La première partie de nos travaux est consacrée ce matin à l'examen des dix-huit amendements de séance déposés sur la proposition de loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article additionnel après l'article 1er
L'amendement n° 5 vise à ajouter le francoprovencal à la liste des langues régionales reconnues par l'éducation nationale. Pour ce faire, il inscrit dans la loi la liste des langues régionales faisant l'objet d'un enseignement. Cette liste est actuellement définie par circulaire. L'inscription dans la loi de cette liste aurait un effet contre-productif, car elle exclut de fait les langues qui ne sont pas mentionnées. Ainsi, la liste proposée par notre collègue ne comprend pas le flamand occidental. Avis défavorable.
Il ne s'agit pas d'exclure telle ou telle langue. Simplement, il est préférable que la liste continue à relever du pouvoir réglementaire, car il est plus facile de modifier une circulaire qu'une loi.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5.
Article additionnel après l'article 2 bis
L'amendement n° 16 vise à consacrer l'enseignement immersif des langues régionales. Il pose un problème de constitutionnalité. En effet, à plusieurs reprises, le Conseil constitutionnel a déduit de l'article 2, qui stipule que le français est la langue de la République, que l'usage d'une langue autre que le français ne peut être imposé aux élèves des établissements de l'enseignement public ni dans la vie de l'établissement, ni dans l'enseignement des disciplines autres que celles de la langue considérée. Ainsi, l'enseignement dit « immersif » n'est pas possible. Je propose un avis défavorable.
La loi pour une école de la confiance a prévu, à la suite d'un amendement que j'avais déposé, la possibilité d'expérimentations pour les langues régionales. Il vaut mieux utiliser cette voie, qui fonctionne parfaitement au Pays basque, car proposer de modifier la loi revient à agiter un chiffon rouge devant le Conseil d'État ou le Conseil constitutionnel...
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 16.
Articles additionnels après l'article 2 bis
L'article 372-1 du code de l'éducation précise que l'article 312-10, relatif à l'enseignement des langues régionales, n'est pas applicable à Mayotte. L'ancien article 6161-26 du code général des collectivités territoriales prévoyait en effet des dispositions spécifiques en ce qui concerne l'enseignement de la langue mahoraise. Or, dans le cadre de la départementalisation, cet article a été abrogé, mais la correction n'a pas été faite dans le code de l'éducation. L'amendement n° 13 rectifié vise à corriger cet oubli pour faciliter l'enseignement du shimaoré et du kibushi. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 13 rectifié.
Les amendements identiques n° 1 rectifié, 2, 3, 6 rectifié, 15 rectifié, 17 rectifié et 18 rectifié ont pour objectif de préciser les dispositions du code de l'éducation relatives à la participation financière des communes à la scolarisation des élèves en langue régionale.
L'article L. 442-5-1 énonce que la participation financière à la scolarisation des enfants en établissements du premier degré qui dispensent un enseignement de langue régionale relève d'une contribution volontaire qui doit faire l'objet d'un accord entre la commune de résidence, à la condition que cette dernière ne dispose pas d'école dispensant un enseignement de langue régionale, et l'établissement d'accueil situé sur le territoire d'une autre commune. Le texte pose des difficultés d'application sur le terrain, notamment en raison de la notion de contribution volontaire. Ces amendements visent à limiter les contentieux, en précisant que la participation financière est due lorsque la commune de résidence ne dispose pas d'école dispensant un enseignement de langue régionale. Avis favorable.
Nous avions adopté, à l'unanimité, lors de l'examen de la loi pour une école de la confiance, un amendement identique qui avait été déposé par Mme Maryvonne Blandin. L'objet est de rendre obligatoire la conclusion d'un accord, sous l'égide du préfet, entre la commune d'où vient l'enfant et l'établissement où il est scolarisé. La commission mixte paritaire avait toutefois préféré, à l'époque, une rédaction précisant qu'il s'agissait d'une contribution volontaire. Je précise que ces amendements transpartisans ont finalement une portée limitée, puisqu'ils ne concernent que quelques élèves ici ou là. On peut espérer aussi qu'ils inciteront les communes à développer des enseignements de langue régionale, car, dans ce cas, la contribution n'est pas due.
L'amendement n° 10 souhaite reconnaitre la faculté, pour les collectivités territoriales, de contribuer au financement d'institutions publiques ou privées agissant en faveur des langues régionales, notamment dans le domaine de l'éducation. Toutefois, cet amendement va au-delà du domaine scolaire. Les collectivités territoriales ont déjà la possibilité d'apporter un soutien financier à des institutions agissant pour la promotion des langues régionales. En outre, en ce qui concerne les établissements d'enseignement, cet amendement créerait une inégalité dans les possibilités de soutiens financiers pour des dépenses d'investissement entre établissements privés sous contrat dispensant un enseignement en langue régionale, et ceux qui n'en dispensent pas. Je vous propose d'émettre un avis défavorable à cet amendement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 10.
Article 3 (supprimé)
Les amendements identiques n° 7 rectifié bis, 8 rectifié bis, 9 rectifié, 12 rectifié, 14 rectifié et 19 rectifié bis visent à étendre la possibilité de conventionnement, qui existe entre l'État et la collectivité territoriale de Corse en matière de promotion et d'enseignement des langues régionales, à l'ensemble des régions, ainsi qu'à la collectivité européenne d'Alsace, qui disposent d'une compétence en matière d'enseignement de langue et culture régionales.
Ces amendements ne créent aucune obligation d'enseignement, les parents pouvant le refuser. Ils ne posent aucun problème de constitutionnalité, car ils sont conformes à la décision du Conseil constitutionnel du 9 mai 1991 relative à l'enseignement du corse en Corse. Ils précisent également que l'enseignement des langues régionales dans le cadre de l'horaire normal des établissements devrait donner lieu à des conventions entre l'État et les collectivités concernées. L'obligation prévue ne s'appliquerait donc que si une telle convention a été conclue, et dans les territoires pour lesquelles elle l'a été. Une telle convention pourrait également prévoir une mise en place progressive de cette mesure, afin notamment de former les enseignants, en particulier dans le cadre de la formation initiale. Je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de cet amendement.
Il s'agit de donner plus de force à des conventions qui existent souvent déjà pour aider les collectivités à développer une offre d'enseignement de langues régionales, tout en laissant le choix aux parents. L'application sera progressive pour que l'éducation nationale puisse suivre. Ces amendements ne comportent aucune disposition contraignante ou obligatoire. Ils sont donc compatibles avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
La commission émet un avis favorable aux amendements n° 7 rectifié bis, 8 rectifié bis, 9 rectifié, 12 rectifié, 14 rectifié et 19 rectifié bis.
La commission a donné les avis suivants aux amendements de séance :
Nous poursuivons nos travaux par l'examen, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et du Sénégal. Suite à l'échec de la commission mixte paritaire (CMP) organisée avec nos collègues députés le 19 novembre dernier, il nous appartient en effet d'examiner aujourd'hui le nouveau rapport établi par notre collègue Catherine Morin-Desailly sur le sujet et de procéder, le cas échéant, à l'élaboration d'un nouveau texte de commission. Je lui laisse la parole pour nous présenter la position qu'elle propose de défendre sur cette nouvelle version du texte amputée du nouvel article 3 et de la modification du titre que nous avions adoptés en première lecture.
Le Sénat avait unanimement souscrit, en première lecture, au retour des biens culturels revendiqués par le Bénin et le Sénégal, moyennant quelques modifications sémantiques visant à rendre les dispositions du projet de loi plus conformes à la réalité : nous avions ainsi substitué, dans les articles 1er et 2, le mot « transférer » au mot « remettre », et le mot « retour » au mot « restitution » dans le titre.
Le Sénat avait par ailleurs défendu une position très cohérente compte tenu des inquiétudes que nous avions presque tous exprimées concernant les conditions dans lesquelles le débat public en matière de restitutions avait pu se tenir - si tant est que l'on puisse parler de débat, dans la mesure où les décisions ont relevé du Président de la République et du Gouvernement, sans concertation préalable et avec une simple validation de notre part a posteriori, alors même que le Parlement est seul habilité à faire sortir des biens des collections nationales.
