Notre réunion de ce matin sera exceptionnellement courte, au regard de la densité de nos travaux des prochaines semaines : nous allons en effet devoir examiner dans des temps très proches le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, les projets de loi électoraux en deuxième lecture ainsi que six propositions de loi, dont une est inscrite sur l'ordre du jour du Gouvernement ; cinq projets ou propositions de loi relevant de la compétence de notre commission ont été inscrites à l'ordre du jour de la semaine d'initiative parlementaire par les différents groupes politiques. Il nous sera sans doute difficile d'examiner l'ensemble de ces textes en ne nous réunissant que le mercredi matin, comme nous avons l'habitude de le faire ; aussi vous proposerai-je, au cours de la dernière semaine du mois de février notamment, de tenir plusieurs réunions hebdomadaires y compris en fin d'après-midi.
Il nous faut à présent nommer un rapporteur sur le projet de loi organique et le projet de loi relatifs à l'application de l'article 11 de la Constitution. Je propose de rapporter moi-même ces textes au nom de notre commission.
est nommé rapporteur sur le projet de loi organique n° 242 (2011-2012) et le projet de loi n° 243 (2011-2012), adoptés par l'Assemblée nationale, portant application de l'article 11 de la Constitution.
Je vous informe, par ailleurs, que lors de sa dernière réunion, le Bureau de notre commission a suggéré la création d'une nouvelle mission d'information, relative aux cours d'appel. Je vous propose d'en adopter le principe et de désigner nos collègues Alain Richard et François Pillet comme co-rapporteurs. Cette nouvelle mission d'information ne devrait pas alourdir la charge de travail de notre commission car, dans le même temps, le Bureau s'est interrogé sur le devenir de celle relative à l'évaluation des lois sur la récidive, décidée avec la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois. En effet, à l'initiative de la garde des Sceaux, une « conférence de consensus », composée d'une trentaine de personnes, travaille depuis plusieurs semaines sur cette question et présentera prochainement et publiquement ses travaux à un jury qui en débattra pendant deux jours. Il faut souligner l'originalité et l'intérêt de cette méthode.
Notre mission d'information portera en particulier sur les procédures d'appel.
Nos travaux ne se limiteront pas au seul contentieux civil : tous les domaines seront abordés.
Naturellement, vous aurez toute liberté pour orienter vos travaux comme il vous paraîtra opportun.
Je souhaiterais attirer l'attention de notre commission sur le sujet de « l'open data » ou des « données ouvertes », qui soulève de nouvelles et nombreuses questions au regard de la loi « informatique et liberté » de 1978. Notre commission aurait tout intérêt à se saisir de cette problématique.
Je suis d'accord avec vous. Toutefois, notre commission mène déjà actuellement un grand nombre de missions d'information. Il me paraît donc préférable que nous en reparlions dans le courant du second semestre de cette année.
Je vous indique, en outre, qu'il nous appartiendra, dans le cadre de l'article 56 de la Constitution, d'entendre prochainement deux des trois personnalités proposées pour siéger au Conseil constitutionnel. Ces auditions devraient intervenir également dans le courant du mois de février.
Nous allons avoir un ordre du jour très chargé. Je souhaite qu'en tout état de cause, aucune séance n'ait lieu le dimanche des Rameaux. Par principe, je suis d'ailleurs opposé à ce que nous siégeons le dimanche.
Je transmettrai cette préoccupation aux autorités du Sénat. S'agissant de l'examen du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, nous n'aurons sans doute pas à aller jusque là si les amendements déposés par nos collègues sont de grande qualité et en nombre raisonnable...
A la demande de notre collègue Catherine Tasca, un document récapitulant les organismes extérieurs dont sont membres nos collègues de la commission figure sur vos tables. J'invite d'ailleurs tous nos collègues concernés à ne pas hésiter, lorsqu'ils le souhaitent, à nous rendre compte des travaux de ces organismes. Notre collègue Christian Cointat fera prochainement une communication sur l'Initiative française pour les récifs coralliens (IFRECOR).
