Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de Mme Rachida Dati, garde des Sceaux, ministre de la justice, sur le projet de loi n° 429 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de règlement des comptes et le rapport de gestion pour l'année 2007.
a rappelé l'importance de l'examen du projet de loi de règlement, qui constitue un moment de vérité budgétaire, et a donc souhaité le plus d'interactivité possible dans les échanges au cours des auditions qui allaient se tenir.
a souligné que la loi d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJ) se fixait pour objectif, sur un horizon de 5 ans (2003-2007), de donner à la justice les moyens de faire face à l'accroissement de ses charges et au développement de ses missions. Il a indiqué qu'au terme de cette programmation, le bilan de cette loi apparaissait contrasté. Si le taux de réalisation de la LOPJ en matière de création d'emplois de magistrat était satisfaisant (76 %), son taux de réalisation concernant les emplois de fonctionnaire était décevant (32,6 %). Il a estimé que le ratio actuel de 2,57 fonctionnaires de greffe par magistrat traduisait une réelle faiblesse du soutien apporté aux magistrats, tant pour le rendu des décisions de justice que pour la gestion des juridictions. Il s'est interrogé sur les dispositions à prendre pour remédier à cette difficulté lourde d'enjeux pour l'avenir de l'institution judiciaire.
a confirmé que le niveau d'exécution de la LOPJ était satisfaisant pour les magistrats mais restait très en-deçà des espérances pour les créations de postes de fonctionnaire, seul un tiers de l'objectif ayant été atteint en la matière. Elle est convenue de l'importance de faire suivre les créations de postes de magistrat par de nouvelles créations de postes pour les greffiers. A cet égard, elle a indiqué avoir eu recours, dès sa prise de fonction, à 500 vacataires en vue de renforcer les effectifs des greffes. Elle a, en outre, rappelé la création de 187 postes de magistrats et d'autant de postes de greffiers en 2008.
Elle a ajouté que l'introduction des nouvelles technologies au sein de l'institution judiciaire devait permettre de pallier certaines insuffisances de personnels tout en améliorant les conditions de travail. Elle s'est félicitée de l'équipement, depuis le 1er janvier 2008, de toutes les juridictions en matière de numérisation et de dématérialisation des procédures. Elle a, également, insisté sur les possibilités de visioconférence désormais offertes à toutes les juridictions et en cours de mise en place pour les établissements pénitentiaires.
s'est interrogé sur la faiblesse du nombre de greffiers recrutés et a souhaité savoir si celle-ci provenait d'une absence de création de postes ou d'une difficulté à les pourvoir.
a rappelé qu'une modification de la scolarité de l'Ecole nationale des greffes (ENG), en 2003, avait été à l'origine d'un retard dans les sorties des promotions de greffiers.
a indiqué que le recours à 500 vacataires, en 2007, visait à répondre à ce décalage dans le temps du fait de cette réforme. Elle a, néanmoins, reconnu que certains crédits n'avaient pas été ouverts pour les créations prévues de postes de greffiers.
s'est interrogé sur d'éventuels arbitrages ayant pu privilégier les postes de magistrats au détriment des postes de greffiers.
a estimé que la réflexion conduite à partir de « l'affaire d'Outreau » avait, en effet, débouché sur un renforcement des recrutements de magistrats.
a regretté qu'une réaction émotionnelle ait conduit à une décision de court terme.
Pour Mme Rachida Dati, la réponse apportée à la suite de « l'affaire d'Outreau » ne correspondait probablement pas aux véritables enjeux mis en lumière par les graves dysfonctionnements constatés à cette occasion.
a rappelé qu'en 2007 la commission, lors de son déplacement au tribunal de grande instance (TGI) du Mans, avait pu observer l'accumulation des stocks de dossiers au bureau du greffe et avait déploré l'incompatibilité persistante des logiciels des officiers de police judiciaires (OPJ), avec ceux du greffe.
a indiqué que l'harmonisation de ces logiciels était effective depuis le 1er janvier 2008 et que la dématérialisation permettrait de transmettre en ligne toutes les pièces d'un dossier.
a estimé que les crédits dédiés à l'informatisation du ministère et des juridictions n'apparaissaient pas très clairement dans le projet de loi de règlement des comptes pour 2007. Il s'est interrogé sur leur montant et leur taux de consommation au terme de l'exercice, et ce d'autant plus que ces crédits font régulièrement l'objet de mesures de régulations budgétaires.