C'est ce qui avait amené la Haute assemblée à introduire, sur mon initiative, un article additionnel, l'article 3, créant un Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour des biens culturels extra-européens pour qu'émerge une nouvelle méthode dans le traitement des demandes de restitutions à venir favorisant la recherche préalable d'un consensus national, tout en associant la communauté scientifique et le ministère de la culture, afin de garantir l'authenticité de la démarche dans le choix des objets restitués. Les conservateurs du musée de l'armée ont trouvé cette idée excellente, car ils n'ont pas eu leur mot à dire sur le transfert du sabre attribué à El Hadj Omar Tall.
Hélas, pour ceux d'entre vous qui n'ont pas participé à la CMP, les députés de la majorité ont rejeté la création de cette instance dédiée, au motif qu'elle compromettrait l'objectif de simplification des procédures administratives enclenchée par le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique et allongerait les délais de réponse des autorités françaises aux demandes de restitution présentées par des pays tiers. Il me semble que cela n'est pas un argument quand on songe au temps qu'il faut pour inscrire un texte de loi dans l'agenda parlementaire qui est très contraint. Ils ont jugé sa mission redondante avec le travail conduit par l'administration et le personnel des musées au moment de l'examen des demandes. Pour avoir entendu le personnel de ces musées, nous savons bien que cela est faux, puisque si les musées concernés ont été effectivement interrogés sur la provenance des objets, ils n'ont jamais été consultés sur ce qu'ils pouvaient penser de ces éventuelles restitutions. Ils auraient d'ailleurs sans doute été réservés quant au choix du sabre.
Pour nous rassurer sur la bonne prise en compte des intérêts culturels et scientifiques au moment de l'examen des demandes de restitution, le rapporteur de l'Assemblée nationale nous a annoncé la création prochaine d'une cellule interministérielle réunissant le ministère de la culture, le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et le ministère des affaires étrangères. Cette formule ne me parait pas répondre aux préoccupations exprimées par le Sénat. D'une part, elle continue de faire reposer la décision exclusivement sur le Gouvernement. D'autre part, elle ne permet pas véritablement d'engager notre pays sur la voie d'une réflexion de fond en matière de gestion éthique des collections, puisqu'elle ne présente aucune garantie de pérennité au gré des fluctuations des majorités politiques. Il n'y a aucune certitude que cette coordination perdure au-delà de ce gouvernement.
Même si les députés de l'opposition ont globalement soutenu notre approche, nous n'avons pas conclu d'accord, puisqu'un texte de CMP n'a de sens que s'il peut être voté dans les mêmes termes par chacune des deux assemblées, ce qui n'aurait pas été le cas du côté de l'Assemblée nationale.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale est d'ailleurs revenue, non seulement sur l'article 3, qu'elle a supprimé, mais également sur la modification sémantique à laquelle nous avions procédé à l'intitulé du projet de loi, rétablissant le terme de « restitution ». Vous vous souvenez que nous lui avions préféré le terme de « retour », afin de ne pas véhiculer l'idée que ce texte s'inscrirait dans une démarche de repentance ni de commettre l'erreur de juger des événements passés à l'aune des valeurs d'aujourd'hui. Il convient aussi d'employer le terme juste, car « restituer » signifie, en français, reconnaître que l'on n'est pas le propriétaire légitime de l'objet. Or, la France est propriétaire de ces objets en toute légalité.
Je dois dire que je comprends mal cet amendement adopté par les députés, à l'initiative de leur rapporteur de surcroît. Celui-ci avait pourtant indiqué en CMP qu'il n'avait pas d'objection à nos modifications sémantiques et qu'il considérait ces restitutions ni comme un acte de repentance, ni comme un acte de contrition.
J'y vois le signe que l'Assemblée nationale n'est absolument pas disposée à parvenir à un compromis sur ce texte.
À cela s'ajoute l'épisode de la remise de l'élément décoratif en forme de couronne qui surplombait le dais de la dernière reine de Madagascar, Ranavalona III, aux autorités malgaches, sans information ni consultation préalable du Parlement, le 5 novembre dernier, soit le lendemain même du jour où nous adoptions ce projet de loi en première lecture. Même si cette remise s'est faite dans le cadre d'un dépôt, elle s'inscrit clairement dans la perspective du retour définitif de ce bien à Madagascar, qui en a demandé la restitution en février dernier. C'est ce qu'indique clairement la convention de dépôt conclue par le ministère des armées français avec le ministère de la culture malgache. Il s'agit donc sans doute d'un malencontreux concours de circonstances avec l'examen de ce projet de loi, comme nous l'a indiqué la ministre de la culture lors de son audition le 10 novembre - mais je sais aussi que son cabinet avait attiré l'attention sur le fait que le choix de cette date n'était guère judicieux ; il n'a pas été entendu... Nous avons fait part à la ministre de notre mécontentement d'avoir ainsi été tenus dans l'ignorance au moment de son audition budgétaire.
Mais, il ne s'agit pas d'un simple prêt, comme elle souhaitait nous en persuader. La France s'est en effet officiellement engagée au « retour à Madagascar de ce bien culturel inscrit sur l'inventaire du musée de l'armée » et à « initier dans les meilleurs délais les mesures préalables à la procédure législative pouvant permettre [son] transfert de propriété définitif », selon les termes mêmes de la convention de dépôt.
J'ajoute que le choix de recourir à cette méthode n'est pas le fruit du hasard. C'est en effet la troisième fois, en l'espace d'un an, que le Gouvernement passe par la voie du dépôt dans la perspective du retour définitif de biens culturels. Les deux cas précédents sont le sabre attribué à El Hadj Omar Tall, remis au Sénégal le 17 novembre 2019, et les vingt-quatre crânes algériens, remis le 3 juillet 2020 à l'Algérie et inhumés dès le surlendemain. On ne peut que regretter, dans ce dernier cas notamment, l'absence de transparence : on aurait pu associer la communauté nationale et organiser une cérémonie afin de participer à la réconciliation entre les deux pays. La restitution a eu lieu en catimini, c'est dommage.
Nous pouvons donc difficilement faire abstraction de ces éléments dans l'examen de ce projet de loi, tant ils démontrent, à mon sens, la volonté du Gouvernement de contourner systématiquement l'aval préalable du Parlement à la sortie de biens des collections.
Je juge cette méthode inacceptable, dans la mesure où elle relègue le Parlement au rôle de chambre d'enregistrement de décisions déjà actées par l'exécutif, au mépris de ses prérogatives et donc de la séparation des pouvoirs, et fait prévaloir systématiquement les enjeux diplomatiques sur l'intérêt culturel, scientifique et patrimonial des biens composant les collections publiques françaises. J'ajoute que ces remises en catimini satisfont peut-être les intérêts de notre diplomatie à court terme, mais ils privent la représentation nationale de leviers pour accroître la diplomatie parlementaire et restreignent surtout l'opportunité pour la communauté scientifique de développer des échanges avec leurs homologues étrangers. C'est donc loin d'être une stratégie optimale à long terme !
C'est la raison pour laquelle les modalités de remise de cette couronne renforcent, à mes yeux, encore plus la pertinence du Conseil national de réflexion que nous avions proposé en première lecture. Il s'agit d'un vrai garde-fou qui permettrait d'assurer un examen scientifique des demandes émanant des pays tiers et d'éclairer, avant l'engagement de toute négociation diplomatique, la décision des autorités politiques, ne serait-ce que pour garantir l'authenticité du choix des objets. Nous ne devons pas transiger sur ce point.
