La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
La parole est à M. Daniel Breuiller, auteur de la question n° 301, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
Madame la ministre, j’attire votre attention sur les mesures nécessaires pour les transports du quotidien en Île-de-France, notamment la TVA à 5, 5 % – une mesure votée par notre assemblée –, et l’augmentation du versement mobilité dû par les entreprises, que les écologistes ont soutenue lors des débats sur le projet de loi de finances (PLF).
La situation atteint un seuil critique. Les réseaux se dégradent, des missions sont annulées, les temps d’attente sont interminables, les rames sont bondées et les usagers souffrent.
Île-de-France Mobilités annonce une augmentation importante du passe Navigo, qui serait porté à 84 euros. Les ménages ne peuvent pas supporter des coûts supplémentaires pour un service dégradé.
Si l’enjeu des transports franciliens est avant tout de la responsabilité de la région Île-de-France et de sa présidente Valérie Pécresse, l’État ne peut pas s’y soustraire. La région capitale accueille de nombreux événements économiques et touristiques, dont les jeux Olympiques et Paralympiques en 2024. Surtout, ce réseau comptabilise 12 millions de voyages quotidiens, notamment de personnes qui travaillent.
Alors que la pollution atmosphérique s’aggrave et provoque 6 000 décès prématurés par an, ce qui a conduit à la condamnation de notre pays pour une insuffisance coupable, le soutien aux transports collectifs doit être inscrit dans les priorités. L’arrivée prochaine du Grand Paris Express déséquilibrera encore plus les budgets d’Île-de-France Mobilités.
Madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il proposer lors de la conférence de financement ? Retiendra-t-il la TVA à 5, 5 % pour affirmer une priorité aux transports collectifs ? Quelles marges de manœuvre est-il prêt à donner sur le versement mobilité à la région Île-de-France et aux autres autorités organisatrices de la mobilité ?
Monsieur le sénateur Breuiller, le prix des transports en commun apparaît attractif en France comparé à la moyenne des prix des transports en commun pratiqués chez nos voisins européens.
C’est notamment le résultat d’un choix de politique publique avec une prise en charge importante des coûts par la collectivité. La TVA sur les transports publics est d’ailleurs déjà au taux réduit de 10 %.
Abaisser la TVA à 5, 5 %, ainsi que vous le demandez, aurait un coût important pour les finances publiques, mais surtout il n’est aucunement garanti que cet allégement fiscal serait répercuté sur les voyageurs par une baisse du prix des billets.
En réalité, comme vous l’évoquez dans votre question, pour inciter les gens à utiliser les transports en commun, c’est non pas tant le prix qui fait la différence aujourd’hui que la qualité du service : régularité, fréquence, propreté et sécurité. C’est ce sur quoi doivent en priorité porter au quotidien les efforts des autorités organisatrices et de leurs opérateurs.
Concernant Île-de-France Mobilités, le Gouvernement n’est pas favorable à une hausse du versement mobilité. Ce serait non seulement pénaliser le coût du travail, à rebours de la politique du Gouvernement, mais également nuire à l’attractivité de la région. Le Sénat lui-même a rejeté une telle mesure d’augmentation qui a été proposée dans le cadre du PLF pour 2023.
Je rappelle également que les entreprises contribuent déjà pour moitié à la couverture des dépenses d’exploitation en Île-de-France, en prenant notamment à leur charge la moitié du coût des abonnements de leurs salariés. En outre, les recettes du versement mobilité ont augmenté de 5 % par an depuis dix ans.
De son côté, l’État n’a jamais ménagé son soutien pour garantir la continuité d’un service public essentiel aux Français.
Île-de-France Mobilités a ainsi bénéficié, dans le cadre de la crise sanitaire, d’une aide de plus de 2 milliards d’euros, et ce sans conditions, quand d’autres pays exigeaient en contrepartie des efforts draconiens – augmentations de tarifs, réductions de l’offre, etc.
Au vu des circonstances exceptionnelles, le Gouvernement a décidé de renouveler l’année prochaine son aide aux autorités organisatrices.
Le ministre chargé des transports, Clément Beaune, a ainsi annoncé mardi dernier une aide exceptionnelle de 200 millions d’euros de l’État à Île-de-France Mobilités, ainsi que 100 millions d’euros pour les autorités organisatrices hors Île-de-France.
Cette mesure forte a pour but de venir en aide aux usagers et d’accompagner la mise en œuvre des améliorations nécessaires et attendues de la qualité de l’offre de transports.
Madame la ministre déléguée, je vous demande de veiller à respecter votre temps de parole : nous avons beaucoup de questions à examiner !
La parole est à M. Daniel Breuiller, pour la réplique.
Madame la ministre, je ne partage évidemment pas votre point de vue sur la TVA à 5, 5 %, que d’autres pays européens ont adoptée : ce serait une mesure utile pour les autorités organisatrices afin d’améliorer le service aux usagers.
Les usagers n’ont pas à combler le trou de 950 millions d’euros d’Île-de-France Mobilités. Le Gouvernement, après avoir été silencieux durant tout le débat budgétaire au Sénat, ne peut pas se contenter d’une aide de 200 millions d’euros, alors qu’il met quarante à cinquante fois plus pour soutenir les carburants automobiles.
Je vous invite donc à changer de politique !
La parole est à M. Pierre Louault, auteur de la question n° 302, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
Le 2 novembre 1989, Hélène Missoffe, sénatrice du Val-d’Oise, alertait le ministre des transports sur les difficultés auxquelles se heurtaient les non-voyants dans le métro, en lui demandant de faire annoncer le nom des stations par les conducteurs.
Il y a quelques jours, un habitant d’Indre-et-Loire me sollicitait sur ce même sujet pour sa petite-fille, non-voyante, qui prend le métro parisien quotidiennement pour se rendre à son lieu de stage. Elle doit compter le nombre de stations afin de ne pas rater son arrêt. Imaginez la panique pour une jeune fille de 18 ans, venant de province de surcroît, dans ce grand labyrinthe qu’est le métro parisien !
Quelle ne fut donc pas ma surprise de retrouver cette question écrite, vieille de trente-trois ans, sur un sujet qui n’a toujours pas été réglé…
Le Gouvernement a récemment nommé Jean Castex à la présidence de la RATP ; vous avez donc un lien direct avec la structure en charge de l’exploitation des métros parisiens.
Ma question est donc simple : qu’allez-vous faire pour qu’un sénateur ou une sénatrice ne pose pas cette même question dans trente-trois ans, alors même que la solution proposée ne coûte rien ?
Monsieur le sénateur Louault, l’État soutient la mise en accessibilité des réseaux de transport en accord avec les obligations fixées par la loi sur le handicap de 2005, laquelle prévoit une exception pour les réseaux souterrains de transports ferroviaires et guidés existants au 12 février 2005, dont le métro historique parisien.
Pour ce qui concerne l’Île-de-France, les mesures relatives à l’accessibilité des lignes du métro parisien relèvent en premier lieu de la compétence de l’autorité organisatrice Île-de-France Mobilités, en lien avec l’opérateur, la RATP. Île-de-France Mobilités a approuvé son agenda d’accessibilité programmée en 2015.
Tous les quais et toutes les salles d’échanges des stations du métro parisien sont déjà équipés d’annonces visuelles et sonores.
S’agissant de l’annonce sonore de la prochaine station à bord, les lignes en sont progressivement dotées au gré du renouvellement de leur matériel roulant, coorganisé par Île-de-France Mobilités et la RATP. À ce jour, les lignes 1, 2, 3, 4, 5, 9, 13 et 14 sont déjà équipées d’annonces sonores automatiques. La ligne 11 en sera équipée à la mise en service des nouvelles rames en 2023. Ce sera ensuite le cas de la ligne 6 à partir de fin 2023, puis des lignes restantes – 7, 8, 10, 12, 3 bis et 7 bis – avec la mise en service du nouveau matériel roulant MF 19 de façon progressive entre 2025 et 2035.
En attendant la mise en place de ces équipements, il ne serait pas très compliqué, pour les lignes non équipées, de demander aux conducteurs d’annoncer les stations. Les non-voyants ne choisissent pas leurs trajets !
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, auteure de la question n° 299, transmise à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
Madame la ministre, le 27 novembre dernier, le chef de l’État a annoncé son ambition de voir créer une dizaine de réseaux express régionaux (RER) dans les métropoles de France.
Cette ambition, nous la partageons, car elle est bénéfique à l’environnement comme aux salariés qui, chaque jour, ont le choix entre être coincés dans les bouchons ou l’être dans des trains bondés, quand ils circulent…
Nombre d’arrêts ont été supprimés, par exemple, pour ce qui concerne le Pas-de-Calais, dans les gares de Meurchin, Achiet-le-Grand ou encore Boulogne-sur-Mer.
Avec 6, 5 millions d’habitants, la région des Hauts-de-France est parmi les plus peuplées du pays, l’agglomération de Lille concentrant à elle seule 1, 5 million d’habitants. Surtout, des dizaines de milliers de personnes s’y rendent chaque jour, en grande partie depuis le bassin minier.
Le projet de Réseau express Grand Lille défendu par l’ancien conseil régional du Nord-Pas-de-Calais devait permettre le désengorgement des accès à la métropole, mais il a été remisé à la faveur de la fusion des régions.
Il prévoyait la création de six nouvelles gares, dont une gare souterraine à Lille évaluée à 2, 1 milliards d’euros, ainsi que la pose de 56 kilomètres de lignes nouvelles pour desservir plus efficacement les villes d’Hénin-Beaumont, de Lens et de Douai et permettre un meilleur raccordement des grandes villes du nord du pays.
Les élus du bassin minier y sont prêts, ainsi que les présidents des agglomérations. Personne ne doute de l’intérêt du projet : l’engorgement de l’autoroute A1 et le surpeuplement des rames de TER conduisent les élus du bassin minier, tous bords politiques confondus, à demander régulièrement la relance de ce projet.
Aujourd’hui, à l’aune des annonces du Président de la République, il est temps de ressortir ce projet des cartons.
Quels moyens seront alloués à la région Hauts-de-France pour ce projet, madame la ministre ? À quelle échéance les premiers voyageurs pourront-ils emprunter ces trajets ?
Madame la sénatrice Apourceau-Poly, le Président de la République a en effet annoncé le 27 novembre dernier l’objectif de mettre en œuvre une dizaine de RER métropolitains.
Ces services express métropolitains doivent permettre, par l’amélioration des infrastructures des principales étoiles ferroviaires, de fournir une meilleure offre ferroviaire dans les grandes métropoles.
En cohérence avec la priorité donnée aux mobilités du quotidien, au premier rang desquelles, vous l’avez dit, les relations domicile-travail, le Gouvernement soutient cette démarche aux côtés des collectivités concernées – régions et métropoles.
À sa demande, SNCF Réseau a ainsi établi en 2020 un schéma directeur du développement des RER métropolitains.
Par ailleurs, une enveloppe de 30 millions d’euros a été dédiée, dans le plan de relance, au lancement d’études de RER métropolitains dans les métropoles à fort potentiel, dont celle de Lille ; cette enveloppe a été mise en place au cours des exercices 2021 et 2022.
L’État finance ainsi, aux côtés de la région Hauts-de-France et de la métropole de Lille, les études de faisabilité lancées en 2021 visant à définir, puis à approfondir, un scénario de RER métropolitain pour l’étoile ferroviaire lilloise.
Ce projet de grande ampleur, estimé à ce jour entre 4 milliards et 5 milliards d’euros, comprend – vous l’avez mentionné – un projet de barreau nouveau dénommé Réseau express Hauts-de-France entre Lille et le bassin minier.
Comme le Président de la République l’a annoncé en février 2022, l’État sera présent aux côtés des acteurs locaux pour la mise en place de ce projet.
La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 289, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Madame la ministre, si nous partageons l’objectif du « zéro artificialisation nette » (ZAN) des sols fixé à l’horizon 2050 et celui, intermédiaire, de réduction de moitié de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici à 2030, des points de crispation demeurent tant sur la méthode employée que sur le fond du dispositif.
Le Gouvernement a confié aux régions le soin de mettre en œuvre cette nouvelle règle d’urbanisme ; son niveau de gestion réduit considérablement le rôle des élus locaux qui deviennent ainsi de simples exécutants devant se conformer à l’interprétation contraignante des règles. Je partage leurs inquiétudes de se voir déposséder d’une telle mission dans la gestion des espaces à aménager, alors même que ces élus de proximité, proches du terrain, disposent d’une connaissance fine des réalités locales et de leurs enjeux.
Car le cœur du problème se trouve au niveau communal : comment justifier que des communes rurales soient évincées de la démarche, alors même qu’elles ont été, par le passé, peu consommatrices de foncier, qu’elles doivent faire face à l’accueil de nouvelles populations et travailler au développement de leur territoire ?
Sur le déploiement et la temporalité du dispositif, il y a lieu de noter les délais fixés, relativement contraints, qui ne laissent pas suffisamment de place au dialogue, à l’interaction et à la coconstruction.
En effet, le conseil régional assure le pilotage du ZAN avec comme principal interlocuteur la conférence des schémas de cohérence territoriale (Scot). Or on ne peut ignorer que de nombreux départements restent totalement ou partiellement dépourvus de Scot, d’où l’absence d’élus siégeant à la conférence régionale des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet).
Aussi, madame la ministre, pour rassurer les élus locaux des territoires ruraux, pouvez-vous m’indiquer les garanties que vous comptez apporter à des territoires peu consommateurs de foncier par le passé afin qu’ils puissent bénéficier du foncier nécessaire à leur développement et à l’accueil de populations ?
Quels aménagements entendez-vous mettre en œuvre pour que la réalisation de cet objectif puisse se concrétiser sans pénaliser les territoires ruraux ?
Enfin, avec mes collègues du groupe socialiste, nous nous sommes positionnés en faveur du report de la première étape de réalisation de l’objectif fixé à 2030. Quelle est votre position quant à cette demande ?
Monsieur le sénateur, vous avez interrogé M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; ne pouvant être présent, il m’a chargée de vous répondre.
Chaque année, ce sont en moyenne 20 000 hectares d’espaces agricoles, naturels et forestiers qui sont consommés en France. La lutte contre l’artificialisation est un enjeu majeur pour préserver les sols, la biodiversité et l’activité agricole.
La France s’est donc fixé l’objectif d’atteindre le zéro artificialisation nette des sols en 2050 avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers dans les dix prochaines années, donc à l’horizon 2030, comme vous l’avez indiqué.
Tous les territoires sont concernés, y compris les territoires ruraux. Sur la dernière décennie, la consommation d’espaces est d’ailleurs majoritairement, à hauteur de 61 %, localisée sur les territoires détendus, plus particulièrement en périurbain peu dense à très peu dense.
Tous les territoires doivent donc contribuer à l’atteinte de cet objectif, même si la loi prévoit que leur effort sera modulé en fonction de leurs besoins spécifiques.
Cette trajectoire progressive est à décliner dans les documents de planification et d’urbanisme : d’ici au 22 février 2024 pour les Sraddet, au 22 août 2026 pour les Scot et au 22 août 2027 pour les plans locaux d’urbanisme (PLU).
Une nouvelle extension des délais n’est pas, pour l’instant, à l’ordre du jour.
La territorialisation de la trajectoire ZAN devra moduler le rythme d’artificialisation des sols en tenant compte des besoins et des enjeux locaux : dynamiques démographiques et économiques, équilibre du territoire. Cette dernière dimension comprend la question du désenclavement rural, et il est clair que nous pourrons donc continuer à construire dans ces territoires.
Néanmoins, et pour rassurer les élus quant à la bonne prise en compte de cet enjeu, la Première ministre, en clôture du Congrès des maires, a formulé plusieurs annonces dans le prolongement de discussions que nous avons eues avec les associations d’élus et les parlementaires.
Elle s’est notamment engagée à étudier des pistes en vue de garantir que toutes les communes rurales puissent bénéficier de possibilités de construction, en particulier lorsqu’elles ont peu construit par le passé.
Elle s’est aussi engagée à permettre la contractualisation entre l’État et le bloc communal en cas de blocage au niveau des territoires pour trouver des solutions et parvenir à un équilibre entre développement de projets d’intérêt majeur et sobriété foncière.
En revanche, le Gouvernement n’a pas prévu, à ce stade, de modifier le calendrier prévu pour les Sraddet et les autres documents d’urbanisme, même si nous cherchons à laisser le plus de temps possible à la concertation.
La parole est à Mme Jocelyne Guidez, auteure de la question n° 095, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Je souhaiterais attirer l’attention du Gouvernement sur la multiplication des décharges de déchets de chantiers sur des terres naturelles ou d’anciens terrains à vocation agricole dans le département de l’Essonne.
Avec l’augmentation des grands projets urbains, les espaces naturels et les terres agricoles sont devenus autant de décharges potentielles pour certaines grandes entreprises du bâtiment, lesquelles n’hésitent pas à contourner les règles pour y déverser leurs tonnes de gravats, dont certains peuvent s’avérer dangereux.
Ayant été interpellée à plusieurs reprises par les élus locaux et les acteurs associatifs, je partage pleinement leurs préoccupations relatives aux questions environnementales et à la dégradation du cadre de vie des habitants des villes moyennes, des petites villes et des villages situés à la périphérie des grandes métropoles. Je comprends parfaitement leur profond sentiment d’injustice face à l’absence de réaction étatique.
Il est primordial de conserver la biodiversité de l’environnement des communes de la grande couronne parisienne dans un esprit d’égalité des territoires. Aussi, il est urgent d’apporter des solutions immédiates, particulièrement pour les communes de Fleury-Mérogis, Cheptainville-Lardy et Saint-Hilaire, qui sont démunies face à ce phénomène et qui ont besoin d’aide pour réhabiliter leurs terrains et espaces naturels pollués par ces exhaussements, dits aussi remodelages.
Nos villes et villages n’ont pas vocation à devenir les victimes collatérales du développement urbain des métropoles et grandes agglomérations. Il s’agit d’une inégalité environnementale manifeste, qui s’ajoute, dans un silence inadmissible, aux inégalités sociales et territoriales déjà bien ancrées dans ce département.
Je souhaiterais connaître, madame la ministre, les mesures que vous envisagez de prendre pour protéger les territoires essonniens contre ces atteintes graves à l’environnement qui ont un impact sur la vie quotidienne des habitants. Il est temps de se saisir de cette question sensible et importante et de mettre un terme à ces pratiques scandaleuses, totalement en contradiction avec les engagements issus de la Convention citoyenne pour le climat.
Madame la sénatrice Guidez, vous avez interrogé M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui m’a chargée de vous répondre.
Votre question porte sur trois projets de stockage de déchets de chantier en Essonne et leur impact environnemental et agricole.
Tout d’abord, je rappelle que les installations de stockage de déchets inertes sont des équipements importants pour la protection de l’environnement. Elles permettent d’éviter que des terres excavées ou certains déchets de chantiers ne soient dispersés dans l’environnement, sous forme de dépôts sauvages, et garantissent que le stockage est réalisé dans des conditions respectueuses de l’environnement.
Les conseils régionaux sont responsables à l’échelle de leur territoire de la planification de ces installations de stockage. Les services de l’État chargés de l’environnement s’assurent que ces installations soient implantées et exploitées dans de bonnes conditions de sécurité et de respect de l’environnement, notamment au titre de leurs missions d’instruction et d’inspection des installations classées pour la protection de l’environnement.
En ce qui concerne les trois projets que vous évoquez, les situations sont différentes.
Dans le cas de Saint-Hilaire, un projet d’installation de stockage était effectivement prévu. Néanmoins, une instance de classement au titre des paysages ayant été signée par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, la procédure d’autorisation environnementale est suspendue, rendant l’avenir du projet incertain.
Dans le cas de Fleury-Mérogis, il s’agit non pas d’un projet d’installation de stockage, mais d’un programme d’aménagement agricole et de mise en culture réalisé sous maîtrise d’ouvrage de la commune et sur des terrains lui appartenant.
Enfin, dans le cas de Cheptainville-Lardy, si la commune a été approchée sur le sujet, il n’y a, à ce jour, aucun projet d’installation de stockage déposé auprès des services de l’État.
En tout état de cause, la création d’installations de stockage en Île-de-France répond à un réel besoin, identifié dans le plan régional de prévention et de gestion des déchets d’Île-de-France. Celui-ci fait en effet état de la nécessité de créer de nouvelles capacités de stockage de terres, à hauteur de 2 millions de tonnes par an jusqu’en 2025.
Par ailleurs, ce plan encourage le rééquilibrage territorial des capacités de stockage de déchets inertes vers l’ouest et le sud de la région Île-de-France, la Seine-et-Marne accueillant actuellement environ 70 % du tonnage régional de déchets inertes.
Madame la ministre, j’ai posé cette question dès 2021, et il m’a fallu attendre décembre 2022 pour enfin avoir une réponse. Il est dommage que le Gouvernement mette autant de temps à nous répondre !
La parole est à Mme Marta de Cidrac, en remplacement de M. Arnaud Bazin, auteur de la question n° 219, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Je supplée M. Arnaud Bazin, empêché par le manque de transports en commun dans le Val-d’Oise.
