La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
La parole est à M. Gilbert Roger, auteur de la question n° 193, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
J’attire l’attention du Gouvernement sur la contradiction qui existe entre la pénurie de personnel dans l’enseignement et la santé et l’ajournement d’étudiants aux concours de la fonction publique territoriale.
De plus en plus de témoignages d’étudiants recalés à ces concours en raison d’une note juste en deçà du seuil d’admission nous parviennent. Le plus souvent, ces jeunes sont laissés pour compte. Je pense notamment à une jeune étudiante ajournée de l’agrégation pour seulement un point à qui aucune proposition n’a été faite.
Or ces secteurs, pour lesquels on constate un réel manque d’intérêt, doivent aujourd’hui remédier aux démissions. Les rectorats sont parfois même obligés de trouver des contractuels en speed dating, comme l’on dit, et de les former en quelques jours à un métier complexe.
Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre dans l’immédiat pour entrer en contact avec ces ajournés et leur proposer des postes de contractuels avec, pour échéance, une titularisation ?
Monsieur le sénateur Gilbert Roger, chaque concours donne lieu à l’établissement d’une liste principale par un jury qui classe par ordre de mérite les candidats déclarés aptes.
Si la liste principale est complète, le jury peut établir une liste complémentaire, afin de permettre le remplacement des candidats inscrits sur liste principale qui ne pourraient pas être nommés.
Je le rappelle, l’appréciation de la qualité des prestations des candidats à un concours relève de la compétence souveraine des jurys, dont les décisions ne sont susceptibles d’aucun recours devant les juridictions administratives, dès lors que ces jurys ont fonctionné et délibéré de manière régulière.
Hormis le cas très spécifique du recrutement de personnes en situation de handicap par voie contractuelle, qui entraîne leur titularisation à l’issue du contrat, aucune disposition législative ne permet actuellement de recruter un agent contractuel au sein de la fonction publique et de le titulariser sans concours.
La réduction du nombre de candidats enregistrée aux concours de recrutement de professeurs des premier et second degrés s’est traduite, pour la session 2022, par une baisse de rendement d’environ 10 %.
Le ministère a donc demandé aux académies, lorsque des besoins apparaissent, de mener une politique volontariste de recrutement de contractuels, afin – vous l’avez indiqué, monsieur le sénateur – de pourvoir les postes vacants, et de proposer une rémunération cohérente avec celle des professeurs titulaires.
Plus globalement, votre question porte sur les actions en faveur de la nécessaire attractivité des métiers de l’enseignement et de la santé.
Sachez que le ministère de l’éducation nationale a ouvert un chantier pour améliorer les rémunérations des enseignants, sujet évoqué à de nombreuses reprises dans votre assemblée. D’autres métiers au sein du ministère sont également concernés. Je pense en particulier au chantier de la revalorisation indemnitaire des personnels de santé, engagé en 2021 et qui se poursuivra en 2023.
De manière générale, l’amélioration des conditions d’exercice doit aussi permettre de renforcer l’attractivité de ces métiers. C’est là tout l’objectif des concertations qui sont menées en ce moment par M. le ministre de l’éducation nationale.
Je vous remercie, madame la ministre.
Je pense qu’il y a matière à envisager des évolutions. Il n’est pas normal de laisser une personne dans la nature, sans aucune proposition, simplement parce qu’elle aurait raté le concours de l’agrégation à un point près, surtout quand on sait que des séances de speed dating sont organisées, comme cela a été le cas dans l’académie des Yvelines, pour recruter des candidats n’ayant pas comme ambition première d’entrer dans l’éducation nationale.
S’il faut passer par la loi pour avancer, faisons-le. Mais je suis sûr que vous pourriez d’ores et déjà prévoir des évolutions, en lien avec les recteurs, en votre qualité de ministre
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, auteure de la question n° 495, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
La colère gronde chez les enseignants, les parents, les élus, car la soustraction est devenue l’opération favorite du Gouvernement.
Pour le Pas-de-Calais, on prévoit soixante-treize suppressions de classes et cinquante-trois suppressions de postes dans le primaire et en maternelle, sans compter la baisse drastique de la dotation horaire globale de nos collèges et lycées, d’où découlera la suppression de nombreuses options dans des bassins de vie déjà durement touchés par la crise sociale.
Beaucoup de maires, qu’ils soient du bassin minier, de la côte ou de la ruralité, m’interpellent au sujet de la baisse des moyens dans l’éducation nationale, qui entraîne la constitution de plus en plus de classes à triple, voire à quadruple niveau ! S’ajoute à cela le manque de remplaçants, y compris lorsque les absences sont prévues.
Je suis parfois surprise de la façon dont se déroule le dialogue entre les maires et l’éducation nationale.
Pour ne prendre qu’un exemple récent, je citerai l’échange entre le regroupement pédagogique intercommunal (RPI) de Chériennes/Le-Quesnoy-en-Artois/Vacqueriette-Erquières : un seul maire du regroupement a été avisé du projet de fermeture de postes ; en plus, ce n’était pas celui de la commune concernée… Et lorsque les maires des trois communes du RPI ont écrit au rectorat pour contester cette fermeture, le rectorat leur a répondu dix jours après, sans avoir consulté la réponse des élus, que la décision était déjà validée.
Comme vous le savez, les maires investissent beaucoup dans les écoles, car, en ruralité, il y va souvent de la vie du village.
De la même manière, faute de prise en compte des enfants de moins de trois ans dans le calcul des moyens éducatifs alloués, les écoles sont souvent dans l’incapacité d’accueillir les enfants en question.
Les écoles représentent pourtant le cœur de nos villes et de nos villages. Nous avons besoin de pérenniser l’école publique de proximité. Il est donc indispensable de fidéliser au plus tôt les familles, ce qui suppose des moyens dédiés et, in fine, l’intégration des enfants de moins de trois ans dans les tableaux d’effectifs.
Madame la sénatrice Apourceau-Poly, dans le contexte de forte baisse démographique que nous connaissons, tout dispositif visant à maintenir le service public de l’éducation, partout sur le territoire, est le bienvenu.
À ce titre, les RPI demeurent un outil d’aménagement scolaire essentiel. À la rentrée 2022, 4 790 regroupements totalisant 9 167 écoles ont été recensés, contre 4 777 regroupements totalisant 9 253 écoles à la rentrée 2021.
En outre, 6 997 communes sans école participaient à un RPI à la rentrée 2022, un chiffre en légère augmentation par rapport à l’année précédente, puisque l’on comptabilisait 66 communes supplémentaires, soit près de 1 % de plus.
À cet égard, je me permets de saluer le travail des maires : pour maintenir une offre scolaire sur le territoire, ils acceptent, en lien avec les directeurs académiques des services de l’éducation nationale (Dasen), de fermer certaines écoles et de former des regroupements pour offrir de meilleures conditions d’enseignement aux élèves de leurs communes.
Il convient de préciser que, d’une manière générale, les travaux de préparation de la carte scolaire de rentrée donnent lieu à de nombreux échanges avec les élus locaux et reposent sur une appréciation fine et objective de la situation de chaque école et des spécificités de chaque territoire.
Ce processus, engagé en janvier, se poursuivra jusqu’à la rentrée de septembre, dans le cadre d’un dialogue continu avec les élus et d’un suivi très attentif des évolutions éventuelles des effectifs.
Pour terminer, je vous rappelle que nous portons une attention particulière aux RPI et tenons notamment compte des efforts de regroupements déjà réalisés dans certains territoires.
La parole est à M. Jean-Yves Roux, auteur de la question n° 478, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Les écoles rurales représentent 36 % des écoles métropolitaines et accueillent 20 % des élèves de notre pays. Elles répondent à des caractéristiques tout à fait particulières : je pense à la forte proportion de classes multiniveaux – 76 % – et de regroupements pédagogiques intercommunaux.
Confrontés à une déprise démographique et à la difficulté de pérenniser les équipes pédagogiques, les élus ruraux mènent de nombreuses actions en faveur de l’animation et de l’attractivité de leur territoire, afin que les familles continuent de faire vivre la commune et son pilier, l’école.
Or, chaque année, les élus sont confrontés au couperet de l’annonce des fermetures et des ouvertures de classes, fondée sur le seul critère des effectifs. C’est la fameuse carte scolaire, qui est susceptible de bouleverser des équilibres et dynamiques locales obtenues de haute lutte.
Mes chers collègues, les collectivités locales sont, après l’État, les premiers contributeurs en matière d’éducation. Malheureusement, le couple ne regarde pas dans la même direction…
Au mois d’octobre 2019, M. Lafon et moi-même avons réalisé un rapport sénatorial sur les nouveaux territoires de l’éducation. Nous soulignions alors que les écoles situées en milieu rural étaient moins attirantes que les autres aux yeux des équipes éducatives et enseignantes et que leurs élèves poursuivaient leurs études dans des proportions bien inférieures à la moyenne nationale. Cela justifiait selon nous l’adoption d’une autre approche pour favoriser la réussite scolaire.
Nous indiquions notamment dans ce rapport que le gel des cartes scolaires pendant trois ans dans les territoires ruraux pouvait constituer une réponse.
Pendant ces trois ans, les élus auraient le temps de mener des politiques publiques locales pour conforter leurs écoles et leurs effectifs, tandis que les équipes pédagogiques auraient, elles aussi, le temps de monter des projets.
Voilà un an, nous adoptions la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, qui entendait, par la déconcentration, rapprocher l’État du terrain, en soutien des collectivités. Nous sommes convaincus que l’éducation nationale gagnerait en efficacité en s’inscrivant dans l’esprit de cette loi.
Envisagez-vous, par expérimentation tout d’abord, de proposer une carte scolaire stable, valable durant trois ans, pour la ruralité ?
Monsieur le sénateur Jean-Yves Roux, l’engagement présidentiel de ne fermer aucune école en zone rurale sans l’accord préalable du maire de la commune a été pris en 2019.
Reconduit chaque année, cet engagement concerne uniquement les écoles, et non les classes, et s’applique sans exception.
Comme vous le savez, la démographie scolaire est en forte diminution. Malgré cette baisse, qui est appelée à se prolonger – je tiens à le préciser –, nous avons fait le choix de ne pas nous arrêter à un simple travail arithmétique concernant la carte scolaire, spécialement en milieu rural, où l’école publique constitue un élément de dynamisation du territoire.
