Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires, s'est réunie au Sénat le mardi 3 juin 2014.
La commission mixte paritaire procède d'abord à la désignation de son bureau, qui est ainsi constitué : Mme Annie David, sénatrice, présidente ; Mme Catherine Lemorton, députée, vice-présidente ; M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat ; Mme Chaynesse Khirouni, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale.
DISCUSSION GÉNÉRALE
La proposition de loi tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires a été adoptée le 24 février à l'Assemblée nationale et le 14 mai par le Sénat. Deux articles ont été votés conformes, sept restent en discussion, dont deux avaient été ajoutés par le Sénat. L'article 1er est l'objet de la majorité des quelque quarante propositions de rédaction sur lesquelles nous avons à nous prononcer.
Le Sénat et l'Assemblée nationale sont en désaccord principalement sur deux points : le montant de la gratification et la durée de stage à partir de laquelle elle doit être obligatoire. Au risque de surprendre plusieurs d'entre vous, je dirais qu'il ne faut pas, en la réduisant trop, dissuader les employeurs de prendre des stagiaires.
Un stage n'est pas un emploi. Dans le secteur médico-social, la demande de stagiaires ne fait que croître...
Je suis confiante en notre capacité à trouver un accord qui montrera que les stagiaires ont été enfin entendus.
Le Sénat a adopté la proposition de loi de Mme Khirouni après avoir examiné 150 amendements en trois semaines de débats. Je suis heureux de voir l'aboutissement d'un mouvement que j'avais cherché à initier par une proposition de loi que j'avais déposée il y a sept ans mais qui avait été rejetée.
Le Sénat a enrichi le texte, pour renforcer la lutte contre la précarité des stagiaires, responsabiliser davantage les établissements d'enseignement envers leurs élèves en stage et tenir compte de la situation spécifique des maisons familiales rurales (MFR), auxquelles chacun ici est très attaché - tous les groupes politiques du Sénat y ont contribué.
Sur ma proposition, le Sénat a porté le montant minimal de la gratification des stagiaires de 12,5 % à 15 % du plafond de la sécurité sociale, soit de 436 à 523 euros. Il a également rendu la gratification obligatoire pour tous les stages de l'enseignement supérieur d'une durée de plus d'un mois, contre deux à l'heure actuelle. Enfin, sur proposition des groupes CRC et RDSE, nous avons étendu à tous les stagiaires l'accès à la restauration collective de l'organisme d'accueil et aux titres-restaurant ainsi qu'à la prise en charge des frais de transport.
J'avais souhaité, lors de l'examen du texte en commission, limiter la durée de travail des stagiaires à la durée légale de travail, soit 35 heures par semaine, afin de rappeler que les stagiaires ne sont pas des salariés à part entière et qu'ils n'occupent pas un emploi permanent de l'entreprise. Trop souvent, des stagiaires travaillent bien plus sans que leur gratification en soit augmentée. Celle-ci ne devrait-elle pas dépendre de la durée travaillée ? Le Sénat est revenu sur cette modification, je le regrette.
Afin que les établissements d'enseignement s'impliquent davantage dans le suivi de leurs élèves, la commission des affaires sociales a confié à leur conseil d'administration, sur ma proposition, le soin de fixer le nombre maximal de stagiaires par enseignant référent et les modalités de leur suivi. Le Sénat a précisé qu'il s'agira d'un suivi pédagogique et administratif constant, et qu'un décret déterminera un plafond de stagiaires par enseignant référent. Sur proposition des sénateurs du groupe UMP, un lien direct entre l'enseignant référent et le tuteur du stagiaire a été établi afin qu'ils se concertent à plusieurs reprises pour assurer le bon déroulement du stage. Les établissements seront tenus de proposer un stage obligatoire à leurs étudiants n'ayant pas réussi à en trouver dans les délais impartis, sans que ces derniers puissent le refuser. Je ne vois pas bien, toutefois, comment les établissements trouveront si facilement des offres de stage. Prévoir que les étudiants concernés ne pourront pas refuser me semble un peu radical...
A l'approche des débats au Sénat, les MFR ont fait part de leurs craintes, en particulier en matière de gratification des stagiaires. Les règles de droit commun imposant une gratification pour tous les stages et périodes de formation en milieu professionnel (PFMP) de plus de deux mois, auxquelles elles sont soumises, ne semblent pas avoir été appliquées. Un amendement du Gouvernement a ouvert la possibilité de dérogations au bénéfice des PFMP et des MFR. Le projet de décret qui nous a été communiqué prévoit que la gratification sera obligatoire pour les PFMP de plus de trois mois, ce qui correspond à la demande des MFR. Je suis satisfait que tous les acteurs concernés soient parvenus à un compromis.
