Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition, ouverte à tous les sénateurs, de MM. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, Michel Prada, président de l'Autorité des marchés financiers (AMF), et de Mme Ariane Obolensky, directrice générale de la Fédération bancaire française.
a fait observer que deux séries d'éléments conduisaient les pouvoirs publics à s'interroger sur la pertinence de la réglementation des marchés financiers en vigueur. En premier lieu, il s'agit de la crise dite des « subprimes », qui s'était déclenchée durant l'été 2007 aux Etats-Unis, et qui paraissait à présent se diffuser à l'Europe. En second lieu, il s'agit de la crise propre que la Société générale traversait dans ce contexte. Il a rappelé que cette situation, indépendante de la crise des « subprimes », était liée à la fraude de l'un des traders de la banque, dont la prise d'engagements sans contreparties, dans le cadre d'une activité d'arbitrage, s'était traduite, à l'issue du « débouclage » des opérations en cause, par une perte de 4,9 milliards d'euros.
Il a rappelé la chronologie de cette « affaire » : vendredi 18 janvier, la fraude du trader ayant été mise au jour par l'entreprise, une investigation interne était engagée. Dimanche 20 janvier, le soir, l'ensemble des positions prises par le trader ayant été identifiées, le président-directeur général (PDG) de la Société générale, M. Daniel Bouton, informait de la situation le gouverneur de la Banque de France, ainsi que l'AMF. Lundi 21 janvier, le « débouclage » des positions frauduleusement prises se trouvait engagé. Cette opération était achevée mercredi 23 janvier, date à laquelle le gouvernement semblait avoir été averti. L'information était rendue publique le jeudi 24 janvier, la cotation de la Société générale étant alors suspendue.
s'est demandé si l'intéressement aux résultats dont bénéficient les traders avait joué un rôle déterminant. Il a signalé que les produits que maniait le trader concerné étaient des instruments de couverture, utilisés dans un but spéculatif : des produits dérivés dits « futures » et des contrats à terme « forwards ». Il a souhaité connaître les règles que la Commission bancaire était en charge de faire respecter à cet égard, et l'organisation du contrôle interne des banques.
a tout d'abord souligné l'importance, en termes de volume financier, des positions que le trader avait prises pour le compte de la Société générale. Ces positions, en effet, s'élevaient au total à 50 milliards d'euros. Il a estimé que la révélation de cette situation, sans l'annonce des solutions mises en oeuvre, aurait engendré des risques majeurs : panique des clients, retrait des contreparties et risque de liquidité. Il a indiqué que c'était en considération d'un double objectif de stabilité financière globale et de protection des clients de la Société générale qu'il avait accepté que cette dernière procède à un « débouclage » rapide et secret des positions incriminées, mené dans les meilleures conditions possibles de sécurité.
Interrogé par Mme Nicole Bricq, il a précisé qu'il avait donné son aval à la stratégie de M. Daniel Bouton dès le jour où il avait été informé de la situation de la Société générale, c'est-à-dire le dimanche 20 janvier après-midi. Il a indiqué que l'AMF en avait été immédiatement prévenue, et que la Banque de France, dès lors, avait étroitement suivi le dossier. La collaboration entre les autorités financières, selon lui, avait été complète.
Par ailleurs, M. Christian Noyer a exposé que les opérations d'arbitrage en cause consistaient à intervenir, dans un délai très bref, sur différents compartiments de marché. Alors que les « futures » sont échangés sur un marché réglementé ou organisé, les « forwards » sont traités sur le marché de gré à gré. En réponse à M. Jean Arthuis, président, il a précisé que les « forwards » ne donnaient pas lieu à appels de marge, au contraire des « futures », pour lesquels les appels de marge sont quotidiens. Il a souligné l'importance, en ce domaine, des systèmes de contrôle, qui doivent permettre de vérifier que les positions prises se trouvent effectivement couvertes, et le cas échéant de déceler les anomalies. Il a indiqué avoir diligenté une enquête en vue de comprendre comment le trader de la Société générale avait pu se soustraire au système de contrôle interne de la banque et organiser une gestion frauduleuse, notamment des couvertures fictives, dont il a relevé le caractère « sophistiqué ».
