La commission entend M. Maurice Leroy, ministre de la ville, sur la proposition de loi n° 299 (2010-2011) visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d'Île-de-France.
Monsieur le ministre, la commission de l'économie est heureuse de vous accueillir pour la première fois au Sénat. Cette audition - fait original - est consacrée à une proposition de loi, déposée par Mme Nicole Bricq et ses collègues, et au Grand Paris. Les travaux de la commission spéciale constituée pour examiner ce projet de loi, que j'avais eu l'honneur de présider et dont les membres sont aujourd'hui présents, ont prospéré : je me réjouis de l'accord que vous avez trouvé avec le président de la région Île-de-France, M. Jean-Paul Huchon, en janvier dernier.
Cette première rencontre est, pour moi, un grand plaisir. Je tiens à saluer Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire et de la commission spéciale, Dominique Braye, rapporteur de la proposition de loi, et Jean-Pierre Fourcade, rapporteur de la commission spéciale. Je sais toute la responsabilité, la charge et l'honneur du mandat parlementaire, pour avoir été secrétaire général du groupe communiste au Sénat... (Exclamations amusées à gauche), puis député. Lors des séances consacrées à l'examen de la loi sur le Grand Paris que j'ai présidées à l'Assemblée nationale, j'ai mesuré la qualité de votre travail - je pense notamment à votre amendement sur la commission nationale du débat public. Grâce à vous, cette loi est plus simple, plus lisible, plus efficace. Des qualités précieuses pour moi qui, au sein du Gouvernement, doit dorénavant la mettre en oeuvre !
Pourquoi le Gouvernement souhaite-t-il débloquer la question du schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF) ? La région-capitale, qui représente 30 % du PIB, a besoin d'une vision prospective. Elle doit formaliser ses axes de développement dans un document unique et partagé, partagé entre la Région et les autres collectivités locales mais aussi entre la Région et l'État. C'est tout le sens du SDRIF ! La Région l'élabore, tandis que l'État approuve ses orientations, vérifie sa compatibilité avec les orientations nationales et le paraphe. Au-delà des clivages partisans, chacun doit jouer son rôle : la Région est dans le sien lorsqu'elle insiste sur la nécessité d'une sécurisation rapide du cadre juridique, de même que l'État lorsqu'il demande un schéma à la hauteur de son ambition de faire de Paris, hors de ses frontières physiques héritées d'un passé glorieux, une ville-monde harmonieuse et durable. L'accord du 26 janvier dernier est historique. Tout d'abord, parce qu'il se fonde sur une vision partagée de l'avenir de la métropole. Sans elle, il aurait été impossible de trouver un compromis sur le tracé de métro automatique, projet très attendu des Parisiens. Ensuite, cet accord comporte un engagement sur les voies à suivre pour débloquer la question du schéma directeur et - j'y insiste - sur les moyens. Le SDRIF de 1994 n'est plus pertinent. Nous avons besoin d'un nouvel outil pour bâtir cette région-capitale qui doit être la locomotive de toute l'économie française - l'époque du Paris et le désert français est révolue ! - et rester une terre d'accueil pour les entreprises, les ménages, les salariés et les touristes ; pour faire de Paris cette métropole du XXIe siècle fondée sur le développement durable et la solidarité des territoires et des habitants que les travaux foisonnants des architectes du Grand Paris ont imaginée. J'ai la faiblesse de penser que ces objectifs, qui ont présidé à l'élaboration de la loi du 3 juin 2010, défendue par Christian Blanc, animaient également les concepteurs du projet de SDRIF de 2008. Il est plus que temps de sortir de l'impasse !
Cette proposition de loi tend d'abord à libérer les projets bloqués à cause du SDRIF 1994 désormais inadapté. Ensuite, son but est d'assurer la sécurité juridique pour prévenir les risques de contentieux - le point est essentiel, merci à Nicole Bricq et ses collègues d'y avoir travaillé. Je rappelle que le Conseil d'État, dans son avis d'octobre 2010, a émis de fortes réserves sur la validation législative du projet de SDRIF de 2008. Mais je fais confiance au Sénat, qui sait si bien veiller à la qualité de notre droit. Enfin, dernier objectif, la préservation de l'autonomie des collectivités locales. Ne nous y trompons pas : nous voulons faciliter le travail des collectivités locales, non valider un projet de SDRIF rendu caduc, entre autres, par la loi relative au Grand Paris. Ce texte prévoit seulement des dispositions transitoires dans l'attente de la révision du SDRIF pour laquelle il prévoit un calendrier ambitieux.
