Nous examinons ce matin les amendements de séance sur le projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement. Nous commençons par l'examen de deux motions, l'une tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, présentée par Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires ; l'autre tendant à opposer la question préalable, présentée par Mmes Assassi et Cukierman et les membres du groupe CRCE.
EXAMEN DE MOTIONS
Je vous propose d'être défavorables à la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité ainsi qu'à la motion tendant à opposer la question préalable.
La commission émet un avis défavorable à la motion n° 5 tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité au projet de loi.
La commission émet un avis défavorable à la motion n° 16 tendant à opposer la question préalable.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DES RAPPORTEURS
Article 3
L'amendement de coordination n° 102 est adopté.
Article 5
L'amendement de coordination n° 103 est adopté.
Article 7
L'amendement de précision n° 104 est adopté.
Article 15
L'amendement n° 105, qui vise à préciser la notion de criminalité grave en y intégrant expressément les délits graves, est très important. M. Leconte a déposé un amendement dont la rédaction est quasi similaire ; aussi, je lui propose de le rectifier pour le rendre identique à celui de la commission.
Article 19
L'amendement n° 106 procède à plusieurs améliorations de nature rédactionnelle pour ce qui concerne les archives intéressant la défense nationale et précise les bâtiments pour lesquels les documents y afférents seraient protégés par l'article.
J'ai le sentiment que les améliorations rédactionnelles que vous apportez ne prennent pas en compte les observations formulées, dans leur grande diversité, par les responsables des archives et les historiens que nous avons rencontrés. L'amendement que nous avons déposé sur ce sujet - plusieurs de nos collègues appartenant à différents groupes ont également déposé des amendements identiques au nôtre - est le fruit du travail que nous avons mené avec ces professionnels. Je crois donc comprendre que vous n'y serez pas favorable...
Je le regrette, car ce faisant nous ne répondons pas aux demandes des chercheurs, des historiens et des archivistes. Vous connaissez notre attachement à la loi de 2008 : nous nous sommes accordés sur une communication des archives de plus de cinquante ans, outre quelques cas liés à des intérêts stratégiques. Je déplore le recul des dispositions proposées par rapport à cette loi, qui est emblématique. Cette question aura certainement des conséquences sur notre vote sur l'ensemble du texte, nonobstant le fait que ce dernier comporte des mesures très importantes.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Je vous propose de commencer par l'examen du chapitre II relatif au renseignement, dont est plus particulièrement chargée Agnès Canayer.
Articles additionnels avant l'article 7
L'article 7 concerne l'échange de renseignements entre les différents services de renseignement. Par l'amendement n° 42, M. Vaugrenard veut organiser le contrôle des échanges avec les services étrangers de renseignement. Mon avis est défavorable, non pas parce qu'il ne s'agit pas d'un sujet important, bien au contraire, mais parce qu'il est prématuré de mettre en place un tel dispositif, d'autant que le président Buffet s'est engagé à ce que la délégation parlementaire au renseignement (DPR) examine cette question, en vue de formuler des préconisations.
La disposition que nous proposons est, il est vrai, à la limite du domaine législatif. Le Premier ministre peut à tout moment fixer les orientations qu'il souhaite. Mais nous sommes très attachés à l'idée de cadrer certains points sur ce sujet très sensible. La délégation parlementaire au renseignement va se saisir de cette question, mais, vous le savez, elle ne comprend qu'un faible nombre de sénateurs et de députés... quoiqu'éminents, monsieur le président !
Il est indispensable de se préoccuper de cette question eu égard à l'arrêt du 25 mai dernier de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Notre amendement montre notre volonté d'évoluer.
Chacun le sait, il ne s'agit pas là d'un sujet de moindre importance. La délégation parlementaire au renseignement va engager un travail en la matière pour avoir des échanges très clairs avec le Gouvernement, en vue d'aboutir à des propositions d'évolutions législatives ou réglementaires. Nous aurons cette discussion en séance, et le ministre pourra se prononcer.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 42.
Avis défavorable à l'amendement n° 43, qui est un amendement qui tire les conséquences du précédent.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 43.
Article 7
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 67.