Ainsi, la répartition des moyens du service public de l’éducation tient compte des différences de situation, notamment en matière économique, territoriale et sociale.
Elle repose à ce titre sur plusieurs indicateurs : le respect des caractéristiques du réseau scolaire académique, le maintien du service public dans les zones rurales et la réussite des élèves issus des catégories sociales les plus défavorisées.
Nous utilisons un indicateur territorial qui intègre la typologie des territoires, des moins éloignés aux plus éloignés des zones urbaines, comme le préconisait votre rapport, monsieur le sénateur.
D’autres dispositifs spécifiques sont mis en place en ruralité. Je pense par exemple aux territoires éducatifs ruraux, que nous venons d’étendre à dix académies, au vu du volontarisme des élus locaux à propos de ce dispositif.
Je pense aussi à l’extension aux zones rurales de certains dispositifs d’accompagnement, comme les cordées de la réussite, qui concernent près de 32 000 élèves de territoires ruraux sur un total de 180 000 à l’échelon national, ou encore l’école ouverte dans le cadre des vacances apprenantes depuis l’été 2020.
Enfin, le dispositif des internats d’excellence est un levier important pour les élèves des territoires situés en zone rurale ou isolée.
Je connais votre travail et votre engagement sur la question de l’organisation territoriale du service public de l’éducation. Soyez assuré, monsieur le sénateur, que nous continuerons à travailler en lien avec les élus locaux pour permettre à tous nos élèves d’accéder aux apprentissages dans les meilleures conditions.
La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 500, adressée à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
Madame la ministre, le programme France Travail Jeunes, que vous avez récemment appelé de vos vœux, suscite doutes et inquiétudes au sein du réseau national des missions locales pour l’emploi.
Ce projet, qui se rattache au chantier France Travail, attendu pour 2024, prévoit de rebaptiser les missions locales sans pour autant maintenir l’exclusivité dont elles bénéficient dans l’accompagnement des publics accueillis.
Les responsables des antennes locales perçoivent cette initiative comme une volonté de l’État de se substituer intégralement à eux sur le long terme, malgré leur forte implication dans les territoires pour aider les publics en recherche d’emploi.
Engagées depuis plus de quarante ans pour l’insertion des jeunes, les missions locales se sont constamment réinventées pour suivre l’évolution des dispositifs d’insertion et fournir une offre sur-mesure, adaptée aux territoires et aux publics ciblés.
Similairement au dédoublement des objectifs entre les missions locales et Pôle emploi depuis le lancement du contrat d’engagement jeune (CEJ) en 2022, cette annonce d’une double tutelle est perçue comme une menace vis-à-vis du maintien des missions locales.
Par ailleurs, les élus de l’Union nationale des missions locales (UNML) avaient accueilli avec perplexité l’annonce selon laquelle l’attribution de l’opérateur chargé du demandeur d’emploi se ferait désormais sur le fondement d’un algorithme conçu pour orienter sa recherche.
Ce n’est autre qu’un moyen supplémentaire de déboussoler encore davantage des publics précaires, isolés pour certains, et pour lesquels il convient de maintenir le lien essentiel de proximité avec le conseiller de la mission locale.
Quelle sera la portée véritable de ce nouveau projet ? Êtes-vous en mesure d’apporter les garanties nécessaires à la préservation de l’autonomie des missions et des moyens de nos missions locales ?
Monsieur le sénateur Lefèvre, dans le cadre des travaux de la mission de concertation et de préfiguration relative à France Travail, il est proposé, comme vous l’indiquiez, que les missions locales qui le souhaitent prennent l’appellation « France Travail Jeunes ».
Cela ne signifie évidemment pas qu’elles seront seules chargées de l’accompagnement vers l’insertion professionnelle de tous les jeunes. Les missions locales auront pour principal objectif de mettre en œuvre les parcours des jeunes qui ont besoin d’un accompagnement socio-professionnel global, ce qui constitue un enjeu majeur pour leur insertion.
Les missions locales coélaboreront avec l’opérateur France Travail un projet de feuille de route pour l’ensemble des jeunes concernés sur chaque territoire, sous la gouvernance du comité France Travail, coprésidé par l’État et les collectivités locales. Leur rôle en sort donc renforcé.
L’orientation résultera de l’application de critères partagés, qui permettront aux jeunes de bénéficier d’un diagnostic et d’un accompagnement pertinents. Cela conduira aussi à diminuer la concurrence entre réseaux.
Le contrat d’engagement jeune continuera d’être proposé conjointement par les missions locales et Pôle emploi, les publics étant orientés en fonction des besoins des jeunes et dans le cadre d’un développement des complémentarités et de la coopération sur chaque territoire.
Par ailleurs, avec ce contrat d’engagement Jeunes en rupture, nous souhaitons mieux articuler les interventions des missions locales avec les structures retenues dans le cadre des appels à projets.
Le partage des offres de services, le développement de communs numériques, physiques et méthodologiques ou le soutien à la formation et au partage de pratiques sur les territoires concernés par le projet France Travail s’inscriront dans cette logique de coopération et de complémentarité.
Enfin, l’État continuera d’apporter un accompagnement significatif aux missions locales : une enveloppe de 600 millions d’euros en crédits de paiement leur sera ainsi dédiée en 2023. J’ajoute que les financements alloués à l’UNML ont crû de manière substantielle depuis 2022 dans le but d’améliorer l’animation des missions locales.
Je vous remercie de ces précisions, madame la ministre.
Étant moi-même depuis plus de vingt ans président d’une mission locale fusionnée avec une maison de l’emploi et de la formation, je sais par expérience que les jeunes, les élus, les partenaires ont besoin de signaux clairs, d’une ligne de conduite simple et d’une prise en charge exclusive au plus près des territoires.
Aujourd’hui encore, près de 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans aucune qualification. Ils ont besoin de nous, et ce n’est pas un algorithme qui améliorera leur prise en charge. Alors, s’il vous plaît, faites confiance au réseau des missions locales.
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, auteur de la question n° 433, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Ma question porte sur les contraintes juridiques qui restreignent la mutualisation de l’exploitation de la vidéoprotection entre plusieurs communes.
Cette mutualisation présente de nombreux avantages, comme l’augmentation des capacités d’investissement pour du matériel plus performant, la mutualisation des charges de personnel et le renforcement des territoires couverts par la vidéoprotection.
La gouvernance d’une telle mutualisation peut être mise en œuvre sous différents régimes. Je pense à la possible création d’un syndicat à usage unique ou à la mise en place d’une entente intercommunale par convention.
Cette dernière solution offre l’avantage de la souplesse, sans augmenter le nombre de structures sur un même territoire. Cependant, elle se heurte à des difficultés de mise en œuvre qui réduisent son attrait pour les communes intéressées.
L’instruction gouvernementale du 4 mars 2022 laisse entendre que, dans le cadre d’une entente intercommunale, l’exploitation des images des communes associées ne peut se faire que par un policier municipal.
De fait, si les communes décident d’affecter un agent technique communal ou un agent de surveillance de la voie publique, celui-ci ne pourrait visualiser que les images de la commune qui le rémunère. Ainsi, l’intérêt d’une telle mutualisation disparaîtrait.
Serait-il possible, dans une entente intercommunale, de permettre à des opérateurs de vidéoprotection ou à des agents de surveillance de la voie publique d’exploiter les images, et non de réserver cette faculté aux seuls policiers municipaux ? Pourrait-on autoriser ces agents à visualiser l’ensemble des vidéos des communes membres de l’entente intercommunale ?
Monsieur le sénateur Devinaz, la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés donne beaucoup de possibilités nouvelles pour favoriser la vidéoprotection et la mise en commun de polices municipales.
L’article 42 de cette loi a ainsi étendu la possibilité de visionnage d’images de la voie publique issues de la vidéoprotection à des agents territoriaux qui ne relèvent pas des cadres d’emploi de la police municipale.
Les agents communaux peuvent ainsi solliciter un agrément préfectoral, afin de visionner les images de vidéoprotection de leur territoire communal.
Si la loi n’a effectivement pas prévu de régime de mutualisation strictement pluricommunale de ses agents, elle a en revanche autorisé la mise à disposition des communes d’opérateurs de vidéoprotection qui ne sont pas des policiers municipaux par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre compétents et par des syndicats mixtes, dont les communes sont membres. Ces agents peuvent alors être habilités à visionner les images d’un territoire regroupant plusieurs de ces communes membres.
Il n’a effectivement pas été prévu que des communes puissent mutualiser la vidéoprotection par simple convention, en employant des opérateurs de vidéoprotection en lieu et place de policiers municipaux. Ce point n’a d’ailleurs jamais été soulevé lors de l’élaboration de la loi.
Il semble nécessaire d’évaluer d’abord l’efficacité de l’ensemble des nouveaux dispositifs à la main des communes, avant d’envisager le développement d’un régime supplémentaire de mutualisation d’agents spécialement dédiés à cette mission de vidéoprotection.
Madame la ministre, j’entends d’autant mieux votre réponse que je la connaissais.
Simplement, on peut comprendre que certains élus ne souhaitent pas multiplier les structures sur leur territoire, de même que l’on peut comprendre qu’ils veuillent que les policiers municipaux soient plutôt présents sur le terrain.
Le problème est que ces élus rencontrent aujourd’hui des difficultés pour recruter des policiers municipaux. C’est pourquoi je vous demandais si l’on ne pourrait pas étendre à des agents, qui ne seraient pas des policiers, le droit de visionner les images de l’ensemble des communes associées.
La parole est à M. Laurent Burgoa, auteur de la question n° 394, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Ma question concerne une aire d’accueil des gens du voyage située à Villeneuve-lès-Avignon, dans le Gard. Celle-ci pose des difficultés, en raison de la présence de certains usagers venus de pays de l’Est, qui s’y sédentarisent et y organisent divers trafics.
Bien que je sois tenté de le faire, ma question n’a pas pour objet de traiter ici et maintenant les problèmes occasionnés par ces personnes, car ce type de problématique implique que l’on apporte des réponses véritablement circonstanciées ; c’est là où le bât blesse.
