Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale

Réunion du 13 février 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Le Gouvernement, qui semble avoir entendu, peut-être de façon subliminale, notre collègue Gélard, va proposer à la conférence des présidents que le débat en séance sur le mariage pour tous ne commence que le 2 avril. Cela nous donnera davantage de temps pour travailler en commission - des auditions supplémentaires ont été demandées. De plus, notre rapporteur pourra rédiger son rapport dans un calendrier moins tendu. La commission n'aura peut-être pas non plus besoin de siéger le mercredi et jeudi soir.

J'informe notre commission que par un courrier en date du 12 février, M. le Président du Sénat m'indique que le Président de la République envisage de nommer Mme Nicole Maestracci aux fonctions de membre du Conseil constitutionnel et que lui-même envisage de désigner Mme Nicole Belloubet pour exercer ces fonctions. Nous procèderons à l'audition de ces deux personnalités mercredi 20 février ainsi qu'au dépouillement simultané du vote avec l'Assemblée nationale s'agissant de la candidature proposée par le Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

A en croire l'AFP, les nominations sont déjà faites ! On réforme la Constitution pour accroître les prérogatives du Parlement et au final, tout le monde s'en moque.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je ne suis pas responsable de l'AFP et nous n'en sommes qu'au stade des propositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Imaginons que les trois cinquièmes n'en veuillent pas...

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Je trouverais normal qu'un communiqué de presse du président de la commission des lois rappelle que ces nominations sont suspendues à notre vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Qu'est devenue la proposition du nouveau président de la République d'inverser la règle afin que la majorité des trois cinquièmes soit nécessaire pour approuver les candidats ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Comme vous le savez, lors de la présentation de ses voeux aux parlementaires, le président de la République a annoncé une révision constitutionnelle. Ce sera l'occasion d'évoquer toutes ces questions.

Jean-Yves Leconte est nommé rapporteur sur le projet de loi n° 323 (2012-2013) portant prorogation du mandat des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger et sur le projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France.

La commission examine le rapport et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 753 (2011-2012), présentée par M. Jean-Pierre Sueur et plusieurs de ses collègues, tendant à modifier l'article 689-11 du code de procédure pénale relatif à la compétence territoriale du juge français concernant les infractions visées par le statut de la Cour pénale internationale.

EXAMEN DU RAPPORT

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Ce rapport difficile et passionnant pose une question simple : souhaite-t-on, peut-on, veut-on, doit-on élargir la compétence du juge français pour connaître des crimes contre l'humanité, des génocides, ainsi que des crimes et des délits de guerre qui ont été commis hors du territoire national, par des ressortissants non français, et qui n'ont pas fait de victimes françaises ?

La question est ancienne : dès la fin de la seconde guerre mondiale, elle avait porté sur l'opportunité d'une justice internationale, avec les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo. Puis, il a fallu attendre 1993 et 1994 pour que se mettent en place des tribunaux internationaux compétents pour les génocides de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda. En 1998, la convention de Rome a créé la Cour pénale internationale (CPI) - je salue ici tout particulièrement l'action obstinée de Robert Badinter pour soutenir la mise en place d'une justice internationale. La Cour a vu le jour en juillet 2002, tandis que la convention a connu un grand succès puisque plus de 120 Etats y sont parties.

La France a adopté la loi du 9 août 2010 portant adaptation du droit pénal à la CPI sur l'excellent rapport de notre collègue Patrice Gélard. Plusieurs amendements avaient alors été déposés, notamment par François Zocchetto, pour insérer un article 689-11 dans le code de procédure pénale. Celui-ci permet au juge français de poursuivre et de juger une personne qui aurait commis un crime contre l'humanité ou un crime de guerre, mais sous quatre conditions, quatre « verrous » : que la personne poursuivie réside habituellement sur le territoire français ; que le droit du pays d'origine prévoie la possibilité de poursuivre l'infraction (« double incrimination »), que la CPI ait expressément décliné sa compétence, et, enfin, que les poursuites ne puissent être engagées que par le ministère public, la constitution de partie civile n'étant pas ouverte. Le juge français dispose ainsi d'une compétence certes universelle mais bien relative.

L'objet de l'excellente proposition de loi de Jean-Pierre Sueur est simple : faire sauter ces quatre « verrous », en maintenant toutefois l'immunité traditionnellement accordée aux chefs d'État ou à d'autres représentants diplomatiques, qui découle de la coutume internationale et des conventions de Vienne.

Quels sont les termes du débat ? La suppression des trois premiers verrous fait l'objet d'un consensus. Tout le monde s'accorde pour remplacer la condition de résidence par le fait de « se trouver sur le territoire de la République », notion moins problématique et déjà définie par la Cour de Cassation. Idem pour la suppression de la condition de double incrimination : exiger que le pays où un génocide est commis prévoie une telle infraction n'a pas de sens. J'attire votre attention sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une modification anodine puisque, comme l'a fait observer Mme Mireille Delmas-Marty, la suppression de l'exigence de double incrimination aura pour effet d'étendre, conformément au droit pénal français, les possibilités de poursuites aux personnes morales. La troisième condition, relative à la déclinaison de sa compétence par la CPI, est inutile puisque, selon le statut de Rome, la compétence de la Cour est complémentaire ou subsidiaire par rapport à celle des juridictions nationales, ce qui donne lieu à la mise en place de nombreux mécanismes de coopération judiciaire entre la CPI et les juges des pays signataires.

Si la suppression de ces trois conditions ne pose pas de difficulté, la remise en cause de la quatrième fait débat. La question est de savoir qui peut engager des poursuites. Faut-il, suivant la proposition de loi, accorder aux victimes la possibilité de porter plainte en se constituant partie civile pour déclencher l'action publique ou doit-on maintenir le monopole du parquet ? Les deux points de vue diffèrent radicalement dans leur conception et dans leurs effets.

La première hypothèse se fonde sur la tradition française de la constitution de partie civile, même si celle-ci connaît des exceptions : lorsqu'un Français est l'auteur ou la victime d'un délit à l'étranger - non d'un crime, j'en conviens -, ainsi qu'en matière d'extradition, pour un certain nombre d'infractions, seul le parquet peut mettre en mouvement l'action publique. La proposition de loi ne s'applique que dans le cadre extrêmement particulier de l'extraterritorialité : lorsque ni la victime, ni l'auteur ne sont français et que les faits ne se sont pas déroulés dans notre pays. Dans de tels cas, l'application du droit commun n'est sans doute pas pertinente.

Il est ensuite un autre argument, beaucoup plus fort, en faveur de la constitution de partie civile : comment peut-on appliquer deux régimes juridiques différents, l'un pour les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et les crimes de génocide et l'autre pour les crimes de torture, visés par la convention de New York, pour lesquels la victime peut déclencher l'action publique ?

Cette thèse est fortement mâtinée de méfiance envers le ministère public, soupçonné de vouloir invoquer l'opportunité des poursuites pour ne pas poursuivre telle haute personnalité présente sur le territoire national. C'est bien là que le bât blesse et je souhaiterais donner des arguments en faveur du maintien du monopole du parquet.

Cette position est aussi celle des ministères des Affaires étrangères et de la Défense ainsi que de la Chancellerie. Ces trois ministères régaliens, qui ont - avancée considérable ! - accepté de supprimer les trois premiers verrous, s'inquiètent des conséquences de la fin du monopole du parquet car, en toutes choses, notre justice peut être instrumentalisée. Malgré les conditions actuellement en vigueur, 50 % des plaintes adressées au pôle français chargé des crimes contre l'humanité au TGI de Paris sont infondées. Ces crimes étant imprescriptibles, il serait, en outre, tout à fait possible de poursuivre un ancien chef d'Etat longtemps après sa cessation de fonctions.

