Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale

Réunion du 26 novembre 2019 à 18h05

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous auditionnons ce soir Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de budget de son ministère. Cette année, les crédits de la justice devaient s'inscrire dans la trajectoire fixée par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice. Vous savez, madame la garde des sceaux, que cette trajectoire nous semblait en dessous des besoins réels de notre justice. Or nous constatons que la programmation budgétaire pour 2020 s'éloigne déjà en partie de ce qu'a voté le Parlement il y a tout juste six mois. C'est donc sur une tonalité plutôt réservée que s'ouvre pour nous le débat budgétaire sur les crédits de votre ministère.

Nous vous avons auditionnée récemment sur d'autres questions, en particulier sur les critères mis en oeuvre pour spécialiser les juridictions sur certains contentieux. Peut-être disposez-vous aujourd'hui de plus d'informations sur ces critères ? Sur cet aspect, nous resterons très attentifs.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Pour la troisième année consécutive, le budget du ministère de la justice est en forte augmentation. Avec près de 7,6 milliards d'euros hors contribution pour les pensions, il progresse de 4 % en 2020, après avoir augmenté de 4,5 % en 2019 et de 3 % en 2018. Ce sont donc près de 300 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2019 qui sont inscrits au budget, en tenant compte de l'inscription dans le budget de la justice de l'intégralité du financement de l'aide juridictionnelle, dans une logique de plus grande transparence. Avec cette augmentation budgétaire, nous allons créer 1 520 emplois supplémentaires l'année prochaine, portant à 3 920 le nombre d'emplois créés depuis 2018.

Certes, monsieur le président, le budget est inférieur de 153 millions d'euros aux crédits prévus dans la loi de programmation, et les créations d'emplois de 2020 ont été réduites de 100 emplois. Mais cela ne traduit en rien une révision à la baisse de nos ambitions. Il ne s'agit en fait que d'être conforme à la réalité des situations que nous traitons, et d'ouvrir les seuls crédits de paiement (CP) et emplois dont nous avons besoin en 2020, au vu de l'avancement réel de nos projets. Quelques opérations immobilières pénitentiaires ont en effet pris un peu de retard, parfois du fait de difficultés à trouver des sites d'implantation localement consensuels, comme pour la maison d'arrêt du Val-de-Marne ou celle de Nice.

J'ai souhaité par ailleurs que nous tirions les enseignements de l'opération des Baumettes 2 à Marseille avant de lancer l'opération Baumettes 3. Ce décalage amène à réduire un peu les dépenses immobilières en 2020, ainsi que les créations d'emplois qui sont nécessaires à la préfiguration des ouvertures d'établissements pénitentiaires. C'est de cette réalité-là que le budget pour 2020 tient compte, sans aucune remise en cause de l'objectif des 15 000 places de prison supplémentaires qui ont été annoncées au moment de la loi de programmation. Nous venons par ailleurs d'obtenir du fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP) 35 millions d'euros supplémentaires de financement pour des prisons expérimentales de réinsertion par le travail, ce qui montre le caractère innovant de ce projet.

Avec une telle progression des crédits, le Gouvernement confirme très clairement la priorité accordée à la justice. Ces moyens renforcés nous permettent de mettre en oeuvre la réforme de la justice que porte la loi du 23 mars 2019, et les premiers effets de cette réforme se font d'ores et déjà très concrètement sentir : tout citoyen peut désormais suivre son affaire civile en ligne ; les majeurs protégés peuvent voter, se marier, divorcer sans autorisation préalable d'un juge ; les démarches à accomplir par les personnes chargées de leur protection sont simplifiées et accélérées ; les premières audiences des cours criminelles départementales ont d'ores et déjà eu lieu, ce qui réduit beaucoup le délai d'audiencement et évite la correctionnalisation de certains crimes. La justice antiterroriste est renforcée, avec la création en juin dernier du parquet national antiterroriste et du juge de l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme.

Ce ne sont là que quelques exemples de la transformation de la justice, et ce n'est que le début. L'effort d'investissement pour une justice de qualité se poursuivra en 2020 pour améliorer le service rendu à nos concitoyens et aux justiciables.

Le 1er janvier prochain, les tribunaux judiciaires seront créés par fusion des tribunaux de grande instance et des tribunaux d'instance. C'est l'une des avancées importantes de l'année 2020. Cette réforme rendra la justice de première instance plus lisible et plus claire, tout en permettant de traiter les contentieux les plus techniques de manière spécialisée. Il y aura ainsi plus de souplesse d'organisation et plus de spécialisation, donc de rapidité. Je le réaffirme devant vous, tous les lieux de justice seront maintenus et un juge des contentieux de la protection sera créé dans les futurs tribunaux de proximité.

Le budget pour 2020 prévoit 384 créations d'emplois dans les services judiciaires, lesquelles favoriseront la mise en oeuvre de la réforme et l'adaptation des organisations de travail. Elles permettront de poursuivre la résorption de la vacance dans les greffes, le développement de l'équipe autour du magistrat et l'augmentation des effectifs de magistrats, notamment dans les domaines prioritaires que constituent la justice pénale des mineurs et la lutte contre la délinquance financière. D'ores et déjà, il faut souligner que, à la fin de l'année 2019, les vacances d'emplois de magistrats sont presque totalement résorbées, avec un taux de 0,9 % d'emplois vacants, contre 5 % il y a encore quelques années.

La nouvelle programmation immobilière judiciaire, qui a été dotée en 2019 de 450 millions d'euros supplémentaires au titre des autorisations d'engagement (AE), est désormais lancée. Ainsi, 161 millions d'euros de CP seront ouverts en 2020 et permettront d'accompagner la réforme de l'organisation des juridictions et d'améliorer les conditions de travail des magistrats et du personnel des greffes. Des opérations importantes de réhabilitation et de reconstruction vont ainsi passer en phase travaux, comme à Bourgoin-Jallieu, Vienne ou Pau.