Comme nous savons que l'Assemblée nationale ne cédera pas davantage, il me semble qu'il n'y a pas lieu, pour le Sénat, de poursuivre l'examen de ce texte, puisque les deux chambres du Parlement ne parviendront pas à se mettre d'accord sur un texte commun. C'est la raison pour laquelle je vous propose de déposer, au nom de notre commission, une motion tendant à opposer la question préalable à ce texte en vue de son examen en séance publique. Ce serait également un moyen de faire part de notre refus, d'une part, de cautionner la méthode retenue par le Gouvernement et, d'autre part, de poursuivre le simulacre de débat parlementaire auquel il nous est demandé de prendre part. Cela ne porte pas atteinte à l'accord que nous avions donné pour le retour au Bénin et au Sénégal des vingt-sept biens culturels concernés par ce projet de loi, tant notre vote, à l'unanimité des suffrages exprimés, était clair. Les articles 1er et 2, ayant été votés en termes identiques par les deux chambres, ne sont plus en discussion. Dans quelques jours, nous vous présenterons, avec Max Brisson et Pierre Ouzoulias, les conclusions de notre mission d'information sur les restitutions, que j'avais souhaité créer en janvier dernier pour faire le point sur ces questions. Nous formulerons une série de propositions sur le retour des biens appartenant aux collections publiques dans leur pays d'origine, leur meilleure circulation ou encore le développement des coopérations entre scientifiques. Nous n'en resterons donc pas sur cette note négative.
Merci, madame la rapporteure, pour votre constance et votre volontarisme sur ce sujet. Vous nous avez parfaitement expliqué pourquoi vous déposiez une motion tendant à opposer la question préalable. Comme vous l'avez rappelé, le Sénat a montré sa bonne volonté et son esprit d'ouverture. Nous avons voté à l'unanimité les articles 1er et 2 du projet de loi sur les restitutions. Malheureusement, l'Assemblée nationale et le Gouvernement n'ont nullement cherché le compromis. La remise aux autorités malgaches de l'ornement du dais de la reine Ranavalona III, sans consultation ni information du Parlement, est choquante. Le Gouvernement a sa méthode et celle-ci est très éloignée de notre souhait d'une réflexion partagée sur le sujet.
Nous voterons la motion opposant la question préalable. Celle-ci semble s'imposer puisque nous sommes en opposition totale avec le Gouvernement, tant sur le fond que sur la forme. La question des restitutions ou plutôt des retours de biens culturels est une question complexe qui nécessite, pour la traiter, un temps d'approfondissement, car il convient de croiser des approches multiples : la dimension artistique et esthétique, une réflexion sur les origines des biens, etc. Il faut aussi s'interroger sur la question du retour au regard de notre conception universaliste des musées et de la culture. Nous devons aussi trouver les meilleures voies pour renforcer le dialogue des cultures, préciser les modalités d'accueil des objets transférés et de leur circulation. Il faut enfin s'interroger sur la question des dons, des legs, et de la protection des droits des donateurs et de leurs descendants.
Face à ces exigences, le Sénat réclame avec constance une démarche méthodique, scientifique et rigoureuse, mais le Gouvernement et l'Assemblée préfèrent une réponse au cas par cas et mettent en avant l'exigence de simplification. Mais, alors que les demandes vont assurément se multiplier, nous ne pouvons comprendre cette volonté de traiter ces questions dans l'urgence, voire la précipitation, en raison des seules considérations diplomatiques et selon le seul fait du prince. Cela constitue un dévoiement de notre législation multiséculaire et bafoue les droits du Parlement qui est mis devant le fait accompli par un transfert préalable des biens, sans étude ni réflexion préalables, suivi de la signature d'une convention de dépôt, laquelle précède une loi de ratification. Telle fut la procédure qui nous a été imposée pour le sabre attribué à El Hadj Omar Tall ou pour la couronne du dais de la reine Ranavalona III. Le Parlement est mis devant le fait accompli et la décision provient exclusivement de l'exécutif, au mépris de la séparation des pouvoirs. La précipitation répond aux exigences des contingences diplomatiques ; la procédure de dépôt est instrumentalisée ; les conservateurs et les scientifiques n'ont aucune possibilité de faire entendre leur voix. Le groupe Les Républicains votera donc la motion tendant à poser la question préalable pour manifester son mécontentement.
La restitution des biens culturels est un signal important adressé à l'Afrique et à sa jeunesse qui souhaite pouvoir accéder à son histoire. Les articles 1er et 2 ont été définitivement adoptés. Nos discussions, tout comme la restitution en catimini de la couronne du dais de la reine Ranavalona III qui était conservé depuis 1910 au musée de l'armée, montrent à quel point la création d'un Conseil national de réflexion est nécessaire pour encadrer la circulation et le retour de biens culturels en l'absence d'une loi-cadre et pour éviter que tel ou tel gouvernement ne privilégie systématiquement les enjeux diplomatiques du moment à l'intérêt culturel des biens. Ce conseil indépendant permettrait de nourrir le débat, d'éclairer les décideurs politiques et d'assurer une totale transparence sur le processus. La création de ce conseil est d'autant plus indispensable qu'opposer une fin de non-recevoir aux pays qui demandent le retour de biens culturels constituerait une grave erreur sur le plan diplomatique, susceptible de nuire aux relations déjà affaiblies entre la France et l'Afrique. Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable.
Si le texte revenait aujourd'hui dans notre hémicycle, je ne voterais plus l'article 2 qui transfère la propriété du sabre attribué à El Hadj Omar Tall. Nous avons été abusés par une présentation fallacieuse des circonstances du dépôt de ce sabre ; ce que l'on nous présentait comme une relation d'État à État s'est finalement avéré être une relation entre un État et une famille, ce qui est complètement contraire à la méthode préconisée par le rapport Sarr-Savoy, qui sert pourtant de ligne de conduite au Gouvernement.
On a forcé la main du Parlement. Pour éviter que cela ne se reproduise, nous devons prévoir une instruction sérieuse, rationnelle, historique et méthodique des demandes, dans la clarté, la transparence, et avec l'aide des conservateurs. Ceux-ci nous disent qu'il faut six mois de recherches pour établir, quand on le peut, les conditions de dépôt d'un objet dans les collections françaises. Se présenter au Parlement avec des dossiers mal constitués représente, pour la France, un risque juridique fort : il pourrait arriver que nous cédions, par la voie législative, des objets sans respecter les conditions de leur donation, telles qu'elles ont été imposées au moment où les objets ont rejoint les collections publiques. Imaginez que l'on retrouve des ayants droit du sabre ou des ornements du dais et qu'ils se manifestent arguant que le législateur n'a pas respecté les conditions de la donation : nous serions placés dans une situation juridique inextricable, qui affaiblirait la parole de la France, car on pourrait envisager une demande de restitution dans l'autre sens ! Le Conseil national de réflexion proposé par notre rapporteure est donc essentiel. Nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable, en espérant que nous n'aurons pas à traiter durant les deux prochaines années de la législature de nouvelles affaires : vu la façon dont on nous a extorqué notre vote la première fois, je ne me laisserai pas attraper à nouveau.
J'adhère complètement à tout ce qui a été dit ! Le groupe Union centriste votera naturellement cette motion.
Je m'associe aux interventions précédentes. Le groupe RDSE s'opposera toujours à ce que le Parlement soit réduit au rôle de chambre d'enregistrement. La sémantique n'est pas neutre. Une restitution relève de la diplomatie, quand le retour est un acte culturel. À la limite, la commission des affaires étrangères devrait être compétente si l'on considère qu'il s'agit de restitution. Nous devons nous interroger sur ces biens et la notion d'inaliénabilité : si un retour est un don, l'inaliénabilité constitue la reconnaissance de la dimension culturelle du bien. On peut faire un don, ce qui d'ailleurs acte le fait que l'on est le propriétaire légitime de l'objet, tandis que l'inaliénabilité est la reconnaissance de sa dimension culturelle. Ces biens culturels sont aussi des vecteurs de notre culture. Il en va du rayonnement de la France. Cet enjeu est fondamental et négligé dans des décisions prises à la va-vite.