Parce qu'il y va de l'avenir de notre capitale et, donc, de l'intérêt national, je suis convaincu que nous saurons nous rassembler !
Nous sommes entre gens de bonne volonté, les travaux de la commission spéciale l'ont démontré.
Monsieur le ministre, nous partageons votre volonté d'aboutir. L'essentiel est effectivement, pour reprendre vos mots, de débloquer et de sécuriser la situation. Les élus, y compris ceux de l'UMP dans mon département de la Seine-et-Marne, se désolent de ne pas pouvoir lancer des projets qui sont utiles pour l'économie et l'environnement. Le problème est particulièrement aigu dans la grande couronne. Cette proposition de loi, contractée en un article unique, offre davantage de sécurité juridique. L'accord conclu entre la Région et l'État ne doit pas rester pas virtuel ; le SDRIF doit être un document unique et partagé, avez-vous dit à juste titre.
Je m'interroge sur les voies et moyens, dont vous avez dit qu'ils avaient fait l'objet d'un engagement. Qu'en est-il des moyens ? Le Président de la République, je le cite de mémoire, a déclaré : sur le Grand Paris, il faut aller vite, aller loin, et avec des moyens. Parmi ces moyens, on peut également citer le SDRIF. Notre volonté, par ce texte, est de dénouer des situations bloquées depuis trois ans, sans rouvrir la boîte de Pandore du débat sur le Grand Paris. Enfin, la question de la maîtrise d'ouvrage se pose à la fois pour la construction des logements - M. Apparu, au nom du Gouvernement, a affiché des objectifs ambitieux- et celle des réseaux de transport. Les collectivités vont être appelées à financer des projets portés par le Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) ; certaines se sont déjà engagées pour des sommes qui dépassent le milliard : les Hauts-de-Seine, qui investissent 200 millions pour la ligne 14, Paris et la Seine-Saint-Denis. Ces collectivités sont, vous l'avez noté, de sensibilités politiques différentes ; le problème n'est donc pas politique. La maîtrise d'ouvrage revenant au financeur, comment envisagez-vous le partage ?
Merci à Maurice Leroy de venir devant notre commission et à Nicole Bricq d'avoir déposé cette proposition de loi. Si elle n'en avait pas pris l'initiative, nous l'aurions fait ! Il faut, certes, débloquer et sécuriser la situation mais en évitant toute atteinte à la liberté des collectivités locales et toute validation législative du projet de SDRIF de 2008.
En tant que rapporteur, je m'en tiendrai à des questions techniques. Le protocole du 26 janvier 2011 prévoit une disposition législative permettant de « libérer les projets des collectivités territoriales et de l'État compatibles avec le projet de SDRIF. » Le I de l'article unique de la proposition de loi dispose, lui, que les documents d'urbanisme « doivent être compatibles » avec le SDRIF adopté par le Conseil régional en 2008. Autrement dit, la compatibilité devient une obligation. Jean-Paul Huchon, que j'ai auditionné, soutient que cela est conforme aux termes de l'accord. Pourtant, à mon sens, ce dernier se limite à ouvrir une possibilité. Monsieur le ministre, qu'en pensez-vous ? N'est-il pas souhaitable de fixer une date-butoir pour l'entrée en application du SDRIF de 2008 ? Cela inciterait la Région à le réviser... Pouvez-vous nous indiquer le rétro-planning et nous préciser quel sera l'objet de la révision du SDRIF ? En outre, le II de l'article unique fait référence aux contrats de développement territorial et au schéma de transports. Vous savez notre attachement à construire en Île-de-France pour résoudre la crise du logement. Toutefois, l'ajout de l'objectif de 70 000 logements me semble source d'insécurité juridique, le Préfet de région ne l'ayant pas encore territorialisé. Aux termes du III de l'article unique, le décret, prévu à l'article 2 de la loi du 3 juin 2010, vaudra mise en révision du SDRIF de 2008. Ne faut-il pas supprimer la référence au texte de 2008 ? Peut-on parler d'une révision de ce document quand la procédure ouverte par le décret de 2005 n'a pas été close ? Enfin, le cinquième alinéa du III supprime la concertation avec les conseils généraux en amont de la révision du SDRIF. Peut-on s'en passer ?
Monsieur le ministre, toutes mes félicitations pour cet accord ; le compromis était difficile à trouver, comme l'ont montré nos débats l'an dernier. Je remercie également Nicole Bricq d'avoir déposé cette proposition de loi.
