Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Jean-René Lecerf sur la proposition de loi n° 322 (2007-2008) présentée par M. Jean-Pierre Bel, Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés, relative aux conditions de l'élection des sénateurs.
a constaté que la proposition de loi avait pour objet, à la fois d'étendre l'élection des sénateurs à la représentation proportionnelle aux départements où sont élus trois sénateurs, d'augmenter le nombre des délégués supplémentaires des conseils municipaux en attribuant un délégué pour 300 habitants, de créer des délégués supplémentaires pour les conseils généraux et les conseils régionaux et d'élargir le collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France.
Indiquant que la proposition de loi soumise à l'examen de la commission était identique à une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale sur laquelle les députés avaient choisi de ne pas se prononcer le 20 mai, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a précisé que, lors des débats, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, avait alors rappelé que la tradition républicaine impliquait qu'on laisse les sénateurs s'exprimer en premier sur un texte ayant pour objet de modifier les conditions de leur élection.
Précisant que le régime électoral du Sénat était une composante importante du bicamérisme différencié, il a rappelé que ce régime électoral était régulièrement actualisé, ajoutant qu'en 2002, un groupe de réflexion pluraliste sur l'institution sénatoriale, présidé par M. Daniel Hoeffel, avait analysé ses caractéristiques et émis plusieurs propositions pour améliorer la manière dont le Sénat remplit son rôle de représentant constitutionnel des collectivités territoriales et des Français établis hors de France.
Il a constaté que deux lois d'initiative sénatoriale avaient modernisé le régime électoral sénatorial en juillet 2003, en particulier en réduisant la durée du mandat sénatorial à six ans et en instaurant un renouvellement du Sénat par moitié, en actualisant la répartition des sièges de sénateurs pour prendre en considération les évolutions démographiques récentes des collectivités territoriales et en instituant un équilibre entre les modes de scrutin du Sénat.
Pour illustrer son propos, il a rappelé, qu'avant 2000, plus de 65% des sénateurs étaient élus au scrutin majoritaire, que la loi n° 2000-641 du 10 juillet 2000 avait au contraire prévu l'élection d'environ 69 % des sénateurs à la représentation proportionnelle et que la réforme de 2003 garantissait l'élection de 52 % des sénateurs à la représentation proportionnelle et de 48 % au scrutin majoritaire.
Il a noté que la disposition de la proposition de loi augmentant les délégués supplémentaires des conseils municipaux, en attribuant un délégué pour 300 habitants était semblable à une disposition de la loi du 10 juillet 2000 jugée non conforme à l'article 24 de la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 juillet 2000, car le nombre de délégués supplémentaires non élus des collectivités territoriales allait au-delà de la simple correction démographique et remettait en cause le principe selon lequel le corps électoral du Sénat doit être essentiellement composé des membres des assemblées délibérantes de ces collectivités.
Il a noté que le Conseil constitutionnel avait alors élaboré un vrai statut de la représentativité sénatoriale, prévoyant à la fois que la répartition par département des sièges, tout comme la représentation de chaque catégorie de collectivités territoriales et des différents types de communes au sein du collège électoral du Sénat, devaient tenir compte de la population de ces collectivités territoriales, que le Sénat devait être élu par un corps électoral essentiellement composé d'élus locaux, que toutes les catégories de collectivités devaient y être représentées et que la représentation des communes devait refléter leur diversité.
a précisé que l'article 9 du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Cinquième République, en cours d'examen à l'Assemblée nationale, prévoyait de modifier l'article 24 de la Constitution pour organiser la représentation des collectivités territoriales de la République par le Sénat en tenant compte de leur population et que cette modification constituait un préalable à une éventuelle adaptation du collège électoral sénatorial conforme aux voeux des auteurs de la proposition de loi.
Souhaitant répondre à quelques inexactitudes entendues lors du débat sur le dispositif examiné à l'Assemblée nationale, il a noté que l'affirmation du rapporteur, M. Bernard Roman, qui avait indiqué que le Sénat était un non-sens démocratique, ne tenait pas compte de la réalité du bicamérisme différencié.