Mon collègue réitère trois questions posées et rappelées il y a deux ans, reprises par le ministre chargé des relations avec le Parlement, mais qui sont restées sans réponse. La pertinence de ces questions a été confirmée par la Commission européenne dans une communication d’octobre 2021, qui souligne qu’il y a « lieu de vérifier si les pertes d’animaux d’élevage sont réellement dues à la prédation par les loups ».
Pointée par la Cour des comptes en 2010, et relevée par le rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) de 2019, l’incohérence de la situation française appelle des éclaircissements. En effet, c’est le pays qui détient le taux de pertes ovines possiblement imputables au loup le plus élevé, mais c’est aussi le pays dont les aides publiques à la protection et à l’indemnisation des troupeaux sont les plus élevées eu égard au nombre de loups.
Deux hypothèses : soit le nombre de pertes ovines possiblement dues aux loups est surestimé, soit la protection des troupeaux est inefficace, voire non effective.
Ainsi, M. Bazin souhaiterait connaître : les critères permettant d’attribuer les pertes au loup ; le pourcentage de relevés techniques réalisés sur le lieu de l’attaque rapporté au nombre de constats déclaratifs ; et, enfin, le nombre de comptes rendus de visites et contrôles sur place, et de contrôles de schéma de protection et du cahier de pâturage, effectués et analysés par les services instructeurs.
La Commission européenne, dans la communication précitée, estime que le système français est un bon exemple de système de surveillance précis permettant d’obtenir des données solides et appropriées à la conservation et la gestion des loups.
Pourtant, des déclarations du Gouvernement tendent à aller dans le sens des demandes des chasseurs et éleveurs, qui proposent de recompter les loups, estimant que les dénombrements officiels de l’Office français de la biodiversité (OFB) sous-estiment leur population.
M. Bazin souhaite donc savoir si le système de comptage de l’OFB est effectivement remis en cause ; dans l’affirmative, sur quelle base scientifique ?
Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur les raisons du niveau élevé de prédation par le loup en France, malgré le financement public considérable des moyens de protection des troupeaux.
Cela s’explique à la fois par la présence d’un élevage pastoral extensif, avec des troupeaux parfois importants dans les zones de présence du loup, et par l’existence de nouvelles zones de prédation n’ayant pas fait encore l’objet de mesures de protection. Il est important de rappeler que la France est le seul pays où le coût du gardiennage est pris en charge par la collectivité.
En ce qui concerne l’éventuelle surestimation du phénomène, il apparaît normal qu’en cas de doute sur l’attribution de la responsabilité d’un dommage à un prédateur, ce doute profite à l’éleveur. Par ailleurs, les constats déclaratifs restent aujourd’hui très minoritaires par rapport à ceux réalisés par des agents publics. Ils sont réservés aux troupeaux situés dans des départements de présence ancienne du loup, et aux cas d’attaques faisant moins de cinq victimes.
En dehors des zones nouvelles de prédation, les indemnisations de dommages sont subordonnées à la mise en place de mesures de protection. Des efforts sont faits à cette fin, avec notamment une démarche engagée auprès des élevages subissant les plus fortes prédations. Inauguré en 2020, cet accompagnement concerne aujourd’hui les 200 élevages concentrant 50 % de la prédation. Cela alimente également l’observatoire des mesures de protection, qui est en cours de développement.
La mise en œuvre effective des mesures de protection est d’abord contrôlée dans le cadre de leur financement par l’État au titre de la bonne utilisation des fonds publics. Elle l’est également dans le cadre de l’instruction des demandes de tirs de défense, et, systématiquement, avant chaque tir effectué par les louvetiers ou la brigade d’intervention de l’OFB.
La méthode française de suivi de la population de loups est reconnue comme l’une des plus complètes et efficaces en Europe. Il est en revanche essentiel que la confiance demeure entre tous les acteurs concernés, éleveurs comme chasseurs. Des efforts ont été entrepris en ce sens depuis la fin de l’année 2021. Ils ont porté leurs fruits, puisque davantage d’indices de présence ont été collectés au cours de l’hiver 2021-2022.
Le fait que les tirs augmenteraient la prédation reste une hypothèse, ni confirmée ni infirmée. Des recherches sont encore en cours à ce sujet. En tout état de cause, depuis quelques années, priorité est donnée aux tirs de défense effectués sur des loups en situation d’attaque.
Madame la ministre déléguée, je vous saurai gré de faire tenir vos réponses dans les deux minutes qui vous sont imparties.
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 241, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement.
Ma question porte sur la mise en œuvre du bouclier tarifaire dans les copropriétés équipées d’un chauffage à gaz collectif et, a fortiori, dans toutes celles dont les contrats d’énergie sont indexés sur les marchés.
Entre les rattrapages de charges de l’année 2021-2022 et les appels de charges pour 2023, bon nombre de copropriétaires sont aujourd’hui pris en étau, avec le risque d’une multiplication des défauts de paiement, voire d’abandon de projets de travaux de rénovation énergétique, ce qui est pour le moins paradoxal.
Le bouclier tarifaire présente aujourd’hui deux problèmes majeurs. Tout d’abord, il n’est compensé qu’après les avances de charges, laissant courir un reste à charge exorbitant le temps de sa mise en œuvre. Ensuite, il est très nettement sous-dimensionné au vu de l’explosion du prix du gaz et de la hausse des factures.
Par exemple, dans une copropriété comme celle du Parc Lubonis à Nice, le devis pour les charges de chauffage s’élève à plus de 600 000 euros, le bouclier tarifaire s’appliquant à hauteur de seulement 91 076 euros. Le reste à charge serait donc de 593 703 euros, soit une augmentation des frais pour les copropriétaires de 593 % !
Résultat : le conseil syndical a décidé de ne pas mettre en route le chauffage collectif. Combien de temps cela pourra-t-il durer avec l’arrivée du grand froid ?
Madame la ministre, allez-vous enfin proposer un alignement du bouclier tarifaire des copropriétés équipées d’un chauffage collectif au gaz sur celui qui s’applique aux copropriétés équipées de compteurs individuels de chauffage ?
Mme Frédérique Puissat applaudit.
Madame la sénatrice Estrosi Sassone, le bouclier pour les copropriétés au gaz couvre, comme le gel du tarif réglementé de vente (TRV) de l’énergie pour les ménages en contrat individuel, l’écart entre le TRV gelé et le TRV hors gel. D’après les nombreuses remontées que nous avons eues, le bouclier fonctionne bien.
Certains cas sont, il est vrai, plus compliqués, notamment quand les copropriétés ont signé des contrats à prix fixe dans des conditions très défavorables, au-dessus des TRV hors gel. Le ministre de la ville et du logement et la ministre de la transition énergétique sont pleinement mobilisés pour assurer une égalité de traitement entre tous. Parce que nous devons aller vite, le texte couvrant le deuxième semestre 2023 est sorti le 15 novembre dernier, pour apporter une réponse dès que possible.
Le Gouvernement est également engagé dans la mise en place d’une aide ad hoc pour les contrats signés dans des conditions très défavorables, et qui ne sont pas bien couverts par le bouclier.
S’agissant du décalage entre les versements et les besoins en trésorerie, la loi de finances pour 2023 va permettre aux copropriétés disposant d’un contrat de fourniture de gaz de bénéficier du versement de l’aide équivalente aux boucliers directement sur leur facture.
Si cela ne répond pas à toutes les situations, nous envisagerons alors une aide spécifique pour répondre aux besoins de trésorerie, et éviter ainsi de laisser des copropriétés en difficulté dans l’attente du versement de l’aide bouclier.
Vous pouvez être assurée, madame la sénatrice, de l’entière mobilisation du Gouvernement pour s’assurer que, dans cette crise énergétique, personne ne soit laissé de côté.
Les copropriétaires sont aujourd’hui très inquiets, parce que des avances doivent être faites avant une éventuelle régularisation plusieurs mois après. De surcroît, le dispositif est une véritable usine à gaz car les syndics, les fournisseurs d’énergie, les copropriétaires et l’administration doivent se mettre d’accord.
Il y a urgence, madame la ministre. Soyez vigilante sur ce dossier, qui peut provoquer une explosion sociale dans toutes les copropriétés équipées d’un chauffage collectif au gaz.
La parole est à Mme Marta de Cidrac, auteure de la question n° 247, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
Le 10 novembre dernier, j’ai interrogé le ministre des transports sur le concept de descente douce des trajectoires d’approche aéroportuaire.
Présenté dans le cadre des Assises nationales du transport aérien en 2021, ce concept vise à réduire les nuisances sonores des aéronefs commerciaux amorçant leur descente lorsqu’ils sont à proximité des habitations et lorsque leur plan de vol ne permet pas d’autre itinéraire.
Depuis 2016, cette procédure est parfois utilisée pour les vols de nuit ou pendant les périodes de moindre trafic. Sa généralisation ne serait certes pas sans conséquence sur l’organisation des flux aériens dans le ciel francilien, mais la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) prévoit bien un déploiement opérationnel du concept à l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle à l’horizon 2023.
Pour de nombreux vols, et particulièrement les vols transatlantiques, la descente vers l’aéroport de Roissy commence dans le ciel yvelinois, ou du moins dans les départements de l’ouest francilien. Beaucoup de communes des Yvelines subissent donc d’insupportables nuisances sonores, nocturnes et diurnes, dues au trafic aérien. L’hypothèse d’une réduction du bruit est scrutée avec attention et impatience par nos concitoyens et par les élus locaux de ces territoires.
La DSNA l’a confirmé, après son annonce par la précédente ministre des transports, Mme Borne, la généralisation des descentes douces serait pour 2023.
Madame la ministre, alors que nous approchons à grands pas de la date butoir sans pour autant être informés d’évolutions imminentes, pouvez-vous nous indiquer où en est la mise en œuvre opérationnelle de cette mesure ?
Madame la sénatrice de Cidrac, vous appelez mon attention sur le concept de descente douce des trajectoires d’approche aéroportuaire, qui vise à réduire les nuisances sonores des aéronefs commerciaux à destination de l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle.
La descente douce ou descente continue est une technique de pilotage qui permet l’optimisation des profils verticaux de descente par les pilotes, et ce grâce à des procédures de circulation aérienne adaptées et basées sur des données de positionnement par satellite.
Dans la continuité des annonces faites à l’occasion des Assises nationales du transport aérien, des études techniques et opérationnelles de conception de telles procédures ont été lancées par la direction générale de l’aviation civile (DGAC).
Elles ont conduit à la réalisation de tests grandeur nature sur une des pistes d’atterrissage de l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle. Ces expérimentations ont été mises à profit pour analyser les impacts opérationnels, environnementaux et réglementaires de telles procédures, dans le contexte très spécifique de cet aéroport doté de quatre pistes exploitées simultanément.
Les travaux techniques sont toujours en cours. Ils concernent notamment la définition des procédures d’approche, leur exploitation par les pilotes, l’analyse des éventuels impacts sur la sécurité des vols et, enfin, les conséquences sur les conditions de survol des territoires potentiellement concernés par ces changements.
Un calendrier précis pourra être élaboré et proposé aux parties prenantes lorsque ces études parviendront à leur terme.
Le projet de mise en service de descentes douces à Paris-Charles-de-Gaulle sera bien entendu présenté aux instances de concertation. Il fera, selon toute vraisemblance, l’objet de l’organisation d’un débat public par la Commission nationale du débat public (CNDP), préalablement à une enquête publique. Les services de l’État s’attachent actuellement à ces tâches opérationnelles, techniques et organisationnelles.
Madame la ministre, je vous remercie de ces éléments de réponse.
Ne perdons pas de vue l’objectif de 2023, en pensant à toutes ces communes qui attendent avec impatience des réponses contre ces nuisances importantes.
La parole est à M. Serge Babary, auteur de la question n° 252, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement.
Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les conséquences de la hausse des coûts de l’énergie sur les locataires des parcs sociaux.
Avec l’envolée des prix de l’énergie – gaz et électricité –, en 2022, et malgré la mise en place d’un bouclier tarifaire, de nombreux locataires ne sont plus en mesure de s’acquitter des charges communes. Cette situation devrait aller en s’aggravant en 2023 en raison de la hausse du prix de l’électricité pour les parties communes et de celle du gaz pour les chaufferies collectives, prévues dès le mois de janvier 2023.
Dans mon département d’Indre-et-Loire, cette situation a conduit de nombreux locataires à manifester contre l’augmentation des charges communes, ce qui a contraint certains offices publics de l’habitat à procéder à un lissage des charges locatives.
Le delta facturé aux locataires des parcs sociaux restant élevé en dépit des mesures prises par le Gouvernement, le nombre des impayés devrait considérablement augmenter dans les mois qui viennent. Aussi, je souhaiterais savoir si, et dans quelle mesure, le bouclier énergétique pourrait être plus favorable aux locataires du parc social, et si les bailleurs sociaux pourraient bénéficier du bouclier tarifaire pour leur consommation d’électricité dans les parties communes.
Au-delà de la question du prix de l’énergie, il faut savoir que, depuis plusieurs mois, les fournisseurs ne répondent plus aux consultations des bailleurs sociaux pour l’achat de gaz et d’électricité.
Quant aux fournisseurs actuels, ils ont d’ores et déjà indiqué qu’ils ne répondront pas aux consultations et qu’ils demanderont même la coupure des approvisionnements pour le 1er janvier 2023. Les bailleurs sociaux du département sont extrêmement inquiets.
Madame la ministre, avez-vous connaissance de ces difficultés ? Quelles sont les solutions envisagées ?
Monsieur le sénateur Babary, le décret du 9 avril 2022 a étendu le bouclier tarifaire pour le gaz aux ménages chauffés collectivement au gaz naturel ou par un réseau de chaleur utilisant le gaz naturel. Comme pour les tarifs réglementés, ce bouclier a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2022. Un décret, publié le 15 novembre dernier, précise ainsi les modalités pratiques de cette prolongation.
Un autre décret, en cours de concertation, étendra prochainement le bouclier tarifaire aux ménages bénéficiant d’un chauffage collectif électrique. Ce bouclier sera rétroactif à partir du mois de juillet, et étendu sur toute l’année 2023.
Le périmètre permettra une couverture de tous les logements, y compris les logements du parc social, ainsi que des parties communes.
L’objectif du Gouvernement est évidemment de protéger tous les Français de la même manière. Nous travaillons d’ailleurs très étroitement avec l’ensemble des acteurs pour veiller à ce que personne ne soit laissé de côté.
Par ailleurs, s’agissant du chèque énergie, nous mènerons des travaux complémentaires pour déterminer comment les locataires de logements dotés d’un chauffage collectif pourraient utiliser ce chèque pour régler directement leurs charges, ce qui pose aujourd’hui des difficultés juridiques et opérationnelles.
Dans l’attente de ces travaux, je souhaite insister sur le fait que ces locataires peuvent d’ores et déjà utiliser le chèque énergie dont ils sont bénéficiaires pour le paiement de leur facture d’électricité individuelle, liée à leur propre contrat.
Merci pour votre réponse, madame la ministre. Par ma question, je souhaitais aussi attirer votre attention sur les agissements des fournisseurs d’énergie vis-à-vis des bailleurs sociaux.
Les fournisseurs ne répondent plus aux appels d’offres ; dans les relations de gré à gré, ils laissent parfois à leurs clients une ou deux heures seulement pour prendre une décision sur un prix qui peut être extravagant. Les contrats proposés ont un caractère léonin, en tout cas par la durée imposée, souvent aussi par les montants en jeu. Je souhaite vraiment que le Gouvernement prête attention à cette situation.
La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 273, adressée à Mme la ministre de la transition énergétique.
Madame la ministre, le Gouvernement entend-il réviser l’arrêté du 5 juillet 1990 fixant les consignes générales de délestages sur les réseaux électriques, afin de faire figurer les services d’eau potable et d’assainissement parmi les activités relevant du service prioritaire ?
En cas de débordement des eaux usées ou d’arrêt du fonctionnement des stations de pompage ou d’épuration, qui ne peuvent pas toutes disposer de groupes électrogènes, on encourt en effet des risques importants en matière d’alimentation en eau potable, de sécurité incendie et de protection des milieux aquatiques.
La filière conchylicole s’inquiète, en cette période de forte activité, de possibles coupures d’électricité affectant les équipements d’assainissement collectif.
Il est tout à fait incompréhensible que les services publics de l’eau et de l’assainissement ne constituent pas, de façon systématique, des activités relevant des services prioritaires, au vu des incidences en termes de salubrité publique et de pollution.
Par ailleurs, alors que des aides de compensation sont prévues pour les entreprises du secteur de l’eau et de l’assainissement de droit privé, les régies publiques du même secteur n’y seraient pas éligibles.
En Charente-Maritime, la régie d’exploitation des services d’eau est le premier opérateur de production et de distribution d’eau potable sous statut d’établissement public à caractère industriel et commercial ; ses dépenses d’électricité devraient passer de 3 millions en 2021 à 8, 6 millions d’euros en 2024.
Dans quelles conditions de tels opérateurs peuvent-ils accéder aux mesures mises en place pour les collectivités ou les entreprises ?
Madame la ministre, j’aimerais connaître les réponses que vous pouvez apporter à ces deux questions, car il y a urgence à agir.
Monsieur le sénateur Daniel Laurent, notre pays traverse sa plus grave crise énergétique depuis les chocs pétroliers des années 1970. La crise ukrainienne et la volonté de la Russie d’utiliser l’approvisionnement énergétique comme moyen de pression entraînent des tensions sans précédent sur les marchés du gaz et, par voie de conséquence, sur les marchés électriques.
La communication réalisée par le Gouvernement depuis la fin du mois de novembre a permis de rappeler que toutes les dispositions nécessaires pour aborder l’hiver dans les meilleures conditions possible ont été prises ou sont en cours d’instruction.
Le premier levier activé est celui de la réduction de notre consommation d’électricité, qui s’intègre dans la démarche plus globale du plan de sobriété énergétique.
Le second levier est celui de la maximisation des moyens de production. Cela passe d’abord par le suivi rapproché de la disponibilité nucléaire et par la sécurisation de nos approvisionnements en gaz. Cela passe aussi par l’accélération des projets d’énergies renouvelables en cours ou par l’autorisation d’usages à des seuils supérieurs au cadre usuel.
Néanmoins, la Première ministre a précisé que, si le système électrique venait à être confronté à une situation de tension inédite et si tous les autres leviers activés se révélaient insuffisants, des coupures locales, ciblées et temporaires pourraient théoriquement intervenir en dernier recours pour certains usagers raccordés aux réseaux publics de distribution d’électricité.
Les installations d’eau potable et d’assainissement ne figurent pas explicitement dans l’arrêté du 5 juillet 1990 fixant les catégories d’usagers dits « prioritaires ». Cela ne signifie pas pour autant que ces installations ne sont pas prises en compte par les préfets dans l’exercice de priorisation qu’ils réalisent à l’échelon local.
Au regard des différentes demandes et difficultés qui ont pu émerger dans le cadre de l’élaboration des listes d’usagers prioritaires, le Gouvernement a conscience du besoin de réinterroger les critères de priorité inscrits dans l’arrêté du 5 juillet 1990.
Dans le cas où des évolutions seraient nécessaires, celles-ci ne devraient toutefois pas conduire à élargir trop sensiblement le champ des usagers pouvant être priorisés, car les consommations électriques préservées ne doivent pas dépasser 38 % de la consommation du département.
Ce travail pourra être mené en 2023, à l’aune du retour d’expérience de l’hiver 2022-2023.
Votre réponse, madame la ministre, ne me satisfait pas tout à fait.
Une circulaire transmise aux préfets précise que ceux-ci devront porter une attention particulière aux gestionnaires des services publics d’eau et d’assainissement. Convenez que cela n’est pas suffisant au vu des risques sanitaires : vous savez bien que, dans une ville, si l’assainissement est hors service pendant trop longtemps, il y aura des catastrophes et l’insalubrité sera totale !
La parole est à Mme Brigitte Lherbier, auteur de la question n° 296, adressée à Mme la ministre de la transition énergétique.
Madame le ministre, j’aimerais attirer l’attention du Gouvernement sur le problème que pose, dans de nombreuses communes, l’installation de nouvelles éoliennes.
Étant sénateur des Hauts-de-France, j’ai reçu sur ce sujet des appels de Nordistes, notamment du Dunkerquois, qui sont très réticents.
En effet, des élus locaux ne comprennent pas pourquoi des opérateurs sont autorisés à procéder à de nouvelles installations alors que des éoliennes anciennes attendent toujours d’être rénovées, réparées, ou même démantelées.
En effet, la côte d’Opale est, depuis plusieurs années, un lieu expérimental d’implantation d’éoliennes en bordure de mer, entre Dunkerque et Berck. Mon collègue Jean-François Rapin, sénateur du Pas-de-Calais, pourra le confirmer.
Des habitants de la région ont relevé un nombre important d’éoliennes défectueuses, notamment sur le site de Widehem. Je me suis rendue sur place pour constater qu’effectivement de nombreux moulins ne tournaient pas, ou ne tournaient qu’extrêmement lentement. Les pales étaient, pour la plupart, manquantes ou cassées.
