La commission procède tout d'abord à l'examen des amendements sur son texte n° 548 (2013-2014) pour la proposition de loi constitutionnelle n° 183 (2013-2014) visant à modifier la Charte de l'environnement pour exprimer plus clairement que le principe de précaution est aussi un principe d'innovation.
Article unique
Pour défendre mon amendement n° 1, je reprendrai les propos de notre ancien collègue Robert Badinter lors de l'adoption de la Charte de l'environnement :
« Pourquoi ne pas prévoir que le principe de précaution, comme le principe de prévention, s'exercera dans des conditions prévues par une loi, organique ou ordinaire, débattue et votée par le Parlement ? Pourquoi cette défiance à ce sujet, dans cet article, à l'égard du législateur, quand il s'agit du principe de précaution ? »
L'article 5 lui semblait à la fois abaisser le législateur, marquer la montée en puissance constitutionnelle du juge administratif et annoncer le règne des experts. Sur la suggestion de la commission Coppens et de nombre de députés, y compris de la majorité d'alors, un amendement avait été déposé dans ce sens.
soulève certaines difficultés. D'un point de vue légistique, il n'est pas pertinent d'ajouter un nouvel article à la Constitution pour préciser l'article 5 de la Charte, qu'il serait préférable de modifier directement. La suppression de l'effet direct du principe de précaution serait perçue comme une régression, notamment à l'égard d'une jurisprudence qui ne présente pas de dérives, bien au contraire. Une loi organique devrait avoir un contenu sur lequel l'amendement ne s'étend pas : soit elle serait inutile, soit elle créerait des obligations et des contraintes nouvelles plus lourdes. Faut-il prévoir un texte d'application au risque d'ouvrir une discussion à l'issue incertaine et pendant laquelle la Charte serait inapplicable ? Enfin, les articles 3, 4 et 7 de la Charte renvoient à la loi ordinaire. Le recours à une loi organique n'est pas nécessaire et Robert Badinter ne le demandait pas.
L'amendement n° 3 de M. Détraigne va dans ce sens. Cette proposition de loi n'a pas pour objectif de restreindre la portée du principe de précaution, mais de préciser à des fins pédagogiques qu'il ne fait pas obstacle à la recherche scientifique. Modifier par la loi les déclarations des droits revues et corrigées par le législateur me laisse sceptique : voyez ce que cela donnerait pour tel ou tel article de la Déclaration des droits de l'homme ou pour certains alinéas du Préambule de la Constitution de 1946... La commission présidée par Simone Veil était arrivée à la conclusion qu'il ne fallait surtout pas y toucher, notre système législatif pouvant déjà faire face à toutes les situations. Retrait, sinon, avis défavorable.
Dans la logique de votre amendement, vous auriez intérêt à corriger directement l'article 5 de la Charte.
Le texte devrait plutôt indiquer « dans les conditions définies par la loi ».
Avec une telle définition, l'application directe demeure-t-elle ? Le Conseil constitutionnel pourra-t-il censurer une loi qui méconnaîtrait totalement le principe de précaution ?
Actuellement, c'est le juge administratif et le juge judiciaire qui jugent de l'application du principe de précaution.
A défaut d'une loi ! L'avancée que constitue l'instauration du principe de précaution, et que d'aucuns présentent comme un recul, resterait sans effet.
Le vote final du groupe socialiste sur cette proposition de loi dépend de l'adoption de cet amendement. Je ne crois pas trahir sa position en trouvant judicieuse la proposition de modification de M. Gélard. Robert Badinter était surtout hostile à une application directe. Nous pourrions donc nous rallier à l'amendement de M. Détraigne qui, à l'article 5, ajoute « dans les conditions définies par la loi » après le mot « attributions ».
La proposition de loi n'ayant aucune chance d'aboutir, nous pouvons souscrire à tous les compromis possibles.
Sur la question de l'application directe, nous avons une divergence : le Préambule de 1946 dispose que le droit de grève « s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » et, pourtant, il ne dépend pas d'une loi qu'il soit appliqué...
Comparée à la Déclaration des droits de l'homme, elle ne lui semblait que littérature ; cette proposition de loi ne fait qu'ajouter de la littérature à la littérature.
Les lois organiques sont faites pour organiser les pouvoirs publics : prévoir une loi organique pour la Charte est biscornu ! La rédaction que vous envisagez pour l'article 5 ne changera rien aux possibilités offertes au Conseil constitutionnel de censurer une loi...