La plupart des pays européens ignorent la mise en mouvement de l'action publique par la constitution de partie civile. En Allemagne, si le ministère public dispose d'un monopole, il est toutefois soumis au principe de légalité des poursuites, ce qui ne le laisse pas juge de l'opportunité de ces dernières. Mais des exceptions existent en matière d'extra-territorialité. En Angleterre, l'équivalent du ministère public dispose aussi d'un monopole, son refus de poursuivre pouvant donner lieu à une sorte d'appel prenant la forme d'un débat public. Le monopole du ministère public est aussi en vigueur en Finlande.

Reste le cas de la Belgique qui a, très généreusement, souhaité en 1993 se doter d'une compétence universelle en supprimant toutes les conditions, y compris celle de l'immunité diplomatique. Elle s'est rapidement heurtée à des difficultés : des plaintes contre Ariel Sharon ou George Bush ont été déposées... Le pays n'a pas pu résister à la tornade qu'il avait lui-même déclenchée : les Etats-Unis ont envisagé de déménager le siège de l'OTAN et Israël a rappelé son ambassadeur. La Belgique a dû revenir en arrière et sa législation actuelle est beaucoup plus restrictive que la nôtre. L'Espagne a, elle aussi, dû faire marche arrière.

Entre les deux positions en présence à propos du monopole du parquet, vous aurez bien compris laquelle je soutiens. Les tenants de l'autre option n'hésitent pas à rappeler que le juge d'instruction peut très bien refuser d'informer ou rendre une ordonnance de non-lieu. Toutefois, le refus d'informer est limité aux cas d'irrecevabilité manifeste et d'absence de qualification pénale, tandis que l'ordonnance de non-lieu n'intervient parfois qu'au bout de six mois ou un an, voire davantage, ce qui n'est pas sans conséquence pour la personne mise en cause.

Aussi, souhaitant conserver l'esprit de la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur, nous avons, après un long travail, abouti à un amendement distinguant deux situations. Lorsqu'une personne est déjà recherchée par une juridiction étrangère ou par la CPI, la mise en mouvement de l'action publique par la partie civile pourrait être admise, car il a déjà été procédé à un minimum d'enquêtes et de vérifications. L'honnêteté m'oblige à préciser que ces cas devraient être extrêmement rares. Dans les autres hypothèses, je propose en revanche d'en rester au monopole du ministère public.

Le texte s'inscrit en outre dans la perspective de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature et donc d'un nouveau statut du parquet. Il conviendra que la garde des Sceaux publie une circulaire de politique pénale générale indiquant clairement dans quels cas le ministère public devra engager des poursuites.

Le monopole du parquet étant maintenu, nous pourrions élargir la compétence du juge français qui est actuellement limitée aux cas où les personnes peuvent être déférées devant la CPI. Elle ne s'applique qu'à des ressortissants d'un pays signataire de la convention de Rome ou si les faits se sont déroulés sur le sol d'un de ces Etats, sauf si le Conseil de sécurité de l'ONU a saisi la Cour. Nous pourrions aller plus loin en permettant aux juridictions françaises de poursuivre des ressortissants d'Etats non parties à la convention, tels que la Syrie, par exemple. Cette proposition, qui est dans l'esprit du texte de notre collègue Jean-Pierre Sueur, nous conduit à une nouvelle rédaction visant les cas situés hors de la compétence de la CPI.

Je suggère d'y ajouter deux autres modifications. Tout d'abord, les dispositions du texte actuel mentionnant les « personnes coupables de l'une des infractions » m'ont toujours choqué puisqu'il s'agit de personnes non encore jugées. Je propose donc de retenir plutôt l'expression « personnes soupçonnées de l'une des infractions ». Ensuite, il était évident d'étendre le dispositif à Wallis-et-Futuna, à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française.

Tout cela est bel et bon, encore faut-il donner aux magistrats du pôle chargé des crimes contre l'humanité les moyens de travailler. Il serait irresponsable d'ouvrir les possibilités de poursuites et de laisser les trois juges instructeurs, les deux membres du parquet et leurs assistants spécialisés sans les moyens correspondants. C'est l'un des problèmes que rencontre la CPI et nous devrons attirer l'attention de la garde des Sceaux sur cette condition indispensable à la réalisation de la grande ambition portée par cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je félicite Alain Anziani pour la contribution très forte qu'il apporte à cette proposition de loi, qui est elle-même l'aboutissement de nombreux travaux de Robert Badinter, de Mireille Delmas-Marty et de Simon Foreman, ainsi que du rapport de Patrice Gélard que vous avez cité tout à l'heure.

Lors de la rédaction de cette proposition de loi, j'avais moi aussi réagi à l'emploi du terme « coupable », puis je l'ai maintenu parce que la Chancellerie m'avait expliqué qu'il figurait déjà dans de nombreux textes. Cela dit, je soutiens la modification proposée par le rapporteur, de même que je suis favorable à l'extension de la compétence des juges nationaux.

La suppression des trois premières conditions est très positive ; reste à statuer sur la quatrième. Après en avoir beaucoup discuté, j'estime qu'un filtre est nécessaire comme l'illustre le cas de la Belgique même si ce pays était allé encore plus loin en supprimant toute règle d'immunité et de présence sur le territoire. Le rapporteur a déployé de nombreux efforts pour parvenir à une solution. Il en est peut-être d'autres mais, croyez-moi, ce n'est pas une tâche facile...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Je salue le travail d'Alain Anziani qui a recherché un équilibre entre deux impératifs : faire vivre la justice internationale et aider la France à y participer afin qu'il n'y ait pas de territoire où les criminels soient impunis.

La justice internationale joue un rôle préventif, car la menace de poursuites empêche certains dirigeants de commettre des exactions, de même qu'elle aide les pays à faire la lumière sur les périodes les plus sombres de leur histoire, comme ce fut le cas en Amérique du Sud. Quant à la France, si elle veut rester au coeur de l'activité diplomatique, elle doit pouvoir recevoir, pour des conférences internationales, les protagonistes d'un conflit sans qu'ils risquent d'être poursuivis dès qu'ils posent le pied sur notre sol. Elle doit aussi pouvoir leur offrir une porte de sortie en les accueillant lorsque c'est utile.

La situation actuelle n'est pas satisfaisante. Les trois premiers verrous constituent des blocages d'autant moins justifiés qu'en matière de torture, où ils n'existent pas, il y a peu de poursuites. Il nous est proposé de ne pas autoriser la constitution de partie civile, alors qu'elle est possible pour des crimes regardés comme moins graves dans l'échelle des peines. Je voterai l'amendement présenté, mais le filtre proposé est-il le bon ? Comme l'a fait valoir l'Union syndicale des magistrats, en demandant au parquet de prendre en compte des exigences politiques, on fait peser un soupçon sur son indépendance, alors même que la procédure concerne le plus souvent des pays où la justice n'est précisément pas indépendante. N'est-on pas en train d'apporter une mauvaise réponse à une bonne question ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Intellectuellement, je comprends que l'on supprime la condition - terme logique que je préfère à celui de « verrou », emprunté à la mécanique - d'absence de poursuites dans un pays étranger. Dans quel cas toutefois, sera-t-il vraiment utile à la manifestation de la vérité que deux procès portant sur les mêmes faits se déroulent en même temps ?

La question de l'immunité ne recouvre qu'une toute petite partie des enjeux, puisque nombre d'organisations non étatiques pourraient être poursuivies par des plaignants souhaitant conduire une démonstration. Nous venons d'assister à un drame, avec l'assassinat à Paris de trois militantes kurdes ; certains dirigeants d'organisations nationalistes turques résidant dans notre pays pourraient vouloir demain poursuivre le PKK pour crimes de guerre. Cela serait-il judicieux pour la France ? En outre, lorsqu'un pays vote une loi d'amnistie pour sortir d'une guerre civile, est-ce à la France d'organiser malgré tout des procès ? Les précautions prises par Alain Anziani me paraissent tout à fait justifiées.

Enfin, je souligne que, sur ce sujet comme sur d'autres, il y a les associations et il y a le législateur. Les premières militent pour une cause, et certaines ne sont jamais satisfaites. Il revient au législateur de prendre en compte toutes les composantes de l'intérêt général.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Ce débat me rappelle celui que nous avions eu dans cette commission des lois il y a quelques années...