Ces éoliennes avaient été mises en service en 2000 et 2001. Or la tempête du 6 janvier 2012 a déchiqueté les pales de nombreuses installations. Pour autant, aucune réparation n’a été constatée jusqu’à présent.
Chaque élu cherche à lutter contre la pénurie d’énergie qui frappe notre pays. Il nous faut cependant préserver nos sites naturels d’une pollution visuelle et terrestre, en obligeant les opérateurs à procéder à un entretien rigoureux et rapide de ces installations.
Madame le ministre, que comptez-vous faire à ce sujet ? N’oublions pas qu’il est nécessaire d’emporter l’adhésion des élus si l’on veut développer l’utilisation des éoliennes !
Madame la sénatrice Lherbier, vous m’interrogez sur la possibilité d’instaurer de nouvelles obligations de réparation ou de démantèlement des éoliennes endommagées préalablement à la construction et à l’installation de nouveaux appareils.
La crise actuelle nous rappelle l’importance de la maîtrise de notre production d’énergie. Nous devons mettre fin à notre dépendance énergétique vis-à-vis d’autres pays. C’est pourquoi le Gouvernement agit pour accélérer le développement des énergies non carbonées, à savoir les énergies renouvelables et l’énergie nucléaire.
La ministre de la transition énergétique a lancé un grand plan d’accélération des énergies renouvelables : son volet réglementaire comporte déjà près de trente textes entrés en vigueur depuis cet été ; son volet organisationnel est mis en œuvre par les services déconcentrés de l’État pour accélérer le traitement des projets.
Le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables constitue le volet législatif de ce grand plan. Il est actuellement examiné par l’Assemblée nationale après son adoption, à la quasi-unanimité, par le Sénat.
L’article 3 de ce texte, voté la semaine dernière par l’Assemblée, permettra d’instituer, dans tous les territoires, des zones d’accélération du développement d’énergies renouvelables.
Aux termes de son article 1er quinquies A, « en cas de renouvellement d’une installation de production d’énergie renouvelable, les incidences notables que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement sont appréciées au regard des incidences potentielles résultant de la modification ou de l’extension par rapport au projet initial ».
Il est donc légitime de s’interroger sur l’utilisation la plus efficiente possible des éoliennes et sur la manière dont elles peuvent être réparées ou démantelées. Le cadre réglementaire actuellement en vigueur se fonde sur l’arrêté ministériel du 26 août 2011, qui a été modifié le 10 décembre 2021 pour préciser que les obligations de démantèlement, jusqu’à l’excavation totale des fondations, s’appliquent aussi en cas de renouvellement d’un parc.
Par ailleurs, la France s’implique sur ce sujet à l’échelon européen. Un accord politique a été trouvé entre les ministres de l’énergie des États membres de l’Union européenne lors de la réunion du Conseil du 24 novembre dernier. Il fixe une durée maximale de six mois à la procédure d’octroi de permis pour les projets de repowering ; ce délai inclut toutes les évaluations des incidences de ces projets sur l’environnement. Cet accord devrait donner lieu à un règlement européen dans les toutes prochaines semaines.
La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian, auteur de la question n° 279, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Madame la secrétaire d’État, l’article 3 de la Constitution dispose que le suffrage « est toujours universel, égal et secret ».
Dans le cas des élections sénatoriales des Français établis hors de France, l’atteinte que porte le vote par procuration au principe de secret du suffrage est plus que légitime et proportionnée.
L’article 53 de la loi du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France permet le vote par procuration. Son article 51 exige que la liste d’émargement reste déposée sur la table du bureau de vote pendant toute la durée des opérations de vote, mais ne prévoit nullement que ce registre doive être communiqué avant le vote.
Pourtant, le secrétariat de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE), qui organise cette élection, communique aux membres du collège électoral qui en font la demande le registre des procurations, avant le vote.
Ce registre dématérialisé, facilement communicable à des tiers, contient les noms des mandants et de leurs mandataires. Or, si l’on connaît la sensibilité politique du mandataire, qui doit obligatoirement faire partie du collège électoral – rappelons que celui-ci est très limité, puisqu’il n’est composé que de 533 grands électeurs –, il est aisé de deviner pour qui le mandant entend voter.
Il m’a été signalé à de multiples reprises que des reproches avaient été adressés à certains mandants à la suite de la communication de ce registre. Ces commentaires sont même allés jusqu’à provoquer l’établissement d’une nouvelle procuration, certains électeurs ayant eu peur de subir des représailles politiques.
Pour éviter les pressions, il me semble que la loi doit être interprétée strictement.
Ne serait-il pas possible, et même préférable, d’exiger de l’administration qu’elle limite la communication du registre des procurations à une simple consultation de la version imprimée de la liste d’émargement le jour du vote ?
Madame la sénatrice Renaud-Garabedian, en 2022, pour les deux tours de l’élection présidentielle, puis des élections législatives, plus de 3, 7 millions de procurations ont été établies par les Français.
Le vote par procuration constitue une dérogation, reconnue par le Conseil constitutionnel, au principe du vote secret et personnel. À ce titre, il fait l’objet d’une procédure encadrée et contrôlée, en particulier pour éviter toute fraude électorale.
Dans ce cadre, seul le registre des procurations permet à un électeur doutant de la régularité de l’établissement d’une procuration de soulever ce grief à l’appui d’une saisine du juge électoral.
Afin de garantir l’effectivité du contrôle des procurations par les électeurs, ce registre, désormais extrait du répertoire électoral unique (REU), comprend toujours les noms et prénoms du mandant et du mandataire, ainsi que l’identité et la qualité de l’autorité qui a établi la procuration, la date et le lieu de son établissement, et la durée de validité de la procuration.
Ces éléments sont des garanties tant pour les électeurs qui souhaiteraient introduire un recours que pour les membres du bureau de vote, car ils leur permettent de contrôler la véracité des procurations et ainsi la transparence et la sincérité du scrutin. Le registre est un instrument indispensable pour examiner à la fois les identités des mandants et des mandataires et le respect du plafond des procurations.
Dès lors, la mise à disposition du registre des procurations, même dans le cas que vous évoquez d’un collège électoral peu nombreux, est indispensable.
Néanmoins, pour répondre précisément à votre interrogation, le seul fait de pouvoir identifier le mandant et le mandataire d’une procuration sur le registre des procurations ne saurait constituer une atteinte au secret du vote, dans la mesure où cette identification ne conduit pas à une divulgation réelle du choix de l’électeur.
Si un électeur se trouvait être soumis à des pressions, il devrait saisir sans attendre le juge électoral, qui est compétent pour rechercher si d’éventuelles manœuvres ont été de nature à altérer la sincérité du scrutin.
C’est pour ces raisons, madame la sénatrice, que le Gouvernement n’envisage pas de supprimer les mentions relatives aux noms et prénoms des mandataires sur le registre des procurations.
La parole est à M. Pascal Martin, auteur de la question n° 090, transmise à Mme la ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.
Madame la secrétaire d’État, comme vous le savez, le permis de conduire est, pour les jeunes, un véritable passeport vers l’autonomie.
Il se révèle vital pour ceux qui résident dans des zones rurales ou périurbaines, là où les Français ne peuvent compter que sur des solutions de transport personnelles pour leur vie sociale, scolaire et professionnelle.
Nous sommes aujourd’hui confrontés à une double réalité : d’un côté, les mesures mises en place pour faire baisser le prix du permis de conduire ne sont pas suffisamment opérantes ; de l’autre, les écoles de conduite voient leurs frais augmenter drastiquement du fait de l’inflation.
Seule une action concrète sur les financements permettrait d’aider les jeunes à accéder à la mobilité et à l’emploi.
Les professionnels proposent de mettre en œuvre une mesure utile, qui profiterait à la grande majorité des jeunes et aurait un impact financier limité pour l’État : la portabilité du compte personnel de formation (CPF) au sein de la cellule familiale.
Ainsi, les parents pourraient utiliser tout ou partie des sommes créditées sur leur compte personnel de formation pour financer la formation de leurs enfants au permis de conduire.
Sur le modèle de la portabilité d’autres droits acquis, tels que les pensions de réversion, ou encore les congés et jours de RTT, on renforcerait ainsi l’efficacité du CPF, qui connaît certes un fort engouement, mais ne bénéficie pas toujours à ceux qui en auraient le plus besoin, notamment les jeunes âgés de 16 à 24 ans.
Cette mesure renforcerait la solidarité intergénérationnelle en concentrant l’allocation des ressources des travailleurs sur un enjeu d’emploi, d’égalité et de justice sociale.
Je vous demande, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir me préciser votre position sur ce sujet.
Monsieur le sénateur Pascal Martin, le dispositif du compte personnel de formation, tel qu’il est conçu, offre des droits attachés à chaque personne tout au long de sa carrière professionnelle ; il constitue un réel progrès social.
En effet, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a instauré un droit individuel utilisable par tout salarié, tout au long de sa vie active, y compris en période de recherche d’emploi, pour suivre une formation certifiante. Le CPF est alimenté automatiquement au début de l’année qui suit l’année travaillée et les droits qui y sont afférents restent acquis même en cas de changement d’employeur.
Ces droits sont ainsi rattachés au salarié tout au long de sa vie professionnelle ; à ce titre, ils ne peuvent faire l’objet d’un don. Ils s’appuient sur un fonds mutualisé, issu de la contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance, obligatoirement versée par les entreprises, qui permet aujourd’hui le financement de plus de deux millions de comptes par an.
L’initiative que vous proposez pourrait être intéressante, mais les droits au CPF reposent sur cette contribution qui vise à couvrir les demandes des bénéficiaires s’inscrivant dans une démarche individuelle de formation ; à ce titre, ils ne peuvent devenir cessibles.
La formation au permis de conduire est aujourd’hui une action éligible au CPF, dans la mesure où elle contribue à la réalisation ou à la sécurisation du projet professionnel du titulaire du compte.
En outre, le Gouvernement a développé plusieurs aides afin d’accompagner les jeunes de 15 à 25 ans, les apprentis d’au moins 18 ans, les demandeurs d’emploi et les personnes en situation de handicap dans le financement de leur permis de conduire.
Par exemple, chaque jeune de 15 à 25 ans peut bénéficier du dispositif « permis à 1 euro par jour », qui permet un échelonnement du paiement de cette formation, sans intérêt et avec des mensualités plafonnées à 30 euros.
Madame la secrétaire d’État, le CPF est un progrès social, c’est incontestable. Il conviendrait selon moi d’envisager de le rendre cessible.
En effet, même si des collectivités, et notamment certaines communes, font des efforts d’accompagnement pour les jeunes, il n’en reste pas moins que, pour ceux d’entre eux qui connaissent de vraies difficultés, cette solution serait tout à fait intéressante.
La parole est à Mme Elsa Schalck, auteure de la question n° 021, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Madame la secrétaire d’État, je souhaiterais vous interroger sur une évolution de société qu’appellent de leurs vœux de plus en plus de nos concitoyens et d’élus : pouvoir faire de la forêt sa dernière demeure.
Une forêt cinéraire est définie comme un site d’inhumation d’urnes funéraires biodégradables. Elle permet de vivre le deuil différemment, en offrant des lieux de mémoire et de recueillement en pleine nature, qui sont aussi pour les familles des défunts une alternative plus économique et écologique que les cimetières classiques. Cette approche prend également en compte le manque de places dans ces derniers. Comme dans un cimetière, chaque arbre d’une telle forêt devient une concession pérenne.
Les forêts cinéraires existent dans des pays européens voisins, à l’instar de la Suisse, du Luxembourg et de l’Allemagne, où la première forêt cinéraire a été inaugurée il y a déjà vingt et un ans et où l’on en recense actuellement une centaine.
Malheureusement, dans notre pays, la réglementation peut être bloquante, comme a pu nous le montrer l’exemple de la commune d’Arbas, en Haute-Garonne, dont le projet a été arrêté en raison de blocages administratifs dus à des contradictions au sein des services de l’État.
Ces contradictions résultent d’incompatibilités avec le droit funéraire en vigueur : en France, disperser les cendres d’un défunt en pleine nature est autorisé, mais l’opération doit être gratuite. En outre, une urne inhumée doit permettre la conservation des cendres, ce qui interdit en l’état les urnes biodégradables.
En Alsace, les communes sont de plus en plus nombreuses à vouloir disposer d’une forêt cinéraire et trouvent, à cette fin, d’autres solutions. C’est le cas de la commune de Muttersholtz, dans le Bas-Rhin, qui a décidé d’implanter une telle forêt grâce à des urnes fabriquées avec des matériaux naturels, comme le bois ou la pierre.
La commune d’Illkirch-Graffenstaden en fera de même sous peu en créant un jardin des souvenirs, qui permettra d’allier nature et lieu de mémoire.
Madame la secrétaire d’État, comment comptez-vous accompagner les communes qui s’engagent dans un projet de forêt cinéraire ? Envisagez-vous de préciser le cadre juridique pour de tels aménagements ?
Madame la sénatrice Schalck, les projets de forêt cinéraire constituent des sites cinéraires dits « isolés », car ils sont situés hors d’un cimetière et ne sont pas contigus à un crématorium. La création et la gestion de ces sites reviennent exclusivement aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre.
Les projets que vous évoquez ne peuvent être mis en œuvre car ils sont incompatibles avec le droit funéraire en vigueur. En effet, l’inhumation d’une urne biodégradable dans ce type de site, après réservation d’un emplacement, revient à faire payer aux familles des prestations qui doivent être gratuites.
En l’état actuel du droit, la dispersion des cendres à l’issue de la crémation est notamment autorisée « en pleine nature ». Cette opération, qui peut par exemple s’effectuer au sein d’un espace naturel forestier, est gratuite, mais ne peut donner lieu à la matérialisation d’une sépulture.
Le Gouvernement reste toutefois attentif à cette situation et aux attentes des élus locaux souhaitant s’engager dans ces projets. Afin de les accompagner, les services de l’État demeurent à la disposition des collectivités qui souhaitent, dans le respect du droit en vigueur et en veillant à la protection des intérêts des familles et de la dignité des défunts, créer un site cinéraire isolé, à l’esthétique et au fonctionnement plus écologiques que les cimetières et les sites cinéraires traditionnels.
La parole est à M. Jean-François Rapin, auteur de la question n° 123, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Madame la secrétaire d’État, en 2015, les moyens de la sécurité civile du Pas-de-Calais se sont vus amputés par le transfert de l’hélicoptère Dragon 62, qui opérait sur le département, vers la Guyane. Je ne conteste pas ce transfert, la Guyane ayant besoin de moyens complémentaires de sécurité civile.
Néanmoins, le département du Pas-de-Calais revêt en ce moment un caractère particulier, notamment dans la zone du Touquet, où l’hélicoptère Dragon 62 était implanté.
En effet, vous le savez, sur ce littoral, plusieurs questions importantes se posent.
Tout d’abord, le tourisme évolue énormément : la fréquentation augmente de façon exponentielle. Or la confluence de trois estuaires implique des dangers substantiels, notamment liés aux marées montantes.
Par ailleurs, nous sommes confrontés au problème migratoire, dont l’enjeu est à la fois la surveillance des côtes et les interventions pour secours aux personnes.
Madame la secrétaire d’État, les élus du Pas-de-Calais, mais aussi les services de secours, qui le réclament souvent, souhaitent que soit de nouveau envisagée la réimplantation de cet hélicoptère sur l’aéroport du Touquet, au mieux sur une période annuelle, au pire sur une période estivale.
Dans le contexte de la renégociation du schéma d’implantation, que compte faire le Gouvernement pour ce département ?
Monsieur le sénateur Rapin, la flotte d’hélicoptères de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) compte actuellement 35 hélicoptères – nombre qui sera porté à 37 d’ici à quelques jours.
L’acquisition de nouveaux appareils – deux en 2021 et deux en 2022 – a ainsi permis, dans un temps court, de résoudre en partie les difficultés liées aux défaillances du prestataire logistique et au vieillissement du parc d’hélicoptères EC145.
Mais l’équilibre reste fragile, entre la ressource humaine disponible et une ressource technique qui n’est pas encore optimale, à tel point qu’un détachement permanent est actuellement fermé depuis plus d’un an.
Dans le cadre du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), ont été actés le renouvellement de la flotte actuelle et l’atteinte d’un objectif cible de 40 appareils, objectif qui permettra de remplir le contrat opérationnel d’ouverture des bases et détachements existants en lien avec les ressources humaines disponibles.
Une étude sur l’implantation et la répartition actuelle des bases pourra alors être conduite, en lien avec les implantations des hélicoptères de la gendarmerie nationale et de celles des HéliSmur du service mobile d’urgence et de réanimation (Smur). Elle concernera bien entendu la faisabilité de l’ouverture d’une base dans la zone de défense nord.
Dans cette attente, je rappelle que la région Hauts-de-France dispose de sept hélicoptères, dont trois d’État. Ainsi, quatre HéliSmur sont implantés respectivement à Amiens, Arras, Laon et Lille, un EC135 et un Écureuil de la gendarmerie nationale sont implantés à Amiens et un Dauphin de la marine nationale au Touquet.
Ces implantations permettent donc de couvrir actuellement les besoins en l’absence d’hélicoptère de la sécurité civile.
Merci de votre réponse, madame la secrétaire d’État. Je m’attendais à ce que vous dressiez un panel de ce qui existe dans les Hauts-de-France, mais, vous le savez, les interventions du service d’aide médicale urgente (Samu) ne sont pas les mêmes que celles de la sécurité civile.
Vous avez cité le Dauphin de la marine nationale : j’en suis heureux, mais je vous signale qu’il est actuellement impossible de coordonner les actions de la sécurité civile, du Samu et de la marine nationale. En effet, les heures d’intervention de cette dernière étant limitées, l’hélicoptère ne peut pas être mobilisé à tout instant.
La parole est à M. Didier Marie, auteur de la question n° 236, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur le problème rencontré par la ville de Rouen dans le cadre de la dépénalisation du stationnement payant.
La collectivité fait usage de véhicules à lecteur automatique de plaques d’immatriculation pour sanctionner le non-paiement du stationnement. Elle a conclu une convention avec l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions (Antai), qui est chargée de l’envoi du forfait de post-stationnement à l’adresse de la carte grise des propriétaires de véhicules en défaut de paiement.
Si ce forfait de post-stationnement n’est pas acquitté dans les délais, la direction générale des finances publiques (DGFiP) adresse un avertissement avec une majoration à hauteur de 50 euros. Or c’est à cette étape de la procédure qu’un grand nombre d’usagers indiquent n’avoir pas reçu ce forfait de post-stationnement. Ceux-ci saisissent alors la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP), qui interroge à son tour l’Antai sur la preuve de l’envoi de ce forfait à l’adresse référencée sur la carte grise du requérant.
L’Agence n’apportant jamais la preuve demandée, la CCSP annule systématiquement la majoration et demande à la collectivité d’adresser à l’Antai cette décision d’annulation. Quand la CCSP annule la majoration ou la somme du forfait et de la majoration, l’Agence doit alors prévenir la DGFiP pour procéder au remboursement.
Toutefois, la collectivité a constaté que la décision d’annulation n’est pas systématiquement transmise à la DGFiP, car les requérants qui n’ont pas obtenu remboursement sollicitent la CCSP pour faire exécuter les décisions. La collectivité regrette l’illisibilité du processus et craint donc que cela n’aboutisse à des condamnations pécuniaires à son encontre.
Madame la secrétaire d’État, que compte entreprendre le Gouvernement pour simplifier les échanges entre l’ensemble de ces administrations et la commune ?
Monsieur le sénateur Marie, l’Antai a été sollicitée, dès 2018, lors de la mise en place de la réforme du stationnement payant, pour proposer plusieurs services aux collectivités sur leur territoire.
L’Agence joue ainsi un rôle double : d’une part, elle assure, pour les collectivités qui en font le choix, l’édition et l’envoi des avis de paiement des forfaits de post-stationnement (FPS) ; d’autre part, elle émet le titre permettant la majoration de 50 euros pour le compte de l’État, si l’avis de paiement de FPS n’a pas été réglé dans un délai de trois mois.
En 2021, l’Agence a ainsi adressé plus de 11 millions d’avis de paiement de FPS pour le compte de différentes collectivités locales, dont environ 132 000 pour la ville de Rouen – chiffre à mettre en perspective avec les 52 millions de courriers traités annuellement par l’Antai.
Elle apportait jusqu’à présent les informations relatives à l’envoi des avis de paiement aux collectivités locales qui le lui demandaient ; charge à celles-ci de les relayer devant la CCSP pendant l’instruction des requêtes. Toutefois, la jurisprudence de cette juridiction administrative tend à ne pas reconnaître à ces informations la valeur de preuve de la notification.
Afin de trouver une solution à ce problème, l’Agence développe, depuis 2021, une interconnexion informatique avec la CCSP qui devrait permettre, à terme, la transmission des éléments de preuve quant à la notification des avis de paiement de FPS.
En ce qui concerne les décisions rendues par la CCSP, et contrairement à ce qui a pu être indiqué, l’Antai transmet systématiquement à la DGFiP les messages d’annulation de FPS envoyés par les collectivités.