J'ai été très profondément heurtée par la manière dont tout cela s'est passé, car j'ai fait partie de celles et ceux qui, depuis longtemps, ont milité pour de telles restitutions, à commencer par la restitution des têtes maories à la Nouvelle-Zélande. Or, le Parlement a été contourné ; on a évité un débat national qui aurait permis d'impliquer tout le monde dans la réflexion et le geste du retour. Tout cela est contreproductif et a crispé les positions des uns et des autres. Le Parlement, pris à revers une première fois, risque d'opposer à l'avenir un refus systématique. Il aurait été préférable de travailler ensemble, en lien notamment avec le ministère de la culture dont nous voulions d'ailleurs rétablir le rôle par rapport au ministère des affaires étrangères. Je déplore que le ministère de la culture soit, dans cette affaire, sous la coupe réglée de la cellule diplomatique de l'Élysée.
Plutôt que d'établir une procédure rigoureuse et méthodique, permettant d'aboutir, le cas échéant, à certaines restitutions pertinentes, on a pris le risque de voir le dossier s'enliser. Pourtant, depuis 2002, notre souhait avec Philippe Richert, est d'engager une réflexion prospective et lucide sur ces questions. La méthode retenue est donc contreproductive et ne nous fait pas gagner beaucoup en termes de crédibilité sur la scène internationale. D'autres pays sont sollicités sur ces sujets et nous aurions pu être les initiateurs d'une méthode intéressante. Je ne confondrai pas les dons et les retours : on ne peut pas imaginer que nos gouvernants puisent à l'envi dans les collections publiques pour faire des cadeaux ! C'est inenvisageable. Pour éviter les excès, nous avons besoin des garde-fous définis par loi ; en l'occurrence, il s'agit du principe d'inaliénabilité, reconnu par la loi de 2002, mais qui remonte au 16e siècle. C'est pourquoi je vous propose d'adopter la motion tendant à opposer la question préalable.
La motion n° 1 est adoptée. La commission décide donc de soumettre au Sénat une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal. En conséquence, elle n'a pas adopté de texte. Dès lors, en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Nous accueillons aujourd'hui le délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques (Dijop), le préfet Michel Cadot, qui a la lourde tâche, mais aussi peut-être l'avantage, de succéder au Premier ministre dans ses précédentes fonctions qui comprennent également la délégation interministérielle aux grands événements sportifs (Diges) ainsi que la présidence de l'Agence nationale du sport (ANS).
Monsieur le délégué interministériel, la loi du 1er août 2019 a introduit dans le code du sport un nouvel article L. 112-16, aux termes duquel « le président et le directeur général de l'agence présentent chaque année le rapport d'activité de celle-ci devant les commissions permanentes chargées des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat ». Nous examinerons donc ce premier rapport d'activité, qui porte sur l'année 2019 et que vous allez nous présenter.
Nous souhaiterions également mieux appréhender le rôle qu'a pu avoir l'agence depuis le déclenchement de la crise sanitaire. Dans quelle mesure le fonctionnement collégial de l'agence a-t-il été utile pour élaborer dans l'urgence des réponses aux besoins des acteurs du sport et avec quels moyens ? A contrario, le retard pris dans la mise en place de la gouvernance territoriale n'a-t-il pas constitué un frein à l'action de l'agence ?
Le second grand sujet concerne la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques. Nous savons que le programme des infrastructures conduit par la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) se déroule dans les temps et que des arbitrages sur la localisation de certains équipements ont permis de réduire le coût global.
Cependant, la presse s'est fait l'écho d'un rapport de la Cour des comptes mettant en évidence des problèmes dans le financement des Jeux, notamment en ce qui concerne les ressources propres. Pourrez-vous nous rappeler les grands équilibres du budget des Jeux et nous indiquer l'impact de la crise sanitaire sur les partenariats attendus et sur l'équation financière ?
Je vous laisse la parole pour présenter votre propos introductif. J'inviterai ensuite notre collègue Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis des crédits du sport, à vous poser une première série de questions, puis l'ensemble des sénateurs pourra vous interroger.
Je suis très heureux de participer à cette audition. J'ai pris mes fonctions de délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques à la mi-août, après avoir été nommé à la mi-juillet. Je n'ai donc qu'un recul relatif sur la montée en charge de ce grand projet. J'ai été également nommé depuis quelques mois délégué interministériel aux grands événements sportifs, ce qui me permet de suivre la préparation de la Coupe du monde de rugby en 2023 ou d'autres événements importants. Enfin, j'ai pris la présidence de l'ANS il y a maintenant deux mois et demi, en veillant, d'une part, à finaliser les conventions entre l'État et l'agence pour fixer les grands objectifs de 2020 et 2021 - c'était une demande forte des parlementaires - et, d'autre part, à accélérer le déploiement des conférences régionales et des conférences des financeurs dans les territoires, qui faisaient défaut et qui seront toutes installées durant le courant du mois de janvier.
S'agissant des jeux Olympiques (JO), nous sommes en train de basculer dans une nouvelle période. Pendant les deux ou trois premières années, l'enjeu a été d'adopter les textes fondateurs : la loi olympique de 2018 et les modifications qui lui ont été apportées, la convention avec Paris, la ville hôte, et un certain nombre de conventions financières et d'objectifs avec Paris 2024.
Cette étape est en train de s'achever, à trois ans et demi du déroulement des Jeux, avec, à l'été 2021, le transfert du drapeau olympique de Tokyo à Paris. La réalisation des ouvrages est portée par un établissement public industriel et commercial, la Solideo, dont j'assure le commissariat du gouvernement en tant que Dijop et dont la présidence est assurée par Mme Hidalgo. La totalité des chantiers, soit une quarantaine d'ouvrages, sera engagée à la mi-2021. La quasi-totalité des permis de construire ont d'ores et déjà été délivrés.
Enfin, le Comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (COJO) Paris 2024 entre en phase opérationnelle, avec la signature des marchés pour les prestations de services et pour les équipements provisoires nécessaires pour les épreuves. L'agence va recruter plus de 150 personnes pour l'année 2021, portant son effectif à la fin de l'année à 465 CDI.
Les priorités auxquelles la Dijop s'est consacrée depuis quelques mois et qui vont guider le travail du premier semestre 2021, c'est d'abord d'accompagner la révision du format des Jeux, ce qui est appelé la « revue de concept » dans le langage olympique : ce travail a été conduit aussi bien avec Paris 2024 qu'avec la Solideo en ce qui concerne le périmètre des ouvrages, notamment sur le village des médias. Ce travail sera officiellement adopté par le conseil d'administration de Paris 2024 le 17 décembre prochain. Il a été longuement présenté à tous les partenaires lors de plusieurs réunions de bureaux et de conseils d'administration. Le Comité international olympique (CIO) est venu la semaine dernière valider la faisabilité, avec toutes les fédérations internationales, du nouveau concept. L'idée est de privilégier une sobriété dans le déploiement des Jeux, en limitant le nombre de sites provisoires et en les mutualisant autant que possible. Ce travail de remise à plat a permis de faire près de 150 millions d'euros d'économies.
Nous avons préservé les équilibres territoriaux qui fondent les Jeux. Ainsi, nous avons maintenu un nombre d'épreuves significatif en Seine-Saint-Denis. Par ailleurs, nous avons essayé de regrouper autant que possible dans les bâtiments existants les épreuves olympiques et paralympiques, pour donner une image inclusive du handicap dans l'organisation complète des Jeux, et pas seulement dans les jeux Paralympiques.
La volonté politique d'une participation accrue du public avec des épreuves plus accessibles à la population a été préservée : sont prévus un marathon paralympique et une course cycliste pour personnes handicapées auxquels participeront également les personnes sans handicap et qui se tiendront dans le département de la Seine-Saint-Denis.
Pour la Solideo, la revue de concept a conduit à reporter une deuxième tranche du village des médias qui n'était plus nécessaire, puisqu'une partie des journalistes seront logés à Paris.
Le premier objectif était donc de faire en sorte que la revue de concept se passe de manière équilibrée avec les collectivités locales : ce fut le cas.