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Nous étions allés très loin mais, à la demande du gouvernement, nous n'avions pas été suivis. Je félicite Alain Anziani qui va dans le même sens, et nous voterons cette proposition de loi telle qu'il propose de la modifier.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

J'ai été assaillie par les associations et le Syndicat de la magistrature qui s'opposent au monopole du parquet - je ne m'y attendais pas. Bien qu'il soit contestable dans certains cas, nous voterons le texte tel qu'amendé. Je partage le point de vue d'Alain Richard sur les associations mais attention à ne pas généraliser !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Ce texte nous fait tomber dans un travers bien français, qui est de vouloir éclairer le monde et de rendre la justice à la place des autres. Cela peut être dangereux en termes de sécurité juridique. Hormis la Belgique, y a-t-il d'autres Etats qui ont pratiqué ce qui nous est proposé ? Tout cela est risqué et source de conflits potentiels. Notre pays pourrait se trouver en porte à faux, en donnant des leçons de justice aux autres tout en accueillant, sans rien dire, des dirigeants de nos anciennes colonies sur lesquels il y aurait beaucoup à dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Ce rapport fait bien la part du pour et du contre. Notre groupe se félicitait de cette proposition de loi et de la suppression des verrous, mais nous sommes interrogatifs sur l'amendement du rapporteur qui conserve un monopole au parquet. J'entends vos arguments, mais cet amendement remet en cause le droit pour toute victime de saisir le juge si le parquet classe l'affaire ou s'il n'est pas en mesure de poursuivre. La Cour européenne des droits de l'homme a précisé à maintes reprises que le parquet n'était pas une autorité judiciaire indépendante. J'entends aussi votre volonté de rassurer en évoquant la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, mais tant que le texte n'est pas là, ce ne sont que des paroles. Même chose concernant une éventuelle circulaire de la garde des Sceaux, nous resterons sur nos gardes. L'immunité limite déjà fortement les risques de plaintes abusives et le filtre du parquet n'empêchera pas le dépôt de certains recours susceptibles de poser problème.

L'exemple des Kurdes, avancé par M. Richard, est séduisant. Mais faisons confiance à la justice. N'importe qui, en effet, peut saisir la justice avec parfois pour seule motivation la volonté de régler ses comptes personnels avec autrui. Or dans ces dossiers, le parquet n'a pas le monopole des poursuites et celui qui dépose des plaintes abusives est passible de sanctions. Soyons attentifs à ne pas créer une justice d'exception, qui aboutirait à modifier, insidieusement, le modèle de la justice quotidienne.

Nous voterons cet amendement unique, même s'il est à prendre ou à laisser, car il supprime les trois premiers verrous. Nous nous réservons la possibilité de présenter des amendements en séance. Il est important de faire évoluer la loi de 2010, elle n'était pas acceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je voterai la proposition de loi, que j'ai cosignée, mais je partage la position de M. Détraigne. Pourquoi juger en effet, sur la base du droit pénal français, des infractions commises à l'étranger par des étrangers ? Parce qu'il s'agit de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité ? Sans doute. Je voterai néanmoins ce texte surtout parce que, il est sans soute préférable qu'une personne soit jugée par un tribunal français que par la CPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Le risque de double poursuite me paraît limité. L'article 692 du code de procédure pénale interdit par ailleurs de juger une personne qui justifie avoir été jugée définitivement à l'étranger pour les mêmes faits.

Autre difficulté, les lois d'amnistie votées à l'étranger. Autoriser la constitution de partie civile pourrait avoir des effets délétères, car les lois d'amnistie étrangères ne sont pas opposables en France. Or, certaines d'entre elles peuvent être nécessaires à la réconciliation nationale.

Je remercie M. Gélard, ainsi que Mme Benbassa pour leurs propos.

La France a-t-elle vocation à donner des leçons en matière de justice internationale au monde entier ? S'il y a des valeurs universelles, il importe de les faire respecter universellement, même si les infractions ne sont pas poursuivies dans le pays d'origine. De plus, faute de ressources, les juridictions de ces pays, ou la CPI, ne sont pas toujours en mesure d'agir quand elles le souhaiteraient.

Le champ des immunités diplomatiques est limité ; d'anciens chefs d'Etat ou diplomates pourraient être poursuivis. Il y a des exemples précis. Surtout, doit-on créer une justice d'exception ? Par définition, dès lors que cette proposition de loi crée une compétence extra-territoriale, elle crée une justice d'exception. C'est pourquoi il est nécessaire d'appliquer des règles, notamment un filtre, pour éviter que notre pays soit instrumentalisé.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article unique

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

La rédaction du dernier alinéa n'est-elle pas redondante : dans la mesure où le ministère public s'assure de l'absence de poursuite, il paraît inutile de prévoir qu'il n'engagera de procédure que si aucune juridiction internationale ou nationale n'a demandé de remise ou d'extradition ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Il convient de distinguer deux cas. Si une juridiction internationale est saisie, l'affaire échappe à la règle du monopole du ministère public. Si aucune juridiction n'est saisie, alors le ministère public dispose du monopole des poursuites. Ainsi le procureur doit s'assurer que des poursuites n'ont pas déjà été engagées. Il ne s'agit que d'une mesure de vérification.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

L'équilibre est difficile à trouver. Les solutions juridiques apportées, que j'approuve, ne régleront pas tous les cas pratiques.

L'opposant tchadien, Ibni Oumar Mahamat Saleh, est disparu le 3 février 2008. Une commission internationale a montré l'implication des forces de la garde présidentielle tchadienne. Une enquête a été acceptée par l'État tchadien, elle n'a évidemment pas abouti. La France est indirectement concernée, car des conseillers militaires étaient présents à N'Djamena. Les partisans de la vérité sont démunis, et on imagine mal le procureur de la République saisir la CPI, sur ces faits qui se sont accompagnés d'une répression féroce. Tout cela figure dans le rapport de la commission d'enquête. La possibilité de se constituer partie civile favoriserait des évolutions. La loi, dans son souci de fixer un cadre juridique stable, est source de blocages, à moins de démontrer l'utilisation de la torture, ce qui n'est jamais simple. Il est difficile de construire un droit international de protection des personnes dès lors que des Etats sont impliqués. Je critiquais l'ancien gouvernement pour son inertie, force m'est de formuler les mêmes critiques à l'égard du nouveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Je propose, afin d'éviter toute redondance, de modifier la rédaction de cet amendement n° 2 afin de prévoir que le ministère public s'assure « au préalable » de l'absence de poursuite.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Cette rectification est utile.

L'amendement n° 2, ainsi rectifié, est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article additionnel

L'amendement n° 1 rend cette proposition de loi applicable à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

L'amendement n° 1 est adopté ; l'article additionnel est inséré.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

La commission examine le rapport et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 169 (2012-2013), présentée par Mmes Annie David, Eliane Assassi et plusieurs de ses collègues, portant amnistie des faits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales et revendicatives.

EXAMEN DU RAPPORT

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

L'amnistie constitue une tradition vénérable qui remonte à l'Athènes du Ve siècle avant notre ère. En France, sous leur forme de lois d'oubli et d'apaisement votées par le parlement, elles existent depuis les lois constitutionnelles de 1875. Si certaines ont été le prolongement d'événements exceptionnels, comme la guerre d'Algérie ou les troubles en Nouvelle-Calédonie, les autres ont été votées après chaque élection présidentielle sous la Ve République, jusqu'en mai 2002. Ces lois ont été critiquées au motif qu'elles recouvraient un champ d'application très vaste et constituaient des incitations à commettre des infractions aux cours de la période précédent l'élection présidentielle.