Les amendements n° 39, 69 et 68 visent à subordonner toute transmission entre services de renseignement à l'autorisation du Premier ministre, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). L'équilibre proposé par l'article me paraît satisfaisant, avec des contrôles interne et externe renforcés. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 39, de même qu'aux amendements n° 69 et 68.
Les amendements n° 40 et 23 prévoient que les transmissions d'informations des autorités administratives aux services de renseignement soient autorisées par la CNCTR. Avis défavorable, car ce n'est pas le rôle de cette instance, qui est chargée de contrôler les techniques de renseignement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 40, de même qu'à l'amendement n° 23.
L'amendement n° 41 prévoit un délai de six mois pour ce qui concerne la conservation par les services de renseignement des données issues des autorités administratives. Nous considérons que ce délai est trop court. L'article 7 précise que les informations seront détruites dès lors qu'elles ne seront plus utilisées.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 41.
Avis défavorable à l'amendement n° 44, qui demande un rapport sur la définition d'un cadre légal pour les échanges avec les services de renseignement étrangers.
Espérons que la délégation parlementaire au renseignement présentera non pas seulement un rapport, mais également des propositions de nature législative...
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 44.
Articles additionnels après l'article 7
L'amendement n° 70 prévoit un contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) sur la conformité du traitement des données par le service de renseignement aux autorisations accordées. Or c'est le rôle de la CNCTR. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 70.
L'amendement n° 97, qui précise que la prévention du financement du terrorisme justifie le recours aux techniques de renseignement, est satisfait. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 97 et, à défaut, y sera défavorable.
Article 8
L'amendement n° 47 limite à 60 jours la durée de conservation des images et des paroles. L'Assemblée nationale a unifié le régime de conservation de la captation des paroles sur celui des images pour éviter que les services ne soient amenés à conserver des vidéos muettes. L'alignement sur la durée de 120 jours est satisfaisant, d'autant plus que des contrôles sont réalisés, notamment par la CNCTR.
Il s'agit de faire en sorte que les services exploitent rapidement l'information sensible qu'ils demandent, et ce aussi par souci d'efficacité. Telle était d'ailleurs la position défendue à maintes reprises par notre ancien collègue Jean-Jacques Hyest lors de l'examen de la loi de 2015 relative au renseignement.
Je comprends bien le sens de votre amendement. Néanmoins, il faut prévoir une certaine souplesse. Le délai de 120 jours ne semble pas excessif, d'autant que les informations sont détruites si elles ne sont pas utiles.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 47.
L'amendement n° 72 prévoit une expérimentation de deux ans pour la conservation des données aux fins de recherche et développement. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 72.
L'amendement n° 73, qui concerne le stockage cloisonné des données destinées à la recherche et développement afin d'éviter leur usage à des fins de surveillance, est satisfait par le texte de l'article. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 73.
L'amendement n° 55 met en place un registre anonymisé comprenant la date de recueil des données utilisées aux fins de recherche et développement. Les données collectées sont anonymes et datées. Qu'apporterait ce fichier ? Demande de retrait ou, à défaut, l'avis sera défavorable.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 55 et, à défaut, y sera défavorable.
L'amendement n° 56 précise que le programme de recherche ayant recours à l'algorithme doit préciser les modalités et les critères pris en compte pour son déploiement. Or la CNCTR doit déjà émettre un avis sur les paramètres de détection retenus. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 56.
L'amendement n° 24 prévoit la conservation des données aux fins de recherche et développement pour une durée maximale de deux ans. Avis défavorable, ce délai est trop court.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 24.
Article 10
Article 11
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 27.
La commission a supprimé la possibilité pour les services du second cercle de participer à l'expérimentation sur l'interception de communications par voie satellitaire. Par l'amendement n° 90, le Gouvernement veut les réintroduire. Avis défavorable, car il paraît prématuré de faire d'ores et déjà participer les services du second cercle.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 90.
L'amendement n° 57 tend à préciser les conditions dans lesquelles un lien peut être établi entre la personne concernée et les données collectées dans le cadre d'une interception de communication satellitaire. L'amendement est satisfait par la rédaction actuelle de l'article. Retrait ou, à défaut, avis défavorable.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 57 et, à défaut, y sera défavorable.
L'amendement n° 75 limite à un an la durée de l'expérimentation de l'interception des communications satellitaires. Ce délai nous semble trop court. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 75.