Les élus concernés ne savent plus vers qui se tourner, car l’aire d’accueil dont je vous parle est gérée par l’agglomération du Grand Avignon, dans le département du Vaucluse.
Oui, madame la ministre, bien que gardoises, les communes de Villeneuve-lès-Avignon et des Angles sont membres de ladite agglomération, située à la fois dans un autre département et dans une autre région, la région Sud.
Quel préfet ces communes doivent-elles saisir pour régler leur problème ?
Monsieur le sénateur Burgoa, le régime applicable en matière de stationnement des gens du voyage est prévu par la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage.
L’article 9 de cette loi permet aux maires, quelle que soit la nationalité des occupants, de demander au préfet du département de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux.
Cette mise en demeure n’est possible que si le stationnement viole les dispositifs d’un arrêté du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale interdisant le stationnement des résidences mobiles en dehors des aires d’accueil et des terrains dédiés. Cette occupation doit en outre porter atteinte à la sécurité, à la tranquillité ou à la salubrité publiques.
En dehors de l’hypothèse du stationnement illicite, le maintien de l’ordre public sur le territoire d’une commune relève en principe de la compétence du maire en tant qu’autorité titulaire du pouvoir de police générale.
Toutefois, en application de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, le préfet est compétent pour prendre toute mesure relative au maintien de l’ordre public si aucune mesure n’a été prise par le maire malgré une mise en demeure restée sans résultat.
La commune de Villeneuve-lès-Avignon – vous venez de l’indiquer – est membre de la communauté d’agglomération du Grand Avignon, qui regroupe, comme le permet le code général des collectivités territoriales, des communes appartenant à deux départements différents et dont le siège est situé en Vaucluse.
Pour autant, c’est bien le préfet du Gard qui est compétent, dans la mesure où la commune de Villeneuve-lès-Avignon est située dans ce département.
Je tiens à vous remercier, madame la ministre, de la réponse que vous venez d’apporter à ces maires, notamment celui des Angles, récemment élu.
Je me doutais bien que c’était Mme la préfète du Gard, qui entretient d’ailleurs d’excellentes relations avec les élus, qui était compétente.
Non seulement cette problématique des aires d’accueil peut emporter des conséquences en termes de sécurité, mais elle pose aussi un problème de compétence, dans la mesure où ces aires relèvent à la fois des attributions des agglomérations et de la politique de la ville.
Il est très compliqué pour un nouvel élu de savoir quelle est l’autorité compétente en la matière, d’autant que la gestion des aires d’accueil peut concerner divers départements et diverses régions.
Permettez-moi de nouveau de vous remercier d’avoir éclairé les élus des Angles.
La parole est à M. François Bonhomme, auteur de la question n° 389, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la procédure de reconnaissance d’état de catastrophe naturelle des communes confrontées à des phénomènes de retrait-gonflement des argiles, et sur le financement de la couverture de ce risque.
Vous le savez, ce phénomène, qui touche près de la moitié du territoire national, a des conséquences souvent désastreuses tant pour l’habitat individuel que pour les bâtiments publics, ces derniers subissant alors d’importantes dégradations.
Le coût de la réparation ou de la sauvegarde du bâti se révèle très souvent impossible à supporter pour les propriétaires, sans une protection assurantielle liée à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.
Un dédommagement est, certes, prévu depuis 1989 dans le cadre du régime dit CatNat et de la loi du 28 décembre 2021 relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles, mais la règle mise en œuvre par l’autorité administrative pour instruire les demandes des communes de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle reste très insatisfaisante. Seule la moitié des communes concernées parviennent en réalité à obtenir une telle reconnaissance.
Par ailleurs, face à l’accroissement du phénomène de retrait-gonflement, la question du financement de ce risque se pose. Son coût total est évalué à plus de 3 milliards d’euros pour les prochaines années.
En outre, l’ordonnance du 8 février 2023, qui doit permettre d’accroître le nombre de communes susceptibles d’être reconnues en état de catastrophe naturelle, limiterait les indemnisations aux sinistres les plus graves, faisant sortir certains propriétaires de la couverture assurantielle.
Madame la ministre, quelles dispositions complémentaires comptez-vous prendre pour que les communes concernées par le phénomène de retrait-gonflement puissent bénéficier de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et, surtout, que l’ensemble des propriétaires touchés soient éligibles à l’indemnisation des dommages prévue en pareil cas, y compris pour ceux d’entre eux qui décideraient d’abandonner leur habitation ? Enfin, quel plan de financement envisagez-vous pour maintenir l’équilibre du régime CatNat ?
Monsieur le sénateur Bonhomme, l’indemnisation des dégâts provoqués par le phénomène de sécheresse-réhydratation des sols est assurée par la garantie catastrophe naturelle.
Conscient des limites des modalités actuelles de prise en charge des effets de ce phénomène, le Gouvernement a été habilité à entreprendre par voie d’ordonnance, au titre de l’article 161 de la loi 3DS, une réforme des modalités d’indemnisation du phénomène de sécheresse-réhydratation des sols au sein du régime de la garantie catastrophe naturelle.
Ainsi, l’ordonnance du 8 février 2023 prévoit : un assouplissement des critères pris en compte pour analyser le caractère anormal des épisodes de sécheresse ; une prise en compte des communes ayant subi une succession anormale de sécheresses d’ampleur significative, mais dont l’intensité mesurée, année après année, n’est pas exceptionnelle ; une meilleure prise en compte de la situation des communes adjacentes à celles reconnues en état de catastrophe naturelle, afin de répondre aux effets de bord des critères actuels. Elle prévoit également l’encadrement des modalités de réalisation des expertises diligentées par les assureurs, qui sera assorti de contrôles et de sanctions pesant sur les experts des assureurs ne remplissant pas les exigences de qualité ; ces dernières seront fixées par décret.
Enfin, l’indemnisation sera concentrée sur les sinistres susceptibles d’affecter la solidité ou d’entraver l’utilisation normale du bâtiment endommagé. Le Gouvernement souhaite accompagner en priorité les sinistrés confrontés à des dommages matériels affectant la solidité de l’habitation ou susceptibles de créer des dommages graves à terme.
En outre, l’ordonnance prévoit d’augmenter le nombre de communes éligibles à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Vous le voyez, le Gouvernement est toujours pleinement mobilisé sur ce sujet.
Madame la ministre, j’entends votre réponse, qui ne me surprend pas.
Simplement, vous n’avez pas répondu sur les conditions de l’équilibre financier du régime CatNat, prévu à très moyen terme. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) estime à 10 millions le nombre d’habitations concernées et le coût cumulé de la sinistralité sécheresse à 43 milliards d’euros dans les vingt prochaines années.
Si un effort de financement n’est pas fourni, il faudra malheureusement réduire encore plus le nombre de bénéficiaires de ce régime d’indemnisation.
La parole est à Mme Corinne Féret, auteure de la question n° 445, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Je souhaiterais le Gouvernement interroger sur les délais de délivrance des cartes nationales d’identité et des passeports, ainsi que sur les difficultés perdurant dans le Calvados et, plus largement, sur l’ensemble du territoire national.
Les Français ont davantage besoin de présenter un titre d’identité en cours de validité que par le passé. Or la crise sanitaire, l’effet du Brexit et l’augmentation structurelle de la demande ont pour conséquence un allongement des délais de délivrance. Actuellement, le délai moyen pour obtenir un rendez-vous en mairie serait de cinquante-huit jours, voire bien plus dans certains territoires, particulièrement en zones urbaines.
Malgré le plan d’urgence lancé par le Gouvernement en mai 2022, les résultats restent très insuffisants.
Cette année, près de 14 millions de Français doivent refaire leur pièce d’identité, soit 5 millions de plus que l’an dernier. Pour faire face à la demande, les collectivités devront certainement embaucher, ce qui aura un coût.
De même, force est de constater que les élus locaux – et, au premier chef, les maires – et les agents communaux sont les victimes collatérales des dysfonctionnements observés. Confrontés à la frustration d’usagers agacés par les délais d’attente, il n’est pas rare qu’ils soient victimes de violence verbale, voire pire.
Il semblerait également que la nouvelle carte nationale d’identité sécurisée suscite un véritable engouement. L’été approchant, les demandes augmenteront encore.
Je souhaiterais donc savoir ce que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour assurer un délai raisonnable de délivrance de titres d’identité aux usagers, l’objectif devant être aussi de garantir une offre de proximité pour tous sur l’ensemble du territoire national.
Madame la sénatrice Féret, en 2022, face à l’augmentation exceptionnelle des demandes de titres d’identité et, concomitamment, de celle des délais de délivrance, le ministère de l’intérieur et des outre-mer a mis en place de nouvelles mesures.
En effet, l’accompagnement des mairies est une priorité et les mesures prises doivent permettre de limiter les conséquences de l’augmentation continue de la demande sur leurs services.
La définition de règles nationales de priorisation du traitement des demandes et de mesures dérogatoires favorables au passage d’examen avec un titre périmé depuis moins de cinq ans doit ainsi permettre de contenir le volume des demandes.
Le moteur national de recherche de rendez-vous déployé permet aux usagers de connaître les disponibilités dans une zone géographique donnée et de réduire le nombre de rendez-vous non honorés. L’enregistrement d’une prédemande en ligne est encouragé, car il permet de limiter la durée des rendez-vous de recueil et d’augmenter le nombre de rendez-vous assurés. Le soutien financier est également prévu, grâce à la revalorisation exceptionnelle de la dotation pour les titres sécurisés, afin de porter l’enveloppe globale à 73 millions d’euros en 2023.
Pour une plus grande proximité avec les usagers, 500 nouveaux dispositifs supplémentaires sont en cours de déploiement d’ici à la fin du mois d’avril. Cette nouvelle augmentation significative du nombre de communes pouvant accueillir les demandes des usagers contribuera à la réduction des tensions que vous relevez.
En outre, la récente loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur prévoit d’affecter des effectifs supplémentaires pérennes. Le suivi attentif du maillage territorial des dispositifs de recueil (DR) et l’accompagnement quotidien des communes traduisent l’engagement du Gouvernement à garantir un service de proximité de qualité pour tous les usagers sur l’ensemble du territoire national.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
J’ai été alertée par plusieurs maires de mon département, le Calvados, qui m’ont fait part de leur inquiétude, voire des difficultés qu’ils rencontrent depuis plusieurs mois.