Ce texte institue une dérogation jusqu'à révision du SDRIF. En conséquence, seules les collectivités dont les projets sont bloqués par le SDRIF de 1994 réviseront leur plan local d'urbanisme (PLU). Ne faut-il pas préciser en conséquence la rédaction du I de l'article unique ? Pour sécuriser la situation, ne faut-il pas confier au Préfet de région le soin d'apprécier la compatibilité des documents d'urbanisme révisés ?
Je suis heureux que Nicole Bricq ait prévu expressément les contrats de développement territorial ; c'est le plus urgent pour le réseau. Faut-il aller plus loin ? A l'instar du rapporteur, je ne le pense pas. Enfin, les départements et nos collègues du groupe CRC s'inquiètent que les conseils généraux ne puissent pas donner leur avis sur la mise en révision. Bref, faut-il rouvrir une période de consultation ?
Chercher des convergences, voilà l'objectif qui m'anime comme vous. Les engagements de l'État tiennent en quatre chiffres : 1 milliard de financements budgétaires pour le projet de modernisation des réseaux de transport existants jusqu'en 2013 ; 2 milliards d'économies fiscales au bénéfice du STIF jusqu'en 2025...
Jean-Paul Huchon vous confirmera ce calcul... Enfin, 3 milliards de contribution budgétaires nouvelles en sus du contrat État-Région en cours et 5 milliards au profit du métro automatique, dont une dotation en capital de l'État de 4 milliards au profit de la SGP et l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux acquittée par la RATP pour 1 milliard. Ces sommes seront libérées à mesure des besoins de financement. Au total, l'État investit 10 milliards d'argent frais (Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi, en doute.) pour le réseau de transport en Île-de-France, dont 5 milliards pour la modernisation de l'existant, dont les lignes de RER C et D, et 5 milliards pour le métro automatique. De leur côté, les collectivités et le STIF s'engagent à financer la modernisation du réseau de transport pour 6,5 milliards et le métro automatique pour 2,5 milliards entre 2010 et 2025.
J'en viens à la maîtrise d'ouvrage. En la matière, mon seul souci est l'efficacité opérationnelle, je rappelle que la loi du 3 juin 2010 a donné à la société du Grand Paris la maîtrise d'ouvrage du projet de rocade pour 20 milliards. Le STIF, lui, a fort à faire avec la mise en place du plan de mobilisation, qui représente 12 milliards. Je me suis engagé à confier au STIF l'extension de la ligne 14 entre Saint-Lazare et Saint-Ouen ; l'accord devrait être conclu sous peu. Inutile d'écrire cela dans la loi !
L'État tiendra ses engagements. De plus, la société du Grand Paris passera une convention de coordination avec le STIF pour l'associer au projet de rocade, y compris sur les appels d'offre. C'est, au reste, la moindre des choses, le syndicat étant le futur exploitant du réseau. Tous les engagements, que j'ai pris afin de faciliter un compromis, sont consignés dans l'accord entre l'État et la Région. Dans ces conditions, inutile de transformer la maîtrise d'ouvrage en point de fixation.
Dominique Braye, la conformité avec les dispositions du SDRIF de 2008 relèvent-elles de l'obligation ? Non, car l'accord prévoit une disposition législative permettant - j'y insiste - de libérer les projets des collectivités bloqués par le SDRIF de 1994. Nous avons tous intérêt à débloquer la situation mais dans le respect du choix des collectivités de se mettre ou non en conformité avec le SDRIF de 2008. La proposition de Jean-Pierre Fourcade consistant à confier au Préfet de région l'appréciation de la compatibilité me semble excellente ; elle renforce la sécurité juridique. Il faut donc, au premier alinéa du I, écrire « peuvent être compatibles ». Si les auteurs de la proposition de loi maintiennent la rédaction actuelle, ils iront à l'encontre du principe de liberté des collectivités, qu'ils affichent dans l'exposé des motifs, et de l'avis du Conseil d'État. Et n'importe qui pourra déposer un recours !
Si l'objectif est de libérer les projets, il faut que la compatibilité reste une possibilité. Un étudiant de première année en droit vous confirmerait que seul le SDRIF de 1994 a une réalité juridique...
Oui à une date-butoir pour conserver aux dispositions de cette proposition de loi leur caractère transitoire. Le décret sur le schéma d'ensemble du réseau de transport public du Grand Paris, prévu à l'article 2 de la loi du 3 juin 2010, sera publié en juillet. Un délai de 30 mois après sa publication me semble raisonnable ; la date-butoir pourrait donc être le 31 décembre 2013.
J'en viens au troisième alinéa : une révision dérogatoire ne saurait bien sûr empêcher la mise en oeuvre des objectifs de la loi de juin 2010. Son article premier, qui mentionne les contrats de développement territorial, le schéma de transport et les 70 000 logements, est comme l'a dit M. Fourcade un levier pour territorialiser l'offre de logements.
L'objectif des 70 000 logements s'appliquera-t-il avant la territorialisation ? Si tel était le cas, il en résulterait une grande fragilité juridique. Chacun peut en effet territorialiser à sa façon l'objectif fixé pour l'ensemble de l'Île-de-France !
Je suis personnellement d'accord avec vous ; mais tout ceci est déjà inscrit dans la loi et le confirmer ici apportera plus de sécurité juridique.
Mais je pourrais élaborer un schéma de cohérence territoire, un PLU, et apprendre a posteriori que je dois créer 15 000 logements. Je pourrais dans le même temps apprendre que la commune voisine doit en construire seulement 9 000 ! Il y a là une source de contentieux.
Nous devons mentionner les trois objectifs ou aucun... Ce sont les objectifs de l'article 1er de la loi de juin 2010, on ne peut citer le schéma de transport et les contrats de développement territorial, en laissant de côté les logements !
Je suis à l'origine de cette mention des 70 000 dans le texte de loi. Mais il faut veiller à mettre en oeuvre la territorialisation avant les objectifs de l'article 1er. Un étudiant de première année de droit le comprendrait !
Des amendements pourront être déposés en séance, une concertation est également possible avant.
Bien sûr.
S'agissant du cinquième alinéa, il faut parler d'une nouvelle mise en révision du SDRIF de 1994, non d'une mise en révision du projet de SDRIF 2008, si l'on veut veiller à la sécurité juridique. Quant au dernier alinéa, je crois effectivement qu'il est superfétatoire. Pour tenir les délais de révision, la proposition de loi tend à supprimer l'obligation de recueillir des propositions des conseils généraux et des chambres consulaires. Si cette idée ne rencontre pas d'opposition parmi les conseils généraux, tant mieux ! Car c'est une bonne disposition. L'essentiel, pour mener à bien la révision, est que nous entretenions des relations de confiance.
J'ai souhaité un affichage politique fort dans la loi relative au Grand Paris concernant les logements. Quand la territorialisation sera effective, les plans locaux d'habitat devront en tenir compte. Inscrire au II de la présente proposition de loi l'objectif des 70 000 logements est prématuré et risque de susciter de nombreux recours.
Pourquoi ne pas écrire que « la réalisation de ces objectifs doit être conforme à l'article 1er de la loi du 3 juin 2010 » ? Vous auriez satisfaction !
Non car d'autres objectifs sont mentionnés, la réduction des déséquilibres sociaux, territoriaux, fiscaux - bref il faut prendre en compte toute une prose qui donnera lieu à un volumineux contentieux.
Eh bien remplaçons toute cette prose par « être conforme à la réalisation des objectifs de l'article 1er », autrement dit le schéma de transport, les logements, les contrats.
Et l'on nous reprochera de ne pas réduire les déséquilibres sociaux ou fiscaux...
Mais ce qui figure dans la loi de juin 2010 s'applique déjà !
A mon sens il faut mentionner « les objectifs de l'article 1er et notamment des contrats de développement territorial et du schéma de transport ».
La semaine qui s'ouvre sera celle de toutes les réflexions et de toutes les expertises juridiques. Et je ne doute pas que nous parviendrons à une bonne rédaction.
Vous avez déjà conclu la discussion, Monsieur le ministre, et indiqué la position du Gouvernement : dés lors, comment débattre ? Pourtant, vous vous êtes engagé, par le protocole d'accord, à libérer les projets des collectivités qui ne sont pas compatibles avec le SDRIF de 1994. Et vous souhaitez maintenant que l'on écrive : « peuvent ». Autrement dit, rien n'interdira à une collectivité de modifier ses documents d'urbanisme en conformité avec le SDRIF de 1994.
On libère des projets qui ne sont pas compatibles avec le SDRIF en vigueur, pour aller vers un autre SDRIF. Vous avez des réserves sur le document de 2008, je l'ai compris. Mais votre formulation autorise une collectivité à poursuivre des projets et modifier ses documents d'urbanisme en conformité totale avec le SDRIF de 1994...
Vous invoquez l'argument de la sécurité : mais je ne suis pas certain qu'une modification compatible avec le SDRIF de 1994 soit plus sûre juridiquement qu'un document compatible avec le SDRIF de 2008. Car celui de 1994 a été rendu obsolète par la législation adoptée depuis lors, loi « Solidarité et renouvellement urbains », Grenelle de l'environnement, etc. Une autre rédaction n'est-elle pas envisageable ? Le but est bien d'éviter que les collectivités reviennent au schéma de 1994. Peut-être pourrait-on adopter une formulation qui, introduisant dans le texte le contenu de l'accord, écarte les projets compatibles avec le SDRIF de 1994 mais laisse ouverte la possibilité à des projets compatibles avec celui de 2008 ?
Les conclusions ne sont pas tirées et le débat reste ouvert jusqu'au vote.
Je vous rappelle les termes du protocole État-Région sur les transports publics en Île-de-France : « La Région et l'État s'accordent pour la mise en oeuvre d'une solution législative relative au schéma directeur de la région Île-de-France. Afin de tirer pleinement parti des éléments constitutifs de la vision partagée de l'État et de la Région, compte tenu de l'avis du Conseil d'État relatif au projet de décret d'approbation du SDRIF, l'État et la Région souscrivent à la nécessité de proposer et faire adopter une disposition législative permettant de libérer les projets des collectivités territoriales et de l'État compatibles avec le projet de SDRIF adopté par le Conseil régional d'Île-de-France et avec la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, jusqu'à l'approbation de la révision du SDRIF. »
« Peuvent » ou « doivent » : je comprends bien que certains veuillent, animés de motivations politiques, promouvoir le « doivent ». Mais l'argument juridique ne tient pas. Aujourd'hui, il n'y a pas deux SDRIF.
Exactement ! Et l'on prévoit une dérogation provisoire jusqu'à la révision du SDRIF.
Le SDRIF de 2008 est en grande partie caduc, seul existe le schéma de 1994 - d'où votre proposition de loi. Mais la formulation « peuvent » est opératoire ! L'avis du Conseil d'État est clair, tout ce qui va dans le sens de l'automaticité introduit une fragilité juridique, en méconnaissant l'autonomie des collectivités.
Sur l'aspect dérogatoire, la proposition de loi est claire, sur le SDRIF en vigueur, celui de 1994, également. J'ajoute qu'il n'y a pas d'application automatique, la mention vaut seulement lorsque les documents « sont révisés ou modifiés ».
Bref, chaque fois que l'on y touche, la règle s'applique automatiquement !
Le Conseil d'État insiste sur le respect de la loi relative au Grand Paris et sur ce qui sera « tamponné » au travers du SDRIF de 2008. Le ministre, lui, fait référence à un problème politique. Ni moi ni Jean-Pierre Caffet n'avons évoqué cela ! Mais il y a, dans cette affaire, de la politique. Soyons prudents, car il existe une majorité au Sénat, qui prendra ses responsabilités ; il en existe une également au Conseil régional, qui fera de même.
Votre réponse sur la maîtrise d'ouvrage ne m'a pas convaincue, Monsieur le ministre, car « coordination » et « association » ne sont pas des concepts juridiques. Pour ma part j'ai plus confiance dans la loi que dans les conventions et c'est l'honneur du Parlement que d'encadrer ces dernières.
Vous prenez un risque. Vous avez pourtant besoin des collectivités locales, tout comme elles ont besoin que l'État s'engage fermement. Il faut y parvenir ! Le blocage est-il juridique ou politique ?
L'une des qualités essentielles de l'accord État-Région était que chacun sauvait la face. Ce fut une sortie par le haut, même si chaque partie n'adhérait pas à toutes les dispositions. Je mets en garde le Sénat contre la tentation de revenir sur cette paix des braves. Il y a un seul SDRIF aujourd'hui : c'est celui de 1994.
Lorsqu'une nouvelle disposition législative impose une révision du PLU, les collectivités ne jettent pas tout le travail accompli, elles adoptent le document qu'elles avaient élaboré puis lancent une révision. Il s'agit d'un travail évolutif. Au cas présent, certes, les collectivités pourront remettre l'ouvrage sur le métier : mais des associations, des groupes de travail ont consacré un temps et des efforts infinis à ce projet depuis plusieurs années ! Le débat sur le Grand Paris a mobilisé des milliers de personnes ; or il n'a pas été un dialogue de sourds, il a infléchi le projet ! Et tout ce travail n'aurait servi à rien ? Je ne suis pas certaines que les collectivités accepteront de se prêter à une telle manipulation.
A Boulogne-Billancourt, nous allons procéder à une modification très ponctuelle du PLU, pour un petit groupe d'immeubles. Si l'on appliquait la rédaction de Nicole Bricq, il faudrait que notre modification soit compatible avec le schéma de 2008 et la loi de juin 2010. Or il ne s'agit que d'un changement de coefficient d'occupation des sols sur un immeuble !
En revanche, il me paraît légitime que la ville, si elle veut relancer un projet bloqué par le schéma de 1994, doive réviser son PLU dans un sens compatible avec le SDRIF futur et la loi de juin 2010.
Toute modification même la plus ponctuelle serait soumise à une procédure très lourde si nous adoptions la rédaction de Nicole Bricq. Dans le protocole d'accord, chaque mot a été pesé. J'ai assuré le président de la région que nous reprendrions tout l'accord et rien que l'accord ; que nous n'accepterions aucune surenchère ou sous-enchère d'où qu'elle vienne, Gouvernement, Région, parti politique... L'accord permet de libérer les projets, il n'y a pas à inscrire d'obligation dans la loi.
Certaines collectivités sont obligées par la loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre les exclusions, de se doter d'un programme local de l'habitat (PLH). C'est le cas chez moi. Or nous devons achever ce travail à la fin de l'année et procéder ensuite à la révision du PLU, l'an prochain. Or nous ignorons quels sont les objectifs de l'État sur notre territoire en matière de logement ! Les collectivités attendent des précisions !
Le protocole est clair sur la mise en oeuvre du schéma directeur d'Île-de-France, sur la nécessité de libérer les projets bloqués par la caducité du SDRIF de 1994. Dominique Voynet a raison, le débat public a été d'une grande importance, sans lui nous ne serions peut-être jamais parvenus à un accord.
Environ 20 000 Franciliens y ont participé. Des dizaines de cahiers d'acteurs ont été déposés. Dans les réunions publiques, bien malin qui aurait pu identifier l'appartenance politique de chaque orateur ; les débats ont été riches et d'un niveau très élevé. Double boucle de l'État, Arc Express : les Franciliens nous ont demandé de nous mettre d'accord sur un projet !
Tout ce travail n'est pas perdu. Le projet du Grand Paris nous dépasse tous par son ampleur et j'aurai quitté mes fonctions avant son aboutissement. Mais je m'efforce d'y contribuer pendant le temps de ma mission.
J'ai pris l'engagement, et je remercie Dominique Braye de l'avoir rappelé, d'accepter que le véhicule législatif soit une proposition de loi, en raison du calendrier parlementaire chargé. La proposition de loi socialiste ne me dérange nullement. Mais si la rédaction inclut le terme « doivent », elle ouvre la voie à bien des contentieux... Le texte vise pourtant seulement à instaurer un régime transitoire, dérogatoire. Adoptons une formulation qui respecte l'accord conclu avec Jean-Paul Huchon. Je ne vois pas en quoi le terme « peuvent » poserait problème !
Quant aux moyens, libre à Nicole Bricq de ne pas croire que les moyens appropriés seront débloqués.
Jean-Pierre Fourcade et moi-même connaissons la réalité présente des finances publiques...
Nous connaissons tous la réalité.
Dans cette affaire, le président Jean-Paul Huchon a été courageux et je me réjouis que nous soyons parvenus à un accord. Qui aurait parié, il y a deux ans, que 190 collectivités se retrouveraient ensemble au sein de Paris-Métropole ? C'est formidable ! Il n'est pas si loin le temps où l'on n'osait parler d'intercommunalité au Congrès des maires, par crainte d'être bombardé de tomates ! Il n'y a aucune raison de ne pas parvenir à nous mettre d'accord. Je le répète, la formulation « peuvent » résout tous les problèmes.
Merci au ministre de toutes ces explications. Voter la proposition de loi, sous réserve de quelques amendements, montrerait notre volonté commune de faire avancer le projet - et les projets des collectivités. L'Assemblée nationale pourrait peut-être alors adopter le texte conforme... Si le Sénat l'adopte à l'unanimité, je m'en réjouirai !
- Présidence commune de MM. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, et Jean Arthuis, président de la commission des finances -
Ensuite, la commission procède, conjointement avec la commission des affaires européennes et la commission des finances, à l'audition de M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes, dans le cadre du débat préalable au Conseil européen.
Le compte rendu de cette réunion figure à l'adresse suivante :
www.senat.fr/seances/s201103/s20110322/s20110322006.html#Annexe