Les moyens de fonctionnement des juridictions, qui avaient été fortement revalorisés en 2019, à hauteur de 9 %, sont consolidés à un niveau élevé, de 375 millions d'euros, pour garantir le bon fonctionnement de la justice au quotidien. Mais nous faisons aussi des économies de bonne gestion, en regroupant par exemple les services de la Cour de cassation et de la cour d'appel de Paris sur l'île de la Cité, sur le site de l'ancien Palais de justice, pour mettre fin à de nombreuses locations très coûteuses.

L'entrée en vigueur de la majeure partie des dispositions de la nouvelle politique des peines en mars 2020 constituera également une étape majeure pour la réforme de la justice, nécessitant un accompagnement fort des juridictions pour promouvoir le prononcé de peines autres que les courtes peines d'emprisonnement ainsi que les alternatives à la détention provisoire. C'est pourquoi 400 emplois seront créés en 2020 dans les services pénitentiaires d'insertion et de probation, ce qui porte à 950 le nombre d'emplois créés en trois ans dans ces services. L'Agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice, créée il y a quelques mois, continuera sa montée en puissance, avec, pour objectif, d'atteindre une offre de 30 000 postes de travail d'intérêt général d'ici trois ans.

Pendant la réforme des peines, la réalisation du programme de construction de 15 000 places de prison à l'horizon 2027 avance de manière résolue. Depuis 2017, nous comptons déjà 2 000 places de prison supplémentaires. Je maintiens également l'objectif de bénéficier de 2 000 places de structures d'accompagnement vers la sortie en 2022. C'est un élément essentiel de la nouvelle politique des peines que vous avez votée. Le budget pour 2020 prévoit 327 millions d'euros de CP pour la construction ou la rénovation des établissements pénitentiaires, soit une progression de 34 % par rapport à 2019, ce qui traduit le passage de nombreuses opérations en phase opérationnelle. Pour préparer les prochaines ouvertures d'établissements, 145 emplois sont d'ores et déjà créés.

Plus généralement, avec 1 000 créations d'emplois, dont 300 pour le comblement des vacances de postes de surveillants, et une progression des crédits de 6,2 %, c'est toute l'administration pénitentiaire qui poursuit sa consolidation pour améliorer le fonctionnement quotidien des établissements pénitentiaires. Les crédits en faveur de la sécurité pénitentiaire atteindront cette année 58 millions d'euros, soit 16 % de plus que l'an dernier. Ils nous permettront de poursuivre, entre autres, l'installation de systèmes de brouillage des communications illicites, de lutte contre les drones et de vidéosurveillance.

L'année 2020 sera également celle de la réforme de la justice pénale des mineurs, maintes fois mise sur le métier par les gouvernements précédents, mais jamais conduite à son terme. L'ordonnance du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs ouvre la voie à une rénovation profonde de la prise en charge des mineurs délinquants. Cette réforme simplifie la procédure pénale applicable, notamment en apportant une réponse plus rapide aux victimes par le prononcé plus rapide de la culpabilité, ou non, de ces mineurs, ce qui permettra une meilleure prise en charge éducative dès le prononcé de leur culpabilité. La réforme entrera en vigueur au 1er octobre 2020. J'ai souhaité une mise en application différée pour permettre au Parlement de débattre de ce sujet et aux juridictions, ainsi qu'aux services de la protection judiciaire de la jeunesse, de se préparer à sa mise en oeuvre, qui apportera des bouleversements.

Des moyens importants seront consacrés à cette réforme dans le budget pour 2020 : 70 emplois de magistrats supplémentaires seront ciblés sur la justice pénale des mineurs, tout comme 100 emplois de greffiers supplémentaires, ainsi qu'une centaine d'emplois d'éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse. Ces moyens additionnels devront nous permettre de respecter les délais de jugement prévus dans le code de la justice pénale des mineurs pour les nouvelles procédures, sans pour autant dégrader le traitement des procédures engagées selon les dispositions de l'ordonnance de 1945.

Les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse progresseront de 17 millions d'euros en 2020, ce qui permettra de poursuivre la diversification de la prise en charge des mineurs délinquants, la construction de 20 centres éducatifs fermés et la rénovation du parc immobilier.

Pilier indispensable de toutes ces réformes, la transformation numérique progresse de manière visible. Le ministère a augmenté son budget informatique de 75 % depuis 2017, ce qui lui permet de rattraper progressivement son retard. Nous avons renforcé l'infrastructure technique et les équipements informatiques, préalable indispensable à la dématérialisation des procédures. Le réseau haut débit sera effectif sur un millier de sites judiciaires fin 2020, y compris outre-mer. Quelque 20 000 ordinateurs seront remplacés au premier semestre 2020, et près de 1 900 équipements de visioconférence seront opérationnels, ce qui évitera 20 % des extractions judiciaires.

Nous développons également de nouvelles applications sur le portail du justiciable, qui est l'un des objets de la vie quotidienne suivis par le Gouvernement dans le cadre du comité interministériel de la transformation publique. Ce n'est d'ailleurs pas le seul : nous travaillons avec Christophe Castaner à une nouvelle procédure pénale qui soit numérique de bout en bout, de la plainte jusqu'au jugement. Dans le cadre de ce travail, le sujet de la plainte en ligne sera évidemment une question majeure.

Dans ce contexte de transformation importante de la justice, l'accès au droit et l'aide aux victimes sont particulièrement importants.

