La commission procède à l'audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).
Je salue tous les présents à cette audition de suivi de l'enquête sur l'ADEME diligentée par la Cour des comptes, à la demande de Fabienne Keller, rapporteur spéciale des crédits de la mission « écologie, développement et aménagement durables ». Je rappelle que cette enquête entre dans le cadre de l'application de l'article 58, deuxième alinéa, de la LOLF.
L'examen des dernières lois de finances a mis en évidence la montée en puissance de l'ADEME, devenue opérateur principal du Grenelle de l'environnement, qui, à ce titre bénéficie d'importantes ressources fiscales, dont il nous est apparu utile de contrôler le bon usage. L'enquête de la Cour des comptes, qui s'est également attachée à analyser la gestion des comptes confiés à l'Agence au titre des investissements d'avenir, dans le cadre du grand emprunt, a révélé l'existence d'un dispositif critiquable, qui concerne d'ailleurs de nombreux opérateurs, au-delà de l'ADEME.
Je salue nos collègues de la commission de l'économie qui ont répondu à notre invitation et rappelle que cette audition est ouverte à la presse.
Eu égard au nombre des intervenants, je demande à chacun, afin de préserver la possibilité d'un dialogue, d'être aussi concis que possible. Je rappelle à nos commissaires, qui pourront ensuite poser librement leurs questions, que nous aurons au terme de ce débat à prendre position sur la publication de l'enquête de la Cour au sein de notre rapport d'information.
Cette demande d'enquête adressée à la Cour des comptes s'inscrit dans la continuité des travaux engagés depuis plusieurs années par notre commission sur l'ADEME, dont Philippe Adnot, dans son rapport de 2001, avait relevé certains dysfonctionnements en matière de gestion interne, avant que la Cour des comptes, dans son rapport de 2006, ne mette elle-même en relief l'insuffisance des procédures de contrôle interne et un éparpillement des services préjudiciable au bon fonctionnement de l'Agence. Il nous est apparu d'autant plus important d'assurer un suivi de ces contrôles que, depuis lors, les responsabilités de l'ADEME se sont trouvées considérablement étendues par le Grenelle de l'environnement et le grand emprunt national. Comme opérateur du Grenelle, en particulier sur les questions du traitement des déchets et des économies d'énergie, l'ADEME bénéficie aujourd'hui de ressources fiscales considérables. C'est ainsi qu'elle se voit affecter, dans le projet de loi de finances pour 2011, 441 millions d'euros provenant de la taxe générale sur les activités polluantes. Si ce n'est pas la première fois que notre commission est amenée à pointer ce mode de débudgétisation de ressources destinées à mettre en oeuvre des politiques publiques, celle dont bénéficie l'ADEME, dès lors que la transformation des missions qui sont confiées à cette dernière doit l'engager dans une dynamique d'évolution profonde, appelle de notre part un processus de contrôle engagé dans la même dynamique. N'oublions pas que la débudgétisation fait échapper les ressources concernées, significatives, tant à l'autorisation parlementaire qu'à la mesure de la performance.
Les travaux de la Cour des comptes visaient à évaluer la gouvernance et la gestion courante de l'ADEME, afin de vérifier que ses objectifs sont bien assortis d'indicateurs de performance, mais également à analyser sa politique d'intervention, notamment en matière de traitement des déchets et d'économies d'énergie, dans ses relations avec les collectivités locales. Enfin, l'enquête avait pour objet de déterminer si les ressources mises à disposition de l'Agence depuis 2009 ont été correctement utilisées, eu égard à la capacité de l'opérateur de s'acquitter rapidement et efficacement de ses nouvelles missions, en détaillant notamment l'emploi des fonds affectés à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.
Je remercie les magistrats de la Cour qui se sont rendus à trois reprises en province - même si je n'ai pas eu l'occasion de les accueillir à Strasbourg - pour leur implication dans ce dossier, et je salue les représentants du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, ainsi que du ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, avec lesquels nous avons l'ambition de construire de nouveaux modes de contrôle des missions ambitieuses confiées à l'Agence.
Je remercie Mme Keller et puis l'assurer que si nos rapporteurs ne se sont pas rendus à Strasbourg, cela tient au seul fait que nous entendions éviter toute mésinterprétation qu'aurait pu susciter le fait que l'un d'eux, M. Ortiz, était président de la chambre régionale des comptes d'Alsace il y a encore quelques mois.
L'ADEME ayant le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial, elle est considérée, pour nous, comme une entreprise publique, avec cette conséquence que le contrôle donne lieu à deux documents distincts au contenu cependant très proche. D'une part, une communication au titre de l'article 58, alinéa 2, de la LOLF. D'autre part, un rapport particulier sur la gestion et les comptes de l'organisme.
Le contrôle de l'ADEME a conduit la Cour à porter une appréciation générale plutôt positive quant à l'usage qui est fait de ses ressources, ceci sans préjudice des observations qu'elle a à faire sur certains points.
Je m'attacherai d'abord à la place de l'Agence par rapport aux services de l'Etat.
Les missions de l'ADEME sont fixées par la loi et codifiées dans le code de l'environnement. Elles sont particulièrement larges, au point que se pose d'emblée la question de leur articulation avec les services de l'Etat et d'autres opérateurs de l'Etat.