Néanmoins, l’augmentation du nombre de requêtes déposées devant la CCSP au fil des ans – plus de 150 000 en 2021 – a mécaniquement allongé les délais de traitement des dossiers. Il peut se passer un délai important entre la contestation du FPS majoré et la prise de décision de la CCSP, pendant lequel des dossiers peuvent avoir été sortis pour archivage dans les trésoreries locales.
Par conséquent, les trésoreries doivent alors passer d’un traitement rapide et automatisé du remboursement à un traitement manuel qui allonge, par définition, les délais de remboursement.
La parole est à Mme Mélanie Vogel, auteure de la question n° 307, transmise à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Madame la secrétaire d’État, vous le savez, lors d’un vote historique à l’Assemblée nationale le 24 novembre dernier, les députés ont adopté une proposition de loi constitutionnelle visant à introduire le droit à l’avortement dans la Constitution.
Cette proposition de loi, qui était portée par Mathilde Panot, a été adoptée grâce à des votes émanant de tous les groupes, validant une proposition de formulation commune à une écrasante majorité.
Le Gouvernement s’est déclaré, depuis la réélection d’Emmanuel Macron, favorable à cette modification de la Constitution – sa position ayant été contraire durant le premier mandat, je m’en félicite !
Ma question est la suivante : le Gouvernement compte-t-il déposer un projet de loi visant à inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution ?
En effet, il s’agirait du véhicule législatif le plus approprié, car le chemin parlementaire d’une proposition de loi ne nous permet pas d’adopter celle-ci en Congrès, et nous impose de passer par un référendum.
Or un référendum ne paraît ni nécessaire ni justifié sur le plan démocratique, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, 86 % de la population se déclare favorable à cette modification. Nous ne voyons donc pas pourquoi il serait absolument nécessaire d’organiser un référendum.
Par ailleurs, l’organisation d’un référendum coûte des dizaines de millions d’euros. À un moment où les finances publiques sont, nous dit-on, sous tension, pourquoi dépenserions-nous une telle somme pour poser aux Françaises et aux Français une question à laquelle nous connaissons déjà la réponse ?
Enfin, la tenue d’un référendum implique une campagne référendaire. Celle-ci se tiendrait alors pendant des mois, durant lesquels toutes les personnes qui s’opposent au droit à l’avortement disposeraient d’une tribune pour s’opposer à un droit pourtant défendu par une écrasante majorité des Françaises et des Français.
Je le redis, ma question est très simple : le Gouvernement déposera-t-il un projet de loi ? Attendez-vous un vote favorable du Sénat ou comptez-vous agir avant ? Surtout, si vous ne voulez pas agir en ce sens, pouvez-vous nous expliquer pourquoi car personne n’en comprend les raisons ?
Madame la sénatrice Vogel, le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) pour nos concitoyennes est l’un de nos droits fondamentaux les plus absolus.
Nul – je dis bien nul – ne doit pouvoir retirer aux femmes le droit de disposer de leur corps. C’est pourquoi le Président de la République a annoncé, dès janvier dernier, vouloir l’inscrire dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
La décision choquante et incompréhensible de la Cour suprême outre-Atlantique n’a fait que renforcer notre volonté en ce sens. Certains diront que l’exemple américain n’a pas sa place en France. Certes, nos institutions fonctionnent différemment ; le droit à l’IVG est ici mieux protégé. Mais, de grâce, ne prenons pas de risque, car il suffira d’une crise pour que le droit des femmes soit remis en cause !
C’est pourquoi, comme l’ont annoncé la Première ministre et le garde des sceaux, le Gouvernement appuiera toutes les initiatives parlementaires engagées sur cette question. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait le 19 octobre dernier en soutenant avec force votre proposition de loi, madame la sénatrice. Malheureusement, ce texte, qui évoquait également la contraception, a été rejeté de seulement 17 voix – nous le regrettons.
Vous le savez, le 24 novembre dernier, le garde des sceaux a de nouveau répondu présent en soutenant la proposition de loi de la présidente Panot qui a, elle, été largement adoptée à l’Assemblée nationale, ce dont le Gouvernement se félicite.
Je note d’ailleurs que, pour concentrer nos efforts, la majorité et la présidente Aurore Bergé ont retiré leur proposition de loi.
Il revient désormais au Sénat de se prononcer sur la nouvelle version adoptée, qui est selon nous plus à même de faire consensus en ce qu’elle ne mentionne pas la contraception et renvoie à la loi.
En effet, je rappelle que, en matière de révision constitutionnelle, quel que ce soit le véhicule législatif – que ce soit une proposition de loi ou un projet de loi –, la règle est la même : il faut que les deux chambres donnent leur accord. Or cela ne semble pas être acquis à ce stade, en particulier en ce qui concerne la chambre dans laquelle nous nous trouvons.
Le Parlement est dans son rôle, le Gouvernement est dans le sien pour soutenir ces initiatives, qui sont engagées et cheminent, afin que le droit à l’IVG soit enfin protégé dans notre norme suprême.
La parole est à M. Serge Mérillou, auteur de la question n° 293, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Monsieur le ministre, Noël approche et, cette année, le foie gras du Périgord – et de bien d’autres régions – se fera malheureusement rare sur les tables. Symbole de l’excellence de notre gastronomie, la filière gras nage en plein cauchemar.
Le 6 décembre, trois nouveaux foyers d’influenza aviaire ont été détectés en Dordogne. Quelque 600 éleveurs du Périgord sont menacés, et avec eux toute une économie basée sur la vente directe ou l’agrotourisme. L’activité des acteurs de la filière périgourdine a été réduite de 60 % du fait de la grippe aviaire, alors que la crise sanitaire avait déjà entraîné une mise à l’arrêt de la production.
Plans de mise à l’abri, de claustration et d’abattage des bêtes… Ces moyens de lutte contre la propagation de l’épidémie sont efficaces, mais ne doivent pas constituer la panacée. Il nous faut un vaccin, et vite !
Face aux pertes colossales engendrées par cette épidémie, nous devons impérativement soutenir la filière. Les éleveurs sont pris à la gorge. Certains n’ont pas encore reçu le solde des abattages d’avril et sont de nouveau contraints de réduire leur nombre d’animaux…
Il y a véritablement urgence. Pourtant, les aides et subventions de l’État ne sont pas à la hauteur. Dépenses de mise aux normes, achat de nouveaux animaux, frais énergétiques en hausse : la filière est plus que jamais fragilisée.
Nous devons aller plus loin dans l’accompagnement des acteurs et dans la prise en charge totale des pertes, et ce dans des délais raisonnables.
Monsieur le ministre, le 7 décembre, vous disiez ici même qu’une partie de la filière aurait disparu sans les aides accordées l’année dernière. Personne ne le conteste. Toutefois, la situation a encore empiré et rien ne présage une embellie. Envisagez-vous de renforcer les aides accordées à la filière ? Avez-vous des précisions à apporter aux éleveurs concernant le vaccin ?
Monsieur le sénateur Mérillou, merci de votre question, qui nous permet à nouveau de parler de cette filière durement touchée depuis des années et en particulier en 2022, avec des perspectives pour 2023 qui n’engagent pas à l’optimisme.
Tout d’abord, nous avons été obligés de renforcer les mesures de protection, en passant le niveau de risque à élevé sur tout le territoire national, bien que la zone du Sud-Ouest, et plus largement du Grand Ouest, soit particulièrement concernée, afin de pouvoir répondre aux demandes.
Ensuite, nous avons mobilisé des moyens financiers. Vous estimez, monsieur le sénateur, qu’ils ne sont pas à la hauteur… Il me semble qu’un montant de 1, 1 milliard d’euros, sur un chiffre d’affaires de presque 7 milliards d’euros, représente tout de même des moyens importants.
Néanmoins, vous avez raison, les éleveurs sont confrontés à un problème de trésorerie, certains d’entre eux étant victimes pour la deuxième fois d’un épisode de grippe aviaire. J’ai donc décidé du versement d’une seconde avance à partir de la mi-janvier 2023, pour les éleveurs qui auront déposé un dossier de demande d’indemnisation avant la fin de l’année.
Nous ferons en sorte d’accélérer le processus pour permettre aux éleveurs de faire face, grâce aux dispositifs qui sont à l’œuvre, aux problèmes de trésorerie, ceux-ci constituant, me semble-t-il, la plus grande urgence.
Ensuite, à une échelle plus globale, nous devons travailler à dédensifier les élevages, comme cela a été fait, dans une partie de la région Sud-Ouest, au travers du plan Adour-Garonne, afin d’être plus résilients face aux épisodes de grippe aviaire. Je salue les travaux qui sont réalisés en ce sens avec la filière dans ce territoire ; ils ont vocation à être élargis au-delà de cette région une fois que nous aurons identifié les mesures à prendre.
Par ailleurs, la vaccination constitue évidemment un élément de réponse. Comme vous le savez, nous avons obtenu, sur ce sujet, de pouvoir mener une expérimentation dans cinq pays d’Europe, dont la France, où elle concerne particulièrement les palmipèdes.
Nous obtiendrons des réponses d’ici à la fin du mois de décembre ou au début du mois de janvier quant à la faisabilité de la vaccination. Ainsi, dès le début de l’année prochaine, je mettrai en place un plan définissant les moyens de déploiement de cette vaccination, afin de donner aux éleveurs des perspectives.
Il faudra également travailler sur les questions d’export, car nous devons nous mettre d’accord avec des pays tiers pour continuer à exporter malgré la vaccination – c’est ce à quoi je me suis employé pas plus tard qu’hier avec la Commission européenne.
La parole est à Mme Martine Filleul, auteure de la question n° 261, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Monsieur le ministre, j’ai été interpellée par les agriculteurs de la commune de Wambaix, dans le département du Nord, qui m’ont exposé la situation alarmante qu’ils connaissent en raison de la hausse des coûts de l’énergie.
En effet, les plants de pommes de terre doivent être conservés dans des bâtiments frigorifiques à une température de 2 degrés, pendant plus de sept mois, avant d’être expédiés aux agriculteurs chargés de les planter.
L’électricité est donc un facteur de production crucial pour la filière. Les contrats arrivent à leur terme et le prix du kilowattheure sera revu fortement à la hausse.
La consommation de ces agriculteurs ne leur permet pas de bénéficier du bouclier tarifaire. Malgré des travaux d’isolation, les factures pourraient atteindre jusqu’à 500 % d’augmentation par rapport à 2021 – j’insiste, 500 % d’augmentation !
L’incapacité des agriculteurs à réfrigérer les plants entraînerait une chute de la production de pommes de terre. Or celle-ci est déjà réduite en raison de la crise du covid, de la multiplication des pucerons et des sécheresses de l’été 2022.
On le sait, le Nord est le premier producteur de ce produit populaire. Il en nourrit d’ailleurs des millions de Français, dont c’est l’aliment préféré. Dans ce seul département, des centaines d’agriculteurs pourraient voir leur production compromise.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour venir en aide à ces producteurs de pommes de terre ?
Madame la sénatrice Filleul, je vous remercie de votre question. Vous avez raison, votre région est importante, la production de semences de pommes de terre se situant en amont dans la chaîne de production agricole. Les dérèglements climatiques et la question énergétique ont des effets importants sur la filière.
Qu’avons-nous fait jusqu’à présent ?
Tout d’abord, nous avons essayé d’atténuer la hausse des prix de l’énergie, car c’est là le problème principal. Les producteurs de plants de pommes de terre et d’endives – les producteurs d’endives rencontrent des difficultés du même ordre – bénéficient de l’allégement à son minimum légal européen de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) et du mécanisme d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) qui leur permet d’accéder à un tarif plus bas que celui du marché général.
Ensuite, le plan de résilience a permis d’abonder dès cette année l’enveloppe des prises en charge des cotisations sociales à hauteur d’environ 60 millions d’euros supplémentaires pour les exploitations confrontées à des hausses de charges significatives.
Par ailleurs, nous travaillons encore actuellement sur des dispositifs complémentaires – Bruno Le Maire et Roland Lescure les ont évoqués – et bien ciblés sur des filières très spécifiques, dont vous avez décrit la saisonnalité des appels d’énergie. Il s’agit de leur permettre de passer ce cap énergétique. Nous réfléchissons à la fois à des mécanismes d’aide et à de nouveaux soutiens de trésorerie, soit des prêts, soit des prêts garantis par l’État (PGE) dans le cadre du PGE Résilience.
Il s’agit là de mesures d’urgence, comme celles que j’ai évoquées précédemment pour la filière du foie gras.
Enfin, comme vous le savez, j’ai lancé un plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes. La filière de la pomme de terre est une filière d’excellence en France. Il faut travailler à améliorer la résilience de ces filières à la fois face aux questions énergétiques – je pense à la décarbonation d’un certain nombre d’entre elles – et au dérèglement climatique, dont on a pu mesurer les effets cette année. Les sécheresses à répétition, en particulier, ont eu de lourds effets sur la production, et pas seulement sur la production de semences.
Monsieur le ministre, vous avez pris un certain nombre de mesures. Vous en annoncez de nouvelles : je m’en réjouis mais il faut les mettre en œuvre le plus rapidement possible, car les agriculteurs ont réellement besoin de votre aide. Notre souveraineté alimentaire est en jeu.
La parole est à M. Philippe Mouiller, auteur de la question n° 262, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Monsieur le ministre, ma question porte sur les futures mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec), en cours de finalisation et qui préoccupent les élus deux-sévriens ainsi que les acteurs du Marais poitevin.
Le Marais poitevin, zone humide de 110 000 hectares, est aménagé sur la totalité de sa surface et l’agriculture y occupe une place prépondérante. Les prairies naturelles humides constituent le principal habitat naturel à préserver.
Depuis plus de vingt ans, l’État, les collectivités territoriales, les gestionnaires et les chambres d’agriculture mettent en œuvre une stratégie de reconquête du Marais, l’objectif étant en particulier de préserver les prairies naturelles et de regagner des surfaces.
C’est pourquoi, en complément des moyens mobilisés par le parc naturel régional du Marais poitevin, les mesures agroenvironnementales jouent un rôle central dans la panoplie des outils qui permettent d’atteindre cet objectif.
À compter de 2023, ce dispositif doit faire l’objet d’une révision, qui nourrit l’inquiétude de l’ensemble des acteurs du Marais poitevin, et en premier lieu des agriculteurs.
Recentrés sur la zone humide du Marais, des éleveurs, notamment deux-sévriens, n’auront plus accès aux mesures agroenvironnementales. De plus, la réforme entraînera des lourdeurs administratives en raison de la mise en place de l’obligation de réaliser un diagnostic d’exploitation et d’élaborer un plan de gestion pour chaque parcelle engagée. L’exploitant agricole aura également l’obligation de suivre une formation dans les deux premières années de son contrat et d’enregistrer ses pratiques au fil de l’année.
Les budgets annoncés devraient être inférieurs à ceux qui ont été jusqu’à présent distribués dans le cadre du précédent dispositif. Compte tenu de la réduction des enveloppes, un plafonnement à 15 000 euros sera instauré en Nouvelle-Aquitaine et les plafonnements dans les Pays de la Loire seront probablement revus.
Les diminutions des montants perçus par les éleveurs auront des impacts sur la situation financière des exploitations, sur l’accélération de la diminution du nombre d’éleveurs et sur la gestion des prairies.
Concrètement, les montants des indemnités par hectare vont être revus à la baisse.
Pourriez-vous nous préciser, monsieur le ministre, les mesures que vous entendez prendre afin de préserver cette zone humide ?
Le catalogue national des Maec annexé au plan stratégique national (PSN) a été élaboré dans le cadre d’une large concertation avec l’ensemble des parties prenantes.
Afin d’accompagner les agriculteurs selon leur niveau de performance environnementale initial, ce catalogue comprend plusieurs niveaux de mesures, adaptées à la diversité des contextes économiques, environnementaux et agronomiques des territoires – vous avez décrit les spécificités du vôtre, monsieur le sénateur.
Chaque cahier des charges du catalogue est assorti d’un montant unitaire national, qui permet de compenser les surcoûts et le manque à gagner résultant de la mise en œuvre des obligations prévues – c’est d’ailleurs le principe qui sous-tend ces mesures depuis très longtemps.
Ces montants ont fait l’objet d’une vérification par un organisme extérieur à l’administration, conformément à la réglementation européenne en vigueur.
En particulier, concernant la nouvelle Maec relative au maintien en eau des zones basses de prairies dans les marais, les calculs des surcoûts et du manque à gagner ont abouti à un montant de 216 euros par hectare et par an.
La différence de rémunération entre les mesures similaires dont pouvaient bénéficier jusqu’à présent les éleveurs du Marais poitevin et la nouvelle mesure du PSN provient d’une révision des modalités de calcul, qui prennent en compte les enjeux environnementaux, et seulement eux.
Les surcoûts liés aux pratiques de fertilisation ne sont effectivement plus rémunérés. Néanmoins, avec cette nouvelle méthode de calcul, toutes les surfaces de l’exploitation peuvent faire l’objet d’un engagement dans le cadre des mesures prévues, y compris les surfaces en bandes tampons le long des cours d’eau pour lesquelles il existe une interdiction de fertilisation du fait de la conditionnalité. La baisse du montant unitaire pourra donc être compensée par une augmentation des surfaces engagées des exploitations.
En outre, l’absence de rémunération de l’interdiction de fertilisation permet d’ouvrir la mesure à tout le territoire, y compris en zone vulnérable. Ces différents éléments ont fait l’objet de discussions avec les différentes parties prenantes.
Il convient enfin de noter que le cumul entre la Maec relative au maintien en eau des zones basses de prairies dans les marais et la Maec relative à la protection des espèces a été rendu possible à l’échelle de l’exploitation, mais aussi de la parcelle, ce qui permettra d’assurer une rémunération complémentaire aux agriculteurs.
J’ai bien pris note de votre remarque sur les éventuelles lourdeurs administratives, monsieur le sénateur. Je suis prêt à travailler sur ce sujet avec vous dans le cadre du déploiement de la politique agricole commune (PAC) 2023-2027.
Il n’est pas anormal, reconnaissons-le, que des éléments permettant d’attester que les mesures sur lesquelles l’agriculteur s’est engagé sont bien mises en œuvre, mais il faut veiller à alléger autant que possible les procédures administratives. On sait qu’il s’agit là d’un élément sensible pour les agriculteurs.
La parole est à Mme Catherine Deroche, auteure de la question n° 285, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Ma question porte sur la clarification du régime fiscal applicable à la solution adaptée et sécurisée de prise en charge des personnes en perte d’autonomie, qu’elles soient âgées et/ou en situation de handicap, qu’est l’accueil familial.
Selon la doctrine fiscale, les personnes contraintes de recourir à l’accueil familial bénéficient du maintien d’avantages fiscaux auxquels elles auraient eu droit, le cas échéant, si elles étaient restées chez elles en ayant recours à une aide à domicile.
Dans cette dernière hypothèse, les bénéficiaires ont droit à de nombreuses aides financières et les frais résultant de l’intervention d’un service d’aide à domicile ouvrent droit à un crédit d’impôt. Or ni la loi ni la doctrine ne précisent explicitement si le recours, par un bénéficiaire, à un organisme tiers permettant la coordination et la mise en œuvre d’un séjour en accueil familial, aux côtés des conseils départementaux, ouvre droit lui aussi à un crédit d’impôt.
Je souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur ce sujet.
Madame la sénatrice, je vous remercie pour cette question qui attire l’attention sur le soutien apporté par l’État aux familles en cas de perte d’autonomie de leurs proches.
Vous sollicitez en particulier une clarification publique de l’éligibilité au crédit d’impôt « services à la personne » (Cisap) des dépenses liées à ce que l’on appelle l’accueil familial.
L’accueil familial permet à une personne âgée ou handicapée d’être accueillie au domicile d’une personne rémunérée pour cette prestation. La personne hébergée signe avec l’accueillant familial un contrat qui fixe les conditions matérielles, humaines et financières de l’accueil. Le coût de l’accueil comprend différentes charges supportées par l’accueillant, comme la préparation des repas ou le repassage, ainsi que la rémunération de ce dernier. Comme vous le soulignez, ces prestations entrent pleinement dans le champ du crédit d’impôt.
En effet, afin de ne pas désavantager les personnes contraintes de recourir à l’accueil familial, ces dernières bénéficient du maintien des avantages fiscaux auxquels elles auraient eu droit, le cas échéant, si elles étaient restées chez elles en ayant recours à une aide à domicile. Elles sont ainsi éligibles au Cisap.
Concrètement, lorsque la pièce d’habitation au sein de la famille d’accueil constitue la résidence principale ou secondaire du bénéficiaire du crédit d’impôt, la rémunération de l’accueillant ouvre droit au Cisap.
La question que vous posez renvoie à une situation particulière, qui est celle des dépenses de coordination et d’intermédiation. Les activités visées peuvent être assurées par des plateformes de services à la personne, les groupements d’employeurs exclusivement dédiés aux services à la personne ou les unions et fédérations d’associations.