J'ai souhaité réaliser en 2020 une réforme de l'aide juridictionnelle : je m'y étais engagée lorsque nous avons évoqué ce sujet lors de la loi de réforme pour la justice. Cette réforme de l'aide juridictionnelle est axée sur la simplification et la modernisation du dispositif. J'ai lancé à cet effet la construction d'un nouveau système informatique, le système d'information de l'aide juridictionnelle, qui permettra de déposer une demande d'aide juridictionnelle en ligne et de dématérialiser ensuite son traitement. Cette application commencera à être déployée avant la fin de l'année 2020.

J'ai entrepris également, dans le cadre d'un décret en cours d'examen au Conseil d'État, de simplifier les modalités de contractualisation entre les barreaux et les juridictions, pour en faire un véritable outil d'amélioration de la qualité de la défense des bénéficiaires de l'aide juridictionnelle, notamment en matière de violences conjugales, et d'ouvrir la possibilité d'expérimenter, avec les barreaux volontaires, des structures dédiées à la défense des bénéficiaires de l'aide juridictionnelle.

Ce projet de réforme est désormais complété par un amendement important qu'ont déposé conjointement les députés Philippe Gosselin et Naïma Moutchou, adopté à une très large majorité par l'Assemblée nationale. Cet amendement transpartisan, issu du rapport très documenté que m'ont remis ces deux députés en juillet dernier, prévoit d'inscrire dans la loi plusieurs modifications essentielles pour la simplicité et l'efficacité de l'aide juridictionnelle. La principale est l'utilisation du revenu fiscal de référence comme principal critère d'appréciation des ressources pour l'éligibilité à l'aide juridictionnelle, ce qui permettra d'automatiser les contrôles et d'accélérer l'octroi de cette aide.

Mais mon action déterminée en faveur de l'accès au droit va au-delà de l'aide juridictionnelle. Le réseau d'accès au droit sera ainsi optimisé, notamment par la présence de conciliateurs de justice dans chaque maison France Services. Un effort particulier sera fait dans le budget pour 2020 pour développer les espaces de rencontre, afin de consolider l'action de ces structures indispensables à la préservation des liens entre parents et enfants en cas de crise familiale grave. L'expérimentation de la tentative de médiation familiale préalable obligatoire pourrait être prolongée d'un an, grâce à un amendement adopté par l'Assemblée nationale, ce qui nous permettra de mieux l'évaluer - hors violences familiales, bien sûr.

Les crédits consacrés à l'aide aux victimes continueront leur progression, de plus de 10 % depuis 2017, avec un effort tout particulier en faveur des victimes de violences conjugales dans le cadre des travaux du Grenelle, dont les conclusions ont été présentées hier. S'y ajoutera le financement du dispositif de bracelet anti-rapprochement, qui sera mis en oeuvre en 2020 et sera pris en charge par le budget de l'administration pénitentiaire, grâce à des reports de crédits, comme vous pourrez le voir dans la loi de finances rectificative.

Toutes ces réformes ne pourront réussir qu'avec l'engagement de tous les agents du ministère. C'est la raison pour laquelle 20 millions d'euros de crédits seront consacrés en 2020 à la valorisation de leur travail et de leurs compétences ainsi qu'à l'accompagnement des réformes. Ces crédits financeront notamment la réforme de la chaîne de commandement et de la filière technique de l'administration pénitentiaire, la revalorisation des astreintes des magistrats du parquet pour le judiciaire, l'évolution des directeurs de greffe du tribunal judiciaire, mais également la poursuite de la mise en oeuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), la création du corps des cadres éducatifs ainsi que la poursuite du versement de compléments indemnitaires annuels au mérite. L'action sociale en faveur des agents du ministère continuera, elle aussi, de progresser.

Si les années 2018 et 2019 ont été des années de conception et de pose des premières pierres des chantiers de réforme de la justice, 2020 sera l'année de la réalisation et du suivi des premiers résultats. La loi n'est en effet que la condition nécessaire, mais non suffisante, à la modification des pratiques de nos organisations. Nous sommes entrés dans le temps de l'application, ce qui mobilise profondément notre énergie. Les indicateurs de performance qui figurent dans les documents budgétaires, et qui ont été revisités à l'occasion de l'adoption de la loi de réforme de la justice, vous permettront de suivre les évolutions que nous apportons.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je vous donne acte de plusieurs éléments importants. En particulier, l'évolution des vacances d'emplois de magistrats, qui avait atteint 5 % par rapport au tableau des emplois dans les juridictions, est revenue à moins de 1 %. Toutefois, ce pourcentage est calculé par rapport à une répartition des emplois qui a longtemps été considérée comme une référence intangible, mais qui devrait être réexaminée pour tenir compte de l'évolution des contentieux dans les juridictions. Quoi qu'il en soit, vu la situation que nous avons connue depuis une dizaine d'années, c'est une amélioration qui mérite d'être relevée.

De même, dans le domaine de la diversification des peines, le développement des alternatives aux peines de prison est une nécessité sur laquelle nous nous retrouvons. C'était aussi l'une des conclusions du rapport sur la réforme de la justice que nous avions présenté en avril 2017. Le développement de 30 000 peines de travail d'intérêt général d'ici trois ans est donc bienvenu, tout comme le développement, qui avait pratiquement cessé depuis 2011, du bracelet électronique. Vous avez donné aussi quelques indications sur le bracelet anti-rapprochement, qui est une condition de la mise en oeuvre de la proposition de loi de M. Pradié, sur laquelle nous nous réunirons en commission mixte paritaire demain. Évidemment, il ne sert à rien de légiférer si les moyens ne suivent pas. Allez-vous mobiliser les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de cette proposition de loi et de ce bracelet anti- rapprochement ?

