La commission a tout d'abord entendu M. Alex Türk, président de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).
a tout d'abord rappelé que le Gouvernement, répondant à une demande renouvelée du Sénat, avait créé, dans la maquette budgétaire du projet de loi de finances 2009, un programme spécifique intitulé « Protection des droits et libertés » regroupant la plupart des autorités administratives indépendantes, dont la CNIL.
Après avoir regretté que le Gouvernement ne rende généralement pas publics les avis rendus sur certains avant-projets de loi par la CNIL et le Conseil d'Etat, M. Alex Türk, président de la CNIL, a déclaré que cette attitude constituait un « gâchis intellectuel » pour le Parlement appelé à examiner ces textes et qu'elle pouvait créer, en outre, en cas de fuite une asymétrie d'information entre les deux assemblées, citant l'exemple de l'avis rendu par la CNIL le 29 avril 2008 sur l'avant-projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dont la presse a rendu compte presse après le vote au Sénat. Il a jugé ce manque de transparence d'autant plus incompréhensible que les ministres tenaient souvent le plus grand compte de ces avis dans la rédaction définitive des projets de loi.
Il s'est par ailleurs réjoui de l'annonce par le Gouvernement de la publication, dans les semaines à venir, du décret « labellisation », rappelant que si la loi du 6 août 2004 prévoyait la possibilité pour la CNIL de délivrer un label à des produits ou à des procédures tendant à la protection des personnes à l'égard du traitement des données à caractère personnel, la mise en oeuvre de ce dispositif nécessitait un décret d'application.
Il a également déclaré avoir participé à la 30e conférence mondiale de protection des données et de la vie privée, organisée à Strasbourg, dans l'hémicycle du Conseil de l'Europe, du 15 au 17 octobre 2008, sur le thème « Protéger la vie privée dans un monde sans frontières ». Parmi les apports de cette conférence, il a cité, d'une part, l'amorce de dialogue entre Européens et Américains, dont les divergences de vue en matière de protection des données sont manifestes, d'autre part, la création, à l'initiative de la CNIL, d'un « Prix Nobel informatique et libertés » destiné à récompenser les meilleures initiatives en faveur de la protection de la vie privée.
Saluant la décision de la commission des lois de constituer un groupe de travail sur le thème de la traçabilité des individus, il a fait projeter un film, réalisé par ses services, illustrant la grande facilité avec laquelle les empreintes digitales peuvent être reproduites, y compris à l'insu des individus concernés, illustrant la médiocre fiabilité de certaines technologies fondées sur la « biométrie à traces ». Il a ainsi appelé de ses voeux une expertise approfondie et indépendante préalablement au lancement de tout système biométrique.
Abordant la mission de contrôle et de sanction dévolue à la CNIL, il a souligné que cette dernière enregistrait environ 4.000 plaintes par an dans les domaines les plus variés. Il a également salué le rôle joué par les correspondants informatique et libertés, au nombre de 4350, mais regretté leur très faible implantation dans les collectivités territoriales, à la différence des entreprises. Or, ces correspondants représentent une garantie pour les organismes concernés et une aide pour l'élaboration et l'inventaire de leurs traitements de données.
a ensuite présenté le régime spécifique du « droit d'accès indirect » qui concerne en particulier les fichiers de police et de gendarmerie, expliquant que ce droit s'exerçait par l'intermédiaire d'un membre de la CNIL, magistrat ou ancien magistrat, qui effectuait les investigations utiles et faisait procéder aux modifications nécessaires, par exemple la rectification ou l'effacement de données inexactes. Tout en jugeant ce système plus protecteur, car plus efficace, pour l'usager que le droit d'accès direct, il a souligné les difficultés pour la CNIL de faire face aux vagues de demandes consécutives à la médiatisation de certains fichiers. Il s'est par ailleurs félicité de ce que le fichier de police STIC (qui recense toute personne ayant participé à une infraction), selon lui potentiellement plus dangereux que le fichier Edvige, ait fait l'objet d'un contrôle très approfondi de la part de la CNIL, contrôle dont les conclusions doivent être rendues publiques dans quelques semaines.