Comme cela est confirmé dans la circulaire du 11 avril 2019 relative à la déclaration et à l’agrément des organismes de services à la personne, les dépenses engagées en vue de financer les activités qui concourent directement et exclusivement à coordonner et à délivrer des services à la personne et qui sont rendues à la résidence du contribuable peuvent ouvrir droit au crédit d’impôt.
Par conséquent, je vous confirme que cette règle vaut également en cas d’accueil familial.
Les dépenses engagées au titre du recours à un organisme tiers permettant la coordination et la mise en œuvre de la délivrance de services à la personne éligibles au crédit d’impôt, dans le cadre d’un séjour en accueil familial, ouvrent elles-mêmes droit au crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, toutes autres conditions relatives au Cisap étant supposées être remplies.
Je vous remercie de cette clarification, monsieur le ministre.
Alors que l’on attend la loi Grand Âge et que l’on sait qu’il est nécessaire de proposer un large éventail de solutions d’accueil pour les personnes en perte d’autonomie ou en situation de handicap, l’accueil familial a toute sa place. Lors d’un récent débat sur la fin de vie, on a vu combien les accueillants de personnes âgées étaient importants.
La parole est à M. Christian Klinger, auteur de la question n° 209, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Cette question, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, porte sur les conséquences de la dissolution de Novarhéna.
Novarhéna devait être un outil de « projet de territoire », lancé en grande pompe par le ministre de la transition écologique de l’époque et annoncé comme étant « la référence à l’échelle européenne en matière d’économie bas-carbone ». Était prévue la création d’un espace frontalier favorable aux entreprises françaises et allemandes, qui devait entraîner un volume d’affaires de 130 millions d’euros. Par ailleurs, une extension du port rhénan avait également été envisagée. Enfin, une nouvelle zone industrielle devait être créée.
Cette société devait donc être « la » locomotive de la reconversion du territoire de Fessenheim. Ce sera surtout un fiasco, qui aura coûté au passage un demi-million d’euros. Novarhéna devait permettre de remplacer les emplois détruits à la suite de la fermeture de Fessenheim. Nous ne connaîtrons malheureusement que des désillusions, car Novarhéna a été dissoute au mois d’octobre dernier.
Aujourd’hui, on sait que la fermeture de Fessenheim était une décision politique et idéologique, mais surtout une erreur alors que la centrale était sûre, rentable et qu’elle faisait vivre plus de 2 000 foyers.
Emmanuelle Wargon, alors secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique, avait annoncé que le Gouvernement « serait au rendez-vous au moment où l’arrêt de la centrale aura vraiment un impact ». Le rendez-vous est arrivé…
Monsieur le ministre, à quoi a servi ce demi-million d’euros ? Qu’envisagez-vous de faire pour recréer les 2 000 emplois perdus ? Quels projets sont envisagés pour ce territoire ?
Monsieur le sénateur Klinger, le fonctionnement de la centrale de Fessenheim a joué un rôle important pendant quarante ans dans l’économie et la vie du territoire.
L’annonce de la fermeture de la centrale a conduit à une remise en question profonde du modèle économique et social sur lequel le développement du territoire s’est appuyé ces dernières décennies. Le développement d’activités tournées vers l’industrie du futur, l’innovation, les énergies, la culture et l’agriculture constitue une réelle opportunité pour le Haut-Rhin.
Conformément à son ambition, l’État s’est engagé dans un projet de territoire pour accompagner la reconversion du territoire, améliorer sa desserte et en faire un modèle de transition et d’innovation. C’est dans ce cadre que la société d’économie mixte (SEM) Novarhéna a été créée en 2019, simultanément à la signature du projet de territoire.
Ce dernier a déjà donné lieu à de nombreuses concrétisations. Je pense à des projets photovoltaïques locaux et de méthanisation, à l’extension du port Colmar/Neuf-Brisach, dans lequel l’État est investisseur, ou au début du chantier d’aménagement de la zone d’activité de Novarhéna.
C’est précisément au regard de l’ambition que nous avons pour le territoire de Fessenheim que la décision de dissolution de la SEM a été prise, compte tenu de la faible surface auquel elle pouvait candidater. Cette décision ne remet nullement en cause le projet de territoire.
En effet, de nombreux autres projets sont à l’étude. Ils traduisent notre ambition constante pour l’avenir du territoire de Fessenheim, d’abord dans le domaine des transports. Je pense à la rénovation de la ligne de fret Colmar-Volgelsheim, au renforcement de la plateforme d’accélération vers l’industrie du futur du Centre technique des industries mécaniques (Cetim), à la ligne ferroviaire de voyageurs Colmar-Fribourg et à la reconstruction du dernier pont sur le Rhin, détruit lors de la Seconde Guerre mondiale. Cette ambition se traduit ensuite dans le secteur de l’énergie et de l’industrie, comme en témoigne le projet de technocentre porté par EDF.
Ce projet, conçu par EDF et Orano, permet, vous le savez, d’envisager le renforcement d’une économie circulaire au sein de la filière nucléaire. Il s’inscrit d’ailleurs bien dans la stratégie du Gouvernement en faveur de la filière nucléaire française, des moyens financiers importants ayant été engagés dans le cadre d’abord du plan de relance, puis du plan France 2030.
Innovation, reconversion : c’est notre défi collectif pour le territoire de Fessenheim, emblème des enjeux territoriaux de la transition écologique.
Je veux le dire ici : les perspectives économiques du territoire sont réelles et enthousiasmantes. Elles permettront au territoire de se diversifier tout en s’appuyant sur sa riche histoire dans le nucléaire. Soyez assuré, monsieur le sénateur, de la mobilisation du Gouvernement sur ce dossier.
Je vous rappelle que vous disposez de deux minutes pour répondre à la question, monsieur le ministre délégué.
La parole est à M. Christian Klinger, pour la réplique.
Ce qui manque, ce sont des réalisations concrètes pour compenser les conséquences de l’arrêt de la centrale de Fessenheim, qui était le poumon économique du territoire.
Je rappelle que cette centrale permettait de produire 1 800 mégawatts d’énergie bas-carbone. Or nous importons actuellement 2 600 mégawatts de Grande-Bretagne, 2 200 d’Espagne et 5 800 d’Allemagne, fabriqués à partir de charbon et de gaz. Nous avons vraiment perdu au change !
J’ajoute enfin que la pollution atmosphérique a été multipliée par huit à la suite de la remise en service des centrales électriques au charbon.
La parole est à Mme Annie Le Houerou, auteure de la question n° 275, transmise à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Monsieur le ministre, ma question porte sur les effets possibles et redoutés du système de location-gérance mis en place par le groupe Carrefour et les risques que cette externalisation fait peser sur les salariés et sur leurs droits.
Dans le département des Côtes-d’Armor, Carrefour envisage de confier la gestion de son hypermarché de Langueux, près de Saint-Brieuc, à une entreprise tierce dans le cadre d’une location-gérance. Ce serait également le cas du site de Guingamp, le site de Paimpol étant déjà passé sous ce statut. À Trégueux, 230 salariés sont concernés et inquiets.
Les exemples se multiplient : en 2023, la direction de Carrefour prévoit de faire passer 41 magasins, dont 16 hypermarchés, en location-gérance.
La location-gérance permet au groupe Carrefour d’externaliser les salariés de ses magasins et donc de ne pas payer les salaires dans les mêmes conditions, tout en gardant la maîtrise sur l’enseigne, l’activité et les profits.
Il s’agit d’un système intéressant pour les dirigeants de Carrefour et ses actionnaires, mais beaucoup moins pour les salariés. Ces derniers ne pourront plus bénéficier des avantages sociaux de l’entreprise mère, ce qui entraînera leur précarisation, car ils ne seront plus protégés par la convention collective.
Alors que le groupe a présenté au mois de novembre son plan stratégique « Carrefour 2026 », qui doit notamment permettre de réaliser 4 milliards d’euros d’économies d’ici à quatre ans, Carrefour se veut rassurant en indiquant qu’aucune décision n’a encore été prise. Il rappelle que cette stratégie engagée depuis quelques années, qui consiste à passer en location-gérance des magasins déficitaires, permet d’éviter leur fermeture et donc des conséquences dommageables pour l’emploi.
De notre côté, nous sommes inquiets face au risque de casse sociale et de perte d’acquis sociaux pour ces salariés, et ce alors que la situation de Carrefour est positive, si l’on en juge par ses résultats et la rétribution des actionnaires.
Monsieur le ministre, comment le Gouvernement envisage-t-il d’encadrer le système de location-gérance afin d’éviter que des entreprises comme Carrefour n’en abusent, au détriment des salariés et de leurs droits ?
Madame la sénatrice Annie Le Houerou, pour le droit du travail, la location-gérance constitue une forme de modification de la situation juridique de l’employeur.
Cette modification est encadrée et présente des garanties pour les salariés. En cas de location-gérance, tous les contrats de travail en cours subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. Ce contrat est utilisé par près de 2 000 entrepreneurs chaque année.
À jurisprudence constante, il ressort de l’analyse de la Cour de cassation que la mise en location-gérance de magasins du groupe Carrefour n’entraînera aucune modification des éléments essentiels du contrat de travail des salariés concernés par le transfert, notamment en matière de rémunération et de conditions de travail.
S’agissant du statut collectif, la location-gérance emporte la mise en cause des accords collectifs. En effet, les conventions et accords collectifs restent applicables à l’ensemble des salariés jusqu’à l’entrée en vigueur de conventions ou accords de substitution.
À défaut d’accord, les dispositions conventionnelles continuent à s’appliquer pendant un an à compter de l’expiration du préavis de trois mois, soit quinze mois au total. Si, au terme de ce délai, il n’a pas été conclu d’accord d’adaptation ou de substitution, les salariés bénéficient d’une garantie de rémunération dont le montant annuel ne peut être inférieur à la rémunération versée, en application de la convention ou de l’accord mis en cause, lors des douze derniers mois.
S’agissant de la convention collective de branche applicable, deux situations sont possibles. Si l’entreprise qui reprend l’activité est soumise à la même convention collective, il n’y a pas de changement pour le salarié, qui continue à en bénéficier. Si elle relève d’une convention collective différente, l’application de l’ancienne convention collective de branche des salariés transférés sera automatiquement remise en cause et cessera après un délai maximum de quinze mois.
Concernant la mise en location-gérance de magasins du groupe Carrefour, il est probable que l’activité reste la même. La convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire devra alors continuer de s’appliquer.
Il ressort ainsi que le cadre législatif existant de la location-gérance protège le droit des salariés tout en constituant une opportunité pour tous les entrepreneurs. Il n’apparaît donc pas nécessaire de modifier la législation en vigueur.
La parole est à M. Bruno Belin, auteur de la question n° 288, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.
Monsieur le ministre, alors que la baguette vient d’être sacralisée par l’Unesco, nos quelque 33 000 boulangeries subissent l’asphyxie de leur trésorerie, notamment en raison de la crise de l’énergie – chacun peut s’imaginer combien chambres froides et fours à pain sont énergivores.
Les boulangers sont les mineurs de fond de l’alimentation, et nous sommes au début de la haute saison, puisque les fêtes de fin d’année approchent, bientôt suivies par l’Épiphanie et Pâques. Nous devons donc trouver toutes les solutions susceptibles de les aider à traverser les six mois qui viennent.
Des pistes existent, sur lesquelles je souhaiterais connaître votre avis. Il est possible de reporter le remboursement des prêts garantis par l’État (PGE), ou encore de « réinjecter » la part de ces prêts déjà remboursée pour financer des travaux de rénovation énergétique. Je suis convaincu que nous devons également geler la TVA et toutes les contributions recouvrées par l’Urssaf.
Il faut également impliquer le monde bancaire : les banques ne doivent pas inquiéter, mais faciliter les choses. Peut-être faut-il mobiliser aussi les grandes enseignes, qui se targuent de vendre pour quelques centimes un produit aussi important dans notre culture et notre histoire. La grande distribution pourrait constituer un fonds abondant la trésorerie des boulangeries.
Bref, pour aider les boulangeries françaises, un nouveau « quoi qu’il en coûte » s’impose dans les mois qui viennent. Monsieur le ministre, quelles propositions concrètes le Gouvernement peut-il formuler pour ce secteur d’activité si important pour notre pays et nos territoires ?
Car l’on commence à voir, dans les tribunaux de commerce, que les boulangeries les plus fragiles sont les premières à craquer. Je pense par exemple à celles implantées en milieu rural, où elles sont d’une très grande utilité vu les difficultés de mobilité des habitants de ces territoires.
Monsieur le sénateur Bruno Belin, je partage vos préoccupations sur la situation des boulangeries.
Depuis septembre, nous sommes en lien constant avec les entreprises et leurs représentants, et nous savons que celles qui ne sont pas éligibles au bouclier tarifaire font face à la hausse des coûts de l’énergie, qui s’ajoute à l’augmentation des coûts des matières premières.
Nous avons agi sur trois fronts.
D’abord, en exigeant des fournisseurs qu’ils adoptent des comportements responsables. Nous avons signé une charte pour que toutes les entreprises aient une offre adaptée.
Ensuite, en mobilisant l’appareil d’État pour répondre aux questions et besoins des entreprises. C’est le rôle, notamment, des conseillers départementaux à la sortie de crise.
Enfin, nous avons déployé des aides pour les entreprises concernées, qui s’ajoutent au mécanisme, déjà protecteur de nos entreprises, de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh). Ces aides ont été élaborées cet été et constamment améliorées depuis.
Bruno Le Maire a annoncé la décision prise récemment avec la Première ministre d’octroyer un soutien supplémentaire aux petites et moyennes entreprises (PME) consommant beaucoup d’énergie. À partir du 1er janvier 2023, deux dispositifs pourront se cumuler pour les entreprises les plus exposées.
D’abord, avec le dispositif amortisseur électricité, l’État prendra en charge directement une partie de la facture d’électricité au-dessus de 180 euros par mégawattheure. Ce dispositif bénéficiera à toutes les PME et très petites entreprises (TPE) non éligibles au bouclier tarifaire.
Ensuite, parmi ces entreprises, celles qui sont énergo-intensives et dont la facture, après prise en compte de l’amortisseur, représente plus de 3 % de leur chiffre d’affaires, auront accès à une aide versée par la direction générale des finances publiques. C’est un nouveau soutien de l’État, qui prendra donc à sa charge environ 35 % de la hausse de la facture d’électricité.
Certes, même après cette aide, la part de la hausse des coûts qui restera à la charge des entreprises sera importante. Les entrepreneurs le savent, tout comme ils savent que les efforts, substantiels, doivent être équitablement répartis. Tous font face à des choix compliqués de réorganisation de leur production ou d’établissement de leurs prix, par exemple.
Il est essentiel que les entreprises se saisissent des aides qui existent. Je vous encourage donc à diffuser la liste des conseillers départementaux à la sortie de crise aux entrepreneurs que vous rencontrez, afin que ceux-ci soient accompagnés dans cette période difficile.
La parole est à M. Gilbert Bouchet, auteur de la question n° 249, transmise à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Monsieur le ministre, ma question est relative à la situation très préoccupante dans laquelle se trouve le syndicat intercommunal d’irrigation drômois (SID), à la suite de l’augmentation du prix de l’électricité.
La Drôme est le premier département agricole de la région Auvergne-Rhône-Alpes, avec une production évaluée à 760 millions d’euros qui se traduit par plusieurs milliers d’emplois. Le SID regroupe 126 communes de la Drôme et deux communes d’Isère. Il gère, entre autres, 2 000 kilomètres de réseaux sous pression, des stations de pompage et des canaux d’irrigation. Sa consommation annuelle d’énergie électrique est, en 2022, de 67 gigawattheures. Alors que le SID doit conclure un nouveau contrat de fourniture d’électricité, il ne peut assumer le surcoût résultant de la flambée des prix de l’énergie.
À la suite de ma demande écrite, vous m’avez signalé que le SID serait éligible à l’amortisseur électricité. C’est une avancée, qui va lui permettre de plafonner le prix de l’électricité à 180 euros le mégawatheure, ce qui constitue un gain annuel de 3, 6 millions d’euros.
Mais si ce gain est important, il n’est pas suffisant pour permettre aux exploitants d’assumer un coût d’irrigation trop élevé par rapport à leur gain de production. Et le profil de consommation du SID est particulier, puisque celle-ci est forte en été, hors période de tension sur les réseaux. Le syndicat souhaiterait donc obtenir un bouclier tarifaire spécifique aux consommations atypiques pour l’irrigation, afin de contenir l’augmentation du prix du mégawattheure à 30 % par rapport à 2022, avec un plafond à 120 euros le mégawattheure.
Que proposez-vous, monsieur le ministre, pour répondre à cet appel à l’aide ? Il faudrait une solution acceptable par tous, afin que l’augmentation du prix de l’électricité ne signe pas la fin de l’agriculture drômoise et de ses activités agroalimentaires connexes.
Merci pour votre question, monsieur le sénateur Gilbert Bouchet.
Vous le savez, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour faire face à la hausse des coûts de l’énergie. Au-delà des dispositifs mis en place, je souligne que nous appliquons une méthode qui a fait ses preuves : l’écoute. Comme pendant la crise sanitaire, les ministres de Bercy et l’ensemble des équipes du ministère, à Paris comme dans les départements, sont mobilisés pour répondre aux inquiétudes des entreprises, adapter les aides si besoin est, regarder ce qui peut être fait – bref, aider.
Concernant le SID, je sais que le ministre Bruno Le Maire a demandé à son cabinet de prendre contact avec vous, ce qui a été fait le 8 décembre dernier.
Vu le chiffre d’affaires et le nombre de ses salariés, le SID peut bénéficier des dispositifs mis en place par le Gouvernement. Pour 2022, il devrait donc toucher une aide de 1, 5 million d’euros. Pour 2023, si la facture avoisine réellement les 30 millions d’euros, ce que le cabinet de Bruno Le Maire vérifiera sur les pièces que vous lui enverrez, il devrait bénéficier d’une aide de 6, 5 millions d’euros.
Le ministère a publié le 6 décembre dernier les coordonnées de l’ensemble des interlocuteurs disponibles pour répondre à toutes les interrogations légitimes des entreprises, collectivités, associations et syndicats. Sur le site impot.gouv.fr, un ensemble de services – foire aux questions, simulateur de calcul des aides, modèles de documents – permet aux entreprises de s’informer sur les dispositifs et de trouver des renseignements précis en fonction de leur situation.
Par ailleurs, un numéro vert est disponible, le 0806 000 245. Et, dans chaque département, votre conseiller départemental à la sortie de crise est l’interlocuteur attitré. Comptez enfin sur l’engagement et la disponibilité totale des ministres de Bercy, de leurs équipes, et des services du ministère.
La parole est à Mme Frédérique Puissat, auteur de la question n° 282, transmise à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Monsieur le ministre, même si cette question n’est pas tout à fait dans votre champ de compétences, je sais que vous êtes, comme nous, sensible à l’engagement des conseillers municipaux, adjoints et maires de toutes les communes de France, et singulièrement de ceux des petites communes rurales, de moins de 500 habitants, qui disposent de peu de services administratifs et techniques.
De nombreux parlementaires ont déjà interrogé le Gouvernement sur l’évolution de la dotation particulière « élu local » (DPEL). L’enveloppe qui lui est consacrée a augmenté plusieurs fois depuis 2017. Mais la communication autour de la DPEL laissait entendre aux élus locaux que les indemnités désormais fixées au plafond seraient, sinon intégralement, du moins à hauteur de 80 % ou 90 %, compensées par l’État. Or la réalité est tout autre.
Je prendrai comme exemple la belle commune iséroise d’Oris-en-Rattier, qui compte moins de 500 habitants et dépense 22 000 euros par an pour payer les indemnités de ses élus – un maire et trois adjoints touchant 450 euros par mois environ, ce qui n’est pas démesuré. Or la compensation n’a pas augmenté depuis des années, et s’élève à 6 000 euros, ce qui laisse 16 000 euros – une somme importante – à la charge du budget communal.
Entre la réalité vécue par les élus et la communication, n’y a-t-il pas une différence ? N’y a-t-il pas là une difficulté sur laquelle nous devrions tous travailler ?
Vous appelez l’attention du Gouvernement, madame la sénatrice Frédérique Puissat, sur la compensation de la revalorisation des indemnités de fonction des maires et des adjoints.
Conscient de l’implication permanente des élus locaux, le Gouvernement a souhaité revaloriser les plafonds de ces indemnités, en portant une attention particulière aux élus locaux des petites communes, dans le cadre de la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.
L’article 92 de ce texte a ainsi augmenté le barème indemnitaire des maires et des adjoints de 50 % dans les communes de moins de 500 habitants, de 30 % dans les communes de 500 à 999 habitants, et de 20 % dans les communes de 1 000 à 3 499 habitants.
Pour accompagner cette évolution, la loi de finances pour 2020 a augmenté de 28 millions d’euros la DPEL, portant son montant total à près de 93 millions d’euros, auxquels la loi de finances rectificative pour 2020 a ajouté 8 millions d’euros supplémentaires.