N'ajoutons pas de boursoufflures à cette boursoufflure qu'est la Charte de l'environnement, à moins que nous préférions cet habile moyen de botter en touche. Elle dénature ce qu'est une constitution et crée des problèmes. Cette proposition de loi est déposée parce que cela fonctionne mal. À un certain niveau de dysfonctionnement, il n'est plus possible de réparer.
Examinons d'abord l'amendement de M. Détraigne, qui partage le même but, mais est moins violent avec le texte de M. Bizet.
Mon amendement n° 3 remplace « et dans leurs domaines d'attributions » par « dans leurs domaines d'attributions et dans les conditions définies par la loi », comme je l'avais déjà proposé sans succès à l'époque. C'est simple et clair.
Mon amendement se substitue au texte, tandis que le vôtre le précise. Cela me semble conforme aux coups de téléphones insistants et convaincants de Mme Fioraso pour me signaler que des chercheurs ne peuvent plus travailler à cause d'une interprétation trop dogmatique.
Au risque d'être minoritaire, l'article 5 de la Charte me semble bien rédigé : je n'y vois pas les principes d'inaction ou d'abstention qu'on lui reproche. Il consacre au contraire un principe d'action frappé au coin du bon sens, selon lequel, en zone de risque, il faut avancer prudemment. Les autorités publiques agissent toujours dans le cadre légal.
Il n'y a pas eu de jurisprudence contestable, pas de décision des autorités publiques bloquée au nom du principe de précaution. Il s'agit ici plus d'une discussion idéologique que d'une révision du droit.
Je propose de retirer en séance mon amendement au profit de celui de M. Détraigne.
La commission émet une demande de retrait de l'amendement n° 1.
L'amendement n° 4 de Mme Jouanno supprime des alinéas qui remettraient en cause selon elle le principe de précaution alors qu'aucune difficulté jurisprudentielle ne le justifierait. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 3.
Mon amendement n° 2 insère les mots « au regard des enjeux économiques, sanitaires et environnementaux, privés et publics » après les mots « à un coût économiquement acceptable ». En cas de risque d'une grande gravité mais à faible probabilité, les pouvoirs publics doivent être prêts à déclencher des études pour le mesurer avec plus de précision ou définir des mesures qui y remédient. Il faut conserver l'idée de proportionnalité. Le texte parle d'un coût acceptable, mais pour qui ? Pour les acteurs économiques ? Alors cela pourrait conduire à ne pas appliquer le principe de précaution dans les cas où cela compromettrait l'activité économique - il aurait pu en être ainsi pour l'amiante dans les années 70. Cela signifierait une subordination de la santé humaine et de l'environnement aux enjeux économiques, une hiérarchie des valeurs qui n'est pas la mienne.
Les mots « à un coût économiquement acceptable » n'ont été ajoutés que pour conformer la Charte au code de l'environnement, qui utilise cette formule également consacrée par la jurisprudence. La rédaction de M. Grosdidier est intelligente... mais redondante. On pourrait aussi ajouter « culturelles » à son énumération d'adjectifs. De telles dispositions ne sont pas dignes du niveau constitutionnel ; elles ne seraient peut-être même pas du niveau de la loi. Retrait, sinon rejet.
Les précautions doivent être proportionnelles à l'importance du risque, dites-vous. Mais comment le mesurez-vous ? S'agit-il de la probabilité ou de l'importance de la catastrophe ? Voilà bien l'ambiguïté de ces notions molles et floues.
L'aspect culturel n'a rien à voir. Je conserve les enjeux sanitaires et environnementaux. Le mot « économique » est redondant ; enlevons-le. La précision « privés ou publics », quoique utile, peut aussi être abandonnée. Que penseriez-vous de la formule « au regard des enjeux sanitaires et environnementaux » ? Cela n'est pas accessoire : il s'agit de valeurs fondamentales. Le rapport entre gravité et probabilité des risques est l'éternel problème du droit de la prévention. Le nucléaire comporte un risque très grave, mais peu probable, à l'inverse du charbon.
Avis défavorable. Les préoccupations de M. Grosdidier sont satisfaites par le texte : la santé est citée à l'article 1er de la Charte et l'environnement deux ou trois fois ailleurs. Sans cette mention du coût économiquement acceptable, les dispositions législatives pourraient faire l'objet d'une QPC.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.
La commission adopte les avis suivants :
AMENDEMENTS DE SÉANCE
La commission procède ensuite à l'examen des amendements sur son texte n° 466 (2013-2014) de la commission pour la proposition de loi n° 361 (2013-2014) visant à limiter l'usage des techniques biométriques.