Les nouveaux moyens que vous annoncez nécessiteront aussi un peu de temps pour être mis en place : du temps pour l’installation des machines, du temps de formation des agents. Or il y a urgence, car nos concitoyens attendent depuis trop longtemps maintenant.
La parole est à M. Jean Pierre Vogel, auteur de la question n° 413, transmise à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Promu par le Gouvernement, l’habitat inclusif, défini par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan, fait l’objet d’un financement particulier, celui de la prestation d’aide à la vie partagée.
Il est destiné aux personnes handicapées ou âgées choisissant un mode d’habitation individuelle qui garantisse inclusion sociale et vie autonome, tout en restant au domicile. La demande est – on peut le comprendre – croissante et le regroupement de plusieurs personnes handicapées est indispensable à la mutualisation des prestations financées par le conseil départemental.
L’association départementale des infirmes moteurs cérébraux (Adimc) de la Sarthe a développé depuis 1994 un habitat inclusif de seize logements adaptés aux personnes atteintes d’un handicap moteur, aux caractéristiques PMR++, pour lesquels chacune d’entre elles bénéficie d’un bail d’habitation à titre personnel, dans un immeuble comptant vingt-cinq appartements.
Or la commission de sécurité du service départemental d’incendie et de secours (Sdis) de la Sarthe a requalifié l’immeuble en établissement recevant du public (ERP), en se fondant sur un arrêté datant de 1980, aux termes duquel la présence de plus de six personnes en situation de handicap dans un même immeuble emporte de facto cette qualification.
Le bailleur social propriétaire n’ayant pas réalisé les travaux d’adaptation de l’immeuble dans les délais impartis, le maire du Mans en a prononcé la fermeture administrative, et tous les occupants se trouvent menacés d’une expulsion imminente, aucune solution de relogement adaptée n’étant trouvée pour les occupants handicapés.
Par conséquent, il existe une incompatibilité entre les réglementations ERP et habitat inclusif regroupant plus de six logements pour PMR (personnes à mobilité réduite), avec des conséquences lourdes : probable classification en ERP de tous les habitats inclusifs, nouvelles fermetures administratives, menaces d’expulsion, coup d’arrêt à l’habitat inclusif.
Madame la ministre, quelles dispositions urgentes entend prendre le Gouvernement aussi bien pour sauvegarder l’habitat inclusif existant que pour permettre son développement ?
Envisagez-vous de soutenir financièrement les bailleurs publics et privés, afin qu’ils prévoient la création de logements adaptés à l’habitat inclusif – six au maximum, sans doute, pour échapper à la qualification d’ERP – dans toute construction nouvelle, afin de permettre la mutualisation des prestations handicap et d’imposer, peut-être, un certain nombre de logements destinés à l’habitat inclusif au sein de chaque nouvelle construction ?
Monsieur le sénateur Vogel, le cadre général de la sécurité incendie des locaux d’hébergement relève de la réglementation relative aux habitations portée par le ministère en charge de la construction.
Cependant, la réglementation relative aux ERP relevant du ministère de l’intérieur et des outre-mer peut s’y substituer pour garantir la sécurité des usagers dès lors qu’ils sont à l’extérieur de leur domicile – internat scolaire, hôtel, etc. – ou que l’aptitude de ceux-ci ne leur permettrait pas de se soustraire seuls aux effets d’un incendie.
L’habitat inclusif, qui est une solution de logement de substitution à l’habitat individuel isolé et à la vie collective en résidence pour les personnes âgées et les personnes handicapées, fait actuellement l’objet d’échanges interministériels visant à concilier la préservation du lien social avec l’impérieuse nécessité de protéger nos populations les plus fragiles, particulièrement exposées lors d’un incendie.
Dans le cas cité en exemple, le bâtiment concerné comporte quinze logements répartis dans des étages, accueillant des personnes infirmes moteurs cérébraux, reconnues comme des personnes souffrant d’un handicap sévère, les privant d’autonomie pour accomplir les actes de la vie quotidienne. En application de la réglementation, la sous-commission départementale de sécurité a proposé au maire, après une visite sur place en avril 2022, le classement en ERP.
Le propriétaire n’ayant pas mis son bâtiment en conformité avec la réglementation, le maire a pris un arrêté de fermeture le 8 décembre 2022, qui a fait l’objet d’un contentieux administratif. Le Conseil d’État a confirmé, par une ordonnance du 20 février 2023, le statut d’ERP de ce bâtiment, en s’appuyant notamment sur la situation de fragilité des résidents.
Par conséquent, les porteurs de projet doivent intégrer que l’autonomie du public accueilli est un des critères déterminants du statut juridique de l’établissement.
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, auteur de la question n° 493, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Madame la ministre, ma question porte sur la situation des communes limitrophes ou situées à proximité des zones de revitalisation rurale (ZRR).
En effet, les ZRR sont un dispositif indispensable pour un certain nombre de collectivités, puisqu’il concerne près de 18 000 d’entre elles en France, en leur accordant des avantages fiscaux et sociaux pour conforter leur attractivité.
Pour autant, un certain nombre de communes situées à proximité de ces zones rencontrent des difficultés pour attirer des professionnels, notamment de santé. En effet, le régime intéressant des communes voisines situées en ZRR incite ces professionnels à y visser leur plaque.
Quels sont les dispositifs prévus et les réflexions en cours au sein du Gouvernement pour réduire l’« effet frontière » ou l’effet de seuil et d’éviter que ces communes, qui ont également besoin d’attirer des professionnels, ne pâtissent de la proximité d’une zone plus attractive ?
Monsieur le sénateur Lemoyne, les zones de revitalisation rurale sont un dispositif d’exonération fiscale et sociale – vous l’avez indiqué – visant à favoriser l’attractivité des territoires ruraux.
Parmi ces aides, un dispositif d’exonération fiscale pour les médecins généralistes exerçant dans une commune en ZRR est effectivement présent. Comme vous l’indiquez, et comme c’est le cas pour la plupart des dispositifs de zonage, des « effets frontière » peuvent exister.
Le dispositif ZRR prend fin au 31 décembre 2023. Depuis l’été 2022, je travaille sur l’avenir des ZRR. Ce travail repose sur une mission que j’ai confiée au préfet François Philizot, avec le soutien de la direction générale des collectivités locales (DGCL).
Les effets de bord ou de frontières inhérents aux ZRR sont bien identifiés, notamment en matière de déserts médicaux, et l’un des objets de cette mission est d’y apporter une solution.
Cette problématique rejoint aussi, en partie, celle des communes rurales qui ne sont pas classées en ZRR, car appartenant à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) n’étant lui-même pas classé en ZRR.
Nous travaillons donc à un mécanisme permettant, par dérogation à l’application d’une méthode nationale de calcul au niveau des EPCI, de faire entrer certaines communes dans le dispositif, dès lors qu’elles répondent aux critères de zonage.
Ainsi, dans les semaines qui viennent, des annonces seront faites sur l’avenir des ZRR à compter du mois de janvier 2024, mais également sur une nouvelle déclinaison de l’agenda rural, sous l’appellation générale de France Ruralité.
Ces annonces trouveront leur place dans un plan national ambitieux à destination des territoires ruraux. Celui-ci tiendra évidemment compte des problématiques que vous évoquez, en y apportant des solutions concrètes et adaptées à chaque territoire. J’aurai alors plaisir à vous le présenter.
Madame la ministre, je vous remercie de ces éléments d’orientation.
Que les choses soient claires : encore une fois, il ne s’agit pas de remettre en cause les ZRR. J’espère que le travail engagé sur ce sujet, entre autres par nos collègues Bernard Delcros et Frédérique Espagnac, permettra de conforter ce régime et de trouver des solutions pour les communes riveraines voisines de ces zones.
C’est exactement le sens des déclarations du Premier ministre Jean Castex, lors de son déplacement à Migennes dans l’Yonne, alors que le maire de l’époque l’avait sensibilisé à cette question. Le Premier ministre s’était alors montré ouvert à des dispositions qui trouveraient leur place dans un projet de loi de finances (PLF) ou un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
Nul doute que les orientations évoquées permettront de continuer le travail et – je l’espère – de le faire aboutir.
La parole est à M. Bruno Belin, auteur de la question n° 153, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Madame la ministre, je voudrais revenir sur la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe.
Celle-ci a été un véritable séisme pour un certain nombre de collectivités, comme les départements. Ceux-ci ont perdu la clause de compétence générale, la compétence économique et une des compétences de proximité les plus symboliques, le transport scolaire, transféré aux grandes régions, qui naissaient alors et connaissaient moins le terrain.
Il y aurait beaucoup à dire sur ces grandes régions, qui n’ont permis de réaliser aucune économie de fonctionnement depuis sept ou huit ans et qui ont parfois conservé leur hôtel de région dans d’anciennes capitales régionales.
Cette loi a été un cataclysme pour les collectivités locales, et sans doute pour les plus rurales d’entre elles.
En effet, elles ont dû, parfois contre leur gré, intégrer des établissements publics de coopération intercommunale de grande taille, comme des communautés urbaines.
Je connais plusieurs exemples de communes dans le département de la Vienne, autour de Poitiers, dont le potentiel financier a mécaniquement doublé ou triplé, alors que les maires s’interrogent, puisque la population de leur commune n’est pas devenue plus riche.
La conséquence immédiate a été l’effondrement de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Or, actuellement, des communes sont asphyxiées, essaient de travailler à l’élaboration de leur budget sans y parvenir et ne peuvent avoir un budget d’investissement, car leur budget de fonctionnement n’est pas bouclé. Je pense à des communes, comme Liniers, Bonnes ou Cloué, qui essaient de survivre.
Quelle est la position du Gouvernement pour aider ces collectivités asphyxiées ?
Monsieur le sénateur Belin, le potentiel fiscal et le potentiel financier communaux ont pour vocation de retranscrire, de la manière la plus objective possible, en neutralisant les choix budgétaires et de gestion des collectivités locales, le niveau de ressources libres d’emploi qu’une commune est en mesure de retirer, à la fois de la fiscalité locale et de la fiscalité transférée qu’elle peut percevoir, mais aussi la richesse qu’elle tire de son appartenance à un EPCI à fiscalité propre.