L'amendement n° 76 concerne une demande de rapport au Gouvernement sous peine de suspension de l'autorisation des communications satellitaires. L'amendement n° 59 prévoit un rapport d'étape, tandis que l'amendement n° 58 demande des précisions sur le contenu du rapport demandé par l'amendement précédent. Nous sommes, par principe, défavorables aux rapports, qui, de toute façon, ne sont pas toujours remis : nous n'avons pas reçu le rapport demandé sur les algorithmes... Avis défavorable.
D'ailleurs, il faut attendre la fin de l'expérimentation pour évaluer le dispositif.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 76, de même qu'aux amendements n° 59 et 58.
Article 12
Avis défavorable aux amendements identiques de suppression n° 29 rectifié et 77.
La commission émet un avis défavorable aux amendements n° 29 rectifié et 77.
Article 13
Il en est de même pour les amendements identiques de suppression n° 28 et 78.
L'amendement n° 79 vise à supprimer la possibilité pour les algorithmes de porter sur des adresses URL. Une expérimentation est, au contraire, nécessaire. Le recours à ces données est prometteur. Avis défavorable.
Il s'agit de l'amendement n° 60, qui est en discussion commune. Nous comprenons l'enjeu, mais l'article précise que n'est utilisé que le recours aux « adresses complètes de ressources utilisées sur internet », soit l'adresse de connexion. Pour nous assurer de cette interprétation, nous demanderons l'avis du Gouvernement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 79.
La commission demande l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 60.
Article 14
La commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n° 80.
L'amendement n° 61 concerne également l'interdiction de l'usage des URL.
La commission demande l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 61.
Article 15
Nous avons demandé à M. Leconte de rectifier son amendement n° 93, qui précise la notion de criminalité grave, de façon qu'il soit identique à celui que nous avons adopté tout à l'heure et que nous puissions lui donner un avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 93, sous réserve de rectification.
Article 16
L'amendement n° 32 me paraît satisfait dans l'esprit puisque si le Premier ministre délivre l'autorisation contre l'avis de la CNCRT, le Conseil d'État sera immédiatement saisi, et la décision d'autorisation du Premier ministre ne pourra pas être exécutée avant que le Conseil d'État ait statué, sauf en cas d'urgence dûment justifiée. Mon avis est donc défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 32.
L'amendement n° 83 prévoit la suppression de la possibilité pour le Premier ministre d'ordonner la mise en oeuvre d'une technique en cas d'urgence. Mon avis est défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 83.
L'amendement n° 86 est relatif à l'information des personnes concernées par les techniques de renseignement une fois celles-ci levées. J'y suis défavorable, car une même personne peut faire l'objet de plusieurs techniques successives.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 86.
L'amendement n° 62 rectifié prévoit explicitement que, si le Premier ministre autorise en urgence la mise en oeuvre d'une technique de renseignement malgré l'avis négatif de la CNCTR, sa décision pourra être annulée par le Conseil d'État. En pratique toute décision par le Premier ministre d'aller contre un avis de la CNCTR entrainera une saisine du Conseil d'État qui se prononcera en 24 heures. La décision de mise en oeuvre en urgence pourra être privée de fondement par le juge administratif et il y sera donc mis fin. L'amendement paraît donc satisfait.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, et à défaut, émettra un avis défavorable.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 62 rectifié, et à défaut, y sera défavorable.
Article 17 bis
L'amendement n° 48 prévoit l'information de la délégation parlementaire au renseignement sur les recommandations adressées au Premier ministre par la CNCTR. La loi ne lui permet pas d'obtenir la communication d'informations sur les opérations en cours, et encore moins sur les opérations individuelles. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 48.
Les amendements n° 84 et 31 rectifié concernent l'augmentation du nombre de membres de la DPR. Dans un cas, il s'agit de les faire passer à dix députés et dix sénateurs, et dans l'autre, de passer à vingt et un membres. Nous considérons que la DPR est efficace dans sa composition, et qu'il n'est donc pas nécessaire de l'étendre.
L'amendement n° 49 prévoit l'obligation pour la DPR d'entendre annuellement le Premier ministre. Ce serait une obligation inutile, le Premier ministre n'étant pas nécessairement au fait de tous les sujets ayant trait au renseignement, d'où un avis défavorable.