Enfin, sur proposition commune de l'UMP, de l'UDI et du RDSE, les stagiaires embauchés ensuite en CDI dans le même organisme devraient être comptabilisés au même titre que des jeunes en contrat d'apprentissage ou de professionnalisation pour le calcul du bonus-malus apprentissage. Cette confusion est contraire à l'objectif, consensuel, de développer l'alternance et de modifier la perception qu'en ont nos concitoyens mais aussi, trop souvent, les enseignants du secondaire. Pour cette raison, je vous proposerai, en accord avec Mme Khirouni, de supprimer cet article.
Au vu de la portée de cette proposition de loi, attendue par la jeunesse, j'espère que cette commission mixte paritaire parviendra au meilleur accord possible.
Ce texte est né du constat que les dispositions régissant le recours aux stages et aux PFMP étaient parfois mal comprises ou mal appliquées, et de la volonté d'envoyer un signal fort à la jeunesse en améliorant le statut des stagiaires. Equilibré, il fait suite à de nombreuses discussions et a également pour ambition de développer l'offre de stages.
Son message le plus important est de confiance en la jeunesse, en ses talents, ses compétences, et d'espoir en sa capacité à créer de la richesse. Il renforce l'accompagnement des stagiaires, améliore leurs conditions d'accueil par la convention de stage tripartite, et leur donne certains droits, en rappelant que le stage est un outil de formation lié à un projet pédagogique. Certaines dispositions luttent contre les abus : un stage n'est pas un travail.
Nous avons trouvé un équilibre en prévoyant une revalorisation de la gratification selon des modalités qui laissent aux structures d'accueil le temps de s'adapter. Reste la question de la durée de stage y donnant droit : je crois qu'il faut revenir à deux mois, pour ne pas tarir l'offre. Tâchons d'aboutir à un texte équilibré et favorable à la jeunesse.
Non, ce texte n'est pas équilibré. Le droit existant protège déjà les stagiaires en prévoyant que les stages doivent s'inscrire dans un cursus pédagogique. Le stage ne doit pas remplacer un emploi permanent, temporaire ou saisonnier et le stagiaire ne peut remplacer un salarié absent, suspendu ou licencié. La loi Cherpion, qui apportait de nombreuses avancées (délai de carence, gratification obligatoire au-delà de deux mois de stage, déduction de la durée du stage de la période d'essai en cas d'embauche, intégration de cette durée dans le calcul des droits à l'ancienneté...) résultait d'une véritable concertation avec les partenaires sociaux.
Cette proposition de loi, quant à elle, est dangereuse, parce qu'elle raréfiera l'offre de stages. Les mesures prévues en faveur des MFR montrent bien que vous prenez conscience d'un problème qui se pose partout. Le mieux est l'ennemi du bien : pour protéger les stagiaires encore faut-il qu'il y ait des stages. Alors qu'un stage est devenu un passeport pour l'emploi, n'empêchons pas les jeunes de valider leur cursus faute d'avoir pu en accomplir un.
Le texte fait des stagiaires de pseudo ou de petits salariés : inscrits au registre du personnel, leurs horaires de travail sont calqués sur ceux des salariés, et ils bénéficient des droits salariaux comme l'accès aux congés familiaux. Leurs conditions de travail seraient contrôlées par l'inspection du travail et non plus par l'autorité académique... Ne sont-ils plus des élèves en formation ? L'entreprise, qui exige d'embaucher des candidats expérimentés, doit rester un lieu de formation.
Limiter le nombre de stagiaires en fonction des effectifs et créer une amende administrative sont deux mesures dangereuses. Qu'en est-il des start-up ? Les stagiaires, qui peuvent y être proportionnellement très nombreux, y suivent une vraie formation. Nous n'avons jamais eu de réponse à cette question. L'assimilation du stage à un contrat de travail aggrave la charge administrative pour les entreprises : ce n'est pas la bonne voie.
Je suis d'accord. Les propos des rapporteurs manifestent bien une certaine ambiguïté : après avoir déclaré que le stage - contrairement à l'apprentissage - ne donne pas lieu à un contrat de travail, vous indiquez que le stagiaire n'est pas un salarié à part entière. Classer ainsi les stagiaires parmi les salariés ne rend service ni aux entreprises, pour lesquelles les stagiaires sont un apport extérieur précieux, ni aux jeunes, qui ne trouveront plus de stage.