En effet, au sein d’un EPCI à fiscalité propre, une commune bénéficie, directement ou indirectement, des produits de fiscalité économique, des prélèvements ou reversements fiscaux intercommunaux ou bien encore de la répartition des attributions de compensation décidées par le conseil communautaire.
Ce mode de calcul, commun à l’ensemble des communes appartenant à un EPCI faisant l’application du régime de la fiscalité professionnelle unique, ce qui est le cas de 90 % des communes, assure la comparabilité de leur niveau de ressources potentielles entre elles et constitue la condition sine qua non d’une répartition objective et équitable des différentes composantes de la DGF à l’échelon national.
Cependant, je vous rejoins sur le fait que l’échelon local joue un rôle essentiel pour assurer une plus grande solidarité entre les communes. Pour cela, il dispose d’outils dédiés. En effet, plusieurs mécanismes fiscaux permettent d’assurer une plus forte péréquation des ressources en direction des communes les moins dotées, comme la révision libre des attributions de compensation ou l’institution d’une dotation de solidarité communautaire (DSC). J’ajouterai également qu’il existe un dispositif de répartition locale de la DGF, dont les élus peuvent se saisir pour définir des règles de réallocation des attributions de DGF qui leur sont notifiées.
Grâce à l’ensemble de ces outils, les collectivités ont donc la possibilité de faire jouer la solidarité intercommunale. J’ajoute que je suis à votre entière disposition pour poursuivre ces échanges.
Or la réalité du terrain est tout autre aujourd’hui.
Ainsi, le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic), également bien connu – j’ai moi-même présidé une intercommunalité pendant une quinzaine d’années – nécessite l’unanimité du conseil communautaire, ce qui ne marche pas.
Par conséquent, des moyens de créer des fonds de compensation pour sauver les communes rurales doivent absolument être trouvés.
M. Olivier Cigolotti et M. Vincent Segouin applaudissent.
La parole est à M. Cédric Vial, auteur de la question n° 338, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Ma question a trait au dispositif du « zéro artificialisation nette », dit ZAN, inscrit dans la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, qui a des effets directs sur les collectivités territoriales.
Dans son discours de clôture du congrès des maires, Mme la Première ministre a confirmé l’objectif de 2050 pour la désartificialisation des sols. Elle a également précisé que les objectifs devaient être territorialisés et différenciés, sans trahir les ambitions nationales. Elle a aussi indiqué que les projets d’envergure nationale seront décomptés à l’échelle nationale.
Ces annonces sont des éléments importants pour les collectivités. Toutefois, des questions subsistent. Par exemple, en Isère, l’entreprise STMicroelectronics a annoncé une extension de son usine qui permettra de doubler la capacité de production, avec, à la clé, la création de plus de 1 000 emplois sur place.
Ce projet entre dans la stratégie de la politique nationale de soutien de la filière électronique, en termes de développement industriel, comme le Président de la République a pu le préciser lors de son déplacement sur le site de cette entreprise.
Toutefois, pouvez-vous nous indiquer si cette extension sera décomptée à l’échelle nationale et quel décompte sera pris en compte, uniquement le tènement foncier de cette extension ou aussi les conséquences de l’arrivée de 1 000 nouveaux salariés sur le territoire ?
En effet, ces créations d’emplois se traduiront par des logements supplémentaires, des services publics et équipements complémentaires. Ceux-ci seront-ils intégrés au décompte ?
Si ce projet n’est pas pris en compte au niveau national, ses conséquences auraient a minima des effets sur l’enveloppe foncière disponible de trois schémas de cohérence territoriale (Scot) différents, ce qui empêchera quasiment toute autre forme de développement endogène.
Or une augmentation de leur enveloppe ne pourrait être envisagée qu’en révisant à la baisse la capacité de développement des autres Scot régionaux, afin de conserver les objectifs à l’échelle du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), qui devra lui aussi être modifié.
Compte tenu des délais de mise à jour de ces multiples documents, l’entreprise devra attendre plusieurs années avant de pouvoir déposer un permis de construire. Si nos entreprises doivent attendre l’évolution de ces documents-cadres pour déposer un début de projet se pose alors la question de la réactivité nécessaire pour notre autonomie industrielle. L’intervention des différents documents Sraddet, Scot et plan local d’urbanisme (PLU) pourraient rendre tout projet important de ce type impossible à mettre en œuvre.
Monsieur le sénateur Vial, M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ne pouvant être présent, il m’a chargée de vous répondre.
La Première ministre a réaffirmé l’objectif national d’atteindre le ZAN des sols en 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) au cours de la décennie 2021-2030.
La préservation des sols est en effet nécessaire pour stocker du carbone, préserver la biodiversité et nous protéger face aux effets du changement climatique.
Vous évoquez plus spécifiquement la problématique des grands projets nationaux. Le Gouvernement s’est à plusieurs reprises exprimé sur le fait qu’il souhaitait que les projets d’envergure nationale soient décomptés non pas à l’échelle de chaque région, mais à l’échelle nationale, afin de permettre une mutualisation des efforts.
Cette mesure est en cours de discussion, dans le cadre de la proposition de loi sénatoriale visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de ZAN au cœur des territoires.
Concernant les projets économiques jugés d’intérêt national, une réflexion sur leur périmètre est en cours, avec des évolutions possibles dans le cadre du projet de loi Industrie verte de mes collègues Bruno Le Maire et Roland Lescure.
Par ailleurs, la loi Climat et résilience organise déjà la possibilité de recourir à une mutualisation des projets d’envergure au niveau régional. Vous proposez que soient identifiés les besoins induits par les projets d’ampleur nationale ou régionale, en termes d’infrastructures, d’équipements ou de logements, connexes au projet lui-même.
Cette approche disproportionnée conduirait à prendre en compte des projets pouvant relever exclusivement d’enjeux et de considérations locaux, sans présenter d’enjeux régionaux ou suprarégionaux. Le Sénat n’y est pas favorable, les amendements que vous avez défendus sur le sujet n’ayant pas été adoptés.
La parole est à M. Olivier Cigolotti, auteur de la question n° 448, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Ma question concerne le dispositif MaPrimeRénov’ qui rencontre actuellement de nombreux et importants dysfonctionnements.
Cette mesure gouvernementale encourageant la rénovation énergétique des logements et l’éradication des passoires thermiques a incité les ménages et les entreprises, le plus souvent artisanales, à se lancer dans des travaux importants.
Une telle incitation financière a engendré une forte augmentation du nombre de dossiers.
Cependant, du fait des difficultés rencontrées par l’Agence nationale de l’habitat (Anah), opérateur en charge de la gestion et de la logistique de la distribution de ces primes, les entreprises, tout comme les particuliers sont souvent toujours en attente du versement des montants alloués par MaPrimeRénov’.
Cette situation leur est extrêmement préjudiciable et ces bénéficiaires sont contraints d’effectuer des avances répétées de trésorerie, qui deviennent très dures à supporter.
Certains se trouvent même confrontés à des négociations difficiles avec les banques pour soutenir leur trésorerie et, dans les cas les plus extrêmes, à la perspective d’une cessation d’activité.
Au regard de la situation, il s’agit non pas d’incriminer telle ou telle structure, mais simplement d’alerter sur une situation qui devient de plus en plus préoccupante dans un certain nombre de départements, dont le mien, la Haute-Loire.
Les difficultés de versement de MaPrimeRénov’ remettent en cause l’existence même de certaines entreprises et pénalisent également les ménages, notamment les plus modestes.
Quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour hâter et sécuriser le versement de cette prime indispensable à l’accélération de la rénovation énergétique du parc de logements français ?
Monsieur le sénateur Cigolotti, MaPrimeRénov’ est la principale aide de l’État pour accompagner les ménages dans leur projet de rénovation énergétique. Elle a permis de soutenir plus de 1, 4 million d’usagers depuis son lancement au mois janvier 2020.
Dans un contexte de forte demande et de montée en puissance du dispositif, certaines demandes ont pu rencontrer des difficultés à aboutir dans les délais habituels. Toutefois, le nombre de cas est très limité. L’Anah se mobilise très fortement pour fluidifier le parcours des usagers grâce à la mise en place d’une équipe dédiée aux situations les plus difficiles. Les dossiers en difficulté font l’objet d’un suivi individualisé pour résoudre au plus vite ces situations. L’Anah met tous les moyens nécessaires en œuvre pour assurer la qualité et la rapidité du traitement des dossiers.
Le délai moyen de traitement pour un dossier MaPrimeRénov’ est inférieur à cinq semaines. Pour un dossier complet et ne nécessitant aucun contrôle renforcé, il est d’environ deux semaines pour une demande de subvention et d’environ trois semaines, pour en obtenir le paiement. Lorsqu’un dossier nécessite des documents justificatifs complémentaires ou fait l’objet d’un contrôle sur place pour lutter contre la fraude, ces délais peuvent être allongés et atteindre trois mois.
Il ne s’agit donc pas de nier les difficultés – mais de les ramener à une juste proportion –, alors que le dispositif connaît un succès indéniable et qu’il est un pilier de notre politique de rénovation énergétique. L’amélioration de l’information aux usagers est également une priorité avec l’objectif d’accompagner l’augmentation du volume de projets de rénovation.
La création du service public France Rénov’ en 2022, complétée par la montée en charge progressive de Mon Accompagnateur Rénov’ en 2023, facilitera le parcours des ménages ayant un projet de rénovation.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
Le dispositif MaPrimeRénov’ a suscité beaucoup d’intérêt en raison des possibilités qu’il offrait en termes de travaux de rénovation énergétique, mais il est actuellement source de grande déception, tant à cause des délais de paiement, que des difficultés opérationnelles qu’il crée ; vous en avez convenu.
Il est plus qu’urgent de fluidifier le traitement de ces dossiers en attente et à venir.
La parole est à M. Vincent Segouin, auteur de la question n° 504, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Ma question a trait à la suppression des moulins et des seuils. Elle porte notamment sur le cas précis des seuils de l’Orne, dont certains sont actuellement fortement menacés par les arrêtés pris en préfecture.