a précisé que le budget pour l'informatique du ministère et des juridictions s'élevait à 58 millions d'euros en 2007 et à 68 millions d'euros pour 2008.
a souhaité que ce budget soit désormais identifiable dans les documents budgétaires.
a fait part de son souci de regrouper tant les moyens humains que financiers dédiés à ces chantiers informatiques. Elle a annoncé que le budget consacré à ce poste de dépenses s'élèverait, en 2009, à 71 millions d'euros.
a rappelé que, le 10 avril 2008, la commission avait examiné les conditions du renouvellement du bail du pôle financier du TGI de Paris. La commission, s'appuyant sur les conclusions du Conseil de l'immobilier de l'Etat (CIE), s'était étonnée de la forte hausse de ce loyer : + 32 % pour un montant total de 4,46 millions d'euros par an, soit un coût au m2 de 604 euros. Si la décision prise par la Cour d'appel de Paris et les services de la Chancellerie s'expliquait par les investissements déjà réalisés dans cet immeuble pour en assurer la sécurité, ainsi que par le souci de ne pas engager de nouveaux frais de déménagement, les conditions de renouvellement de ce bail ne pouvaient néanmoins manquer de surprendre.
Il s'est interrogé sur les grands axes de la politique immobilière du ministère, tant pour les juridictions que pour l'administration centrale, ainsi que sur l'état d'avancement du dossier de l'implantation du futur TGI de Paris.
a souhaité savoir si l'inspection générale des services judiciaires (IGSJ) continuerait d'avoir ses bureaux place Vendôme.
a indiqué son souhait de rassembler sur un même site à Paris l'administration centrale du ministère. Elle a, par ailleurs, annoncé que l'IGSJ quitterait ses locaux de la place Vendôme en 2009. Elle a regretté la trop forte dispersion actuelle des services sur plusieurs sites et a souhaité que des économies d'échelle soient réalisées, notamment en matière de sécurisation des immeubles.
Elle a ajouté que la réforme de la carte judiciaire avait permis d'avoir une vision d'ensemble de la politique immobilière de la justice et de revoir certaines décisions d'implantation, juridiction par juridiction.
S'agissant de l'immobilier de l'administration pénitentiaire, elle a précisé que cette direction avait été laissée en dehors du champ de compétences de l'agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ) et bénéficiait ainsi d'une autonomie dans ses choix. Concernant ces opérations immobilières, les partenariats publics privés sont privilégiés et la gestion déléguée de ces établissements garantit un meilleur entretien que dans le cas de leur gestion directe par l'Etat.
Elle a, en outre, rappelé que le renouvellement du bail du pôle financier du TGI de Paris s'était effectué dans l'urgence et avait été soumis aux fluctuations à la hausse des prix du marché de l'immobilier parisien.
Concernant l'implantation du TGI de Paris, elle a indiqué que le maire de Paris avait « changé d'avis » et que ce dossier, dont le budget global prévisionnel s'élevait à 900 millions d'euros, n'était pas encore finalisé. Elle a précisé qu'il fallait faire émerger une véritable « cité » judiciaire.
s'est interrogé sur l'adéquation du site de l'Hôtel de la monnaie aux besoins d'implantation de la Cour de cassation.
a indiqué que cette idée n'avait pas été explorée et qu'il convenait avant tout de regrouper les services sur un même lieu.
a rappelé que les juridictions administratives s'étaient vu assigner un objectif de délai de jugement d'un an à ne pas dépasser. Il s'est interrogé sur les délais de jugement raisonnables pour les juridictions judiciaires. Il a, par ailleurs, souhaité savoir si des échanges d'expériences avaient lieu entre juridictions administratives et juridictions judiciaires.
a observé que les différences de procédure entre les juridictions de l'ordre administratif et celles de l'ordre judiciaire interdisaient toute comparaison. Ainsi, les juridictions judiciaires reçoivent du public alors que cela est rare dans les juridictions administratives. Elle a précisé que les délais judiciaires s'étaient grandement améliorés mais qu'ils dépendaient largement de la nature des affaires traitées. A cet égard, elle a ajouté que, eu égard à la sensibilité de certaines affaires notamment pénales, la rapidité de jugement n'était pas nécessairement un gage de qualité.