Il a par ailleurs déclaré que la loi de 2004 avait doté la CNIL de pouvoirs de contrôle sur place et sur pièces, dans les horaires des perquisitions judiciaires (de 6 heures à 21 heures), et pour les seuls locaux professionnels. Ces contrôles (330 par an) sont motivés par l'instruction de plaintes (3 500 par an) ou obéissent à la mise en oeuvre de la politique de contrôle déterminée par le collège de la CNIL. Ils établissent, le cas échéant, des faits attestant des manquements aux obligations prévues par la loi qui sont sanctionnés par une nouvelle structure, de nature juridictionnelle, créée en 2004 : la « formation restreinte » de la CNIL. Sa composition actuelle est la suivante : outre son président, 6 membres, dont trois hauts magistrats, deux universitaires et un représentant du monde économique. A titre d'illustration, la CNIL peut infliger des sanctions financières, les rendre publiques, ordonner leur insertion dans la presse en cas de mauvaise foi du contrevenant, ordonner la suspension du traitement et retirer son autorisation. Depuis l'entrée en vigueur progressive de ces nouveaux pouvoirs, la CNIL a prononcé près de 20 sanctions et 300.000 euros d'amende au total, amendes qui, par leur montant, n'ont jamais eu pour effet de mettre en cause l'existence d'une entreprise. La procédure suivie devant la formation restreinte est contradictoire et, conformément aux règles du procès équitable issues de la jurisprudence du Conseil d'Etat et de la Convention européenne des droits de l'homme, le rapporteur ne participe pas au délibéré, qui est secret. Désormais conscientes des enjeux, les personnes mises en cause se font désormais, de manière quasi systématique, assister d'avocats, dont nombre d'entre eux viennent plaider en robe. Enfin, a-t-il précisé, les décisions de sanction de la CNIL peuvent faire l'objet d'un recours de plein contentieux devant le Conseil d'Etat, qui a reconnu en février 2008 le caractère juridictionnel de la CNIL et aura à connaître de cinq décisions de cette dernière dans les prochains mois.
Abordant les questions budgétaires, M. Alex Türk a appelé de ses voeux la mise en place d'un nouveau mode de financement, calqué sur le système britannique, à savoir fondé non plus sur l'impôt, mais sur une redevance acquittée par les acteurs de l'informatique (collectivités territoriales ou entreprises d'une certaine taille), avec pour objectif une augmentation de son budget, seule à même de financer en particulier l'installation, dans deux ou trois ans, d'une dizaine d'antennes interrégionales de la CNIL.
a rappelé que, parmi les raisons publiquement invoquées par la CNIL pour refuser son intégration au sein du futur Défenseur des droits, figurait notamment le fait que la Commission exerçait aujourd'hui 70 % de son activité vis-à-vis sur le secteur privé. Or, à l'initiative de la commission des lois du Sénat, le texte proposé par le projet de loi pour l'article 71-1 de la Constitution a été complété pour garder la possibilité de regrouper, au sein des compétences de ce Défenseur, des autorités administratives indépendantes compétentes non seulement à l'égard du service public, mais encore à l'égard du secteur privé. En conséquence, il n'est pas acquis que le législateur organique limite la compétence du Défenseur des droits à la sphère publique. Par ailleurs, il a souhaité connaître les avantages attendus du projet de déconcentration de la CNIL et la nature des travaux menés dans le cadre du groupe « G29 » rassemblant les 27 « CNIL européennes ».
a relevé que l'existence d'une instance indépendante chargée spécifiquement d'assurer la protection des données était une exigence communautaire, résultant d'une directive du 24 octobre 1995. A ce titre, la CNIL a effectué de nombreuses missions d'assistance et de conseil juridiques dans les pays candidats à l'adhésion. Il a ajouté que le Défenseur du peuple espagnol, qui a largement inspiré la création du Défenseur des droits en France, n'avait jamais eu pour vocation d'assurer la protection des données, mission confiée à une autorité distincte. Il a par ailleurs fait valoir, d'une part, que l'activité juridictionnelle de la CNIL lui paraissait incompatible avec la mission de médiation du futur Défenseur des droits, d'autre part, que la CNIL exerçait de plus en plus une activité de régulation économique, guère conforme à l'esprit dans lequel devrait travailler, selon lui, le Défenseur des droits. Enfin, il a signalé que le groupe « G29 », qu'il préside depuis avril 2008, était une instance essentielle, qui, bien que critiquement dépourvue de moyens propres, émettait des recommandations importantes, à destination par exemple des moteurs de recherche et des réseaux sociaux sur internet. Revenant sur le projet de déconcentration de l'organisation de la CNIL, il a souligné que les délégations interrégionales permettraient de renforcer l'efficacité de l'action de l'institution en la rapprochant des lieux mêmes où sont mis en oeuvre les fichiers, où les droits doivent être protégés et où les conseils doivent être le plus rapidement dispensés. Il a confirmé qu'elles ne pourraient être déployées sans la réforme budgétaire qu'il souhaitait.
