La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Charles Guené.
La séance est reprise.
J’ai reçu avis de la démission :
- de M. François Grosdidier, comme membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ;
- de M. Louis-Constant Fleming, comme membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
J’informe le Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu’il propose pour siéger :
- à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de M. François Grosdidier, démissionnaire ;
- à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, en remplacement de M. Louis-Constant Fleming, démissionnaire.
Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd'hui pour évoquer de nouveau le projet de loi de finances pour 2014. J’ai déjà eu l’occasion, à plusieurs reprises, de m'exprimer sur le contenu de ce texte et par conséquent, j’en suis convaincu, vous me pardonnerez de le faire brièvement.
Je voudrais insister sur trois points : d'abord, ce projet de loi de finances pour 2014 s’inscrit dans une trajectoire de nos finances publiques connaissant une diminution continue des déficits depuis l'alternance de mai 2012 ; ensuite, notre volonté de faire de ce projet de loi de finances pour 2014 un texte matérialisant la détermination du Gouvernement d'inverser durablement la courbe du chômage ; enfin, ce texte comporte un nombre significatif des mesures qui témoignent de la volonté du Gouvernement d’intégrer dans sa politique et ses orientations budgétaires et fiscales la question du pouvoir d'achat des ménages qui, tout autant que la restauration de la compétitivité des entreprises, est un vecteur de la croissance.
Le premier point, c’est la réduction continue des déficits dans laquelle nous sommes engagés. Nous avons fait du redressement de nos comptes publics et du retour à l'équilibre structurel un objectif fort du quinquennat, auquel le Gouvernement entend scrupuleusement se tenir. Dois-je rappeler ici la séquence des chiffres, que chacun d’entre vous connaît bien ?
Lorsque nous sommes arrivés en situation de responsabilité, le dernier chiffre de déficit nominal que nous avions à disposition était celui de 2011, et s'élevait à 5, 3 %. En 2012, grâce aux mesures prises en loi de finances rectificative et à la bonne exécution du budget – notamment à la maîtrise de la dépense publique –, nous avons réussi à ramener le déficit à 4, 8 %.
Certes, l'objectif était de 4, 5 %. Ce décalage de 0, 3 % entre l'objectif que nous nous étions assigné et le résultat obtenu s'explique essentiellement par l'obligation dans laquelle nous nous sommes trouvés d'intégrer deux mesures exceptionnelles. La première était l'obligation d'un budget supplémentaire européen résultant du cantonnement continu des crédits de paiement alloués par les différents pays de l'Union européenne à la Commission européenne pour lui permettre de tenir les objectifs qu’elle s'était assignés pour la période 2007–2013 au titre de ses orientations budgétaires ; la seconde était la recapitalisation de Dexia.
Pour 2013, nous avons la volonté de nous conformer à l'objectif de 4, 1 %, et le projet de loi de finances qui vous est présenté affiche un objectif de 3, 6 %.
C’est donc une diminution continue des déficits qui est inscrite dans la trajectoire des finances publiques dont nous sommes comptables devant la représentation nationale, étant rappelé qu’au cours du précédent quinquennat la moyenne des déficits nominaux n’a jamais été inférieure à 5 %. Afin de poursuivre cette trajectoire, nous devons poursuivre aussi nos efforts, notamment en matière d'ajustement structurel. Je donnerai ici encore quelques chiffres, que, les uns et les autres, vous avez certainement à l'esprit.
En 2012, l’effort structurel, de 1, 3 %, a été considéré comme exceptionnel, ou en tout cas significatif par la Cour des comptes et par le Haut Conseil des finances publiques. Cet effort sera de 1, 7 % en 2013 et notre objectif est de 0, 9 % en 2014. Au regard des engagements que nous avons pris devant l'Union européenne en termes d'ajustement structurel, ces chiffres montrent que nous tenons scrupuleusement, rigoureusement et méthodiquement nos objectifs.
Cela n’est possible que parce que la dépense est maîtrisée. Dans cet hémicycle, nous avons eu beaucoup de débats sur ce sujet – des débats parfois polémiques ou qui, en tous les cas, manifestaient la position des différents groupes.
Je veux là aussi, m'éloignant de toute considération polémique, rappeler la réalité des chiffres. La dépense publique a connu une croissance annuelle supérieure à 2 % – 2, 3 % exactement – entre 2002 et 2007. Entre 2007 et 2012, elle a progressé à peu près au rythme de 1, 7 %. Enfin, l'augmentation de la dépense publique pour 2014, telle que nous l'avons inscrite dans notre trajectoire, ressort à 0, 4 %.
Si nous continuons à tenir nos objectifs de maîtrise de la dépense publique, nous aurons donc divisé par quatre son rythme de progression en l'espace de dix-huit mois... Faut-il rappeler que la dépense publique a augmenté de 170 milliards d'euros entre 2007 et 2012 ? Il est vrai que la crise était là, et qu’il convient toujours de « recontextualiser » les chiffres que l'on évoque. Quoi qu'il en soit, le Haut Conseil des finances publiques comme la Cour des comptes ont eu l'occasion de rappeler, à plusieurs reprises, que près des deux tiers de l'augmentation de la dépense n’était pas imputable à la crise. Il en va de même pour le creusement des déficits. Les choix de politique publique qui ont été faits à un moment donné expliquent donc une partie du dérapage des comptes pour la période passée.
Pour le budget 2014, nous présentons 15 milliards d'euros d’effort d'économie en dépense. Certains considèrent que ce montant est insuffisant. Or ce sont souvent les mêmes qui se sont félicités qu’aient été réalisés 10 milliards d’euros d’économie en dépense entre 2010 et 2013.
D'ailleurs, les mêmes tiennent aussi le discours selon lequel ces économies ne seraient que virtuelles puisqu’elles sont à rapporter à l’évolution tendancielle d'augmentation de la dépense. Comme s'il n’existait pas, au sein de l'Union européenne, et même dans notre pays, des règles comptables et budgétaires depuis longtemps établies qui permettent à l'Union d'apprécier tous les budgets des États membres à l'aune de la même toise, celle des économies en dépense par rapport à une évolution tendancielle d'augmentation de la dépense ! Si nos économies étaient virtuelles, la Commission européenne n’aurait pas reconnu qu'elles contribuent à hauteur de 0, 7 % à l'effort de maîtrise que nous accomplissons.
Ces économies sont donc bien là. Elles permettent de maîtriser les dépenses publiques et leur rythme de progression, qui est presque divisé par cinq. Nous avons l'intention de poursuivre cet effort et je voudrais, pour ce qui concerne 2014, vous indiquer rapidement, pour l'avoir fait à plusieurs reprises, où se situent les économies. Elles proviennent de l’État à hauteur de 9 milliards d'euros, et de la sphère sociale pour 6 milliards d’euros.
Les 9 milliards d’euros sur l’État résultent d'un effort fait sur les administrations centrales de diminution de 2 % de leurs dépenses de fonctionnement. D’ailleurs, ces économies ne sont pas simplement des économies constatées ou réalisées à partir de la logique de rabot : derrière ces économies, il y a de la modernisation de l'action publique. J’ai souvent eu l’occasion de prendre l'exemple de la dématérialisation. Ainsi, au sein du ministère des finances, la télédéclaration a engendré près de 150 millions d'euros d'économie. La modernisation de l'administration permet de constater des économies en dépense significatives.
Concernant les opérateurs de l’État, alors que la dépense avait augmenté de 15 % au cours du précédent quinquennat – celles dévolues au personnel de ces opérateurs ont en particulier progressé de 6 % –, nous présentons un budget en diminution de 4 %. Un effort de regroupement, de mutualisation et de rationalisation permet de diminuer les effectifs de ces opérateurs de près de 1 250 équivalents temps plein pour 2014.
Nous rationalisons notre politique d'investissement et de participations. Cela revêt parfois une dimension symbolique – je pense à la remise en cause de la subvention de 15 millions d'euros au Stade de France –, mais prend aussi une forme plus significative lorsqu'il s'agit de plafonner les taxes dont bénéficient un certain nombre d'opérateurs de l’État ou de réviser en profondeur les aides aux entreprises. Nous nous inspirons en cela de la modernisation de l'action publique, dont nous avons repris 50 % des préconisations dans le projet de loi de finances pour 2014.
Les 6 milliards d’euros d'économies sur la sphère sociale résultent essentiellement de l’effort considérable, à hauteur de 3 milliards d’euros, que nous accomplissons sur la maîtrise des dépenses d'assurance maladie. Je rappelle que, l'an dernier, nous avons exécuté 1 milliard d’euros en dessous de la norme les dépenses d’assurance maladie. Une économie de près de 650 millions d'euros est d’ores et déjà constatée pour 2013, ce qui nous laisse penser que d’ici à la fin de l'année nous pourrions être dans une maîtrise exceptionnelle des dépenses de l'assurance maladie, qui rend crédible notre économie de 3 milliards d'euros pour 2014 au titre de l'ONDAM.
À cela, s'ajoutent 2 milliards d'euros d'économies résultant de la réforme des retraites et du différé de l'indexation des pensions, dont 1 milliard d'euros d'économies constatés au terme des négociations intervenues entre les partenaires sociaux au titre des retraites complémentaires AGIRC-ARRCO, 500 millions d'euros d'économies au titre des efforts de gestion des caisses de sécurité sociale au moment où celles-ci renégocient leurs contrats d'objectifs et de gestion, et 300 millions d'euros au titre des négociations entre les partenaires sociaux sur les sujets que l’on sait.
Tout cela fait 6 milliards d'euros, qui s'ajoutent aux 9 milliards d’euros de l’État.
À tous les parlementaires, souvent de bonne foi, qui s'interrogent sur la traçabilité des économies, la voilà désormais établie, ce qui devrait contribuer à tranquilliser les plus anxieux d’entre vous.
Les économies sont là, les déficits se réduisent, l'effort est maintenu : le redressement de nos comptes constitue l'objectif à atteindre, et nous l'atteignons.
Le deuxième objectif de ce budget est l'inversion de la courbe du chômage. Le ministre de l'économie et des finances, Pierre Moscovici, a eu l'occasion d'expliquer le cadre macroéconomique global dans lequel s'inscrit la présentation de cette loi de finances pour 2014. Je n’y reviendrai pas dans le détail, mais rappellerai en quelques mots les efforts qui sont inscrits dans cette loi de finances en faveur de l'emploi.
Je pense bien entendu aux efforts matérialisés dans le budget de l'emploi et de la formation professionnelle pour accompagner la création de 340 000 emplois aidés, de 150 000 contrats d'avenir et de 100 000 contrats de génération.
Il s’agit d’un effort global de près de 3 milliards d'euros, témoignant du volontarisme qui est le nôtre d’offrir une chance pour l’avenir à ceux qui souffrent depuis longtemps de la crise, qui sont depuis longtemps exclus du marché du travail et n’avaient pas, jusqu’à la mise en place de ces dispositifs, de perspectives en termes d’accès au pouvoir d’achat, à un parcours professionnel.
Si l’inversion de la courbe du chômage qui s’amorce ne s’explique pas exclusivement par la mobilisation de ces moyens, il faut aussi reconnaître que ceux-ci sont une chance donnée à ceux qui se trouvent, parfois depuis longtemps, désœuvrés face à l’épreuve du chômage de se construire un avenir.
Par-delà ces dispositifs, il en existe d’autres qui renvoient aux efforts réalisés pour l’entreprise, le secteur marchand devant être accompagné dans la création d’emplois.
Que faisons-nous pour accompagner la restauration de la compétitivité de notre appareil productif ? La montée en puissance du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, permettra au monde de l’entreprise de bénéficier d’un allégement net de charges pour 2014 de 10 milliards d'euros.
Faut-il rappeler que par rapport à la somme des prélèvements effectués sur les entreprises l’an dernier, les prélèvements sur les entreprises par-delà le CICE, si on neutralise l’effet de la lutte contre la fraude fiscale, permettront un allégement fiscal de 2 milliards d'euros ?