Au demeurant, rien n'empêche que la DPR puisse entendre le Premier ministre.
Dès lors que le Premier ministre considère qu'une menace pour la sécurité nationale est de nature à justifier des opérations spécifiques, il n'est pas inutile d'avoir un échange sur le sujet.
Mais cette possibilité existe déjà, il n'y a donc pas lieu de la rendre obligatoire.
Cette possibilité est effectivement prévue. De plus, il convient d'être prudent, dans la mesure où la DPR n'a pas à connaître des opérations en cours. Ainsi, quand bien même une difficulté se présenterait, nous ne pourrions pas obtenir d'informations immédiates. En revanche, nous avons la capacité d'auditionner qui nous voulons - le Premier ministre comme ses services.
Par ailleurs, les pouvoirs de la DPR sont étendus par l'article 17 bis.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 49.
Article additionnel après l'article 17 bis.
L'amendement n° 50 instituerait un bilan annuel de la CNCTR à la DPR, qui ne parait pas nécessaire au regard des échanges réguliers qui existent déjà.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 50.
L'amendement n° 51 prévoit l'information de la DPR sur les saisines du procureur de la République par la CNCTR. Là encore, cela obligerait à transmettre à la DPR des informations sur les opérations en cours, ce qui n'est pas possible en l'état des textes. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 51.
Article additionnel après l'article 17 ter
Les amendements n° 34 rectifié et 91 rectifié visent à demander un rapport sur les moyens alloués au renseignement. La DPR vérifie déjà les moyens affectés au renseignement dans le cadre du budget, de même que la commission de vérification des comptes spéciaux. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 34 rectifié, de même qu'à l'amendement n° 91 rectifié.
Article 18
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 33.
Article 19
Nous examinons maintenant les amendements identiques n° 6 rectifié, 37, 52 rectifié, 85 et 94.
Ces amendements identiques ont été présentés par cinq sénateurs appartenant à cinq groupes différents, d'où leur importance. Leur objet reprend les propos du rapporteur public du Conseil d'État lors de l'audience du 16 juin 2021. Les amendements affirment que, si elle est possible, la prolongation de la durée d'incommunicabilité doit présenter un caractère exceptionnel ; qu'elle doit être justifiée par le fait que la divulgation de ces informations représente une menace grave pour la sécurité nationale ; que c'est à l'administration d'apporter des éléments suffisants pour justifier cela ; enfin, ils prévoient un délai de prolongation pour dix ans, renouvelable autant de fois que nécessaire. Il s'agit d'éléments réalistes et importants pour l'ensemble de la communauté scientifique, qui nous a saisis de cette question. Ces amendements apportent des garanties claires pour pouvoir aller au-delà des cinquante ans, mais dans des conditions plus précises que celles qui figurent déjà dans le texte du Gouvernement. Je ne comprends pas pourquoi vous y êtes hostile.
Cet article présente un intérêt vital pour la recherche. Les chercheurs ne peuvent pas travailler sans un cadre fixé. Pourquoi ne prenons-nous pas en considération la décision du Conseil d'État, mais aussi les exigences fondées de la communauté scientifique ? En tant qu'historienne, je pense qu'il n'est pas possible de rendre ainsi des archives incommunicables. D'ailleurs, la communauté scientifique est soumise à une certaine éthique, ce qui l'empêche de publier des éléments mettant en danger la sécurité nationale.
Malheureusement, nous ne pouvons pas distinguer les historiens et archivistes du reste de la population. L'ouverture concerne tout le monde, et pas seulement des personnes pourvues d'une éthique scientifique.
Je rappelle que l'objet du contentieux devant le Conseil d'État concerne l'instruction générale interministérielle n° 1 300, acte administratif particulier qui imposait la déclassification systématique des documents avant leur communication. Si le rapporteur public semble effectivement aller dans le sens de l'annulation de l'obligation de déclassement, il dit aussi que l'article 19 tel que rédigé répond aux différences exigences constitutionnelles.