Cette proposition de loi échappe largement à ces critiques. Son objet est beaucoup plus limité. Elle ne concerne, dès lors qu'elles sont passibles de moins de 10 ans d'emprisonnement, que les infractions commises lors de conflits du travail à l'occasion d'activités syndicales ou revendicatives, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics - circonstances déjà visées par les lois d'amnistie présidentielle de 1981, 1988, 1995, et 2002 - et celles commises lors de mouvements collectifs, revendicatifs, associatifs ou syndicaux, liés à des problèmes concernant l'éducation, la santé, l'environnement, et les droits des migrants, y compris en cas de manifestation sur la voie publique ou des lieux publics. Les lois d'amnistie présidentielles envisageaient déjà les infractions commises lors de manifestations liées à un conflit du travail. Le texte étend le champ de l'amnistie aux mouvements collectifs dans des domaines énumérés de manière limitative. Conflits du travail ou mouvements collectifs, il s'agit toujours de mouvements où les citoyens se sont mobilisés pour défendre leurs droits fondamentaux, leurs conditions de travail, l'emploi, le système de protection sociale ou l'environnement.

Le contexte économique, difficile, suscite de multiples mouvements sociaux et revendicatifs. La liberté de manifestation et la liberté syndicale sont nécessaires en démocratie parce qu'elles enrichissent le débat en donnant à tous les moyens de s'exprimer.

Or, de plus en plus fréquemment, des représentants syndicaux ou associatifs se voient condamnés par la justice ou sanctionnés professionnellement pour entrave au travail, dégradation, diffamation sur les réseaux sociaux, ou encore refus de se soumettre à un prélèvement d'ADN à la suite d'une action, comme le fauchage d'un champ d'OGM par exemple. L'utilisation de ce délit par les forces de l'ordre est contestée par les membres des associations et des syndicats que j'ai auditionnés car il crée une facilité d'incrimination : il suffit d'attribuer à quelqu'un une infraction puis de constater son refus d'accepter le prélèvement. Or la possibilité de réaliser un prélèvement génétique pour alimenter un fichier national, initialement limitée aux délits sexuels, a été étendue à de nombreux délits, comme les dégradations ou les atteintes aux biens.

La poursuite systématique de ces comportements aboutit à une paralysie des syndicats ou associations. Une amende élevée obère leurs finances et se révèle dissuasive. Dans le même temps, elle encourage des actions individuelles moins contrôlées, moins prévisibles, plus violentes tout en appauvrissant le débat public. Aussi une mesure d'apaisement paraît-elle souhaitable, en amnistiant ces faits.

Toutefois, si les circonstances dans lesquelles les infractions sont commises limitent le champ de la loi par rapport aux précédentes lois d'amnistie, il m'est apparu nécessaire d'introduire une limitation supplémentaire sur la nature des délits. Les précédentes lois comportaient une liste, en forme d'inventaire à la Prévert, des infractions que le législateur souhaitait exclure du bénéfice de l'amnistie. Cette liste n'a cessé de s'allonger, parfois en fonction de l'actualité, pour atteindre 49 exclusions dans la loi du 6 août 2002. Cette liste ne se justifie pas pour ce texte en raison de son caractère plus ciblé. En outre chaque loi d'amnistie s'accompagnait d'une circulaire de la Chancellerie : en 2002 par exemple, il était demandé aux parquets d'apprécier pour chaque cas s'il existait entre le délit et le critère de l'amnistie un lien suffisant. En particulier, si les agissements n'avaient pas été commis dans le cadre d'un mouvement collectif de défense de l'intérêt collectif d'une profession mais dans le cadre d'actions ponctuelles, au service d'intérêts patrimoniaux, la loi d'amnistie ne devait pas s'appliquer. Aussi ne bénéficie-t-elle pas aux casseurs.

Je propose, retenant la proposition du ministère de la justice, de continuer à exclure des délits commis dans les conditions prévues à l'article 1er certains délits présentant une particulière gravité : les violences commises à l'égard des personnes dépositaires de l'autorité publique ainsi que les violences à l'égard des mineurs de moins de 15 ans et des personnes particulièrement vulnérables, comme c'était le cas dans la loi du 6 août 2002. En outre, l'amnistie vaudra pour les sanctions à caractère disciplinaire. Il appartiendra à l'Inspection du travail de veiller au retrait de ces mentions du dossier des intéressés. Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 20 juillet 1988, a reconnu au législateur la possibilité d'étendre l'amnistie aux sanctions disciplinaires dans un but d'apaisement politique ou social. Cependant, seules les sanctions infligées dans le cadre des circonstances mentionnées à l'article 1er seront concernées. Contrairement à la loi de 2002, mais comme en 1988, une possibilité de réintégration est prévue. L'amnistie, toutefois, n'est pas la réhabilitation et les droits de tiers doivent être préservés. Elle n'a pas non plus d'effets sur les instances civiles : les tiers lésés pourront toujours demander la réparation des dommages causés. En 1988, le Conseil constitutionnel avait considéré qu'une réintégration n'était pas possible en cas de faute lourde, mais il avait admis que le législateur pouvait prévoir la réintégration des salariés protégés en raison de la difficulté de leurs fonctions. Pour tenir compte de cette décision, j'ai déposé un amendement qui exclut les fautes lourdes des circonstances pouvant donner lieu à réintégration et qui limite celle-ci aux salariés protégés par le code du travail. Toutefois je ne m'interdis pas de déposer en séance un amendement prévoyant la réintégration des salariés non protégés.

A l'égard des étudiants visés à l'article 5, un amendement exclut leur réintégration en cas de violences. Enfin, de manière novatrice, le texte prévoit que l'amnistie entraîne la suppression des empreintes génétiques et des informations nominatives recueillies dans le cadre des infractions visées. Vous le voyez, je me suis efforcée de maintenir un équilibre, tous les autres amendements sont rédactionnels.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Je comprends les motivations du texte, mais l'exercice du droit syndical autorise-t-il à franchir les limites fixées par la loi ? Si une décision de justice a été rendue, est-il opportun de procéder par une loi d'amnistie ?

En outre, les lois d'amnistie revêtent un caractère discriminant. Ainsi, un salarié d'Arcelor Mittal qui, au cours d'une chasse abattrait, par erreur, un bécasseau variable, espèce protégée, au lieu d'une bécassine, serait passible, devant le tribunal correctionnel, d'une peine supérieure à celles susceptibles d'être prononcées à l'encontre des auteurs d'infractions visées dans ce texte. Il ne sera pas amnistié. Les lois d'amnistie trop ciblées sont source d'iniquité et d'injustice.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je suis résolument hostile au principe de toute amnistie. Historiquement, les lois d'amnistie ont répondu à des circonstances précises où l'unité nationale était en jeu. Le président de la République précédent refusait les amnisties collectives. Le fait du prince n'est pas admissible, et les lois d'amnistie contreviennent au principe d'égalité devant la loi. Enfin, dans notre cadre institutionnel, caractérisé par la séparation des pouvoirs, une décision de justice, dès lors que tous les recours ont été épuisés, doit être exécutée.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Pourquoi ne pas exclure de l'amnistie les atteintes aux personnes non dépositaires de l'autorité publique ? Les mouvements sociaux suscitent, en effet, des rixes et des violences entre collègues notamment.

Le titre qui mentionne l'amnistie des faits commis « à l'occasion de » mouvements sociaux exclut-il bien les casseurs du champ de l'amnistie ? De même la notion d'activités revendicatives ou syndicales implique l'idée d'une activité habituelle alors que la commission d'infractions relève de l'exceptionnel. Peut-on enfreindre régulièrement la loi dans le cadre d'une activité habituelle ?

Autre difficulté : ce texte ne fixe aucune date. En outre, l'intérêt collectif est-il toujours un intérêt général ? De multiples associations se constituent qui ne sont parfois que la somme d'intérêts privés sans lien avec un intérêt général.