On sait depuis longtemps que les constructions de prison supposent un travail de concertation étroite avec les collectivités d'implantation. Je suis donc davantage surpris d'un certain manque d'anticipation de vos services sur les difficultés que vous rencontrez aujourd'hui pour mettre en oeuvre ce plan de création de places que par la découverte que les projets n'avancent pas aussi bien que vous l'espériez. Or, les engagements que vous aviez pris nous avaient paru, déjà, en dessous de ce qu'avait promis le Président de la République au moment de la campagne présidentielle de 2017. D'où une question simple et claire : combien de places supplémentaires seront réellement ouvertes à la fin du mandat du Président de la République, c'est-à-dire en mai 2022 ? Vu les difficultés que vous rencontrez, le projet présidentiel a été revu à la baisse et, de toute façon, il ne permettait pas d'espérer l'ouverture de 15 000 places en 2022.

Pourquoi, étant donné le retard pris par un certain nombre de projets, n'avez-vous pas fait basculer vers les juridictions judiciaires une partie au moins des crédits que vous aviez prévu d'engager pour les constructions de prisons ? Nos tribunaux ont aussi besoin, pour certains d'entre eux, d'échapper à une vétusté qui rend les conditions de travail des magistrats, des greffiers et des personnels de justice, comme les conditions d'accueil des justiciables, parfois très tendues.

Enfin, j'ai lu dans un grand quotidien du soir - mais j'aurais été heureux que nous nous en soyons entretenus avant que la presse en soit informée - que la loi organique que nous avons adoptée le 24 octobre 2017 pourrait vous servir de vecteur pour faire adopter par l'Assemblée nationale un certain nombre de dispositions qui vous sont utiles. Je suis très heureux que cette hypothèse de travail soit mentionnée. S'il s'agit de faire vite, je vous rappelle que ce texte était à votre disposition depuis le 24 octobre 2017. Il l'est toujours, et je serais ravi de coopérer avec vous pour le bon aboutissement de cette loi organique.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Je vous remercie d'avoir relevé trois éléments positifs : sur les vacances de magistrats, les alternatives à la détention et le financement prévu pour le bracelet anti-rapprochement. Ce sont des données positives, mais je ne les prends pas comme un signe de réussite définitive. Si les vacances de magistrats sont quasiment réduites à du frictionnel, cela ne signifie pas que nous devons nous reposer sur nos lauriers, et vous avez raison de préciser que la répartition des postes s'effectue selon une clé de répartition qui date d'il y a quelques années : nous sommes en train de la retravailler avec les organisations syndicales, pour qu'elle corresponde à des données actualisées sur l'évolution de la charge de travail, la mise à disposition de nouveaux outils et les nouvelles priorités. En tout cas, dans le cadre actuel, la situation est meilleure pour les magistrats - et je le sens lorsque je vais dans les juridictions.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

La situation n'est pas aussi bonne que pour les magistrats, avec un taux de vacance autour de 7 %. L'École nationale des greffes tourne à plein régime : cette année, 1 000 greffiers vont en sortir. Avec trois promotions par an, nous ne pouvons pas former plus de greffiers. Le taux de vacance est trop élevé, et nous comptons le diminuer progressivement.

En effet, nous souhaitons développer le bracelet électronique, le travail d'intérêt général ou encore le placement à l'extérieur. La loi est importante, mais c'est sa concrétisation qui est essentielle, et nous travaillons beaucoup avec les magistrats et les services pénitentiaires pour faire évoluer les perceptions que les uns et les autres peuvent avoir de la peine et de son évolution.

Vous me faites reproche de mon manque d'anticipation. Mais les terrains, je les ai ! La difficulté n'est pas de trouver le terrain, même si cela arrive, par exemple à Nice, où nous avons le choix entre un terrain suscitant une opposition très forte d'une partie des élus et de la population, et un autre terrain qui est inaccessible... La difficulté est surtout l'acceptation sociale de la prison. Dans ce cas, il y a deux hypothèses : ou bien l'État impose, ce qui n'est pas la meilleure des solutions, ou bien nous essayons de trouver des solutions consensuelles - c'est ce à quoi nous travaillons. En tout cas, je n'accepte pas, monsieur le président, le reproche d'avoir manqué d'anticipation. On nous propose parfois des terrains très isolés. Cela pose problème si nous voulons installer une structure d'accompagnement vers la sortie : au milieu du Larzac, difficile de trouver les services publics pour préparer la sortie !

Pour 2022, nous restons sur le chiffre de 7 000 places livrées. Début ou fin 2022 ? Tout dépend de l'état d'avancement des travaux, et des aléas.

Vous avez évoqué la possibilité de faire basculer les crédits de l'administration pénitentiaire vers les juridictions.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Il n'est pas possible de réutiliser ces crédits pour les juridictions, car c'est contraire à la logique de programmation budgétaire. Nous avons 1,7 milliard d'euros pour les prisons. Ce que nous n'utiliserons pas en 2020, nous l'utiliserons en 2021.

Enfin, vous avez fait état d'écrits dans un grand quotidien du soir. Vous savez, monsieur le président, que je ne tiens pas la plume des journalistes, qui obtiennent des informations là où ils le jugent bon. Lorsque j'ai lancé cinq chantiers de la justice, j'ai dit qu'il y en aurait un sixième, consacré aux ressources humaines. Nous y réfléchissons, mais rien n'est arrêté - sinon je vous en aurais averti - mais je retiens votre proposition de réutiliser la proposition de loi que vous aviez portée pour servir de vecteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

rapporteur pour avis sur les programmes « Justice judiciaire », « Accès au droit et à la justice », « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et « Conseil supérieur de la magistrature » de la mission « Justice ». - En octobre dernier, vous avez envisagé deux hypothèses pour la spécialisation des juridictions de première instance : soit le 1er janvier 2020, en même temps que le tribunal judiciaire, pour les territoires qui seraient prêts, soit toutes les juridictions ensemble à la rentrée judiciaire de 2020. Avez-vous pris une décision ? La suppression de certains cabinets d'instruction inquiète également. Se fondera-t-elle uniquement sur des critères objectifs, indépendamment des élections à venir ? Quels seront ces critères ?