Faut-il rappeler que nous avons présenté un régime nouveau de plus-values de valeurs mobilières qui permet à ceux qui investissent dans les PME-PMI innovantes en prenant un risque de bénéficier d’un dispositif fiscal hautement incitatif ?
Faut-il rappeler la réforme des jeunes entreprises innovantes, qui, à travers la mise en place d’un nouveau dispositif de dégressivité des cotisations sociales, bénéficient d’un régime beaucoup plus avantageux que celui qui prévalait avant l’alternance ?
Faut-il rappeler le dispositif de dégressivité des amortissements en faveur des entreprises qui investissent dans la robotisation pour que nous puissions rattraper notre déficit de compétitivité, de productivité par rapport à l’appareil productif allemand ?
Faut-il également rappeler la réforme de l’assurance vie inscrite dans le projet de loi de finances rectificative, qui vise, par de nouveaux dispositifs, notamment la mise en place de placements plus risqués, à favoriser le financement du logement et des entreprises, dans un contexte où l’accès aux fonds propres des entreprises constitue l’un des sujets fondamental pour un gouvernement qui veut restaurer la compétitivité de notre appareil productif ?
Après la diminution des déficits et l’affirmation du renforcement de la compétitivité des entreprises et des mesures en faveur de l’emploi, le troisième et dernier point concerne le pouvoir d’achat.
Pour ce qui concerne le pouvoir d’achat, mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez que beaucoup de dispositifs injustes ayant conduit à faire entrer dans l’impôt sur le revenu de nombreux Français qui n’avaient pas vocation à y entrer – je pense notamment à des salariés ou à des retraités pauvres, ou en tout cas modestes – ont été corrigés. §
Parmi ceux qui s’indignent, véhiculant parfois des chiffres approximatifs et souvent faux concernant le nombre de Français qui sont entrés dans l’impôt sur le revenu, peu assument le fait que, s’il en est ainsi, c’est parce que le gel pendant des années du barème de l’impôt sur le revenu, la suppression de la demi-part des veuves et autres mesures ont conduit à entrer dans l’impôt bien des Français qui n’avaient pas vocation à y entrer et d’autres à devoir s’acquitter de la taxe d’habitation, de la contribution sociale généralisée ou de la contribution à l’audiovisuel public, alors que jamais, si la justice fiscale avait été au cœur de la politique fiscale des précédents gouvernements, de tels phénomènes ne se seraient produits.
Nous corrigeons cela, en procédant à la réindexation du barème de l’impôt sur le revenu, ce qui revient à rétrocéder aux Français près de 800 millions d'euros de pouvoir d’achat. Mais nous allons au-delà. Nous accompagnons ces mesures d’une décote. Nous augmentons le plafond du revenu fiscal de référence.
Préoccupés par le pouvoir d’achat des Français, je veux y insister à cette tribune, nous mettons en place les tarifs sociaux de l’électricité, …
… ce qui représente une dépense budgétaire de près de 400 millions d'euros. Nous augmentons le revenu de solidarité active 2 % au-delà de l’inflation, ce qui représente une dépense budgétaire de 600 millions d'euros.
Nous ouvrons à des étudiants dont les parents sont modestes la possibilité d’avoir accès à la connaissance et aux études par la mise à disposition de 55 000 bourses supplémentaires. Nous le faisons, après que le Sénat et l’Assemblée nationale ont engagé le débat avec le Gouvernement – les débats parlementaires sont là pour cela –, sans remettre en cause les niches fiscales liées aux frais de scolarité.
Je pourrais ainsi égrener encore bien des mesures qui vont dans le sens du renforcement du pouvoir d’achat des ménages. En effet, la croissance résultera non pas simplement de la restauration de la compétitivité de notre appareil productif, mais aussi de la demande. Pour que la demande soit au rendez-vous, les mesures que nous avons prises sont nécessaires. Nous les avons prises par souci de justice fiscale, mais également par souci d’efficacité de notre politique économique.
Je voudrais conclure en évoquant deux points.
Le premier concerne le Sénat en particulier, où les débats ont été riches, intéressants, mais assez funestes pour l’équilibre de nos comptes, …
Il arrive d'ailleurs qu’un certain nombre de parlementaires, parfois très avisés – j’en vois devant moi –, qui préconisent que nous accélérions le redressement de nos comptes, …
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … soient aussi prompts à les dégrader
M. Jean-Claude Lenoir s’exclame.
Je dois dire que cela m’a beaucoup préoccupé. Je regrette vraiment que nous ne puissions pas, par-delà ce qui peut nous séparer, tomber d’accord sur le fait que, dans le contexte budgétaire particulier qui prévaut, nous devions nous unir pour essayer de faire en sorte que le redressement soit conforté, consolidé, approfondi.
Le second point sur lequel je voudrais insister, c’est que par le biais des amendements, des discussions parlementaires, un certain nombre de dépenses fiscales, de dépenses nouvelles ont été décidées, ou d’économies remises en cause : je pense à la remise en cause de l’économie sur la dématérialisation des élections ; je pense aux décisions qui ont été prises relatives au minimum vieillesse ; je pense à l’étalement dans le temps des cotisations au titre du régime social des indépendants, le RSI ; je pense à l’élargissement de l’assiette de la TVA relative aux rénovations thermiques.
Sur tous ces sujets, quelques dépenses fiscales supplémentaires ou économies ont été remises en cause, à hauteur de 300 millions d’euros.
Nous avons pris des dispositions, comme je m’y étais engagé, par une taxation interministérielle, par un effort de maîtrise de la dépense, notamment de l’ONDAM, pour faire en sorte que cela ne dégrade pas le solde et que tout ce qui a été décidé par le Parlement, au titre des mesures que je viens d’indiquer, soit compensé rigoureusement par des économies en dépense.
Si bien que, dans le travail parlementaire très riche qui s’est accompli à l’Assemblée nationale et au Sénat, le texte s’est trouvé amélioré, amendé. Il est aujourd'hui plus fort au sortir du débat parlementaire qu’il ne l’était à l’entrée, et nous avons réussi à faire cela en gageant toutes ces dépenses par des économies supplémentaires à hauteur de 300 millions d’euros, auxquelles chaque ministère a dû participer. En effet, les priorités politiques que nous décidons ensemble doivent bien entendu être gagées par des économies pour ne pas dégrader le solde.
Je forme le vœu que notre discussion d’aujourd’hui et les débats au Sénat soient aussi riches qu’ils l’ont été au cours de nos dernières séances. Je vous redis la totale disponibilité du Gouvernement, la mienne sur les questions budgétaires et financières, pour être devant vous, rendant des comptes et assurant la transparence aussi souvent que vous l’estimerez nécessaire. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte commun sur le projet de loi de finances pour 2014 a échoué, …
… car il n’a pas semblé possible d’aboutir à une rédaction qui ait des chances d’être ensuite adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées.
Dès lors que le Sénat avait rejeté le projet de loi, c’est donc sur la base de son texte de première lecture, comportant 152 articles, que l’Assemblée nationale a statué en nouvelle lecture.
Elle a modifié son texte sur 62 articles. En proportion, elle a ainsi davantage amendé le projet de loi que ce n’était le cas l’an dernier. Ces modifications sont aussi, sur le fond, plus importantes.
L’équilibre global n’a pas été modifié, les principales hypothèses économiques ayant servi à la préparation du projet de loi de finances pour 2014 étant confirmées par les informations les plus récentes, s’agissant notamment des perspectives de croissance.
Les recettes ont toutefois été révisées légèrement à la baisse, en fonction de l’actualisation des prévisions 2013 associées au projet de loi de finances rectificative pour cette année. §
Sur la première partie – la seule que le Sénat a examinée en séance, hélas ! –, dix amendements adoptés par le Sénat, portant sur sept articles, ont été repris. Malheureusement, les articles additionnels que nous avions insérés n’ont pu connaître cet heureux sort. Quelques-uns ont cependant pu être insérés dans le projet de loi de finances rectificative pour 2013 ; c’est le cas notamment de la taxe sur les cessions de fréquences hertziennes obtenues gratuitement, que nous avions adoptée sur l’initiative de notre excellent collègue David Assouline.
Avant de retracer ces modifications, je voudrais rappeler brièvement notre position institutionnelle à ce stade de la procédure législative. Nous sommes en nouvelle lecture, avant la lecture définitive du projet de loi de finances pour 2014, c’est-à-dire le « dernier mot » de l’Assemblée nationale.
Que nous disent la Constitution et le Conseil constitutionnel ?
En premier lieu, que l’ensemble du texte reste en discussion, puisque aucun article n’a fait l’objet d’un accord entre nos deux assemblées, le Sénat ayant rejeté le texte.
En second lieu, que lors de la « lecture définitive » par l’Assemblée nationale, les seuls amendements recevables au dernier texte voté par elle sont ceux précédemment adoptés par le Sénat en nouvelle lecture.
Or, la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne laisse pas de doute quant à l’interprétation de cette condition : il s’agit bien d’amendements adoptés dans le cadre d’un texte qui serait lui-même adopté, ce qui ne semble pas être l’orientation qui est manifestée ici.
Pour être parfaitement explicite, l’Assemblée nationale ne pourrait reprendre aucun amendement voté par le Sénat si nous devions ensuite rejeter le texte.
Dans ces circonstances, il y a peu de chances pour que le Sénat soit encore en mesure de faire évoluer le projet de loi de finances pour 2014. En effet, compte tenu des positions exprimées par les différents groupes politiques en première lecture, on peut raisonnablement penser qu’il ne se trouvera pas davantage de majorité en nouvelle lecture pour voter un texte.
Je voulais rappeler à mes collègues ces considérations juridiques afin que chacun prenne la mesure de la situation.
Pour ma part, je ne préconiserai pas de combat d’arrière-garde sur tel ou tel point de divergence avec l’Assemblée nationale dès lors que nous n’aurions aucune chance de peser sur le résultat final.
Après cette introduction, je vais à présent m’efforcer de retracer les principales modifications apportées par l’Assemblée nationale, en commençant par celles qui reprennent des dispositions adoptées par le Sénat en première lecture.
À l’article 7 quater, comme l’avait proposé la commission des finances, l’Assemblée nationale a adopté un amendement rendant éligible les engrais d’origine organique au taux intermédiaire de TVA, avec une différenciation par rapport aux engrais chimiques.
À l’article 11, concernant la réforme du régime d’imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières, elle a repris deux amendements correspondant à des propositions de la commission des finances.
Le premier tend à préciser que l’abattement fixe de 500 000 euros dont bénéficient les dirigeants de PME partant à la retraite pour le calcul de leur plus-value de cession s’applique à l’ensemble des gains afférents à une même société, et non par cession.
Le second vise à concilier l’incitation à l’investissement dans les PME les plus risquées avec l’imposition des plus-values tirées de ces investissements.
À l’article 13, relatif à la réforme de la défiscalisation outre-mer, l’Assemblée nationale a adopté deux amendements : l’un tend à permettre aux bailleurs sociaux de ne pas être soumis au seuil de 20 millions d’euros afin de pouvoir bénéficier de la défiscalisation à l’impôt sur les sociétés ; l’autre vise à la remise d’un rapport sur l’instauration d’un prêt à taux zéro se substituant, au moins partiellement, à l’aide fiscale. Tous deux correspondent à des propositions de nos collègues Éric Doligé et Thani Mohamed Soilihi que nous avions adoptées en première lecture.
À l’article 19, comme l’avait proposé la commission des finances, les députés ont prévu que pourront bénéficier d’un taux de TVA à 7 % les constructions de logements situées à plus de 300 mètres et à moins de 500 mètres de la zone ANRU, dont la demande de permis de construire a été déposée avant le 1er janvier 2014.
Par ailleurs, le taux réduit de TVA sera appliqué à la fourniture de nourriture et d’hébergement pour les logements-foyers, les foyers de jeunes travailleurs et les centres d’hébergement d’urgence. Une disposition semblable, qui n’incluait toutefois pas les hébergements d’urgence, avait été adoptée par le Sénat il y a quelques jours sur l’initiative du groupe écologiste.
Au-delà de la reprise de certains des amendements adoptés par le Sénat, l’Assemblée nationale a apporté de très nombreuses modifications aux articles du projet de loi de finances. Au total, pas moins de 175 amendements ont été adoptés par les députés. Je me propose d’exposer les principales modifications.
À l’article 7 ter, a été adopté un amendement visant à appliquer le taux réduit de TVA aux travaux induits par les travaux de rénovation énergétique, conformément à un engagement que vous aviez pris, monsieur le ministre, devant le Sénat.
À l’article 8, l’Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements renforçant les incitations à la reconstitution de titres de propriété immobilière.
À l’article 13, les députés ont maintenu la possibilité de recourir à la défiscalisation pour les opérations de logement social, sans limites de chiffre d’affaires, et étendu le crédit d’impôt sur les investissements productifs aux opérations portant sur le logement intermédiaire.
À l’article 18, l’Assemblée nationale a maintenu l’abattement exceptionnel d’imposition des plus-values immobilières pour les opérations de démolition suivies de reconstruction de locaux destinés à l’habitation et réalisées dans les zones tendues, jusqu’au 31 décembre 2014, et jusqu’au 31 décembre 2016 si une promesse de vente a été signée avant le 1er janvier 2015.
À l’article 20, les députés ont adopté un amendement visant à permettre aux PME et PMI grandes consommatrices d’énergie qui ne font pas partie du système communautaire d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre d’être incluses dans ce système, afin de bénéficier du maintien des tarifs actuels de taxe intérieure de consommation.
J’en viens à présent à la seconde partie, au sein de laquelle l’Assemblée nationale a adopté de très nombreuses modifications concernant les crédits, qui correspondent à divers ajustements ainsi qu’à des modifications « à titre non reconductible ». Je n’entrerai pas dans le détail de ces modifications, notamment celles qui sont « à titre non reconductible », que les membres de la commission des finances connaissent parfaitement.
L’Assemblée nationale a également majoré les plafonds des autorisations d’emploi des services du Premier ministre et du ministère de l’égalité des territoires et du logement, afin de tirer les conséquences de la création d’un commissariat général à l’égalité des territoires. Ces majorations ont été compensées par une minoration du plafond d’emplois du ministère des affaires sociales et de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances.
Par ailleurs, à l’article 53, les députés ont rendu éligibles au « PEA-PME » les parts de fonds communs de placement à risques, les fonds communs de placement dans l’innovation et les fonds d’investissement de proximité. Ils ont également assoupli les conditions applicables à ces fonds.
À l’article 58 bis, relatif à la création d’un second fonds de péréquation départemental des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, l’Assemblée nationale a prévu que le reversement au titre du second fonds de péréquation serait effectué en fonction des restes à charge par habitant de chaque département au titre des allocations individuelles de solidarité à hauteur de 70 %, et en fonction du potentiel fiscal corrigé du département pour les 30 % restants. Il s’agit d’un sujet qui intéresse beaucoup de nos collègues et dont on peut regretter, cette année encore, que le Sénat n’ait pu débattre dans le cadre de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances.
À l’article 60, relatif au fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant contracté des produits structurés, l’Assemblée nationale a introduit la possibilité pour l’État de demander les informations utiles au calcul de l’indemnité de remboursement anticipé, sans que puisse lui être opposé le secret bancaire. Elle a également inclus les instruments de couverture dans le champ d’intervention du fonds.
À l’article 60 quater, les députés ont porté le montant de la dotation de développement urbain à 100 millions d’euros à compter de 2014.
À l’article 60 nonies, ils ont modifié les modalités d’entrée en vigueur de la réforme de l’abus de droit, qui ne pourrait s’appliquer rétroactivement, c’est-à-dire à l’occasion d’un contrôle fiscal portant sur des exercices antérieurs à la promulgation de la loi de finances pour 2014.
À l’article 73, l’Assemblée nationale a supprimé les dispositions relatives à la répartition libre du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, à la majorité qualifiée, ainsi que la modification du critère d’éligibilité au prélèvement, qui conduisait à concentrer les prélèvements sur un nombre restreint de communes et d’établissements publics de coopération intercommunale. Les députés se sont donc livrés à un aller-retour entre leur position initiale et celle qu’ils ont adoptée en nouvelle lecture, plus conforme à ce que nous avions nous-mêmes à l’esprit.
Enfin, ils ont supprimé l’article 74 bis, qui prévoyait d’intégrer le versement transport dans le coefficient d’intégration fiscale.
Il s’agit, pour certains amendements relatifs aux collectivités territoriales, de la reprise d’amendements adoptés par la commission des finances du Sénat sur l’initiative des rapporteurs spéciaux Jean Germain et Pierre Jarlier, dont nous n’avons pu débattre en séance publique. Nous pouvons donc nous réjouir que la parole du Sénat ait été entendue sur nombre de ces articles relatifs aux collectivités, même si, bien entendu, certaines des dispositions adoptées auraient pu, de notre point de vue, faire l’objet d’ajustements plus en rapport avec notre ligne de conduite sur ces sujets.
Au total, la nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2014 à l’Assemblée nationale a conduit à améliorer le solde budgétaire de l’État de 10 millions d’euros. Cette évolution résulte de la prise en compte des modifications introduites dans le projet de loi de finances pour 2014 en nouvelle lecture, ainsi que des dispositions du projet de loi de finances rectificative pour 2013 impactant le solde budgétaire en 2014. Elles vont globalement dans le sens d’une minoration sensible des recettes comme des dépenses.
De manière résumée, les principales modifications ont été les suivantes.
Les recettes fiscales ont été minorées de 436 millions d’euros.
Les recettes non fiscales ont été majorées de 17 millions d’euros, compte tenu des nouvelles conditions de rémunération de la garantie accordée au Crédit immobilier de France.
Les prélèvements sur recettes à destination des collectivités territoriales ont été minorés de 147 millions d’euros, en raison des élargissements adoptés notamment en matière de péréquation, d’accroissement de certaines dotations.
Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne a été majoré de 80 millions d’euros. En effet, l’adoption définitive par le Parlement européen, lors de la session plénière du 20 novembre 2013, d’un budget 2014 dont les crédits de paiement sont supérieurs de 500 millions d’euros à la position adoptée par le Conseil, entraîne une hausse de 80 millions d’euros de la quote-part revenant à la France.
Le solde des comptes spéciaux, quant à lui, a été amélioré de 60 millions d’euros.
Enfin, les dépenses du budget général de l’État ont été réduites de 302 millions d’euros. Cette évolution résulte principalement d’économies transversales visant à assurer le respect de la norme de dépense et à compenser certaines pertes de recettes. Ces économies ont été réparties sur la plupart des missions du budget général. Toutefois, comme c’est généralement le cas, les dépenses de personnel ainsi que les dépenses de guichet, sur lesquelles les ministères disposent de peu de marges pour procéder à des redéploiements en cours d’année, ont été sanctuarisées.
J’en termine, mes chers collègues, en vous précisant que le montant d’amortissement de la dette à moyen et long termes pour 2014 a été réduit de 1 milliard d’euros, afin de tenir compte des rachats de titres arrivant à échéance en 2014 effectués cet automne. Les émissions de dette à moyen et long termes ont été réduites à due concurrence.
Voilà donc, monsieur le ministre, mes chers collègues, les éléments essentiels que l’on peut retenir de la nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2014 à l’Assemblée nationale.
Compte tenu du stade de la navette auquel nous sommes parvenus et de l’équilibre global du texte voté par nos collègues députés, la commission des finances a ce matin suivi ma préconisation de proposer au Sénat d’adopter sans modification le projet de loi de finances pour 2014. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’année dernière, nous examinons en nouvelle lecture le projet de loi de finances, après que notre Haute Assemblée en a rejeté la première partie. Une nouvelle fois, nous serons donc très vraisemblablement privés de l’examen de la seconde partie, ce qui signifie que nous ne pouvons pas discuter de la répartition des crédits budgétaires et des choix opérés quant aux réductions des dépenses publiques.
Avant d’évoquer le fond du texte, en six minutes, j’aimerais m’arrêter sur ce point avec vous, mes chers collègues.
N’est-il pas regrettable pour notre République et pour le respect de nos institutions que, pour la deuxième année consécutive, la Haute Assemblée ne puisse se prononcer sur l’intégralité du texte le plus important que le Parlement ait à voter chaque année ?
Je peux comprendre les réticences, voire les désaccords, sur les choix budgétaires de ceux qui n’ont pas voté ce texte. D’ailleurs, comme l’avait déclaré le président de notre groupe, Jacques Mézard, en première lecture, la très grande majorité du RDSE estime que ce budget pour 2014 est loin d’être pleinement satisfaisant.
Toutefois, notre vocation n’est-elle pas de discuter, d’amender, de débattre, dans cet hémicycle, des dépenses de l’État, de la façon dont est répartie la diminution de la DGF pour les collectivités locales ou encore, entre autres dispositions, des modifications relatives à la péréquation verticale et horizontale ?
En tant que rapporteur spécial de la mission « Économie », permettez-moi d’exprimer ici ma frustration de ne pouvoir notamment échanger avec vous, mes chers collègues, sur les mesures que notre pays prend, en cette période de crise, pour soutenir l’emploi et restaurer la compétitivité des entreprises.
Pour en venir au fond, l’orientation du texte répond à l’impérieuse nécessité de rechercher de nouvelles ressources pour réduire dépenses et déficits. La France doit tenir ce cap pour conserver son indépendance et sa souveraineté à l’égard des marchés financiers, mais elle le doit aussi et surtout aux générations futures. Sachons nous rappeler, avec Antoine de Saint-Exupéry, que nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants. La déclinaison économique de cette idée appelle aujourd’hui à la responsabilité dans nos choix budgétaires.
Comme vous tous, j’ai été attentif aux récentes remarques de la Commission européenne, qui considère que les prévisions macroéconomiques retenues par notre gouvernement sont « plausibles » et que le projet de plan budgétaire est conforme aux règles du pacte de stabilité et de croissance. Cependant, j’ai également noté plusieurs réserves, relatives à la baisse des recettes fiscales, aux prévisions d’emplois et, surtout, à la pression fiscale trop élevée.
Sur ce dernier point, si nous partageons la volonté du Gouvernement de redresser les finances publiques, nous estimons que, dans le contexte actuel d’une lente et difficile sortie de crise, une augmentation trop importante de la pression fiscale sur les ménages et sur les entreprises nuit gravement à la reprise et à la croissance sur le long terme.
En outre, nous sommes inquiets au sujet de l’emploi, dans les zones de revitalisation rurale, notamment, et plus largement dans les territoires « hyper-ruraux », chers au sénateur de Lozère Alain Bertrand. Alors que l’emploi n’y est pas suffisamment soutenu, le projet de loi abandonne des dispositifs qui auraient pu être efficaces, sans proposer d’alternatives.
J’en viens aux modifications adoptées par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture. Si certaines prennent en compte des préoccupations exprimées par le Sénat – et notamment par le groupe RDSE –, ce dont nous nous réjouissons, les députés ont aussi adopté des modifications significatives, en particulier dans la seconde partie, qui ne nous satisfont absolument pas.
Je pense notamment aux mesures relatives aux collectivités territoriales. Nous revivons ici le scénario délétère du projet de loi de finances pour 2013, lorsque les députés ont adopté in extremis des modifications très importantes concernant les fonds de péréquation départementaux de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, et des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO.
Cette année, le Gouvernement a introduit un article 58 bis, qui crée un nouveau dispositif de péréquation des DMTO, le « prélèvement de solidarité », corollaire de la faculté temporaire, accordée par l’article 58, de relever de 0, 7 point le taux des DMTO. À l’issue de la première lecture, les critères de répartition de ce fonds entre les départements n’étaient pas définis. Un amendement du Gouvernement, résultant de concertations avec l’Assemblée des départements de France, a finalement été adopté en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. Les critères qu’il fixe pour la répartition des ressources de ce fonds de péréquation sont d’une rare complexité.
À l’heure où tout le monde appelle à une fiscalité plus simple et plus lisible, ces modifications posent question. Pour les membres du RDSE, qu’il s’agisse des ménages, des entreprises ou des collectivités territoriales, l’objectif de justice fiscale passe indéniablement par une réduction de la complexité de notre fiscalité.
Nous regrettons donc vivement que, du fait du rejet par le Sénat de la première partie du présent projet de loi de finances, l’Assemblée nationale soit la seule à discuter et, surtout, à décider des dispositions qui concernent les collectivités territoriales, dont nous, sénatrices et sénateurs, sommes les représentants.
Pour conclure, en cohérence avec la position qu’il a adoptée en première lecture, et malgré les imperfections qu’il a soulignées, notre groupe soutient très majoritairement ce projet de loi de finances pour 2014, ainsi que l’a annoncé M. le rapporteur général.
Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur de nombreuses travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, après avoir été rejeté dans cet hémicycle, après l’échec de la commission mixte paritaire, le présent texte revient en nouvelle lecture devant notre Haute Assemblée.
Mais, nous le savons bien, mes chers collègues, nous ne parviendrons pas à un accord. Cette nouvelle mouture est frappée des mêmes défauts que celle qui a été rejetée : insincérité, iniquité, inefficacité.
Oh ! et protestations sur les travées du groupe socialiste.
Laissez-moi développer mon propos, mes chers collègues, et vous en jugerez ensuite ! Cela dit, vous avez déjà entendu nos arguments, car nous avons longuement débattu de ce texte.
Ce second projet de loi de finances du quinquennat était pourtant censé rendre plus lisible l’action du Gouvernement, pour le moins confuse depuis son arrivée au pouvoir. Or, ces dernières semaines, fidèle à ses revirements et autres contradictions, le Gouvernement a renoué avec ses hésitations.
De la pause fiscale, nous sommes passés au ralentissement de la hausse des impôts, puis, enfin, au big-bang : le grand soir fiscal. Mais ce grand soir, finalement, n’aura pas lieu. Le Premier ministre a été recadré, en lui expliquant que cela ne serait pas possible avant dix ans.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est temps de prendre conscience que les Français en ont assez de cette imprévisibilité, de cette instabilité, de cette illisibilité de votre politique fiscale, qui va jusqu’à remettre en cause, et c’est relativement grave, le consentement à l’impôt.
Et ce n’est pas l’annonce tardive d’une remise à plat de notre fiscalité, sans plus de précision et avec le recadrage que je viens d’évoquer, qui rassurera les Français.
L’insincérité que nous n’avons cessé de dénoncer s’est vérifiée cette année. Vous avez dû, monsieur le ministre, réviser votre hypothèse de croissance pour 2014 à 0, 9 %, contre 1, 2 % initialement prévu. Le déficit public, quant à lui, sera de 4, 1 % du PIB en 2013, contre 3 % initialement attendus.
Surtout, vous n’arrivez pas à admettre les raisons du fort ralentissement de la baisse du déficit public.
Enfin éclairés par le collectif budgétaire, nous voyons nos inquiétudes se confirmer : le déficit devrait atteindre 71, 9 milliards d’euros en 2013, alors que, dans la loi de finances initiale pour 2013, vous nous aviez annoncé qu’il serait de 61, 6 milliards d’euros.
Ce dérapage est inquiétant, quand on sait que vous bénéficiez actuellement de taux exceptionnellement favorables sur le marché de la dette souveraine, ce qui réduit d’autant le poids de cette dernière.
M. Philippe Dallier. Il est également inquiétant quand on sait que vous avez battu un nouveau record de taux de prélèvements obligatoires, puisqu’il s’établit à 46, 3 % du PIB. Oui, vous augmentez les impôts, mais les recettes ne rentrent pas
Mme Michèle André s’exclame.
Ce matraquage fiscal a malheureusement abouti à une remise en cause du consentement à l’impôt, principe consubstantiel au vivre-ensemble, attisant ainsi la discorde et la révolte fiscale.
Non, l’impôt ne doit pas devenir confiscatoire. Il doit être pensé pour être efficace, et ses différentes composantes ne doivent pas être perçues comme autant de variables d’ajustement que l’on peut manipuler à des fins souvent démagogiques.
D’ailleurs, la réaction des Français est lisible en creux. Elle a été parfaitement mise en exergue par le président de la commission des finances du Sénat, Philippe Marini, ainsi que par son homologue de l’Assemblée nationale, Gilles Carrez. Ce dernier a remarqué que sont observables « des moins-values de recettes fiscales très préoccupantes, qui, dans le contexte économique mondial plutôt favorable, ne peuvent s’expliquer que par une modification du comportement des contribuables réfractaires à un impôt confiscatoire ». Il a ainsi noté : « 3, 1 milliards d’euros en moins sur l’impôt sur le revenu des personnes physiques ; 5, 6 milliards d’euros en moins sur les rentrées de la TVA ; 3, 8 milliards d’euros en moins sur l’impôt sur les sociétés ».
Par ailleurs, vous vantez les mérites du CICE, qui vous a servi de fil rouge ou de passe-partout tout au long des discussions budgétaires, afin de nous démontrer à quel point vous aviez le souci de la compétitivité de nos entreprises. Mais ne surestimez-vous pas ses effets ?
La question, évidemment, est rhétorique. D’ailleurs, elle ne se pose même pas pour Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques, qui avait eu l’occasion d’indiquer, lors de son audition devant la commission des finances, que « les effets du CICE attendus par le Gouvernement semblent surestimés ». C’est le moins que l’on puisse dire, et nous aurons l’occasion de le constater.
La réduction de la dépense publique, quant à elle, est insuffisante. Alors, monsieur le ministre, à quand des réformes structurelles de grande ampleur ? La question se pose toujours.
Certes, l’effort de réduction des dépenses n’est pas nul, mais il intervient trop tard, après un an et demi de matraquage fiscal. Surtout, il est insuffisant, …
… d’autant que vous limitez votre champ d’intervention.
On le comprend, sans réforme structurelle, il sera difficile de résorber le déficit à long terme.
À la lumière des 294, 5 milliards d’euros du budget général, l’effort fourni sur les dépenses est insuffisant. Nous allons, de ce fait, ravir une autre première place mondiale, en plus de celle du record en matière de prélèvements obligatoires : celle de la dépense publique rapportée au PIB.
Vous vous prévalez d’un effort sur les dépenses. Dois-je vous rappeler toutes celles que vous avez engagées depuis un an et demi ? Toutes ces dépenses, pour notre part, nous ne les aurions pas engagées.
Je vais en dresser la liste, monsieur Bourquin, vous allez pouvoir en juger par vous-même.
Je rappelle que le CICE, dont les effets ne sont pas immédiats et qui ne recueille pas un large assentiment, coûtera 9, 7 milliards d’euros en 2014, 15, 7 milliards d’euros en 2015, 17, 3 milliards d’euros en 2016, puis plus de 20 milliards d’euros par an ensuite.
Les 150 000 emplois d’avenir reviennent, selon l’OFCE, à 3, 45 milliards d’euros par an.
Le choix des emplois aidés a certes une vertu, celle de vous permettre d’infléchir de manière artificielle la courbe du chômage, mais il a cependant un prix élevé pour les finances publiques.
La retraite à soixante ans pour certaines carrières longues occasionnera des dépenses allant jusqu’à 3 milliards d’euros en 2017, et sans doute bien plus encore après.
Les 60 000 postes dans l’éducation nationale coûtent au contribuable 1, 9 milliard d’euros par an.
Les 500 000 contrats de génération, si tant est que ce chiffre puisse être atteint, devraient coûter 1 milliard d’euros par an.
La revalorisation du SMIC, 570 millions d’euros par an.
Le RSA jeunes, que vous avez annoncé, reviendra à 30 millions d’euros en 2014, et entre 500 millions et 600 millions d’euros en 2016.
La hausse de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire entraîne une dépense de 400 millions d’euros par an.
Les 5 000 postes dans la justice, la police et la gendarmerie coûteront 200 millions d’euros par an.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
La suppression du jour de carence revient à 157 millions d’euros par an.
L’aide médicale d’État, dont le coût flambe, se monte à 800 millions d’euros en 2013, soit une hausse de 16, 4 % par rapport à 2012.
Le coût du compte pénibilité pour les retraites est évalué à 500 millions d’euros en 2020, 2 milliards d’euros en 2030 et 2, 5 milliards d’euros en 2040.
Enfin, la réforme des rythmes scolaires, qui sera payée non pas par l’État, nous le savons bien, mais par les collectivités locales, occasionnera entre 1, 5 milliard d’euros et 2 milliards d’euros de dépenses supplémentaires par an.
Les vraies économies de dépenses auraient dû être entreprises dès le début du quinquennat, plutôt que de créer de nouvelles dépenses ou de supprimer certaines économies.
Autre exemple, en matière de santé : la fin de la convergence tarifaire entre les hôpitaux et les cliniques avait permis de contenir les dépenses de sécurité sociale. Aujourd’hui, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie repart à la hausse.
Autre exemple encore, le « un sur deux » dans la fonction publique ne rapportait pas autant qu’il aurait dû par le jeu des retours catégoriels – on en avait décidé ainsi –, mais les économies faites grâce aux suppressions de postes allaient pleinement porter leurs fruits. Le Gouvernement a décidé de geler les effectifs. §Or, mes chers collègues, vous le savez bien, à effectif constant, les 82 milliards d’euros de masse salariale dérivent mécaniquement chaque année d’au moins 1, 5 %, soit plus de 1 milliard d’euros.
Enfin, les dépenses d’intervention – allocations logement, RSA, par exemple – sont celles qui dérapent le plus. Pourtant, vous ne tentez pas de les maîtriser. Nous avions essayé de le faire.
Surtout, elles auraient sans doute permis que la croissance soit un peu plus soutenue qu’elle ne le sera en 2013 et, probablement, en 2014.
Cette trajectoire n’ayant pas été suffisamment corrigée – c’est le moins que l’on puisse dire – dans le projet de loi de finances pour 2014, la pause fiscale n’ayant pas été mise en œuvre et la baisse des dépenses publiques ayant été insuffisamment engagée, le groupe UMP votera, comme en première lecture, contre ce projet de loi de finances pour 2014. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons déjà longuement débattu sur le projet de loi de finances pour 2014 ainsi que sur le projet de loi de finances rectificative pour 2013. Le Sénat a beaucoup parlé des finances ces derniers temps !
Pour mon intervention, je voudrais reprendre le plan que vous avez suivi, monsieur le ministre, dans votre propos liminaire : la trajectoire de redressement des finances publiques, l’inversion de la courbe du chômage et le pouvoir d’achat des Français. Sur ces trois sujets, je ferai entendre une petite musique un peu différente de la vôtre, car vos arguments ne m’ont pas totalement convaincu.
Tout d’abord, nous sommes bien sûr favorables au redressement des finances publiques. Selon nous, il s’agit, comme je l’ai déjà dit ici, d’un préalable à la reprise de la croissance économique, dont nous avons bien besoin, mais aussi à toute croissance durable.
Seulement, monsieur le ministre, vous vous exprimez toujours en valeur relative. Moi, j’aime parler en valeur absolue. En effet, les pourcentages ne disent pas grand-chose aux Français. Affirmer que l’on est passé de 4, 8 % à 4, 1 %, alors qu’on avait prévu 3 %, et que l’on sera peut-être à 3, 6 % l’année prochaine, cela ne me satisfait pas.
En loi de finances rectificative, on a voté un déficit à 72 milliards d’euros. Aujourd'hui, dans le projet de loi de finances pour 2014, vous présentez un déficit à 82 milliards d’euros, avec 12 milliards d’euros d’investissements d’avenir. En intégrant le déficit de la sécurité sociale et le CICE – nous avons eu une discussion sur la manière de prendre en compte ce crédit d’impôt – dans le calcul, le déficit est, selon nous, plus proche de 120 milliards d’euros que de 82 milliards d’euros. §
On ne peut donc pas dire que la réduction des déficits soit réelle. En tout cas, elle est très insuffisante !
Par ailleurs, au mois de mai 2012, lors de l’élection de François Hollande, la dette s’élevait à 1 717 milliards d’euros, elle avait progressé de 500 milliards d’euros sur le quinquennat précédent. Pour ma part, je pense que c’est trop. Mais elle a depuis atteint 1 954 milliards d’euros ! Monsieur le ministre, avec 240 milliards d’euros de plus en dix-huit mois, la dette augmente plus vite aujourd'hui que sous le précédent quinquennat.
Par conséquent, il est grand temps d’inverser la courbe de l’endettement – nous évoquerons celle du chômage tout à l’heure – et de revenir à un niveau bien inférieur. Pour l’instant, nous n’en prenons pas le chemin. La raison en est simple : vos efforts de maîtrise des dépenses, quoique réels, sont insuffisants.
Certes, j’ai noté dans les documents budgétaires que vous aviez inventé une taxation interministérielle. Voilà qui me paraît intéressant. Pour une fois que vous optez pour une taxation, je vous suggère de l’augmenter fortement.
Mais il faut, me semble-t-il, aller beaucoup plus loin dans les réformes de fond et, cela a été souligné, éviter les dépenses supplémentaires.
Or la réforme des rythmes scolaires représente une dépense supplémentaire. Elle est largement sous-évaluée dans votre projet de budget ; vous prévoyez 60 millions d’euros alors que cela coûtera environ 250 millions d’euros sur l’année. Rendez-vous lors du prochain projet de loi de finances rectificative !
En outre, l’État, nous dit-on, prendra désormais en charge la garantie universelle des loyers, qui est en train d’être votée à l’Assemblée nationale. Or il n’y a rien sur le sujet dans le projet de loi de finances. Moi, j’aime quand les comptes sont sincères. À mon sens, si l’on veut vraiment réduire nos déficits et mettre un terme à la hausse de l’endettement, il faut aller plus loin et plus vite.
Monsieur le ministre, le deuxième thème que vous avez abordé est celui du chômage.
Vous affirmez que l’inversion de la courbe du chômage commence à se faire sentir. Pour ma part, j’attendrai six mois. On ne peut pas dire que la courbe s’est inversée seulement sur un mois. Nous verrons dans six mois si l’engagement du Président de la République est, ou non, tenu. Personnellement, je reste sceptique : le nombre de défaillances d’entreprises a atteint un plafond en 2013 et les dispositions en faveur de la création d’entreprises et d’emplois me semblent insuffisantes.
Vous avez évoqué le CICE en vous fondant sur l’année dernière. Moi, pour les entreprises, je ne compte pas seulement la dernière année. On leur a prélevé 30 milliards d’euros au cours des deux ou trois dernières années et on leur rend 20 milliards d’euros sous forme de CICE. Ce n’est pas un cadeau ; c’est une ponction de 10 milliards d’euros ! Et c’est contre-productif en termes d’emploi.
M. le président de la commission des finances opine.
Vous mentionnez les emplois d’avenir et les contrats aidés, pour lesquels des sommes assez considérables sont effectivement inscrites au budget. Pour ma part, je suis assez sceptique sur de tels dispositifs, que l’on met en place depuis des années et qui coûtent très cher. Cela améliore peut-être les chiffres de l’emploi et c’est sans doute une aubaine pour ceux qui en bénéficient, mais, sur le fond, on est plus, à mes yeux, dans le traitement statistique du chômage que dans de véritables solutions de fond.
J’en viens au troisième sujet que vous avez évoqué : le pouvoir d'achat des Français.
J’ai lu récemment que les salaires avaient augmenté l’an dernier de 1, 6 %, c'est-à-dire plus que l’inflation. Par conséquent, l’éventuelle baisse du pouvoir d'achat n’est pas liée aux salaires ; elle ne peut venir que de la fiscalité.
Or, alors que l’on parle de « pause fiscale », on nous présente un projet de budget marqué par une augmentation de la fiscalité comprise entre 9 milliards et 11 milliards d’euros. §Et quand le Premier ministre annonce un jour une « remise en plat » de la fiscalité, le Président de la République se charge d’enterrer en douceur la réforme le lendemain, en précisant qu’elle se fera peut-être dans cinq ans ou dans dix ans. Alors qu’en est-il réellement ? Monsieur le ministre, il vous sera sans doute difficile d’arbitrer entre le Premier ministre et le Président de la République, mais j’aimerais bien vous entendre pour savoir où nous en sommes et où nous allons. C’est ce dont les Français ont besoin aujourd'hui.
Vous avez indiqué que le débat au Sénat avait été « riche et intéressant ». Je suis ravi que vous l’ayez perçu ainsi… Pour ma part, je suis déçu du résultat. §
Sur les 600 amendements déposés au Sénat, seulement 70 ont été adoptés.
Vos 70 amendements adoptés, c’est 70 milliards d’euros de déficit en plus !
Dans ce cas, il faut aller en commission mixte paritaire ! C’est là que les décisions se prennent !
Pour moi, malgré la richesse de nos débats, le résultat est trop maigre. Et je considère que le Sénat est en danger.
Peut-être pas, mais le fait qu’il n’y ait de majorité ni pour soutenir le Gouvernement ni pour s’y opposer rend ce qui sort de nos débats peu intelligible par les Français.
J’aimerais que le Gouvernement soit bien conscient de ce danger. Or j’ai l’impression qu’il considère la discussion au Sénat non comme un enrichissement, mais comme un mauvais moment à passer avant de revenir devant l’Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, un bon élu, c’est celui qui met ses discours et ses actes en cohérence. Nous pourrions souscrire à beaucoup des objectifs que vous affichez. Nous sommes évidemment favorables au redressement de nos finances publiques et à l’inversion de la courbe du chômage. Nous n’avons aucune envie que notre pays aille dans le mur. Mais cela suppose que vous alliez beaucoup plus loin et plus vite dans les réformes, dans la baisse des dépenses publiques et dans la simplification – cela a été souligné – et l’allégement de la fiscalité. Notre pays en a besoin.
Or je ne retrouve pas cela dans votre projet de budget. C'est la raison pour laquelle le groupe UDI-UC votera contre le projet de loi de finances qui nous est soumis en nouvelle lecture.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en première lecture, j’ai pris le temps d’indiquer longuement pourquoi le groupe écologiste ne se reconnaissait pas dans les orientations politiques proposées dans le présent projet de loi de finances et pourquoi cela nous conduisait à nous abstenir. Les choses sont claires ; et je n’y reviendrai pas.
À l’occasion de cette nouvelle lecture, je voudrais plutôt me tourner vers l’avenir §et cette année qui va bientôt s’ouvrir, avec déjà pour horizon l’élaboration du budget pour 2015. Il faut s’y prendre tôt ; certains parlaient de « se lever tôt » et de « travailler beaucoup »… Nous avons des défis immenses à relever.
Le premier d’entre eux est sans doute d’endiguer le mouvement de fronde fiscale qui s’est incontestablement développé dans notre pays et sur la genèse duquel je ne m’étendrai pas. Le consentement à l’impôt est l’un des ciments du pacte social de la République. Sa contestation, sur fond de poussée de l’extrême droite, est donc particulièrement inquiétante.
Pour rétablir ce consentement, il faut d’abord que soit porté le discours selon lequel l’impôt est non pas une confiscation, mais une mutualisation, une mise en commun de ressources, pour financer des projets et des services communs.
Il faut expliquer que le service public n’est pas un poids mort pesant sur la richesse supposément produite par le secteur privé, mais un service qui, s’il n’était public, serait rendu par le privé, avec en moins le souci républicain de la continuité, de l’égalité et de la neutralité et en plus un coût assurément plus élevé pour nos concitoyens les plus modestes. Il faut également arrêter de comparer les taux de prélèvements obligatoires de pays qui n’ont pas les mêmes services publics ou le même niveau d’assurance sociale. §Il est évident que notre situation n’est en rien comparable à celle des États-Unis.
Il faut ensuite reposer sans tabou la question de la justice fiscale. À cet égard, la remise à plat de la fiscalité annoncée par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault constitue une très bonne nouvelle.
Ce sera l’occasion de rapprocher la fiscalité du travail et celle du capital, de vérifier que l’impôt sur le revenu n’est plus régressif, de rendre la CSG progressive, de revenir aux modalités antérieures à Sarkozy quant à la fiscalité du patrimoine, de limiter les impôts constants comme la TVA, d’éviter tout transfert de charges des entreprises vers les ménages... Je n’invente rien : ce sont les engagements de campagne du candidat François Hollande.
Monsieur Bas, il est vrai que, quand vous étiez aux responsabilités à l’Élysée, vous faisiez effectivement le contraire.
Le rattrapage du retard français en matière de fiscalité écologique – nous sommes avant-derniers au sein de l’Union européenne – est également une mesure de justice. En effet, ce sont les moins riches qui subissent le plus les conséquences de la crise écologique alors qu’ils portent le moins de responsabilités dans son essor.
Enfin, il importe de lutter sans relâche contre l’optimisation, l’évasion et la fraude fiscales, tant des ménages que des entreprises. Car, avant d’être un problème de recettes, il s’agit là d’une attitude qui mine l’adhésion des contribuables aux prélèvements auxquels ils sont assujettis. En la matière, les mesures déjà prises et mises en œuvre par le Gouvernement constituent des avancées décisives, monsieur le ministre, qu’il convient d’amplifier.
Au-delà de la question fondamentale du consentement à l’impôt, les écologistes considèrent que nous ne parviendrons pas à redresser notre économie, ni à assainir nos finances publiques si nous ne nous lançons avec un grand volontarisme dans la transition économique et énergétique.
Il faut bien l’avoir en tête, le déficit de la balance commerciale française est du même ordre de grandeur que la facture énergétique, entendue comme le solde entre les importations et les exportations d’énergies, soit entre 60 milliards et 70 milliards d’euros. Oui, la balance commerciale et la facture énergétique, cela représente le même montant !
C’est également à peu près le montant du déficit budgétaire. Nous sommes passés, je crois, de 63 milliards à 71 milliards d’euros. §On peut donc dire que la France est aujourd’hui, à l’instar d’ailleurs d’un ménage, en état de précarité énergétique. Elle n’est pas en mesure de payer sa facture à la fin de l’année avec ses propres ressources. On est bien loin des promesses d’indépendance énergétique – je parlerai même de mythe de l’indépendance énergétique – qui ont accompagné le développement du nucléaire. L’indépendance n’est pas au rendez-vous.
Par conséquent, si les écologistes contestent certaines réductions de crédits budgétaires, ce n’est pas par irresponsabilité. C’est parce que les marges de manœuvre sont ailleurs. Elles résident notamment dans ces dépenses contraintes, en particulier énergétiques, qui concernent tant les ménages que les entreprises.
Aussi, plutôt que de développer massivement des filières nationales d’énergies renouvelables, la France dépense une fortune en achats d’énergies fossiles, qui non seulement dérèglent le climat, mais privent également notre pays de centaines de milliers d’emplois ; en Allemagne, les énergies renouvelables, c’est 380 000 emplois. De ce point de vue, nous serons extrêmement attentifs à la loi de transition énergétique.
Sur le plan fiscal, il conviendra de ne pas trembler lorsqu’il s’agira de faire enfin payer l’énergie à son juste prix. Ce signal est indispensable pour que des économies puissent être efficacement engagées.
Et n’oublions jamais de rappeler que nous subirons de toute manière l’augmentation des prix ; tous les acteurs de l’énergie le disent. À cet égard, annoncer des augmentations puis y revenir, cela crée encore de l’instabilité et cela n’a en réalité aucun sens. Dès lors, plutôt que subir un phénomène, mieux vaut en assurer le pilotage. Et il faut évidemment des mesures de redistribution en faveur des plus modestes, ainsi que des entreprises, car la facture énergétique les concerne également.
Pour les plus modestes, la rationalisation de la consommation permettra de réaliser des économies. Pour les plus aisés, une consommation débridée occasionne des pénalités. En outre, sur le plan industriel, cela permet plus facilement d’identifier les secteurs prêts à affronter les affres de la crise écologique et ceux qui nécessitent une mutation.
Vous le voyez, monsieur le ministre, les écologistes ne manquent pas d’idées pour faire face à la crise économique et financière qui pèse sur notre pays, sans pour autant vouloir grever les crédits d’intervention des ministères.
Si nous voulons pouvoir en discuter sérieusement au sein de notre majorité, il va nous falloir faire collectivement un gros effort de gouvernance, j’en parlais avec le Président de la République hier.
La loi de finances se prépare et doit se préparer très en amont, et c’est donc très tôt que nous devrons mener des débats politiques entre Bercy et les groupes parlementaires de la majorité comme de l’opposition. Il n’est pas normal que nous découvrions au début de l’été les lettres-plafonds des ministères qui prévoient les budgets que nous devons voter. Ce n’est pas ainsi qu’une démocratie parlementaire doit fonctionner. Le Parlement ne peut être systématiquement placé devant le fait budgétaire accompli.
Pour conclure, devant les défis qui nous attendent et les responsabilités qui sont les nôtres, je suis néanmoins certain, monsieur le ministre, que nous trouverons enfin, il n’est pas trop tard, les ressorts pour faire vivre notre majorité politique, …
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour 2014, que nous examinons en nouvelle lecture, est, nous n’en doutons pas, un bon budget dans l’actuel environnement économique. Je remercie M. le rapporteur général des indications précises qu’il nous a apportées à l’instant, ainsi que ce matin en commission.
Nous l’avons déjà dit et nous ne cesserons de le répéter, ce budget, résolument de gauche, n’est tendu que vers un seul but : renouer avec la croissance pour permettre aux Français de trouver ou retrouver l’emploi qui fait souvent défaut.
Pour ce faire, le Gouvernement a décidé de continuer à réduire le déficit public et la dette qui en découle alors que, ne l’oublions pas et soulignons-le chaque fois que nous en avons l’occasion, ce déficit public a plus que doublé au cours des dix dernières années, pendant les deux quinquennats de la période 2002-2012. La dette, qui s’est gonflée de 860 milliards d’euros pendant la même période, …
… a augmenté de 30 % au cours du quinquennat précédent, passant de 64 % à plus de 90 % du PIB en 2012.
Rappelons que la gestion lucide, courageuse et particulièrement judicieuse de nos finances publiques par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault est en train de ramener, depuis dix-huit mois, le déficit public de la France de 5, 2 % du PIB à la fin de l’année 2011 à 4, 1 % à la fin de l’année 2013, puis à 3, 6 % à la fin de l’année 2014, faisant échapper la France à la récession en 2013.
Pour retrouver la croissance, le Gouvernement a décidé de soutenir l’investissement productif des entreprises en instaurant le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, et en réformant l’imposition des entreprises, plus particulièrement des PME, pour aider leurs efforts de recherche et accroître leurs capacités d’innovation et de développement.
Pour retrouver de la croissance, le Gouvernement a décidé de soutenir la consommation des ménages, en rétablissant l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu, et en augmentant la décote et le revenu fiscal de référence.
Rappelons qu’après que 3, 3 millions de foyers fiscaux sont entrés dans l’impôt en 2010 le gel du barème de l’impôt sur le revenu a rendu imposable à cet impôt 3, 1 millions de foyers fiscaux et 2, 9 millions en 2012, alors que la nouvelle décote a permis à 7, 2 millions de foyers fiscaux de payer moins d’impôt sur le revenu et à près de 370 000 d’entre eux de rester non imposés, alors qu’ils auraient été imposables sans cette mesure...
Nous regrettons de ne pas avoir pu examiner, au Sénat, le détail, fort instructif, des efforts budgétaires effectués par le Gouvernement pour mieux financer ses principales priorités : l’emploi, l’éducation, le logement, la solidarité, la sécurité et la justice.
Ce budget, mes chers collègues, conjugue remarquablement la maîtrise des dépenses publiques et la stabilisation des prélèvements obligatoires.
La maîtrise des dépenses publiques ? Cet objectif n’avait pas été atteint. En 2014, le Gouvernement la met en œuvre.
La stabilisation des prélèvements obligatoires ? Elle va enfin être réelle, avec une année d’avance : ces prélèvements n’augmenteront que de 0, 15 % du PIB, dont 0, 1 % au titre de la lutte contre la fraude fiscale, pour 2 milliards d’euros. Les prélèvements n’augmenteront donc, en fait, que de 0, 05 % avec le budget 2014.
Le projet de loi de finances pour 2014, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tel qu’il nous revient de l’Assemblée nationale, est fidèle à la direction indiquée par le chef de l’État et à la voie fixée par le Gouvernement : le groupe socialiste du Sénat s’en réjouit…
Monsieur le ministre, je regrette que la politique du Gouvernement n’ait pas pour but d’introduire plus de justice ou d’équité dans notre système fiscal, parce que cette politique pèse de plus en plus sur les familles, surtout sur les plus modestes d’entre elles.
En raison d’un renforcement peut-être mal calibré de la décote et de l’absence de revalorisation du barème, de nombreux contribuables qui ne payaient pas d’impôt sur le revenu se sont retrouvés imposables en 2013.
Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.
Cette situation explique probablement la hausse de près de 20 % des demandes d’étalement d’impôt que l’on constate dans certains départements.
Pour 2014, ce sont 12 milliards d’euros d’impôts supplémentaires auxquels il faut bien évidemment ajouter les 2 milliards d’euros supplémentaires qui figurent dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le PLFSS.
Rappelons qu’avec le PLFSS les salariés, les agriculteurs, les entreprises, les familles, les épargnants, les artisans, les commerçants, tous seront mis à contribution.
Certes, nous prenons acte du fait que votre projet de budget prévoie une revalorisation exceptionnelle de la décote et une revalorisation du revenu fiscal de référence, qui devraient alléger la facture pour certains contribuables.
Cependant, de nombreux foyers modestes n’échapperont pas aux hausses d’impôt pour plusieurs motifs.
D’abord, en raison de la refiscalisation en année pleine des heures supplémentaires.
Ensuite, l’intégration des 10 % de majoration de retraite dans le revenu risque de rendre imposables des retraités qui ne l’étaient pas, tout en entraînant la perte d’avantages en matière de fiscalité locale et de prestations sociales.
En outre, la suppression de l’exonération de la participation de l’employeur à la couverture collective de frais de santé va entraîner une hausse du revenu imposable pour des millions de salariés.
Quant à la hausse de la TVA appliquée sans discernement, elle pénalisera les classes moyennes, mais aussi, et j’insiste sur ce point, les familles modestes.
En maintenant le taux réduit à 5, 5 % et en augmentant la valeur du taux intermédiaire de la TVA de 7 % à 10 %, vous avez déjà accru le prix des biens consommés chaque jour par les Français.
De la même manière, le prix des transports en commun qu’ils utilisent va aussi augmenter. D’ailleurs, compte tenu de l’impact sur les usagers, le Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, dirigé par M. Huchon, a décidé de ne pas répercuter la totalité de cette hausse de TVA sur le prix des transports franciliens.
Cette hausse de la TVA intermédiaire touchera également l’énergie. Le bois de chauffage, qui représente 50 % des énergies renouvelables, n’est pas épargné, et ce en totale contradiction avec la transition écologique que vous souhaitez mettre en œuvre.
Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, 7, 4 millions de ménages utilisent aujourd’hui un appareil de chauffage au bois, la plupart du temps en complément d’une autre source d’énergie. Il permet à des millions de familles de chauffer leur foyer avec un budget de plus en plus serré, et ce par nécessité.
Enfin, avec la baisse de 1, 5 milliard d’euros des dotations aux collectivités, beaucoup d’entre elles feront peut-être le choix d’accroître leurs tarifs ou encore d’augmenter les impôts locaux.
En réalité, cette politique fiscale manque de visibilité et nos compatriotes s’en rendent compte.
D’après un sondage paru en octobre dernier pour IPSOS, 79 % des Français condamnent la politique fiscale du gouvernement actuel. Ils jugent qu’elle n’est pas juste et pour 78 % d’entre eux qu’elle n’est pas conforme aux engagements de campagne de celui qui est devenu Président de la République.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous ne voterons pas ce budget défavorable au pouvoir d’achat de nos compatriotes ! §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’aurais souhaité, dans la nuit de vendredi à samedi, remercier ceux qui ont participé aux débats tout à fait intéressants sur le projet de loi de finances rectificative, mais le dispositif un peu inusuel que nous avons connu à une heure tardive ou, plutôt, matinale ne m’a pas conduit à le faire.
Qu’il me soit donc permis ici de remercier, comme le veut la tradition, l’ensemble des intervenants sur ce texte, d’autant que ces discussions budgétaires comportent des aspects parfois ingrats. J’ai observé, comme M. le rapporteur général, qu’au sein des groupes un certain nombre de nos collègues extrêmement fidèles et ardents ont marqué les débats de leur personnalité. Je les en remercie collectivement, ainsi que les services du Sénat, particulièrement le secrétariat de la commission des finances et le service de la séance pour la bonne préparation et la bonne organisation des discussions. Sans oublier, naturellement, même nous avons des visions différentes, monsieur le ministre, les membres du Gouvernement qui se sont succédé au banc tout au long de l’examen de ce texte.
Vous n’aviez pas pu vous-même participer à toute la discussion du PLFR. Nous avons notamment abordé avec Mme Pellerin certains sujets sur l’économie numérique, qui relèvent de son ministère. Nous avons cheminé ensemble de manière parfaitement courtoise et constructive.
Cela étant dit, le résultat sur lequel nous allons nous prononcer, une nouvelle fois, ne peut susciter d’éloges de ma part. Il est le constat de la réalité politique qui est la nôtre au sein de la Haute Assemblée. Il ne faut pas s’en indigner, car une réalité est une réalité.
Cela signifie qu’il n’y a pas, loin de là, et ce moins encore que l’an dernier, une majorité de sénateurs pour approuver vos choix économiques, fiscaux et financiers. Ce mouvement est d’autant plus large que les principaux textes de politique sociale présentés par ce gouvernement connaissent précisément ce sort. Je le répète, il ne faut pas s’en indigner. Chacun assume ses responsabilités.
Monsieur le ministre, il ne faut pas non plus tenter de nous prendre au piège de votre raisonnement, en essayant de nous culpabiliser, du moins les plus rigoureux d’entre nous, au sujet des amendements adoptés dans cet hémicycle. Philippe Dallier a très justement égrené la liste et le montant des dépenses supplémentaires que ce gouvernement a choisi de faire, et que d’autres n’auraient pas faites. Les choix sont différents.
Chacun le sait, la Constitution de la Ve République, au demeurant fort efficace – car il faut qu’un pays soit gouverné –, ne permet pas aux parlementaires de modifier intégralement la copie du Gouvernement. Elle ne leur permet d’intervenir que de manière ponctuelle, au fur et à mesure des mises aux voix. Je le répète, il est tout à fait fallacieux d’insister sur le solde total, sur les additions purement comptables résultant de nos votes. De fait, ces votes expriment à la fois une désapprobation et la volonté de faire prévaloir une autre logique.
Permettez-moi d’insister sur ce point. Il n’y a pas une seule et unique manière de raisonner, qui serait celle du Gouvernement et du parti socialiste. §Il faut admettre que des oppositions, voire des partenaires, ne développent pas les mêmes analyses et raisonnent quelque peu différemment. Ils existent !
Nous ne sommes pas à vouer aux gémonies, dans l’ombre de ce qui ne serait pas convenable, …
Peut-être allons-nous engager la seconde lecture des articles du projet de loi de finances pour 2014. Peut-être allons-nous abréger cet examen. À la vérité, sans doute cette perspective serait-elle préférable.
En effet, monsieur le ministre, nous éprouvons le plus grand respect pour les fonctions qui vous incombent. Or les travaux à mener d’ici à la fin de l’exercice exigent certainement de vous une grande assiduité à Bercy. §En conséquence, il est peut-être préférable que le Sénat vous laisse clore les dossiers de l’année, ce dans l’intérêt de la République !
Les uns et les autres verront bien comment s’exécuteront les prévisions gouvernementales pour l’année prochaine, tant au titre des dépenses qu’au titre des recettes, nonobstant la situation économique !
Chers collègues de la majorité, vous êtes aux commandes, vous disposez des manettes, vous exercez les responsabilités. N’en veuillez pas à ceux qui sont sur le côté, …
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … d’avoir un tant soit peu l’intention d’apprécier, à partir de ce que l’on entend ici ou là dans notre pays, les mérites très relatifs de votre politique !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux afin de permettre à la commission des finances de se réunir pour examiner la motion tendant à opposer la question préalable, déposée par Mme Marie-France Beaufils et les membres du groupe CRC.
Monsieur le président de la commission, de combien de temps souhaitez-vous disposer ?
Nous reprendrons donc nos travaux à seize heures quinze.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze.
La séance est reprise.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Je suis saisi, par Mme Beaufils, MM. Bocquet, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° I-7.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, de finances pour 2014 (n° 229, 2013-2014).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour la motion.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis ce 17 décembre ressemble singulièrement à celui que le Sénat avait commencé d’examiner le 21 novembre dernier, moyennant quelques menues modifications, à savoir 10 millions d’euros sur les 356 milliards d’euros de dépenses publiques.
En effet, entre discussion des articles, seconde délibération, vote bloqué et commission mixte paritaire, tout s’est passé comme si le Sénat n’existait pas ou plus, dès lors que les groupes faisant partie de la majorité de gauche de notre Haute Assemblée n’ont pas été entendus et que leurs propositions n’ont pas été prises en compte.
À aucun moment, nous n’avons eu le sentiment d’une recherche de réponses à nos interrogations susceptibles de recueillir l’assentiment de la majorité de gauche du Sénat. On a recouru aux moyens de coercition parlementaires ; les plus radicaux ont été choisis, comme cela avait également été le cas pour le texte relatif à la sécurisation de l’emploi, qui transposait notamment l’accord national interprofessionnel sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi.
Vous venez de dire, monsieur le ministre, que les mesures que vous nous avez proposées améliorent les comptes publics. Mais quand bien même la situation de ces derniers serait moins désastreuse que par le passé, les moyens utilisés pour y parvenir ne dérogent aucunement aux logiques « austéritaires » dont nous connaissons les limites.
Ces limites, c’est le taux de croissance de 0, 1 % cette année et de 0, 9 % – en principe ! – l’an prochain, qui ne créeront pas l’impulsion nécessaire pour résoudre le problème de l’emploi ou le déficit des comptes publics.
La question du statut de la loi de finances initiale est d’ailleurs posée. Elle concrétise les orientations déjà inscrites dans le collectif de la fin de l’année 2012, avec la hausse programmée de la TVA, qui permettra de financer les 20 milliards d’euros du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. La loi de finances pour 2014 se situe également dans un temps particulier, celui de l’annonce de la « grande remise à plat de la fiscalité », formulée pour animer le débat parlementaire et public jusqu’en 2015. Dans le même temps, nous avons régulièrement entendu, à l’occasion de l’examen des amendements que nous avons déposés, des déclarations visant à expliquer que des modifications étaient déjà intervenues et qu’il n’était pas possible de les discuter.
La mise à plat de la fiscalité n’est pas vraiment pour demain. Nous partageons pourtant l’idée qu’elle est nécessaire. En revanche, nous ne pouvons souscrire à la déclaration de Philippe Dallier, qui évoquait tout à l’heure un impôt confiscatoire. Cette année encore, 7 000 foyers bénéficieront en moyenne de 100 000 euros d’allégement de leur fiscalité, pour ce qui concerne leur seul ISF.
Les parlementaires du groupe communiste, républicain et citoyen ont consacré une bonne partie de leur activité, depuis plusieurs années, à la définition, la conception et la mise en œuvre d’une réforme fiscale de grande envergure. Nous ne pouvons donc qu’être fort intéressés par cette « remise à plat ».
Sans même attendre tout à fait la procédure suivie par le Gouvernement, qui nous semble toutefois prendre une voie délicate en convoquant, dès le 21 janvier prochain, des états généraux de la fiscalité des entreprises, les parlementaires du groupe CRC prendront une part active à l’organisation, par les forces politiques constituant le Front de gauche, des états généraux de la justice fiscale, au mois de juin prochain, après les multiples initiatives publiques et populaires que nous entendons mettre en place.
Car là sans doute réside une partie des solutions aux problèmes qui nous sont posés.
Il convient de solliciter la société civile, la société française, pour procéder, avec les citoyens, à une lecture critique et mille fois nécessaire de notre système de prélèvements sociaux et fiscaux, pour favoriser une large appropriation des problèmes par les premiers intéressés eux-mêmes, à savoir les habitants de notre pays.
Réformer la fiscalité, les prélèvements sociaux, c’est aussi redonner sens au pacte républicain, aux valeurs mêmes de notre démocratie, pour peu que l’on sache marier justice du prélèvement, efficacité sociale et économique de son utilisation, c’est-à-dire la réponse aux besoins collectifs.
La fiscalité est une chose trop sérieuse pour la laisser aux seuls fiscalistes et il est grand temps que le peuple, dans son intelligence collective et sa profonde sagesse, s’en mêle. Nous sommes partisans de faire cette réforme fiscale, en gardant à l’esprit le mot de René Char : « L’homme est capable de faire ce qu’il est incapable d’imaginer ».
Face à un projet de loi de finances qui vise à entériner la hausse de la TVA et le quasi-gel de la dépense publique, à mettre en cause les solidarités familiales, à alléger encore un peu plus la fiscalité des revenus du capital et du patrimoine, les fondements d’une fiscalité juste et équilibrée ne nous semblent pas à l’œuvre.
Ce texte, c’est, en quelques chiffres : une hausse de la TVA de 5, 1 milliards d’euros, supportée par les ménages et les collectivités locales ; une hausse des taxes sur l’énergie d’au moins 340 millions d’euros, subie par les mêmes ; une baisse d’un milliard et demi d’euros pour les collectivités locales au titre des dotations « encadrées » ; une augmentation de plus de deux milliards d’euros de l’impôt sur le revenu, engendrée par la baisse du quotient familial et la suppression de l’exonération des pensions majorées des parents de familles nombreuses ; la suppression de l’exonération fiscale sur la contribution des employeurs au financement de la couverture santé complémentaire de leurs salariés, à hauteur d’un milliard d’euros, mesure pourtant incitative du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi ; enfin, une baisse de 600 millions d’euros de la taxation des plus-values mobilières et immobilières.
Ce catalogue un peu sommaire n’est pas celui d’une quelconque loi de finances ; c’est celui des mesures principales d’une loi de finances qui privilégie singulièrement la taxation de la consommation sous toutes ses formes – TVA, TICPE, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, droits sur les alcools et les tabacs –, alourdit la fiscalité pesant sur les ménages salariés et épargne, une fois encore, les détenteurs de capitaux et de patrimoines, en créant par exemple l’abattement spécifique sur les plus-values immobilières de 25 %, véritable aubaine pour des contribuables fortunés en instance d’optimisation !
Plus d’impôt, sans le supplément de justice fiscale nécessaire, pour moins de service public, tel est le résumé assez peu satisfaisant du projet de loi de finances pour 2014 ! Dire que les parlementaires du groupe CRC n’y trouvent ni leur compte ni la trace des espérances du changement du printemps 2012 est presque une tautologie.
Les réductions des moyens des services publics ne sont pas absentes du projet de loi. Malgré les priorités de recrutement affichées en matière d’enseignement, de justice et de sécurité, ce sont en effet plus de 1 400 emplois publics qui disparaîtront encore en 2014. Partout ailleurs, c’est régime sec et réduction programmée des effectifs.
Les 400 000 salariés de l’ensemble des entités qu’il est convenu d’appeler les opérateurs de l’État – établissements de recherche, universités, Pôle emploi, agences diverses et variées, grands musées et monuments du patrimoine national – font désormais eux aussi l’expérience de la réduction des effectifs, de la débudgétisation, de la recherche d’autonomie financière, de l’obligation de quémander au secteur privé les moyens et les crédits nécessaires à leur intervention.
Des centaines, des milliers d’emplois vont probablement passer par pertes et profits, mettant en péril certaines des missions de service public, aujourd’hui de plus en plus difficilement accomplies.
Demain, parce que nous n’aurons pas octroyé les ressources nécessaires pour la recherche et le progrès scientifique et technique, pour former et lancer de nouvelles équipes, nous serons en carence de brevets, d’inventions et de capacités de développement.
Dans les périodes que nous vivons, le besoin de services publics est fort. La situation des hôpitaux, contraints d’embaucher des médecins intérimaires, celle de nos transports publics de banlieue, rendus exsangues par la progression du trafic et de la fréquentation, le problème de la fraude sociale, révélé avec éclat par le scandale des travailleurs détachés, la lutte contre la fraude fiscale, ce cancer qui ronge et sape les fondements mêmes du consentement à l’impôt et de la solidarité nationale, tout montre un besoin de services publics performants.
De même, la nécessaire réforme des rythmes scolaires ne peut s’accommoder d’un service public de la petite enfance et de l’enfance « à géométrie variable », à raison des capacités des collectivités à mettre en place, avec des moyens financiers et humains fort inégaux, des activités périscolaires répondant aux attentes légitimes, formulées par les parents d’élèves, d’éveil de la curiosité et de l’intelligence.
La loi de finances pour 2014 n’est pas un budget de gauche, elle n’est que l’exercice obligé auquel le Gouvernement se contraint à l’égard de la Commission européenne et de nos partenaires, plus ou moins vaillants, d’une politique économique conduite sous l’empire du TSCG.
Ses conséquences seront les suivantes : l’Europe, en 2014, sera la partie du monde où le train de la reprise avancera le plus lentement. Pourtant, si nous regardons nos voisins, nous savons que sa situation économique et sociale n’est pas en voie d’amélioration. Les taux de chômage observés en Grèce, en Espagne, au Portugal, mais aussi en France, la mise en concurrence des salariés, exacerbée par les directives et accords semblables à ceux des « travailleurs détachés », la relance des mouvements migratoires des jeunes et des salariés des pays les plus en difficulté vers les eldorados supposés, tout montre que le projet européen est en train de se perdre dans les sables de la méfiance, de l’ignorance de l’autre, parfois même dans la xénophobie et le racisme.
Le projet européen ne rassemble plus la jeunesse, devenue taillable et corvéable à merci, et il crée de plus en plus d’incompréhension dans les autres couches de la population. Au demeurant, le maintien au pouvoir de Mme Merkel, soutenue cette fois par le SPD de Martin Schulz et de Sigmar Gabriel, après la disparition du FDP du paysage politique allemand, illustre clairement les contraintes qui enserreront la politique européenne durant les quatre prochaines années.
En lieu et place d’un couple franco-allemand œuvrant à la mise en place d’une Europe sociale, nous avons un statu quo. Si le SPD a gagé son soutien au gouvernement en obtenant la promesse de la création d’un SMIC – plus faible que le SMIC français –, nous ne pouvons espérer une mutualisation des dettes souveraines et l’émission d’euro-obligations, que d’aucuns avaient cru pouvoir nous « vendre » comme solution future et incontournable de toutes les crises financières, laissant une fois encore la priorité à l’équilibre des fonds de pension allemands, au détriment des économies des autres pays de la zone euro.
Nous l’avons souvent rappelé lors des débats auxquels ont donné lieu l’examen du projet de loi de finances et celui du projet de loi de finances rectificative, le choix de la réduction de la dépense publique signifie un ralentissement encore plus important de la croissance.
Je le disais tout à l’heure, la réduction de 1, 5 milliard d’euros des dotations aux collectivités territoriales aura des conséquences lourdes pour les habitants de nos communes et pour les entreprises – en particulier les plus petites d’entre elles – qui bénéficient le plus de la commande publique. Des risques importants de pertes d’emplois vont donc peser sur nos territoires.
Pour l’ensemble de ces raisons, dans cette nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2014, nous ne pouvons qu’inviter le Sénat à voter cette motion tendant à opposer la question préalable.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer sur la question de savoir s’il y a lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2014. Je crois que la réponse est la même pour la majorité des personnes présentes dans cet hémicycle : rien ne sert de rouvrir la discussion tant nos désaccords semblent insolubles.
Nous aurions disposé de suffisamment de temps pour aller au terme de l’examen de ce projet de loi de finances, mais nous avons été incapables d’y parvenir.
La première lecture du projet de loi de finances aurait en effet dû permettre, selon le calendrier prévu, d’examiner l’ensemble des crédits du budget général de l’État, sur la base des travaux des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis.
Cependant, l’absence d’accord sur le contenu de la première partie du projet de loi de finances a rendu impossible ce débat, laissant le soin à l’Assemblée nationale de prendre en compte un certain nombre de préconisations des sénateurs.
Cette situation de blocage, nous ne la connaissons que trop bien. Elle s’est encore répétée la semaine dernière, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2013. Elle prive de tout intérêt pratique un nouvel examen du texte. En l’absence de toute chance de voir un texte adopté par une majorité de sénateurs, le débat qui s’ouvre n’apportera rien de concret à son élaboration.
Comme l’a rappelé François Marc lors de son intervention en ouverture de notre discussion générale, l’Assemblée nationale ne pourrait pas même reprendre nos amendements, faute d’adoption du texte final.
Cette analyse, partagée par divers groupes de la majorité et de l’opposition, justifierait donc pleinement l’adoption d’une motion tendant à opposer la question préalable. Cependant, une telle motion ne se lit pas uniquement à l’aune de son énoncé ; elle porte aussi un message à travers son objet.
Ainsi, la question préalable que nous avions présentée l’an dernier ne portait pas condamnation du Gouvernement, mais disait simplement que l’absence de tout accord possible rendait vain un nouveau débat. C’était le simple constat d’un blocage avéré, une manière de se prémunir contre les artifices d’une partie de l’opposition. Le Conseil constitutionnel avait d’ailleurs relevé que, face à un tel blocage, l’adoption d’une telle question préalable ne constituait pas un usage manifestement excessif de la procédure.
À l’inverse, l’objet de la présente question préalable est non pas un constat technique, mais un vote politique. Ce vote réunit des contraires, disons-le même, des minorités contraires, qui s’accordent semble-t-il sur une chose : faute de majorité positive dans l’une des chambres, faute d’obtenir suffisamment de voix aux élections pour constituer une majorité, …
… faute de pouvoir proposer et adopter ensemble un texte contraire, ces minorités se contentent de rejeter, de condamner, de dire qu’elles feraient mieux.
Les uns ont eu l’occasion de montrer leurs qualités de gestionnaires, mais n’ont pas convaincu ; les autres auraient l’occasion de le faire avec nous, mais souhaitent rester dans une posture de dénonciation permanente.
Nous ne pouvons nous associer à cette alliance contradictoire, car elle a pour conséquence de condamner le Sénat à l’impuissance.
Mme Michèle André. Il est donc hors de question que le groupe socialiste vote cette question préalable, car, comme une majorité de parlementaires des deux assemblées, il soutient le Gouvernement dans ses choix économiques et budgétaires.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues le groupe communiste, républicain et citoyen a déposé une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances pour 2014. Il s’agit là d’un moment grave pour notre assemblée.
Si je peux comprendre qu’un examen complet de ce texte en nouvelle lecture ne permettrait pas au Sénat de peser sur sa version finale, compte tenu de son rejet annoncé, je ne souscris pas pour autant aux motifs invoqués par les auteurs de cette question préalable.
En effet, nous venons de l’entendre, ceux-ci s’appuient sur une remise en question assez radicale de la politique fiscale et budgétaire du Gouvernement, que beaucoup d’entre nous soutiennent dans ses différents aspects, à savoir le nécessaire assainissement des comptes publics, le souci de la croissance et de l’emploi et la consolidation des politiques de solidarité.
La commission des finances, dont je suis ici le rapporteur général, n’a pas émis d’avis favorable sur cette question préalable, une égalité arithmétique entre les voix pour et les voix contre ayant été observée lors du vote. Pour ma part, mes chers collègues, je ne puis qu’émettre un avis défavorable.
Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Sourires sur les travées de l’UMP.
M. Philippe Dallier. Pour autant, cette réponse positive appelle quelques précisions. En effet, mes chers collègues, je ne voudrais pas que vous puissiez penser que nous approuvons l’ensemble des motifs invoqués par nos collègues du groupe CRC pour présenter cette motion.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Ceux-ci mettent d’abord en avant « l’incapacité avérée à définir un texte acceptable par les majorités de gauche des deux assemblées ». J’espère ne choquer personne en affirmant qu’il ne s’agit pas de notre préoccupation première. De fait, nous constatons – et vous constatez vous-mêmes – que vous n’êtes pas en capacité de vous mettre d’accord. Bien évidemment, ce n’est pas sur cet argument que nous fondons notre position.
Les auteurs de la motion développent ensuite trois considérants.
Premièrement, ils entendent « sanctionner le recours aux procédures peu respectueuses des droits du Parlement ». Mes chers collègues, notre Constitution est bien faite, tout comme les règlements intérieurs des assemblées. Même quand il est peu facile – comme c’est le cas actuellement – de discerner les majorités, elle permet à tout le moins au Gouvernement de gouverner. On ne peut que s’en féliciter, parce qu’il n’aurait rien de pire que d’être dans l’incapacité de voter un budget, même dans des conditions particulières.
Deuxièmement, les auteurs de cette motion entendent « mettre en question des choix fiscaux et budgétaires erronés » – sur ce point, nous pouvons partager les préoccupations de nos collègues du groupe CRC – « marqués du sceau de l’austérité ». L’austérité, mes chers collègues, certains pays d’Europe la vivent ; la France, quant à elle, n’en est pas là. Il serait plus exact de parler de rigueur, tout en considérant que celle-ci pourrait être mise en œuvre par des voies différentes.
Troisièmement, enfin, les auteurs de la motion entendent « marquer leur refus d’une option générale de réduction de la dépense publique, inefficace et contre-productive ». Au groupe UMP – nos différents orateurs et moi-même l’avons suffisamment répété –, nous pensons que le Gouvernement ne va pas assez loin en matière de réduction de la dépense publique. Ce n’est donc pas sur cet argument que nous nous appuyons pour voter la motion.
À l’évidence, nous pourrions encore discuter des heures de ce projet loi de finances sans qu’une majorité se dessine. À quoi bon dans ce cas, serais-je tenté de dire.
Après toutes ces heures de discussion du projet de loi de finances initiale et du projet de loi de finances rectificative, il est bon d’abréger les souffrances du rapporteur général
Exclamations amusées.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera cette motion tendant à opposer la question préalable.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les arguments de fond qui sont avancés par les auteurs de cette motion. Je souscris aux remarques qu’a faites à l’instant notre collègue. Notre vision, notre position sur ce budget sont différentes de celles du groupe CRC, mais nous estimons qu’il n’y aurait aucun intérêt à prolonger davantage nos débats au Sénat, même si M. le ministre les a jugés tout à l’heure riches et intéressants.
En ne retenant en définitive que dix amendements du Sénat dans le texte qui nous est soumis aujourd’hui, le Gouvernement n’a pas tiré suffisamment profit de cette richesse. Pour ma part, je trouve dommage de ne pas poursuivre nos débats, mais les prolonger, j’en ai le sentiment, ne nous permettrait sans doute pas de progresser ni d’engager les décisions qui s’imposent pour redresser nos finances publiques d’une manière plus franche que celle proposée aujourd’hui.
Au final, le groupe de l’UDI-UC votera cette motion tendant à opposer la question préalable, même s’il n’approuve pas totalement les arguments invoqués par ses auteurs. Je le répète, il ne nous servirait à rien de discuter plus encore, nous sommes tous très occupés et avons bien d’autres choses à faire. À quoi bon poursuivre une discussion qui ne permettrait en rien d’enrichir ce texte ?
Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le groupe du RDSE, très majoritairement, par dix-huit voix sur dix-neuf, votera contre cette motion. En effet, nous n’approuvons absolument pas les motivations de ses auteurs.
Nous ne sommes pas nécessairement d’accord avec l’ensemble des textes du Gouvernement – auquel cas, nous le lui disons. Dans le cas présent, nous discutons du projet de loi de finances et il faut être très clair : ou l’on soutient le Gouvernement ou on ne le soutient pas. Or le projet de loi de finances est l’acte clé d’une politique. Si nous ne votions pas le budget, alors il nous faudrait en tirer immédiatement les conséquences.
Cela étant dit, monsieur le ministre du budget, nous sommes convaincus de la nécessité de redresser nos comptes. Depuis des mois, vous vous évertuez à faire en la matière un travail positif, utile et indispensable si, comme je l’ai déjà indiqué, nous ne voulons pas pénaliser les générations futures. Pour autant, nous l’avons dit également, cet effort de redressement trouve une limite, celle de l’impact négatif qu’il pourrait avoir sur la croissance. L’équilibre est très difficile à trouver, pour tout gouvernement, particulièrement en période de crise. En tout cas, je salue les efforts tout à fait positifs qui sont accomplis.
Pour toutes ces raisons, nous ne suivrons pas nos collègues communistes et voterons contre la motion qu’ils ont déposée.
Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.
Je serai très brève. Je souhaite simplement réagir aux propos de Michèle André. Nous avons en effet des désaccords, cependant l’attitude des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne se résume pas à une attitude de simple opposition ; en effet, nous avons constamment essayé d’avancer des propositions afin de contribuer à la réflexion. Nous souhaiterions débattre en profondeur de la façon de sortir des difficultés dans lesquelles nous nous trouvons. Or, même si ce débat nous semble difficile aujourd’hui, il faut pourtant le mener.
Nous avons vu comment, dans un certain nombre de pays européens, le choix d’accorder la priorité au redressement des déficits publics, en particulier en réduisant les dépenses et sans se donner la possibilité de soutenir la croissance, a des effets contre-productifs et aggrave encore les difficultés. Tels sont les sujets dont nous voudrions discuter. Nous ne nous enfermons pas dans une attitude d’opposition systématique, mais nous estimons, aujourd’hui, que ce type de réflexion n’est pas entendu. C’est pourquoi nous voterons bien évidemment notre motion.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° I-7, tendant à opposer la question préalable et dont l’adoption entraînerait le rejet du projet de loi de finances.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 108 :
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi de finances pour 2014 est rejeté.
Je rappelle au Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a présenté une candidature pour la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale et une candidature pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame M. François Grosdidier, membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, en remplacement de M. Louis-Constant Fleming, démissionnaire, et M. Louis-Constant Fleming, membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de M. François Grosdidier, démissionnaire.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 18 décembre 2013 à quatorze heures trente et le soir :
1. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité instituant un partenariat en matière de coopération militaire entre la République française et la République du Sénégal (n° 700, 2012-2013) ;
Rapport de M. Alain Néri, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 221, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 222, 2013-2014).
2. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République de Djibouti (n° 697, 2012-2013) ;
Rapport de M. René Beaumont, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 219, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 220, 2013-2014).
3. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République de Côte d’Ivoire (n° 703, 2012-2013) ;
Rapport de M. Christian Cambon, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 223, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 224, 2013-2014).
4. Nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, pour 2013 (n° 241, 2013-2014).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à seize heures cinquante.