Le deuxième objectif était de mettre à plat les perspectives budgétaires des Jeux pour les trois prochaines années, en établissant un budget de référence avec Paris 2024 comme avec la Solideo, qui est un établissement public. Paris 2024 est une association loi 1901, qui dépend directement du CIO : elle n'est pas dans un régime public à proprement parler, et l'essentiel de ses financements sont privés. L'analyse budgétaire a été conduite de manière extrêmement précise depuis deux mois, avec un travail poste par poste, ce qui a conduit à stabiliser un budget de référence qui n'est pas définitif mais prévisionnel ; il constitue une base de travail sérieuse et honnête du point de vue des évaluations budgétaires. Ce travail a été effectué par la Dijop que je dirige, mais en y associant constamment la direction du budget du ministère de l'économie et des finances, qui avait dégagé un agent et un administrateur civil pour travailler à nos côtés.
Nous avons identifié les points d'incertitude sur lesquels il faudra être vigilant dans les prochains mois et qui constitueront, à certains égards, une orientation de travail pour l'année 2021. C'est le cas pour la sécurité, dont le budget a été accru de plus de 100 millions d'euros, les transports, pour lesquels l'augmentation a aussi été très forte, ou le suivi des ressources humaines.
Si l'on prend les deux budgets du COJO et de la Solideo, la part du financement public est de moins de 25 %. Sur un total de 6,8 milliards d'euros, 3,9 milliards d'euros sont prévus pour le COJO et le reste pour la Solideo, avec des financements de l'État et des collectivités locales.
Dernier sujet majeur, celui des règles de sécurité : il apparaît clairement que l'ampleur de l'événement et la concentration des lieux en région parisienne, particulièrement à Paris et en Seine-Saint-Denis, va créer des difficultés de sécurisation spécifiques et exceptionnelles comparé à tous les grands événements auxquels nous avons fait face en général avec succès en France. Nous avons mis en place un comité stratégique de sécurité, qui permet d'associer le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), le ministère des armées, le ministère de l'intérieur, la maire de Paris en tant que responsable de la ville hôte, Paris 2024 et un certain nombre d'opérateurs privés ou sportifs.
Nous avons élaboré un protocole de sécurité, qui fixe les grands principes du partage des responsabilités entre l'État qui a, par les règlements olympiques, la responsabilité de garantir la sécurité dans le pays, et Paris 2024, qui a des responsabilités propres, notamment en matière de sécurisation des sites. Cette base de travail permet de mettre en oeuvre le plan stratégique de sécurité et de finaliser, pour l'ensemble des sites, les besoins humains nécessaires pour assurer la sécurité, qu'ils soient privés, des collectivités locales ou des forces de sécurité intérieure.
Le centre de Paris va concentrer un très grand nombre de sites fermés vers lesquels convergera un afflux de population : les Invalides, le Grand Palais, la place de la Concorde, le Trocadéro, la Tour Eiffel, le Champ de Mars. Ces mouvements très importants de population posent des risques particuliers qu'il faudra prendre en compte.
Nous continuons à travailler sur l'héritage, sur ce qui restera après les Jeux. La mise en oeuvre opérationnelle des plans emploi et insertion permettra de faciliter les recrutements de personnes issues des quartiers prioritaires de la politique de la ville, particulièrement en Seine-Saint-Denis. Un travail complémentaire est largement engagé pour donner un contenu plus concret aux mesures d'accessibilité et de soutien aux personnes handicapées.
S'agissant de l'ANS, elle a été formellement créée seulement en avril 2019. L'année 2020 a été employée à achever la structuration juridique et financière du groupement d'intérêt public (GIP). Le conseil de l'agence a finalisé, le 23 octobre dernier, une convention avec l'État. Des travaux ont été engagés dans les deux domaines de compétence de l'agence : la haute performance et le développement des pratiques.
S'agissant de la haute performance, nous voulons augmenter au maximum nos capacités d'obtention de médailles pour 2024. Le manager de la haute performance au sein de l'agence, Claude Onesta, a préparé un plan d'action : Ambition Bleue.
S'agissant du développement des pratiques, un travail important a été engagé pour faire des Jeux un accélérateur de retour vers la pratique sportive à l'issue de la crise sanitaire, notamment à l'école avec la politique engagée par le ministre de l'éducation et la ministre des sports, dans le cadre de la nouvelle organisation et du rattachement de la politique de la jeunesse et des sports au ministère de l'éducation. Je pense au renforcement des 30 minutes d'éducation physique à l'école primaire, qui est un des axes de cette politique.
Pour 2021, le soutien au secteur sportif s'appuiera sur la mobilisation des crédits du plan de relance, soit 120 millions d'euros pour 2021 et 2022, répartis entre des actions sur l'emploi, sur les équipements sportifs et sur les projets sportifs fédéraux. Ont été engagés les 15 millions d'euros de fonds de solidarité, destinés aux clubs locaux en difficulté, souvent les plus petits d'entre eux : 3 700 aides ont été accordées en trois mois.
Merci pour ce propos liminaire. Votre modestie dut-elle en souffrir, vous êtes l'homme fort de la politique sportive dans notre pays ! Les chiffres parlent d'eux-mêmes : le budget du programme « Sport » s'élève à 435 millions d'euros en crédits de paiement pour l'année 2021, dont pratiquement les trois quarts sont fléchés vers l'ANS que vous présidez. Je mets de côté le programme concernant la Solideo, même si des transferts de fonds ont été effectués de la Solideo vers l'ANS, notamment pour la mise en place des centres de préparation aux jeux (CPJ). N'avez-vous pas peur de créer des frustrations concernant ces CPJ ? On parle de 619 sites retenus - il y en aura encore d'autres -, mais ils ne recevront pas tous des délégations nationales ou internationales. En effet, seuls 20 millions d'euros sont prévus pour ces sites pour les années 2021 et 2022.
Vous avez rappelé la structure juridique de l'ANS, qui est un GIP. Or l'arrêté portant approbation de la convention constitutive initiale du GIP a été annulé par le Conseil d'État en juillet 2020 - un GIP, bien qu'autonome, devant rester dans le giron de l'État. Quelles suites seront données à cette décision du Conseil d'État ?
Vous avez parlé des aides d'urgence aux petits clubs. Une enquête rendue publique il y a quelques jours montre qu'au moins une douzaine de fédérations sont dans une situation très préoccupante pour « boucler » l'année 2020. À ma connaissance, seuls 900 000 euros sont inscrits pour le fonds d'urgence aux fédérations. Celui-ci va-t-il être abondé dans les jours qui viennent ?
La semaine dernière, le Sénat a rejeté le budget du sport parce qu'il ne correspondait pas à la traduction budgétaire des annonces de ces derniers mois. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur les mesures sectorielles relatives au domaine sportif ?
Avec des collègues, nous avions déposé des amendements relatifs au plan Vélo voté en 2019, pour lequel 45 millions d'euros étaient prévus dans la loi d'orientation des mobilités (LOM). Les deux ministères qui ont porté ce projet et le débat législatif étaient le ministère des transports, d'une part, et le ministère de la transition écologique et solidaire, d'autre part. On ne comprend pas pourquoi on « émarge » au budget du ministère des sports pour financer la LOM... Le programme « Savoir rouler à vélo » devrait relever du ministère de l'éducation nationale, qui assure en quelque sorte la « tutelle » du ministère des sports. Pourquoi le programme « Sport » serait-il sollicité ?
Au cours de nos auditions - et là je parle « vrai » -, nous avons eu l'impression que la collaboration entre l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep) et l'ANS n'était pas très bonne, notamment pour la définition du sport de haute performance. Comment améliorer ces relations ?
S'agissant des jeux de Tokyo en 2021, comment analysez-vous la situation ? Existe-t-il une date à partir de laquelle un point de non-retour sera atteint ? Il faudra alors dire si les Jeux auront, ou non, lieu. Quel est d'ores et déjà le surcoût ?
Le moment n'est-il pas venu d'un véritable examen de conscience concernant le modèle économique du sport de très haut niveau ? Je pense évidemment au football professionnel, mais pas seulement. Derrière les droits de retransmission télévisée du foot professionnel, il y a la taxe « Buffet » et la solidarité avec le sport amateur en France.
