avons mis des semaines à négocier un avenant pour savoir comment organiser les travaux, qui les prenait en charge, selon quel calendrier, etc.

Un contrat de PPP, cela vous oblige à définir précisément les besoins. Aujourd'hui, on nous demande de définir précisément le positionnement des différents services dans les immeubles, alors qu'ils ne s'installeront que fin 2014. Et ce « micro-zoning » deviendra contractuel. Il y a donc un travail de préparation et de pilotage très exigeant. Il faut aussi être prêt à négocier durement en permanence.

Il faut donc mettre en place des équipes solides. A cet égard, nous avons demandé que l'IGF et le CGA nous donnent un avis sur le pilotage du projet. Cet audit est important pour nous, car, à partir du déménagement, nous devrons mettre en place une direction de site qui sera l'interlocuteur permanent du groupement, pendant toute la durée d'exécution du contrat, pour tous les dysfonctionnements. Nous avons pris la décision de mettre à sa tête une personne qui aura rang de sous-directeur d'administration centrale, d'y affecter une vingtaine de cadres à de très bon niveau et au-delà de ces compétences que l'on trouve au sein des administrations, de recruter quelques personnes qui ont une expérience de ce type de négociations du côté des prestataires.

La demande d'audit est une bonne décision. Nous sommes dans la phase de la réalisation et s'il y a des choses qui peuvent être réajustées, c'est le bon moment. Nous allons passer ensuite à la réception, et devoir utiliser le nouvel immeuble. Il est important que l'on nous dise si nous sommes suffisamment bien organisés.

Je ne crains pas cet audit car je crois, mais je peux me tromper, que nous avons travaillé sérieusement et qu'il ne conclura pas que c'est un mauvais projet auquel il faudrait renoncer. D'ailleurs, compte tenu de l'état d'avancement du chantier - la plupart des fondations des immeubles sont réalisées et les immeubles commencent à sortir de terre - il y aurait de grandes difficultés à l'abandonner.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Ma première série de questions concerne les infrastructures. Dans son intervention devant la commission, le chef d'état-major a évoqué parmi les mesures de report ou d'annulation de commandes celles qui touchent l'infrastructure à hauteur de 750 millions d'euros sur 2012-2013. Nous savons qu'il y a eu des annulations d'autorisations d'engagement en 2012 pour environ 390 millions d'euros, y a-t-il eu des annulations en CP, qu'en est-il en 2013 et quels sont les principaux domaines concernés ? Ensuite la Cour des comptes évalue à 20 % des dépenses de politique immobilière, soit 200 millions d'euros annuellement, les marges de manoeuvre sur la politique immobilière en maintenant les dépenses directement liées à l'équipement des forces : partagez-vous cette analyse ?

Vous avez évoqué le rapport d'expertise conjoint au contrôle général des armées et à l'inspection générale des finances sur la soutenabilité budgétaire à court, moyen et long termes du projet Balard, et sur son opportunité, et semblez plutôt confiant quant à ses conclusions. Dans la période actuelle, nous sommes en droit de nous interroger sur les PPP, donc cet audit est tout à fait utile. Lors de votre audition à l'Assemblée nationale, vous avez indiqué deux difficultés : la dépollution des terrains, et le gel des travaux d'aménagement de la « corne ouest » en raison du contentieux avec la Ville de Paris. Où en est-on ?

Concernant les cessions immobilières, au titre du budget 2013, il est indiqué que des recettes exceptionnelles attendues des cessions immobilières à hauteur de 200 millions d'euros viendront abonder les crédits d'investissement au profit des infrastructures ? Est-ce assuré ? Le montant des recettes n'a-t-il pas été surestimé ? Vous avez évoqué les risques de décotes pour fin de transformation en logements sociaux au titre de la future loi « Duflot » sur le logement, avez-vous pu en mesurer l'impact et notamment sur les immeubles parisiens ?

Sur les systèmes d'information, pourriez-vous nous donner votre appréciation sur l'origine des dysfonctionnements graves qui ont affecté le versement des soldes dans l'armée de terre depuis le déploiement de Louvois ? Vous avez évoqué des problèmes techniques de calculateur, d'autres liés à la fonction RH au sein de l'armée de terre, s'agit-il selon vous de problèmes dans la structure du logiciel, dans la prise en compte de la réglementation des soldes, de compréhension dans les modalités d'entrées des données ? Il est nécessaire de poser un diagnostic sur cette affaire pour éviter que cela se reproduise.