Certes, un stage ne donne pas lieu à un contrat de travail. Mais de nombreuses entreprises utilisent des stagiaires en lieu et place de salariés. L'unique objet de cette proposition de loi est de mettre un terme à cet abus, sans dissuader pour autant de recruter de vrais stagiaires, c'est-à-dire des personnes passant un temps limité dans l'entreprise dans le cadre d'un processus de formation.
Nous avons voté contre ce texte en dépit de l'adoption de certains de nos amendements parce qu'il restait coercitif et susceptible d'être perçu négativement par les entreprises. Il faut plus de souplesse pour tenir compte de la spécificité des stages. Nous verrons quel sort sera réservé à nos propositions de rédaction.
Nous avons réussi à obtenir copie du projet de décret relatif aux MFR. Je propose d'élargir le champ des dérogations. Dans l'enseignement agricole, trouver un maître de stage est un vrai parcours du combattant. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous n'avons pas voté en faveur de ce texte.
Je comprends l'inquiétude du monde agricole. Le monde médical, qui a largement recours aux stagiaires, doit aussi être anxieux, car aucun financement n'a été prévu, si ce n'est 60 millions d'euros qui ne suffiront certainement pas pour les milliers de stagiaires concernés. Le problème du nombre de stagiaires par établissement se posera également...
La loi Cherpion suffit pour lutter contre les abus. S'il y en a, ils restent marginaux. Pourquoi alors créer une véritable usine à gaz ? Le discours qui les dénonce comme systématiques ne s'appuie sur aucune statistique probante, mais justifie des mesures qui portent un coup à la compétitivité de notre pays.
Nous ne croyons pas qu'il s'agisse d'une usine à gaz. Les abus sont-ils vraiment marginaux ? Je n'en suis pas certaine. La loi Cherpion a posé des bases, certes, mais il faut faire plus. Ce texte, qui n'est pas contraignant, favorisera de meilleures relations entre entreprises et stagiaires, dont les qualités méritent davantage de respect.
Dans le secteur médico-social, le coût a été évalué à 7,4 millions d'euros. D'ores et déjà, 5,3 millions d'euros sont prévus pour la rentrée 2014. Cela n'avait jamais été fait !
Il a fallu attendre la décision de Mmes Touraine et Fioraso pour que ces stagiaires soient gratifiés comme les autres. Certes, il ne s'agit pas de 60 millions d'euros...
Une très grande entreprise française accueille chaque année 400 stagiaires, qui sont tous en fin de cycle de formation ou en doctorat. Il s'agit de stages longs, de plus de quatre mois, rémunérés au-dessus du Smic. Sur ces 400 stagiaires, 250 sont embauchés chaque année. Les entreprises savent être vertueuses... Quand j'ai été invité à débattre de ce texte sur RTL, le représentant de Génération précaire est intervenu par téléphone et n'a donné que son prénom. Cela relativise les arguments de ce groupe de pression...
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
La proposition n° 1 est rédactionnelle.
La proposition de rédaction n° 1 est adoptée.
La proposition de rédaction n° 2 supprime l'obligation pour l'établissement d'enseignement de proposer un stage à l'étudiant qui n'en aurait pas trouvé un dans les délais, et pour celui-ci de l'accepter. Cela crée un droit opposable. Comment l'établissement trouvera-t-il les stages ? Et comment imposer à l'étudiant d'accepter un stage ?
Parfois les élèves ont du mal. La rédaction adoptée en séance visait à les aider. Comment l'établissement trouvera-t-il les stages ? Cela lui sera toujours plus facile qu'à l'étudiant ! Celui-ci sera-t-il déresponsabilisé pour autant ? Non, s'il est obligé d'accepter le stage proposé. L'amendement était de bon sens.
Soyons cohérents : nous souhaitons en rester à la loi Cherpion mais, quitte à modifier le statut juridique des stages, autant donner aux établissements d'enseignement une part de responsabilité. La loi LRU a instauré en 2007 dans les universités un bureau d'aide à l'insertion professionnelle : ils seraient ici pleinement dans leur rôle. Ne revenons pas sur une disposition ajoutée par le Sénat avec une grande sagesse.
Ceux qui ont un réseau trouvent facilement un stage. Cette disposition concerne ceux qui n'en ont pas. Obliger les établissements à leur trouver un stage, pourquoi pas ? Contraindre les étudiants à les accepter me paraît exorbitant : ils peuvent être d'intérêt très divers, ou leur poser des problèmes d'organisation insurmontables. Nous devons les protéger.
Un organisme de formation qui proposerait un stage inintéressant mériterait une évaluation immédiate, car ce serait gravissime. Le décret déterminera les conditions dans lesquelles le stagiaire peut refuser l'offre, notamment pour des raisons géographiques. Le dispositif est équilibré.