S'agissant des CPJ, 20 millions d'euros ont été dédiés au financement de projets qui doivent être obligatoirement réalisables avant le 30 novembre 2023. Ces lieux doivent pouvoir accueillir des équipes pour les jeux Olympiques et Paralympiques. Les candidats sont nombreux : cela traduit l'intérêt que représente l'affichage d'être un centre de préparation des Jeux.
Le comité de sélection, qui associera des représentants des collectivités, du monde sportif et des administrations, doit vérifier que les candidats respectent des conditions assez rigoureuses : l'équipement doit correspondre aux normes d'entraînement olympique, un hébergement et un établissement médical doivent être disponibles à proximité immédiate. Ces conditions ne sont pas remplies par un certain nombre de candidatures. Il existe un risque d'incompréhension si l'on n'explique pas rapidement les critères sur lesquels les CPJ seront retenus.
Les 20 millions d'euros ne sont pas destinés à être les seuls financements : des financements conjoints sont mobilisés, notamment avec les collectivités locales.
Sur le suivi de l'ANS par l'État, celle-ci a été créée il y a peu de temps. Il faut adopter les actes juridiques qui permettront d'assurer ce contrôle. Nous sommes en liaison extrêmement étroite avec la ministre des sports et la direction des sports. Le ministre de l'éducation, Jean-Michel Blanquer, et Mme Roxana Maracineanu sont en principe présents à chacune des réunions du conseil d'administration. Je rencontre la ministre tous les 15 jours et le ministre de l'éducation environ une fois par mois pour faire le point.
Le budget est l'instrument de contrôle auquel on pense le plus naturellement. C'est la raison pour laquelle je tenais à ce que la convention État-ANS soit signée avant la fin de l'année. C'est fait, et nous lui adjoignons - le travail est en cours avec le ministère des finances et la direction des sports - une annexe financière. Je vous accorde que nous avançons en marchant ! Mais je prends ici l'engagement que cela sera rapidement terminé.
Les augmentations de crédits sont très significatives avec le plan de relance, essentiellement pour de nouvelles actions. Sur l'ensemble du budget, les augmentations de dépenses et de recettes sont de l'ordre de 40 %. Le budget initial pour 2020 était de 277 millions d'euros ; celui pour 2021 sera de 373 millions d'euros. Nous avons les moyens et la capacité de conduire une politique partenariale, faisant la liaison entre les orientations nationales et leur déclinaison dans les territoires.
Enfin, je veux mentionner les difficultés à trouver le bon positionnement pour les dispositifs de soutien à la crise. Les aides au sport fédéral, donc aux fédérations les plus touchées, sont nécessaires. En effet, les pertes de licenciés ou d'affiliés pour les sports de combat ou les sports collectifs de proximité peuvent atteindre près de 50 %. Pour les autres fédérations, la baisse est de plus de 25 %.
Dans ce contexte, le « pass sport », confirmé par le Président de la République, fait actuellement l'objet de grands débats. L'idée est de cibler ce dispositif sur les familles avec des enfants mineurs, parce que ce sont les moins de 16 ans qui ont le plus perdu en termes de pratique sportive avec la crise sanitaire, avec des critères sociaux. Faut-il le réserver aux seuls clubs affiliés aux fédérations ? La pratique est parfois beaucoup plus ouverte : les jeunes sont parfois inscrits dans des clubs de proximité qui ne sont pas forcément adhérents d'une fédération. Le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) plaide pour le limiter aux seuls clubs fédérés, soit 150 000 clubs. Le nombre de bénéficiaires serait alors de 2 millions, pour une aide d'un montant d'une cinquantaine d'euros par bénéficiaire.
Sur le plan Vélo, le déploiement d'instances de mobilité sera accompagné par les Jeux. Pour le reste, ce sont des schémas budgétaires à l'élaboration desquels je n'ai pas directement participé.
S'agissant des jeux de Tokyo, d'après les informations que nous recevons de l'ambassade de France à Tokyo et des contacts que nous avons avec le CIO, l'hypothèse du maintien des Jeux est évidemment actée. Les coûts opérationnels liés au report et les mesures spécifiques de prévention sanitaire contre le coronavirus sont estimés à environ 2 milliards d'euros.
En ce qui concerne les jeux Olympiques et Paralympiques 2024, nous voulons rester dans l'enveloppe de 6,8 milliards d'euros : 3,8 milliards pour le COJO et 3 milliards pour la Solideo. Nous nous en donnons les moyens, notamment par un suivi budgétaire assez resserré durant les prochaines années dont nous rendrons compte à la représentation parlementaire.
Pourriez-vous nous préciser la clé de répartition du financement de l'ANS ? Il serait surprenant que l'État supporte seul le financement de l'agence.
Pouvez-vous aussi nous apporter des précisions sur les conseillers techniques sportifs (CTS), un sujet qui a fait beaucoup débat au Sénat ? Nous avons été à l'initiative de l'arrêt de la réforme lancée par la ministre.
L'ANS a décidé de baisser en 2020 les aides aux investissements en direction des territoires, ce qui n'a pas été bien perçu par les collectivités locales. Est-il prévu de revenir sur cette décision dans le prochain budget pour 2021 ?
Nous avons entendu la présidente et des responsables de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). Environ 300 athlètes sont considérés comme « médaillables » aux prochains JO. Lorsqu'on sollicite des athlètes pour la haute performance, on sait qu'il existe des risques de dérives. Un travail d'information, de contrôle, de communication autour du dopage doit être mené. L'ANS pourra-t-elle accompagner financièrement l'AFLD, qui se plaint d'un manque de moyens pour assurer toutes ses missions ?
Je vous fais part de la question que souhaitait vous poser Claude Kern, qui a dû partir.
Le décret du 20 octobre 2020 précise les missions, le fonctionnement et la composition des conférences régionales du sport et des conférences des financeurs du sport, mais il laisse de larges plages d'interprétation et des zones d'incertitudes.
La composition des conférences régionales du sport sera à géométrie variable. Pour les collectivités, il faudra se munir d'une calculatrice et de cartes géographiques. Par exemple, le Grand Est est composé de 10 départements. Au 1er janvier prochain, le Haut-Rhin et le Bas-Rhin vont fusionner avec la création de la collectivité européenne d'Alsace. Cette collectivité gardera-t-elle deux représentants ? De plus, dans certaines régions, il y aura une forte disparité entre les représentants des différents collèges. En règle générale, la situation est plutôt défavorable aux communes.
La problématique de la composition se répète également pour les conférences des financeurs du sport. N'oublions pas que les principaux contributeurs pour la réalisation et la rénovation des équipements sportifs restent les collectivités territoriales. Un consensus se dégage pour créer une conférence par département. M. Kern estime que cela affaiblira la position des collectivités, avec le risque de faire des conférences des financeurs de simples chambres d'enregistrement.
Vous nous avez montré qu'un pilotage fin des coûts et des éventuels surcoûts pouvait conduire à une plus grande sobriété en termes d'équipements.
Nous avons quelques inquiétudes sur l'artificialisation des sols. Disposez-vous d'un bilan des terres artificialisées par les chantiers olympiques ?
Le coût des JO a toujours explosé pour les villes organisatrices. Avez-vous un point de vue sur cette question, notamment sur la maîtrise du coût climat ? Le secteur du BTP est le premier émetteur de CO2, avec 25 % des émissions. Un bilan carbone des constructions a-t-il été établi ? Quid de l'impact climatique des JO en termes d'émissions de gaz à effet de serre ?
Merci pour votre exposé.
Les élus locaux s'interrogent sur la mise en place concrète de la déclinaison territoriale de l'ANS, dans un contexte où le monde sportif, comme de nombreux secteurs d'activités, est aujourd'hui bousculé, ce qui renforce les inquiétudes et la nécessité de s'organiser assez rapidement.
Comment seront affectés les 12 millions d'euros du fonds de solidarité destinés aux clubs et aux associations les plus en difficulté ?