S'agissant de l'Etat, la question du positionnement de l'Agence porte d'une part sur l'administration centrale, d'autre part sur l'articulation des directions régionales de l'Agence avec les nouvelles directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), même si le préfet est depuis 2009 chargé d'assurer cette coordination.
S'agissant des autres opérateurs de l'Etat tels que l'Agence nationale de la recherche, la réponse a pu sembler résider dans une spécialisation de l'ADEME, ou plus exactement dans une expertise plus marquée dans certains domaines - les déchets, en particulier - que dans d'autres. L'Agence revendique toutefois d'exercer pleinement l'ensemble des missions qui lui sont dévolues et d'être ainsi l'interlocuteur naturel et le partenaire de référence du grand public, des entreprises, des collectivités territoriales et de l'Etat sur les politiques environnementales, ce qui fait beaucoup.
L'ADEME s'est organisée autour de quatre métiers : connaître, convaincre et mobiliser, conseiller, aider à réaliser. Un contrat d'objectifs conclu avec l'Etat en 2009 précise les modalités de son action.
J'évoquerai maintenant les finances de l'Agence.
Le mode de financement de l'ADEME a souvent varié, combinant de manière fluctuante dotations budgétaires de l'Etat et taxes affectées : jusqu'en 1998, les deux sources ont coexisté ; de 1999 à 2005, le financement a été assuré par le seul budget de l'Etat ; en 2006, une part du produit de deux taxes, dont la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel, a été affectée à l'Agence pour environ 190 millions d'euros ; en 2007, l'apport des recettes fiscales a été accru ; en 2008, nouveau changement dans l'alimentation par des recettes fiscales ; en 2009, on enregistre un nouvel appoint de taxes affectées qui doit se poursuivre entre 2011 et 2013, avec 441 millions d'euros en 2011 et 485 millions d'euros en 2012 et 2013 provenant de la TGAP, selon le projet de loi de finances pour 2011.
A ces ressources budgétaires et fiscales s'ajoutent des recettes affectées par des organismes publics comme l'Agence nationale de la recherche, le fonds démonstrateur de recherche ou le FEDER.
Ce mode de financement faisant à certaines époques une place importante aux ressources affectées explique que, dans ses premières années d'existence, l'ADEME avait accumulé des excédents de crédits. En 1998, le passage à un financement sur dotations budgétaires de l'Etat a été l'occasion de résorber ces excédents, mais le coup de frein a été trop brutal et l'Agence s'est trouvée à court de crédits de paiement. La crise financière de l'ADEME ne s'est terminée qu'en 2007 et cet épisode n'est pas encore oublié.
Le Grenelle de l'environnement a augmenté très sensiblement les moyens de l'Agence en prévoyant un programme d'intervention de 1,7 milliard d'euros en autorisations de paiement et 862 millions d'euros en crédits de paiement pour la période 2009-2011. Des discussions se sont poursuivies pour rendre cette prévision cohérente avec le budget triennal de l'Etat pour 2011-2013 et faire en sorte qu'il en aille de même du contrat d'objectifs.
Qu'en est-il de la gestion de l'Agence ?
L'ADEME compte environ 1 000 agents, plus exactement 1 032 au 31 décembre 2009. L'augmentation est de 12 % par rapport au 31 décembre 2007. Une réelle tension existe sur ses effectifs et le recours à la sous-traitance et à l'intérim, quoique limité, s'accroît. L'Agence n'est pas soumise à la règle du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, règle que l'Etat a étendue à la plupart de ses opérateurs.
L'ADEME est dotée, d'une manière assez artificielle compte tenu de son mode de financement, du statut d'EPIC. On doit regretter qu'elle ne dispose pas d'instrument de gestion des ressources humaines permettant d'intéresser ses agents, individuellement ou collectivement, à l'atteinte des objectifs. D'une façon plus générale, l'ADEME n'a guère utilisé la souplesse de gestion que son statut lui donne et est gérée comme si elle était soumise aux contraintes du statut de la fonction publique.
S'agissant de la gestion immobilière, l'ADEME a su regrouper ses implantations à Angers sur un seul site. Il est toutefois regrettable que les sites dits centraux de l'Agence soient dispersés entre Angers, Paris et Valbonne. Cette situation est l'héritage des trois établissements publics auxquels l'ADEME a succédé en 1993 : l'Agence nationale pour la récupération et l'élimination des déchets (ANRED), l'Agence pour la qualité de l'air et l'Agence française pour la maîtrise de l'énergie (AFME). La dispersion des sites centraux est source de lourdeurs même si la téléconférence est largement utilisée entre les services de l'Agence.
Une remarque encore : une petite moitié (46 % exactement) des effectifs de l'Agence est implantée en province. Malgré la très grande étendue de ses compétences, qui impose la spécialisation de ses agents, elle a jusqu'à présent fait le choix de maintenir des implantations dans toutes les régions. Les directions régionales, dès lors, sont parfois composées d'équipes de très petite dimension.
Les indicateurs de performance appellent enfin quelques remarques quant à leur pertinence pour l'information du Parlement.
Quelles sont les modes d'intervention de l'ADEME ?
L'ADEME contribue à l'orientation et à l'animation de la recherche, mais n'en fait pas en propre. Elle s'insère dans un environnement institutionnel en forte évolution. La gouvernance de la recherche pourrait être revue, à l'occasion de l'installation du nouveau conseil scientifique. Cela contribuerait à s'assurer que le positionnement de l'Agence dans les domaines et les champs de la recherche qu'elle couvre est correctement articulé avec celui des autres financeurs.