Nous entendons les attentes des historiens et des chercheurs, notamment leur inquiétude sur le fait que le récolement de la communicabilité de ces archives ne soit pas correctement effectué et que le « secret défense » soit utilisé pour maintenir certains documents confidentiels. Néanmoins, ces amendements limitent uniquement la protection aux documents qui présentent une menace grave pour la sécurité nationale. Nous pensons que ces dispositions sont trop restrictives par rapport aux enjeux. En particulier, les documents permettant à la France de maintenir une avancée stratégique sur les autres États ne seraient plus couverts.
L'obligation de réexamen des documents protégés tous les dix ans est par ailleurs contre-productive. D'une part, cela aboutira à la création d'une usine à gaz tous les dix ans. D'autre part, introduire un dispositif « à date » ne garantit pas que le travail de récolement sera effectué entre les différentes périodes. Or, aujourd'hui, il est prévu que les documents puissent être rendus communicables au fil de l'eau. Il faut donc obliger le Gouvernement à faire en sorte que les administrations dépositaires de ces documents effectuent le travail d'inventaire. Ainsi, nous pensons qu'un travail régulier est plus efficace qu'une obligation de reconsidération tous les dix ans.
Enfin, il existe toujours une possibilité de communication anticipée par les chercheurs, qui peuvent effectuer une demande pour accéder aux documents protégés.
Hormis les archives nationales, personne ne peut accéder aux fonds d'archives sans démontrer sa profession, son inscription universitaire et la nature de ses recherches. Il s'agit d'un véritable travail, et l'ouverture des archives est cruciale pour l'avancement de la connaissance historique.
Classer les archives peut prendre des années. Or, nous avons absolument besoin de délais précis pour les doctorants, qui doivent savoir s'ils pourront travailler sur tel ou tel sujet. Le doctorat ayant une durée de six ou sept ans, il faut donc qu'ils puissent anticiper. Je ne comprends pas cette suspicion à l'égard des historiens. Vous êtes en train de froisser une communauté, mais aussi simplement d'empêcher l'écriture de l'Histoire.
Comme l'a exposé le rapporteur, il n'est pas question d'empêcher les historiens de travailler, mais il nous faut trouver un équilibre entre communication des archives et protection de la sécurité nationale. Au-delà de cet aspect, si certains documents devaient être rendus communicables plus tôt, il conviendrait de savoir qui les filtre, et qui le décide. Le problème est davantage celui du fonctionnement pratique du dispositif et de la gestion de ces « flux » d'archives. Il faut éviter que les archives ne se cumulent. L'avis est défavorable sur l'ensemble de ces amendements, et nous aurons cette discussion en séance. Il ne sera pas inintéressant de connaître l'avis du Gouvernement sur ce sujet.
Le coeur du sujet est la régulation interne à l'État : il est discutable que seule l'autorité hiérarchique du département concerné, c'est-à-dire en général le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère des armées, apprécie la communicabilité des documents. Il serait sans doute préférable qu'une tierce personne, interne à l'administration, soit chargée de leur examen. Je pense en particulier à ce que l'on appelle les « grands anciens », à savoir, par exemple, un secrétaire général du ministère des affaires étrangères ayant cessé ses fonctions, ou un ancien secrétaire général de la défense. Ces derniers accepteraient de jeter un regard tiers sur la demande de consultation, et d'adresser ensuite un avis au ministre. Mais cela ne relève pas du domaine législatif.
La commission émet un avis défavorable aux amendements n° 6 rectifié, 37, 52 rectifié, 85 et 94.
L'amendement n° 101 apporte une amélioration rédactionnelle utile : avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 101.
L'amendement n° 63 rectifié, ainsi que les amendements identiques n° 4 et 96 sont contraires à la position de la commission. L'avis est donc défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements n° 63 rectifié, 4 et 96.
Article 1er
L'amendement de suppression n° 18, cohérent avec les positions du groupe CRCE, est contraire à la position de la commission. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 18.
L'amendement n° 53 de M. Leconte conserve le caractère expérimental des mesures issues de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT), alors que celles-ci ont été validées par le Conseil constitutionnel, et que nous avons pu vérifier leur utilisation modérée et proportionnée. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 53.
Article 2
Les amendements identiques de suppression n° 19 et 64 sont contraires à la position de la commission. Avis défavorable.
À l'article 2, le Gouvernement a repris une partie de nos idées. Nous pensons que notre texte est meilleur que le sien pour viser d'autres lieux que les lieux de culte sans encourir de risque constitutionnel. L'amendement n° 100 tend cependant à rétablir le texte du Gouvernement. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 100.