La DPEL constitue un soutien nécessaire que l’État apporte aux communes dont les moyens financiers sont les plus faibles. Ciblée sur les seules communes de moins de 1 000 habitants dont le potentiel financier par habitant ne dépasse pas 125 % de la moyenne, elle s’adresse aux communes rurales les moins peuplées, dont les budgets sont les plus contraints et qui disposent donc de marges de manœuvre réduites pour voter des indemnités à leurs maires et adjoints.
Cette dotation n’avait pas été augmentée depuis 2010. Les 36 millions d’euros supplémentaires votés en 2020 sont un véritable gage de reconnaissance de l’engagement de nos élus.
Par ailleurs, l’ensemble des communes sont bénéficiaires de l’augmentation de la dotation générale de fonctionnement prévue par le projet de loi de finances pour 2023, qui permettra de soutenir le financement de leurs dépenses de fonctionnement. Cette dotation sera en effet revalorisée de 320 millions d’euros, parmi lesquels 200 millions d’euros seront consacrés à l’augmentation de la dotation de solidarité rurale – dont bénéficie en 2022 la commune d’Oris-en-Rattier, à hauteur de 4 907 euros.
La commune d’Oris-en-Rattier va devenir célèbre !
Monsieur le ministre, entre les grands chiffres énoncés dans cet hémicycle et le ruissellement attendu dans les territoires, les différences sont parfois notables.
Une génération d’élus, plutôt sédentaires, va s’en aller, et nous aurons peut-être du mal à les remplacer. Sur ce sujet, nous sommes tous prêts à travailler. Or ces élus ont le sentiment de ne pas recevoir la reconnaissance qui leur est due… J’ai hésité à poser cette question mais je ne regrette pas de l’avoir fait, et je crois que d’autres parlementaires y reviendront. Nous ne devons pas évacuer ce sujet, et toujours nous assurer que le ruissellement est bien réel – y compris jusqu’à Oris-en-Rattier !
La parole est à Mme Patricia Schillinger, auteur de la question n° 246, adressée à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Monsieur le ministre, pas une semaine ne s’achève sans que les maires et les élus municipaux, dont nous portons la voix au Sénat, soulignent l’importance cruciale de leur secrétaire de mairie pour mener à bien les chantiers de leur mandat.
Budget communal, documents administratifs et techniques, accueil des habitants, organisation du conseil municipal, gestion des ressources humaines sont autant de tâches pour lesquels les secrétaires de mairie sont essentiels. Dans nos petites communes rurales, ils sont l’incarnation de la République décentralisée.
Pourtant, ils sont en voie de disparition. Le déficit de reconnaissance s’est creusé d’année en année, et force est de constater que le métier a nettement perdu en attractivité et que nos élus municipaux peinent à pourvoir les postes laissés vacants, notamment à la suite de départs à la retraite.
Ce sujet de préoccupation croissante n’est pas nouveau en milieu rural. Il a été soulevé dès 2021 lors du déploiement des maisons France Services. Le ministère de la transformation et de la fonction publiques avait alors missionné l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) pour proposer des solutions.
Le 5 octobre 2021, l’AMF a présenté 26 préconisations pour réformer le métier, qui portent entre autres sur la modification du statut, l’élargissement de l’ouverture aux contractuels ou encore la création d’un regroupement d’employeurs.
Toutes ces questions liées à l’attractivité des carrières des secrétaires de mairie figuraient également parmi les chantiers de la Conférence sur les perspectives salariales de la fonction publique, qui s’est achevée en mars 2022.
Quelles sont les prochaines étapes envisagées par le Gouvernement pour améliorer les conditions d’exercice de ce métier en tension ? Quel est le calendrier envisagé pour leur mise en œuvre, fortement attendue sur le terrain ?
Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser le ministre Stanislas Guerini, qui, ne pouvant être présent, m’a chargé de vous répondre.
Vous l’avez dit, les secrétaires de mairie jouent un rôle fondamental pour le bon fonctionnement de nos communes, notamment les plus rurales. Il existe déjà plusieurs outils à la main des maires pour mieux prendre en compte les conditions d’exercice de leurs fonctions, notamment pour gérer leur planning lorsque les intéressés sont employés à temps incomplet, dans les plus petites communes, et donc rattachés à plusieurs employeurs. C’est souvent le cas, et il faut continuer à accompagner au mieux ces situations pour répondre à la réalité des besoins des petites communes et permettre aux agents de bénéficier globalement d’une activité à temps plein.
Pour mieux reconnaître leurs responsabilités en termes de rémunération, les maires peuvent les faire bénéficier d’un régime indemnitaire pouvant aller, pour les catégories C, jusqu’à 12 600 euros brut annuels. C’est également pour mieux valoriser et reconnaître ce métier que le Gouvernement précédent a choisi de doubler, en février 2022, la nouvelle bonification indiciaire (NBI), attribuée aux secrétaires de mairie des communes de moins de 2 000 habitants, ce qui représente une augmentation de plus de 70 euros par mois.
Nous devons désormais aller plus loin en agissant sur le recrutement, la formation, la carrière et les parcours professionnels du métier de secrétaire de mairie.
Le chantier « parcours-rémunérations » que le ministre de la transformation et de la fonction publiques lancera en janvier 2023 permettra d’avancer sur ces sujets.
Au-delà des aspects statutaires, les secrétaires de mairie attendent également qu’on facilite leur quotidien et qu’on leur permette un meilleur accès aux formations, à l’information, et qu’on leur permette aussi de travailler davantage en réseau. Nous devons évidemment les aider en sens, surtout quand on sait que près de 40 % d’entre eux seront à la retraite d’ici à huit ans. Nous devons continuer à rendre ce métier attractif.
Les ministres Stanislas Guerini et Dominique Faure y travaillent activement, en lien étroit avec les employeurs territoriaux. Les propositions de l’AMF que vous évoquiez sont étudiées avec beaucoup d’attention par mes collègues, tout comme celles de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), ainsi que le travail mené par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG) ou encore Pôle emploi.
La parole est à Mme Victoire Jasmin, auteure de la question n° 308, adressée à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
Ma question, qui s’adresse au ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, concerne l’inadéquation entre l’offre de formation et les perspectives d’insertion des jeunes en outre-mer, et singulièrement en Guadeloupe. Il faut apporter des solutions aux entreprises, certes, mais aussi aux jeunes et à leurs familles.
Les récentes études de l’Insee sur la population en Guadeloupe montrent depuis plusieurs années une tendance au déclin démographique. Cette situation, hautement préoccupante, résulte d’une inversion de la courbe des naissances, d’un vieillissement généralisé de la population et d’une émigration massive des jeunes âgés de 18 à 35 ans – en âge de procréer, donc. Le dépeuplement est donc accentué par le départ de très nombreux jeunes, qui partent pour se former ou pour travailler dans l’Hexagone ou à l’étranger, et ne reviennent malheureusement pas.
Nous devons de surcroît porter une attention particulière aux femmes, qui pâtissent toujours de diverses discriminations à l’embauche et à la rémunération.
Nous pouvons résoudre ces problèmes si nous mettons les formations en adéquation avec les besoins des entreprises et des territoires.
Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour mettre en place une offre de formation adaptée aux besoins de la Guadeloupe et de chaque territoire des outre-mer ?
Madame la sénatrice, la question de la formation initiale et continue est capitale pour le développement des territoires ultramarins, en particulier de la Guadeloupe, dont vous avez rappelé l’important déficit démographique. Nous devons poursuivre nos efforts pour toujours mieux accompagner nos jeunes et les préparer aux compétences dont nos territoires ultramarins ont besoin.
L’apprentissage est l’un des leviers efficaces de formation des natifs sur leurs territoires, qui garantit de plus l’adéquation aux besoins des entreprises. Pour la Guadeloupe, ce ne sont pas moins de 2 570 apprentis qui se sont formés dans une entreprise du territoire, alors qu’ils n’étaient que 175 en 2017 !
Afin de permettre l’apprentissage de tous les gestes professionnels sans recourir à de la mobilité contrainte en métropole, nous allouons annuellement au conseil régional de Guadeloupe environ 6 millions d’euros pour soutenir les investissements et le fonctionnement des centres de formation d’apprentis (CFA). Par ailleurs, l’État s’engage durablement aux côtés des territoires pour le développement de l’apprentissage, en maintenant une aide à l’embauche d’apprentis de 6 000 euros, qui concernera bien entendu les entreprises de Guadeloupe.
La réforme que nous porterons sur le lycée professionnel s’accompagnera d’une réflexion sur la carte des formations pour ouvrir des filières davantage en adéquation avec le tissu économique du territoire et plus en cohérence avec les métiers de demain. L’État, via le plan France 2030, accompagnera les collectivités dans le renouvellement des plateaux techniques et la formation des professeurs aux métiers de demain pour accélérer le processus, garantir le maintien des jeunes sur les territoires et favoriser leur insertion dans les entreprises locales.
Par ailleurs, pour améliorer l’insertion professionnelle des jeunes, le contrat d’engagement jeune est déployé depuis le 1er mars 2022. Il vise à proposer un accompagnement adapté et personnalisé aux jeunes qui en ont besoin, avec une sécurisation financière quand cela est nécessaire.
Pour 2023, il est prévu de financer 300 000 entrées en contrat d’engagement jeune par le réseau des missions locales et de Pôle emploi.
Enfin, pour les jeunes les plus éloignés du service public de l’emploi, sans revenu et rencontrant des difficultés de plusieurs ordres, qu’elles soient sociales, éducatives ou de santé, des appels à projets régionaux ont été lancés et seront déployés sur l’ensemble du territoire.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. J’espère vraiment que des actions concrètes seront menées.
Au-delà des problèmes rencontrés par les jeunes à la recherche d’un emploi se pose aussi la question des stages, car beaucoup d’entreprises n’acceptent pas de jouer le jeu de la gratification. Je tenais à attirer votre attention également sur ce sujet.
La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteure de la question n° 243, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée de l’Europe.
Nous avons appris voilà deux mois que, malgré des attentes fortes, la révision de la réglementation européenne sur les produits chimiques dite Reach pourrait être repoussée, probablement à la fin de l’année 2023. Dans les faits, elle risque fort d’être reportée après les élections européennes.
Cette annonce nourrit de grandes inquiétudes. Cela signifierait en effet que des décisions visant à exclure du marché européen des familles de produits chimiques dangereuses seront reportées d’autant.
Pourtant, depuis son entrée en vigueur en 2007, les nombreuses faiblesses du règlement Reach ont été régulièrement dénoncées, notamment la complexité et la lenteur des processus d’évaluation.
La révision de ce règlement est donc indispensable. Il s’agit notamment de permettre d’évaluer les produits chimiques non plus substance par substance, mais par famille de produits, d’identifier les perturbateurs endocriniens – un sujet important –, de prendre en compte l’exposition à des mélanges de substances en vue de limiter le risque d’effet cocktail, ou encore d’interdire certains usages par le grand public et les professionnels de substances dangereuses.
Il semblerait que la Commission européenne ait renoncé à faire avancer ce dossier sous la pression de certains acteurs économiques. De son côté, la France est bien silencieuse : à notre connaissance, elle n’a pris aucune position officielle sur le sujet, alors qu’elle était autrefois en pointe sur la question de la santé environnementale.
Monsieur le ministre, quelle est la position de la France ? Le Gouvernement est-il prêt à soutenir une révision rapide du règlement Reach ?
Madame la sénatrice, la France s’est clairement positionnée sur le report de la révision de Reach. Dès le 4 octobre dernier, le ministre Christophe Béchu s’est joint à six ministres européens de l’environnement pour rédiger un courrier, consultable en ligne me semble-t-il, appelant la Commission à réviser rapidement le règlement.
Le 2 novembre, lors d’une audition au Sénat, mon collègue a clairement souligné la nécessité d’adopter un cadre plus contraignant avant les prochaines élections européennes, rappelant l’urgence de durcir nos règles, y compris pour que l’industrie chimique puisse se préparer, alors que les modifications du règlement ne prendront effet que cinq ans après la révision.
Le Gouvernement est conscient du caractère essentiel de cette révision pour la santé de nos concitoyens, préoccupés par la pollution chimique, et pour la protection de l’environnement. Il connaît également les inquiétudes de certains secteurs à l’égard des modifications qui pourraient être décidées et l’importance pour ces derniers d’avoir une visibilité sur le cadre à venir.
Soyez-en assurée, madame la sénatrice, la France continuera de plaider auprès de la Commission européenne et de ses partenaires européens, comme elle le fait déjà depuis des mois, pour une révision rapide du règlement Reach.
Je vous remercie, monsieur le ministre. Il n’est pas suffisant que la France plaide, en se contentant d’une obligation de moyens. Il faut maintenant passer aux résultats.
La France n’est pas n’importe quel pays européen : elle pèse au sein de l’Union, notamment dans le domaine de la santé environnementale. Les ministres peuvent en outre compter sur le soutien des associations et des parlementaires engagés sur ces sujets.
Il est indispensable que la révision du règlement intervienne le plus tôt possible. Dans l’intervalle, les substances se diffusent et leur toxicité gagne un nombre toujours plus important d’habitants de nos pays.
La parole est à M. Bruno Belin, en remplacement de M. Philippe Tabarot, auteur de la question n° 303, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Madame la secrétaire d’État, je pose cette question au nom de mon collègue Philippe Tabarot, malheureusement contraint à l’isolement dans son département.
L’inclusion des élèves handicapés dans les Alpes-Maritimes est confrontée, comme sur l’ensemble du territoire national, à une crise sérieuse de l’accompagnement.
Entre précarisation et manque d’offre, son département connaît une pénurie d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH).
Sur les 8 536 élèves présentant un handicap dans les Alpes-Maritimes, 4 434 devraient bénéficier d’un soutien humain, pour seulement 1 545 AESH en poste.
Ces chiffres révèlent le désarroi des élèves et de leurs parents, qui ne peuvent se satisfaire de ne pas avoir le nombre d’heures correspondant aux droits ouverts par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), et parfois même de n’en avoir aucune.
La condition salariale des AESH est à l’inverse de l’attention que l’école devrait porter à l’autisme ou au polyhandicap. Une proposition de loi accélérant la possibilité de « CDIsation » des AESH a été récemment votée par le Sénat, qui l’a améliorée. Elle constitue une première avancée, mais surtout un appel lancé au Gouvernement pour qu’il mène sans tarder une réforme structurelle.
Madame la secrétaire d’État, une belle idée, aussi noble soit-elle, sera toujours insuffisante si elle ne se pare pas d’une ambition renforcée. La réalité vécue par les familles est plus proche aujourd’hui d’un parcours du désespoir que des vertus angéliques de papier.
En 2019, une circulaire promettait une rentrée « pleinement » inclusive. Alors que nous entamons dans quelques jours l’année 2023, des parents financent sur leurs deniers privés des AESH de temps scolaire, faute d’un meilleur accompagnement…
Quelle est aujourd’hui la position du Gouvernement sur cette question si sensible ?
Monsieur le sénateur Belin, permettez-moi tout d’abord d’adresser mes vœux de prompt rétablissement au sénateur Tabarot.
Cette question extrêmement intéressante touche au regard que nous posons sur l’avenir de nos enfants et de nos adolescents.
Le système scolaire français accueille plus de 430 000 élèves en situation de handicap en classe ordinaire et mobilise aujourd’hui plus de 132 000 AESH, dont 4 000 recrutés à la rentrée 2022. Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit pour sa part 4 000 postes supplémentaires.
Le nombre d’accompagnants, qui sont essentiels pour ces enfants, est en augmentation constante, de 50 % entre 2017 et 2022. On compte aujourd’hui un AESH pour huit enseignants, ce métier étant devenu en quelques années le deuxième de l’éducation nationale en termes d’effectifs.
Toutefois, des manques peuvent encore perdurer, dans les Alpes-Maritimes – vous l’avez rappelé – comme dans d’autres territoires. Pour l’académie de Nice, la délégation de 60 AESH supplémentaires qui vient d’être accordée permettra d’améliorer le taux de couverture et de notification.
Je tiens également à rappeler que trois avancées majeures sont intervenues récemment pour l’attractivité de ce métier.
Premièrement, un amendement adopté lors du projet de loi de finances, avec l’avis favorable du Gouvernement, prévoit une augmentation salariale nette de 10 % de l’ensemble des AESH dès le 1er septembre 2023.
Deuxièmement, la prime REP et REP+ (réseaux d’éducation prioritaire) sera étendue aux AESH et aux assistants d’éducation (AED).
Troisièmement, nous nous engageons, conformément à un engagement du Président de la République, à favoriser l’accès au temps complet des AESH, car il est essentiel de lutter contre la précarisation de ces personnels. Les services de l’éducation nationale travaillent d’arrache-pied pour leur proposer d’élargir leurs missions.
En conclusion, je soulignerai comme vous, monsieur le sénateur, que la proposition de loi Victory, qui permet à ces personnels d’obtenir un CDI après un premier contrat de trois ans, a été votée à l’unanimité.
Comme vous le constatez, il me semble que nous sommes sur le bon chemin pour accompagner les élèves en situation de handicap.
Dans les Alpes-Maritimes comme ailleurs, Philippe Tabarot constate surtout une promesse politique déçue, rattrapée par une réalité : celle de l’appauvrissement de la politique d’inclusion à l’école.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, auteur de la question n° 300, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Madame la secrétaire d’État, le ministère de l’éducation nationale a tardé à publier les indices de position sociale (IPS) des écoles élémentaires et collèges français. Il a finalement été contraint de le faire par la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada).
Pourquoi nous avoir caché ces chiffres ? Sans doute car ils sont catastrophiques ! Ils montrent qu’il existe aujourd’hui une très forte ségrégation sociale dans nos établissements scolaires. Pour le dire de façon quelque peu abrupte, les riches vont dans des écoles de riches, les pauvres dans des écoles de pauvres… C’est la triste réalité.
Dans les Hauts-de-Seine, les quinze collèges à l’IPS le plus faible sont des établissements publics, tandis que les quinze collèges à l’IPS le plus élevé sont des établissements privés. Cette ségrégation scolaire renforce les phénomènes connus de ségrégation sociale et territoriale. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a d’ailleurs montré que le système éducatif français était l’un des systèmes occidentaux les plus injustes socialement.
Que peut-on faire, que pouvez-vous faire, madame la secrétaire d’État, pour changer les choses ?
Sachant que 73 % du budget des établissements privés sous contrat est fourni par l’État, ce dernier ne pourrait-il pas conditionner son aide à l’atteinte d’objectifs de mixité sociale ?
Monsieur le sénateur Ouzoulias, l’école de la République est évidemment le premier lieu où nos jeunesses doivent se rencontrer, quelles que soient leurs origines, leurs situations sociales ou culturelles.
L’école doit offrir à tous les mêmes opportunités. Et pour que cette égalité des chances devienne réalité, il faut lutter contre le déterminisme, et donc contre le manque de mixité.
Parce que ce sujet lui tient à cœur, dès sa prise de fonction, le ministre de l’éducation nationale Pap Ndiaye a choisi de faire de la mixité sociale sa priorité d’action.
Dans la circulaire de rentrée 2022, il a posé une première brique en demandant aux recteurs de fixer des objectifs de progression de la mixité sociale dans les établissements. Plusieurs leviers ont été activés.
Tout d’abord, des offres pédagogiques attractives ont été proposées dans les établissements défavorisés. Ainsi, plus de 43 nouvelles sections internationales ont été créées à la rentrée scolaire 2022 dans des collèges figurant parmi les plus défavorisés de 21 académies. La même démarche s’applique pour des classes à horaires aménagés – danse, théâtre et sections sportives –, ou encore pour des classes bilingues.
Ensuite, l’action du ministère de l’éducation nationale s’est portée sur la mixité au sein des lycées et des collèges. Depuis la rentrée scolaire 2021, 94 lycées publics parmi les plus favorisés identifiés par les académies se sont vus attribuer des objectifs de progression de leur taux d’élèves boursiers. Depuis la rentrée 2022, cette action a été étendue à 230 collèges. Ces mesures doivent s’inscrire dans la durée et être amplifiées.
Enfin, le nerf de la guerre réside dans le travail sur la sectorisation et l’affectation, qui permet de corriger les effets de la ségrégation – pour reprendre un terme que vous avez employé – par l’habitat. Tel est notamment l’objectif des opérations portant sur la redéfinition de la carte scolaire – un sujet très débattu ! –, qu’il s’agisse de définir des secteurs multicollèges ou de revoir certaines sectorisations.
Vous avez raison, monsieur le sénateur, il est aussi possible d’engager des discussions avec l’enseignement privé ; il ne faut pas avoir de tabou. L’action en faveur de la mixité sociale à l’école n’a de sens que si elle est globale, partenariale et ancrée dans la réalité de nos territoires.
Madame la secrétaire d’État, j’entends votre réponse, mais je constate une différence de traitement : au public, vous fixez des engagements ; avec le privé, vous engagez des négociations…
J’aurais aimé que vous me répondiez que vous alliez rectifier certaines choses, notamment pour que l’enseignement privé intègre la sectorisation – il permet aujourd’hui de la contourner. Les paroles ne suffisent plus, madame la secrétaire d’État, nous voulons des actes.