S'agissant de l'aide à la réalisation, l'ADEME, outre quelques grands équipements (unités d'incinération d'ordures ménagères, réseaux de chaleur, etc.), finance en région une multitude de petits projets sur un grand nombre de thématiques. Confrontée à la nécessité d'optimiser ses ressources tout en poursuivant des objectifs ambitieux, l'Agence ne pourra pas durablement financer de petits projets qualifiés d'exemplaires si elle ne s'assure pas de leur impact local et de leur exemplarité à plus grande échelle. Il conviendrait de remettre de l'ordre dans la terminologie, de clarifier les concepts et d'améliorer l'exploitation de ce qui est financé par l'Agence à partir d'une typologie plus claire, en explicitant les suites possibles et en structurant les enseignements à tirer.
Un premier bilan de l'utilisation des fonds Grenelle fait apparaître que l'ADEME a su s'adapter, dans des délais rapides, à une montée en puissance des politiques publiques dont elle est le principal opérateur. Toutefois, en faisant de l'Agence l'opérateur de la transition environnementale, l'Etat lui assigne une mission extrêmement ambitieuse : être le vecteur du changement d'un modèle de société. Pour y faire face avec des ressources limitées, même si elles ont fortement crû, l'Agence doit reconsidérer ses modes d'intervention. L'exercice de hiérarchisation et de sélection rigoureuse auquel le Grenelle invite l'établissement et ses directions régionales reste en partie à faire.
La communication « convaincre et mobiliser » occupe une place importante dans les dépenses de l'ADEME qui, il faut le rappeler, n'ambitionne rien moins que de changer le mode de vie des Français, leur façon de consommer, de se déplacer ou de se loger. En 2010, les dépenses de communication comportent 72,7 millions d'euros d'interventions et 19,5 millions d'euros de fonctionnement. L'effectif dédié à cette fonction est de 205 équivalents temps plein (ETP).
La fonction de conseil pèse autant dans les effectifs de l'ADEME que la communication, soit 209 ETP. Le conseil peut être donné directement au décideur (ordonnateur local) ou indirectement par des relais, notamment les professionnels tels que les installateurs de chauffage. On sait combien les performances énergétiques ou environnementales d'installations conformes aux techniques les plus récentes varient selon qu'elles sont correctement montées ou non.
L'impression qui se dégage du contrôle de la Cour quant à cette fonction de conseil si importante pour l'efficacité et le renom de l'Agence figure page 43 du rapport : hétérogénéité selon les régions, peu de pilotage, sentiment que l'ADEME se greffe sur des initiatives locales sans définition de priorités par le siège, chaque région mettant sous le vocable « réseaux » des groupes qui peuvent être très différents. Pour démultiplier son action, l'Agence gagnerait à être, non pas plus présente dans les réseaux, mais mieux présente : laisser vivre ceux qui se développent sans elle, activer ceux qui ont des difficultés si leur plus-value le justifie.
Enfin, j'insisterai sur la gestion des investissements d'avenir.
Le Grand emprunt concerne l'ADEME à hauteur de 2,85 milliards d'euros pour la gestion de quatre actions. L'Agence est ainsi l'un des principaux opérateurs pour les « investissements d'avenir ».
L'Etat lui verse à ce titre des fonds que l'ADEME lui restitue afin de financer une série d'opérations qui sont comptabilisées dans des comptes de tiers.
Le mode opératoire ainsi mis en place est tout à fait dérogatoire, qu'il s'agisse de la décision d'investissement, des règles budgétaires applicables ou de la comptabilisation des mouvements de fonds. Ce cadre, qui déroge aux règles applicables à l'Etat aussi bien qu'à l'ADEME en tant qu'établissement public placé sous sa tutelle, a un fondement législatif. Les instructions comptables ad hoc sont en préparation par la DGFIP en liaison avec la Cour des comptes.
Sur le plan budgétaire, l'intégralité des crédits ouverts au titre de l'emprunt national sera versée au cours de l'année 2010 à l'ADEME et aux organismes gestionnaires. Les nouveaux programmes (au sens de la LOLF) disparaîtront en 2011.
Les crédits sont ouverts en AP = CP et seront budgétairement consommés en un seul exercice, alors même que leur consommation réelle s'étalera dans le temps. La règle de l'annualité budgétaire est ainsi mise entre parenthèses.
Les crédits versés à l'ADEME ne relèveront pas réellement de la responsabilité de l'ordonnateur de l'Agence, non plus que des décisions de son conseil d'administration. Un large pouvoir de décision, ou au moins de proposition, est reconnu au commissaire général à l'investissement.
Le mode de décision est aussi dérogatoire que le mode de budgétisation, et la responsabilité dans le choix des investissements d'avenir n'apparaît pas aisément.
Enfin, les opérations seront enregistrées en comptes de tiers et ne ressortiront donc pas des comptes de résultat de l'ADEME dans les années à venir.
Le cadre décisionnel, budgétaire et comptable des investissements d'avenir financés par le Grand emprunt a été conçu comme un dispositif dérogatoire. Encore faut-il que les responsabilités soient claires et la transparence assurée.