Comment sont désignés les parlementaires appelés à siéger dans ces organismes ?
Leur désignation relève soit du président du Sénat, soit d'une décision de notre commission, et tient compte des souhaits exprimés par les uns et les autres tout comme des équilibres politiques.
Quelle est la différence entre la conférence nationale des services départementaux d'incendie et de secours et le conseil supérieur des sapeurs-pompiers ? N'y a-t-il pas redondance dans certains de ces organismes ?
Le conseil supérieur des sapeurs-pompiers est issu de la loi que nous avons votée récemment pour donner un statut aux sapeurs-pompiers volontaires.
La commission examine les amendements au texte n° 325 (2012-2013) pour la proposition de loi n° 122 (2011-2012), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la suppression de la discrimination dans les délais de prescription prévus par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881.
Nous passons à présent à l'examen des amendements à la proposition de loi sur les délais de prescription, qui sera examinée demain après-midi en séance publique.
L'amendement n°1 propose d'étendre à un an le délai de prescription des injures ou de la diffamation, quelles qu'elles soient, lorsque ces infractions ont été commises par voie électronique. Il me semble qu'il dépasse largement le cadre de la présente proposition de loi, qui vise seulement à mettre fin à une différence de situation injustifiée entre les victimes. J'admets volontiers qu'Internet soulève de nombreuses questions, notamment au regard de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Il faut prendre le temps d'une réflexion globale et approfondie sur ce sujet. En l'état, ne légiférons pas à la hâte et ne tardons pas à adopter cette proposition de loi, qui est très attendue. Avis défavorable.
Ce n'est pas la première fois que nous discutons de ce sujet. Jusqu'à présent, nous avons été prudents. La loi de 1881 repose sur des délais de prescription très courts - c'est même là sa force. Sans doute quelques exceptions sont-elles acceptables pour régler des situations particulières. Mais restons prudents et n'allons pas au-delà, au risque de déstabiliser un dispositif précieux.
Je comprends l'objectif poursuivi par cet amendement. Internet constitue un sujet en soi : nombreux sont ceux qui réclament la reconnaissance d'un « droit à l'oubli », mais celui-ci est difficile à mettre en oeuvre. Il faut prendre le temps de la réflexion. Il serait délicat d'évoquer un tel sujet aussi rapidement.
Il y a quelques années, j'ai rédigé, avec notre ancienne collègue Anne-Marie Escoffier, un rapport d'information consacré à la question du respect de la vie privée à l'égard des nouvelles technologies et d'Internet. Nous y avions notamment préconisé de reconnaître expressément à l'adresse IP la qualité de donnée à caractère personnel. Cette question méritera une réflexion dans le futur : Internet soulève des enjeux nouveaux et permet parfois à certaines personnes malveillantes d'injurier ou diffamer qui elles souhaitent sans grand risque...
Internet soulève en effet une difficulté : une information peut être reprise de site en site, et les organes de presse bénéficient d'un régime particulier grâce à la loi de 1881. Il faut approfondir cette question. Cela dit, l'amendement que nous examinons ne concerne pas uniquement les organes de presse : il y a là à mon sens un risque de confusion qu'il conviendrait de clarifier.
A mon sens, il y a un lien étroit entre les amendements n°1 et n°2 de notre collègue Nathalie Goulet. La question du statut de l'adresse IP soulève un problème de fond. Celle-ci permet en effet d'identifier le titulaire de l'accès à Internet. Ces deux amendements sont liés puisqu'il faut bien déterminer quel est le départ du délai de prescription. De ce point de vue, notre collègue pose un vrai problème : sous couvert d'une adresse IP, n'importe qui peut traîner dans la boue, injurier ou diffamer sans crainte...
Mme la rapporteure a raison : il serait dangereux d'improviser sur un tel sujet ! Quel est l'intérêt de ce débat ? Lorsqu'une personne ne peut agir au pénal, il lui reste toujours la possibilité de saisir les juridictions civiles. Je pense que nous devons également nous poser la question de l'émergence d'un délit d'opinion dans notre droit. Notre système juridique risque de devenir ingérable face aux nombreuses revendications dont nous sommes saisis. Prenons garde aux effets de surenchère.