Même si le Gouvernement a prétendu vouloir s’engager pour la sauvegarde de notre patrimoine, il apparaît qu’il reste des domaines dans lesquels les actes ne sont pas à la hauteur des attentes relatives à la préservation des monuments historiques et culturels de nos territoires.
Ce manque de considération à l’égard de notre héritage le conduit tout droit à sa stricte disparition. Pire que cela, une telle absence de politique de préservation aboutit à la destruction volontaire de bon nombre de monuments historiques qui font la fierté, l’honneur et l’histoire de nos territoires.
Cette situation s’est particulièrement illustrée dans mon département de l’Orne par la commande de l’effacement du seuil de la bataille à Clercy en 2010 par le préfet, et ce sans discussions.
Cet effacement a eu lieu, alors même qu’avait été proposé, au préfet et à la direction départementale des territoires, un projet de microcentrale hydroélectrique par la réhabilitation d’un bâtiment historique dont l’origine remonte au XIIIe siècle. Nous ne nous en sommes pas remis.
De nombreux moulins faisant encore partie de ces catégories étant en passe d’être détruits, je m’interroge logiquement aujourd’hui sur la constance de l’engagement du ministère ou sur le respect de la parole ministérielle dans les administrations de nos départements, alors que ces dernières n’ont pas suivi la réponse formulée par vos prédécesseurs lors des deux précédentes questions que je leur avais déjà adressées sur le sujet.
Le Gouvernement m’avait pourtant assuré de la sauvegarde des moulins à forte valeur patrimoniale ou producteurs de petite hydroélectricité.
Madame la ministre, pouvez-vous préciser l’orientation suivie en termes de continuité écologique, de préservation du patrimoine et de production propre ?
Ces politiques sont-elles partagées par l’ensemble des ministres concernés ?
L’information est-elle relayée auprès des préfets et des administrations compétentes ?
Monsieur le sénateur Segouin, les enjeux du patrimoine ne sont pas incompatibles avec ceux de la politique de continuité écologique.
En effet, le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires travaille avec le ministère de la culture pour identifier les ouvrages pour lesquels une thématique patrimoniale nécessite une attention particulière.
Des effacements ou arasements de moulins ont pu avoir lieu dans l’Orne et dans d’autres départements sans que cela soit contradictoire avec la sauvegarde du patrimoine. Ces opérations ne touchent en général qu’au seuil du moulin et peuvent être l’occasion de rénover des éléments clés du moulin.
Pour ce qui concerne le seuil de la bataille de Clécy, la solution mise en œuvre a fait l’objet d’une concertation au sein de la commission locale de l’eau du schéma d’aménagement et de gestion des eaux (Sage) Orne moyenne. Conformément aux recommandations de ce Sage, la hauteur de l’ouvrage a été réduite.
Vous évoquez également la production d’électricité des moulins. Les débats de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables ont permis de le rappeler, la contribution des moulins au mix énergétique reste modeste et ne peut justifier des atteintes au milieu aquatique. Cela étant, depuis août 2021, la loi interdit aux services de l’État de prescrire l’effacement d’un moulin pour répondre à l’obligation de rétablissement de la continuité écologique. Des consignes ont été adressées en ce sens, et elles sont bien respectées.
Néanmoins, un propriétaire peut toujours demander l’abrogation de son droit d’utiliser la force motrice de l’eau et souhaiter la remise en état du cours d’eau plutôt que d’aménager et de continuer à supporter les charges d’entretien d’un seuil en rivière qui peut être coûteux et chronophage. Il n’appartient pas aux services du ministère de s’opposer à une telle requête.
Madame la ministre, je vous ai bien entendue. Toutefois, ce sont non pas les propriétaires, mais les organismes de sauvegarde de la continuité écologique qui demandent l’arasement de ces seuils.
Peu importe la valeur patrimoniale ou la contribution à la production d’hydroélectricité : vous venez vous-même de dire qu’elle est jugée insuffisante. Mais de telles décisions provoquent un grave traumatisme chez les propriétaires et au sein des populations.
Ce que nous voulons, c’est tout simplement une administration compréhensive, attentive et objective. En effet, l’administration ne saurait être partisane.
La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 505, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
L’axe Seine est l’artère fluviale et naturelle de notre pays. De plus, son lien étroit avec Haropa, premier port commercial de France, en fait la route stratégique de notre politique exportatrice.
Relais entre la capitale et la façade maritime françaises, l’axe Seine est aussi un outil majeur de notre réindustrialisation. En témoigne son inscription, en 2019, au programme Territoires d’industrie, qui concerne aujourd’hui plus de 20 % de l’emploi industriel en France. Mais, dans ses boucles comme dans son estuaire, la Seine est concernée par le principe du ZAN.
L’application stricte du ZAN en Seine-Maritime illustre bien les contraintes majeures que l’on risque d’imposer à nos territoires face à leurs grands besoins fonciers, notamment dans les circonscriptions portuaires.
Moteurs de la décarbonation, l’usine H2V à Saint-Jean-de-Folleville, l’association Incase à Caux-Seine ou encore le projet Synerzip au Havre bloqueront demain toutes les initiatives de l’axe Seine dès lors qu’ils seront inclus dans le compte foncier des territoires où ils sont implantés.
Sans compte foncier séparé pour l’axe Seine, la ligne nouvelle Paris-Normandie ou Haropa Port, l’ensemble des politiques de développement local, seront mises à l’arrêt. Je pense, par exemple, à Port-Jérôme 3 à Port-Jérôme-sur-Seine.
On se heurte également aux problèmes de la compensation environnementale et aux difficultés provoquées par l’absence de volet fiscal incitant à la réutilisation des friches.
Le Gouvernement compte-t-il clairement inscrire sur les comptes fonciers nationaux prévus par la loi les opérations d’aménagement dans les circonscriptions portuaires ?
Madame la sénatrice Canayer, rien moins que 20 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers sont consommés chaque année en moyenne en France.
Les conséquences de ce phénomène sont non seulement écologiques, mais aussi socioéconomiques. En effet, la France s’est fixé l’objectif d’atteindre le ZAN des sols en 2050. Elle a également retenu l’objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’Enaf dans les dix prochaines années.
La loi Climat et résilience permet déjà aux régions d’assurer en leur sein la mutualisation des projets d’envergure, comme ceux de Haropa port.
En outre, Mme la Première Ministre s’est déclarée favorable à une évolution législative, de sorte que les projets d’envergure nationale ne soient pas décomptés à l’échelle de chaque région, mais bien mutualisés à l’échelle nationale. De cette manière, les territoires concernés ne seront pas pénalisés par leur implantation.
Lors de l’examen de la proposition de loi sénatoriale relative au ZAN, le Gouvernement a présenté un amendement visant à inclure explicitement les grands ports dans les projets d’envergure nationale : cette rédaction mentionne ainsi les actions ou opérations d’aménagement réalisées sur leur circonscription par un grand port maritime ou fluviomaritime de l’État, ou pour leur compte.
L’objectif de sobriété foncière est ambitieux, mais nécessaire. Pour accompagner les territoires dans cette démarche, plusieurs aides sont déjà déployées, que ce soit au travers du renforcement de l’ingénierie territoriale ou de l’encouragement à la contractualisation, ou encore par la mobilisation de leviers fiscaux et budgétaires, en particulier le fonds vert, qui a été doté de 2 milliards d’euros en 2023.
Mme Agnès Canayer. Madame la ministre, qu’il n’y ait aucun malentendu entre nous : nous ne remettons évidemment pas en cause l’enjeu de sobriété foncière. Mais il ne faut pas décourager les territoires en inscrivant dans leur compte foncier des projets d’envergure nationale, comme ceux de nos ports.
Mme la ministre acquiesce.
La parole est à M. Bernard Delcros, auteur de la question n° 474, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
La ligne ferroviaire de l’Aubrac est une ligne emblématique du Massif central. Reliant Clermont-Ferrand à Béziers, elle dessert les départements du Puy-de-Dôme, du Cantal, de la Lozère, de l’Aveyron et de l’Hérault. Elle joue aussi un rôle essentiel pour le tissu économique en assurant le fret pour l’usine Arcelor-Mittal de Saint-Chély-d’Apcher, premier pourvoyeur d’emplois du secteur.
Sa portée symbolique et son intérêt touristique sont également très forts. Elle franchit le célèbre viaduc de Garabit, construit par Eiffel, ouvrage qui fait l’objet d’une demande de classement au patrimoine mondial de l’Unesco. Elle traverse en outre les gorges de la Truyère, lesquelles sont classées et font aujourd’hui l’objet d’une opération Grand Site de France.
Ce sont là autant d’atouts qui ont conduit l’État à renouveler le classement de cette ligne dans la catégorie des trains d’équilibre du territoire (TET) jusqu’en 2031, reconnaissant ainsi son intérêt national.
Malgré les travaux réalisés pour sauvegarder cette ligne, l’absence d’anticipation et d’entretien sur certains tronçons a conduit à sa fermeture durant onze mois en 2021. De surcroît, selon plusieurs sources, la ligne pourrait de nouveau fermer dans les mois à venir si des travaux n’étaient pas engagés rapidement, notamment sur le tronçon entre Andelat et Loubaresse, dans le Cantal.
Face à ces incertitudes, nous avons besoin d’être rassurés quant à la cohérence des politiques de l’État. Classer une ligne ferroviaire d’intérêt national avant de la fermer faute d’entretien ne serait ni cohérent ni acceptable. Aussi, pouvez-vous nous assurer que la ligne de l’Aubrac ne subira pas de nouvelle fermeture pour défaut d’entretien ou en raison de travaux non effectués ? Pourriez-vous nous indiquer le calendrier des travaux envisagés pour éviter une telle situation ?
Monsieur le sénateur Delcros, l’État est pleinement engagé aux côtés des régions Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes en faveur des lignes interrégionales de l’Aubrac et des Cévennes, auxquelles sont associés de forts enjeux financiers et d’aménagement pour les territoires qu’elles traversent. À preuve, il a intégralement tenu les engagements financiers qu’il avait pris au titre des contrats de plan État-région (CPER) 2015-2022, afin de maintenir la performance de ces deux lignes.