A propos des restructurations, comment expliquer la sous-consommation des crédits d'accompagnement économique ? Ne risque-t-on pas de se trouver avec des montants importants d'engagement à satisfaire dans les prochains exercices budgétaires ? Est-il envisageable d'allonger la période de consommation des crédits après signature des conventions ? Quels enseignements tirez-vous de cette expérience ?

Concernant la politique des ressources humaines, dans son rapport sur le bilan à mi-parcours de la LPM, la Cour des comptes impute le moindre impact des économies attendues des réformes, notamment de la déflation des effectifs, sur la masse salariale au renforcement du taux d'encadrement par les officiers supérieurs et les personnels civils de catégorie A dans les structures d'emplois du ministère et invite à procéder à un « dépyramidage ». C'est un serpent de mer, car on comprend l'origine de la situation : réduction du format des armées, gestion des carrières, perspectives données aux cadres ... néanmoins il en va de notre crédibilité de rester dans certains standards !

Qu'est-ce qui explique l'évolution des dépenses d'action sociale qui ont progressé rapidement de 2009 à 2011 (+27 %) alors que les effectifs diminuaient (-6 %). Ce phénomène s'est-il poursuivi en 2012 ? Le budget pour 2013 a été réduit de 20 millions d'euros, quelle est la nature des économies réalisées ? Le ministre vous a demandé d'ouvrir un chantier sur la mobilité du personnel civil. Quels postes seraient susceptibles d'être offerts ?

Enfin, s'agissant de la modernisation, vous avez lors de votre audition à l'Assemblée nationale annoncé un bilan comparé des externalisations et de la régie rationalisée. Quelles en sont les principaux enseignements ? Quelles pistes vous paraissent devoir produire le plus d'économie en matière d'organisation des fonctions de soutien commun ?

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration

Concernant les dépenses d'infrastructures, je confirme les éléments donnés par le chef d'état-major des armées lors de son audition, soit 750 millions sur 2012-2013. 393 millions en 2012 et 351 millions en 2013 d'autorisations d'engagement ont été décalés. La décision de savoir où faire porter ces réductions a été prise avec l'EMA, on a essayé de maintenir au maximum les travaux relatifs à la condition du personnel et ceux relatifs à l'accueil des nouveaux matériels, en jouant plutôt sur les infrastructures techniques et opérationnelles, et en retardant des opérations de mouvements d'unités. Certes, cela joue sur les autorisations d'engagement, mais leur refroidissement est dû à la baisse des crédits de paiement à hauteur de 166 millions d'euros pour 2013. Dès que ces perspectives ont été connues, nous avons anticipé en limitant les engagements en 2012.

Vous avez évoqué les recettes exceptionnelles à hauteur de 200 millions d'euros. Nous venons d'encaisser, et pourrons reporter 52 millions issus de la vente de la caserne de Lourcine à Paris. Sur les 200 millions, 95 millions environ vont se reporter de 2012 sur 2013. D'autres opérations de cession en province sont en cours de discussion, pour 20 à 25 millions d'euros. Concernant les décotes, les cessions à l'euro symbolique achevées depuis le début de la LPM ont déjà fait perdre dans les 90 millions d'euros. Là, la loi Duflot propose qu'il puisse y avoir, si les communes le souhaitent, une décote en cas d'existence de projets de logements sociaux. La liste des immeubles concernés doit être actualisée, car celle rendue publique contient des erreurs. Ce sont les préfets qui travaillent sur cette réactualisation, en liaison avec les collectivités territoriales. Il convient néanmoins de relativiser les choses, par exemple nous avions fait part de nos craintes concernant les cessions à l'euro symbolique, elles ont toutefois permis des transferts dans des délais très courts. Or il existe, en province notamment, des immeubles issus de restructurations anciennes qui ne sont toujours pas vendus ! Ces cessions à l'euro symbolique ont donc permis d'éviter de tels cas. Nous nous sommes également engagés à prendre à notre charge les frais de gardiennage des immeubles, afin qu'ils ne soient pas squattés, pendant deux ans. La question de la décote est différente à Paris, considérant le niveau du marché immobilier, une décote de 30 à 50 % sur la valeur d'un immeuble aura un fort impact. Nous sommes en attente des projets de la ville de Paris en matière de logement social, nous savons qu'il en existe sur la caserne de Reuilly, mais nous n'avons pas d'éléments concernant les autres ensembles qui vont être mis en vente.