Il est légitime que les organismes de formation aident les étudiants à trouver un stage. Ils sont contrôlés, et l'Etat a le monopole de la collation des grades et diplômes. Voulons-nous déconstruire notre droit ? Prévoir un décret laisse toute latitude au Gouvernement de mener les concertations souhaitables. Votre vision de l'intérêt de l'étudiant est très orientée... Nous ne comprenons pas cette proposition de rédaction.
Le texte mentionne déjà le rôle de l'établissement d'enseignement dans la recherche du stage et dans son suivi.
L'amendement concernait aussi les jeunes ayant un réseau mais ne souhaitant pas y avoir recours. Le meilleur réseau pour ceux qui n'en ont pas reste l'organisme de formation.
Tout est déjà dans le texte, hormis la contrainte. Laissons aux étudiants leur libre-arbitre !
Quelques professions ont des règles particulières d'accès au diplôme. La proposition de rédaction n° 4 en tient compte.
Avis défavorable. Le texte définit une durée maximale de six mois. Aller au-delà nous fait sortir du cadre de la formation. Il faut réduire le nombre de dérogations.
Nous voterons cette proposition de rédaction. Il faut tenir compte de la spécificité des métiers et des formations. L'objectif est que les jeunes trouvent un emploi à l'issue de leur cursus.
Nous ne pouvons que regretter l'absence d'étude d'impact. Quels sont les métiers concernés ? Dans le monde sanitaire, il faut évidemment plus de six mois. S'en remettre à un décret est plein de bon sens.
La commission du titre d'ingénieur, qui est placée sous l'autorité du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, préconise que les élèves-ingénieurs fassent, comme c'est la norme à l'étranger, une année de césure. Une solution est de faire un stage long. Sans ma proposition de rédaction, cela sera impossible. Ne mettez pas en difficulté l'ensemble de notre dispositif d'ingénierie.
La proposition de rédaction n° 4 n'est pas adoptée.
Ma proposition de rédaction n° 5, comme la n° 6 de M. Cherpion, revient sur les dispositions ajoutées par le Sénat concernant la gratification des stages de plus d'un mois, même si j'en comprends la logique. Je crains une raréfaction des offres de stage.
Nous retournons à la loi de juillet 2011 qui avait été négociée par les partenaires sociaux, et notamment la CFDT. Revenir à deux mois est de bon sens.
La proposition de rédaction n° 7 revient au texte de l'Assemblée nationale et au code de l'éducation. Déterminer la gratification minimale par décret est plus souple ; la fixer à 15 % limitera le recours aux stages.
Ma proposition de rédaction n° 8 soutient l'avancée réalisée par le Sénat, mais inclut les stagiaires du secteur public, sans figer la gratification minimale.
L'augmentation de la gratification avait été adoptée par la commission des affaires sociales puis en séance ; je suis favorable à la proposition de rédaction de Mme Khirouni.
Le plafond peut gêner le recrutement d'élèves de CAP ou de bac professionnel chez les artisans, qui sont en difficulté. Les modifications que vous engagez de façon subreptice mettront en difficulté un public particulièrement fragile. J'aurais bien voulu entendre Benoît Hamon sur ce sujet. Le mieux est l'ennemi du bien.
Nous voterons la proposition de rédaction de M. Cherpion. Les entreprises sont déjà réticentes à payer le montant actuel, elles ne le seront que davantage. Ce que les stagiaires gagneront d'un côté, ils le perdront de l'autre, avec une diminution du nombre des offres de stage. A l'heure où on entend parler de simplification, vous créez une distorsion entre la gratification à 15 % du plafond de la sécurité sociale et la franchise de cotisations sociales, qui reste limitée à 12,5 %.
Nous parlons des stages de plus de deux mois ; les CAP et les lycées professionnels ne sont pas concernés.
Le delta entre 12,5 % et 15 % peut sembler anodin, mais cette centaine d'euros peut faire réfléchir les entreprises. C'est l'inverse d'une simplification administrative. Nous serons vite interrogés dans nos circonscriptions sur ce sujet.
Vous ne pouvez pas d'un côté déclarer vouloir des entreprises compétitives...
Je parle des entreprises, que vous ne pouvez pas pénaliser par une grandeur d'âme mal placée. Nous soutenons cette proposition de rédaction raisonnable.
Le principe est l'augmentation de la gratification à hauteur de 15 % du plafond de la sécurité sociale, avec une entrée en vigueur différée et, corrélativement, une harmonisation des exonérations par la loi de financement de la sécurité sociale.