La parole est à M. Jean-Jacques Michau, auteur de la question n° 283, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Madame la secrétaire d’État, permettez-moi d’attirer votre attention sur la situation des conseillers pédagogiques du premier degré qui interviennent dans l’accompagnement et la formation des enseignants et qui participent à la mise en œuvre de la politique éducative nationale.
J’ai en effet été interpellé directement par l’Association nationale des conseillers pédagogiques et autres formateurs, qui s’inquiète de l’évolution des missions de ses adhérents.
Depuis plusieurs années se manifeste un désintérêt grandissant pour ces fonctions. Elle s’explique par une charge de travail croissante due à une accumulation de tâches administratives, à la mise en œuvre d’un ambitieux plan de formation nationale continue des professeurs des écoles, à l’accompagnement et à la formation des contractuels, de plus en plus nombreux, ainsi qu’à un manque d’attractivité financière du métier.
Face à cette situation, les enseignants se détournent des missions de formateurs du premier degré, beaucoup invoquant leur manque de formation ou une qualité de vie au travail qui se dégrade, allant parfois jusqu’au mal-être professionnel.
Il est regrettable de constater le nombre croissant de postes de conseillers pédagogiques vacants ou occupés à titre provisoire par des non-titulaires du diplôme requis. Une démarche de compensation indemnitaire a certes été engagée, mais elle n’a pas bénéficié à tous les conseillers pédagogiques.
Je souhaiterais donc connaître les moyens qui seront engagés pour renforcer la place centrale des conseillers pédagogiques dans le bon fonctionnement du système éducatif et éviter que des enseignants expérimentés et diplômés ne se détournent de ces missions.
De même, je vous serais reconnaissant de me faire savoir quelle « revalorisation des conditions salariales des conseillers pédagogiques » pourrait être envisagée, avec l’ambition de promouvoir une école de la réussite pour tous les élèves.
Monsieur le sénateur Michau, vous avez raison, les missions de formation et d’accompagnement des enseignants, des directeurs d’école et de l’ensemble des équipes pédagogiques du premier degré remplies par les conseillers pédagogiques sont essentielles au bon fonctionnement de nos écoles.
Ces conseillers assurent la jonction entre les écoles et le pilotage départemental. Ils accompagnent les équipes pédagogiques en leur qualité d’experts, promeuvent le travail collectif et les pratiques innovantes, mettent en œuvre la formation initiale et continue des professeurs des écoles.
Afin de reconnaître leur engagement et l’importance de leurs missions, nous avons revalorisé l’indemnité de fonctions dont ils bénéficient de 500 euros, afin de la porter à 1 500 euros annuels, depuis le 1er janvier 2022. Cette indemnité sera de nouveau augmentée de 1 000 euros annuels à compter du 1er janvier 2023. En portant cette indemnité à 2 500 euros annuels, le ministère entend ainsi renforcer l’attractivité de ces fonctions. Il faut aussi y ajouter la nouvelle bonification indiciaire, soit un régime indemnitaire annuel de 4 071 euros brut au total.
Par ailleurs, les conseillers pédagogiques assurant l’animation pédagogique au sein des REP et REP+ vont bénéficier, à compter du 1er janvier 2023, de l’extension de leur indemnité de fonctions. Les textes ont été publiés au Journal officiel du 9 décembre 2022. À compter du 1er janvier 2023, ils toucheront donc 3 302 euros annuels en part fixe, auxquels s’ajouteront en part modulable 500 euros annuels en REP et 702 euros en REP+.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse a engagé un processus volontaire et ambitieux de revalorisation indemnitaire pour rendre plus attractives ces fonctions.
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, auteur de la question n° 294, adressée à Mme la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.
Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur la politique gouvernementale en matière de sport-santé et bien-être.
Les bénéfices des activités physiques et sportives (APS) sur la santé des Français sont documentés, démontrés et reconnus. Pratiquées à tous les âges de la vie, ces dernières participent, entre autres, à la prévention collective et individuelle des pathologies, des traumatismes et de la perte d’autonomie.
La dynamique des jeux Olympiques de 2024, attribués en septembre 2017, aurait pu être le catalyseur de politiques publiques de prévention plus ambitieuses, innovantes et véritablement inclusives, qui soient en mesure de répondre aux chocs de santé publique que nous subissons.
En effet, la sédentarité, accentuée par la crise sanitaire, frappe toutes les catégories d’âge, et plus sévèrement les classes populaires et les jeunes. Les temps d’exposition aux écrans explosent lorsque ceux qui sont consacrés à la pratique sportive se tassent. Cela favorise l’obésité et la mortalité prématurée.
Par ailleurs, le renforcement de la place faite aux APS à l’école, du premier degré jusqu’à l’enseignement supérieur, est une impérieuse nécessité.
Les trente minutes d’activité physique quotidienne (APQ), consacrées dans la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France, et effectives depuis la rentrée de septembre dernier, marquent une première étape. Une mission sénatoriale veillera dans les prochaines semaines à l’effectivité de leur généralisation.
Enfin, le défi de la dépendance et l’objectif d’allongement de l’espérance de vie en bonne santé passeront par la réduction du nombre de chutes, ainsi que par une meilleure gestion de la baisse des capacités cardio-respiratoires et de la perte de masse musculaire.
Le rôle des activités physiques thérapeutiques dites adaptées est prépondérant pour traiter certaines maladies chroniques ou faire face à la perte d’autonomie.
À ce titre, faut-il aller plus loin, madame la secrétaire d’État, que le remboursement de la prescription d’activité physique adaptée (APA) et systématiser le remboursement par l’assurance maladie ? Des expérimentations sont-elles en cours ? Des scénarios différents de prise en charge financière sont-ils envisagés ?
Nous pensons que le remboursement est à la fois la condition du déploiement de l’APA à une plus large échelle et le geste politique central de rupture pour lequel œuvrer.
À cet égard, où en est le rapport prévu à l’article 3 de la loi précitée ? Ce rapport, censé traiter la question de la prise en charge des APA médicalement prescrites, aurait dû être remis en septembre 2022.
Enfin, les maisons sport-santé (MSS) disposent-elles à ce stade des moyens suffisants pour remplir leur mission de pilote et de coordinateur des APA dans les territoires ? Je pense notamment au volet formation.
Monsieur le sénateur Lozach, je vous transmets la réponse de la ministre des sports.
Vous soulignez à juste titre que les bienfaits de l’activité physique sur la santé sont aujourd’hui scientifiquement démontrés et éprouvés – le débat est clos sur ce sujet –, aussi bien pour la prévention que pour l’amélioration de la qualité de vie des patients atteints de pathologies chroniques.
La Haute Autorité de santé rappelle régulièrement que l’activité physique constitue une thérapie non médicamenteuse, permettant par exemple de réduire les risques de développement du cancer du sein, du colon et de la vessie, mais également les effets secondaires de nombreuses pathologies lourdes.
C’est pourquoi le Gouvernement a engagé, dès 2019, une stratégie nationale sport-santé destinée à promouvoir, à tout âge, l’activité physique comme un outil accessible à tous et permettant de préserver son capital santé.
C’est dans cet esprit que la loi du 2 mars 2022 a ouvert la prescription d’activité physique adaptée à l’ensemble des médecins et élargi le champ d’application aux personnes atteintes de maladies chroniques ou présentant des facteurs de risque, ainsi qu’aux personnes en situation de perte d’autonomie.
Cette même loi prévoit la remise au Parlement d’un rapport sur la prise en charge de l’APA, qui vous sera communiqué – on me l’a garanti, monsieur le sénateur – dans les prochains jours.
Aujourd’hui, en cohérence avec la décision du Président de la République de faire du sport la grande cause nationale 2024, le Gouvernement est prêt à aller plus loin.
Aussi, la ministre des sports et le ministre de la santé et de la prévention ont confié au docteur Dominique Delandre une mission visant à formuler des propositions pour accélérer le développement du sport-santé.
Cette mission se penchera notamment sur les 26 expérimentations dites « article 51 », qui permettent de proposer aux patients une prise en charge de l’activité physique adaptée. Le bilan qui en sera réalisé permettra au Gouvernement d’envisager de nouvelles mesures dans les prochains mois.
Monsieur le sénateur, vous pouvez compter sur nous pour aller plus loin.
La parole est à M. André Guiol, auteur de la question n° 291, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Madame la ministre, l’architecture actuelle des services de néonatalogie des hôpitaux ne permet pas la présence permanente des parents auprès de leur bébé hospitalisé, alors même que cette présence est prévue dans la nouvelle charte du nouveau-né hospitalisé, établie par le Gouvernement en novembre 2021.
Dans un contexte de surcharge des services de santé causée, premièrement, par la pandémie de covid et par les épidémies de bronchiolite et de grippe, deuxièmement, par le manque d’attractivité des professions de santé, lui-même lié à des conditions de travail difficiles et à l’insuffisance de la reconnaissance salariale, et, enfin, troisièmement, par la carence de médecins, de pédiatres spécialisés et de personnel paramédical en puériculture, toute organisation nouvelle permettant de soulager ces services serait opportune et bienvenue.
Un certain nombre de professionnels particulièrement impliqués dans les services néonatals proposent de mettre en place une équipe mobile de néonatalogie pour permettre un retour précoce des enfants et de leur famille à la maison.
La proposition, déjà très élaborée et affinée par l’équipe du centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer, a fait l’objet d’un courrier adressé au ministre de la santé et de la prévention, qui est resté à ce jour sans réponse.
Devant l’importance de cette proposition, j’ai également saisi les services de Mme la Première ministre et j’en ai fait l’objet de la question de ce jour.
Le sud de la France étant déjà peu pourvu en services de néonatalogie au regard de sa population, je vous remercie, madame la ministre, de prendre en considération cette proposition d’équipe mobile, en raison des avantages considérables que cette alternative à l’hospitalisation traditionnelle offrirait aux familles. Elle pourrait être mise en place, peut-être à titre expérimental, au centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne-sur-Mer.
Cet hôpital dispose de l’unique service de médecine néonatale de type 2B – c’est-à-dire comportant des lits de soins intensifs, mais pas de lits de réanimation – du département du Var. En 2021, il a enregistré 900 entrées en néonatalogie et 3 200 naissances ont été recensées dans sa maternité.
Monsieur le sénateur, le ministre François Braun regrette de ne pouvoir être présent ce matin. Il m’a priée de vous fournir les éléments suivants en réponse à votre question.
Afin de favoriser des sorties d’hospitalisation des nouveau-nés prématurés, un décret du 11 avril 2022 ouvre la possibilité de réaliser, à titre expérimental, des soins de néonatalogie à domicile.
C’est dans ce cadre juridique que l’agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d’Azur (ARS Paca) a relayé, en avril 2022, un appel à manifestation d’intérêt national.
En Paca, deux établissements, dont le centre hospitalier intercommunal Sainte-Musse à Toulon, ont exprimé leur souhait de développer des équipes mobiles de néonatalogie, en déposant des projets de qualité conformes aux attendus réglementaires.
La dimension territoriale affirmée du projet et les synergies entre la ville et l’hôpital constituent des atouts qui ont été soulignés lors de l’analyse des dossiers.
Le service de néonatalogie du centre hospitalier de Toulon est un acteur incontournable à l’échelle régionale. Situé entre les deux métropoles de Marseille et de Nice, il répond aux besoins de l’ensemble du département du Var et, par extension, des départements limitrophes.
Son équipe médicale et paramédicale possède les savoir-faire pour accueillir, prendre en charge et accompagner les nouveau-nés et leurs parents pendant l’hospitalisation et au décours. Par ailleurs, il s’agit d’une des équipes pilotes en soins de développement. Ces acquis seront transférables dans le cadre du projet d’équipe mobile.
Au-delà de la qualité intrinsèque du dossier, l’ARS a souligné le consensus et l’engagement collectif autour de cette expérimentation, qui bénéficie d’un fort soutien de la direction de l’établissement comme des représentants des usagers.
Par conséquent, le ministère a sélectionné ce projet parmi ceux qui feront partie de l’expérimentation et qui seront annoncés dans un arrêté à paraître prochainement.
Voilà une bonne nouvelle ! Elles sont rares en cette matinée de questions orales.
La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, auteur de la question n° 257, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Madame la ministre, depuis le 1er mai 2022, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Nice, qui gère désormais – en lieu et place de la CPAM de Bastia – le traitement des dossiers administratifs de santé des citoyens italiens, ne prend plus en charge les consultations en faveur de ces derniers.
Ainsi, une partie non négligeable des consultations qui sont réalisées au centre hospitalier des Escartons, à Briançon, soit à quelques kilomètres de la frontière italienne, n’est plus remboursée. Cela a pour conséquence un manque à gagner de plus de 2, 5 millions d’euros pour l’établissement en question, et donc pour le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud Gap-Sisteron (Chicas).
Au-delà de la situation financière à court terme, la pérennité du centre hospitalier est réellement en jeu. La patientèle italienne représente une part importante de l’activité – 13 % en chirurgie – et 25 % des professionnels médicaux et praticiens de cet établissement sont italiens, majoritairement piémontais.
L’absence d’accord transfrontalier en matière de sécurité sociale risque, en définitive, de réduire la fréquentation de l’établissement et de favoriser le départ des professionnels de santé qui ne pourraient plus organiser la continuité des soins. Car oui, l’Italie est le seul État frontalier de l’Hexagone avec lequel nous n’avons pas, à ce jour, d’accord d’une telle nature !
Mon interrogation est donc double, madame la ministre. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour préserver transitoirement la situation financière du centre hospitalier des Escartons et exiger, en particulier, la poursuite du remboursement des actes par la CPAM de Nice ?
À plus long terme, pourquoi, à la différence des autres États frontaliers, n’avons-nous pas d’accord avec l’Italie ? Quelles sont donc les initiatives prises par le Gouvernement pour achever la mise en œuvre et la ratification d’un tel accord transfrontalier franco-italien de prise en charge de la patientèle italienne ?
La prise en charge sanitaire des populations transfrontalières est un enjeu non seulement de la construction européenne – vous savez combien j’y suis attaché –, mais aussi de l’égal accès aux soins pour tous au sein de l’Union européenne.
Monsieur le sénateur, attentifs à la situation du centre hospitalier de Briançon, les services du ministère de la santé ont pris contact avec les différents acteurs impliqués, notamment la CPAM et l’ARS, afin d’apporter non seulement une réponse de court terme, mais également une solution pérenne aux patients frontaliers.
Des actions seront engagées pour traiter les dossiers litigieux dans les jours à venir. Aussi, le risque de départ des professionnels de santé italiens est un sujet pris en considération dans la recherche de solutions à court et moyen termes.
À moyen et long termes, dans la continuité des travaux engagés depuis 2021, les autorités françaises sont favorables à la mise en place d’une coopération sanitaire avec l’Italie.
Les services du ministère, les ARS, ainsi que notre ambassade à Rome, ont travaillé à un projet d’accord de coopération sanitaire transfrontalier franco-italien, qui s’inscrit pleinement dans le cadre du traité du Quirinal, qui devrait entrer en vigueur au début de 2023.
Ce projet de coopération, qui vise notamment à encadrer juridiquement et à faciliter les soins des populations dans les territoires enclavés ou mal desservis, a quant à lui été transmis aux autorités de santé italiennes au début du mois de juillet 2022. Il est depuis à l’étude.
Nos services demeurent en contact régulier avec leurs interlocuteurs italiens pour souligner l’attachement de la France à la signature de cet accord. La nouvelle équipe ministérielle italienne étant désormais installée, notre ambassade a prévu d’entamer une nouvelle démarche auprès de nos homologues.
Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions, qui ne me satisfont cependant qu’à moitié.
L’aspect positif est que la discussion est désormais engagée.
Mais je sais aussi les difficultés liées à la répartition des compétences. Comme toutes les régions italiennes, le Piémont dispose de la compétence santé. Des discussions internes à l’Italie sont donc en cours entre l’État central et les régions.
Cela étant dit, il y a urgence. Nous devons apporter des réponses à ce problème, en particulier dans les Hautes-Alpes, où le centre hospitalier des Escartons rencontre de véritables difficultés qui menacent son avenir.
Rappelons que cet établissement est non seulement important pour les populations locale et italienne, mais aussi pour un grand nombre de touristes qui fréquentent nos stations de sports d’hiver.
La parole est à Mme Corinne Imbert, auteure de la question n° 222, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Madame la ministre, en déposant cette question orale sur l’antibiorésistance – sujet que vous connaissez parfaitement –, je ne pensais pas que nous serions en pleine pénurie d’amoxicilline.
Apparue dès les années 1940, l’antibiorésistance se définit comme la capacité d’un micro-organisme à résister aux effets des antibiotiques. En raison du cocktail entre antibiotiques anciens et nouvelles bactéries, cette tendance s’est accélérée à partir des années 2000 avec l’apparition de bactéries hautement résistantes.
L’utilisation exponentielle des antibiotiques, en santé tant humaine qu’animale, est la cause principale de ce phénomène, et nous nous dirigeons probablement vers des impasses thérapeutiques dans le traitement de nombreuses maladies infectieuses.
L’antibiorésistance est un problème mondial, qui pourrait devenir incontrôlable. Cette réalité est encore trop méconnue du grand public, malgré une sensibilisation régulière de nos concitoyens et une mortalité attribuable à l’antibiorésistance en France estimée à 5 500 décès.
Madame la ministre, je souhaiterais savoir ce que le Gouvernement entend mettre en place, le cas échéant en concertation avec d’autres pays, afin de lutter efficacement et durablement contre l’antibiorésistance.
Madame la sénatrice, vous le savez, l’antibiorésistance est un phénomène naturel dont l’ampleur est fortement associée à une consommation trop importante d’antibiotiques. « Les antibiotiques, c’est pas automatique » : nous nous en souvenons tous.
La prévention de l’antibiorésistance appelle un engagement fort des pouvoirs publics, intégrant la santé animale et des écosystèmes, dans une approche globale. La feuille de route interministérielle dédiée, publiée en 2016, est ainsi en cours d’actualisation.
Des progrès sont à souligner : les prescriptions d’antibiotiques en ville ont baissé de 20 % entre 2009 et 2019 et la consommation en établissement connaît une tendance baissière.
Pour autant, notre consommation d’antibiotiques reste trois fois supérieure à celle des plus faibles consommateurs européens et les niveaux d’antibiorésistance sont toujours préoccupants en France.
Dans le sillage des plans précédents, le ministère de la santé a publié en février 2022 sa stratégie nationale 2022-2025 de prévention des infections et de l’antibiorésistance, avec une vision renouvelée et ambitieuse. Elle repose sur deux piliers complémentaires : le bon usage des antibiotiques et les actions de prévention et de contrôle des infections. Ne pas tomber malade réduit en effet le recours à l’antibiothérapie et donc l’antibiorésistance.
Les professionnels et citoyens y sont fortement associés, par une formation renforcée et des campagnes de communication dédiées.
Ces objectifs sont pilotés au niveau régional par les ARS, appuyées par des structures locales et des équipes mobiles. Ce maillage territorial fin est une spécificité française.
La France travaille également au développement de nouveaux produits luttant contre l’antibiorésistance, en complément d’une prévention renforcée.
Enfin, il convient de souligner le vif engagement international de la France sur ces thématiques, notamment à l’échelle européenne.
Je salue toutes les campagnes de sensibilisation qui sont effectivement conduites auprès du grand public. Elles sont indispensables, car la pandémie d’antibiorésistance est silencieuse. Il s’agit non pas d’un phénomène accessoire et limité dans le temps, mais bien d’un fléau qui pourrait, à terme, compromettre toutes les avancées réalisées dans le domaine de la médecine et de la recherche. Ce risque est parfois, à mon sens, trop sous-estimé.
Les coûts engendrés par l’antibiorésistance se chiffrent en centaines de milliards d’euros à l’échelle mondiale et, vous l’aurez compris, l’urgence est là.
« Les antibiotiques, c’est pas automatique » – la formule est en effet dans tous les esprits –, mais ce n’est pas magique non plus. Il faut un engagement de la part, à la fois, des prescripteurs et des pharmaciens. La bonne observance thérapeutique est évidemment essentielle.
Enfin, la dispensation à l’unité n’est pas forcément la bonne solution. Nous avons bien vu que l’expérimentation n’avait pas été véritablement concluante. Nous devons garder du bon sens.
La parole est à M. Henri Cabanel, auteur de la question n° 268, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Madame la ministre, ma question porte sur le remboursement du matériel paramédical d’occasion et d’aide à l’autonomie.
Si la loi du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 a bien prévu, dans son article 39, la prise en charge par l’assurance maladie des dispositifs médicaux remis en bon état d’usage, le décret d’application n’a toujours pas été publié.
Dans un contexte de crise économique et sociale, où les actions pour lutter contre l’inflation semblent être une priorité pour le Gouvernement, il est étonnant que ce décret n’ait toujours pas entériné la mesure votée en 2019.
Le matériel paramédical d’occasion est une véritable solution pour faire des économies, tant pour le budget de la sécurité sociale que pour le budget familial, a fortiori pour ceux qui sont confrontés à des frais supplémentaires en raison d’une maladie, d’un handicap ou, pour les personnes âgées, d’une perte d’autonomie. Il permet de développer l’économie circulaire, ce qui en fait une mesure favorable pour l’environnement.