a relayé le souhait de nombreux élus locaux d'étendre à l'ensemble de la France l'obligation, existant en Alsace-Moselle, pour toute personne qui change d'adresse de se déclarer en mairie (« fichiers domiciliaires »). Il a souhaité connaître la position de la CNIL sur ce point. Il s'est ensuite demandé si la CNIL disposait de moyens suffisants pour contrôler l'émergence des nouvelles technologies potentiellement attentatoires aux libertés individuelles, citant les nanotechnologies. Il s'est déclaré surpris que les collectivités territoriales aient si peu de correspondants informatique et liberté et s'est demandé si les associations d'élus locaux avaient bien été sensibilisées à l'intérêt d'une telle organisation.
a souligné qu'il avait déjà pris contact avec M. Jacques Pélissard, président de l'Association des Maires de France (AMF), mais qu'il serait probablement nécessaire de revenir vers cette association prochainement. Il a ajouté que la CNIL disposait d'un service d'expertise de haut niveau spécialisé sur les technologies du futur. S'agissant des fichiers domiciliaires, il a indiqué qu'au même titre que pour les statistiques ethniques ou les centrales positives (fichiers centraux regroupant des informations bancaires non seulement de nature « négative » comme des incidents de paiement, mais également des informations « positives » sur l'état de l'endettement et du patrimoine d'une personne), il n'appartenait qu'à la représentation nationale de se prononcer sur des questions aussi sensibles.
En réponse à M. Jean-Pierre Vial, qui l'interrogeait sur les possibilités de mise en commun d'un correspondant informatique et libertés, M. Alex Türk a souligné que les petites structures (entreprises ou collectivités territoriales) pouvaient en effet désigner un correspondant commun.
Interrogé par M. Pierre-Yves Collombat sur le coût prévisionnel unitaire des antennes interrégionales de la CNIL, M. Alex Türk l'a évalué à 6 ou 7 millions d'euros, soit la moitié du budget annuel actuel de l'institution.
En réponse à M. Jacques Mézard qui se demandait si la CNIL avait examiné la question du devenir des disques durs informatiques, M. Alex Türk a répondu qu'il avait constitué un groupe de travail sur l'archivage électronique et la conservation des données.
Puis la commission a entendu Mme Dominique Versini, Défenseure des enfants.
a rappelé que son institution, créée par la loi du 6 mars 2000, était investie de trois missions principales : recevoir et traiter des réclamations individuelles, formuler des recommandations ou des observations à caractère général et promouvoir les droits de l'enfant.
Au titre de sa première mission, elle a souligné que l'institution avait compétence pour recevoir et traiter les réclamations individuelles pour lesquelles des atteintes aux droits de l'enfant n'avaient pu être résolues de manière satisfaisante par les organismes compétents (institutions sociales, médicales, scolaires, judiciaires...), soit 1 700 réclamations par an concernant 2 300 enfants, réclamations adressées par les enfants eux-mêmes, mais également par leurs représentants légaux, tout membre de leur famille, les associations défendant les droits de l'enfant reconnues d'utilité publique, les services médicaux et sociaux, les parlementaires...
Présentant sa deuxième mission -formuler des recommandations ou des observations à caractère général- Mme Dominique Versini a rappelé, d'une part, que son institution rendait des avis sur tous les projets de loi relatifs aux mineurs, d'autre part, qu'elle conduisait des études sur des thèmes d'actualité, tels que le ressenti de l'enfant lors des séparations parentales conflictuelles ou sa place au sein des familles recomposées. Elle a estimé satisfaisant l'arsenal juridique de protection des droits de l'enfant en France, mais a regretté une application parfois insuffisante des textes. Elle a mis en avant quelques-uns des grands sujets d'inquiétude de l'institution :
- les difficultés de regroupement familial lorsque des familles, en situation régulière en France, ont des enfants à l'étranger, et ce en raison de la défaillance de l'état civil de certains pays ;
- l'isolement de certains mineurs étrangers, en particulier dans les grands centres urbains ;
- le placement dans un centre de rétention administrative d'enfants dont les parents sont en situation irrégulière en France, alors que la Convention internationale des droits de l'enfant, signée en 1989, interdit toute restriction de la liberté des enfants qui n'ont pas commis d'infractions ;
- le difficile accès aux soins de certains enfants, y compris français, à Mayotte, en raison de leurs difficultés à prouver leur état civil.