s'est demandé si une position de 50 milliards d'euros pouvait être prise sur un marché de gré à gré, compte tenu de la « profondeur » de ce marché.
a souligné la complexité technique des opérations dont il s'agissait. Il a indiqué que le marché de gré à gré, par nature, inventait, sur un mode contractuel, ses propres modalités de fonctionnement. Au regard des premiers éléments connus, il a précisé que les positions qui avaient été prises par le trader de la Société générale concernaient principalement les marchés Liffe et Eurex, soit, respectivement, les places de Londres et de Francfort. Il a estimé que retracer ces positions constituerait un travail long et difficile, et qu'en tout état de cause l'AMF ne pouvait les identifier a priori. Au demeurant, il a fait valoir que le problème tenait davantage au caractère fictif des couvertures qu'aux positions elles-mêmes. Par ailleurs, il a fait remarquer que la spéculation participait de l'essence du marché ; la fraude, selon lui, ne remettait pas en cause le rôle et le fonctionnement des marchés.
Sur une question de M. Jean Arthuis, président, il a précisé que les marchés de gré à gré pouvaient être d'une très grande ampleur. A titre d'exemple, il a cité le marché obligataire. Il a relevé que ces marchés non réglementés fonctionnaient généralement bien et essentiellement entre professionnels.
a présenté les modalités du contrôle que fait porter la commission bancaire sur les établissements qu'elle supervise. D'une part, elle assure un contrôle sur pièces permanent pour l'ensemble des établissements, en vérifiant leurs ratios prudentiels dans les états financiers trimestriels, semestriels et annuels. D'autre part, elle diligente des inspections sur place, ciblées sur un thème ou un secteur particulier. De la sorte, il a indiqué que la Société générale, sur la période 2006-2007, avait fait l'objet de 17 inspections qui ont porté soit sur les secteurs les plus risqués comme l'exposition aux subprimes, soit sur l'urgence du passage aux normes prudentielles dites de « Bâle II ». Ces contrôles avaient abouti à des recommandations de la commission bancaire, qui avait préconisé le renforcement des équipes et des moyens dédiés aux contreparties. En mars 2007, une lettre de cadrage en ce sens avait été adressée au PDG de la Société générale, ainsi qu'une « lettre de suite ». Cette dernière concernait spécifiquement les « dérivés structurés actions », mais ses recommandations, axées sur un objectif de sécurisation, revêtaient une portée plus générale, visant l'ensemble des instruments financiers, notamment les « futures ».
a émis le voeu que ces lettres puissent être communiquées à la commission.
a estimé que les premiers éléments connus laissaient à penser que le système de contrôle interne de la Société générale n'avait pas fonctionné comme il l'aurait dû et que ceux qui avaient fonctionné n'avaient pas toujours fait l'objet d'un suivi approprié. Interrogé par M. Jean Arthuis, président, il a confirmé que ce point était au centre des investigations que menait la commission bancaire.
est alors revenu sur les conditions du « débouclage » des positions frauduleusement prises par le trader de la Société générale, avant que la découverte de cette fraude ne soit rendue publique. Il a rappelé qu'en matière d'information financière, le principe était que tout élément qui, porté à la connaissance du marché, serait de nature à influer sur celui-ci, devait être rendu public. Toutefois, il a précisé que ce principe supportait une exception : dans des circonstances graves mettant en jeu l'intérêt supérieur de l'entreprise, l'information pouvait être différée si ce secret temporaire était de nature à éviter des pertes stratégiques. En l'occurrence, l'AMF avait estimé que la confidentialité des opérations de « débouclage » de la Société générale assurerait la meilleure sortie de crise possible, en minimisant les risques pour la banque et ses clients, dans la mesure où M. Daniel Bouton s'était engagé à réaliser cette opération dans le respect des règles en vigueur, notamment en ce qui concernait les ratios d'emprise. Il a souligné que la révélation de « l'affaire » avait reçu un accueil relativement modéré de la part du marché, compte tenu de sa gravité. Une annonce prématurée avant le « débouclage » aurait pu provoquer une crise aiguë. En outre, il a confirmé que l'AMF et la Banque de France étaient intervenues, dans ce dossier, en pleine coopération.
s'est interrogé sur le rôle de la commission bancaire : était-il normal qu'un salarié de banque puisse aussi « facilement » passer du « back office » au « front office », en conservant une connaissance précise des modes opératoires de contrôle interne ? Les 17 inspections conduites par la commission bancaire auprès de la Société générale en 2006 et 2007 avaient-elles permis de s'assurer d'une bonne répartition des rôles et de l'absence de conflits d'intérêts dans le traitement et le contrôle des ordres des traders ? La situation financière de la Société générale au 31 décembre 2007 était-elle aujourd'hui connue ; et était-il possible de distinguer clairement l'impact de la crise de l'immobilier américain et celui de la fraude constatée sur les produits dérivés ? En matière informatique, les codes d'accès aux postes de travail et logiciels étaient-ils régulièrement modifiés ? Les contrôles exercés par la commission bancaire avaient-ils notamment porté sur le respect des limites de délégation de pouvoirs au sein des services concernés de la Société générale, et les « lettres de suite » auxquelles M. Christian Noyer avait fait référence comportaient-elles des observations sur ces délégations ? Il s'est enfin demandé comment il avait été possible d'accumuler impunément un tel risque en capital, d'environ 50 milliards d'euros et donc largement supérieur aux fonds propres et à la capitalisation de la Société générale.
Concernant plus particulièrement le rôle de l'AMF, il a relevé que son président s'était joint au « comité de crise » constitué le dimanche 20 janvier après-midi en vue d'évaluer les conséquences financières de la fraude et les mesures à prendre, et a demandé confirmation que M. Michel Prada avait bien cautionné et partagé la responsabilité d'un débouclage immédiat des positions.
a confirmé cette appréciation, tout en contestant l'expression de « comité de crise » dans la mesure où il avait partagé un « secret lourd » dans le cadre d'une relation exclusive et « serrée », téléphonique et personnelle, avec MM. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, et Gérard Rameix, secrétaire général de l'AMF. Il a insisté sur le fait qu'en tant que représentant du régulateur des marchés, il n'exerçait naturellement aucune responsabilité opérationnelle dans les décisions prises par la Société générale, mais qu'il n'avait fait qu'accorder à son président le temps nécessaire pour solder les positions.
a considéré que M. Michel Prada avait bien estimé que le cours de la Société générale ne devait pas être suspendu dès le lundi 21 janvier, ce qui, selon lui, constituait une exception certes prévue par la réglementation mais singulière, et nécessitait donc des explications plus approfondies au regard de la fluidité et de la transparence du marché. Il a demandé confirmation que le gouvernement avait été informé le mercredi 23 janvier, à l'issue du débouclage, et si la Banque centrale européenne et d'autres instances internationales avaient également reçu la même information. Il a ajouté que la différence de fonctionnement entre marchés financiers réglementés et de gré à gré constituait bien un enjeu central dans cette affaire, mais que l'information disponible sur les modalités de la fraude n'était pas encore assez complète pour que l'on puisse en tirer des conclusions opérationnelles.
a rappelé qu'il s'en remettrait aux conclusions et recommandations de la commission bancaire si l'ensemble des infractions, relatives à la violation des codes informatiques ou à la connaissance des procédures, était avéré. Il a ajouté que d'éventuelles atteintes à la « Muraille de Chine » censée séparer les activités de back et de front offices, constitueraient une infraction grave, eu égard à l'importance déterminante de ce cloisonnement, et que la commission bancaire examinerait les moyens concrets d'en renforcer l'étanchéité. Parmi les travaux prioritaires, la commission bancaire avait demandé à tous les établissements de vérifier que ces « murailles de Chine » étaient respectées.
Puis, en réponse à M. Jean Arthuis, président, se demandant si le respect de cette « Muraille de Chine » était effectivement formalisé dans les bonnes pratiques des banques et comportait l'interdiction de passer du contrôle au service opérationnel, il a estimé qu'une telle interdiction n'était sans doute pas formellement édictée. Il a ajouté que l'examen du respect des procédures informatiques et de la fréquence de renouvellement des codes d'accès n'entrait pas, a priori, dans le champ des investigations de la commission bancaire.
Concernant la situation financière de la Société générale fin 2007, dont les comptes n'étaient pas encore arrêtés, il a considéré que les chiffres communiqués par la société le jeudi 24 janvier correspondaient, en ordre de grandeur, à ce qu'il était possible d'estimer. Sans cette fraude, la société aurait donc dégagé un très large bénéfice malgré d'importantes provisions constituées en raison de la crise des « subprimes ».
S'étonnant du caractère « transparent » dans les médias des déclarations du trader incriminé, M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur la nature du « matelas » évoqué par celui-ci lors des auditions judiciaires, et s'est demandé si de telles pratiques de dissimulation étaient fréquentes.
a indiqué que le montant d'1,5 milliard d'euros mentionné par le trader constituait bien des positions réelles mais qui avaient été neutralisées par des positions fictives inverses pour un montant équivalent. Il a néanmoins déclaré qu'il ne se fierait, sur ce point, qu'aux seules conclusions des inspecteurs de la commission bancaire et non pas aux déclarations prêtées au trader.
a indiqué que les équipes de négociation pour compte propre paraissaient parfois composées de « prima donna » gérant leurs positions de manière autonome, au mieux des intérêts financiers de leur banque comme des leurs.
a jugé que le principe du contrôle interne était d'empêcher de telles dérives, d'assurer le respect de limites précises sur les positions prises et un reporting régulier à la hiérarchie pour requérir, le cas échéant, ses instructions. Une révision générale des systèmes des banques serait néanmoins nécessaire pour assurer le respect de ces contrôles et limites. Il a ajouté que les provisions de la Société générale liées aux subprimes étaient bien distinctes de la perte due à la fraude, et que l'historique de l'accumulation des positions prises par le trader était bien au coeur de l'enquête judiciaire en cours. La sécurité informatique était également, selon lui, un élément déterminant de la « Muraille de Chine », et il importait donc de déterminer selon quelles modalités et fréquence les mots de passe et codes étaient modifiés. Cette sécurité ne pouvant être totale, il a considéré qu'il était nécessaire de rechercher en permanence les parades et améliorations pour accroître son effectivité.
Puis, en réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général, qui sollicitait davantage de précisions sur le contrôle des procédures de délégation, il a indiqué qu'il n'avait pas de réponse précise à cette question. Il a estimé que la réponse était négative mais que ce point devait être vérifié.
En réponse à une question de Mme Nicole Bricq, M. Christian Noyer a précisé que le gouvernement, afin de préserver ses capacités d'action, avait été averti suffisamment tôt avant le public par la Société générale, soit très tôt dans la matinée du mercredi 23 janvier, le débouclage des opérations étant largement engagé mais pas encore totalement achevé. Il a considéré qu'il était alors en mesure de fournir à l'exécutif une information pertinente et utile, consistant à ne pas exposer uniquement un problème mais également les solutions déjà mises en oeuvre pour le régler, c'est-à-dire le débouclage très avancé des opérations et le montage de l'augmentation de capital.
Il a ajouté qu'il avait alerté d'autres autorités dans l'après-midi du mercredi 23 janvier, parmi lesquelles la Réserve fédérale de l'Etat de New York, autorité de supervision de la Société générale dans cette place financière, et le Président de la Banque centrale européenne, au titre du bon fonctionnement de l'Eurosystème.