Sur le statut de la magistrature, allez-vous reprendre, comme vient de l'indiquer le président, les mesures adoptées par le Sénat en octobre 2017 dans la proposition de loi organique pour le redressement de la justice ? Le Gouvernement envisage-t-il, en outre, de convoquer le Congrès sur le projet de loi constitutionnelle déjà adopté en 2016, prévoyant la nomination des magistrats du Parquet sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature ?

Le budget ne prévoit que 491 millions d'euros pour les frais de justice, alors que les prévisions d'exécution pour 2019 font déjà état d'une dépense de 519 millions d'euros, auxquels il faut ajouter des charges conséquentes restant à payer. Pourquoi continuer à sous-doter les frais de la justice, comme je l'observe depuis des années ?

Autre sujet, pourquoi ne pas avoir proposé la réforme de l'aide juridictionnelle dans le projet de loi de finances initiale alors que vous nous l'annoncez depuis près d'un an ? Quelles sont les incidences financières de l'amendement portant article additionnel adopté à l'Assemblée nationale ? Aucune étude d'impact ne permet d'en mesurer les effets, et cet amendement renvoie la répartition des bureaux d'aide juridictionnelle (BAJ) à un décret, sans aucun encadrement du législateur, ce qui nous inquiète s'agissant de l'accès à la justice des personnes vulnérables.

Sur la lutte contre les violences conjugales, le débat a montré combien il était important que l'aide juridictionnelle soit accordée dans les plus brefs délais pour permettre la délivrance d'une ordonnance de protection. Combien de BAJ comptez-vous supprimer, et selon quels critères ?

La réforme des pôles sociaux est en vigueur depuis le 1er janvier dernier. Le déstockage est en cours pour les juridictions de première instance, ce qui se répercute mécaniquement sur les chambres sociales des cours d'appel, qui ont déjà un délai de traitement très long - vingt mois en moyenne. Quels renforts d'effectifs sont prévus pour ces cours d'appel en 2020 ?

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Vous me posez sept questions très différentes, et assez vastes.

Sur les spécialisations, vous me demandez si le principe évoqué va entrer en vigueur au 1er janvier 2020, c'est-à-dire au moment où nous allons créer les tribunaux judiciaires, ou bien plus tard, comme je l'avais évoqué. Il s'agit de contentieux plutôt techniques et de faibles volumes, ce qui permet à des magistrats de se spécialiser. J'ai assorti ce principe de spécialisation d'un principe d'équilibre entre les juridictions. Nous avons demandé aux juridictions de terrain de nous faire des propositions, qui nous sont transmises par les chefs de cours d'appel. Nous avons souhaité aussi que les conseils de juridiction soient saisis pour rendre un avis sur ces propositions. Ce n'est qu'après que nous prendrons les décisions. Comme je n'ai pas encore reçu toutes les propositions des cours d'appel, il me paraît difficile que ce principe entre en vigueur au 1er janvier prochain. Ce sera donc plutôt au 1er septembre.

Concernant la suppression de certains cabinets d'instruction, vous me demandez quels critères seront utilisés. Dans la loi de réforme pour la justice, j'ai insisté sur la proximité et sur la spécialisation, c'est-à-dire sur les compétences, qui sont mieux exercées lorsque les magistrats travaillent en équipe, ou bien sur des contentieux qu'ils ont l'habitude de manier. L'instruction, ce n'est pas de la justice de proximité, et cela ne concerne que 3 % à 4 % des affaires. Il n'est donc pas absurde que, dans certains cas, lorsque c'est possible, plutôt que d'avoir un juge chargé de l'instruction qui gère moins de 30 dossiers par an, on propose un regroupement sur un pôle départemental. Comme c'est sensible symboliquement, nous sommes très attentifs à ce que nous proposent les juridictions et à une approche globale des territoires. C'est pourquoi les décisions ne sont pas encore prises. Et il y aura aussi un passage devant les conseils de juridiction. Le premier critère sera le nombre de dossiers : en dessous de cinquante ouvertures par an - cela peut être trente -, on peut avoir des interrogations. Et bien sûr, la spécificité du territoire devra également être prise en compte.

Vous m'interrogez également sur le statut de la magistrature, comme l'a fait le président Bas. Oui, certains points peuvent faire l'objet d'une rénovation. Ainsi, du délai passé par les juges sur leur poste, qui est actuellement de deux ans : ne faut-il pas le faire passer à trois ans ? On peut aussi travailler sur la question de l'évaluation dans la magistrature : comment ? par qui ? Plusieurs autres sujets, encore, supposeraient une révision de l'ordonnance de 1958. Pour autant, rien n'est arrêté, et nous réfléchissons aussi à des évolutions de la formation, même si, bien sûr, l'École nationale de la magistrature sera maintenue. Tout cela doit être traité de manière globale. Dans Le Monde, Jean-Baptiste Jacquin évoquait l'idée de scinder la révision constitutionnelle pour proposer au Congrès des éléments ne concernant que la justice. Nous n'en sommes pas là : un projet global de révision constitutionnelle a été déposé, c'est le seul projet que je connaisse.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Je prends note de votre observation.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Il n'y a actuellement qu'un seul projet de révision constitutionnelle déposé, et il est global.