Enfin est-il pertinent de punir de 5 000 euros d'amende quiconque rappellerait des faits amnistiés, alors que l'amnistie n'a pas pour effet d'empêcher la publication de la condamnation quand cette obligation figure dans le jugement ? Comme l'amnistie n'est pas toujours connue, quelqu'un peut être condamné alors qu'il l'ignorait en toute bonne foi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Les lois d'amnistie, attentatoires aux principes d'égalité ou de séparation des pouvoirs, ne se justifient qu'en cas de circonstances exceptionnelles.

L'exposé des motifs de la proposition de loi évoque des « sanctions injustes » décidées par les tribunaux. Si la loi est injuste, il faut changer la loi ; estimer que les tribunaux rendent des décisions injustes sape l'autorité du juge et la confiance en nos tribunaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Je suis hostile, par principe, aux lois d'amnistie comme aux lois qui traitent de l'histoire, aux lois qui statuent sur des événements passés comme à celles qui portent atteinte à l'indépendance de la justice.

Je suis en outre sceptique sur les modalités. Comme Virginie Klès, je considère que le terme « mouvements revendicatifs » a une portée extrêmement large. D'où la tentative de cerner, de manière limitative, des domaines dans lesquels l'activité syndicale bénéficie de l'amnistie, excluant ainsi les domaines non mentionnés. Ainsi, la défense des libertés individuelles, comme la liberté d'expression, n'entre pas dans le champ de l'amnistie. Quid également de mouvements liés à l'actualité internationale, comme le printemps arabe, qui peuvent concerner le droit des migrants ?

Ensuite, l'amnistie vaudra pour les faits commis avant le 6 mai 2012. Doit-on conclure qu'il était légitime de contester les décisions, injustes par définition, du précédent gouvernement, mais que toute manifestation intervenue depuis, comme à Notre-Dame-des-Landes, est passible de sanctions ? Je ne raterai pas cette occasion médiatique...

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Je comprends l'hostilité de certains à l'amnistie. Pour ma part, je suis hostile à la stigmatisation croissante des mouvements collectifs. L'application minimaliste des droits des salariés et l'absence de transparence et de dialogue conduisent à une radicalisation des conflits. Les salariés découvrent, parfois dans la presse, que leur conseil d'administration a décidé de manière autoritaire la fermeture de leur usine, sans prendre la peine d'étudier des solutions alternatives. Tel est le contexte de cette proposition de loi.

Dans de nombreux conflits, les personnes jugées le sont pour l'exemple, souvent sans preuve, ce qui conduit la justice à les innocenter, comme les cinq syndicalistes de Roanne incriminés pour des tags tracés pendant une nuit lors du conflit sur les retraites. L'amnistie est nécessaire pour ces personnes qui encourent des peines au nom de causes collectives et non d'intérêts particuliers.

Il est sans doute regrettable de recourir à une loi d'amnistie ; malheureusement la réalité sociale y conduit, les conflits étant de plus en plus nombreux et lourds de conséquences. De même, le fichage et le recueil des empreintes génétiques n'est pas pertinent dans ces affaires. Enfin, des amendements amélioreront le texte, destiné à ceux dont les droits ont reculé ces dernières années.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

En tant qu'ancien syndicaliste militant dans la fonction publique européenne, je comprends l'exposé des motifs. En revanche, l'amnistie n'est pas la bonne méthode. Mieux vaut modifier la loi qui protège l'action syndicale. De plus ce texte fait référence à des délits passibles de moins de dix ans d'emprisonnement, ce qui n'est pas mince...

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Il est délicat d'effacer par la loi les conséquences juridiques de faits de violence. Affirmons sans ambiguïté que la violence ne doit pas constituer une réponse dans une société démocratique. Interrogeons-nous sur la place laissée au dialogue, à la concertation et aux partenaires sociaux. En particulier cela vaut pour l'accord interprofessionnel qui vient d'être signé : si l'on considère que la négociation sociale est nécessaire, il convient d'en tirer les conséquences. Je soutiens ce texte, dès lors que les violences et les outrages aux agents dépositaires de l'autorité publique ont été exclus du champ de l'amnistie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'amnistie a parfois été utile à notre République et à notre pays, je n'y suis pas défavorable par principe. Toutefois le texte, même amendé, ne va pas assez loin. La modification de la date ne me paraît pas judicieuse. Je partage les observations déjà formulées sur le titre. Les notions d'activités syndicales et revendicatives sont différentes. Est-ce cumulatif ? De même, comment évoquer des « sanctions injustes qui ne visent qu'à éteindre toute velléité de contestation » dans l'exposé des motifs d'une loi ? Il s'agit d'un procès d'intention fait aux magistrats qui s'efforcent d'exercer leurs fonctions dans des conditions acceptables par tous. Ceux qui affirment que les magistrats rendent leurs jugements avec la volonté délibérée d'éteindre des mouvements sociaux semblent en contradiction avec les positions qu'ils défendent en d'autres occasions.

De surcroît, toutes les violences physiques doivent être exclues du champ de l'amnistie. Autant on peut amnistier certains débordements mineurs commis dans des situations de détresse, autant les délits passibles de dix ans d'emprisonnement sont autrement plus graves. De même, en visant les délits commis à l'occasion de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics, il devient difficile de faire la distinction avec certains comportements délictueux étrangers aux revendications des syndicats et qui ne relèvent pas de leur responsabilité.

Au-delà de l'affichage médiatique, il est des cas où l'intervention du législateur montre ses limites.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Ce genre de textes peut rentrer dans les dispositions classiques et habituelles de l'amnistie présidentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Pourquoi reporter, par voie d'amendement, l'application de l'amnistie aux faits commis avant le 1er février 2013, et non plus avant le 6 mai 2012 ? Est-ce le signe d'une volonté d'amnistier toutes les infractions commises à l'occasion d'activités syndicales ou revendicatives, indépendamment de la date ? Ne serait-il pas plus simple, en ce cas, de changer la loi encadrant l'exercice syndical pour affirmer que ces infractions ne méritent pas d'être poursuivies, sans avoir à recourir à une amnistie limitée dans le temps ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

J'ai bien entendu ce qu'ont dit les présidents Sarkozy et Hollande sur l'amnistie. Je me souviens en outre avoir soutenu et voté un certain nombre de textes d'amnistie, qui ont eu des effets positifs en d'autres temps, en particulier pour l'état de nos prisons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je demande une suspension de séance à l'issue de la discussion générale afin de réunir mon groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ce débat ressemble à ce que j'imaginais : nous touchons à un domaine sensible, et ce texte particulier intervient dans une situation économique et sociale qui ne l'est pas moins. Je crois aux vertus du débat, et ne doute pas que celui qui se tiendra en séance contribuera à améliorer le texte. Je prends note des clivages qui se manifestent, et ne fermerai aucune porte à la discussion.

Les lois d'amnistie ont toujours eu un caractère circonstanciel. Ici, la situation économique exige tout particulièrement le dispositif que je propose.

J'ai bien compris que M. Zocchetto était hostile au principe même de l'amnistie, à l'exclusion de celles qui interviennent dans des circonstances historiques précises. Sa position a le mérite de la clarté.

Mme Klès m'interroge sur le titre de la proposition de loi : la formule est utilisée depuis 1981. Certes, les traditions peuvent changer. Je serai ouverte aux propositions lorsque nous en débattrons.

Il ne s'agit pas, monsieur Lecerf, de dire que les décisions des tribunaux sont injustes. Ce n'est ni ma pensée, ni l'esprit de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je ne souhaite pas polémiquer avec M. Béchu. Il ne s'agit nullement de réécrire l'histoire : les faits demeurent, seul est retiré leur caractère infractionnel. Le spectre des mouvements revendicatifs dont il s'agit est très large, allant des salariés de Peugeot qui se battent contre les fermetures d'usine, jusqu'aux militants pour le mariage pour tous.

Je suis d'accord avec M. Cointat : la loi qu'il cite mériterait d'être modifiée. S'il le propose, je le soutiendrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Le seuil de dix ans a toujours été retenu dans ce cas de figure. Je signale à Gaëtan Gorce que dans la majorité des cas, les peines ont été purgées, et qu'il ne s'agit que de nettoyer le casier judiciaire des personnes concernées.