Article premier
Notre commission avait adopté, à l'unanimité, le texte modifié par deux amendements. Une réflexion de notre président sur le côté « proustien » de ma rédaction m'a toutefois fait remettre l'ouvrage sur le métier. J'en ai fait part au Gouvernement qui a déposé un amendement supprimant opportunément la formule « le contrôle de l'accès physique ou logique à des locaux » et transformant la formule « enjeu majeur dépassant l'intérêt strict de l'organisme » en « une nécessité ne se limitant pas aux besoins de l'organisme ». Ces modifications ne portent pas atteinte à l'esprit de notre texte. Pour autant, une formule positive me semble préférable : « excédant l'intérêt propre de l'organisme... » ; c'est pourquoi je vous propose un sous-amendement rédactionnel.
La commission adopte le sous-amendement n° 2.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1, ainsi sous-amendé.
La commission adopte les avis suivants :
AMENDEMENT DU RAPPORTEUR
EXAMEN DE L'AUTRE AMENDEMENT DE SÉANCE
La commission procède enfin à l'examen des amendements sur son texte n° 546 (2013-2014) pour la proposition de loi n° 252 (2013-2014) visant à instaurer un schéma régional des crématoriums.
EXAMEN DE L'AMENDEMENT DU RAPPORTEUR
Article 3
La commission adopte l'amendement rédactionnel n° 5.
EXAMEN DES AUTRES AMENDEMENTS DE SÉANCE
Article premier
L'amendement n° 1 introduit l'obligation de prévoir un crématorium par département.
La préoccupation de M. Bertrand sera satisfaite par la pratique des préfets. Retrait, sinon avis défavorable.
Sauf à dire que l'État doit construire les crématoriums, il n'aura pas d'effet.
J'y vois une contradiction. Vouloir établir un schéma, c'est dire que les crématoriums relèvent du service public.
Pourquoi, dans ce cas, faire appel au marché et au « laisser faire » ? Un schéma crée une ardente obligation qui oblige à se prendre par la main.
Le critère judicieux est le besoin de la population. Le service public ne nécessite pas un crématorium dans chaque département.
Le schéma évitera aussi l'inflation, comme à Roanne, entre autres, où on en trouve l'un à côté de l'autre, ce qui augmente les tarifs pour les usagers.
La situation évolue : les départements sans crématoriums sont passés de dix-sept à quatre. Mais le schéma a aussi pour but de lutter contre les excès.
Est-il prévu que le préfet consulte ses homologues des régions voisines ?
Il doit consulter les préfets des départements de sa région et le Comité national des opérations funéraires (Cnof), qui doit veiller à l'équilibre général. L'amendement de MM. Vandierendonck et Sueur que nous examinerons tout à l'heure complète cette volonté de cohérence, y compris avec des États étrangers. Je propose de demander le retrait.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 1 et, à défaut, y sera défavorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement rédactionnel n° 2.
L'amendement n° 3 demande au préfet d'intégrer la dimension transfrontalière de l'estimation des besoins. Je suggère de le rectifier pour ajouter, après l'alinéa 2 : « L'évaluation des besoins de la population tient compte, le cas échéant, de ceux des populations immédiatement limitrophes sur le territoire national ou à l'étranger. » Si Menin, en Belgique, dispose d'un crématorium, il est inutile que Comines, en France, en ait un aussi.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 3, sous réserve de sa rectification.
Article additionnel après l'article premier
L'amendement n° 4 répond à des situations douloureuses rencontrées par les familles. Lorsque la mise en bière a lieu dans un pays comme la Belgique, les cercueils ont des éléments métalliques incompatibles avec la crémation en France, ce qui complique les démarches des familles puisqu'il faut placer le corps dans un nouveau cercueil pour la crémation. Une telle exigence, qui s'imposerait à des autorités étrangères ne relève pas de la loi mais des traités. Il est préférable de s'en remettre aux négociations engagées par le Gouvernement. Je vous propose de demander le retrait au bénéfice des explications que donnera le ministre.
Pourquoi ne pas demander que les cercueils respectent les normes de l'État où intervient la crémation ?
L'amendement est incomplet : la réglementation française demande qu'il n'y ait pas de pacemakers. Il faut s'en assurer avant la crémation.
Le raisonnement du rapporteur est imparable. D'autres problèmes se posent pour le transport en avion. Les familles continueront à payer deux cercueils...
La solution passera peut-être par les cercueils en carton.
Des spécialistes nous ont dit qu'ils sont très nocifs pour l'environnement - il est vrai qu'ils travaillaient dans le secteur des cercueils en bois...
La commission demande le retrait de l'amendement n° 4 et, à défaut, y sera défavorable.
La commission adopte les avis suivants :
AMENDEMENTS DE SÉANCE
La réunion est levée à 10 h 30