Pour les frais de justice, 491 millions d'euros sont inscrits au budget, ce qui constitue une hausse de 20 millions d'euros par rapport à 2017. Les charges à payer ont diminué de 15 millions d'euros en 2018. De plus, le déploiement de la plateforme nationale d'interceptions judiciaires nous permet de faire 11 millions d'euros d'économies supplémentaires. Enfin, des députés m'ont remis ce matin un rapport sur l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués. Nous réfléchissons à une manière de vendre plus rapidement un certain nombre de biens, pour faire baisser les frais de garde.

Vous avez évoqué ensuite la réforme de l'aide juridictionnelle. Ce sont les députés Moutchou et Gosselin qui nous ont proposé cet amendement : c'est pourquoi il n'était pas dans le projet de loi initial. Cet amendement est extrêmement intéressant, et ses incidences financières sont à peu près neutres. La suppression de BAJ n'est pas arrêtée. Mme Moutchou et M. Gosselin, constatant que dans certains BAJ il n'y avait qu'un seul équivalent temps plein (ETP), proposent qu'il y ait au moins un BAJ structuré par cour d'appel. Cela ne signifie pas qu'il n'y aurait pas d'accueil pour l'aide juridictionnelle dans chacune des juridictions, au contraire.

Enfin, sur les pôles sociaux, la réforme est bien en place et il convient d'avancer. Nous avons identifié les besoins prioritaires des juridictions les plus impactées pour renforcer leurs effectifs. Au titre du projet de loi de finances pour 2020, 132 emplois supplémentaires sont transférés au ministère de la justice pour tenir compte des retours des fonctionnaires du ministère de la solidarité et de la santé vers leur administration d'origine ; les greffes bénéficient de 100 ETP de contractuels. Bref, les moyens nécessaires font l'objet d'une évaluation très précise, juridiction par juridiction.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Madame la garde des sceaux, sachez que nous sommes très prudents sur les modifications apportées au régime de l'aide juridictionnelle. Nous sommes inquiets de renvoyer au seul décret des dispositions actuellement traitées au niveau législatif si cela doit se traduire par un éloignement pour les justiciables. L'accès à l'aide juridictionnelle est l'une des conditions pour que les plaintes puissent être portées en justice, notamment dans les cas de violences faites aux femmes.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

J'ai le souci absolu de la proximité, ce qui n'exclut pas la numérisation. Dans chaque tribunal, nous développons des services d'accueil uniques du justiciable, qui répondront aux demandes d'aide juridictionnelle. Par ailleurs, un dispositif spécial est prévu pour les femmes victimes de violences conjugales.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Des effectifs supplémentaires sont prévus pour la mise en oeuvre du nouveau code pénal de justice des mineurs. À quelles tâches ces effectifs supplémentaires vont-ils se consacrer ? Des renforts supplémentaires sont-ils prévus les années suivantes ?

Les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), qui jouent un rôle essentiel dans la réinsertion des détenus, s'interrogent sur leur place par rapport au secteur associatif. Quelle est votre vision du rôle de ces différents acteurs ? Les effectifs supplémentaires annoncés en 2020 vont-ils être affectés plutôt au suivi post-sentenciel ou aux enquêtes présentencielles ?

Vous avez annoncé il y a quelques mois un plan Santé, qui comporte un volet « santé mentale » auquel notre commission est particulièrement attentive. Pourriez-vous nous rappeler les mesures envisagées dans ce domaine ? Comment expliquer que tant de personnes souffrant de troubles psychiatriques soient incarcérées ?

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Sur la protection judiciaire de la jeunesse, le budget prévoit 70 magistrats, 100 greffiers et 94 personnels de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

Nous recensons très précisément dans chacune des juridictions les dossiers en stock au pénal, mais aussi les dossiers d'assistance éducative, afin d'affecter au mieux ces emplois supplémentaires de magistrats. Nous procédons de la même manière pour les greffiers, avec l'aide de l'Inspection générale de la justice.

Quant aux emplois affectés à la PJJ, nous travaillons département par département pour déterminer la nature des réponses apportées aux jeunes qui ont été pris en charge. Je souhaite des réponses extrêmement diversifiées, allant du simple accueil de jour au centre éducatif fermé, en passant par toute la gamme des réponses. Nous implanterons les emplois en fonction de ce travail d'évaluation très fin.

S'agissant des SPIP, 400 emplois nets seront créés en 2020 : 200 conseillers pénitentiaire d'insertion et de probation (CPIP), 35 assistants des services sociaux, 40 directeurs d'insertion et de probation, 20 coordonnateurs culturels, 5 psychologues, 50 surveillants chargés du développement des placements sous surveillance électronique et 40 personnels des corps administratifs et techniques.

Pour ce qui est de la place du secteur associatif, là encore, nous effectuons une appréciation fine, juridiction par juridiction. Au-delà, nous devrons basculer une partie des SPIP sur du présentenciel, une grande partie de la réforme de la justice reposant sur les informations mises à la disposition des magistrats concernant la situation du condamné. Ce travail sera effectué par les SPIP ou les associations, selon les départements.

Les troubles psychologiques sont une vraie difficulté, comme en témoigne le récent avis du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. La prise en charge passe par trois actions fortes, et tout d'abord l'actualisation des connaissances sur l'état de santé mentale de la population détenue. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) estime que 8 détenus sur 10 souffrent de troubles psychologiques, ce qui me semble extrêmement élevé. Il y a certainement un choc carcéral, des pathologies, notamment addictives, provoquant des troubles psychologiques, mais ne mettons pas tout dans le même sac. Nous avons donc lancé des études en ce sens avec Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.