Par ailleurs, l’État a fait des propositions auxdites régions pour assurer le financement dans la durée des lourds investissements nécessaires à la sauvegarde de ces lignes, dans le cadre d’un projet de protocole d’accord interrégional destiné à donner une visibilité à dix ans et à définir une stratégie de long terme pour ces deux lignes. À ce jour, je suis en attente de leur réponse.
À plus court terme, sur la ligne de l’Aubrac, le remplacement de certains rails de type « double champignon » entre Neussargues et Saint-Chély-d’Apcher doit être effectué rapidement, afin de pérenniser les circulations ferroviaires de voyageurs et de fret sur cette section.
Je vous confirme que l’État est prêt à déployer sa part de financement pour réaliser cette opération. Les discussions se poursuivent avec les régions Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes pour compléter le tour de table financier de ces travaux, prévus en 2024.
Madame la ministre, de manière plus générale, on ne saurait considérer que le réseau des petites lignes appartient au passé.
Ces infrastructures sont une chance pour notre pays. Elles peuvent nous aider à répondre à des enjeux majeurs, comme la lutte contre le réchauffement climatique – je rappelle à cet égard que la ligne de l’Aubrac est électrifiée sur tout son parcours –, ou encore aux questions de mobilités en milieu rural, auxquelles je vous sais sensible.
Ne laissez tomber ni la ligne de l’Aubrac ni aucune autre petite ligne, d’autant que le Massif central a la chance de posséder un réseau assez dense de petites lignes ferroviaires.
La parole est à Mme Martine Filleul, auteure de la question n° 483, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
Ma question porte sur l’aéroport de Lille-Lesquin.
Si la modernisation de cet aéroport est nécessaire, son extension inspire de vives inquiétudes et des réactions de rejet de la part des habitants et des élus des communes avoisinantes.
L’agence régionale de santé (ARS) a alerté sur l’effet des nuisances sonores que provoquerait l’augmentation du nombre de vols de nuit, notamment sur l’apprentissage scolaire, les troubles du sommeil et les risques d’infarctus.
Face à ces menaces, qui pèsent sur la santé et la qualité de vie de 55 000 riverains, il est absolument nécessaire d’instaurer un couvre-feu de vingt-trois heures à cinq heures du matin. Cette mesure de bon sens et de responsabilité, que l’ARS préconise, s’applique déjà à nombre d’aéroports : Beauvais, Orly, Nantes ou encore Bâle-Mulhouse. Alors, pourquoi pas aussi Lille-Lesquin ?
Voilà plusieurs mois que le Gouvernement est saisi de cette question par les parlementaires, les élus locaux et la population elle-même. À chaque occasion, vous l’esquivez en nous renvoyant à une étude d’impact. Mais ce préalable n’est pas nécessaire pour prendre la bonne décision, préconisée par tous les experts, à savoir la mise en place d’un couvre-feu.
Allez-vous, oui ou non, instaurer ce couvre-feu pour protéger la santé de nos concitoyens ?
Madame la sénatrice Filleul, l’objectif affiché par le syndicat mixte des aérodromes de Lille-Lesquin et de Merville (Smalim), propriétaire de l’aéroport de Lille-Lesquin, et par son exploitant est de porter le trafic de passagers de l’aéroport de 2, 2 millions en 2019 à 3, 4 millions en 2039. L’ambition initiale, de 3, 9 millions, a été réduite compte tenu des changements de pratiques des passagers utilisant l’avion.
En raison de la restructuration de la compagnie Hop ! à la sortie de la crise sanitaire, qui a conduit au maintien d’une seule ligne régulière – vers Lyon – et à l’abandon des dessertes de Bordeaux, Nantes, Marseille, Nice et Toulouse, le trafic s’est élevé à 1, 8 million de passagers en 2022, le nombre de mouvements commerciaux s’élevant à 13 683, contre plus de 20 000 en 2019.
En outre, le Smalim et l’exploitant ont pris l’engagement de plafonner le nombre de vols de nuit au niveau de 2019, soit 1 566 mouvements hors vols d’avions de l’État et vols sanitaires.
Une étude d’impact, selon la méthodologie de l’approche équilibrée, a de plus été lancée à la demande du ministre chargé des transports. Elle est pilotée par le préfet du Nord.
De tels travaux préparatoires sont imposés par la réglementation nationale avant toute mesure de restriction d’exploitation sur un aéroport comme celui de Lille. Cette étude comprend des analyses socioéconomiques et des étapes de concertation de l’ensemble des parties prenantes du territoire. Elle permettra de déterminer les mesures de réduction du bruit et d’éventuelles restrictions d’exploitation adaptées à la situation locale et proportionnées d’un point de vue socioéconomique.
Une large concertation sera organisée dans ce cadre. Un point d’avancement est ainsi prévu lors de la réunion de la commission consultative de l’environnement (CCE), en juin prochain.
Madame la ministre, votre début de réponse ne correspond pas du tout à ce que j’attendais.
La modernisation économique est évidemment bienvenue, mais le plafonnement des vols de nuit n’est pas une solution satisfaisante.
Quant à l’étude d’impact en juin, j’en accepte l’augure. Vous évoquez l’échéance de juin. Mais sachez que les populations comme les élus du territoire sont très impatients de voir ces préconisations mises en œuvre.
La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, auteur de la question n° 415, transmise à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
L’association de défense des riverains de l’aéroport de Paris-Orly (Drapo), que préside M. Gérard Bouthier, rassemble à ce jour plus de trente communes et trente associations riveraines de l’aéroport. À leurs côtés, nous militons depuis plus de vingt ans pour une exploitation rationnelle de l’infrastructure.
Cette approche vise à prendre en compte la protection de la santé, le respect des droits des populations survolées, ainsi que les impératifs d’une activité territoriale responsable et durable.
Le 12 juillet 2021, nous avons appelé à l’application du règlement européen qui établit les normes et procédures pour la réduction du bruit des grands aéroports.
Ce règlement exige que les États membres désignent une ou plusieurs autorités compétentes, indépendantes de toute organisation participant à l’exploitation de l’aéroport. Or, en retenant la direction générale de l’aviation civile (DGAC) comme autorité compétente, l’État français ne s’est pas conformé à cette règle d’indépendance.
Aussi, par sa décision du 5 avril 2022, le Conseil d’État a reconnu que la DGAC n’était pas impartiale et a demandé à la Première ministre de nommer une nouvelle autorité indépendante dans les six mois. Pourtant, voilà dix mois que la DGAC est toujours juge et partie.
Le Gouvernement peut-il nous expliquer pourquoi l’injonction du Conseil d’État n’est pas suivie d’effet ?
Monsieur le sénateur Hugonet, vous appelez notre attention sur la pollution sonore engendrée par le trafic de l’aéroport de Paris-Orly, qui est d’ores et déjà soumis à un ensemble de contraintes à visée environnementale faisant l’objet d’une surveillance stricte par les autorités locales de l’aviation civile.
Depuis 1968, un couvre-feu y est en vigueur entre vingt-trois heures trente et six heures du matin. En outre, l’aéroport fait l’objet d’un plafonnement à 250 000 créneaux par an.
Adopté le 17 mars 2022, le plan de prévention du bruit dans l’environnement (PPBE) propre à l’aéroport d’Orly est par ailleurs le seul plan fixant un objectif de réduction de bruit quantifié : il s’agit de diminuer d’au moins 6 décibels l’indicateur moyenné de gêne sonore ressentie en période nocturne entre vingt-deux heures et six heures du matin tout en réduisant de 50 % le nombre de personnes affectées par de fortes perturbations du sommeil parmi la population exposée au bruit aérien sur la même période.
Une étude d’impact selon l’approche équilibrée, en application du règlement (UE) n° 598/2014, examinera les mesures et restrictions d’exploitation complémentaires qui pourraient être mises en œuvre pour atteindre cet objectif.
Comme vous le soulignez, par une décision du 5 avril 2022, le Conseil d’État a remis en cause le rôle de la DGAC comme autorité compétente en matière d’études d’impact, selon ladite approche.
Un projet de décret portant désignation d’une nouvelle autorité compétente est actuellement soumis à l’examen du Conseil d’État. L’aboutissement de cette réforme est un préalable indispensable à la réalisation de l’étude d’impact que j’évoquais.
Je vous assure que le Gouvernement est attaché aux politiques publiques concourant à la lutte contre les nuisances sonores.
M. Jean-Raymond Hugonet. Qu’en termes galants ces choses-là sont dites !
Sourires.
Madame la ministre, je vous le dis avec tout le respect que j’ai pour vous : votre gouvernement bafoue une décision du Conseil d’État. Il avait six mois pour désigner une nouvelle autorité compétente, et ce n’est toujours pas fait.
Voilà ce que nous attendons. Une nouvelle fois, je ne vous mets pas en cause personnellement, mais je déplore le sabir technocratique dans lequel vous nous répondez. Ce que nous voulons, c’est la désignation ferme et définitive d’une autorité totalement indépendante. Je le répète, tel n’est pas le cas de la DGAC.
La parole est à Mme Pascale Gruny, auteur de la question n° 497, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Un article du journal Le Parisien daté du 8 février 2023 évoque un désaccord entre les médecins et la Haute Autorité de santé (HAS) quant à l’efficacité de certains traitements ciblés contre le cancer.
Ces traitements disposent d’une autorisation de mise sur le marché (AMM). Selon les médecins, ils ont fait leurs preuves dans le cadre d’essais cliniques. Toutefois, la HAS estime que les données cliniques dont elle dispose aujourd’hui ne sont pas suffisantes pour considérer que le service médical rendu justifie une prise en charge par la solidarité nationale.
Face à la maladie, tous nos concitoyens doivent pouvoir bénéficier des meilleurs traitements. Il y va de leur confiance dans notre système de santé et de sécurité sociale. Dès lors, pourquoi la HAS considère-t-elle que ces traitements ne doivent pas être remboursés ? Nous avons besoin de reprendre ses décisions pour mieux les accepter. Dispose-t-elle réellement des outils nécessaires pour appréhender ces nouvelles thérapies ?
Madame la sénatrice, mon collègue François Braun regrette de ne pouvoir être présent et me prie de vous fournir les éléments de réponse suivants.