Article 3
La commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n° 20.
Les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas) sont déjà un dispositif extrêmement contraignant ; le durcir encore, comme le prévoit l'amendement n° 7, serait sans doute jugé disproportionné par le Conseil constitutionnel. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7.
L'amendement n° 89 du Gouvernement est cohérent : celui-ci veut rétablir le prolongement de la durée des Micas à deux ans pour les sortants de détention condamnés pour terrorisme ! Pourtant, le Conseil constitutionnel s'est prononcé pour limiter les Micas à un an. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 89.
L'amendement n° 45 de M. Leconte instaure une possibilité de saisine spécifique du juge des libertés et de la détention aux fins d'ordonner la mainlevée de la mesure judiciaire s'il s'avère que ses obligations sont incompatibles avec celles qui sont prononcées dans le cadre des Micas. L'article 3 prévoit que les obligations prononcées dans le cadre des Micas doivent prendre en compte les obligations prononcées par l'autorité judiciaire. Cet amendement est surprenant : il donne la primauté à une mesure administrative sur une mesure judiciaire. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 45.
Article additionnel après l'article 4
L'amendement n° 38 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Article 4 bis (supprimé)
L'amendement n° 54 prévoit l'anonymat des témoins qui assistent à la visite domiciliaire. Retrait, même s'il part d'une bonne intention : l'article 4 bis, qui vise à protéger l'anonymat des éventuels témoins, revient sur une garantie essentielle aux droits de la défense de l'occupant des lieux faisant l'objet de la visite domiciliaire. Un risque constitutionnel pèserait sur le dispositif si l'on ne peut identifier les témoins.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 54 et, à défaut, y sera défavorable.
Article additionnel après l'article 4 bis (supprimé)
L'amendement n° 35 demande un rapport sur la prise en charge et les exécutions de peine des personnes condamnées pour des actes de terrorisme ou radicalisées. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 35.
Article 5
Les amendements identiques de suppression n° 21, 46 et 65 sont contraires à la position de la commission, qui a beaucoup travaillé sur cet article. Avis défavorable.
Êtes-vous sûr de la constitutionnalité des dispositions que vous proposez ?
Oui, autant que possible. Le Conseil constitutionnel a été relativement précis dans les motifs de sa censure d'août dernier. M. Buffet a repris complètement le sujet, en s'inscrivant dans le cadre fixé par le Conseil constitutionnel.
Depuis 1985 et le texte sur la Nouvelle-Calédonie, chaque fois que le Parlement est revenu sur un sujet pour lequel le Conseil constitutionnel avait fixé un cadre, il n'y a pas eu de seconde déclaration d'inconstitutionnalité. Croisons les doigts...
Par cohérence avec sa volonté de rétablir la prolongation des Micas à deux ans, le Gouvernement, par son amendement n° 87, souhaite rétablir le texte d'origine de l'article 5. C'est contraire à la position de la commission. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 87.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 8, de même que des amendements n° 9 et 10, et, à défaut, y sera défavorable.
Articles additionnels après l'article 5
L'amendement n° 11 étend la rétention de sûreté aux détenus présentant « une probabilitéì très élevée de récidive car faisant l'objet d'une radicalisation violente ». Cela pose le problème de l'appréciation, conditionnée à une expertise psychiatrique. L'article 5 a trouvé le bon équilibre sur ce point. Avis défavorable.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 11 et, à défaut, y sera défavorable.
L'amendement n° 12 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Article 6
Les amendements identiques n° 88 et 98 reviennent sur un équilibre que nous avions trouvé. Avis défavorable. L'amendement n° 99, lui, précise mieux les services de renseignements concernés. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 99.
Articles additionnels après l'article 6 bis
Les amendements n° 14 et 13 sont déclarés irrecevables en application de de l'article 45 de la Constitution.
Les amendements n° 36 et 92 rectifié demandent des rapports sur l'efficacité de toutes les lois dites antiterroristes en France depuis 1986, ainsi que leurs conséquences sur les libertés et droits fondamentaux : avis défavorable.
La commission a donné les avis suivants aux autres amendements de séance :
La réunion est close à 10 heures.