Ensuite, nous voulons améliorer les parcours et la continuité des soins, notamment lors de la détention. Nous travaillons beaucoup avec les agences régionales de santé (ARS) sur le sujet. Cela passe aussi par la formation des surveillants pénitentiaires. Nous réfléchissons toujours à la création d'une deuxième vague d'unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), mais il n'est pas simple de faire évoluer ce dossier.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

L'Île-de-France connaît une situation particulièrement tendue quant aux places de mineurs en détention. Il est question de réaffecter le centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin aux mineurs. Pouvez-vous nous assurer que ce sera un nouvel établissement pour mineurs (EPM) et non un simple quartier pour mineurs ?

Le plus grand quartier pour mineurs de France est celui de Fleury-Mérogis, avec 90 places. Des travaux de rénovation sont prévus jusqu'en 2024. En attendant, le quartier pour mineurs est logé dans un bâtiment pour majeurs. Pouvez-vous nous garantir que le quartier pour mineurs réintégrera bien un bâtiment dédié ?

Les 20 centres éducatifs fermés prévus d'ici à la fin de la mandature auront un coût de fonctionnement de plus de 31 millions d'euros par an. Les besoins du secteur ouvert seront accrus avec la réforme de l'ordonnance de 1945. Comment concilier ces deux objectifs ?

Nous avons connu un pic d'incarcération de 894 mineurs en juillet 2015, dont beaucoup de mineurs non accompagnés (MNA). Quelles mesures entendez-vous prendre pour limiter ces incarcérations et suivre les mineurs à la sortie pour éviter la récidive ?

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Nous cherchons à offrir de nouvelles conditions, si possible décentes, lorsque nous devons incarcérer des mineurs. Le centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin peut difficilement devenir un EPM dans la mesure où il accueille également des adultes. Nous allons créer un quartier « mineurs » de 62 places rattaché administrativement à ce centre. Cette restructuration est liée à l'ouverture d'une structure d'accompagnement vers la sortie de 180 places.

Concernant le centre de Fleury-Mérogis, l'actuel centre de détention pour mineurs accueillera des majeurs, mais nous construirons un quartier pour mineurs de 60 à 70 places. Une étude de faisabilité est en cours. Une capacité de 20 places pour les filles mineures est maintenue.

L'augmentation de crédits à hauteur de 17 millions d'euros en 2020 nous permettra de faire face aux différents besoins, car il est essentiel de faire progresser l'accueil de jour. J'ajoute que les 20 centres éducatifs fermés n'en sont pas tous au même état d'avancement.

La question des MNA est délicate. Les départements sont également confrontés à cette situation. Nous essayons de mieux prendre en charge les MNA délinquants. Le code de la justice pénale des mineurs prévoit le prononcé systématique d'une mesure éducative judiciaire provisoire en cas de placement en détention provisoire. Le refus de donner ses empreintes fera l'objet d'un suivi particulier. Cette réponse ne peut être que temporaire ; nous essayons d'agir en amont avec les départements, notamment sur la question de la minorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Je voudrais aborder la question de l'accès à la connaissance des droits, dont le budget est en augmentation. Il s'agit néanmoins d'une faiblesse de notre système, qui implique des partenariats : État, collectivités locales, milieu associatif. On compte actuellement 97 points d'accès au droit sur 164. Ce programme est le moins bien loti de la mission, alors que la multiplication de réseaux judiciaires de proximité demeure une nécessité. Comment envisagez-vous d'atteindre vos objectifs avec un budget qui reste modeste ?

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

L'accès au droit est un enjeu majeur. Les services d'accueil unique du justiciable (SAUJ) déployés dans tous les tribunaux servent aussi à l'information. Les conseils départementaux de l'accès au droit (CDAD), les maisons de la justice et du droit, les points d'accès au droit (PAD) sont très présents. Le budget en augmentation dont nous disposons nous permet de mettre en place ces différents outils.

J'ai tenu à ce que la justice soit présente dans chaque maison France Services, soit par l'intermédiaire d'une personne physiquement présente, soit par le relais d'un PAD ou d'un CDAD. Un conciliateur s'efforcera de résoudre les difficultés du quotidien en vue d'éviter les contentieux. Nous avons la volonté d'être au plus près de l'ensemble des justiciables.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Lherbier

Je me félicite que vous ayez réussi à combler les vacances des postes de magistrats. Avez-vous recruté ces personnels par concours, par voie d'intégration directe ?

Vous évoquez peu les CDAD et l'intérêt qu'ils pourraient revêtir en matière de rapprochement entre avocats et magistrats, de développement du numérique, avec les maisons du droit.

Les chantiers de la justice avaient souligné la nécessité de trouver des travaux d'intérêt général (TIG). Les institutions locales et régionales ont-elles joué le jeu ?

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Les places offertes au concours de l'École nationale de la magistrature (ENM) sont en augmentation depuis 2012, grâce aux budgets que vous avez votés. Les trois dernières années, en moyenne, nous avons recruté 250 personnes par le biais des concours, 80 personnes par concours supplémentaires, 50 personnes par nomination directe, par intégration en qualité d'auditeur, et une cinquantaine par intégration.

Pour les TIG, les collectivités locales, mais pas seulement, nous apportent leur concours. Des conventions ont été signées à la Chancellerie avec un grand nombre d'institutions : les administrations publiques, dont les ministères, les collectivités locales, comme l'Eurométropole de Strasbourg, ou encore les entreprises publiques ou les entreprises à mission au sens de la loi Pacte. C'est ce qui me permet d'afficher l'objectif de 30 000 TIG. Nous venons par ailleurs de déployer une application précieuse pour visualiser les TIG et leurs caractéristiques. Cet outil constitue un grand atout pour leur développement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Chaque tribunal devait compter un service d'accueil unique du justiciable, mais le personnel manque. Les systèmes informatiques centralisés se développent dans de nombreux domaines, mais tous les citoyens n'y ont pas accès. La création du portail du justiciable et des maisons France Services renforce notre inquiétude à cet égard. Si un greffier vient une demi-journée par semaine dans une maison France Services, faudra-t-il organiser des rendez-vous ? Nous devons y être attentifs pour que ces lieux de renseignement généraux fonctionnent bien. Cela suppose aussi sans doute des financements de la part des collectivités locales.