Nous rencontrons tous des élèves qui cherchent des stages et des chefs d'entreprise, notamment dans le bâtiment, qui cherchent des stagiaires, car la pénibilité supposée de ces métiers effraie beaucoup de jeunes. Personne n'a le monopole de la défense des entreprises ou des stagiaires. Bien des boulangers ou des bouchers sont prêts à payer une gratification d'un montant de 15 % du plafond de la sécurité sociale.
Femme d'artisan, je peux vous le dire : les entreprises cherchent des apprentis, pas des stagiaires. Qui n'a pas reçu dans sa permanence des parents désespérés de trouver pour leurs enfants un stage, indispensable pour l'obtention de leur diplôme ? Chacun voudrait augmenter la gratification ; 100 euros supplémentaires par mois semble dérisoire, mais cela ne l'est pas. Les entreprises ne prennent pas des stagiaires pour en profiter, comme cela semble être sous-entendu, mais pour rendre service.
La proposition de rédaction n° 7 n'est pas adoptée.
La proposition de rédaction n° 8 est adoptée.
La proposition de rédaction n° 9 revient sur une rédaction proposée par Catherine Procaccia qui partait d'une bonne intention : certains organismes tirent prétexte des ponts pour ne pas payer toute la gratification au mois de mai par exemple. Cependant, une telle rédaction officialise la forfaitisation de la gratification ; or il semblerait légitime d'augmenter la gratification dans le cas d'un temps de présence du stagiaire supérieur aux 35 heures. Mme Procaccia comprendra qu'il faut éviter de bloquer toute la mécanique.
Cet argument vaut pour des salariés ; nous parlons de stagiaires. Cette transposition du droit du travail m'inquiète. La formule de Mme Procaccia a toute sa place.
M. Cherpion nous a parlé d'une très grande entreprise qui accueille 400 stagiaires par an, les gratifie à un niveau supérieur au Smic, et en embauche 250 par an. La rédaction de Mme Procaccia serait contreproductive en ce qu'elle reconnaît la forfaitisation.
Dans cet exemple, l'entreprise qui fait le choix d'une gratification supérieure, en assume les conséquences, et paye des charges. Cela ne pose pas de problème.
Cela n'a rien à voir. Je verse à mon stagiaire à l'Assemblée nationale plus que la gratification minimale et j'assume les charges sociales conséquentes.
C'est une question de bon sens : les stagiaires ne vont pas être payés moins en mai à cause des ponts ; en février, la gratification changera-t-elle les années bissextiles ?
Distinguons deux choses : la gratification minimale, qui doit être forfaitaire, et celle qui est réellement payée, et peut dépendre du nombre de jours. Le texte pourrait être interprété dans le sens d'une obligation de payer le mois de mai quel que soit le nombre de jours travaillés, ou comme imposant le forfait y compris quand le stagiaire n'a travaillé que la moitié du mois. Il serait plus clair de dire que la gratification minimale est forfaitaire, et qu'en cas de mois incomplet, elle sera prorata temporis. Il ne faut pas favoriser l'apparition de litiges, même si je les adore professionnellement.
Nous voulons obliger les entreprises non pas à confondre stagiaires et salariés, mais à traiter les premiers aussi bien que les seconds. Le temps de travail fixé par la convention de stage pourra aller bien au-delà de 35 heures. Est-il juste qu'un stagiaire présent aussi longtemps n'obtienne pas une gratification plus forte ? Je suis sûr que nous pourrons trouver un terrain d'entente.
Votre raisonnement repose sur l'idée que la gratification dépend du temps de travail ; or il s'agit de temps de formation. Elève avocat, j'ai été stagiaire pendant quatre mois chez un professionnel libéral : nous ne faisions pas 35 heures. Quand vous avez la chance d'accompagner votre avocat aux assises, vous êtes content de faire des journées de 15 heures... Ne revenons pas vers la notion de temps de travail, qui nous ramène vers la rentabilité : en menant jusqu'au bout votre raisonnement, il ne serait pas illégitime à l'inverse de baisser la gratification s'il y a peu de jours ouvrés. Sanctionnons les fraudeurs qui déguisent des contrats de travail en stages, mais restons dans la logique de la gratification.
Relativisons cette question du temps de présence : le droit existant fait bien le calcul des 12,5 % sur la base de 35 heures travaillées, même si en réalité un stagiaire qui travaille 39 heures ne voit pas sa gratification revalorisée.
Je partage l'analyse de M. Robiliard et son approche forfaitaire, sans laquelle nous inciterions certains professionnels à renvoyer leur stagiaire à la maison contre son intérêt. Nous sommes hostiles à la proposition de rédaction.