a fait part de son intérêt pour les propositions issues du rapport Guinchard rendu public le 30 juin 2008 et proposant, notamment, la création d'un greffier juridictionnel, la suppression des tribunaux de commerce et la refonte de la répartition des contentieux entre le tribunal d'instance (TI) et le TGI. Il a souligné que, si de telles propositions étaient suivies, elles auraient nécessairement un impact sur l'immobilier et les greffes des juridictions.
a indiqué qu'elle reprendrait la majorité des propositions issues du rapport Guinchard, par exemple en matière d'infraction routière, et qu'elle irait même parfois plus loin, notamment en matière de dépénalisation du droit des affaires. Dans ce dernier cas, elle a précisé que la dépénalisation du droit des affaires n'était pas synonyme de disparition des sanctions mais visait à faciliter les poursuites contre les délinquants. Elle a remarqué que les condamnations prononcées au pénal pouvaient, en l'état actuel du droit, constituer des obstacles à la croissance et au fonctionnement des entreprises. Elle a affirmé que le futur projet de loi sur la dépénalisation des affaires aurait, par ailleurs, pour effet d'accroître le quantum de peines pour certains délits, tels que l'abus de bien social ou le délit d'initié.
Elle a, en outre, estimé nécessaire de déjudiciariser certains contentieux, notamment en matière familiale. Elle a relevé que le rapport Guinchard suggérait le développement de certaines procédures alternatives telles que la composition pénale, l'ordonnance pénale ou la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).
Elle a considéré que la proposition faite par ce même rapport d'instaurer un « greffe juridictionnel » permettrait de revaloriser le métier de greffier, en reconnaissant des compétences de fait déjà exercées par ces fonctionnaires et en leur confiant la responsabilité d'émettre des injonctions de payer sans passer par un magistrat.
s'est interrogé sur de possibles évolutions dans le domaine du surendettement.
a rappelé que les dossiers de surendettement étaient instruits par la Banque de France, qu'une commission rendait ensuite une proposition transmise au magistrat pour homologation. Dans cette perspective, elle a estimé que la charge de l'homologation pourrait, éventuellement, revenir à un greffier.
En matière immobilière, elle a souligné que la réforme de la carte judiciaire avait déjà permis d'aborder ces questions. A cet égard, elle a précisé qu'elle était favorable, notamment, à un regroupement des tribunaux de police, trop dispersés, au sein d'un unique pôle pénal au niveau du TGI.
s'est interrogé sur l'avancement du programme de réalisation des centres éducatifs fermés (CEF), le taux de remplissage de ces structures et leur bilan. Il a, en outre, relevé la progression très importante du nombre d'analyses génétiques auxquelles il était procédé à la demande des magistrats, tout en soulignant leur intérêt dans le cadre de la recherche de la vérité.
a estimé que la montée en puissance annoncée du programme des CEF n'avait pas été atteinte. Il s'est interrogé sur les moyens d'optimiser les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).
a rappelé qu'un récent rapport de la Cour des comptes consacré à la PJJ avait souligné que 60 % des mineurs passés par un CEF ne récidivaient pas. Elle a insisté sur ce résultat d'autant plus probant que ces publics présentaient des profils particulièrement difficiles. Elle a précisé que le coût par mineur dans un CEF s'élevait à 590 euros par jour, mais qu'il descendrait à 324 euros si le taux de remplissage de ces structures était optimisé.
Elle a considéré que, pour mener une politique de prévention efficace, la PJJ devait privilégier une action sur des mineurs un peu plus jeunes qu'actuellement. Elle a souligné que, depuis mai 2007, la population carcérale mineure avait baissé de 4 % et que le taux de réponse pénale à la première infraction avait augmenté, ce résultat étant d'autant plus appréciable que 80 % des mineurs sanctionnés ne récidivent pas.
Elle a indiqué que 32 CEF étaient ouverts à la fin de l'exercice 2007, pour un total 340 places, et que 5 d'entre eux offriraient, en 2008, une prise en charge pédopsychiatrique.
a jugé indispensable de distinguer les mineurs relevant de l'action sociale de ceux relevant de la PJJ. Il a remarqué que beaucoup d'établissements bénéficiaient d'une double habilitation, source de confusion. Il a regretté les faibles moyens consacrés à la prise en charge psychiatrique et a souhaité un travail en concertation avec le ministère de la santé en vue d'améliorer cette mission.
a souligné qu'en matière d'assistance éducative pour les mineurs délinquants, l'offre s'était diversifiée, la création des CEF ayant suivi celle des centres éducatifs renforcés (CER) et précédé l'apparition des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM). Elle a ajouté que l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante serait entièrement réécrite afin de rationaliser la prise en charge des mineurs.