Monsieur Savin, les recettes de l'ANS sont essentiellement constituées de financements publics : cela tient au caractère très récent de sa création. C'est le partenariat territorial qui doit permettre de mobiliser plus efficacement des fonds locaux, voire des fonds privés. Il est d'ailleurs prévu de créer des fonds affectés, ce qui permettrait, dans les territoires, de mobiliser éventuellement des fonds d'entreprises locales et régionales, qui souhaiteraient accompagner une politique sportive portée par les élus et les responsables sportifs du territoire. Pour le moment, le secteur privé relève d'autres formules d'aides : chômage partiel ou aides spécifiques au sport professionnel.
J'ai été interrogé sur la baisse des investissements en équipements des collectivités. Ce n'est pas le cas ! Au contraire, avec les crédits du plan de relance, les financements mobilisés en 2021 par l'ANS pour les équipements sportifs des collectivités connaîtront une augmentation significative de 78 %, un niveau très élevé qui s'explique par les dotations exceptionnelles du plan de relance et par les aides prévues pour la rénovation thermique des bâtiments sportifs - 25 millions d'euros - et pour les CPJ.
Certes, ces dépenses ne sont pas « soclées » dans le budget - elles relèvent du plan de relance -, mais il y aura incontestablement en 2021 et 2022 un accompagnement important qui s'inscrit bien dans la mobilisation olympique.
S'agissant des athlètes médaillables, l'accompagnement des sportifs de très haut niveau est une priorité. Les jeux de Tokyo nous serviront de leçon et nous permettront de finaliser une stratégie détaillée, mais l'objectif de l'agence est de dégager des moyens humains sur la haute performance, notamment pour faire respecter les valeurs du sport, y compris par une relation resserrée avec l'AFLD.
En ce qui concerne les conférences régionales, j'entends bien les inquiétudes qui ont été exprimées. Le décret a été publié ; la circulaire a été adressée aux préfets et aux recteurs ; les délégations régionales académiques à la jeunesse, à l'engagement et au sport (Drajes) sont placées auprès des recteurs dans les académies. Des instructions ont été données pour mettre en place ces conférences et laisser une place importante à l'adaptation locale. Je me rendrai dans un grand nombre de régions pour regarder comment se mettent en place ces conférences, qui doivent être des structures efficaces et de dialogue.
Sur les 15 millions d'euros du fonds de solidarité, 12 millions ont déjà été engagés, avec des aides d'un montant moyen de l'ordre de 3 500 euros, ce qui n'est pas considérable. Les aides ont été rapidement versées pour faire face aux besoins d'urgence des associations. Cette ligne budgétaire sera renouvelée en 2021, toujours à hauteur de 15 millions d'euros.
Enfin, je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'équipements olympiques installés dans des lieux qui n'étaient pas précédemment artificialisés. Le village olympique, par exemple, qui deviendra un quartier de 10 000 habitants en Seine-Saint-Denis, est installé sur une zone de friches industrielles, isolée du reste de la ville alors que Saint-Denis se transforme rapidement. Le bilan carbone devrait être nul. Le quartier qui sera mis à disposition à la fin des JO en 2025 sera assez remarquable du point de vue de l'excellence environnementale, avec un certain nombre de constructions utilisant des matériaux décarbonés. Nous devons faire connaître ces résultats qui sont incontestables.
Ce sera, en revanche, moins le cas pour Dugny, Le Bourget et la partie Est de Saint-Denis où sera installée la première tranche du village des médias.
Le village olympique montre que, pour des marchés suffisamment porteurs comme les grandes métropoles, nous sommes aujourd'hui capables de faire, quasiment à l'équilibre financier, des constructions avec un bilan carbone nul.
Nous avions entendu, le 19 décembre 2018, votre prédécesseur, M. Castex, notamment sur les problèmes de transport du Charles-de-Gaulle Express et de certaines lignes de métro.
Des engagements avaient été pris dans le dossier de candidature : je pense notamment au Charles-de-Gaulle Express. Nous avions convenu avec M. Castex qu'il était nécessaire d'améliorer les dessertes des deux aéroports et surtout du centre des médias du Bourget.
J'entends bien qu'il n'est pas de votre ressort de nous informer aujourd'hui de l'avancement de ces travaux qui dépendent de la Société du Grand Paris et d'Île-de-France Mobilités. Néanmoins, depuis décembre 2018, nous n'avons pas le sentiment qu'il y ait eu une progression fulgurante des travaux, bien au contraire !
Lors de son audition, M. Castex avait indiqué qu'il n'était pas question d'envisager pour l'instant un plan B pour améliorer les dessertes au cas où les nouveaux investissements ne pourraient pas être réalisés avant l'ouverture des jeux Olympiques. Les choses commencent à se préciser !
Je suis usager de la ligne B du RER, deux fois par jour : ce n'est pas celle qui fonctionne le mieux en Île-de-France. C'est un point déterminant parce que, pour les populations riveraines, si les JO se traduisent par des difficultés supplémentaires de transport, ce sera l'acceptation sociale des Jeux, en France comme ailleurs, qui sera remise en question. De moins en moins de villes se porteront candidates si on n'arrive pas à faire que l'organisation des JO ne repose pas sur les conditions de circulation des individus.
J'aurais aimé avoir votre point de vue sur ce sujet pour rassurer les usagers de la ligne B, qui m'interpellent sur cet avenir indécis.
J'ai eu plaisir à travailler avec vous lorsque vous étiez préfet de la région Île-de-France. Votre nomination est pour moi - je le dis sans flagornerie à l'intention de mes collègues qui vous connaissent peut-être moins - synonyme de rigueur, de transparence et de bienveillance, ce qui, par les temps qui courent, mérite d'être souligné.
Je ne dénie pas à l'État l'envie d'élargir le périmètre du sport. En revanche, quand on regarde les crédits, on constate qu'il y a loin de la coupe aux lèvres - c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous les avons rejetés.
Sans opposer la culture et le sport, parce que le sport fait partie intégrante des compétences de notre commission de la culture, on s'aperçoit que la culture, dans cette époque de « quoi qu'il en coûte », pour reprendre les termes exacts du Président de la République, a été mieux dotée que le sport, qui se réduit comme peau de chagrin.
Vous dirigez l'ANS. J'aurais pu, si j'étais taquin, vous appeler M. le ministre, car tout le monde a bien compris que ce ministère fond comme neige au soleil. On constate une ambition certaine de l'État. Si l'on donne au sport de très haut niveau des objectifs de médailles sans y mettre les moyens - nous savons tous que, dans ce budget, les jeux Olympiques sont l'arbre qui cache la forêt -, alors on ment aux Français ! Ce n'est pas vous qui êtes visé.
Au moment où la France est dans un état psychologique catastrophique, il existe deux leviers fondamentaux pour essayer de relever ce pays : la culture et le sport. Nous n'avons pas les capacités de mettre des moyens en face de nos ambitions. Alors soit on réduit nos ambitions - les Français et les sportifs le comprendront si on leur en fait l'annonce -, soit on se donne les moyens de telles ambitions. Aujourd'hui, les moyens ne sont pas à la hauteur. J'aimerais vous entendre sur cette question qui est générale, certes, mais fondamentale.
Votre premier travail a été - fort intelligemment - de signer ces conventions. On a tendance à créer des agences avant de définir leurs missions ; j'aurais aimé qu'on fixe les missions de l'ANS avant de la créer.
Enfin, pour avoir la responsabilité modeste d'un groupe de travail sur le « pass culture », quand j'entends parler d'un « pass sport », je bous ! On connaît le fiasco du « pass culture ». Le monde du sport, parfois de façon caricaturale, voit ce « pass sport » comme la manne céleste. Ce sont les collectivités territoriales qui font le sport dans ce pays : on le sait, mais je préfère le redire ici dans l'assemblée des territoires. Il aurait été plus efficace d'avoir une coordination entre l'État et les territoires, et de disposer de moyens plus importants. Les équipements sportifs dans notre pays sont dans un état de délabrement intense. Faire miroiter à des clubs qu'ils vont recevoir une délégation olympique... Je peux comprendre l'envie de partager le sentiment olympique avec le pays, mais il ne faut pas prendre des vessies pour des lanternes : nombreux seront déçus, et beaucoup de ceux qui obtiendront une délégation sur leur territoire vont peut-être financièrement s'en mordre les doigts, ce qui serait catastrophique.