La remarque de Jacques Mézard sur les violences physiques trouvera, je n'y vois pas d'inconvénients, un écho dans les amendements déposés en séance publique. Enfin, j'indique à M. Reichardt qu'un amendement modifie la date des faits ouvrant application de l'amnistie, afin d'ôter à cette loi tout caractère politique.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Je comprends l'esprit de la proposition de loi déposée par votre groupe avec la date du 6 mais 2012. Mais si l'on change la date, pourquoi recourir à l'amnistie ? Sauf à multiplier les lois d'amnistie, vous vous trouverez toujours face à ce type d'infractions. Dans ce cas, il faudra modifier tout l'arsenal juridique.

La réunion, suspendue à 11h40 reprend à 11h50.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

L'amendement n° 1 tient compte du temps écoulé depuis la dernière élection présidentielle.

L'amendement n° 1 est rejeté.

L'amendement rédactionnel n° 2 est adopté.

L'amendement n° 3 rectifié bis exclut du bénéfice de l'amnistie les violences commises sur des personnes dépositaires de l'autorité publique et les menaces proférées à l'encontre des mêmes personnes, ainsi que les atteintes volontaires à l'intégrité physique ou psychique d'un mineur de quinze ans ou d'une personne particulièrement vulnérable. En outre, il supprime l'exclusion de l'amnistie prévue par l'alinéa 5 pour les employeurs en matière de législation du travail, cette exclusion n'apparaissant pas utile dans le champ visé par l'amnistie.

L'amendement n° 3 rectifié bis est adopté.

Article 2

L'amendement rédactionnel n° 4 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

L'amendement n° 5 rattache au présent article un alinéa de l'article 3.

L'amendement n° 5 est adopté.

Article 3

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

L'amendement n° 6 supprime l'article 3 : son premier alinéa est redondant avec l'article 2, auquel nous venons de rattacher le second.

L'amendement n° 6 est adopté.

L'article 3 est supprimé.

Article 4

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

L'amendement n° 7 modifie la rédaction de l'article 4 : les faits visés sont tous ceux accomplis dans les circonstances précisées à l'article premier, et non à l'occasion des seuls conflits du travail. Il opère une seconde modification d'ordre rédactionnel.

L'amendement n° 7 est adopté.

Article 5

L'amendement n° 8 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

L'amendement n° 9 précise, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que l'amnistie n'implique pas de droit à réintégration lorsque l'intéressé a été exclu de l'établissement à la suite de faits de violence.

L'amendement n° 9 est adopté.

Article 6

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

En vertu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le législateur ne peut prévoir la réintégration d'un salarié dont la sanction disciplinaire a été amnistiée que si cette réintégration ne porte pas préjudice aux droits des tiers, ce qui implique que l'intéressé n'ait pas été licencié pour faute lourde, et à plus forte raison pour des faits de violence, d'où l'amendement n° 11. En outre, le Conseil constitutionnel ne semble avoir validé cette possibilité de réintégration que sous réserve qu'elle se limite aux représentants élus du personnel, aux représentants syndicaux au comité d'entreprise ou aux délégués syndicaux.

L'amendement n° 11 rectifié bis est adopté.

L'amendement n° 10 laisse au juge la possibilité de ne pas ordonner la réintégration, notamment pour les cas de force majeure ou de licenciement pour faute lourde prévus par cet article.

L'amendement n° 10 est adopté.

Article 9

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

L'article 9 est redondant avec les dispositions des articles 133-9 et suivants du code pénal. L'amendement n° 12 le supprime.

L'amendement n° 12 est adopté.

Article 11

L'amendement rédactionnel n° 13 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

L'article 705-56 du code pénal réprime à la fois le refus de se soumettre à un prélèvement génétique et la substitution du prélèvement génétique d'un tiers à celui de la personne concernée. L'amendement n° 14 permet de ne viser que le premier de ces délits, conformément à l'intention des auteurs de la proposition de loi.

L'amendement n° 14 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Le groupe socialiste votera pour la proposition de loi telle qu'amendée par notre commission. Il se réserve néanmoins le droit de modifier sa position en fonction du sort réservé à ses amendements.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Comme nous avons eu une égalité de vote, la proposition de vote n'a pu être adoptée ; les amendements extérieurs porteront donc sur le texte initial, tout comme la discussion en séance publique.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

La commission examine le rapport et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 156 (2012-2013), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à reconnaître le vote blanc aux élections.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous examinons à présent la proposition de loi n° 156 adoptée par l'Assemblée nationale visant à reconnaître le vote blanc aux élections.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Actuellement, les bulletins blancs et nuls sont confondus dans le décompte des voix et ne sont pas considérés comme des suffrages exprimés. La reconnaissance du vote blanc est une revendication ancienne, qui affleure désormais dans de nombreux pays. Ceux dans lesquels le vote est obligatoire ont été plus enclins à la concrétiser. En France, elle est portée par de nombreuses associations : l'une d'elle, constituée en liste pour les élections municipales de 2001 à Caen a recueilli près de 8 % des suffrages exprimés. Le vote blanc témoigne généralement d'un malaise démocratique, voire d'une désaffection à l'égard de l'offre électorale existante. Ces électeurs sont toutefois difficiles à dénombrer, car l'article L. 66 du code électoral assimile les votes blancs aux votes nuls. C'est dans ce contexte qu'intervient la proposition de loi de M. François Sauvadet que l'Assemblée nationale a adoptée à l'unanimité le 22 novembre 2012.

Un bref rappel historique : la loi du 18 ventôse an VI a, la première, autorisé le vote blanc. Sa reconnaissance a subsisté jusqu'à ce que la Chambre des députés ne revienne sur ce droit en 1837. L'assimilation des votes blancs et nuls est depuis une règle constante, quoique contestée à toutes les époques. Bulletins blancs et nuls sont intégrés dans le calcul de la participation, mais exclus du décompte des suffrages exprimés. Ces dernières années, le Sénat a eu à connaître de nombreuses propositions de lois visant à reconnaître le vote blanc, à l'initiative de MM. Poniatowski, Haenel, Dubois et Courteau notamment, toutes cosignées par de nombreux autres sénateurs.

Il y a une tendance forte en faveur de la reconnaissance du vote blanc, dans la quelle s'inscrit cette proposition de loi. Son article 1er propose de comptabiliser les bulletins blancs de manière séparée des bulletins nuls. Il dispose en outre qu'une enveloppe vide, tout comme l'introduction dans celle-ci d'une feuille blanche, équivaut à un vote blanc. Son article 2 supprime la mention des bulletins blancs à l'article L. 66 du code électoral.

En tant que rapporteur, je partage la position unanimement exprimée à l'Assemblée nationale : la confusion des votes blancs et nuls méconnaît la différence de leurs logiques respectives : alors qu'un bulletin est dit nul parce qu'irrégulièrement émis, un bulletin blanc témoigne d'une démarche volontaire de l'électeur. Le constat que le taux de vote blancs et nuls est presque toujours supérieur au second tour d'une élection à celui observé au premier le confirme, l'offre politique se resserrant entre les deux tours de scrutin. Ce texte rend justice aux électeurs qui se déplacent pour aller voter, et manifestent à cette occasion une opinion qui doit être respectée. Enfin, il ouvre la possibilité de quantifier un phénomène dont l'ampleur est par construction méconnue.

Comptabiliser les bulletins blancs dans les suffrages exprimés est une question plus délicate. Les débats à l'Assemblée nationale ont d'abord mis en exergue un argument constitutionnel : l'article 7 de la Constitution dispose que « le président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés ». Si les bulletins blancs avaient été intégrés dans les suffrages exprimés en 1995 et en 2002, l'article 7 n'aurait peut-être pas permis l'élection de M. Jacques Chirac et de M. François Hollande. En outre, un texte soumis à référendum devant être adopté à la majorité des suffrages exprimés, un vote blanc équivaudrait à un vote négatif.