Madame la ministre, quand ce décret sera-t-il officiellement publié ?
Monsieur le sénateur, la mise en place de ce dispositif est essentielle pour le Gouvernement, afin de faciliter financièrement l’accès aux aides techniques et d’accélérer le déploiement de l’économie circulaire en matière de matériel médical.
Cette réforme d’envergure nécessite des discussions approfondies avec les nombreux acteurs impliqués. Les échanges se structurent autour de plusieurs textes qui sont nécessaires pour l’entrée en vigueur de l’article 39 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.
Le décret d’application est notamment couplé à une norme en cours d’élaboration. Travaillée avec toutes les parties prenantes au cours de l’année 2022, celle-ci permettra de définir les activités et les responsabilités des acteurs de la remise en bon état d’usage. Ces travaux importants serviront de socle au développement de cette activité. Il convient donc de prendre le temps nécessaire.
En pratique, les services du ministère m’ont remis un projet de décret finalisé, que nous allons soumettre pour avis au Conseil d’État afin de permettre une publication au deuxième trimestre 2023.
La norme que j’ai évoquée servira également de socle à l’homologation des centres qui réaliseront les activités de remise en bon état d’usage.
Plus largement, le déploiement de l’économie circulaire est un élément important dans la réalisation de l’ambition gouvernementale d’amélioration des conditions d’accompagnement des personnes âgées ou en situation de handicap.
Pour renforcer encore notre ambition, nous prévoyons de reprendre les négociations tarifaires avec les industriels et distributeurs de matériel médical, afin de faire aboutir la réforme de la prise en charge, entamée voilà un peu plus d’un an.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse : le deuxième trimestre 2023 me semble une très bonne échéance.
Je le répète, à l’ère de l’économie circulaire et de la sobriété énergétique, il est plus qu’urgent d’aller dans ce sens. Beaucoup d’associations y travaillent dans nos territoires.
Je tiens à citer l’une d’elles, qui œuvre dans mon département : Grandir et vieillir ensemble. Les bénévoles de cette association mènent un ensemble d’actions, notamment une collecte de fauteuils roulants, qu’ils remettent en état et distribuent aux plus nécessiteux.
Il est important d’offrir un cadre à de telles initiatives et, à ce titre, je suis heureux de la réponse que vous venez de nous apporter.
La parole est à M. Franck Menonville, auteur de la question n° 277, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Ma question porte sur la réforme des transports sanitaires urgents (TSU) qui, depuis son entrée en vigueur, le 1er juillet 2022, est source de difficultés pour la profession ambulancière exerçant en milieu rural.
Premièrement, la rémunération forfaitaire de chaque transport, fixée à 150 euros, est appliquée jusqu’au vingtième kilomètre, chaque kilomètre supplémentaire étant rétribué 2, 32 euros : ce système pénalise les territoires ruraux, où la garde est bien souvent éloignée du lieu de prise en charge du patient et des centres hospitaliers.
Deuxièmement, l’instauration d’un nouveau mode de calcul via le revenu minimum garanti (RMG), qui est de 64 euros de l’heure ou de 768 euros pour une garde de douze heures, est elle aussi pénalisante. En effet, il faut déduire de ce RMG les transports, les sorties blanches et les transports de garde refusés par les ambulanciers. Ce nouveau système est moins favorable que le précédent pour les ambulanciers en milieu rural.
Troisièmement, la gestion par trimestre du calcul du RMG et de son versement crée des difficultés qu’accentue la hausse actuelle des prix des carburants.
Cette situation est lourde de conséquences pour nos territoires : la prise en charge des patients s’en trouve mise en péril, ce qui renforce l’inégalité d’accès aux soins d’urgence dont souffre le monde rural. Par ricochet, les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), déjà sous tension, sont encore plus saturés.
Madame la ministre, comment comptez-vous prendre en compte les spécificités des territoires ruraux et quelle adaptation comptez-vous mener ?
Monsieur le sénateur, la réforme des transports sanitaires urgents prend en compte la diversité des situations locales, notamment dans les territoires ruraux.
L’indemnité de garde de 346 euros est remplacée par la notion de revenu minimum garanti : ce RMG a été mis en place afin d’inciter les transporteurs à effectuer des gardes, en particulier dans les secteurs ruraux où il y a peu d’interventions. Dans le cas où le transporteur n’assure pas suffisamment de trajets pour couvrir ses charges, un complément est versé. Les interventions non suivies de transport sont également prises en charge, à hauteur de 80 euros.
D’un point de vue organisationnel, la réforme permet d’assurer une garde ambulancière sur l’ensemble des plages horaires ; mais cette répartition, par horaire et par secteur, est modulée dans chaque territoire selon les besoins d’intervention locaux.
Une logique de seuil a servi de base à la définition du positionnement des moyens de garde par période. Afin de tenir compte des spécificités des départements à faible activité et à fortes contraintes, un seuil dérogatoire a été instauré, notamment dans la Meuse. En outre, à l’été 2021, ces différents seuils ont été abaissés, ce qui a favorisé l’organisation de la garde dans les territoires ruraux.
Le ministère est très attentif aux remontées du terrain quant à l’application de cette réforme ; pour accomplir de nombreux déplacements, je sais très bien que c’est un véritable enjeu. §Le bilan financier relatif au circuit de paiement effectué sera communiqué en fin d’année et un bilan organisationnel est prévu pour le premier trimestre 2023. Des discussions pourront être ouvertes en vue d’éventuels ajustements.
La parole est à M. Olivier Cigolotti, auteur de la question n° 265, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Madame la ministre, ma question porte sur la mise en œuvre de l’aide à la vie partagée (AVP).
La question du « bien vieillir » et de l’autonomie dans notre territoire est une préoccupation réelle. À ce titre, le département de la Haute-Loire et les acteurs locaux se mobilisent au bénéfice des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, dans le cadre du déploiement d’habitats inclusifs.
Ainsi, la mise en œuvre de l’AVP dans mon département va permettre, d’ici à deux ans, à près de 100 personnes, réunies en dix habitats, de partager un « chez eux » accessible et animé.
Au-delà de ce constat positif, certains habitats partagés s’apparentent à des résidences-services – ils proposent en effet une offre complète – sans pour autant être reconnus comme habitats inclusifs. Dans des territoires comme la Haute-Loire, la réalité de ces logements est bien éloignée de celle des grandes résidences-services, regroupant plusieurs dizaines de places. Les projets dont il s’agit sont souvent le fruit d’un engagement personnel de leur porteur et totalisent moins de quinze unités.
Ces lieux de vie constituent une réponse prometteuse pour sortir du dilemme vécu par les personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie, lorsque la vie collective en établissement n’est ni souhaitée ni nécessaire et lorsque la vie chez soi, comme avant, n’est plus possible.
Le vieillissement et l’autonomie sont des problématiques majeures pour les territoires ruraux. Il est nécessaire d’opter pour une approche pragmatique, mêlant le public et le privé : il est donc indispensable que l’État puisse envisager de nouveaux dispositifs afin de valoriser ces habitats.
Au-delà de l’AVP, qui constitue aujourd’hui une mesure starter, je souhaiterais connaître les dispositions que le Gouvernement compte prendre en faveur de ces solutions, qui sont essentielles, notamment pour nos territoires ruraux.
Monsieur le sénateur, vous avez raison de rappeler l’importance de l’aide à la vie partagée.
L’AVP vise à permettre aux personnes âgées ou en situation de handicap de financer les coûts d’une vie partagée dans l’habitat inclusif. Elle contribue ainsi pleinement à favoriser le libre choix du lieu de vie.
Dès sa mise en place, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021, cette aide avait vocation à remplacer le forfait pour l’habitat inclusif. C’est ce mouvement qu’opère le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, au terme d’une transition qui permettra de simplifier le mode de financement de l’habitat inclusif et d’en accélérer le déploiement, y compris dans les zones rurales.
L’AVP sera attribuée aux habitants par le conseil départemental et compensée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), à hauteur de 80 % en 2022, puis, à l’horizon 2025, à hauteur de 50 %. On anticipe que le financement par la CNSA restera stable jusqu’en 2025, autour de 45 millions d’euros par an, et qu’il augmentera avec la croissance de l’habitat inclusif. Le développement de ce mode d’hébergement repose en effet sur une politique incitative régulièrement discutée entre la CNSA et les conseils départementaux.
Au total, 96 départements auront inscrit l’AVP dans leur règlement départemental d’aide sociale et établi leur programme d’ici à la fin de l’année.
Au-delà de ce dispositif, c’est bien un continuum de solutions que nous mettons en place. La mise en œuvre de MaPrimeAdapt’ permettra aux personnes aux revenus modestes d’aménager leur logement aux contraintes liées à l’âge ou au handicap. En parallèle, la prochaine Conférence nationale du handicap permettra de faire évoluer l’offre médico-sociale pour toujours mieux répondre aux attentes des personnes.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
La Haute-Loire, comme bien d’autres départements ruraux, doit faire face au vieillissement d’une population dont les revenus sont souvent très modestes. L’aide à la vie partagée est une solution intermédiaire entre le maintien à domicile et la prise en charge dans un établissement, mais ce dispositif doit impérativement inclure un plus grand nombre d’habitats avec services.
La parole est à Mme Colette Mélot, auteure de la question n° 211, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’enfance.
Madame la ministre, même si le Président de la République a fait de la petite enfance une priorité nationale, en soulignant le caractère décisif des mille premiers jours de la vie et en formulant le souhait que la France investisse dans un programme d’accompagnement des parents, il manque en France 230 000 places de crèche, en plus des 446 000 existantes.
Si notre pays a pu s’enorgueillir d’un système de la petite enfance performant, il est désormais en perte de vitesse face à ses voisins européens : aujourd’hui, 40 % des enfants n’ont aucune solution d’accueil. Cette situation est d’autant plus inquiétante que 160 000 départs à la retraite sont attendus d’ici à 2030 parmi les 290 000 assistantes maternelles en exercice.
Certes, le Président de la République et la Première ministre ont annoncé la formation de 100 000 nouveaux professionnels d’ici à 2027 ; mais encore faut-il trouver des candidats !
La profession n’attire plus, en raison des conditions de travail, des niveaux de salaires trop bas, de l’absentéisme non remplacé, du manque de moyens ou encore du manque de reconnaissance. Or elle exige, à juste titre, de plus en plus de formations, notamment la validation d’épreuves du CAP petite enfance.
En souffrance depuis plusieurs années, les crèches peinent ainsi à recruter, et ce n’est pas l’assouplissement apporté par l’embauche de salariés non diplômés qui va régler le problème.
Les professionnels de la petite enfance ne se contentent pas d’accueillir l’enfant et de jouer avec lui. Ils sont chargés de la sécurité, de l’hygiène, de l’accompagnement des enfants et de la communication avec eux. Ils dialoguent également avec les parents et le reste de l’équipe, tout en assurant l’organisation de la structure.
Enfin, un déficit accru de solutions d’accueil aurait – nous le savons – de graves répercussions sur l’emploi : la vitalité des modes de garde de la petite enfance est une condition importante du dynamisme économique.
Aussi, quelles actions le Gouvernement compte-t-il lancer pour donner un nouveau souffle aux modes de garde de la petite enfance ?
Madame la sénatrice, l’accueil du jeune enfant est aujourd’hui la première préoccupation des parents et, en la matière, les difficultés sont connues : il manque environ 200 000 places de crèche pour répondre à la demande.
Beaucoup a déjà été fait, avec le plan Rebond en sortie de crise covid, doté de 200 millions d’euros, ou encore avec la réforme du complément de libre choix du mode de garde (CMG), assurée par le PLFSS pour 2023. Mais il nous faut aller plus loin pour mettre en place une offre d’accueil à la fois sécurisée et de qualité, financièrement accessible à tous et suffisamment large.
C’est l’ambition du futur service public de la petite enfance, au sujet duquel le ministre Jean-Christophe Combe a annoncé, le 21 novembre dernier, le lancement d’une grande concertation dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR).
Le premier trimestre 2023 verra cette concertation se déployer dans dix territoires, afin que toute la diversité des situations soit prise en compte pour l’élaboration de ce nouveau service public.
En outre, la création du service public de la petite enfance exigera un travail d’ampleur, déjà entrepris dans le cadre d’un comité de filière dédié, pour restaurer l’attractivité des métiers : à ce titre, il convient de se pencher sur la qualité de vie au travail, sur les parcours et formations ou encore sur les salaires.
Dès le mois de juillet dernier, mon collègue Jean-Christophe Combe a débloqué 2, 5 millions d’euros pour créer un observatoire de la qualité de vie au travail et organiser une campagne de promotion de ces métiers. Le 22 septembre, il a confirmé que l’État accompagnerait des revalorisations salariales, sous réserve que soit défini un socle social commun pour ces métiers ; à la demande des partenaires sociaux, le Gouvernement a saisi l’inspection générale des affaires sociales (Igas) afin qu’elle les accompagne en ce sens.
La parole est à Mme Laure Darcos, auteure de la question n° 267, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Ma question s’adressait au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; je remercie Mme Firmin Le Bodo d’être présente !
Les chefs d’entreprise d’Île-de-France, en particulier ceux de l’Essonne, sont très inquiets : la mise en place progressive de la zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m) est un véritable casse-tête pour les 100 000 sociétés des secteurs du bâtiment, des travaux publics et du transport routier qui exercent leur activité au sein de la métropole.
Ces entreprises sont déjà lourdement frappées par les restrictions d’accès aux communes situées dans le périmètre de l’autoroute A86. Elles le seront plus encore par la limitation de circulation qui s’appliquera aux véhicules classés Crit’Air 3 à partir du 1er juillet 2023, comme l’a décidé le conseil de la métropole du Grand Paris.
Comment desservir les chantiers en cours, assurer les livraisons ou répondre à des marchés avec des véhicules ne correspondant plus aux critères exigés ?
Ces entrepreneurs s’estiment d’autant plus pénalisés que les aides de l’État, même cumulées à celles de la région et de la Ville de Paris, sont nettement insuffisantes pour le renouvellement de leurs flottes et que les offres de véhicules à faibles émissions sont inexistantes chez les constructeurs.
C’est un véritable mur écologique et économique qui se dresse devant ces entreprises.
Le premier comité ministériel sur les zones à faibles émissions (ZFE), qui s’est tenu le 25 octobre dernier, est l’exemple même du défaut de concertation avec les organisations professionnelles : ces dernières ont pris connaissance a posteriori de nouvelles mesures coercitives adoptées à cette occasion.
Madame la ministre, mes questions sont les suivantes : allez-vous entendre la voix des chefs d’entreprise, qui vous demandent d’agir avec souplesse et pragmatisme ? Envisagez-vous de revoir, avec leurs organisations représentatives, le calendrier de déploiement de la ZFE d’Île-de-France, afin de tenir compte des évolutions technologiques en cours et des délais de mise sur le marché des nouveaux véhicules ?
Le Gouvernement envisage-t-il, en faveur des professionnels, des aides financières massives pour rendre les énergies alternatives plus compétitives et inciter durablement les entreprises à y recourir ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l ’ organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, mon collègue Christophe Béchu regrette de ne pouvoir être présent ce matin et m’a priée de vous fournir les éléments de réponse suivants. D’ailleurs, étant chargée de la santé environnementale, je travaille beaucoup avec lui sur ce sujet.
Mme Laure Darcos acquiesce.
La zone à faibles émissions mobilité fait partie des outils à la main des collectivités territoriales pour améliorer la qualité de l’air. Ces dernières définissent le périmètre d’application des ZFE, les critères et les échéances retenus. Les étapes de concertation et d’information permettent de prendre en compte les contraintes de l’ensemble des acteurs, en adaptant les horaires de restriction ou en instituant des dérogations ciblées en complément des exemptions prévues à l’échelle nationale.
L’État met à disposition des statistiques du parc de véhicules afin d’aider les collectivités territoriales à définir une trajectoire de restriction à la fois ambitieuse, réaliste et socialement acceptée.
Par ailleurs, pour ce qui concerne le transport routier de marchandises, une task force interministérielle, associant l’ensemble des parties prenantes depuis la fin de l’année 2020, vise à construire la trajectoire de transition énergétique de ce secteur.
Lors du premier comité ministériel de suivi des ZFE, qui, comme vous le signalez, s’est réuni le 25 octobre dernier, Christophe Béchu, Clément Beaune et moi-même avons annoncé la mise en place d’un comité de concertation chargé d’explorer les possibilités d’harmonisation.
Enfin, l’État apporte son soutien aux territoires souhaitant ou devant créer une ZFE au travers d’aides renforcées à l’acquisition de véhicules peu polluants, par le déploiement de mobilités douces ou encore, en 2023, avec la création du fonds vert, dont un volet sera spécifiquement dédié aux ZFE-m.
Les collectivités territoriales sont invitées à prendre des mesures complémentaires. Ainsi, la région d’Île-de-France propose quatre aides à l’achat d’un véhicule propre pour les professionnels et l’aide « Métropole roule propre ! » du Grand Paris vient compléter la prime à la conversion accordée par l’État.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais les problèmes que j’évoque vont sans doute encore s’accentuer dans les prochains mois.
Quand on parle des entreprises, on parle notamment des petits artisans qui n’ont pas les moyens de changer de véhicule : c’est aussi à eux que je pense.
La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, auteur de la question n° 264, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Ma question porte sur les conséquences de la réforme du master sur les concours de niveau bac+4.
Madame la ministre, comme vous le savez, dans les facultés de droit et de sciences politiques, la sélection de nos étudiants en master intervient, depuis la rentrée de septembre 2020, dès le master 1.
Cette réforme est bénéfique pour les étudiants qui, dans l’ancien système, seraient passés en master 1 sans obtenir un master 2. En effet, si le passage en master 1 était automatique dès lors que vous validiez votre licence, le passage en master 2 se révélait compliqué, car c’était le moment où survenait la sélection. L’étudiant qui n’avait pas été retenu, malgré l’obtention de son master 1, devait trouver un master 2 loin de chez lui, accepter un master dans une spécialité qui n’était pas la sienne ou tout simplement abandonner l’université.
Certes, avec la sélection, nous pouvons nous réjouir que les étudiants admis en master 1 aillent automatiquement en master 2 après validation de leur quatrième année. Mais ce système a aussi ses travers.
C’est une réforme qui touche principalement les facultés de droit. Il faut bien avoir à l’esprit que, dans cette discipline, les étudiants choisissent aussi la voie des concours. Or, en resserrant l’accès au master 1, cette réforme pénalise de nombreux étudiants qui souhaiteraient passer un concours ou un examen de niveau bac+4.
Je pense tout d’abord au célèbre certificat d’aptitude à la profession d’avocat (Capa) : un étudiant qui n’a pas de bac+4 ne pourra pas passer cet examen et ne deviendra donc jamais avocat. Dès lors, il subira la double peine : pas de master 1 en raison de la sélection et pas de concours qui nécessite une qualification à bac+4. Et, dans le domaine du droit, il y en a beaucoup.
Voici quelques exemples de professions : commissaire contrôleur des assurances, ingénieur des ponts, des eaux et des forêts, inspecteur de la jeunesse et des sports ou encore puéricultrice de catégorie A. Bien entendu, je n’oublie pas non plus le concours de l’École nationale de la magistrature (ENM).
Ainsi, ma question est la suivante : que compte faire le Gouvernement pour remédier à cette conséquence négative de la réforme des masters ?
Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser ma collègue Sylvie Retailleau, en déplacement en Guyane.
La réforme instituée par la loi du 23 décembre 2016 a adapté le deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat (LMD), conformément au processus de Bologne. Il s’agissait d’harmoniser les systèmes nationaux européens d’enseignement pour permettre une reconnaissance des diplômes nationaux dans tout l’espace européen d’enseignement supérieur.
L’objectif était double : permettre à chaque étudiant inscrit en première année de master d’achever son cursus sans subir de sélection entre la première et la seconde année ; et offrir à chaque titulaire du diplôme national de licence une poursuite d’étude, via notamment le dispositif de saisine du recteur.
Vous appelez notre attention sur les conséquences de cette réforme sur les concours. À la demande des ministères employeurs ou des ordres professionnels concernés, nombre d’entre eux exigent déjà un niveau master : c’est le cas des concours de l’enseignement, des concours de commissaire de police et de commissaire de justice.
Pour l’examen d’accès aux centres régionaux de formation professionnelle d’avocats (CRFPA), la profession souhaite également que le master devienne le diplôme requis.
Par ailleurs, s’il est important de mettre en adéquation le niveau de formation requis avec la nouvelle architecture des diplômes, en réalité, la plupart des candidats aux concours ont déjà un master.
Enfin, un certain nombre de concours de catégorie A, voire A+, restent accessibles au niveau licence. C’est notamment le cas du concours d’entrée à l’Institut national du service public (INSP).
Madame la ministre, j’entends votre réponse. Il n’en est pas moins vrai que la réforme des masters provoque la détresse de milliers d’étudiants : les intéressés nous sollicitent sans cesse et j’espère également que vous les entendez.
Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente.