Jean-Pierre Sueur, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean-Pierre Michel, Alain Anziani, Jean-René Lecerf, François-Noël Buffet et Yves Détraigne sont désignés comme candidats titulaires et M. Philippe Bas, Mme Esther Benbassa, M. Jean-Jacques Hyest, Mme Virginie Klès, M. Jacques Mézard, Mme Catherine Tasca et M. François Zocchetto sont désignés comme candidats suppléants, pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation relatif aux moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.
Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Tasca, M. Alain Richard, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Hugues Portelli, André Reichardt et Jean-Paul Amoudry sont désignés comme candidats titulaires et Mmes Esther Benbassa, Jacqueline Gourault, M Jean-Jacques Hyest, Mme Virginie Klès, MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel et Jean-Pierre Vial sont désignés comme candidats suppléants, pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.
La commission a décidé de se saisir pour avis du projet de loi relatif à la majoration des droits à construire dont la commission de l'économie est saisie au fond et a nommé M. René Vandierendonck rapporteur pour avis.
Il se peut que le Sénat soit saisi d'un projet de loi majorant les droits à construire. Dans cette hypothèse, j'estime que notre commission devrait se saisir pour avis d'un texte qui touche aux collectivités territoriales et au droit de l'urbanisme. J'ai déjà reçu la candidature du maire de Roubaix, M. René Vandierendonck.
On ne peut trouver mieux ! Qui veut construire 30 % de plus à Roubaix ?
En application de l'article 73 quinquies, alinéa 2, du Règlement, la commission décide de se saisir de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil [COM (2012) 10 final] relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données (E7054) et de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil [COM (2012) 11 final] relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (règlement général sur la protection des données) (E7055), soumises au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution, et nomme M. Simon Sutour rapporteur.
D'autre part, nous allons recevoir Mme Viviane Reding, commissaire européen à la justice, aux droits fondamentaux et à la citoyenneté, principalement à propos des données personnelles.
Avec l'appui de la commission des affaires européennes - notamment de son président, M. Sutour - nous pourrions demander ce soir à la Conférence des présidents qu'elle organise un débat public sur ce sujet capital. En effet, les données personnelles détenues par des sites comme Facebook ou Google sont actuellement régies par notre droit national. Or, le projet de directive tend à lui substituer le droit du pays siège.
Les sites privilégieront le moins-disant et feront ce qu'ils voudront en l'absence de tout droit local !
Vous avez raison d'aborder ce sujet.
J'estime qu'il faut travailler sur une proposition de résolution appuyant la position de la Cnil, très préoccupée par la règle du principal établissement et par le renforcement du pouvoir dévolu à la Commission européenne au détriment des autorités nationales, car cette évolution affaiblirait la protection des citoyens. L'idéal serait d'adopter la même résolution que l'Assemblée nationale, si elle est votée à l'unanimité.
L'ordre du jour de cette après-midi comporte une question orale avec débat déposé sur ce sujet, prolongeant le rapport adopté en mai 2009 par notre commission et la proposition de loi votée à l'unanimité par notre assemblée contre l'avis du Gouvernement, mais jamais inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Le 6 mars semblant devoir être le dernier jour de la session, nous pourrions en débattre ce jour-là et déboucher ainsi sur une résolution adoptée en séance plénière. Je propose que M. Sutour soit notre rapporteur.
Puis la commission examine le rapport de Mme Jacqueline Gourault pour la proposition de loi n° 779 (2010-2011) présentée par M. Eric Doligé, de simplification des normes applicables aux collectivités locales.
Nous allons maintenant examiner la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales.
Notre collègue, M. Doligé, a déposé le 4 août, mais pas dans la nuit, (Sourires.) ce texte pour traduire au plan législatif quelques propositions du rapport qu'il avait remis le 16 juin 2011 au Président de la République sur le poids des normes pour l'activité quotidienne des collectivités territoriales.
Sa mission s'inscrivait dans le contexte d'une croissance exponentielle des normes, de leur manque de lisibilité et de cohérence, enfin de leur décalage par rapport aux réalités locales. Le constat est ancien : en 1991, le Conseil d'État avait déjà relevé le phénomène de « surproduction normative » ;
En 2000, la mission commune d'information du Sénat sur la décentralisation estimait que les administrations de l'État avaient pris l'habitude d'intervenir sous forme de règlements limitant de façon significative les pouvoirs des autorités locales ; en 2007, le groupe de travail portant sur les relations entre l'État et les collectivités territoriales, présidé par notre ancien collègue Alain Lambert, avait imputé l'accroissement des charges pesant sur les collectivités à l'inflation des textes normatifs et à la complexité des procédures à respecter.
Aucune étude exhaustive n'ayant évalué le coût total de ces normes pour les budgets locaux, nous ne disposons que d'études sectorielles réalisées par les associations nationales d'élus. Ainsi, l'Association des maires de France estime que les collectivités territoriales doivent appliquer quotidiennement 400 000 normes ! D'autres données confortent cette analyse : en 2009 et 2010, l'incidence budgétaire de 339 « projets de normes » émanant de l'État était estimée à plus d'un milliard d'euros de dépenses supplémentaires pour les collectivités territoriales.
Ce coût est accentué par l'instabilité des normes : en dix ans, 80 % des articles législatifs et 55 % des articles réglementaires du code général des collectivités territoriales ont été modifiés, outre les centaines de dispositions issues des nouveaux textes législatifs ou réglementaires.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer le foisonnement des normes.
Vient d'abord la croyance inconditionnelle dans les vertus de la norme. Ce zèle normatif des administrations de l'État, centrales ou déconcentrées, se traduit par l'extrême précision réglementaire des décrets, arrêtés et circulaires. En outre, certaines normes professionnelles de type AFNOR ou ISO sont devenues obligatoires en raison des secteurs concernés ou parce que les assurances en exigent le respect.
Un second facteur réside dans la gouvernance multiple et insuffisamment partagée de la norme. La responsabilité de l'exécutif est régulièrement pointée, mais il partage cette responsabilité avec le législateur, auquel s'ajoutent les autorités communautaires, les organismes de droit privé investis d'un pouvoir réglementaire - comme les fédérations sportives - et même les collectivités territoriales, qui peuvent subordonner certaines subventions au respect d'exigences techniques. Cette parcellisation est néfaste pour les relations entre l'État et les collectivités territoriales, puisque la gouvernance normative actuelle ne repose pas suffisamment sur une culture partagée.
De surcroît, cette incontinence normative nuit à la compétitivité des territoires, car l'application uniforme et rigide de certaines normes, conjuguée à la lourdeur de certaines procédures, entrave la mise en place de politiques publiques locales adaptées.
Ce maquis normatif concerne l'ensemble des politiques publiques locales. Sur saisine du Président de la République et du Premier ministre, les commissions permanentes du Sénat et les associations nationales d'élus ont identifié les secteurs faisant l'objet d'une production réglementaire particulièrement intense. Leurs contributions ont été analysées par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, sous la houlette de notre collègue M. Belot. L'accent a été mis sur l'accessibilité - tout en reconnaissant la nécessité de cet objectif - l'urbanisme et l'environnement. Le sport et les règles de sécurité suscitent également des inquiétudes.
Face à ce constat, diverses réponses ont été apportées.
Tout d'abord, la commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) a été créée en décembre 2007 ; elle a permis d'instaurer un contrôle approfondi et exigeant des normes réglementaires, créant ainsi une nouvelle culture de l'évaluation au sein des administrations centrales. Au titre des sept premiers mois de l'année 2011, la CCEN a examiné 160 projets de textes réglementaires générant pour les collectivités un coût avoisinant 393 millions d'euros, des économies s'élevant à près de 13 millions d'euros et des recettes potentielles évaluées à 114 millions d'euros.
En second lieu, un moratoire sur l'édiction des normes réglementaires a été instauré le 6 juillet 2010 par une circulaire du Premier ministre. Il s'applique à l'ensemble des mesures réglementaires dont l'adoption n'est commandée ni par des engagements internationaux de la France, ni par l'application de lois. Parallèlement, une commission d'examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs a été créée, un commissaire à la simplification a été nommé.
Dans ce contexte, le Président de la République a confié à notre collègue M. Doligé une mission destinée à desserrer l'étau normatif qui enserre les collectivités territoriales. Sa proposition de loi répond à une véritable demande des acteurs locaux, qui avaient d'ailleurs inspiré les propositions de son rapport. Nous ne pouvons qu'approuver cette initiative.
Nommée rapporteur il y a 15 jours, j'ai entendu les associations d'élus - que j'avais sollicitées - ainsi que les représentants des notaires - qui l'ont demandé. Certains d'entre nous ont fait campagne cette année : ils ont certainement entendu, comme moi, beaucoup parler de ce sujet. Mais cette proposition de loi soulève un ensemble de questions justifiant une réflexion poussée.
Ainsi, la proportionnalité des normes, évoquée dès le début du texte, est un sujet important qui mérite réflexion. Les petites communes rencontrent des difficultés financières pour satisfaire aux normes d'accessibilité dans les lieux publics, mais il y a aussi des aberrations, comme cette église ancienne dont il a fallu reprendre les marches desservant l'entrée principale, alors que la porte latérale était parfaitement utilisable par des personnes handicapées.
Nous avons reçu longuement l'AMF ; elle nous a fait part de ses inquiétudes devant certains articles de cette proposition : en matière d'urbanisme, par exemple, l'article 20 crée les « secteurs de projets ». Le principe est intéressant, mais il faut de réelles garanties. Que penser de la possibilité ouverte aux préfets d'accorder des dérogations « lorsque les caractéristiques de l'opération projetée le nécessitent » ? Le critère est imprécis. En outre, accorder un tel pouvoir au représentant de l'État n'est pas nécessairement conforme à la Constitution.
N'est-il pas un peu risqué pour les maires que soit autorisée, par l'article 24, la signature de promesses de vente ou de location avant la délivrance du permis d'aménager un lotissement ? J'y vois un risque de complications substantielles.
Est-il opportun d'instituer à l'article 23 la caducité du cahier des charges d'un lotissement s'il n'est pas publié dans les cinq ans au bureau des hypothèques?
La rationalisation des moyens est indispensable dans un contexte de restriction budgétaire. L'article 18 semble aller dans ce sens, puisqu'il tend à rendre facultatifs les centres communaux d'action sociale (CCAS) et à simplifier le régime des centres intercommunaux d'action sociale. Pourtant, sa rédaction doit être clarifiée. J'ai reçu la vice-présidente de l'association nationale des CCAS. Certaines communes n'ont pas de CCAS, d'autres ne disposent que d'une coquille vide. Il m'a fallu attendre 20 minutes et poser à la représentante des CCAS une question sur le financement de ces structures pour qu'elle veuille bien parler des collectivités territoriales. Le sujet abordé par cet article est réel, mais faut-il systématiquement rendre facultative la création d'un CCAS ? Lorsqu'un centre intercommunal d'action sociale est créé, il suffit incontestablement que ses antennes communales conduisent une action sociale de proximité.
L'article 33 met en cause l'anonymat de plein droit dont bénéficient les patients pris en charge au titre des infections sexuellement transmissibles, dans le cadre de la fusion des consultations de dépistage anonyme et gratuit avec les centres d'information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles.
Très logiquement, ce texte porte sur des sujets extrêmement variés, ce qui exige de tout examiner de très près. Nous devons éviter des mesures qui, en pratique, compliqueraient encore les règles et augmenteraient les coûts pour les collectivités territoriales. Ainsi, l'article 32 autoriserait les collectivités à recourir au concours sur titre dans les filières sociale, médico-sociale et médico-technique présentant des difficultés de recrutement. La solution proposée est-elle appropriée ? Ce sujet concerne aussi les centres de gestion. Il faut l'examiner de près.
Les articles 5, 6 et 15 utilisent l'évolution technologique pour simplifier les obligations des autorités locales en matière d'affichage, de publication et de mise à disposition du public des actes de la collectivité. Indéniablement, l'informatique rend obsolètes certaines obligations, mais tout le monde ne l'utilise pas ! Il faut donc maintenir un socle minimum d'informations sur papier.
Le président du comité des finances locales, M. Gilles Carrez, a insisté sur la nécessité d'un travail fondamental de simplification en période de restrictions budgétaires. Il était très remonté contre certaines normes. M. Alain Lambert souhaite que la CCEN soit désormais sollicitée pour donner un avis conforme.
Sachant le peu de temps imparti et qu'un renvoi en commission est proposé, je n'insiste pas, aujourd'hui, sur chaque norme concernée.
Les collectivités territoriales attendent une réponse aux difficultés nombreuses qui entravent leur fonctionnement. Nous devons en être conscients. Les administrés doivent accéder à un service adapté, mais nous sommes également responsables de certaines normes. Hier, M. Arthuis a rappelé qu'il avait refusé l'an dernier de voter une loi agricole compliquant encore les normes applicables aux repas des enfants à la cantine.
Les élus locaux attendent l'intervention du législateur sur ce sujet d'une extrême importance.
J'aimerais formuler quelques observations.
Tout d'abord, le texte est effectivement très important. Il ne s'agit pas de refuser le débat. Mais nous sommes soumis à un ordre du jour et une réalité aussi complexe mérite d'être traitée au fond. Incontestablement, la surabondance de normes pose problème.
Ensuite, la proposition de loi comporte des dispositions très positives, mais certaines ne peuvent être votées en l'état.
Ainsi, la loi sur les handicapés a une forte valeur symbolique. Mettre en cause sa date d'entrée en vigueur serait perçu très négativement par les associations, même s'il est légitime que le préfet conserve intacte l'entrée principale dans une église du XIIe siècle... À l'heure d'Internet, on peut diminuer les envois de papier aux préfectures, mais les propositions faites à propos des CCAS doivent être approfondies. D'ailleurs, l'auteur de la proposition de loi a lui-même présenté des amendements.
Enfin, la proportionnalité des normes est un sujet complexe. Qui accepterait des normes de sécurité ou d'hygiène variables selon la taille de la commune ? Les mêmes règles ne peuvent pas toujours s'appliquer dans des villages de 60 habitants et à Paris, mais il est légitime que certaines normes soient respectées de façon identique sur l'ensemble du territoire.
Il importe que la commission ne laisse pas tomber le débat, mais il faut en parler sérieusement, car un exercice rapide serait inapproprié.
Je remercie notre rapporteur qui nous a fait part de ses interrogations. Elle a eu raison de ne pas trancher, car le texte aborde des sujets difficiles.
En principe, les normes que nous avons votées devraient servir à quelque chose, malgré leur poids pour les élus locaux. Elles doivent être appréciées à la lumière des dépenses et inconvénients qu'elles provoquent, mais tous les citoyens doivent être traités de la même manière où qu'ils habitent. J'accepte une réflexion globale sur certaines normes au fondement fragile, mais la proportionnalité risque de contredire le principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant la loi. Je souhaite que le Conseil constitutionnel se prononce sur ce point.
Deuxièmement, le pouvoir éventuellement attribué aux préfets pourrait, lui aussi, être inconstitutionnel.
Le sujet abordé est réel, mais ne peut être traité au détour d'une proposition de loi déposée puis retirée de l'ordre du jour avant les élections sénatoriales et qui revient aujourd'hui flatter les élus territoriaux dans un contexte un peu particulier. Nous devons les écouter, tout en rappelant leurs responsabilités : ils sont élus pour faire quelque chose, non pour s'émanciper de ce qui est difficile, comme la loi sur le handicap présentée par un gouvernement de droite. Il serait inadmissible de dire aujourd'hui aux associations que son application doit être reportée. À tout le moins, il faut une réflexion prolongée.
D'ailleurs, le nombre d'amendements déposés par son auteur montre que le texte n'est pas totalement au point.
Le texte aborde une vraie question, mais pose de réels problèmes. À quoi servent les élus locaux ? À quoi servent les normes ? Si elles sont édictées, c'est qu'elles correspondent bien à une exigence !
Pour traiter cette proposition de loi comme elle le mérite, c'est-à-dire avec intérêt, je propose que notre rapporteur continue son travail, notamment sur le volet de la constitutionnalité.
Le groupe socialiste propose donc le renvoi en commission.
La nocivité de l'excès de normes est une évidence : charges financières insupportables pour les collectivités, situations de blocage ou d'absurdité, inégalités entre citoyens du fait de l'application ou de la non-application des normes. Il faut réagir. Nous nous sommes tous engagés sur le terrain, auprès des élus locaux et des citoyens, à simplifier les normes, actuelles et à venir. Aujourd'hui, on nous propose de passer à l'action.
Le rapport et la proposition de loi Doligé ont été salués, à juste titre. Ces 33 articles, complétés par les amendements que propose l'auteur, sont une bonne base de départ, même si certains points méritent discussion : le principe de proportionnalité, ou les questions d'urbanisme. Il faut travailler dans deux directions : la suppression des normes d'une part, l'institution de moratoires, pour des raisons financières et techniques, d'autre part.
Nous sommes plusieurs ici à vouloir en découdre, mais d'autres préfèrent remettre le travail à plus tard. Je le regrette, d'autant que je doute que certains aient réellement la volonté de s'attaquer au problème. Il est vrai qu'en France, il y a une loi pour tout, on ne fait pas confiance aux élus : on préfère la norme au contrat, à la jurisprudence... Notre groupe souhaite débattre de ce texte le plus vite possible, et s'opposera donc à la motion de renvoi.
Je souhaite que le Sénat ne se mette pas hors jeu, comme il l'a fait sur la loi de simplification du droit.
N'oublions pas que beaucoup de normes sont d'origine européenne. Elles sont élaborées pour l'essentiel par les Allemands et les Anglo-saxons ; qui plus est, nos hauts fonctionnaires croient bien faire en les durcissant encore lors de leur transposition ! Dans le domaine de l'aéronautique, par exemple, l'Aviation civile a multiplié par deux les règles de sécurité imposées par Bruxelles. De deux choses l'une : soit une règle européenne est bonne, et on l'applique telle quelle, soit elle est mauvaise, et on la conteste !
Je m'insurge également contre la prolifération des avis contraignants : de plus en plus souvent, la décision du maire est liée, car il faut se conformer à l'avis d'une administration ou d'une association qui prime sur l'autorité politique.
Je ne suis pas d'accord avec Mme Gourault sur le rôle du préfet : sur le terrain, c'est notre seule soupape, la dernière possibilité d'obtenir un assouplissement.
La loi Handicap de 2005 est une loi symbolique à laquelle on n'ose toucher. Je vis depuis vingt ans avec le handicap : nous faisons les frais de la surenchère des administrations, des technostructures parisiennes qui croient défendre le monde du handicap, alors que celui-ci demande avant tout des mesures d'accompagnement. J'ai tenu les mêmes propos lors de l'assemblée générale de l'Association des Paralysés de France (APF) : les participants, y compris les plus handicapés, étaient d'accord ! Le conseil général de Savoie a la chance d'être logé, avec la préfecture, dans le château des Ducs de Savoie. Récemment, nous avons aménagé, à grands frais, un ascenseur dans une tour. Mais dans les étages, la configuration du château n'a pas changé : on n'a fait que déplacer le problème ! Ce n'est pas défendre la cause du handicap que d'en rester à la loi de 2005. Il faut trouver des assouplissements, avec les acteurs, sur le terrain.
Je félicite Mme Gourault pour la qualité de son rapport, qui clarifie bien des points. Peut-être le choix d'une femme explique-t-il cette lucidité et cette mesure ! Je partage sa conclusion : il faut continuer à travailler en profondeur. L'information des citoyens est également une dimension à intégrer à nos travaux futurs.
Nous sommes nombreux à avoir été élus ou réélus récemment, et à avoir entendu les doléances des grands électeurs sur la prolifération maladive des normes. Je ne suis pas d'accord avec toutes les propositions de M. Doligé - certaines comme le principe de proportionnalité, méritent d'être encadrées - mais le Sénat, représentant privilégié des collectivités territoriales, va-t-il se soustraire au débat et laisser le dernier mot à l'Assemblée nationale ? Il y aurait là de quoi faire douter de l'utilité même de notre assemblée... La proximité des échéances électorales vous gènerait-elle ? La personnalité de notre rapporteur et de l'auteur de la proposition de loi devraient vous rassurer : souvenez-vous des critiques de M. Doligé contre la réforme territoriale et les transferts de charge... Je comprends mal que l'on réserve à ce texte un enterrement de première classe.
Ce texte est une fausse solution à de vrais problèmes. Il n'est pas anodin, d'ailleurs, que l'on brandisse la simplification des normes au moment même où l'on étrangle financièrement les collectivités !
Premier problème : la qualité de la loi. On vote des dispositions qui se contrarient les unes les autres, des lois d'affichage qui ont tout de même des implications financières...
Deuxième problème : le refus d'accepter l'autonomie locale, l'existence de contraintes locales. On multiplie les sources de droit parallèles, les bureaucraties diverses qui se substituent à la décision locale. La recherche affichée de la sécurité juridique aboutit en réalité à une complexification, et au règne de l'insécurité. En matière de responsabilité civile et pénale, qu'apporte un tel texte ? Mieux vaudrait moins de textes, mais de meilleure qualité !
Tout d'abord, une observation sur la méthode. Ce riche débat montre qu'il n'est pas possible de légiférer convenablement à partir d'une proposition de loi aussi hétérogène. Pour travailler correctement -par exemple dans le cadre d'un groupe de travail - il faut aborder chaque secteur séparément, en dialoguant avec ceux qui ont inspiré les normes.
Une question de procédure ensuite. Faut-il traiter de la même façon les normes issues de l'administration, des autorités indépendantes ou des textes de loi que nous avons-nous-mêmes votés ? Ne faudrait-il pas demander son opinion à la nouvelle commission de contrôle de l'application des lois ? Le renvoi en commission est largement motivé. Ce n'est pas un enterrement de première classe : mettons-nous au travail !
Enfin, cette proposition de loi est la première pour laquelle le Sénat a demandé l'avis du Conseil d'État, possibilité ouverte aux assemblées parlementaires depuis deux ans. Aujourd'hui, elle entre dans le domaine public. Je souhaite que le président du Sénat et le Bureau se prononcent sur la liste des destinataires de l'avis du Conseil d'État. Depuis toujours, cet avis est la propriété du seul gouvernement. Il me paraît indispensable que le Parlement en ait connaissance quand il est à l'origine de la demande, et qu'un éventuel refus soit motivé.
S'agissant de l'avis du Conseil d'État, je partage la position de M. Richard.
Les parlementaires ne seraient-ils pas schizophrènes ? En tant que législateurs, ils votent des normes à tire-larigot...mais les jugent insupportables en tant qu'élus locaux! Le législateur est censé rechercher l'intérêt général, or on sait que localement, celui-ci peut être sujet à interprétation.
M. Collombat a raison de parler des difficultés de financement. Non contente d'étrangler les collectivités locales, la majorité gouvernementale leur impose en outre des normes qui leur coûtent très cher !
La proportionnalité ? Je crains que les intérêts particuliers n'en profitent pour contester localement les lois qui les gênent. Ainsi, ceux qui veulent remettre en cause la loi littoral vont s'engouffrer dans la brèche ! De même, à Paris, certains maires d'arrondissement tenteront de se soustraire à l'obligation de construire des logements sociaux en invoquant le caractère historique de leur quartier.
Enfin, cette proposition de loi de 33 articles est inscrite à l'ordre du jour dans une niche parlementaire, après un texte limitant le droit de grève dans les entreprises privées. Ce n'est pas possible ! Le Sénat n'est pas concerné par les prochaines échéances électorales : nous pouvons encore travailler sur ce sujet d'ici la rentrée.
À mon tour de féliciter notre rapporteur. Il est de la responsabilité du législateur de se prononcer rapidement sur ce texte, a-t-elle conclu. En effet ! Au Sénat de s'en emparer, avant l'Assemblée nationale. Des députés participent à une mission sur la simplification de la réglementation ; le Sénat ne doit pas en être écarté.
N'en déplaise à certains d'entre vous, c'est le Président de la République qui a pris ce sujet à bras le corps, c'est lui qui a lancé l'idée d'un moratoire sur les normes applicables aux collectivités locales et d'une simplification des normes existantes.
M. Doligé a réalisé un travail de fond, et nous a tous saisis. Pour ma part, j'ai écrit aux maires du Haut-Rhin ; les réponses, en provenance d'élus de tous bords, ont été prises en compte dans la proposition de loi. Celle-ci suscite une vraie attente. Bien sûr, elle mérite d'être améliorée, mais il y a urgence ! Créer un groupe de travail ? C'est la meilleure façon d'enterrer un texte. Débattons dès à présent, en commission et en séance publique.
On fait un mauvais procès à cette proposition de loi. Il n'est pas question de créer des inégalités, notamment entre les handicapés vivant en milieu urbain et en milieu rural ! Il ne s'agit pas non plus de reporter l'application de toutes les lois, mais seulement d'étudier la cohérence de la sédimentation des normes. Il n'y pas de moratoire à l'exécution de lois qui fixent un délai pour le respect des normes qu'elles instaurent.
En cette période d'examen des orientations budgétaires, je suis stupéfait de voir que les collectivités, véritables baronnies, semblent s'ignorer les unes les autres. Ainsi, tel département augmente de 6% la taxe foncière, alors que l'on sait bien qu'il faudra consentir des sacrifices l'an prochain. On ne peut continuer ainsi : il y a urgence budgétaire ! Dans ma commune, j'ai choisi d'avoir une école qui respecte toutes les normes d'accessibilité. Tout handicapé doit pouvoir accéder à une école et à un équipement sportif, mais pas à toutes les écoles et à tous les équipements sportifs ! L'accessibilité, cela représente quatre points de fiscalité...
Il est urgent d'examiner cette proposition de loi. Rien ne nous empêche de légiférer immédiatement sur les points consensuels. La jurisprudence en matière de renvoi en commission n'est pas de nature à me rassurer...
Si ce texte est si urgent, pourquoi avoir attendu 2012 ? Nous avons des remontées du terrain, sur l'article 18 concernant les centres communaux d'action sociale, et sur le handicap. La proportionnalité ? Je crains que certains n'en profitent pour s'affranchir des contraintes, par exemple sur la qualité nutritionnelle des repas, enjeu important de santé publique. Nous sommes face à des injonctions contradictoires ! Je pense avec M. Richard qu'il faut revoir la méthode, retenir les propositions intéressantes, mais en l'état, ce texte n'est ni applicable ni réaliste.
Je ne voulais pas le croire ! Pendant ma campagne, j'ai prôné la simplification : on me répondait que j'étais jeune et naïf, que rien ne changerait, face au poids de l'administration... Mais si nous sommes élus, qui plus est par les élus locaux, c'est bien pour apporter un peu de bon sens et de pragmatisme ! Je me félicite de l'ambition de ce texte, et je suis très surpris par certains des propos entendus ce matin. Ce n'est pas parce qu'une loi existe qu'elle est nécessairement bonne ! La majorité sénatoriale ne critique-t-elle pas la plupart des textes qui sont votés ? Ne promet-elle pas de les abroger si elle revient au pouvoir ?
Le mieux est souvent l'ennemi du bien. Le poids des normes est tel qu'elles menacent les dispositifs qu'elles sont censées protéger : face à l'avalanche de normes, les élus hésitent désormais à ouvrir des crèches !
La proposition de loi menacerait une égalité de traitement ? En zone urbaine, les habitants ont l'assurance théorique de voir arriver les pompiers dans les dix minutes ; en zone rurale, dans les vingt minutes. Preuve qu'il y a bien une inégalité normative, qui peut même avoir des conséquences vitales ! Les mêmes règles ne s'appliquent pas à tous de la même manière : c'est un principe de bon sens.
Encore, si nous avions du pétrole, un excédent budgétaire colossal... Mais dans le contexte actuel des finances publiques, cette proposition de loi traduit un principe de réalité, cher au Président de la République comme au candidat du Bourget, dont la grande ambition est de maintenir le niveau actuel des ressources. Les ressources financières, nous les trouverons en supprimant les dépenses inutiles !
Il est facile de faire de la démagogie sur le handicap, de faire des procès en antihumanisme. Mais la réalité, c'est qu'on oblige un collège dont tout le rez-de-chaussée est accessible, et où aucun enfant handicapé n'est scolarisé, à réaliser un ascenseur : au motif que chaque mètre carré doit être accessible en 2015, on dépense 150 000 euros, sans compter les 10 000 euros de maintenance. Et ce alors qu'il manque 30 000 places dans les établissements pour personnes handicapés, que la situation du handisport est dramatique, que les enfants aveugles attendent des mois leurs manuels en braille ! C'est absurde. On ne peut être complice d'un silence qui entraîne un tel gaspillage alors que les vrais besoins sont immenses.
Je suis opposé au renvoi en commission. Adoptons les dispositions qui font consensus, rejetons les autres en séance publique : cela revient à les renvoyer à la prochaine législature.
Nous avons tous été saisis de la question des normes lors de la campagne sénatoriale ; nous sommes nombreux à y être confrontés. Il est vrai que la proposition de loi n'est pas parfaite, mais elle a le mérite d'ouvrir le débat.
Pourquoi cette floraison de normes en tout genre ? Nous adoptons nombre de lois, souvent pour répondre aux préoccupations du terrain, mais nous nous désintéressons des textes d'application. La nouvelle commission sénatoriale de contrôle de l'application des lois veillera à ce que les décrets sortent de plus en plus vite, mais sans se pencher sur leur contenu et leurs conséquences sur le terrain ! Le législateur doit être plus vigilant sur la manière dont les textes législatifs sont déclinés dans les textes réglementaires.
Il faut dire que la machine administrative est là pour produire du texte : les ministères se composent de directions générales, qui coiffent des services, qui coiffent des sous-directions, qui coiffent des bureaux, dont la mission est de produire de la norme - sans aucun contrôle politique. J'étais moi-même chef de bureau à la Caisse des dépôts, en charge du logement : avec mes collègues de la direction du Trésor, de la direction du Budget et du ministère de l'Equipement ; tous énarques, chacun à la tête d'un bureau en charge du logement, nous avions préparé un décret. Le cabinet du ministre du Logement n'en a pas voulu, car nous étions à la veille d'élections ; il fut rangé dans un tiroir. Les élections passées, nous le ressortîmes sans en changer une virgule et il fut publié, tel quel, par le nouveau ministre. C'est ainsi que l'administration crée de la norme, sans légitimité ni contrôle.
La RGPP ? Nous en voyons les conséquences sur le terrain, mais comment est-elle déclinée dans les administrations centrales ? J'imagine que l'on y produit toujours autant de normes qu'à la belle époque !
Moins il y a de lois et de règlements, plus on les applique. L'arbitraire ne doit pas devenir la loi. Voilà les deux principes à concilier.
Le renvoi en commission n'est pas forcément un enterrement. Nous souffrons de l'inflation législative, encore plus de la prolifération réglementaire : je plains tous les maires de France qui ont reçu, en août, l'incompréhensible circulaire sur la fiscalité locale !
Que changerait cette proposition de loi sur le terrain ? Pas grand-chose... Il faut changer de méthode, reprendre le travail, secteur par secteur. À l'instar des lois Warsmann, celle-ci va au-delà de la seule simplification. L'article 26, par exemple, réduirait le nombre de places de stationnement là où elles sont le plus nécessaires ! Les simplifications prônées par le Président de la République, comme augmenter de 30% les droits à construire, sont pour le moins originales, en fin de mandat !
M. Vial a raison sur la loi Handicap. Je l'ai dit en séance : nous n'arriverons pas à tenir les délais sur le terrain. Je ne remets pas en cause l'objectif, mais il y a une différence entre construire un équipement neuf parfaitement aux normes, et rendre accessible, pour un coût exorbitant, des équipements qui ne seront pas utilisés ! Il faut faire preuve de raison et de courage, et savoir résister à certaines initiatives...
Nous avons travaillé en très bonne entente avec M. Doligé et M. Sueur, dans la plus totale transparence. Nous devons nous garder de toute position outrancière : nous voulons tous que ce texte aboutisse. Je précise au passage qu'une proposition de loi d'origine sénatoriale ne peut être examinée par l'Assemblée nationale avant d'avoir été votée par le Sénat : nous ne laissons pas la main aux députés. J'ai énuméré les difficultés que soulevait ce texte en laissant de côté les articles qui font consensus. La complexité de certaines dispositions mérite une remise à plat. Nous pouvons répondre aux questions qui se posent par voie d'amendement, ou autrement : à la commission de se prononcer.
L'avis du Conseil d'État, que m'a transmis M. Doligé, fait des remarques sans pour autant trancher. Il souligne toutefois que le principe de proportionnalité risque de se heurter à l'article 21 de la Constitution : « Si ce principe ne fait pas lui-même obstacle à ce que des différences de situation puissent justifier des différences de traitement, c'est à la condition que les distinctions opérées reposent sur des critères objectifs et rationnels, en rapport avec l'objet de la loi qui les établit (...) : il appartient donc au législateur, dans ses différents domaines d'intervention, de donner au pouvoir réglementaire un cadre juridique suffisamment précis pour lui permettre, lorsque cela est possible, au regard des principes constitutionnels applicables, de prévoir les adaptations tenant compte notamment de la situation de collectivités locales de faible capacité financière ou des dérogations individuelles pour des catégories objectivement déterminées de collectivités territoriales ».
Monsieur Vial, il est vrai que nous avons en France la mauvaise manie de compliquer les normes communautaires. Souvent, l'Europe a bon dos !
La difficulté est de dégager un principe général alors qu'il s'agit de répondre à des cas particuliers.
En effet, madame Tasca, une meilleure information des citoyens serait bienvenue pour faire mieux accepter les normes.
Je suis d'accord avec M. Collombat quand il dit que le législateur doit résister à la tentation de modifier sans cesse les lois, mais cela reste parfois nécessaire : elles ne sont pas toujours bien faites !
La proposition de loi veut apporter des solutions rapides aux difficultés, mais cela n'exclut pas des textes complémentaires par secteur, monsieur Richard.
Monsieur Béchu, l'accessibilité ou les crèches ne relèvent pas de ce texte, qui ne prétend pas tout régler. Je rappelle que la commission de la culture et la commission de l'économie se sont saisies pour avis des articles qui relèvent de leur champ de compétences.
Mme Borvo Cohen-Seat a raison : les collectivités doivent avoir les moyens de mettre en oeuvre les normes qu'on leur impose. Certaines communes connaissent des difficultés financières. Or tout citoyen doit avoir les mêmes droits, les mêmes conditions de vie. Je réfléchis depuis longtemps à la proportionnalité des normes. Une personne handicapée doit se voir offrir les mêmes possibilités en ville et à la campagne !
Je remercie Mmes Troendle et Bouchoux de leur soutien. Vous pouvez compter sur moi et sur le président Sueur pour ne pas renoncer à ce texte, très important à mes yeux, même s'il n'est qu'une étape. A l'avenir, prenons garde aux conséquences des lois que nous votons.
Oui, monsieur Béchu, il faut avancer, mais le rythme législatif effréné imposé au législateur ne facilite pas l'étude des textes. Trop souvent, le Gouvernement engage la procédure accélérée sans justification. Nous sommes appelés à légiférer en réaction à des événements certes dramatiques, sans avoir le temps de mesurer les effets des nouvelles normes ainsi instituées.
Je suis entièrement d'accord avec M. Détraigne, que je remercie pour ses propos modérés... et ses aveux !
Comme le dit M. Mézard, le débat doit avoir lieu le plus tôt possible.
Rien n'empêche le Gouvernement d'inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour. Le groupe UMP en a demandé l'inscription dans sa niche, mais si nous voulons prendre le temps d'une discussion générale de deux heures sur un sujet aussi complexe, nous n'aurons d'autre choix que le renvoi en commission ou le tronçonnage du texte. Il n'est pas question d'enterrer ce débat ; nous verrons sous quelles formes la réflexion pourra se poursuivre au cours de la suspension des travaux en séance publique.
La motion tendant au renvoi en commission est adoptée.
M. Richard a soulevé une question de principe. Lorsque le Conseil d'Etat rend un avis au Gouvernement, celui-ci en est collectivement destinataire. Nous avons parfois demandé qu'il nous fût communiqué...
Sans doute. Mais après la demande du président du Sénat sur cette proposition de loi, lui seul, ainsi que l'auteur du texte, ont reçu l'avis du Conseil d'Etat, qu'ils ont communiqué à Mme le rapporteur, qui en a elle-même fait état dans son rapport oral et pourra le faire dans son rapport écrit. Pourtant, dans notre assemblée, chacun est dépositaire de la capacité de légiférer. Il me semblerait juste que les avis du Conseil d'Etat fussent transmis à tous les sénateurs.
Ce qui reviendrait à les rendre publics. Il est vrai que, communiqués à près de 350 personnes, ils auraient de fortes chances d'être divulgués...
Je vous propose donc de saisir le président du Sénat afin, peut-être, qu'il inscrive ce point à l'ordre du jour du Bureau. La position de la commission des lois serait de les transmettre à tous les sénateurs ou de les annexer au rapport. (La proposition de M. le président de la commission rencontre un assentiment général)
La commission a adopté les avis suivants :
Enfin, la commission examine le rapport et le texte qu'elle propose, en nouvelle lecture, pour la proposition de loi n° 332 (2011-2012) relative à la protection de l'identité.
EXAMEN DU RAPPORT
Nous sommes amenés à examiner une nouvelle fois cette proposition de loi, après le rejet par l'Assemblée nationale du texte commun auquel était parvenue la commission mixte paritaire. En nouvelle lecture, les députés en ont inversé le sens.
Certes, ils se sont rangés à notre avis en réservant le fichier à la lutte contre l'usurpation d'identité : c'est un progrès notable. Mais s'ils ont ainsi retrouvé l'esprit général du texte du Sénat, ils n'en ont pas adopté la lettre. Leur texte est en fait inconciliable avec les principes que nous avons constamment défendus. Il s'agit pourtant, fait exceptionnel, de recueillir les données biométriques de toute une population !
L'Assemblée nationale a pris en compte les risques de mésusage du fichier, mais n'a voulu les prévenir que par des garanties juridiques : l'identification d'un individu grâce aux empreintes digitales contenues dans la base ne pourra se faire que pour l'établissement de titres d'identité ou de voyage, ou dans le cadre de la poursuite d'infractions liées à l'usurpation d'identité, sur réquisition du procureur de la République. Mais la liste des infractions concernées est longue.