Je retiens de votre intervention que vous portez une appréciation globalement positive sur l'organisation de la gestion de l'ADEME, tout en notant qu'il semble quelquefois difficile de tracer la frontière entre ce qui relève de l'administration centrale et ce qui est imputable à l'Agence. Faut-il l'interpréter, monsieur le directeur général délégué, comme une « cannibalisation » de l'administration centrale par l'ADEME ? Qu'en est-il de la discipline forte aujourd'hui affichée au regard de l'exception sur les effectifs consentie à l'Agence ? Quels scénarios sont envisagés pour mettre fin à l'incongruité des trois sites centraux ? Sur les modes d'intervention et le subventionnement, peut-être pourrez-vous nous préciser quelles sont les règles suivies ? Pour les investissements d'avenir, dont l'État reste responsable en dernier ressort, nous avons besoin de visualiser ce qui va se passer. Si je comprends bien, l'État met à disposition de l'ADEME des fonds qui lui sont immédiatement restitués, les projets étant validés par le commissaire général qui vous demandera d'engager les appels à projet pour leur répartition. Quels seront les modes opératoires ? Comment traiterez-vous, au plan comptable et au plan budgétaire, ces opérations ?
Je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser mon président, contraint aujourd'hui par un déplacement à l'étranger.
Sachant que l'ADEME partage les grandes lignes du rapport de la Cour des comptes, et a fait réponse à ses observations dans le cadre de la procédure contradictoire, je m'attacherai à apporter des réponses précises à vos remarques.
L'Agence, qui s'est vu récemment confier un rôle majeur dans la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, avait, en matière de pilotage et de gestion, consciencieusement tenu compte des recommandations formulées par la Cour des comptes, qui relève aujourd'hui les progrès accomplis en ces domaines, lors de son précédent contrôle en 2006. Elle en fera de même à la suite de celui-ci.
Ce nouveau rapport de la Cour s'inscrit dans un contexte particulier de la vie de l'Agence, qui entraîne de profondes modifications de son environnement et de son cadre d'action. Elle doit répondre à une mobilisation de plus en plus active des protagonistes sur les thématiques qui relèvent de sa compétence : de plus en plus de demandes, qui gagnent en pertinence en même temps qu'en exigence, de la part de partenaires publics et privés de plus en plus impliqués et de plus en plus compétents. Le Grenelle, auquel nous avons participé au travers de vingt-cinq comités opérationnels, dont nous étions, pour cinq d'entre eux, chefs de projet, n'a fait qu'accroître la tendance. Parallèlement, notre action s'inscrit dans un paysage institutionnel profondément modifié, pour ce qui est de nos relations avec l'État, par la création d'un grand ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, mais aussi pour ce qui est de nos relations avec les collectivités locales, à travers la modification du décret statutaire de mai 2009, tandis que nous nous ouvrons à une dimension internationale avec l'élargissement de notre action à la lutte contre le changement climatique.
L'année 2010 a été pour nous marquée par la décision du Gouvernement de nous confier quatre programmes - énergies décarbonées, véhicule du futur, déchets, économie numérique. Notre priorité, depuis début 2009, a été de nous attacher à prévoir les évolutions nécessaires pour nous adapter à ces missions nouvelles. La Cour des comptes a suivi le déroulement de ce chantier, qui a engagé la réécriture du nouveau contrat d'objectifs pour la période 2009-2012 et l'élaboration d'une convention entre l'ADEME et le ministère de l'Ecologie visant à préciser les modalités de collaboration entre l'agence et sa tutelle. Notre autre chantier a été celui de la réorganisation, engagé à l'automne 2009, et qui a pris effet depuis le 1er janvier 2010. Nous avons ainsi été conduits à remettre à plat nos processus de gestion interne, à clarifier nos orientations, à mieux identifier nos priorités.
La Cour des comptes a été appelée à s'interroger sur l'adaptation de l'Agence à ses nouvelles missions et sur sa capacité à mettre en oeuvre les moyens qui lui sont confiés. Elle a ainsi souligné le caractère polymorphe des missions confiées à l'Agence, d'où des interrogations sur le risque d'interférences avec les autres sphères de l'État. Des exemples étrangers s'offrent cependant à nous, parmi lesquels celui des Pays-Bas, où les modes d'organisation sont comparables. La spécificité de l'Agence, qui couvre l'ensemble des sujets relatifs à l'environnement, sauf ceux qui touchent à l'eau et à la biodiversité, exige un traitement intégré. Notre taille modeste et notre organisation nous permettent d'avoir une vision d'ensemble sur des sujets interdépendants. L'expansion de l'Agence repose sur la variété de ses activités, qui vont de l'élaboration prospective jusqu'à la mise en oeuvre concrète sur le terrain, en passant par l'activité d'appui à la recherche et d'observation.
L'Agence a fait la preuve de sa capacité à concevoir, tester et expérimenter des outils techniques. Elle est, par exemple, à l'origine du bilan carbone, du plan de déplacement des entreprises, des certificats d'économie d'énergie.
Les missions de l'ADEME, opérateur en charge d'une politique publique envisagée dans sa globalité, sont certes multiples. Cela ne signifie pas pour autant qu'elle soit en concurrence ni avec l'administration centrale, dans sa fonction de pilotage, ni avec les services déconcentrés, chargés de déployer les politiques publiques, de veiller à leur application et au respect des modalités de leur mise en oeuvre.
L'administration centrale aurait ainsi une tâche de régulation et de réglementation, tandis que les administrations déconcentrées seraient chargées, en somme, de la « police » ?
L'administration centrale assure le pilotage stratégique et édicte les dispositions réglementaires. C'est tout autre chose que le métier de l'Agence, chargée d'une fonction d'expertise, d'animation de la recherche, d'élaboration d'outils d'incitation. Si j'en crois nos relations avec l'administration centrale, je n'ai pas le sentiment que nous lui « marchions sur les pieds ». Il nous arrive en revanche d'intervenir en conseil de notre tutelle. Quant à la coordination avec les directions régionales, elle est assurée par des comités de pilotage, pour définir nos priorités, fixer nos missions et le cadre de notre action.
Il serait intéressant d'avoir le sentiment de M. Monteils, secrétaire général du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, sur les relations de son administration centrale avec l'Agence.
secrétaire général du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer. - Pour recourir à une image simple, l'administration centrale représente la tête, les services déconcentrés les bras, tandis que l'ADEME est un outil. Entre les uns et les autres, la coordination requiert concertation, pour laquelle il importe de trouver les modalités adéquates. L'administration centrale n'est pas seulement chargée de veiller à la cohérence des politiques publiques en matière environnementale, elle remplit aussi bien d'autres fonctions, comme celles de régulation ou de contrôle par exemple.
La question est celle de l'articulation entre le pilotage de l'Agence et son organisation, restructurée depuis début 2010 et resserrée autour de quatre directions exécutives, pour la mettre mieux en phase avec nos nouvelles priorités, auxquelles nous avons voulu ajouter des instances de synthèse sur certaines thématiques, d'où la création, par exemple, d'un service climat ou d'un service agriculture. Pour nous aider à renforcer notre expertise sur des problématiques comme la consommation durable, l'accompagnement des acteurs locaux et les politiques territoriales, nous pouvons compter sur trois directions interrégionales auxquelles est associé un service destiné à assurer le lien entre le pôle territoires et les services centraux. Pour le volet investissements d'avenir, nous avons restructuré notre direction de la recherche pour consolider son rôle de précurseur.
Pourquoi maintenir vos services centraux sur trois sites et une équipe dans chaque région ?
L'agence est l'héritière des trois sites des agences qui l'ont précédé : Paris, Angers et Valbonne-Sophia-Antipolis. La décision a été prise de délocaliser à Angers non pas tous les services parisiens, mais une grande partie d'entre eux. Le programme a été respecté et, aujourd'hui, Angers compte 350 agents - contre 90 initialement - et les deux autres sites chacun une centaine. Il y a là une complexité de fonctionnement que nous essayons de surmonter mais cela s'apprend ! Il n'existe pas d'expertise répartie entre plusieurs sites, les surcoûts sont maîtrisés et nous recourons beaucoup à la visioconférence. Le Gouvernement ne demande pas le regroupement sur un site unique. Fermer Sophia-Antipolis ne serait pas sans conséquences : ce site rassemble les compétences énergétiques - énergies renouvelables, transport, bâtiment - et nous perdrions une expertise précieuse.
Une direction par région, c'est ce que prescrivait le décret statutaire. Leur taille est variable, mais l'ADEME requiert une dimension minimale. Les petites directions, comme celle de l'outre-mer ou du Limousin, comprennent donc au minimum dix à douze personnes, afin que l'essentiel des compétences soit représenté.
Nous avons quatre programmes, pour un peu moins de 3 milliards d'euros. Notre travail sur les investissements d'avenir consiste d'abord à établir des feuilles de route stratégiques, puis de lancer des appels à manifestation d'intérêt - trois seront lancés avant la fin de l'année, sur le bâtiment, le solaire photovoltaïque et le solaire thermodynamique. La loi de finances rectificative pour 2010 a suscité des questions, que nous avons soumises à notre tutelle. Quelle doit être la traduction budgétaire des investissements d'avenir ? La traduction comptable ? Quelle est la responsabilité de l'Agence dans la mise en oeuvre des programmes ?
En effet, le président de l'ADEME est l'ordonnateur des dépenses, ce qui le place dans une position ambiguë, puisqu'en cela il n'intervient ni comme ordonnateur secondaire de l'Etat, ni comme ordonnateur principal de l'agence, dans la mesure où le conseil d'administration ne délibère pas sur ces investissements. La direction générale des finances publiques nous a adressé hier des réponses techniques concernant les schémas d'écritures comptables. Il fallait être rapidement en ordre de marche en modifiant l'outil informatique, car deux des quatre conventions ont été signées et les fonds d'ores et déjà versés pour celles relatives aux énergies carbonées et à l'économie circulaire.
Non, nous avons reçu 1,6 milliard, soit 1,325 milliard pour la convention sur l'énergie et 250 millions pour les déchets ; mais il reste le milliard au titre des véhicules et les 250 millions destinés à l'économie numérique.
J'avais compris que les 2,85 milliards étaient mis à disposition de l'ADEME dès l'origine des projets pour raison budgétaire.
Deux conventions seulement ont été signées. Les sommes correspondant aux deux autres n'ont donc pas été versées. Dans la comptabilité de l'ADEME, les fonds apparaissent dans des comptes de trésorerie et des comptes de tiers.
Mais les 2,85 milliards seront mis à disposition de l'ADEME avant fin décembre, puis l'Agence les restituera à l'Etat ?
M. Laurent Machureau, sous-directeur de la 4ème sous-direction du budget. - Les fonds sont déposés auprès du comptable du Trésor. Tant que les comptes ne sont pas utilisés par l'opérateur, le solde de trésorerie de l'Etat n'est pas affecté.
Qu'en est-il de la dépense totale ?
Dans le budget de l'Etat, 35 milliards de dépenses seront bien inscrits mais l'argent n'aura pas été dépensé puisque les programmes ne sont pas engagés.
Le versement est inscrit cette année et lorsque les dépenses seront effectives, elles n'apparaîtront pas en comptabilité « maastrichtienne ».
Une annexe sera effectivement produite jusqu'à 2020, pour l'information des parlementaires.
Il existe aussi une commission de surveillance au sein de laquelle siège Mme Keller.
Dans la comptabilité de l'établissement, selon le schéma que nous avons proposé à notre conseil d'administration en juin dernier, l'ensemble des opérations est retracé dans les comptes de l'agence. Il y a aussi une balance, un compte financier séparé. De plus, nous présentons une programmation budgétaire des investissements d'avenir au conseil d'administration. Celui-ci approuve le compte financier, même si la grande masse des dépenses correspondante n'est pas autorisée par lui. C'est la loi de finances rectificative pour 2010 qui a imposé d'individualiser les comptes des opérations menées pour des tiers.
Le Commissariat général s'efforce d'optimiser la coordination entre les actions et les intervenants. Il coordonne ainsi tout ce qui relève de l'observation et de la statistique, domaine par domaine, afin de répondre aux demandes d'organisations européennes ou internationales. Par exemple, sur les déchets, l'ADEME fournit des données concernant les déchets ménagers, la direction générale de la prévention des risques transmet des chiffres touchant les déchets industriels dangereux, tandis que notre source pour les déchets du commerce est l'Insee. De même, nous étudions la capacité physique de production d'énergies renouvelables, quand l'ADEME se penche sur la rentabilité de ces filières. Troisième exemple, le Grenelle II a instauré l'affichage environnemental : nous constituons le cahier des charges de l'expérimentation inscrite dans la loi, tandis que l'ADEME élabore la base de données qui sera mise à disposition du public.
Un peu moins de 500 personnes.
Je vais évoquer les conclusions de l'audit mené conjointement par la direction générale des finances publiques et le contrôle général économique et financier. A cet égard, je salue dès à présent le dynamisme de l'ADEME, qui s'est montrée soucieuse d'opérer les clarifications comptables souhaitables.
L'ADEME a un total de bilan de plus de 700 millions d'euros et une valorisation dans les comptes de l'Etat de 177 millions d'euros, correspondant aux capitaux propres, soit un niveau, élevé, à hauteur de 25 %. Parallèlement, la situation de la trésorerie est confortable. L'Agence comprend des équipes de contrôle comptable en interne et, comme 34 autres établissements, elle applique depuis 2007 un protocole financier et comptable qui vise deux objectifs : l'amélioration de la qualité comptable en maîtrisant les risques, et la modernisation du processus de gestion. Le protocole comporte 21 actions dont 14 concernent la qualité comptable et 7 la modernisation. A ce jour 13 actions ont été totalement accomplies et, fin 2011, toutes seront réalisées. La démarche a porté ses fruits et les conclusions de l'audit de la mission nationale sont globalement positives, même si des améliorations possibles ont été identifiées, ce qui nous a amenés à proposer à l'ADEME un nouveau protocole de modernisation comptable et financière. Nous lui avons aussi suggéré d'envisager la perspective d'une certification de ses comptes, eu égard aux enjeux comptables croissants que représente cet organisme. Bien sûr, le calendrier et les modalités d'une telle démarche devraient être précisés, si le conseil d'administration de l'Agence souhaite s'engager dans cette voie.
Ils sont soumis au juge des comptes, donc la certification par un commissaire aux comptes n'est pas utile : ce serait doublonner. Nous nous sommes mis en état de certifier les comptes dans le cadre du précédent protocole de modernisation comptable. Toutefois, nous ne sommes jamais allés formellement jusqu'à une certification par un commissaire aux comptes.
La Cour certifie les comptes de l'Etat et les comptes de l'Etat consolident les comptes de l'ADEME. Donc, si les comptes de l'ADEME ne sont pas certifiés, cela peut susciter une importante réserve de la Cour des comptes.
Celle-ci existe d'ores et déjà, puisque c'est la troisième réserve de l'acte de certification des comptes de l'Etat par la Cour, qui en compte neuf. Elle porte sur la qualité des comptes des opérateurs. Une démarche de certification est souhaitable lorsque les sommes en jeu sont importantes. De ce point de vue, la direction générale des finances publiques accompagne le renforcement de la qualité comptable des opérateurs, en incitant ceux qui le souhaitent à s'engager dans cette démarche de certification.
S'agissant des investissements d'avenir, les schémas comptables proposés par la DGFIP sont la traduction du dispositif mis en oeuvre par la loi de finances rectificative pour 2010, ainsi que des dispositions contenues dans les conventions signées et publiées en août 2010. En termes de méthode, ces schémas comptables ont été présentés aux différents acteurs et ont fait l'objet d'une concertation. Des échanges ont eu lieu avec la Cour des comptes sur les schémas présentés et ses observations ont été prises en considération, notamment au regard de la traduction de ces investissements dans les comptes de l'Etat. Nous attendons désormais son retour pour stabiliser définitivement les schémas comptables. Sur le plan des principes, ce qui ressort de notre analyse de la loi de finances rectificative pour 2010 et des conventions est que le contrôle des opérations reste celui de l'Etat et que l'opérateur agit comme un intermédiaire. Par exemple, en ce qui concerne les subventions versées, les opérations sont comptabilisées en compte de tiers et de trésorerie, comme cela est prévu, avec un placement auprès de la trésorerie de l'Etat.
Quel que soit le schéma comptable qui sera finalement retenu, sur la base de ces propositions, la Cour des comptes pose la question du suivi et de la transparence sur ces montants. A cet égard, il me semble important d'insister sur la comptabilité générale de ces opérations. Il est important de considérer ces opérations comme un tout, à la fois pour les comptes de l'Etat et pour ceux des opérateurs. Ainsi, nous devrions mettre en place un suivi spécifique de reconstitution des dettes et créances réciproques entre l'Etat et ses opérateurs, ce qui permettrait un suivi, dans la comptabilité générale de l'Etat, des engagements pris vis-à-vis des bénéficiaires finaux. Cela conduirait par exemple à comptabiliser des provisions dans les comptes de l'Etat pour les montants engagés et non versés aux bénéficiaires finaux. Enfin, en termes de transparence, il me semble important que l'annexe des comptes 2010 de l'Etat comporte une explicitation des montants et des mécanismes de ce dispositif. De même, si le conseil d'administration de l'ADEME en était d'accord, une information particulière en annexe des comptes de l'ADEME pourrait garantir la transparence sur les états financiers.
Le décalage entre le budget et la comptabilité de l'Etat est un sujet délicat...
Je voudrais remettre en perspective l'audit de l'ADEME effectué par la direction générale des finances publiques. Nous avons une responsabilité particulière en matière de bonnes pratiques, au sein des établissements publics nationaux et de tous les opérateurs. Nos audits visent les services ordonnateurs et les services comptables. Nous avons conduit 34 audits du même type - qui sont un regard croisé sur l'ordonnateur et le comptable.
La Cour des comptes recommande d'éviter de financer de multiples petits intervenants. Qu'en pense l'ADEME ? Par ailleurs, l'Agence avait calculé le coût de la collecte des ordures ménagères, mais les collectivités locales aussi. Or, ces dernières sont parvenues à un autre chiffre, avec une différence de 600 millions d'euros. Comment expliquer cet écart ?
Quel est le positionnement scientifique de l'ADEME ? Quelle est sa plus-value en tant que commanditaire de recherches, par rapport aux autres organismes tels que l'Agence nationale de la Recherche (ANR) ou OSEO ?
Je veux évoquer les points noirs du bruit sur le territoire : l'ADEME, dans le Grenelle de l'environnement, a été chargée d'un plan de résorption de la pollution sonore autour des infrastructures routières et ferroviaires. Dans la convention passée avec Réseau ferré de France (RFF), l'ADEME prend en charge 100 % des travaux d'isolation des façades de bâtiments édifiés avant 1978. En revanche 25 % des travaux pour l'isolation des voies restent à la charge des collectivités. Pourquoi cette différence de traitement ?
Les délégations régionales de l'ADEME ont une importance capitale. Elles déclinent sur le terrain les exigences du Grenelle et interviennent auprès des collectivités locales. Quelles sont les évolutions observées ou souhaitables, pour répondre aux grands enjeux du Grenelle ?
Je voudrais m'arrêter sur la gouvernance. L'ADEME gère l'écologie de demain, l'administration gère celle d'aujourd'hui. Les responsabilités sont partagées. Sur l'énergie, sur les déchets, quelle forme prend le pilotage public ? Les départements interviennent, ainsi que les communautés de communes, les syndicats intercommunaux de traitement des ordures ménagères, les acteurs privés, les associations. Comment dans l'avenir mieux structurer la gouvernance ?
Ce fut l'une des raisons de la création du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer (MEEDDM). Le but de ces politiques publiques est ambitieux et complexe : il s'agit, comme l'a dit M. Descheemaeker, de transformer les modes de vie. De nombreux acteurs doivent agir, qui disposent de leviers différents, mais une bonne coordination est indispensable ! Désormais, un grand ministère, celui de l'écologie, traite de toutes ces problématiques au sein de deux grandes directions générales et de deux structures transversales, le Commissariat général et le Secrétariat général du MEEDDM. Au-delà de la tutelle, le pilotage se déploie également en région. La création des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) répondait aussi à la volonté de rassembler sous l'autorité du préfet l'ensemble de ces missions. Le Préfet est le délégué régional de l'ADEME.
Le préfet a autorité sur la représentation des agences, sur les services et sur la DREAL. Mais les fonds viennent de l'ADEME, pas de l'Etat.
Certes, mais il faut assurer la cohérence financière, s'agissant de financements contractualisés. Les flux financiers ne proviennent pas de l'Etat, mais il convient d'éviter les contradictions et d'assurer les complémentarités !
Comment appréhender, statistiquement parlant, les investissements et les moyens mobilisés par les autres opérateurs publics ?
Les commissions régionales s'efforcent de comptabiliser tous les flux quelle qu'en soit l'origine. Cela n'est pas toujours facile car les financements ne sont pas toujours contractualisés, mais c'est bien une mission régionale.
La réforme statutaire de 2009 est bien vécue. Des lieux de synthèse se sont constitués sous l'autorité du préfet de région. La commission régionale des aides (CRA) est un lieu de coordination important qui permet d'avoir une vue d'ensemble des dispositifs. En outre, le comité régional d'orientation rassemble des acteurs qui siègent aussi dans d'autres instances. Il est actif dans 22 régions sur 26, il associe des représentants des collectivités locales et il est un lieu de large débat. Enfin, les préfets sont secondés par les directeurs régionaux de l'ADEME.
Les préfets semblent tout de même quelque peu nerveux lorsque l'on évoque les prescriptions - tout un catalogue, à la limite du raisonnable ! - du Grenelle de l'environnement.
Les directions régionales jouent un vrai rôle d'appui et de conseil. Le directeur général de chaque agence régionale voit son préfet au moins une fois par mois.
Le Grenelle de l'environnement a prévu une gouvernance à cinq : Etat, collectivités, entreprises, syndicats de salariés, associations de protection de l'environnement. Il faut préparer les évolutions, et la gouvernance collective est au coeur du Grenelle. Jean-Louis Borloo a demandé aux préfets de mettre en place des comités de suivi du Grenelle de l'environnement.
La gouvernance à cinq est aussi le moyen d'associer toutes les parties prenantes à l'élaboration des politiques, de réunir les financeurs afin de mettre en oeuvre des financements cohérents. Les divers comités se réunissent le même jour, rassemblant souvent les mêmes participants et l'information circule. Cependant, il n'est pas anormal que certains flux échappent à cette « comitologie ».
Nous finançons une multitude de petits projets. La Cour des comptes a souligné le risque qui pouvait en découler. L'ADEME doit donc être suffisamment proactive pour que ce risque soit limité. En 2008, le montant moyen d'un contrat passé par l'Agence a atteint 68 kilo-euros, contre 27 auparavant. C'est bien la preuve qu'il n'y a pas eu de dispersion après le Grenelle. L'ADEME fonctionne de plus en plus dans une optique de sélectivité et d'appel à projets. Je pense à la valorisation des friches urbaines dans le cadre du plan de relance ou aux contrats d'objectifs territoriaux. La Cour appelle l'agence à ne pas se disperser, à capitaliser les aides. L'une des missions principales de l'agence est de rassembler des expériences, de monter des opérations exemplaires et de diffuser les bonnes pratiques à partir de ces exemples, non d'aider tout le monde ! Autrement dit, mettre à disposition des outils qui serviront à tous, non de distribuer les financements tous azimuts.
Le paysage de la recherche est très complexe, mais l'ADEME a su trouver une place spécifique. L'Agence n'est ni OSEO, ni l'Agence nationale de la recherche. Elle possède une expertise technique forte en interne. L'ANR obéit à une logique académique d'excellence scientifique, l'ADEME à une logique industrielle de court terme : elle vise à faire émerger des solutions techniques optimales à quatre ou cinq ans.
L'ANR se situe en amont. Ensuite, il y a l'ADEME, qui finance des démonstrateurs de recherche. Enfin, en aval, OSEO finance des projets innovants.
Êtes-vous parfois associés à des missions internationales ? Que pouvez-vous nous dire de la charte signée avec la Russie, qui vise à promouvoir les industriels français ?
Les acteurs ne se sont pas encore positionnés. L'ADEME joue un rôle d'accompagnement des entreprises françaises à l'étranger. Il existe une direction de l'action internationale qui comprend une vingtaine d'agents. La première difficulté est de sérier les interventions. Celles-ci ont lieu principalement dans le Maghreb et en Chine. Nous avons également été sollicités par le Chili et la Russie. Pour la Russie, l'ADEME recommande une structure pérenne destinée à soutenir les entreprises françaises, mais les arbitrages ne sont pas rendus.
Les « fonds bruit » du Grenelle sont consacrés à trois actions : le traitement acoustique des façades contre le bruit sur les axes routiers nationaux ; l'isolation du réseau routier des collectivités, mais il y a quelque difficulté à faire émerger des projets ; enfin, la construction de murs antibruit le long des voies ferrées et l'isolation phonique et thermique de façades - une convention a été signée avec RFF l'an dernier. La participation de 25 % à la charge des collectivités n'a pas suscité de problèmes dans les projets menés dans la vallée du Rhône, à Bordeaux, ou dans le Pas-de-Calais.
Les délégations régionales assurent l'indispensable proximité avec les acteurs locaux. Elles ont été mises au défi de réussir, d'une part, le déploiement des objectifs du Grenelle. Cela leur demande beaucoup de travail. Mais elles exercent aussi, d'autre part, un métier d'expert au service des collectivités et des établissements publics. A cet égard, le métier de directeur régional, depuis la mise en oeuvre du fonds du Grenelle de l'environnement, a beaucoup évolué. Les délégations régionales ont bénéficié d'un renfort de personnel des services déconcentré mis à disposition par l'Etat. La difficulté est de rester en veille, de dispenser un conseil efficace, de ne pas se noyer dans les tâches administratives trop lourdes et de mener un suivi attentif des projets. Mais les choses fonctionnent bien dans les équipes, car c'est en administrant un projet que l'on consolide son expertise, pour préparer le Grenelle d'après-demain. Les deux métiers se nourrissent l'un l'autre.
L'Agence est bien tenue, nous voilà rassurés.
Je demande à nos collègues de la commission s'ils sont d'accord pour publier cette importante enquête et le débat.
La commission autorise, à l'unanimité, la publication de l'enquête de la Cour des comptes ainsi que du compte-rendu de la présente audition sous la forme d'un rapport d'information.