Les recherches complémentaires et les consultations que nous avons menées conduisent à mettre en cause la justesse de ces observations. La présente proposition de loi ne concerne ni les élections présidentielles, ni les référendums. En effet, les règles relatives aux opérations de vote pour les élections présidentielles et les référendums locaux sont du domaine de la loi organique, tandis que les règles relatives aux référendums nationaux relèvent actuellement du domaine réglementaire -ce dont le Conseil constitutionnel s'est ému à plusieurs reprises.

Pour autant, je ne vous propose pas d'écarter ces arguments : si l'incidence des votes blancs sur le résultat du scrutin variait suivant le type d'élection, nous sèmerions la confusion dans l'esprit des électeurs. En outre, si nous voulions conduire une telle réforme, il y aurait lieu d'engager une réforme plus approfondie, notamment sur des règles faisant référence à un seuil de suffrages exprimés : remboursement des frais de campagne, établissement des comptes de campagne, admission d'une liste de candidats à la répartition des sièges à la représentation proportionnelle, autorisation pour une liste de se présenter au second tour, fusion de listes en vue du second tour, etc. Tout cela, vous le voyez, dépasse l'objet du présent texte.

Enfin, la reconnaissance du vote blanc appellerait une réflexion plus profonde sur le sens du vote : s'agit-il d'additionner l'expression de chaque électeur, ou a-t-il plus largement vocation à aboutir à la prise d'une décision ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je propose donc de nous en tenir à l'équilibre du texte voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, et de le voter conforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous proposez donc d'indiquer, dans les résultats des bulletins dépouillés, le nombre de votes blancs d'une part, et nuls d'autre part, au sein de deux colonnes différentes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Oui. La reconnaissance du vote blanc telle que prévue par ce texte n'aurait pas d'incidence sur les résultats des élections. C'est une information.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il ne faudrait pas que les citoyens comprennent ce texte comme tenant compte des bulletins blancs pour le calcul des voix exprimées.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Je voterai cette proposition moins par conviction que par sympathie. Se déplacer pour glisser un bulletin nul dans l'urne témoigne d'un mécontentement. Se déplacer pour voter blanc, tout autant. Mélanger ou distinguer les deux est une affaire de sémantique. Par exemple, rayer le nom d'un candidat revient à rejeter sa candidature, ce qui équivaut à un vote blanc. L'approche de la proposition de loi est purement intellectuelle, c'est d'ailleurs ce qui la rend acceptable. Car l'idée qui consisterait à comptabiliser les votes blancs dans les suffrages exprimés amoindrirait gravement la légitimité des candidats élus. Ne perdons pas ce danger de vue.

En outre, je ne suis pas d'accord pour considérer qu'une enveloppe vide équivaut à un bulletin blanc. Il faudra mettre à la disposition des électeurs des bulletins blancs spécifiques, à défaut de quoi le vote blanc perdra toute sa signification. Je défendrai en séance un amendement en ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Je me méfie comme de la peste des lois adoptées à l'unanimité. Tôt ou tard, elles deviennent de mauvaises lois. Comme Christian Cointat, je voterai ce texte par sympathie. Il ressemble grandement à un emplâtre sur une jambe de bois : distinguer les bulletins blancs et nuls me semble dépourvu de sens, car leurs motivations sont globalement identiques. Ce texte a sans doute un intérêt pour les électeurs qui votent blanc ou nul, mais guère pour les autres. En outre, les conséquences sur les suffrages exprimés peuvent être très lourdes. Certains pays reconnaissent le vote contre l'ensemble des candidats.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Oui. Si ce bulletin rassemble une majorité, l'élection est tout bonnement annulée ! Plutôt que de fixer un seuil en fonction des suffrages exprimés, il faudrait d'ailleurs conserver au second tour les deux seuls candidats arrivés en tête. Entrer dans ce genre d'engrenage, c'est s'exposer à revoir l'ensemble du droit électoral.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Je suis mandaté par mon groupe pour indiquer que je voterai en faveur de ce texte. Il fournit une documentation supplémentaire aux comptes-rendus des élections, mais ne change rien au fait que l'addition des bulletins blancs et nuls reste égale à la différence entre le nombre de votants et le nombre de suffrages exprimés.

Les autres sujets soulevés sont plus problématiques. Que cherchent les associations qui militent pour la reconnaissance du vote blanc ? Leurs souhaits sont sans doute différents de ceux du législateur... A ceux qui veulent par cette revendication délégitimer la démocratie représentative, cette proposition de loi coupera les pattes. Les estimations font état d'un nombre de votes blancs relativement stable, entre 1% et 2% des électeurs. Cette démarche supposément citoyenne qui dit procéder d'une critique rationnelle de la démocratie part de l'idée que le vote nul témoigne d'une erreur. Or le vote nul peut être délibéré. Pour le distinguer du vote blanc, une feuille blanche à la disposition des électeurs sera nécessaire. Les enveloppes vides, elles, sont parfois des erreurs, et ne peuvent être assimilées au vote blanc. Je fais le pari qu'au premier ou au second tour de scrutin, le nombre de votes nuls sera supérieur à celui de votes blancs : cela démontrera par a+b que la thèse selon laquelle l'ignorance du vote blanc attente à la démocratie n'est pas partagée par le peuple français.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Les propos d'Alain Richard sont excessifs. Sur un plan politique, le vote blanc témoigne d'un désaccord avec la manière dont sont choisis et présentés les candidats des partis politiques. C'est d'ailleurs pour cette raison que ces derniers font évoluer leurs modes de désignation : les primaires ont en effet pour principal objectif de légitimer davantage les candidats, là où le seul choix des adhérents n'aurait pas permis d'accéder aux souhaits de diversité et de transparence des électeurs. La contestation peut emprunter diverses réponses : celle du vote préférentiel, en cas de scrutin de liste...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

On est en train de l'étendre au scrutin municipal !

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

J'y suis favorable à titre personnel. Je suis également favorable à la reconnaissance du vote blanc dans les suffrages exprimés. Ce que le texte propose est moins favorable, mais c'est un premier pas, à condition que l'on réfléchisse à d'autres outils pour diversifier le choix politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Non, car on peut contester l'offre politique sans vouloir créer un parti alternatif. Le fonctionnement des organes politiques classiques n'assure pas toujours la pleine expression de la volonté du peuple. Enfin, si le bulletin blanc est l'expression d'une opinion, l'enveloppe vide ne peut être reconnue comme un vote blanc.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Reconnaître le vote blanc en tant que tel serait une déviation du sens des élections. Je retiens l'argument d'Alain Richard, mais n'allons pas plus loin. Les élections n'ont pas pour fonction de permettre aux électeurs d'exprimer leurs états d'âme : elles fournissent simplement l'occasion de faire un choix politique à l'intérieur d'un certain système institutionnel. Dans ce contexte, il n'y a pas de raison de proposer le vote blanc : il y a d'autres manières d'exprimer son désaccord, par exemple en s'abstenant. Pourquoi laisser peser sur une décision ceux qui n'ont pas voulu y prendre part ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Le rapporteur oublie modestement de signaler qu'il a cosigné une proposition de loi du 11 juin 2007 visant à reconnaître le vote blanc dont j'ai été l'auteur... Un bulletin nul, blanc, une enveloppe vide, ce n'est pas la même chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Ou deux bulletins différents dans une même enveloppe.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Oui. Le plus souvent, un vote nul est une critique des candidatures proposées, tandis que le vote blanc témoigne de ce que les candidatures ne répondent pas aux attentes de l'électeur. C'est une forme d'expression dont il faut tenir compte : il lui faut un bulletin dédié.