Au titre de sa troisième mission, à savoir assurer la promotion des droits de l'enfant, Mme Dominique Versini a relevé que la modicité de son budget - 2,3 millions d'euros en 2008 - avait longtemps empêché l'institution de mettre en place des actions de formation et d'information pour promouvoir les droits de l'enfant, auprès des jeunes comme des adultes, mais que le lancement de nombreux partenariats avaient permis de réels progrès en ce sens, citant la constitution d'une équipe de 32 jeunes ambassadeurs chargés, dans le cadre d'un service civil volontaire, de présenter les droits de l'enfant dans les collèges, les centres sociaux et les services hospitaliers pour enfants, ainsi que la mise en place de correspondants territoriaux, dont elle a souhaité porter le nombre, actuellement de 65, à un par département. Par ailleurs, a-t-elle ajouté, une consultation nationale, intitulée « Parole aux jeunes », a été lancée à l'approche du vingtième anniversaire de la Convention internationale des droits de l'enfant. Elle a expliqué que cette opération consistait en un tour de France, de mai 2008 à mai 2009, avec escales dans huit départements avec, à chaque fois, un thème différent : vie privée et internet, justice, famille, éducation, discriminations...
a noté l'ampleur des missions dévolues à la Défenseure des enfants au regard de ses faibles moyens. Abordant la question de la maltraitance des enfants, il a jugé nécessaire, d'une part, d'éviter autant que possible la saisine judiciaire par une action efficace et coordonnée des différents services de l'Etat (aide sociale à l'enfance, protection judiciaire de la jeunesse...), d'autre part, de dispenser une solide formation aux juges pour enfants.
a souhaité savoir :
- si la Défenseure des enfants était favorable à son intégration au sein du futur Défenseur des droits ;
- s'il était réaliste de penser que, dans l'hypothèse d'une telle intégration, un délégué du Défenseur des droits puisse, seul, embrasser les missions actuellement exercées par le délégué du Médiateur et le correspondant territorial du Défenseur des enfants ;
- si les correspondants territoriaux recevaient une formation.
En réponse, Mme Dominique Versini a indiqué ignorer les intentions du Gouvernement quant au périmètre de compétence du futur Défenseur des droits, mais a jugé impératif qu'en tout état de cause cette création préserve l'indépendance, la spécificité, la visibilité et la souplesse de fonctionnement du Défenseur des enfants. Elle a ajouté que l'hypothétique délégué du Défenseur des droits devrait embrasser des compétences si étendues qu'il devrait nécessairement exercer ses fonctions à temps plein.
a regretté la médiocre application de certains textes protecteurs pour les enfants, évoquant les problèmes, d'une part, de la scolarisation des enfants handicapés, d'autre part, de l'absence de perspectives offertes par les structures d'accueil des enfants étrangers isolés en situation irrégulière en France. Elle a par ailleurs dénoncé les pratiques policières consistant à rechercher dans les écoles et les centres de loisirs les enfants dont les parents sont en situation irrégulière.
a souhaité savoir si la Défenseure des enfants avait eu à connaître de la question des enfants roms abandonnés dans les trains de la banlieue parisienne.
a demandé à la Défenseure des enfants comment avaient été sélectionnés les huit départements concernés par l'opération « Paroles aux jeunes » et suggéré, d'une manière générale, que les associations des maires dans les départements, relais essentiels d'information, soient mieux informés des actions menées par son institution. Elle a enfin souhaité savoir si cette dernière avait formulé des recommandations de nature à combattre deux fléaux touchant particulièrement les jeunes, le suicide et l'alcool.
a observé, au contraire de Mme Alima Boumediene-Thiery, que la majorité des enfants placés en structure d'accueil parvenait à régulariser leur situation par l'insertion professionnelle entre 16 et 18 ans.
a souligné que si les correspondants territoriaux n'avaient pas compétence pour instruire les réclamations, ils jouaient un rôle d'alerte et d'information essentiel et qu'à ce titre ils recevaient deux formations annuelles. Ces correspondants, a-t-elle souligné, sont tous de haut niveau quoique de profils très variés. Elle a par ailleurs précisé que les départements concernés par l'opération « Paroles aux jeunes » correspondaient à ceux où agissaient les jeunes ambassadeurs lesquels avaient été sélectionnés à l'occasion des rencontres et des bonnes volontés des conseils généraux.
a insisté sur le rôle des assemblées locales de jeunes comme vecteurs possibles des actions de la Défenseure des enfants.
a regretté la faiblesse des moyens alloués à la mise en oeuvre de la loi sur le handicap.
a estimé que l'intérêt de l'enfant handicapé commandait parfois de ne pas le scolariser dans une « école standard ».