Je crains que nous n'assistions à un mouvement irrépressible qui nous conduira au rétablissement d'une sorte d'ordre moral...
Naturellement je ne peux que m'associer à tous ceux d'entre vous qui souhaitent préserver la liberté de la presse et l'équilibre de la loi de 1881. De ce point de vue, la proposition de loi ne modifie pas cet équilibre, elle ne vise qu'à procéder à une harmonisation dont toutes les personnes que j'ai entendues ont souligné la légitimité et le bien-fondé. Une société aseptisée n'est pas une société viable. Cet amendement doit stimuler une réflexion plus large sur la question d'Internet.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption de l'amendement n°1.
Avec votre accord, je présenterai ensemble les amendements n°3, n°4 et n°5, qui ont le même objet. Dans son programme d'action interministériel contre les violences et les discriminations, le Gouvernement a retenu expressément la notion « d'identité de genre ». Nous souhaitons inscrire également cette notion dans la loi. Il est vrai que la plupart des gens ne font pas la différence entre identité sexuelle et identité de genre ; cette différence existe néanmoins, et il est nécessaire de tenir compte de toutes les situations.
Étant moi-même chercheur en sciences sociales, je suis favorable à ce que l'on utilise des dénominations exactes. Ceci étant dit, je rappelle qu'à notre initiative, la transphobie a été inscrite dans le code pénal à l'occasion de l'examen de la loi sur le harcèlement sexuel. D'un point de vue juridique, la notion d'identité sexuelle vise également la transsexualité. Je ne vois pour ma part aucun inconvénient à ces amendements, sauf un, peut-être : nous souhaitons tous que cette proposition de loi entre rapidement en vigueur, or je crains que l'ajout de nouvelles questions, en suscitant de nouveaux débats, puisse en retarder l'adoption par l'Assemblée nationale. Je relève par ailleurs que le Gouvernement a saisi la Commission nationale consultative des droits de l'homme d'une demande d'avis sur la définition précise de la notion « d'identité de genre ». Le débat est donc posé. Sur ces amendements, je m'en remettrai à la sagesse de notre commission.
Compte tenu de l'encombrement de l'ordre du jour, un vote conforme à l'Assemblée nationale permettrait en effet une entrée en vigueur rapide de cette proposition de loi.
Je suis préoccupé par l'amendement n° 3 qui vise à substituer la notion d'identité de genre à celle d'identité sexuelle. Ainsi, en matière pénale, des condamnations pourraient intervenir sur la base de notions qui ne sont pas encore stabilisées. Le législateur doit être vigilant et réfléchir aux conséquences des demandes formulées par certaines associations. Cette notion est actuellement débattue ; est-ce à la chambre criminelle de la Cour de cassation de le trancher ? Ces amendements me paraissent inopportuns.
La loi sur le harcèlement sexuel du 6 août 2012 a introduit la lutte contre la transphobie. Cette loi ne reprend pas l'expression « transgenre » mais le programme d'actions interministériel contre les violences et les discriminations commises à raison de l'orientation sexuelle ou l'identité de genre la reprend. Il faut que le Parlement se saisisse de ce sujet. Je maintiens donc cet amendement, justement pour que ce ne soit pas à la Cour de cassation de trancher. C'est le Parlement qui doit se prononcer.
Je suis tout à fait d'accord avec notre collègue Alain Richard. C'est l'Académie française qu'on aurait dû saisir ! Nous sommes ici confrontés, comme souvent, à une mauvaise traduction en français d'une notion anglo-saxonne, celle de « gender ». Or, le Conseil constitutionnel impose un principe de clarté, notamment en matière de loi pénale. On va confier au juge, une fois de plus, le soin d'interpréter des notions alors que c'est au législateur de les définir. Je ne suis pas favorable à ces amendements.