Ce texte n'apaise pas nos inquiétudes mais, bien au contraire, en suscite de nouvelles. Tout d'abord, je viens de le dire, il serait possible de recourir au fichier dans le cadre d'enquêtes sur des infractions dont le lien avec l'usurpation d'identité est ténu, voire inexistant : délit de révélation de l'identité d'un agent des services spécialisés de renseignement, faux en écritures publiques, même lorsque celles-ci ne portent pas sur l'identité d'une personne, escroquerie, même lorsque l'escroc ne se dissimule pas sous une fausse identité.
En outre, l'accès à la base serait possible en dehors des procédures prévues. Le texte ne s'articule pas avec les dispositions du code de procédure pénale qui accordent aux magistrats instructeurs le droit d'obtenir des documents numériques ou d'accéder à des informations contenues dans des fichiers normatifs. Le texte des députés ne semble pas interdire qu'ils aient mutuellement accès à la base centrale des données biométriques en vertu de ces dispositions. En outre, les services spécialisés - notamment ceux qui sont chargés de la lutte contre le terrorisme - pourraient y avoir accès hors de tout contrôle judiciaire, puisque le texte ne l'exclut pas ; or le choix du lien fort étend considérablement les possibilités offertes par le fichier.
Sur l'utilisation de certains éléments biométriques et notamment de l'image numérisée du visage, on relève la même ambiguïté. Dans le silence de la loi, les juges d'instruction pourraient demander qu'une personne dont le visage a été filmé par une caméra de surveillance, par exemple, soit identifiée grâce aux données du fichier, ce qui reviendrait à valider les dispositifs de reconnaissance faciale. Le progrès des techniques est tel que l'on peut identifier quelqu'un même à partir d'une image qui paraît inutilisable à des profanes.
Il ne faut pas sous-estimer non plus les risques liés au piratage : une telle éventualité serait catastrophique.
Voilà pourquoi les garanties juridiques ne suffisent pas : il faut des garanties techniques, qui rendent le fichier éternellement inutilisable à d'autres fins que celles prévues par la loi. On dit qu'en prévoyant un fichier à lien faible, le législateur en confierait l'élaboration à une entreprise déterminée, mais c'est faux : il existe des façons de mettre en oeuvre le lien faible non brevetables. On prétend aussi qu'un tel fichier serait inefficace. Au contraire, il permettrait de lutter contre l'usurpation en amont : l'usurpateur aurait 99 chances sur 100 de se faire prendre au moment où il tenterait d'obtenir de faux papiers. Mieux vaut un risque infime d'usurpation d'identité et aucun risque pour les libertés publiques, que le contraire !
Sous prétexte qu'aucun pays n'a adopté le lien faible, on le juge inefficace, mais c'est prendre les choses à l'envers : presque aucune démocratie occidentale n'a créé de fichier biométrique de sa population ! L'Allemagne s'y refuse, invoquant explicitement son passé, ainsi que le Royaume-Uni et la Belgique, pourtant très avancée dans la mise en place de cartes d'identité électroniques. Le ministre de l'intérieur des Pays-Bas a annoncé en avril que les 6 millions d'empreintes digitales recueillies pour l'établissement de passeports biométriques seraient effacées. Seul Israël a instauré un fichier à lien fort, mais le contexte est tout autre.
Je citerai pour conclure la présidente de la Cnil : « Sur la carte d'identité biométrique, nous avions considéré que la création d'une base centrale était disproportionnée au regard de l'objectif de sécurisation des titres. Si toutefois la base centrale est constituée, la meilleure garantie contre les utilisations détournées serait la garantie technique, celle du lien faible. L'Assemblée nationale et le Gouvernement semblent s'orienter vers une autre garantie, celle qui consiste à réduire, par la loi, les finalités d'accès à la base. Cependant, nous savons qu'une fois un fichier constitué, il est toujours possible d'étendre ses finalités de consultation. C'est pourquoi la Cnil est inquiète : les restrictions juridiques seront toujours moins efficaces que les restrictions techniques, qui rendent impossible l'utilisation de la base à des fins détournées. »
Je suis en parfait accord avec M. le rapporteur. J'ai pu constater hier, lors de la cinquième journée parlementaire sur la sécurité où il a beaucoup été question de cybercriminalité, combien il est facile pour des hackers de pénétrer des fichiers : nous en avons des exemples tous les jours, à Bercy, à la CIA, etc. Le fichier que proposent les députés serait une bombe à retardement, mise à disposition de n'importe quel groupe terroriste. Je serais désolée que la France fût la première à s'engager dans cette voie.
Je serai bref, car c'est la quatrième fois que le Sénat se penche sur ce texte. Au risque d'être solitaire, je ne serai pas solidaire de l'avis de mon collègue et ami M. Pillet. Avec un fichier à lien faible, si l'usurpateur est le premier à se faire recenser, il sera impossible de le confondre. Soit on créera un fichier à lien fort, soit on n'en créera pas du tout, et le problème de l'usurpation d'identité restera entier.
Que le fichier soit à lien fort ou à lien faible, si l'usurpateur est le premier à demander des papiers, sa fausse identité sera inscrite dans le marbre.
Il s'agirait d'une identité fictive et non pas usurpée. Car dans dix ans, tout le monde sera recensé dans la base.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 2
Je vous soumets un amendement qui fixe à deux le nombre d'empreintes digitales recueillies, comme l'a proposé l'Assemblée nationale et conformément à la règle édictée par le Conseil d'Etat pour le passeport biométrique.
L'amendement n° 2 est adopté, ainsi que l'article 2 dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 5
Je vous propose ici de rétablir le lien faible.
L'amendement n° 1 rectifié est adopté, ainsi que l'article 5 et la proposition de loi dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La commission a adopté les amendements suivants :