Revenant sur la question des mineurs étrangers isolés, Mme Dominique Versini a indiqué avoir formulé des recommandations tendant à harmoniser les modalités d'accueil dans les centres. Elle a mis en avant la nécessité d'y renforcer l'apprentissage des jeunes entre 16 et 18 ans. Elle a également indiqué que :
- depuis l'entrée de la Roumanie dans l'Union européenne et le démantèlement des réseaux de passeurs, la question des mineurs roms isolés était aujourd'hui largement résolue ;
- que l'assignation à domicile des familles avec enfants devait être préférée au placement en centres de rétention, l'expérience dans ces centres pouvant être traumatisante pour les jeunes concernés, même si elle ne conduit pas à l'expulsion ;
- le suicide est la deuxième cause de mortalité en France chez les 15-24 ans, avec 40.000 tentatives de suicide par an dans cette classe d'âge, regrettant, en outre, sur la question particulière des suicides des détenus mineurs, l'insuffisante prise en charge pédopsychiatrique en prison.
Enfin, après avoir salué la volonté du Gouvernement de renforcer, à travers le projet de loi « Hôpital patients santé et territoires », la lutte contre l'alcoolisation des mineurs, elle a jugé inquiétante la perspective de la modification de la loi Evin tendant à autoriser la diffusion de publicités pour des boissons alcoolisées sur internet, média le plus utilisé par les enfants et les adolescents, ajoutant que les conditions proposées pour en atténuer les effets, telles que l'interdiction de la vente sur les sites dédiés à la jeunesse et au sport, ne lui paraissaient pas satisfaisantes.
Puis M. Jean-Jacques Hyest, président, a dressé le bilan annuel de l'application des lois au 30 septembre 2008.
Il a d'abord souligné l'importance du contrôle parlementaire, tant au niveau de l'application de la loi que de l'évaluation de ses effets dans le temps. Avant de présenter le bilan annuel de l'application des lois votées au cours des sessions précédentes comme de la session qui vient de s'achever, il a rappelé que les statistiques effectuées prenaient uniquement en compte les mesures réglementaires prévues par une disposition législative.
s'est d'abord félicité de la sensible amélioration du bilan de l'application des lois cette année. Malgré un nombre croissant de lois votées - 22 lois, examinées au fond par la commission des lois, ont été promulguées au cours de la session 2007-2008, contre 18 l'an passé - la baisse du taux des lois non appliquées au cours de leur session d'adoption se confirme très nettement : ce taux était de 30,76 % il y a deux ans, puis de 22,22 % l'année dernière pour tomber aujourd'hui à 18,20 %. Cette baisse est favorisée par le taux des lois d'application directe, qui était de 33,33 % l'année dernière et augmente légèrement (36,40 %).
Il a précisé que parmi les 22 lois promulguées, 8 étaient d'application directe, 2 sont devenues applicables au cours de la session, 8 sont partiellement applicables et 4 n'ont encore fait l'objet d'aucune des mesures d'application prévues. Toutefois, les lois entièrement applicables - c'est-à-dire d'application directe ou appliquées à 100 % - représentent cette année encore moins de la moitié des lois votées au cours de la session : 10 lois sur 22, soit 45,45 % (44,44 % l'année précédente).