Concernant le projet Balard, vous avez rappelé le contentieux avec la ville de Paris. Celui-ci porte indirectement sur le projet d'aménagement de logements au garage à bus de la Croix-Nivert. Ce dernier devait être déplacé sur le site de Balard, et nous avions, en 2005, lors de la modification du PLU, accepté cette demande, d'autant plus qu'à cette époque nous envisagions de vendre Balard. Notre projet a changé et nous avons donc désormais cette servitude. Nous souhaiterions que le garage reste à la Croix-Nivert, tout en proposant que le site de Balard héberge temporairement le dépôt, tant que les travaux à la Croix-Nivert ne sont pas achevés. Le recours de la ville de Paris ne porte néanmoins pas sur cet aspect mais sur des éléments de procédure. Il ne peut y avoir distorsion entre le PLU et le permis de construire, nous avons donc utilisé la procédure de déclaration de projet permettant au préfet de modifier le PLU, celui-ci nous a accordé 3 permis de construire dont un pour la corne ouest pour la construction d'immeubles de bureaux à but locatif. Le contentieux porté devant le tribunal administratif de Paris bloque ces travaux, et non pas les travaux du ministère, or le contrat de PPP est rédigé de telle sorte que si les choses ne se débloquent pas d'ici juin 2013, le ministère devra alors prendre à sa charge l'équivalent de 220 millions d'euros correspondant à la construction de ces immeubles. Nous espérons donc que le litige sera tranché d'ici là. Quant à la dépollution des terrains, elle a coûté un peu plus de 8 millions d'euros HT, pris à la charge du ministère.

Vous m'avez ensuite interrogé sur Louvois. Le projet n'est pas récent, il a été décidé dès 1996, mais difficile à mettre en place compte tenu de la complexité réglementaire tenant aux différents régimes de soldes des armées. Cela a nécessité de préalablement travailler sur l'harmonisation de la réglementation afin d'avoir un socle commun. Un premier marché a été notifié en 1999 mais le projet n'a pas abouti et a été abandonné en 2003, avant d'être relancé dernièrement. Il a fallu prendre en compte à ce moment une évolution au sein de l'État, qui est la mise en place à terme d'un dispositif unique de paie (Opérateur National de Paye - ONP) de l'ensemble de ses agents, que le ministère rejoindra en 2017. Or ce dispositif sera alimenté directement par des systèmes d'informations Ressources Humaines (RH). C'est pourquoi nous avons rapproché les systèmes RH actuels et ceux de paie, auparavant séparés. Dès 2016, nous aurons un système RH unique pour les personnels civils et militaires baptisé « Source ». Avant de se raccorder à l'ONP, Louvois devient le calculateur de paie unique pour les militaires, ce qui permet d'abandonner les multiples systèmes précédents et devenus obsolètes. Quant aux personnels civils du ministère, ceux de la DGA et du contrôle général des armées, ils sont actuellement gérés par le système d'information RH « Alliance », et payés par le système de paye de la DGFiP. Avant de procéder à la mise en service de Louvois, nous avons systématiquement réalisé des tests, d'abord sur un échantillon représentatif de quelques milliers d'agents, puis instauré un système de double calcul pendant plusieurs mois sur la totalité du personnel, et enfin organisé une répétition générale. C'est le service de santé des armées qui a basculé le premier, de par ses effectifs réduits et son système réglementaire moins complexe; les premiers problèmes rapidement apparus comme la prise en compte des gardes, ont été résolus. Ensuite, la question de la bascule de l'armée de terre s'est posée. Nous avons rencontré des difficultés supplémentaires car ce transfert s'est déroulé parallèlement à la réforme de la chaîne gérant le paiement des soldes, à la mise en place des bases de défense et à la réorganisation de tout le dispositif RH. Par exemple, nous pensions avoir un stock non traités et non versés par les anciens systèmes de plusieurs milliers de dossiers d'indemnités, notamment de services en campagne (ISC) en fait il y en a eu 130 000 ! La solde de base a bien été prise en compte et versée pour le plus grand nombre, ce sont les éléments annexes, comme les avances et les retours d'OPEX, ou encore les mutations outre-mer, qui ont posé des problèmes techniques au calculateur. A ce jour 35 anomalies majeures sont à résoudre sur le calculateur. Plusieurs audits sont actuellement en cours, dès que les conclusions seront connues, le ministre prendra des décisions concernant les raccordements de l'armée de l'air et de la gendarmerie.

Sur les externalisations et la régie rationalisée, ces comparaisons avaient été engagées à la demande des organisations syndicales, opposées aux externalisations, en particulier dans le domaine de l'alimentation. Un premier bilan a été dressé il y a 2 semaines, qui, sous réserve d'éléments complémentaires, identifie des économies plus importantes si on recourait à l'externalisation. Nous ne sommes pas sûrs, néanmoins, d'avoir utilisé tous les leviers en termes de régie rationalisée, c'est pourquoi nous allons chercher à jouer un peu plus sur le vecteur RH. Une expérimentation a d'ores et déjà été lancée en ce sens sur la base d'Orléans, sur laquelle on compte 8 restaurants. En tout cas, la régie rationalisée permet des économies et est gérable socialement parce qu'il y a adhésion des personnels à la démarche.

Enfin, vous m'avez interrogé sur les restructurations. Les dépenses représentent 320 millions d'euros sur la période 2009-2015. Au 1er novembre, 45 contrats et plans de revitalisation de sites avaient été signés. Les 3 premières années, on a plutôt défini les projets et élaboré les plans. 60 millions d'euros ont été prévus pour 2013, ils devraient être consommés puisqu'on va entrer dans une période de consommation progressive des crédits. Quant au report des échéances, la durée de consommation des crédits est de 4 ans à compter, non pas de la signature du contrat, mais du déclenchement des investissements, et peut être reconduite encore 4 ans ensuite. Donc la question n'est pas à l'ordre du jour.

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

Quelles sont les conséquences d'une utilisation ou d'un gage des fonds de réserve de la caisse de prévoyance militaire et aéronautique ?

Ensuite, vous avez évoqué des travaux de quai à Brest et à Toulon. Pouvez-vous me confirmer qu'il s'agit de la tranche additionnelle du quai des flottilles à Brest ?

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration

Il n'y a aucune conséquence sur l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique. La dotation se monte à 500 millions d'euros environ, et l'utilisation (10 millions d'euros en 2012) se fait sur le résultat des placements, le capital n'est pas affecté.

Ensuite, c'est un complément d'opération à Brest. A Toulon, par contre, ce sont des travaux de plus grande envergure : la réalisation d'un quai complet pour l'accueil des FREMM avec des opérations de dragage assez complexes.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Je me fais tout d'abord le relais de mon collègue Jacques Berthou. Dans sa commune, un certain nombre de biens immobiliers appartenait à sa collectivité, des travaux ont été effectués et ensuite les logements ont été remis en gérance à un bailleur social, qui touche 6 % du loyer, le reliquat allant à la commune. Est-ce une piste de réflexion que vous envisagez pour remédier au manque de logements sociaux ?

Quant à moi, je souhaite vous interroger sur les biens immobiliers de l'armée. Sur certains travaux de déconstruction, curage et démolition, des matériels amiantés se sont retrouvés enfouis dans l'Oise en toute illégalité. Êtes-vous au courant de cette affaire et que faites-vous pour éviter ce genre de situation ?

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration

Pour répondre à la question de Mme Aïchi, il s'agit d'une piste de réflexion intéressante. Nous avons beaucoup de partenariats avec des bailleurs sociaux, 75 % du personnel du ministère pouvant prétendre aux logements sociaux. Nous passons donc régulièrement des conventions de réservation avec les offices, en liaison, le plus souvent, avec les collectivités territoriales. Quant à réaliser des travaux d'aménagement sur des ensembles immobiliers qui nous appartiendraient, à destination des bailleurs sociaux, tout en nous réservant la possibilité d'y loger du personnel, c'est effectivement une piste et nous sommes prêts à travailler sur des projets de ce type.

Concernant les travaux de dépollution, notamment ceux effectués à St Cyr, nous avons travaillé de façon étroite avec l'établissement public qui reprend le site, d'autant plus que c'est une zone qui avait été fortement bombardée pendant la dernière guerre. En matière de dépollution, l'État s'impose des obligations très importantes, donc les coûts sont très élevés. L'opération a été lourde mais menée jusqu'au bout, pour permettre un important projet de construction de logements. Dans les cahiers des charges, on trouve des obligations extrêmement précises en matière de dépollution, et le ministère ne peut pas se permettre le type d'évènement auquel vous faites référence. Je vous remercie de m'avoir alerté sur ce point et vais surveiller ce dossier.