Dans ma proposition de loi, les bulletins nuls étaient comptabilisés dans les suffrages exprimés. Je reconnais les problèmes qu'une telle modification est susceptible de poser : affaiblissement des résultats, atteinte à la légitimité des candidats élus quand le vrai vainqueur est M. Blanc.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Mes nombreux amendements prouvent l'importance que le groupe écologiste accorde à ce sujet. Je les soumets en commission car ils appellent une discussion en commun. Le vote blanc ne témoigne nulle défiance, il constitue plutôt une autre modalité, plus moderne, de la participation démocratique. Comptabiliser les votes blancs dans les suffrages exprimés ne provoquerait aucun déferlement : au contraire, les gens réfléchiront davantage à la portée de leur vote. A l'inverse, ne pas les compter comme des suffrages exprimés ne délégitimerait pas moins les personnes et les décisions. En revanche, mes amendements ne portent pas sur la question de savoir si une enveloppe vide équivaut à un bulletin blanc.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Distribuons des bulletins blancs dans les bureaux de vote pour éliminer tout risque de confusion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Tout ce qui encourage la participation électorale est bon à prendre. Les motivations des votes blancs et nuls sont différentes : barrer le nom d'un candidat par exemple, c'est manifester une antipathie à son égard et non rejeter l'offre politique toute entière, tandis que le vote blanc signe simplement un désaccord sur le plan des idées. Il serait utile de connaître le nombre de personnes qui pensent ainsi. Imaginons un scrutin majoritaire à un tour pour les législatives : une montée du vote blanc amènerait à s'interroger sur la réforme.

Si les mots ont un sens, un vote blanc est un vote : il requiert un bulletin. L'enveloppe vide ne peut être considérée que comme un vote nul.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Il faut que les choses soient claires : faire apparaître le vote blanc suppose un bulletin dédié. Une enveloppe vide ne peut en tenir lieu.

L'interprétation du vote blanc est une autre affaire. Son exégèse est toujours difficile, car chacun motive son vote par des considérations qui lui sont propres : contestation de l'offre politique présentée à l'occasion du scrutin, critique générale de ce qu'ils considèrent comme un cirque démocratique, désaccord avec le candidat présenté par son parti de prédilection... Mais ne soyons pas naïfs : notre démarche risque d'aboutir à moyen terme à la prise en compte des votes blancs dans les suffrages exprimés. Ce sera alors une autre paire de manches. Admettons pour l'heure le vote blanc avec bulletin spécifique, et refaisons le point dans quelques années.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Cette proposition mi-chèvre mi-chou ne me convient absolument pas : soit elle sert à distinguer les bulletins nuls des bulletins blancs, auquel cas elle présente peu d'intérêt, à plus forte raison si les enveloppes vides sont comptabilisées comme des votes blancs ; soit elle traite le vote blanc comme un suffrage exprimé, et on en tire les conséquences. On nous fait peur avec des conséquences que nous ne verrions pas. Les débats sur le mariage pour tous ont montré qu'on pouvait faire bouger les lignes. Adopter cette seconde hypothèse pour le vote blanc témoignerait d'un certain courage civique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

L'amendement de Christian Cointat est à mon sens nécessaire. L'enveloppe vide ne saurait être une modalité du vote blanc.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Cette question connaît une certaine actualité depuis quelques années, avec la baisse de la participation aux élections. Alain Richard a rappelé les pressions qu'exercent certaines associations. Si elles n'empêchent pas de dormir, leurs revendications restent excessives. Ce texte remet les pendules à l'heure.

Je ne partage pas le point de vue de Mme Lipietz, à qui je signale d'ailleurs que ses collègues écologistes à l'Assemblée nationale se sont ralliés au dispositif. Toutes mes excuses, enfin, à Yves Détraigne pour ne pas avoir mentionné sa proposition de loi.

Je suis moi aussi convaincu que ce texte peut être modifié. C'est pourquoi je propose à l'article 1er un amendement, consistant à supprimer la phrase « Une enveloppe ne contenant aucun bulletin est assimilée à un bulletin blanc. ». Un autre amendement pourrait consister en l'ajout d'un article additionnel après l'article 2 complétant le premier alinéa de l'article L. 58 du code électoral pour indiquer, sans mentionner le maire, que des bulletins blancs correspondants au nombre d'électeurs inscrits sont déposés sur la table.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

A la lecture de l'article L. 58, je crains qu'il ne faille plutôt reprendre la rédaction proposée par l'amendement de Mme Lipietz. Sinon, qui va apporter les bulletins blancs ? Ni les candidats, ni un tiers, ce ne peut être que le maire.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Le rapporteur nous propose de supprimer une phrase du deuxième alinéa de l'article 1er. Je vous soumets cette suggestion qui prend la forme d'un nouvel amendement, en précisant que nous expliquerons en séance qu'il a été adopté sur la proposition de M. Cointat.

L'amendement n° 6 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Division additionnelle après l'article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Quant au second amendement du rapporteur, il pourrait consister en une modification de ceux proposés par Mme Lipietz.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

L'amendement n° 1 propose que ce soit tout simplement le maire, agissant au nom de l'Etat, qui mette les bulletins blancs à disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Le problème, ce n'est pas les bulletins ; c'est le personnel nécessaire pour couper le papier et pour les préparer. Il faudra bien le payer.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L'électeur pourrait apporter son bulletin blanc.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Une autre option pourrait être de faire avancer la réflexion d'ici la réunion du 27 février au cours de laquelle nous reviendrons sur ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Outre le dépôt des bulletins sur les tables, se pose la question de l'envoi aux électeurs. J'ai besoin de réfléchir et il ne me semble, à ce stade, pas opportun d'adopter l'amendement de Mme Lipietz.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

L'avis du rapporteur est donc défavorable, non pas sur le fond. Il faut le temps de faire avancer la réflexion sur les questions qui se posent. Faut-il envoyer les bulletins aux électeurs par la poste ? Qui paye ? Pour ce faire, il reviendra à M. le rapporteur de prendre l'attache du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

A l'heure où l'on supprime nombre de documents pour économiser le papier, ne serait-il pas ridicule d'obliger les 36 000 communes à envoyer des bulletins blancs et à les disposer sur des tables ? Lors des élections européennes, il me semble que certaines formations politiques laissaient les électeurs libres d'imprimer leurs bulletins. Ne pourrait-on s'en inspirer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Ces amendements ne constituent-ils pas un exemple parfait de dispositions entrant dans le champ de la nouvelle commission consultative d'évaluation des normes ? En effet, nous envisageons une mesure sans être capables d'en voir les conséquences. Avant de proposer d'imprimer un nombre d'amendements de plus de deux fois le nombre d'électeurs, on pourrait simplement se contenter de considérer qu'un bulletin, c'est une feuille et que chaque électeur peut apporter le sien.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Mon imagination étant débordante, je vous soumets une autre idée : toute enveloppe vide pourrait être considérée comme un bulletin blanc.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Se pose aussi la question de la couleur blanche des bulletins...

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Je souhaiterais que soit versé à la réflexion commune un amendement ainsi rédigé : « Des bulletins blancs sont mis à la disposition des électeurs selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous pourrez le déposer en vue de la séance. Nous ne pouvons pas à la fois statuer et décider de continuer à réfléchir. Prononçons-nous maintenant sur l'amendement de Mme Lipietz tout en sachant que nous reviendrons très prochainement sur le sujet.

L'amendement n° 1 est rejeté.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 3

L'article 3 est adopté sans modification.

Article additionnel après l'article 3

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

L'amendement n° 2 relève davantage du domaine règlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Nous sommes toutefois d'accord avec Mme Lipietz sur la nécessité d'expliquer les nouvelles dispositions aux électeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Entendu, mais je représenterai l'amendement pour en débattre en séance.

L'amendement n° 2 est rejeté.

Article 4

L'article 4 est adopté sans modification.

Articles additionnels après l'article 4

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Les amendements n°s 3, 4 et 5 s'inscrivent dans une logique contraire à celle du texte...

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Nous nous sommes déjà prononcés sur ce sujet : avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

L'amendement n° 5 relève de la loi organique et non de la loi ordinaire.

Les amendements n°s 3, 4 et 5 sont rejetés.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Examen des amendements du rapporteur

Examen des amendements extérieurs