Il a justifié les taux d'application moyennement satisfaisants des lois partiellement applicables (compris entre 10 % et 80 %, avec une moyenne de 43,38 %) par le fait que plusieurs lois ont été adoptées en fin d'exercice, ceci expliquant qu'elles ne soient que très faiblement applicables au 30 septembre. Cela n'occulte pas l'amélioration significative du nombre des mesures prises : 25 mesures d'application ont été prises pour l'application des lois votées au cours de la session, soit un taux d'application de 30 % par rapport aux 84 mesures attendues, contre 23,17 % l'an passé.
a souligné la baisse continue du nombre de mesures d'application prises au cours de la session sur des textes antérieurs (98, contre 109 et 138 les deux années précédentes), cette baisse s'expliquant par la résorption régulière du stock des mesures en attente concernant les lois de la XIIe législature. Ces 98 mesures d'application ont eu des effets notables sur de nombreuses lois adoptées antérieurement à la présente session : ainsi, 2 lois votées en 2007 sont désormais entièrement applicables : la loi de simplification du droit et celle tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale. En outre, 2 lois sont devenues partiellement applicables au cours de la session. Il s'agit des lois de 2007 relative à la fonction publique territoriale et portant réforme de la protection juridique des majeurs.
a rappelé que six lois votées sous la XIe législature ne sont pas totalement applicables, dans des proportions variables, bien que certaines aient fait l'objet de mesures d'application. 2 lois ont fait l'objet de mesures jusqu'à présent en attente : le taux d'application de la loi de 2001 relative à Mayotte est ainsi passé de 73 % à 79 %, et celui de la loi de 2002 relative à la démocratie de proximité de 83 % à 93 %, soit une augmentation qui la rend quasiment totalement applicable.
s'est déclaré satisfait des taux très honorables des lois encore partiellement applicables votées sous la XIIe législature, avec une moyenne de 77,12 %. 16 lois sont aujourd'hui seulement partiellement applicables : 8 lois ont vu leur taux d'application s'améliorer de façon substantielle, mais 8 lois n'ont fait l'objet d'aucune mesure d'application pendant la session.
Il a ensuite souligné le ralentissement substantiel du recours à la procédure d'urgence (5 lois sur 22 -22,7 %- soit une baisse importante par rapport au taux de la session précédente - 38,9 %) ainsi que la nette amélioration de leur application, dont le taux (43 %) est nettement supérieur à celui de l'année précédente (11,7 %).
a constaté l'accroissement du nombre de textes d'origine parlementaire : 7 lois d'origine parlementaire examinées au fond par la commission des lois ont été promulguées, soit un taux de 31,8 %, soit presque deux fois plus que l'année précédente où le taux était de 16,6 % (3 lois sur 18). Il a précisé que contrairement à la session précédente où les trois textes d'origine parlementaire étaient des propositions de loi sénatoriales, six des sept lois sont originaires de l'Assemblée nationale cette année. Il a rappelé toutefois que certaines propositions de loi d'origine sénatoriale examinées par la commission des lois demeurent en discussion. Tel est le cas de la proposition de loi n° 111 (2005-2006) relative à la législation funéraire.
Après ce bilan statistique, M. Jean-Jacques Hyest, président, a souhaité souligné quelques exemples intéressants d'application apparus à l'occasion de ce suivi annuel.
Evoquant le volet « sécurité et sécurité civile », il a signalé que la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, pour laquelle deux dispositions étaient toujours inapplicables, avait fait l'objet d'un décret très important, publié le 26 octobre 2007 et relatif aux demandes de mise à disposition de données par voie électronique et modifiant le code de procédure pénale.
Concernant la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, il a rappelé que les principales innovations de ce texte sont aujourd'hui totalement applicables, seul un décret d'application prévu n'ayant pas encore été publié.
Sur le volet « immigration », M. Jean-Jacques Hyest, président, a indiqué que la disposition sur le regroupement familial figurant aux articles 2 et 3 de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, avait fait l'objet d'un décret daté du 27 juin 2008. Après avoir rappelé les conditions permettant le regroupement familial, il a précisé que ce décret dispose que les ressources stables du demandeur seront appréciées par référence au SMIC et considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent le SMIC pour une famille de deux ou trois personnes ; le SMIC majoré d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes ; le SMIC majoré d'un cinquième, soit 1,2 SMIC, pour une famille de six personnes ou plus. Il a relevé qu'une modulation avait ainsi été instaurée pour les familles de moins de six personnes.
En ce qui concerne la disposition sur l'ADN, il a indiqué que le décret était encore en préparation, et qu'il inclurait une liste de pays dont l'état civil peu fiable justifierait de permettre le recours au test.
Sur le volet « justice et droit pénal », M. Jean-Jacques Hyest, président, s'est félicité de la rapide application de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, dont toutes les dispositions sont applicables. Il s'est déclaré satisfait de la nomination de M. Jean-Marie Delarue au poste de Contrôleur général des lieux de privation de liberté, par décret du Président de la République du 13 juin 2008.
Il a indiqué que la loi organique n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit faisait également l'objet d'une application très satisfaisante.
Concernant la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, M. Jean-Jacques Hyest, président, a indiqué qu'elle était applicable dans son ensemble, depuis la publication du décret n° 2008-54 du 16 janvier 2008 modifiant le code de procédure pénale et relatif aux pôles de l'instruction. L'autre volet majeur de la loi, l'enregistrement audiovisuel, en matière criminelle, des interrogatoires des personnes placées en garde à vue et des personnes mises en examen, a également fait l'objet des mesures d'application nécessaires très rapidement après l'entrée en vigueur de la loi, puisque l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires est devenu obligatoire le 1er juin 2008.
Enfin, il a présenté les principales modifications induites par la loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats, entrée en vigueur depuis le 1er juin 2007, à l'exception de deux mesures, subordonnées à un décret en Conseil d'Etat non encore publié. Il a exprimé sa satisfaction de voir le nouveau dispositif s'inspirer largement des recommandations formulées par la mission d'information conduite par MM. Pierre Fauchon et Charles Gautier.
Evoquant la fonction publique, M. Jean-Jacques Hyest, président, a rappelé que quatre dispositions de la loi n° 2007-209 du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale requièrent encore leurs textes d'application. Il a insisté sur le décret prévu par l'article 54 pour fixer les modalités d'intégration dans une filière de la fonction publique territoriale des titulaires d'un emploi spécifique de catégorie A, actuellement en instance d'arbitrage avec la direction générale de l'administration et de la fonction publique.
Evoquant diverses lois votées au cours de la session, M. Jean-Jacques Hyest, président, s'est déclaré satisfait de l'application de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, qui a fait l'objet d'un rapport du Gouvernement remis au Parlement le 20 juin 2008.
Il a déploré que la loi n° 2008-582 du 20 juin 2008 renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux prévoit une entrée en vigueur différée de certaines mesures, d'autant que la mise en oeuvre rapide de la loi est souhaitée par les maires et les professionnels de la filière canine, ainsi que les associations de victimes. La parution des décrets d'application de la loi, nécessaires à la mise en oeuvre des principales dispositions du texte, devrait être progressive.
Concernant la loi n° 2007-210 du 19 février 2007 portant réforme de l'assurance de protection juridique, il a indiqué que l'avant-projet de décret relatif à la prise en charge au titre de l'aide juridictionnelle des frais non couverts par un dispositif de protection juridique avait reçu un avis favorable du Conseil d'Etat lors de sa séance du 29 juillet 2008. Sa publication devrait intervenir avant la fin de l'année 2008. Il a également rappelé que la mission confiée par le Président de la République à Me Jean-Michel Darrois serait susceptible de faire des propositions destinées à rapprocher le champ des contentieux inclus dans l'assurance de protection juridique et celui couvert par l'aide juridictionnelle.
Enfin, il s'est inquiété de ce que la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, qui ne devrait entrer en vigueur, pour la plupart de ses dispositions, que le 1er janvier prochain, n'ait pas fait l'objet de tous les décrets d'application nécessaires, malgré le très long délai - 22 mois accordé à cet effet par le législateur au Gouvernement.
En conclusion, M. Jean-Jacques Hyest, président, a souhaité rendre hommage au rôle précurseur du Sénat dans le contrôle de l'application des lois. Il s'est félicité de ce que la réforme constitutionnelle permette un renforcement et une mise en valeur accrue de cette action fondamentale afin de garantir une pleine efficacité de l'action du législateur.
a insisté sur l'importance de l'évaluation dans le contrôle parlementaire a posteriori des lois votées. Elle s'est interrogée sur la prise en compte des études d'impact et sur leur fiabilité.
a précisé que les nouvelles dispositions de l'article 39 de la Constitution serviraient sans doute de base à l'obligation d'accompagner à l'avenir les projets de loi d'études d'impact dont la substance sera susceptible d'être contestée par les assemblées, le Conseil constitutionnel statuant en dernier ressort. Il a rappelé le rôle de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation, en particulier son évaluation de la loi n° 94-475 du 10 juin relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises qui a servi de base à la réforme des procédures collectives.
Enfin, il a souligné la situation paradoxale des lois votées dans la précipitation, souvent moins bien appliquées que les autres.
La commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Jean-Jacques Hyest, président, les pétitions adressées au Président du Sénat depuis le 15 juillet 2008, en application des articles 87 et suivants du Règlement.
Après avoir présenté les conditions d'exercice du droit de pétition devant le Sénat, M. Jean-Jacques Hyest, président, a procédé à l'examen des trois pétitions enregistrées depuis le 15 juillet 2008.
Il a indiqué que la pétition n° 70-237 de M. Jean-Pierre Picaud avait pour objet de demander la suppression de la condition de prise en compte des ressources du conjoint dans l'attribution de l'allocation adulte handicapé (AAH). Les modalités de cette prise en compte ont été assouplies en 2005, mais M. Jean-Jacques Hyest, président, a souligné que sa suppression pure et simple n'était pas envisagée par le Gouvernement. Cette question étant toujours d'actualité et relevant de la commission des Affaires sociales, la commission a donc décidé de lui renvoyer la pétition.
a ensuite présenté la pétition n° 70-238 de M. Jean-Pierre Picaud demandant l'adoption de plusieurs mesures en faveur d'une meilleure prise en charge du handicap. Il s'agissait de l'indexation de l'AAH sur le SMIC, de la création d'un véritable métier de l'accompagnement scolaire et social, de la compensation du handicap quel que soit l'âge de la personne et enfin de la publication obligatoire des taux annuels d'emploi de personnes handicapées dans les administrations et les entreprises.
ayant rappelé que ces questions étaient toujours actuelles et qu'elles rejoignaient un thème de travail et de réflexion parlementaires, la commission a décidé le renvoi de la pétition à la commission des affaires sociales.
a enfin indiqué que la pétition n° 70-239 de Mme Bernadette Raye demandait l'assouplissement des conditions d'âge et de ressources concernant la revalorisation des pensions de réversion. Cette question faisant l'objet d'une disposition du projet de loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2009, la commission a décidé de renvoyer également la pétition à la commission des affaires sociales.
Enfin, la commission a examiné, sur le rapport de M. François-Noël Buffet, les amendements sur le projet de loi n° 341 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la protection du secret des sources des journalistes.
Elle a adopté les avis suivants :
A l'article premier (affirmation du principe de la protection du secret des sources des journalistes - diffamation et respect des droits de la défense), la commission a examiné l'amendement n° 26 présenté par M. Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés et tendant à ne permettre la révélation des sources des journalistes qu'aux fins de prévenir la commission d'un crime ou d'un délit constituant une menace grave pour l'intégrité des personnes.
a déclaré que les critères retenus par le projet de loi étaient très flous et introduisaient une insécurité juridique dangereuse.
a jugé préférable de s'en tenir à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.
a indiqué que la solution consistant à fixer a priori une liste d'infractions permettant de porter atteinte au secret des sources était séduisante en apparence par sa prévisibilité.
Toutefois, il a estimé qu'elle posait des difficultés importantes et qu'il était notamment impossible d'imaginer l'ensemble des situations où il pourrait être légitime de porter atteinte au secret des sources.
Il a rappelé que la Cour européenne des droits de l'homme, malgré sa jurisprudence très favorable au secret des sources, se refusait d'ailleurs à dresser une telle liste.
La commission a donné un avis défavorable.
Après l'article 2, la commission a examiné l'amendement n° 32 présenté par M. Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à insérer un article additionnel et ayant pour objet de préciser qu'à l'occasion d'une perquisition au domicile d'un journaliste en son absence, les deux témoins requis par le magistrat doivent avoir la qualité de journaliste.
a indiqué que cet amendement posait des difficultés pratiques importantes, le magistrat risquant de se trouver dans l'impossibilité de trouver deux témoins journalistes à proximité du domicile du journaliste perquisitionné.
a estimé que les journalistes n'étant pas une profession organisée et réglementée il n'y avait pas lieu de reproduire dans leur cas des mécanismes imaginés pour de telles professions, comme la présence du bâtonnier lors d'une perquisition au cabinet d'un avocat.
a jugé que la prudence du projet de loi révélait en réalité le souhait de ne pas accorder aux journalistes une véritable protection de leurs sources.
a indiqué qu'il s'agissait d'une première étape, mais qu'il n'était pas possible, compte tenu de l'absence d'organisation de la profession de journaliste, d'aller plus loin à ce stade.
La commission a alors donné un avis défavorable.