Il a déclaré que les deux assemblées ne pouvaient être des clones et que la représentativité du Sénat, reposant sur son élection indirecte qui en fait une émanation de la démocratie locale, était complémentaire de celle de l'Assemblée nationale.
A cet égard, il a constaté que le mode de scrutin des députés, comme celui des élections municipales dans les communes de 3.500 habitants et plus, créaient également des distorsions entre les suffrages exprimés par les électeurs et leur représentation.
Jugeant hâtive l'affirmation selon laquelle le Sénat aurait toujours eu la même majorité politique, il a rappelé que sous la Troisième République, des gouvernements tels que celui de M. André Tardieu avaient été renversés par le Sénat et que sous la cinquième République, de 1958 à 1968, le Sénat avait sans doute constitué le premier opposant à la politique menée par le général de Gaulle.
Il a enfin réfuté les déclarations de M. Bruno Leroux, député, selon lequel le Sénat serait « servile » avec le Gouvernement quand sa majorité le soutient, en constatant que les prises de position récentes du Sénat sur les tests ADN destinés à prouver une filiation à l'occasion d'une demande de regroupement familial ou sur la rétention de sûreté montraient son indépendance et son souci d'améliorer la législation.
Il a marqué son désaccord avec le groupe socialiste concernant l'extension de la représentation proportionnelle aux départements élisant trois sénateurs, estimant que l'équilibre actuel des modes de scrutin était satisfaisant, que la féminisation du Sénat se poursuivrait en raison de la part croissante des femmes au sein des assemblées locales, ajoutant que le législateur ne devait pas en permanence modifier ces règles au risque de donner l'impression de bégayer.
Soulignant que la proposition de loi ne pouvait être adoptée immédiatement en raison de son inconstitutionnalité et de l'absence de consensus sur son dispositif, il a estimé que ce dernier mettait en revanche en lumière la faible représentation des départements et des régions au sein du collège électoral sénatorial, ainsi que le caractère restreint du corps électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France.
Il s'est interrogé sur la possibilité, induite par le texte examiné, de prendre en compte trois fois de suite une même population pour l'attribution des délégués des conseils municipaux, des conseils généraux et des conseils régionaux.
Il a souligné que l'augmentation à 4.735 membres du corps électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France poserait le problème matériel de l'organisation du vote et de la prise en charge financière des déplacements de ces électeurs, ces électeurs étant en pratique amenés à se rendre au ministère des affaires étrangères pour voter le jour du scrutin, ajoutant que le vote par correspondance ne pouvait constituer une alternative satisfaisante dans le cadre d'un scrutin politique national.
Il a considéré que, si le dispositif suggéré par le groupe socialiste n'était aujourd'hui pas conforme à la Constitution, la réflexion sur la définition du collège électoral du Sénat devait se poursuivre.
Il a constaté que cette réflexion devrait prendre en considération la résolution de certains déséquilibres électoraux actuels tels que les incohérences liées à la prise en compte de la population des communes associées pour la désignation des délégués des conseils municipaux en cas de fusion-association de communes, les distorsions de la représentation des électeurs dans le scrutin municipal appliqué à Paris, Lyon et Marseille, ou encore la délimitation actuelle des cantons, qui ne respecte plus le principe d'égalité du suffrage.
A cet égard, il a précisé que les représentants du ministère de l'intérieur entendus avaient confirmé que les écarts de population entre cantons seraient prochainement réduits par une redéfinition des limites cantonales.
a déclaré que cette réflexion devrait aussi prendre en considération à la fois la montée en puissance des établissements publics de coopération intercommunale, qui, en pratique, exercent aujourd'hui de nombreuses prérogatives à la place des communes et dont les délégués communautaires pourraient être à l'avenir désignés au suffrage universel direct, mais aussi les discussions actuelles sur la pertinence des différents niveaux de collectivités territoriales.
Il a enfin précisé que ses auditions avaient permis de dégager des pistes de travail supplémentaires telles que l'intégration dans le collège électoral sénatorial des représentants des communes qui ne sont pas aujourd'hui électeurs sénatoriaux et qui pourraient être désignés délégués au titre des conseils généraux et régionaux, la désignation des sénateurs par plusieurs collèges électoraux correspondant chacun à un niveau de collectivité territoriale, ou encore l'élection simultanée par les électeurs des conseils municipaux et de leurs délégués au collège électoral sénatorial.
Il a estimé que pour toutes ces raisons, la réflexion sur la définition du collège électoral du Sénat devait se poursuivre.
Après s'être étonné de l'absence de position du rapporteur à l'issue de son exposé, M. Bernard Frimat a estimé que ses propos constituaient un plaidoyer talentueux pour l'immobilisme.
Précisant que la démarche du groupe socialiste ne visait pas à remettre en cause la réforme électorale de 2003, il a cependant indiqué que la question de l'extension de la représentation proportionnelle aux départements élisant trois sénateurs se posait de nouveau.
Il a rappelé qu'aux élections sénatoriales de 2001, l'application de la représentation proportionnelle dans ces départements avait permis, par exemple dans le Puy-de-Dôme ou dans le Loiret, l'élection de sénateurs appartenant à plusieurs formations politiques.
Il a constaté que le nombre restreint des électeurs sénatoriaux désignant les sénateurs de certaines collectivités d'outre-mer ou ceux représentant les Français établis hors de France garantissait aux candidats de connaître personnellement leurs électeurs et pouvait apparaître comme peu satisfaisant au regard des principes démocratiques.
Affirmant qu'il n'avait pas une vocation d'historien pour chasser les idées fausses sur le Sénat, il a souligné que le collège électoral du Sénat n'avait pas évolué depuis cinquante ans et que 96 % des membres de ce collège électoral étaient des délégués des conseils municipaux.
Il a déclaré que la proposition de loi présentée par le groupe socialiste constituait le signe d'une volonté de dialogue avec la majorité sénatoriale sur l'évolution du collège électoral du Sénat et qu'elle était nécessaire pour assurer la légitimité du Sénat.
Il a affirmé que la position de la majorité sénatoriale sur cette proposition de loi influencerait la position du groupe socialiste sur le vote du projet de loi constitutionnelle et a rappelé que la majorité sénatoriale, d'abord avec une proposition de loi en 1999, puis au sein du groupe de réflexion présidé par M. Daniel Hoeffel, s'était autrefois engagée à faire évoluer le collège électoral sénatorial pour limiter les inégalités de représentation actuelles.
Estimant que la proposition selon laquelle il pourrait être demandé à des élus des petites communes n'appartenant pas aujourd'hui au collège électoral sénatorial d'y représenter à l'avenir les départements ou les régions n'était pas réaliste, M. Simon Sutour s'est interrogé sur le maintien des députés parmi les électeurs sénatoriaux.
Il a noté que cette proposition de loi constituait un compromis entre les membres du groupe socialiste et devait rééquilibrer la représentation des divers territoires au sein du collège électoral sénatorial.
Réagissant aux propos du rapporteur sur les évolutions institutionnelles en cours, il s'est déclaré défavorable à toute fusion des départements dans les régions.
a estimé nécessaire de ne pas aligner le mode d'élection du Sénat sur celui de l'Assemblée nationale, mais de maintenir la représentativité spécifique du Sénat, complémentaire de celle de l'Assemblée, élue sur des bases essentiellement démographiques.
Il a indiqué que l'Italie était confrontée à de nombreuses difficultés en raison de l'existence de deux chambres aux compétences et au mode de désignation quasi identiques, ajoutant qu'elle tentait aujourd'hui de faire évoluer ce système bicaméral.
Rejoignant les propos du rapporteur sur les évolutions institutionnelles en cours et sur les inégalités de représentation dans les cantons, il a rappelé qu'un conseiller général dans le département de la Mayenne était élu dans des cantons allant de 2000 à 15000 habitants.
Il a constaté que le mode de scrutin pour les élections municipales dans les communes de 3500 habitants et plus amplifiait de manière exponentielle les résultats du scrutin pour former une majorité municipale.
Dans la même logique, il a rappelé qu'en tant que tête de liste dans son département lors des dernières élections régionales, il avait obtenu 55 % des suffrages exprimés, mais que sa formation n'avait obtenu que 40 % des sièges.
Il a souligné qu'en prenant en compte la même population à plusieurs reprises pour attribuer un nombre de délégués aux conseils municipaux, aux conseils généraux et aux conseils régionaux, le dispositif de la proposition de loi était aberrant.
Saluant la fougue du rapporteur pour défendre ses arguments, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a considéré que le refus de discuter la proposition de loi constituait une occasion manquée qui n'arrangerait pas l'image du Sénat dans l'opinion publique.
a précisé que cette mauvaise image supposée, véhiculée par certains médias, ne correspondait pas à l'opinion des citoyens.
a estimé que l'argument de l'inconstitutionnalité de la proposition de loi ne tenait pas dès lors qu'une révision constitutionnelle était en cours au Parlement.
Elle a précisé que le groupe communiste républicain et citoyen n'était pas favorable à la proposition de loi, car elle tendait à conforter le fait majoritaire au Sénat, mais que la réforme du collège électoral sénatorial était nécessaire. Elle a estimé que, seule, l'extension de la représentation proportionnelle aux départements élisant trois sénateurs avait permis la féminisation du Sénat.
Après avoir salué l'exposé du rapporteur, M. Christian Cointat a estimé que, contrairement aux affirmations de M. Bernard Frimat, il constituait un plaidoyer contre l'immobilisme sur la question de la définition du collège électoral des sénateurs.
Notant que la proposition de loi permettait au Sénat de s'arrêter sur les questions légitimes que pose sa composition actuelle, à l'exemple de la sur-représentation des communes en son sein, il a indiqué qu'il lui paraissait pertinent d'analyser comment la part des départements et des régions pourrait y être plus importante.
Il a souligné que la réflexion et le dialogue devaient se poursuivre sur ce sujet et a insisté sur l'importance de la modification de l'article 24 de la Constitution par l'article 9 du projet de loi constitutionnelle, tout en rappelant que le professeur Jean-Pierre Duprat avait signalé, lors de son audition de la veille, que la rédaction du projet de loi était sans doute moins contraignante que celle suggérée par le comité Balladur prévoyant que le Sénat assure la représentation de collectivités territoriales de la République en fonction de leur population.
Il a rappelé que la tradition républicaine s'opposait à toute modification d'un mode de scrutin quelques mois avant l'élection concernée.
a précisé que le groupe socialiste du Sénat avait saisi le Conseil constitutionnel en février à propos de cette tradition républicaine lors de l'examen de la loi facilitant l'égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général étendant les hypothèses de remplacement automatique des conseillers généraux par leurs suppléants, mais que ce dernier avait refusé de rattacher cette tradition à un principe fondamental reconnu par les lois de la République, autorisant de facto le Parlement à modifier la loi électorale à n'importe quel moment.
a estimé que le collège électoral actuel des sénateurs représentant les Français établis hors de France, composé de 155 électeurs, était trop restreint et a rappelé que depuis 1982, les sénateurs concernés demandaient en vain son extension. Il a souligné qu'en l'état du droit, et malgré la définition de la représentativité sénatoriale posée en 2000 par le juge constitutionnel, le collège électoral des sénateurs parisiens, composé d'environ 2000 personnes, comprenait une très faible part d'élus locaux et a souhaité que le Sénat prenne le temps de poursuivre sa réflexion afin de dégager un consensus sur des pistes de réforme éventuelle du collège électoral.
a précisé que la proposition de loi posait un problème de constitutionnalité et que, même en l'absence de la décision du 6 juillet 2000, le Conseil serait amené à la déclarer non conforme à la Constitution afin de faire respecter le principe de libre administration des collectivités territoriales imposant, selon lui, que le Sénat doit être élu par des élus.
Rappelant que dans la plupart des systèmes bicaméraux, les assemblées avaient des modes de scrutin et des compétences distinctes, il a estimé que pour conforter son rôle de représentant des collectivités territoriales, le Sénat pourrait être constitué de deux sénateurs par département élus à la représentation proportionnelle ou de sénateurs élus dans des circonscriptions régionales.
Après avoir noté que le système envisagé par M. Hugues Portelli s'inspirait du Bundesrat allemand, mais que la transposition des spécificités de cette chambre en droit français ne paraissait pas pertinente, M. Richard Yung a rappelé que l'objet de la proposition de loi était de conforter la légitimité du Sénat par l'augmentation du nombre de délégués supplémentaires et a regretté que son dispositif ne soit pas examiné plus avant par la commission.
Il a déploré le nombre limité d'électeurs pour les sénateurs représentant les Français établis hors de France, ajoutant que cette caractéristique entraînait un climat détestable lors des élections sénatoriales et rendait possibles les dérives.
Rappelant qu'il avait déposé par le passé une proposition de loi prévoyant une augmentation plus mesurée de ce collège électoral sénatorial que le texte soumis à l'examen de la commission, il a indiqué que pourrait être étudiée la possibilité de régionaliser le scrutin, par exemple en instituant quelques bureaux de vote de par le monde pour faciliter le vote des électeurs.
Rejoignant les propos de M. François Zocchetto, M. Patrice Gélard a refusé d'accepter toute réforme qui se proposerait d'aligner la représentation sénatoriale sur celle des députés et a estimé que les règles en vigueur étaient satisfaisantes.
Il a précisé que l'importance des communes dans le collège électoral sénatorial était une caractéristique essentielle de ce dernier et a souligné que dans les Etats où la seconde chambre était la copie de la première, les difficultés procédurales et démocratiques se multipliaient.
Il a jugé que la proposition de loi du groupe socialiste était à la fois inconstitutionnelle et inopportune, et qu'elle ne devait pas perturber le débat à venir sur la révision constitutionnelle.
a rappelé que dans la plupart des démocraties européennes, la seconde chambre avait souvent des difficultés à prouver sa légitimité et que le Sénat français ne représentait pas les seuls territoires, mais les collectivités territoriales en tant qu'entités démocratiques.
Il a précisé que la représentation sénatoriale devait concilier à la fois la représentation des collectivités territoriales et celle de leur population, ajoutant que l'extension de la représentation proportionnelle dans les départements où sont élus trois sénateurs était plus satisfaisante que le droit en vigueur.
Il a souligné que l'absence d'alternance démocratique à la tête du Sénat, depuis quarante ans, fragilisait l'institution.
Rejoignant les propos de MM. François Zocchetto et Patrice Gélard, M. Pierre Fauchon a déploré que la proposition de loi du groupe socialiste tende à transformer le Sénat en assemblée politique.
Il a constaté que les règles électorales en vigueur pour les scrutins locaux créaient des déséquilibres dans la représentation et que les établissements publics de coopération intercommunale assumaient en pratique toutes les responsabilités des petites communes à l'heure actuelle.
Insistant sur l'utilité de deux chambres aux légitimités et à la composition complémentaires, il a remarqué que le dialogue entre les deux assemblées avait prouvé son efficacité lors des débats législatifs.
Rejetant une définition restrictive du Sénat tendant à en faire seulement le représentant des collectivités territoriales, il a souligné que l'ancrage local des sénateurs et leur expérience des responsabilités publiques constituaient cependant un atout, de même que leur connaissance personnelle des électeurs.
Dans l'hypothèse où l'article 9 du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, en cours d'examen à l'Assemblée nationale, pourrait permettre une réforme du collège électoral sénatorial, M. Robert Badinter a estimé que l'argument selon lequel la proposition de loi examinée par la commission n'était aujourd'hui pas conforme à la Constitution, n'était pas recevable.
Il a considéré que si la majorité sénatoriale était vraiment ouverte à une discussion sur l'adaptation de son collège électoral, ce texte pourrait en effet être discuté par le Sénat dès le lendemain de l'adoption éventuelle du projet de loi constitutionnelle par le Congrès le 7 juillet.
a indiqué qu'une nouvelle modification de l'équilibre des modes de scrutin ne lui paraissait pas nécessaire et qu'elle pourrait, après celles de 2000 et de 2003, donner l'impression que le législateur ne sait pas ce qu'il veut.
Il a rappelé que, comme le professeur Jean-Claude Colliard l'avait laissé entendre lors de son audition de la veille par la commission, des marges d'adaptation du collège électoral sénatorial dans le respect de la jurisprudence constitutionnelle actuelle existaient et que le groupe socialiste avait sans doute péché par « excès de gourmandise » en proposant un dispositif censuré par le Conseil constitutionnel en 2000.
Il a indiqué que le groupe socialiste semblait divisé sur certaines perspectives d'évolution du collège électoral sénatorial et que lors de son audition, le président Jean-Pierre Bel avait déclaré ne pas être hostile à une réflexion sur un dispositif consistant à choisir des élus locaux n'appartenant pas aujourd'hui au collège électoral sénatorial pour y représenter les conseils généraux et les conseils régionaux.
Il a constaté que la position du groupe socialiste précisant qu'un rejet de la proposition de loi pourrait entraîner un vote négatif de ce groupe sur le projet de loi constitutionnelle ne permettait pas dans l'immédiat une réflexion constructive sur le collège électoral sénatorial.
a alors demandé une suspension de séance.
A l'issue de cette suspension de séance, la commission a décidé de déposer une motion présentée par le rapporteur tendant à opposer une question préalable sur la proposition de loi n° 322 relative aux conditions de l'élection des sénateurs.
La commission a d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Patrice Gélard sur la proposition de résolution n° 345 (2007-2008) présentée par M. Jean-Jacques Hyest, tendant à actualiser le Règlement du Sénat afin d'intégrer les sénateurs de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin dans les effectifs des commissions permanentes.
a rappelé que la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer avait donné à Saint-Barthélemy et Saint-Martin le statut de collectivités d'outre-mer, régies par l'article 74 de la Constitution. Il a indiqué que chacune de ces deux nouvelles collectivités d'outre-mer devait élire un sénateur lors du renouvellement du Sénat en septembre 2008.
Il a relevé que ces deux nouveaux sénateurs devaient pouvoir siéger dès octobre 2008 dans l'une des commissions permanentes, dont les effectifs ont été modifiés pour la dernière fois en mai 2004 avant la création des collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy et Saint-Martin.
Jugeant que la prochaine intégration des deux nouveaux sièges au sein des commissions permanentes devait être organisée dès maintenant, il a expliqué que la proposition de résolution tendait à ajouter, à compter d'octobre 2008, un siège à l'effectif des deux commissions comprenant actuellement le moins de membres. La commission des finances et la commission des lois, qui comptent actuellement chacune 45 membres, en rassembleraient donc 48 à partir du prochain renouvellement, puis 49 en octobre 2011. L'effectif des autres commissions connaîtra l'évolution prévue par la loi organique du 30 juillet 2003 et atteindra donc, en 2011, 57 sièges pour la commission des affaires culturelles, la commission des affaires étrangères et la commission des affaires sociales, et 78 sièges pour la commission des affaires économiques.
Il a proposé l'adoption sans modification de la proposition de résolution.
s'est fait préciser qu'il s'agissait bien d'assurer la répartition au sein des commissions d'une augmentation des effectifs liée à la création de nouveaux sièges de sénateurs, et non d'affecter les futurs sénateurs de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin à des commissions définies.
a confirmé qu'il s'agissait d'une répartition globale, qui devait être réalisée dès maintenant afin de permettre à tous les nouveaux sénateurs de participer dès leur élection au Sénat aux travaux des commissions.
La commission a ensuite adopté la proposition de résolution sans modification.
Enfin, la commission a procédé à l'examen du rapport en deuxième lecture de M. Laurent Béteille, sur la proposition de loi n° 323 (2007-2008), modifiée par l'Assemblée nationale, portant réforme de la prescription en matière civile.
a rappelé que cette proposition de loi, déposée par M. Jean-Jacques Hyest au mois d'août 2007 et adoptée par le Sénat en première lecture le 21 novembre 2007, traduisait une partie des travaux de la mission d'information de la commission des lois du Sénat sur le régime des prescriptions civiles et pénales, conduite par MM. Jean-Jacques Hyest, Richard Yung et Hugues Portelli, de février à juin 2007.
Il a exposé que les dispositions proposées avaient pour objet de moderniser les règles foisonnantes, complexes et éparses de la prescription en matière civile, afin de simplifier la vie des particuliers et des entreprises, en réduisant le nombre et la durée des délais de la prescription extinctive, en simplifiant leur décompte et en autorisant, sous certaines conditions, leur aménagement contractuel.
a retracé les principaux apports du Sénat en première lecture, en mettant tout particulièrement en exergue :
- la réduction de trente ans à cinq ans du délai de droit commun de la prescription extinctive, y compris en matière commerciale, avec pour point de départ « le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer » ;
- l'harmonisation à cinq ans de la durée des multiples délais particuliers de la prescription extinctive, sous réserve du maintien de délais plus courts, comme le délai biennal de prescription de l'action des professionnels contre les consommateurs pour les biens ou services qu'ils leur fournissent, mais aussi de délais plus longs, comme le délai décennal de prescription de l'action en responsabilité pour dommage corporel ;
- la création, sous réserve de nombreuses dérogations concernant notamment les actions en responsabilité pour dommage corporel ou encore les actions relatives à l'état des personnes, d'un délai butoir de vingt ans courant à compter des faits ayant donné naissance au droit et non à compter de leur connaissance par son titulaire ;
- l'octroi aux parties à un acte juridique de la faculté, d'une part, d'allonger, dans la limite de dix ans, ou de réduire, dans la limite d'un an, la durée de la prescription, d'autre part, d'ajouter aux causes d'interruption ou de suspension de la prescription fixées par le code civil, de tels aménagements ayant toutefois été prohibés dans le cadre des contrats d'assurance et des contrats conclus entre un consommateur et un professionnel ainsi que, sur proposition de M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour les actions en paiement ou en répétition de certaines créances périodiques comme les salaires ou les loyers et les charges locatives afférents à des baux d'habitation ;
- l'unification des règles de prescription relatives aux actions en responsabilité engagées à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel ;
- la soumission de l'action civile aux règles de prescription de l'action publique lorsqu'elle est exercée devant une juridiction répressive, et aux règles du code civil lorsqu'elle est exercée devant une juridiction civile ;
- l'institution d'un délai de trente ans à compter du fait générateur du dommage pour la prescription des obligations financières liées à la réparation des dommages causés à l'environnement par les installations, travaux, ouvrages et activités régis par le code de l'environnement ;
- l'extension aux personnes liées par un pacte civil de solidarité des règles relatives au report du point de départ ou à la suspension de la prescription entre époux pendant la durée du mariage.
a ensuite présenté les travaux de l'Assemblée nationale.
Il a relevé que les députés n'avaient apporté que quelques modifications de fond au texte qui leur était soumis, sans remettre en cause ni sa philosophie, ni ses principales dispositions. Ces modifications, a-t-il expliqué, ont consisté à :
- préciser le point de départ du délai décennal de prescription de l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, en spécifiant qu'il s'agit de la consolidation du dommage « initial ou aggravé » ;
- écarter l'application du délai butoir pour la prescription entre époux ou partenaires d'un pacte civil de solidarité ;
- interdire l'aménagement conventionnel des règles de prescription des actions en paiement ou en restitution de l'ensemble des créances périodiques ;
- consacrer la jurisprudence selon laquelle les dommages trouvant leur origine dans la construction d'un ouvrage doivent être dénoncés dans les dix ans qui suivent la réception des travaux, que ces ouvrages relèvent de la responsabilité contractuelle de droit commun ou de la responsabilité décennale du constructeur ou de ses sous-traitants ;
- réduire de dix à cinq ans, à compter de l'adjudication ou de la prisée, le délai de prescription des actions en responsabilité civile engagées à l'occasion des prisées et des ventes volontaires et judiciaires de meubles aux enchères publiques ;
- soumettre les experts judiciaires au délai de droit commun de la prescription extinctive.
Enfin, M. Laurent Béteille, rapporteur, a indiqué que l'Assemblée nationale avait intégralement repris le contenu de deux amendements identiques au projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, adoptés par le Sénat au mois d'avril 2008 et tendant à prévoir des règles spécifiques pour la prescription des actions en réparation de préjudices résultant de discriminations au travail.
Il a rappelé que ces dispositions réduisaient de trente ans à cinq ans la durée du délai pour agir en justice, cette durée étant jugée suffisante pour rassembler les preuves, mais prévoyaient :
- en premier lieu, que ce délai ne courrait qu'à compter de la révélation de la discrimination, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation ;
- en deuxième lieu, que ce délai ne serait pas susceptible d'aménagement conventionnel ;
- en dernier lieu, que les dommages et intérêts devraient réparer l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.
Aussi M. Laurent Béteille, rapporteur, a-t-il proposé à la commission d'adopter sans modification la proposition de loi.
Après avoir constaté que l'Assemblée nationale n'avait effectivement guère modifié le texte adopté par le Sénat, M. Richard Yung s'est demandé s'il ne conviendrait pas de préciser la notion de révélation, retenue comme point de départ de la prescription de l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination au travail, en faisant également référence à la découverte des faits par la victime.
a indiqué que le choix de ce point de départ était conforme à la fois à la jurisprudence de la Cour de cassation et au souhait des représentants de diverses organisations regroupées dans un collectif de défense des victimes de discrimination, qu'il avait reçus, à leur demande, au mois de mars, avec MM. Laurent Béteille et Richard Yung.
a ajouté que les représentants de ce collectif avait exprimé la crainte, lors de cette réunion, que le point de départ retenu pour le délai de droit commun de la prescription extinctive ne fût préjudiciable aux victimes de discrimination : un salarié qui aurait eu le sentiment de faire l'objet de mesures de discrimination et qui s'en serait simplement ouvert à son employeur, sans toutefois agir en justice faute d'éléments suffisants pour étayer un recours, aurait risqué de se voir opposer la prescription de son action s'il n'était parvenu à réunir ces éléments que plus de cinq ans après, son employeur ayant été en effet fondé à lui objecter qu'il avait eu connaissance des faits invoqués.
Le rapporteur a précisé que, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la révélation de la discrimination correspondait au moment où la victime avait pu en « prendre la mesure », par exemple grâce à la communication, par son employeur, des éléments de comparaison nécessaires.
En conséquence, il a estimé que la précision suggérée par M. Richard Yung risquait d'affaiblir les droits des victimes de discrimination.
a souhaité savoir si la proposition de loi modifiait le régime de la prescription acquisitive.
lui a répondu qu'il avait veillé au maintien du délai trentenaire actuel de la prescription acquisitive en matière immobilière, particulièrement nécessaire en milieu rural.
a rappelé que ce délai était abrégé à dix ou vingt ans, selon que le vrai propriétaire était domicilié dans ou hors du ressort de la Cour d'appel où l'immeuble était situé, en cas de bonne foi et de juste titre du possesseur. Cette distinction fondée sur le lieu de domiciliation du propriétaire n'ayant plus de sens, il a précisé que la proposition de loi la supprimait et retenait une durée de prescription abrégée de dix ans en cas de bonne foi et de juste titre du possesseur.
La commission a adopté sans modification la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile, en deuxième lecture.
Présidence conjointe de M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères et de la défense.