S'agissant des tests génétiques, elle s'est félicitée de la réalisation de près de 100 millions d'euros d'économies depuis trois ans sur ce poste de dépense, au titre des frais de justice, grâce à la passation de marchés publics et à une meilleure mise en concurrence.
s'est interrogé sur d'éventuels stocks de factures d'experts n'ayant pas pu être traitées dans les juridictions avant le 31 décembre 2007 et pouvant venir accroître, en 2008, l'enveloppe dédiée aux frais de justice.
a indiqué qu'aucun stock anormal de factures n'avait été signalé par les juridictions.
s'est interrogé sur l'opportunité de procéder à des tests ADN pour élucider de petits vols.
a estimé que de tels tests pouvaient permettre de procéder à l'arrestation de certaines bandes organisées et avaient donc leur utilité.
s'est inquiété de l'ouverture de nouvelles maisons d'arrêt sans que le ministère de la santé ne puisse subvenir aux besoins en matière de psychiatres, de psychologues et d'infirmières de ces nouveaux établissements.
a indiqué que 22 établissements pénitentiaires étaient tout particulièrement engagés dans les soins apportés aux délinquants sexuels et dans leur resocialisation. Elle a précisé que la prison de Fresnes comporterait, à partir de septembre 2008, un centre médico-judiciaire, et que des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) seraient ouvertes, en 2009, à Lyon (60 places) et Rennes (40 places), pour atteindre un total de 711 places d'ici à 2011-2012 sur l'ensemble du territoire.
a exprimé ses craintes, dans le cadre de l'ouverture de la nouvelle maison d'arrêt du Mans, de voir le centre hospitalier spécialisé (CHS) de cette localité accueillir des détenus souffrant de troubles psychiques et psychiatriques dans des conditions de sécurité qui ne seraient pas optimales.
a rappelé que, pendant longtemps, les professionnels de santé avaient estimé qu'aucun soin ne pouvait être dispensé en milieu fermé. Elle a souligné que les indemnités de vacation des médecins dans les UHSA avaient été significativement réévaluées et que le nombre même de ces vacataires avait augmenté. Elle a, toutefois, regretté que beaucoup de délinquants souffrant de troubles psychiques ou psychiatriques refusent les soins.
s'est étonné qu'au sein du programme « Accès au droit et à la justice » le taux de consommation des autorisations d'engagement (AE) soit de plus de 150 %, pour un montant total de 545,7 millions d'euros. Il s'est interrogé sur la montée en charge de ces AE.
a estimé que ce montant d'AE correspondait à un rattrapage lié au passage à la LOLF et au caractère désormais limitatif des crédits consacrés à l'aide juridictionnelle, alors qu'ils étaient auparavant simplement évaluatifs. Elle a ajouté qu'il convenait de revoir la notion d'aide juridictionnelle et que la réforme de ce système s'appuierait notamment sur le rapport d'information n° 27 (2007-2008) « L'aide juridictionnelle : réformer un système à bout de souffle » de M. Roland du Luart. Elle a, en outre, estimé que la réforme de la carte judiciaire, comme les propositions du rapport Guinchard, amèneraient les avocats à revoir leur prestation.
s'est interrogé sur le début d'une inversion de tendance concernant l'évolution les crédits consacrés à l'aide juridictionnelle.
a souhaité que la tendance à la baisse observée en 2007 se confirme en 2008.
s'est à nouveau interrogé sur la rationalisation des implantations immobilières du ministère à Paris.
a rappelé qu'un différend opposait le ministère à la Mairie de Paris quant au choix du site d'implantation de la future cité judiciaire.
Evoquant l'évolution nécessaire des systèmes informatiques de la Chancellerie et des juridictions, M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur l'acceptation par les magistrats d'une expertise extérieure au corps de la magistrature en ce domaine.
a indiqué qu'elle avait, notamment, créé un service des ressources humaines avec à sa tête un administrateur civil et que la direction de l'informatique du ministère était également placée sous l'autorité d'un fonctionnaire non magistrat.
a souhaité que l'on puisse désormais parler d'un véritable management des juridictions.
Mme Rachida Dati a considéré que beaucoup de réformes avaient d'ores et déjà été engagées en quelques mois pour rendre la justice plus moderne, plus lisible, plus accessible et plus adaptée aux besoins des justiciables.