Dans un rapport récent, le Conseil national consultatif des personnes handicapées demandait que le sport pour les personnes en situation de handicap ne soit pas conçu sur la base du seul principe d'inclusion.
Un grand nombre de sénateurs se sont mobilisés en faveur des CTS, qui sont un maillon essentiel de la politique sportive.
Pouvez-vous me donner des précisions sur l'impact de la covid sur la livraison des sites olympiques ?
Quid de la mise en oeuvre du plan héritage ?
Après le rattachement du ministère des sports au ministère de l'éducation nationale, l'articulation est-elle différente avec l'ANS ?
Quelle est votre vision de l'appui aux collectivités territoriales ? Les labels « Terre de jeux » et CPJ vont amplifier la préparation des Jeux et leur héritage, et permettre le partage de cet événement.
Le sport en France est en grande difficulté. Avez-vous des solutions ? Vous avez évoqué la diminution du nombre de licenciés, ce qui a des incidences sur la gestion du sport. De nombreux présidents de fédération n'ont pas été réélus ces dernières semaines, de moins en moins de bénévoles sont là pour soutenir les associations. Avez-vous des pistes pour améliorer la situation ?
Le « pass sport » ne sera pas pour moi le vaccin miracle, surtout s'il est organisé à l'image du « pass culture ».
Monsieur Cadot, nous nous arrêterons dans quelques instants à midi pour respecter une minute de silence dans le cadre de la journée d'hommage national au président Giscard d'Estaing.
Sur la question des transports, la volonté personnelle du Premier ministre actuel est de veiller au respect du calendrier, qui a été accéléré par les jeux Olympiques notamment pour le nord du département.
Nous sommes confrontés à deux types d'aléas qui ne dépendent ni de la volonté politique ni du travail de la Société du Grand Paris entre autres.
Le premier concerne les incidents touchant les ouvrages souterrains - je pense aux risques géologiques pour le fonctionnement des tunneliers. Ce risque existe : il a déjà conduit à des retards pendant la période du confinement et récemment pendant la période de mesures intermédiaires de confinement. Nous y verrons plus clair à partir de l'été 2021, lorsque nous aurons surmonté ces risques techniques.
et les membres de la commission observent une minute de silence dans le cadre de la journée d'hommage national au président Giscard d'Estaing.)
Le sujet des tunneliers et du risque induit concerne essentiellement la livraison pour 2024 de la partie de la ligne 16 qui ira jusqu'à la gare RER du Bourget. Le retard accumulé n'est pas complètement irrattrapable en travaillant en 3x8, mais il y aura des coûts supplémentaires.
S'agissant des autres lignes, le calendrier est pour le moment tenu, avec dans certains cas des écarts de quelques semaines.
Le second aléa concerne le Charles-de-Gaulle Express : il s'agit des recours. Une décision récente du tribunal de Montreuil sur l'autorisation environnementale de la ligne du Charles-de-Gaulle Express conduit à repositionner complètement les très nombreux travaux sur le faisceau nord, avec des risques de décalage.
S'agissant des sites olympiques, les délais sont tenus. Ce sont des travaux de bâtiment et de génie civil classiques. Le seul risque existant concerne l'enfouissement des lignes du Réseau de transport d'électricité (RTE), qui doivent rejoindre l'île Saint-Denis en passant à côté du village olympique le long de l'A86. RTE a rencontré un problème de tunnelier, ce qui crée une zone de risque, laquelle fait l'objet d'un travail de vérification.
En ce qui concerne la politique du sport, la prise en compte de la nécessité de renforcer les moyens de soutien au secteur du sport s'est effectuée plus récemment que pour la culture. Elle s'est matérialisée dans les décisions prises depuis le début du deuxième semestre 2020, à la suite de la crise sanitaire, et lors d'une réunion tenue par le Président de la République il y a 15 jours, au cours de laquelle j'ai évoqué l'état d'avancement de la réflexion sur le « pass sport ». Je l'ai dit, le Président de la République a confirmé l'enveloppe envisagée et la mission confiée à l'ANS pour aboutir à un dispositif aussi consensuel que possible.
J'ai bien entendu votre message, nous reprendrons contact avec les collectivités. Des choix de fond doivent être effectués, et 100 millions d'euros, c'est une somme importante dans le contexte actuel et rapidement mobilisable, c'est-à-dire avant la rentrée de septembre 2021, pour que les sports qui se pratiquent largement durant l'été puissent en bénéficier dès mai ou juin 2021.
L'intention est bien de trouver la « bonne martingale », si vous m'autorisez cette expression, pour le « pass sport », de façon à apporter le maximum d'efficacité au soutien au secteur du sport. Des changements de fond s'opèrent dans la politique d'organisation du sport, qu'il s'agisse du développement de la pratique, des 3 000 jeunes soutenus au titre du haut niveau ou de la sélection olympique, c'est-à-dire des 300 athlètes qui ont vocation à récolter des médailles. Nous assistons à une évolution des mentalités, à des difficultés en matière de volontariat, à une fragilisation de certains modèles normés - la pratique du sport est aujourd'hui beaucoup plus « mobile ». Il faut anticiper les changements, les accompagner, en restant en phase avec ce qu'attend le public, notamment les catégories qui ont besoin d'être soutenues - je pense aux femmes, aux personnes handicapées, aux jeunes ou aux personnes âgées ou malades.
Sur le devenir des CTS, vous m'autoriserez à répondre qu'il y a une ministre des sports et que le malheureux président de l'ANS n'est surtout pas ministre des sports et ne le souhaite pas ! La ministre a répondu sur ce sujet, en expliquant qu'elle ne voulait pas apporter de changements fondamentaux.
Sur le rattachement du ministère des sports au ministère de l'éducation - c'est un ancien préfet de région qui parle -, je considère que le rattachement des Drajes aux recteurs était plutôt une décision vertueuse. J'évoquais les 30 minutes d'éducation physique : c'est bien à l'école primaire qu'il faut en prendre l'habitude. Sur ce point, les Jeux peuvent être une incitation : il faut faire venir des sportifs dans les classes, préparer des tutoriels pour aider les enseignants de l'école primaire à mettre en application cette demi-heure, aujourd'hui pratiquée de manière extrêmement inégale dans des conditions qui, souvent, ne stimulent pas l'intérêt des élèves. La direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco) procède à notre demande à un inventaire de l'utilisation réelle des équipements sportifs, pour voir s'il n'est pas possible de les utiliser plus efficacement, pour éviter d'avoir à investir dans de nouveaux bâtiments.
La relation avec les collectivités locales est le défi de l'année 2021. Je suis preneur de suggestions sur les très bonnes pratiques qui fonctionnent dans certains départements ou régions, afin que la mise en place des conférences régionales se fasse dans les meilleures conditions possibles.
Sur le handicap, la volonté de transformer par les jeux Olympiques et Paralympiques le regard de la société sur le handicap fait partie des priorités olympiques. C'est le cas pour Paris 2024 et pour l'État. Nous travaillons à inventer des approches nouvelles, à assurer un partage beaucoup plus effectif entre les disciplines olympiques qui seront ouvertes au grand public et à inclure le handicap dans la vie sportive.
Je vous remercie de vos réponses. Nous sommes très attentifs au monde du sport et aux problématiques auxquelles il est confronté : je pense aux grands événements et à la réorganisation du monde du sport enclenchée par la création de l'ANS.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La commission désigne, en application de l'article 9 du Règlement du Sénat, M. Laurent Lafon pour siéger au sein du conseil d'administration de la société France Télévisions.
La réunion est close à 12 heures 15.