Admettre le principe d'une gratification forfaitaire n'empêchera-t-il pas d'augmenter celle-ci ?
Mme Procaccia ne prônait pas que tous les stagiaires soient gratifiés du minimum prévu ; elle voulait qu'une entreprise ne puisse pas défalquer les ponts.
Lors de son adoption en séance, son amendement n'avait pas été loin de recueillir l'unanimité. S'il n'est pas juste de réduire les gratifications en déduisant les ponts, il n'est pas anormal que la gratification augmente quand le stagiaire travaille plus. Or il est question d'un montant fixe.
Mme Procaccia sécurise la gratification minimale, qui passe d'ailleurs de 436 à 523 euros. Si l'entreprise décide de payer une gratification supérieure, c'est son choix. Pourquoi ne pas remplacer le mot fixe par le mot « forfaitaire » ?
Maintenons la suppression de la deuxième phrase de l'alinéa, mais ajoutons « minimale forfaitaire » dans la première après « la gratification ».
Pour ne pas dénaturer la rédaction, nous pourrions simplement ajouter une phrase : « Son montant minimal est forfaitaire. »
Seul le minimum est forfaitaire ; le surplus sera soumis à cotisation. Nous pouvons ajouter « mensuelle ».
Nous touchons là à un autre sujet : la gratification à compter du premier jour du premier mois de stage.
La proposition de rédaction des rapporteurs sur laquelle la présidente s'est abstenue revient à la gratification à compter du deuxième mois.
Pas du tout : nous parlons des stages avec gratification. Or celle-ci démarre au premier jour dès lors que le stage dure plus de deux mois. Il n'y a pas deux mois de franchise.
Je n'y vois pas d'inconvénient si elle n'est pas mal interprétée.
On se donne la peine de mettre minimal parce que l'entreprise d'accueil peut faire plus. Reste que la rédaction n'est pas idéale : il faudrait dire dès le premier mois, quand le stage dure plus de deux mois.
Ne touchons pas à la première phrase et poursuivons par : « Son montant minimal forfaitaire est fixe, quel que soit le nombre de jours ouvrés dans le mois ».
Je propose plutôt : « Son montant minimal forfaitaire n'est pas fonction du nombre de jours ouvrés dans le mois. »
Je me range à cette rédaction.
La proposition de rédaction n° 9 rectifiée est adoptée.
mais elle supprime l'alinéa 66, que je veux modifier par ma proposition de rédaction n° 28.
Elle tombera : c'est la règle.
J'aimerais l'expliciter. L'amendement du Gouvernement, qui institue un régime dérogatoire en matière de gratification pour les MFR n'a pas pris en compte les cycles courts de l'enseignement supérieur agricole, comme les BTS. Il n'est pas possible de mettre ainsi à l'écart tous ces étudiants.
Pourquoi cette dérogation pour le seul enseignement supérieur agricole ?
La focale est légitimement mise sur les MFR ; mais la problématique est plus générale. Le milieu agricole a eu un lobbying efficace, je l'en félicite...
Le lycée Aristide Briand de Gap me signale sa difficulté à trouver des petites entreprises accueillant des stagiaires de son BTS d'assistant manager. Ses élèves rejoindront les universités marseillaises...
Et que feront les entreprises sans les stagiaires, qui devaient bien s'acquitter d'un travail ?
Les MFR sont des écoles de la deuxième chance pour le milieu agricole. Nous nous en sommes tous préoccupés. Votre réaction est étrange après le débat serein et constructif que nous avons eu. N'avons-nous pas le droit de nous approprier collectivement ce sujet ?
Si vous avez besoin de noms, prenez le mien. Le texte de l'Assemblée nationale ne réglait pas tout le problème des maisons familiales rurales ; j'ai obtenu cette mesure dérogatoire après avoir interpellé le Gouvernement.
Je veux que chacun assume son vote. Sans vouloir poursuivre la polémique, vous ne connaissez pas les maisons familiales rurales.
Les maisons familiales rurales proposent aussi des BTS ; ce sont les universités de la ruralité. Ma proposition de rédaction n° 11 supprime la limite de pourcentage de stagiaires pouvant être accueillis en même temps dans une même entreprise. Certaines, notamment dans les hautes technologies, en accueillent beaucoup, qu'en général elles rémunèrent bien, et qui seront recrutés, ou créeront de nouvelles entreprises.
Avis défavorable. Nous avons bien eu ce débat en séance ; le Sénat s'est prononcé, je n'ai pas compétence pour faire revenir le Sénat sur son vote.
Même avis.