La notion d'identité sexuelle est parfaitement claire. Le fait de la remplacer par la notion d'identité de genre fera-t-il avancer l'intérêt général ?
Je suis d'accord au nom de la technique juridique : comme l'ont souligné nos collègues Patrice Gélard et Alain Richard, on ne peut pas introduire dans le code pénal une notion aussi floue que celle de l'identité de genre. Ce n'est même probablement pas la chambre criminelle de la Cour de cassation qui aura à l'expliciter, car le Conseil constitutionnel censurera une définition aussi vague. Le cas s'est déjà produit.
Lors de l'examen de la loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel, nous avons déjà eu ce débat entre identité de genre et identité sexuelle. On profiterait ici de l'occasion d'un changement de délai de prescription pour changer à nouveau la loi. C'est absurde ! Il faudrait alors réexaminer tous les textes y compris celui sur le harcèlement sexuel pour les adapter à cette évolution ! La transsexualité existe : il faut une notion générique et ne pas viser toutes les situations particulières. Lors des débats sur la loi du 6 août 2012, cette question avait déjà été tranchée.
Dans le terme « transgender », « gender » se traduit par « sexe ». Mais en France, il y a souvent des erreurs dans la traduction de concepts anglo-saxons. La difficulté à traduire correctement l'expression « gender studies » l'illustre bien. Je maintiens ma position de m'en remettre à la sagesse de la commission.
J'interroge la commission pour savoir quelle sera la position que défendra Mme la rapporteure en séance, au nom de notre commission.
L'amendement n° 2 a pour but de refuser à l'adresse IP, qui sert à identifier un ordinateur sur le réseau Internet, le statut de donnée à caractère personnel. Cet amendement pose un problème au regard de la vie privée. Il me semble opportun d'en discuter dans le cadre plus large d'une loi sur Internet. La question de l'adresse IP est très importante car c'est la carte d'identité de l'ordinateur. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Je suis aussi défavorable à cet amendement. Je ne comprends pas l'argumentation : en quoi refuser à l'adresse IP le caractère d'une donnée personnelle permettra-t-il de faciliter l'identification de l'auteur de l'infraction ?
Notre collègue Yves Détraigne a rappelé les travaux qu'il a conduits avec Mme Escoffier, qui ont abouti au dépôt d'une proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l'heure du numérique, dont j'ai été rapporteur et qui a été examinée par notre commission puis en séance. Or, nous avons reconnu expressément l'adresse IP comme une donnée à caractère personnel. Cet amendement va donc à l'encontre de la position défendue par notre commission des lois.
Internet ne doit pas être un espace d'impunité. Beaucoup de personnes qui se défoulent sur la toile agissent par le biais de pseudonymes. Il est nécessaire d'avoir des éléments d'identification. Le droit à l'anonymat mérite d'être confronté à d'autres droits. Si l'on veut introduire une forme de régulation d'Internet, on ne pourra rien faire si l'adresse IP n'est pas une donnée à laquelle on puisse accéder.
Il faudrait l'équivalent d'un directeur de la publication sur Internet ; il faudrait aussi que toutes ces formes de régulation s'appliquent en France mais aussi à l'étranger.
Je ne suis pas le raisonnement qui sous-tend l'amendement. Le fait que l'adresse soit une donnée à caractère personnel n'exclut pas qu'une autorité puisse mener une enquête, sauf à penser que l'on puisse se faire justice soi-même.
Il y a déjà beaucoup de problèmes de protection des données personnelles sur Internet, il n'est pas nécessaire d'en rajouter. On peut déjà faire des recherches, c'est pourquoi il ne faudrait pas abandonner le principe de la liberté individuelle sous prétexte de faciliter les recherches alors qu'en la matière la technique sera toujours plus forte que la loi.
L'avis de Mme la rapporteure est défavorable. Quel est l'avis de la commission ?
La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 2.
La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 5.
La commission adopte les avis suivants :
Présidence de M. Jean-Pierre Michel, vice-président -