Mme Schiappa vient d'annoncer le développement de deux centres psychologiques de formation pour les hommes violents par région, en comptant sur les collectivités locales pour y parvenir. Cette mission relève pourtant de la justice et de l'administration pénitentiaire. Qu'en sera-t-il des structures d'accompagnement vers la sortie ? Vous ne pouvez pas supprimer des moyens aux collectivités locales et leur demander ensuite de participer à des financements.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Je n'ai pas bien compris les conclusions du Grenelle sur les violences conjugales d'un point de vue budgétaire. Certaines mesures ressortissent à votre ministère, comme la création de deux centres pour les auteurs de violences par région d'ici à 2022. Comment les financer avec les deux millions annoncés par le Premier ministre ?

La mise en place du bracelet anti-rapprochement, l'élargissement du dispositif du téléphone grave danger (TGD), l'identification d'un parquetier dédié supposent des moyens budgétaires et humains. Pourriez-vous nous apporter des précisions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La réforme constitutionnelle reste bloquée sur la question du nombre de parlementaires. Pourtant, elle contient des dispositions relatives à la justice attendues, notamment sur la nomination des procureurs, qui éviteraient à la France d'être condamnée chaque année par la Cour européenne des droits de l'homme. Pourquoi ne pas disjoindre ce volet en adoptant une proposition de loi constitutionnelle ? Nous sommes nombreux à partager cette excellente idée parue dans le quotidien Le Monde. Que pensez-vous de cette suggestion, sans manier la langue de bois ?

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

M. Bigot craint que les maisons France Services ne fonctionnent pas si des personnes compétentes n'y sont pas présentes. L'idée est de rapprocher les services publics de nos concitoyens. Le label, élaboré avec Mme Gourault, comporte des obligations sur la nature des services, les amplitudes d'ouverture, les services rendus.

Je tiens à souligner que les SAUJ sont en place dans tous les tribunaux ; les greffiers y sont spécialement formés - ce n'est pas encore le cas partout - à l'accueil très large de nos concitoyens.

Quant aux centres de prise en charge des hommes violents, qui résultent d'une demande du milieu associatif, des députés et des professionnels, ils sont destinés à être ouverts en amont de la condamnation, ou pour suivre des traitements. Je suis très favorable à ce type de structure. Le Premier ministre a parlé d'un appel d'offres, les associations intervenant également dans ces structures, et je ne suis pas en mesure de vous préciser, vingt-quatre heures après l'annonce, comment le cahier des charges sera rédigé. En tout cas, mon ministère soutient pleinement cette procédure.

Les structures d'accompagnement vers la sortie ne seront pas financées avec l'aide des collectivités locales. Il s'agit de structures construites par l'administration pénitentiaire, avec des personnels de l'administration pénitentiaire. La prise en charge des détenus s'effectue en partenariat avec les structures adaptées, notamment Pôle emploi.

Mme de la Gontrie m'interroge en outre sur le financement du bracelet anti-rapprochement, du téléphone grave danger et du référent dédié. Nous intervenons également sur le financement des espaces de rencontre médiatisés, par des crédits aux associations. Le coût des 1 000 premiers bracelets est estimé à 5,5 millions d'euros ; les marchés publics sont en cours de préparation. Cela apparaîtra sur le programme « Administration pénitentiaire » dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, par un redéploiement de crédits.

Le TGD sera doté en 2020 de 7,1 millions d'euros, ce qui permettra de passer d'environ 800 appareils à 1 100. Nous conforterons également le soutien aux associations.

La mise en place des référents dans les tribunaux ne fait pas l'objet d'un financement particulier. Nous affecterons les référents sur nos personnels, comme cela se produit dans d'autres domaines, comme la radicalisation.

M. Sueur m'invite à disjoindre de la révision constitutionnelle les éléments portant sur la justice. Au moment où je vous parle, le Gouvernement garde l'espoir de voir aboutir le projet de révision constitutionnelle dans son ensemble. Il comporte des éléments très intéressants sur la différenciation territoriale, la démocratie participative, et j'ai cru comprendre que, sur le texte même, nous n'étions pas très loin d'un accord. Lorsque nous avions abordé le projet de révision constitutionnelle dans sa première version, vous m'aviez clairement indiqué que le Sénat souhaitait un accord sur la globalité des trois textes. Nous sommes toujours dans cette recherche, et je ne désespère pas d'y arriver.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il faudrait pour cela, madame le garde des sceaux, que le Gouvernement prenne des initiatives. Le Sénat est disponible ; il attend que le Gouvernement manifeste sa volonté politique de faire aboutir la réforme. Nous pourrons alors débattre, car c'est par leurs délibérations et leurs votes que les assemblées parlementaires expriment leur volonté politique. Les propositions du Sénat en la matière démontrent que nous n'attendons plus que le Gouvernement pour pouvoir avancer.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet, garde des sceaux

Vous le savez, monsieur le président, la précipitation n'est pas bonne conseillère, et la volonté du Gouvernement est exprimée dans le texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nul ne pourra reprocher au Gouvernement sa précipitation dans ce domaine...

Nous vous remercions des réponses que vous avez bien voulu nous apporter, madame le garde des sceaux.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 19 h 50.