Les start-up, malgré de petits effectifs, ont un rôle éminent dans la formation des jeunes. Elles comptent parfois autant de stagiaires que de salariés, sans qu'il y ait d'abus. Le ministre faisait état d'un quota de 5 % à 10 % : c'est très faible.
Cela pénaliserait l'hôpital, où il y en a largement plus. Attention à ce que vous faites.
Les autres personnes en formation le sont.
La proposition de rédaction n° 11 n'est pas adoptée.
La proposition de rédaction n° 13 confie aux accords de branche le soin de fixer le quota de stagiaires par organisme d'accueil plutôt qu'à un décret en Conseil d'Etat. Mieux vaut le dialogue social que l'imposition de règles par le Gouvernement.
Avis défavorable. Les accords de branche rapprochent dangereusement les stagiaires du salariat...
Et que faites-vous du secteur public ?
La proposition de rédaction n° 13 n'est pas adoptée.
Sans corporatisme aucun - j'ai été recteur d'académie dans une autre vie - la mention du recteur n'empêche pas la délégation. C'est lui qui a des échanges avec le conseil régional à propos de la carte des formations.
Il s'agit en l'occurrence de l'enseignement agricole, sur lequel il n'a pas compétence.
En ce cas, la formule est « le recteur d'académie ou l'autorité académique compétente ».
Les propositions de rédaction n°s 14 et 15 sont adoptées.
Les stagiaires sont des étudiants ou des élèves, et non des salariés. Pourquoi faire référence à des articles du code du travail ? La proposition de rédaction n° 16 supprime par conséquent l'alinéa 34.
Avis défavorable. Il serait regrettable de soustraire ces élèves à la protection du code du travail contre le harcèlement moral et sexuel ou les discriminations.
Je ne dirais pas mieux.
La proposition de rédaction n° 16 n'est pas adoptée.
La proposition de rédaction n° 18 ajoute « à l'organisation du temps de travail » à l'alinéa 38 et supprime les suivants jusqu'à l'alinéa 43. Cela a vocation à être précisé dans la convention de stage et ne relève pas du législatif.
Avis défavorable. L'idée d'une commission mixte paritaire n'est pas de refaire le match de la séance publique. Ces propositions de rédaction ont déjà été débattues. Allons à l'essentiel.
Je m'étonne de ces propos un peu forts : le droit d'amendement n'est pas discuté et il vaut pour tous. La sagesse des sénateurs pourrait les rendre sensibles à mes arguments.
C'est la totalité des dispositions du code du travail relatives au temps de travail qui seraient rendues applicables aux stagiaires, y compris les 35 heures Ce n'est pas ce que vous recherchez...
La proposition de rédaction n° 18 n'est pas adoptée.
Ma proposition de rédaction n° 19 supprime les dispositions votées en séance publique au Sénat contre l'avis de la commission afin de revenir à un temps de présence hebdomadaire maximal de 35 heures pour les stagiaires.
Avis défavorable : il est préférable de se déterminer d'après la durée de travail des salariés de l'établissement, pour favoriser l'immersion du stagiaire. Cette loi prévoit un cadre sécurisant sur les conditions d'accueil, les autorisations d'absence ou le suivi qualitatif : revenir sur ce point la déséquilibrerait.
Certains des stagiaires, de milieu modeste, doivent travailler le week-end pour payer leurs études : s'ils sont présents 40 heures sur leur lieu de stage, quand rédigeront-ils leur mémoire ? Si celui-ci est mauvais, le stage ne sert à rien. 35 heures par semaine, c'est soit des journées équilibrées soit une journée libre pour la rédaction.
La proposition de rédaction n° 19 n'est pas adoptée.
Mes propos ont dépassé ma pensée, je vous prie de m'excuser. Nous aurons néanmoins à en rendre compte collectivement ! Je vous invite à visiter une maison familiale rurale de la Marne qui propose un BTS d'oenologie de grande qualité.
La proposition de rédaction n° 22 inscrit la référence aux autorités académiques dans le texte : l'inspection du travail ne doit intervenir qu'en second rang.
Avis défavorable. Contrôler les conditions de travail n'est pas le coeur de métier des inspecteurs d'académie qui ne sont pas habilités à pénétrer dans tout établissement employant des salariés ni à constater des infractions.
Il s'agit bien de formations... en entreprise. Seule l'inspection de travail peut contrôler efficacement.
Il est aberrant de confier des missions qui relèvent du code de l'éducation à des inspecteurs du travail.
La proposition de rédaction n° 22 n'est pas adoptée.
La gratification a été portée à 15 % du plafond de la sécurité sociale. Nous souhaitons que cette augmentation prenne effet le 1er septembre 2015, pour que les structures d'accueil aient le temps de s'organiser. Cela laissera le temps de relever au même niveau l'exonération de cotisations sociales.
Ces exonérations ne figurent pas dans le texte. Le Gouvernement s'y est-il engagé ? Par ailleurs, l'objet de la proposition de rédaction souligne que la plupart des organismes rencontreront des difficultés dans l'application de ce texte. Reconnaissez que c'est inapplicable !
Ne soyez pas de mauvaise foi ! Ces organismes feront des budgets adaptés pour l'an prochain. Je n'étais pas favorable au report de la date d'entrée en vigueur, mais me rends avec regret aux arguments des rapporteurs.
S'agit-il d'un report global, pour tous les établissements ?
La commission mixte paritaire adopte l'article 1er dans la rédaction issue de ses travaux.
Article 1er bis (nouveau)
La commission mixte paritaire adopte l'article 1er bis (nouveau) dans la rédaction du Sénat.
Article 2
L'article 2, qui assimile sans raison valable le stagiaire à un salarié, témoigne d'un glissement du code de l'éducation vers celui du travail. C'est pourquoi ma proposition de rédaction n° 29 le supprime.
Avis défavorable. La liste des stagiaires complètera le registre unique du personnel sans que les stagiaires soient comptés dans l'effectif de l'entreprise. Cette mesure, qui ne bouleversera nullement la vie des entreprises, rendra plus facile de vérifier qu'il n'y a pas substitution d'embauches par des stages.
L'Europe demande que les apprentis soient comptés dans les effectifs des entreprises.
Je ne dis pas le contraire. Lorsqu'il faudra y intégrer aussi les stagiaires, des problèmes de seuil limiteront l'offre de stage.
La proposition de rédaction n° 29 n'est pas adoptée.
La commission mixte paritaire adopte l'article 2 dans la rédaction du Sénat.
Article 4
La proposition de rédaction n° 30 n'est pas adoptée.
L'objectif de la proposition de rédaction n° 31 était de rappeler que le stage a un objectif de formation et que les autorités académiques doivent y jouer un rôle.
Même avis.
La proposition de rédaction n° 31 n'est pas adoptée.
La commission mixte paritaire adopte l'article 4 dans la rédaction du Sénat.
Article 5
La proposition de rédaction n° 32 n'est pas adoptée.
La commission mixte paritaire adopte l'article 5 dans la rédaction issue du Sénat.
Article 7
La commission mixte paritaire adopte l'article 7 dans la rédaction issue de ses travaux.
Article 8
La proposition de rédaction n° 34 de nos deux rapporteurs supprime l'article 8.
Lorsque des jeunes de moins de 26 ans sont embauchés à l'issue d'un stage long, il serait normal que l'effort de l'entreprise soit pris en compte dans le calcul du bonus-malus apprentissage. Parce qu'elle a peu d'apprentis, l'entreprise que j'ai citée est sanctionnée alors qu'elle fait des efforts pour prendre de nombreux jeunes en stage : ma proposition de rédaction n° 35 éviterait cette double peine.
La proposition de rédaction n° 34 est adoptée.
En conséquence, l'article 8 est supprimé et les propositions de rédaction n°s 35 à 39 deviennent sans objet.
Je reçois à l'instant de l'AP-HP les chiffres suivants, qui intéresseront M. Tian : pour 92 000 salariés, il y a 8 000 étudiants paramédicaux en stage, soit moins de 10 %.
Cela fait 9 % : le décret ne doit donc pas retenir un plafond de 5 %.
Vous aviez mentionné une proportion bien supérieure à 10 %...
Je vais mettre aux voix le texte élaboré par la commission mixte paritaire, après les explications de vote éventuelles.
La commission mixte paritaire n'a pas permis les évolutions que nous souhaitions. Cette réglementation, très contraignante, sera presque exclusivement à la charge des entreprises. L'équilibre de la loi Cherpion est rompu, et l'accès des jeunes aux stages s'en trouvera compromis. Aucune étude d'impact n'a été réalisée et nous n'avons guère entendu MM. Sapin puis Rebsamen lors des débats. Est-ce à dire que la loi ne sera pas promulguée ? Espérons-le ! Les partenaires sociaux redoutent les dégâts qu'elle provoquerait. Nous n'avons pas fini d'en entendre parler.
Les quelque avancées obtenues lors des débats en séance ont été remises en cause. Comme en témoigne le sort réservé à la proposition n° 28 de Mme Férat, ce texte ne règle rien pour certains secteurs. Nous y restons opposés.