Justifiant le débouclage rapide des positions, M. Michel Prada a cité l'article 223-2-2 du règlement général de l'AMF, selon lequel un émetteur « peut, sous sa propre responsabilité, différer la publication d'une information privilégiée afin de ne pas porter atteinte à ses intérêts légitimes, sous réserve que cette omission ne risque pas d'induire le public en erreur et que l'émetteur soit en mesure d'assurer la confidentialité de ladite information en contrôlant l'accès à cette dernière », en particulier « en cas de danger grave et imminent menaçant la viabilité financière de l'émetteur ». L'appréciation de ces circonstances exceptionnelles, dans le respect des règles du marché, faisait, selon lui, partie intégrante de la difficile mission d'une autorité de régulation et démontrait pleinement son indépendance, parfois mise en question.
Puis, en réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, sur l'absence d'appels de marge pour certains instruments dérivés, il a rappelé que l'exposition globale d'environ 50 milliards d'euros consistait en des positions bien réelles, en l'espèce des « futures », et pour lesquelles les appels de marge avaient été réalisés, mais que le véritable problème résidait plutôt dans la question de savoir comment il avait été possible de compenser ces positions par des couvertures fictives. Il a également souligné que ces positions s'étaient constituées sur des marchés ouverts, ce qui impliquait de se montrer particulièrement vigilant quant à leurs effets lors du dénouement. Il a estimé que dans un tel contexte, et compte tenu de la gravité de la fraude, les décisions prises avaient été appropriées.
a indiqué ne pas disposer d'informations supplémentaires sur la Société générale. Elle a ajouté que la communauté bancaire française était en « état de choc », se posait naturellement des questions sur les raisons et conséquences de cette fraude, et attendait les conclusions du rapport que devait établir le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi pour en tirer les leçons.
Elle a souligné que certains principes de contrôle étaient bien ancrés dans la culture bancaire, tels que le principe dit « deux paires d'yeux », la présence de trois niveaux de contrôle ou le rattachement du département de contrôle interne à la direction générale, sans interférence de la hiérarchie opérationnelle. Elle a ajouté que les rapports de contrôle interne étaient discutés au sein des instances de direction et de supervision de chaque banque et transmis à la commission bancaire. Parmi les autres principes de contrôle non-écrits, elle a également évoqué la vigilance en matière de ressources humaines, et en particulier le principe selon lequel un salarié qui ne partait jamais en vacances devait a priori faire l'objet d'une proche inspection.
a constaté que ce principe n'était manifestement pas appliqué à la Société générale.
s'est déclaré « gêné » par les réponses apportées par M. Michel Prada quant au caractère urgent du dénouement des positions, qui ne lui semblait pas cohérent avec la mission principale de l'AMF, laquelle résidait, selon lui, dans la protection des épargnants, qui étaient la raison d'être du marché. Il a considéré que le maintien du secret avait empêché ces derniers de disposer d'informations qu'ils auraient dû obtenir. Il s'est, dès lors, demandé si le capital de la Société générale, compte tenu de la baisse modérée de son cours, avait fait l'objet de « ramassage », et a souhaité connaître l'identité des contreparties acquéreuses des instruments dérivés cédés sur le marché.
a souligné que la réglementation de tous les grands marchés financiers prévoyait une procédure analogue de différé de la publication d'une information privilégiée en cas de circonstances graves, et a évoqué les conséquences très préjudiciables qu'aurait eues la publication immédiate, dès le lundi 21 janvier, d'une information sur les anomalies décelées. Il a estimé que les actionnaires de la Société générale avaient ainsi été protégés d'une baisse probablement très prononcée du cours, et que l'AMF et la Société générale n'avaient fait qu'appliquer une faculté offerte par les directives européennes et la réglementation en vigueur, conforme aux pratiques des autres marchés.
Il a ajouté qu'il ne disposait pas d'informations précises sur l'identité des contreparties des positions dénouées ni sur les transactions réalisées sur le titre Société générale. Une enquête sur les variations de cours et l'information financière de la société avait, à cet égard, été ouverte par le secrétaire général de l'AMF, afin de déterminer si des informations privilégiées avaient éventuellement été utilisées durant la période de débouclage et les semaines qui l'avaient précédé.
a estimé que l'intérêt supérieur de l'entreprise, qui motivait le recours à la procédure de différé de la publication d'une information privilégiée, pouvait entrer en conflit avec la légitime information du marché. Après avoir fait part de son intention de vérifier les termes de transposition des directives communautaires évoquées par M. Michel Prada, elle s'est interrogée sur le contenu et la tonalité des « lettres de suite » adressées en 2007 par la commission bancaire aux grandes banques françaises, dont elle a souhaité que la commission obtienne communication, et s'est demandé de quels moyens financiers et humains disposait la commission bancaire pour faire appliquer ses recommandations.
Se référant aux propos de M. Michel Prada sur les relations « serrées » qu'il avait eues avec le gouverneur de la Banque de France, plutôt qu'un réel « comité de crise », elle a déduit que les autorités de régulation avaient choisi de procéder à un débouclage rapide et que le secret avait été maintenu entre seulement trois personnes extérieures à la Société générale, du dimanche 20 au mercredi 23 janvier, ce qui témoignait d'une crainte légitime compte tenu de l'ampleur du sinistre.
a insisté sur le fait qu'il n'avait pas formellement autorisé ce dénouement des positions, qui constituait une décision propre du président de la Société générale - lequel s'était engagé à communiquer sur trois aspects de l'affaire le jeudi 24 janvier - conforme à la dérogation prévue par le droit. L'AMF n'avait pas non plus participé aux négociations avec des établissements financiers portant sur la recapitalisation de la société. La problématique des risques financiers dans un marché globalisé n'offrait pas, selon lui, d'autre alternative que de permettre ce maintien du secret. Le marché avait, de la sorte, été mieux protégé que si une annonce brutale avait été faite et en l'absence de gestion rapide du débouclage des positions.
Après que Mme Nicole Bricq eut précisé qu'elle avait compris que M. Christian Noyer avait parlé d'un « plan d'acceptation », M. Jean Arthuis, président, a indiqué qu'il souhaitait obtenir une copie des lettres de suite adressées aux banques.
a donné son accord de principe à une communication de la structure et du principe de ces lettres, mais a jugé qu'il importait d'examiner préalablement si la transmission de leur contenu précis était compatible avec le respect du secret bancaire. Puis, en réponse à une question de M. Aymeri de Montesquiou sur la nature de ces lettres, à caractère général ou faisant suite à une inspection, il a précisé que ces documents, adressés en mars 2007, avaient pour objet de fournir aux conseils d'administration des banques une synthèse des constatations nées de contrôles antérieurs et des principales recommandations.
Après que M. Jean Arthuis, président, eut considéré que les malversations constatées à la Société générale résultaient d'une « fraude complexe sur des produits simples », M. Paul Girod a affirmé qu'il était illusoire d'espérer pouvoir tout contrôler, alors que l'innovation financière était permanente et que la régulation s'adaptait avec un temps de retard. Relevant que le débouclage avait eu lieu dans des conditions particulières et un contexte de marché très heurté, il s'est interrogé sur la part qu'avaient représentée ces dénouements dans le volume des transactions du lundi 21 au mercredi 23 janvier.
a jugé que le choix d'une réaction rapide fait par les dirigeants de la Société générale était légitime. En effet, la situation avait été réglée en trois jours, suivant la méthode qui, dans ce type de circonstances, était réputée comme la meilleure : « se couper le bras » plutôt que chercher à « se refaire ». Par ailleurs, il a fait observer que la gestion des positions de la Société générale sur les marchés Eurex et Liffe n'avaient pas justifié d'observations de leur part. Il restait peut-être à examiner une démarche émanant d'Eurex à la fin 2007. Il a également relevé que les risques bancaire et boursier demeureraient toujours, quoiqu'on fasse, même si le rôle des autorités de régulation et de supervision consistait précisément à limiter ces risques, en améliorant les dispositifs de contrôle.
a insisté sur l'importance, en l'occurrence, du risque qui était encouru. En effet, à ses yeux, la révélation sans délai de la situation de la Société générale aurait pu conduire à l'affolement, à la fois, des clients et des partenaires de la banque, ainsi que de l'ensemble des acteurs boursiers, engendrant un début de crise d'ordre « systémique ». Il a estimé que le scénario suivi par la direction de la Société générale avait permis de parer au plus vite et au mieux à un tel danger. Il a rappelé que la Commission bancaire imposait, aux établissements qu'elle supervisait, la mise en place, d'une part, de systèmes de contrôle interne destinés à réduire les risques et, d'autre part, de fonds propres proportionnés à ces risques et constituant, le cas échéant, un « coussin » de protection pour les déposants.
a reconnu à ces précisions le mérite de pointer clairement la nature et la gravité du risque auquel la Société générale s'était trouvée exposée : non pas un simple risque de chute de la cotation de ses actions, mais le risque d'un défaut de liquidités, dont la réalisation aurait pu avoir des conséquences non seulement pour la banque et ses clients mais pour l'ensemble du système financier.
a estimé que cette situation justifiait la décision, qui avait alors été prise, de différer momentanément la divulgation de la situation où se trouvait la Société générale.
a souhaité obtenir des précisions sur les modalités selon lesquelles le président de la Société générale avait informé les autorités de supervision de la situation de la banque. Par ailleurs, il s'est interrogé sur la possibilité qu'une « affaire » semblable à celle que traversait la Société générale touche un autre établissement financier.
a rappelé les faits suivants : le président de la Société générale l'avait informé dimanche 20 janvier, en fin de journée, que le contrôle interne de la banque avait révélé, le vendredi soir précédent, la fraude en cause. Il lui avait présenté la position financière de l'établissement telle qu'elle avait été établie pendant le week-end, ainsi que ses intentions en vue d'y remédier. Il lui avait indiqué qu'il souhaitait, dans ce cadre, pouvoir opérer de manière secrète. Estimant que cette stratégie était opportune, M. Christian Noyer avait décidé de n'en informer qu'un nombre très limité de collaborateurs.
Il a également indiqué que la Commission bancaire avait déjà demandé à tous les établissements de crédit ou sociétés d'investissement de se doter de procédures renforcées en matière de contrôle des risques. Ces procédures concernent l'engagement des opérations conformément au mandat, la sécurisation du système d'information, la détermination d'un seuil d'engagement des montants notionnels bruts, le respect des règles par les flux de trésorerie de paiement, la détection des anomalies et erreurs de traitement et de règlement.
a estimé qu'il était très difficile de connaître l'identité des contreparties, compte tenu de leur nombre élevé et de leur probable localisation sur les marchés britannique et allemand. Il a ajouté que du point de vue de l'AMF, le dénouement des positions s'était apparemment déroulé dans des conditions normales.
Après que M. Charles Josselin eut exprimé le voeu que la majorité des contreparties fussent françaises, M. Jean Arthuis, président, a constaté que certains acheteurs avaient sans doute réalisé des gains substantiels durant cette période de trois jours.
a précisé que ces contreparties, aussi bien, pouvaient simplement avoir minoré leurs pertes, si les achats advenaient en couverture d'un portefeuille d'opérations sur des actions.
a souligné l'importance « cruciale » des appels de marge réguliers, qui dans le cas présent avaient été compensés par des couvertures fictives. Elle s'est, dès lors, demandée si l'AMF avait opéré des vérifications sur ces appels de marge.
a précisé que ces appels de marge relevaient du fonctionnement interne des banques et n'étaient pas communiqués à l'AMF. Celle-ci disposait, en revanche, d'un système précis de surveillance des transactions réalisées sur les actions.
Après que Mme Nathalie Goulet eut estimé qu'il serait nécessaire de demander à la Société générale quelles étaient les modalités pratiques de vérification de ces appels de marge, M. Jean Arthuis, président, a rappelé qu'une telle requête n'entrait pas dans les compétences du Parlement, et s'est demandé si chaque trader disposait d'un « tableau de bord » individuel de ses positions.
a souligné la pertinence des interrogations de Mme Nathalie Goulet et confirmé que les opérateurs pouvaient effectivement suivre précisément leurs positions. Il a ajouté que dans le cas d'espèce, le problème résidait dans le respect des limites qui leur étaient imposées et du « reporting » auprès des responsables hiérarchiques. Il a également considéré que les appels de marge constituaient un moyen parmi d'autres de s'assurer de la continuité des systèmes de contrôle et de ce qu'il ne subsistait pas d'opérations en suspens.
a jugé que les présidents des autorités de surveillance avaient fait preuve d'un certain courage en préservant le secret sur la fraude et les opérations consécutives sur le marché. Il s'est demandé si l'industrie financière française, qui constituait l'un des secteurs les plus performants de l'économie nationale, se trouverait durablement entachée par cette affaire et, au-delà de ce cas, si des actions avaient été entreprises, au niveau international, pour réduire les inconvénients de la titrisation, compte tenu du rôle que celle-ci avait joué dans la crise des « subprimes ».
a considéré que cette crise posait de nombreuses questions, notamment au regard du risque opérationnel et de la déconsolidation comptable. Il a indiqué qu'elle se trouvait examinée par le Forum de la stabilité financière (FSF), qui avait été constitué après la crise asiatique de 1997. Cela représentait un progrès considérable dans l'architecture de la régulation financière mondiale. Il a exposé les quatre objectifs actuellement poursuivis par le FSF : une analyse de la gestion en amont des risques dans les établissements de crédit et sociétés de gestion, les conditions de valorisation des actifs (compte tenu des défaillances constatées en matière de dérivés de crédit et véhicules de titrisation), la transparence de l'information dans la chaîne de titrisation, et le rôle des agences de notation.
Il a indiqué que la titrisation était initialement perçue comme un modèle efficace et novateur de financement, via des « conduits » et véhicules structurés, mais que de nouveaux risques étaient finalement apparus. La crise avait commencé sur le marché très spécifique des subprimes, qui était progressivement devenu aux Etats-Unis un outil de spéculation - au moyen de la garantie hypothécaire sous-jacente - et non plus « social » de financement de l'accès à la propriété des ménages modestes. Il a rappelé que les agences de notation avaient noté « triple A » les tranches « senior » des véhicules de titrisation, contribuant à induire en erreur les investisseurs sur le risque réel encouru. La crise s'était accélérée, durant l'été 2007, en raison de la réaction tardive des agences, dont les révisions à la baisse des notations avaient alimenté un mouvement généralisé de défiance.
Les hedge funds avaient, quant à eux, contribué au déclenchement de la crise en cédant massivement des dérivés de crédit et parts de véhicules de titrisation. Il a indiqué que les banques avaient, de surcroît, dû rapatrier dans leurs comptes des montants élevés de risques auparavant déconsolidés, soit parce qu'elles étaient juridiquement et comptablement liées aux véhicules de titrisation hors-bilan, soit pour des raisons commerciales de « risque réputationnel », leur marque ayant été apposée sur certains « conduits » et structures de titrisation. Il a conclu que la recherche de solutions à cette crise constituait un chantier difficile, mais que le FSF proposerait sans doute des améliorations d'ici à mai 2008.
s'est étonnée que la situation d'un trader qui, d'après les premiers éléments connus, ne prenait pas de vacances et dissimulait tant ses gains que ses pertes, n'ait pas rapidement attiré l'attention de sa hiérarchie. Elle a souligné que, pourtant, les salles de marché étaient caractérisées par une certaine promiscuité, qui devrait rendre difficile, pour un trader, une fraude durable.
a estimé que ces interrogations étaient tout à fait pertinentes, mais qu'elles ne pourraient trouver de réponse qu'à l'issue des investigations en cours.
s'est demandé si un phénomène « d'addiction » propre aux salles de marché, à l'instar des salles de jeu, doublé d'une certaine méconnaissance de l'activité concrète des traders par leur hiérarchie, n'avait pas joué un rôle dans le cas de la Société générale.