En France comme en Europe, l’évaluation des produits de santé vise à garantir que les médicaments autorisés présentent un degré d’efficacité suffisant et un profil bénéfice-risque jugé favorable au regard des alternatives disponibles.
Dans notre pays, la prise en charge des produits de santé en général et des médicaments en particulier repose sur une double exigence : premièrement, parmi les médicaments au profil bénéfice-risque jugé favorable, il convient d’identifier les médicaments présentant un niveau d’efficacité justifiant leur prise en charge et, dans le cadre d’accès précoces, les médicaments pour lesquels la présomption de bénéfice est suffisamment forte pour assurer la prise en charge ; deuxièmement, il faut permettre à l’ensemble des patients éligibles d’accéder à ces médicaments.
La HAS est chargée, de manière collégiale et en toute indépendance, d’évaluer, pour chaque médicament dont on demande le remboursement par l’assurance maladie, le service médical rendu (SMR) et l’amélioration de ce dernier par rapport aux alternatives existantes.
Son niveau d’exigence est élevé, en particulier concernant les données soumises aux industriels en vue de cette évaluation. Des études cliniques comparatives randomisées en double aveugle restent ainsi un prérequis. Néanmoins elles sont parfois impossibles. Au sein de la HAS, la commission de la transparence a donc fait évoluer ses modalités d’évaluation pour tenir compte de ces situations particulières.
Si, pour certains traitements, la HAS conclut à une absence de SMR, elle ne prononce pas pour autant un refus de remboursement : s’ils sont destinés à l’hôpital, ces traitements sont pris en charge au travers des tarifs hospitaliers.
En parallèle, certains traitements font l’objet d’AMM dites « conditionnelles ». Cela signifie que le rapport bénéfice-risque n’a pas été confirmé de manière certaine et que l’Agence européenne du médicament (EMA) conditionne son autorisation à la collecte de nouvelles données pour confirmer la présomption de bénéfice clinique.
Enfin, notre système national de prise en charge précoce des médicaments permet aux patients souffrant de maladies graves et rares, pour lesquelles il n’y a pas d’autre traitement approprié disponible en France, d’accéder aux traitements présumés innovants. Ce système unique permet aux patients français d’accéder aux traitements les plus innovants, avant même qu’ils ne disposent d’une autorisation de mise sur le marché.
Madame la ministre, en l’occurrence, ce sont des médecins qui ont réagi : des médecins qui expérimentent eux aussi les médicaments en question dans le cadre d’essais cliniques. Nous ne parlons donc pas seulement des patients.
Nous devons raisonner à l’échelle de l’Union européenne. Ces médicaments sont homologués en Europe, mais non en France. En parallèle, notre pays fait face à une pénurie de médicaments en partie due à des questions de prix ; et, bien entendu, ces médicaments innovants sont plus chers.
On ne peut pas accepter que de telles considérations financières s’immiscent dans les questions de santé.
Cette perte de chance est inexplicable pour les patients. J’espère que le ministre de la santé entendra notre demande ; elle ne doit en aucun cas être balayée d’un revers de main.
La parole est à M. François Bonneau, auteur de la question n° 487, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a commencé à publier les résultats du vote organisé à la suite de la deuxième phase de la convention sur la fin de vie, au mois de février 2023. Au total, 75 % des citoyens interrogés se sont prononcés en faveur d’une aide active à mourir, qu’il s’agisse du suicide assisté ou de l’euthanasie, aux personnes majeures ou mineures, sans que le pronostic vital soit nécessairement engagé.
Toutefois, la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, ainsi qu’un rapport du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) publié en 2022 suggèrent que l’aide à mourir doit être circonscrite et soumise à des conditions strictes, comme une affection grave et incurable, ou bien lorsque le pronostic vital est engagé.
Ces dispositions figurent également dans de nombreuses législations étrangères encadrant l’aide à mourir. Il s’agit de pays dont on parle régulièrement : la Belgique, les États-Unis, l’Autriche ou encore les Pays-Bas.
Même si l’accompagnement de la fin de vie doit faire l’objet de réformes, au vu du « mal mourir », la mauvaise prise en charge de la souffrance met en lumière des inégalités d’accès aux soins palliatifs. Selon un rapport sénatorial publié en 2021, vingt-six départements, en 2019, ne disposaient pas d’unité de soins palliatifs ou d’au moins un lit de soins palliatifs pour 100 000 habitants.
Ainsi, je tiens à connaître la position du Gouvernement sur la fin de vie et le droit à mourir. Plus précisément, quelles politiques va-t-il mettre en œuvre pour améliorer l’accompagnement de la souffrance en fin de vie et, notamment, renforcer l’accès aux soins palliatifs ?
Monsieur le sénateur, vous le savez, le Président de la République a souhaité que nous menions collectivement un débat sur la fin de vie.
Des travaux sont engagés à différents niveaux, par la convention citoyenne, par les commissions des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat, par la Cour des comptes et par le Gouvernement.
Olivier Véran et moi-même avons proposé à des parlementaires de chaque groupe de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi qu’à des professionnels de santé reconnus de participer à nos travaux dans le cadre de débats thématiques, portant non seulement sur l’anticipation et la culture palliatives, mais aussi sur l’accompagnement du deuil et sur la reconnaissance du rôle des aidants dans la fin de vie. Ces travaux forment le terrain d’une future stratégie d’accompagnement de la fin de vie que j’appelle de mes vœux.
À cet égard, il paraît d’ores et déjà nécessaire de prévoir une feuille de route pour renforcer notre politique de développement des soins palliatifs et d’accompagnement de la fin de vie. J’ai ainsi demandé que la procédure de rénovation de la circulaire de 2008 relative à l’organisation des soins palliatifs, texte déjà ancien et en partie obsolète, soit engagée sans attendre.
En outre, une troisième édition de l’Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie en France vient d’être publiée. Elle souligne les progrès accomplis pour l’installation d’unités de soins palliatifs.
Certes, vingt départements ne disposent pas aujourd’hui d’une telle unité, mais ils ne sont pas pour autant privés de toute offre en la matière. Les cartes détaillant la situation par département précisent le nombre d’équipes mobiles de soins palliatifs, dont 171 sont déployées sur l’ensemble du territoire national, et le nombre de lits de soins palliatifs, en établissement sanitaire comme en service de soins de suite et de réadaptation.
Au fil des auditions que j’ai pu mener et de mes déplacements, dans nos territoires comme à l’étranger, dans les services de soins palliatifs comme au domicile de certains malades et aidants, j’ai pu rencontrer à la fois des soignants, des personnels et des bénévoles très investis et mus par une profonde humanité.
Si beaucoup a déjà été fait, je souhaite que l’on franchisse un nouveau cap pour assurer une intégration palliative effective à même de répondre aux besoins des Français.
Vous l’aurez compris, le dialogue national engagé est loin d’être achevé. Mais, quelle qu’en soit l’issue, il faut garder à l’esprit le caractère profondément singulier, douloureux et complexe de chaque situation de fin de vie.
Madame la ministre, je vous remercie de toutes ces informations. Je ne doute pas de votre volonté, mais, comme vous le savez, dans les pays où la législation est la plus avancée, les unités de soins palliatifs ont parfois été les grandes perdantes des choix opérés.
J’attire tout particulièrement votre attention sur ces services. Vous l’avez rappelé, les situations dont il s’agit sont à la fois très douloureuses et tout à fait singulières.
La parole est à Mme Laurence Harribey, auteure de la question n° 462, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Ma question porte sur l’impact du prix des médicaments sur la situation des entreprises produisant, en France, des médicaments matures.
Aujourd’hui, ces entreprises sont doublement pénalisées. Non seulement l’inflation alourdit le coût des intrants et de l’énergie, mais une réglementation toujours plus contraignante renchérit les coûts de production.
Le prix des médicaments fixé par un accord-cadre conclu avec le Comité économique des produits de santé (CEPS). Or, chaque année, les budgets couvrant l’achat des médicaments matures sont revus à la baisse. De fait, la situation financière de ces entreprises est de plus en plus précaire.
Notre souveraineté sanitaire et l’accès de nos concitoyens aux médicaments dépendent beaucoup de ces entreprises.
Le CEPS est tenu de fixer le prix des médicaments en prenant en compte l’impératif de sécurité d’approvisionnement. Comment cette disposition est-elle effectivement mise en œuvre aujourd’hui ?
Madame la sénatrice, le ministre François Braun regrette de ne pouvoir être présent ce matin.
La tarification d’un médicament s’appuie majoritairement sur sa valeur clinique, notamment sur son niveau d’amélioration du service médical rendu (ASMR). Un nouveau critère a toutefois été créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 pour mieux prendre en considération la sécurité d’approvisionnement du marché français, qui garantit l’implantation industrielle.
Afin de l’appliquer concrètement, le CEPS a élaboré une doctrine de critères d’éligibilité et de niveau de valorisation. Récemment finalisée, celle-ci peut dorénavant être mise en pratique.
Pour les entreprises commercialisant des produits essentiels, lorsque le niveau de prix ne serait plus compatible avec la garantie d’un maintien sur le marché, l’article 28 de l’accord-cadre signé entre le CEPS et les industriels permet d’accéder à une hausse de prix dès lors que les critères d’éligibilité prédéfinis sont réunis.
Les postes de surcoût pris en compte sont ceux qui sont liés à la matière première. Toutefois, un élargissement de ce périmètre au surcoût lié à la production dans sa globalité pourrait être considéré pour des médicaments de forte criticité sanitaire et industrielle.
Une liste de médicaments stratégiques d’intérêt sanitaire est par ailleurs en cours d’élaboration avec les sociétés savantes, afin de définir les molécules pour lesquelles le levier du prix pourra être actionné s’il se révèle pertinent pour assurer leur maintien sur le marché.
Finalement, une mission interministérielle sur les mécanismes de régulation et de financement des produits de santé a été lancée en janvier dernier, sous l’égide de la Première ministre, dont les conclusions sont attendues pour l’été prochain. Ses principaux objectifs sont le renforcement de notre tissu productif, notamment pour les produits matures essentiels, dans un objectif de souveraineté sanitaire, l’attractivité des territoires pour les industriels et la relocalisation de produits de santé stratégiques.
Ainsi, le Gouvernement est pleinement mobilisé autour de l’enjeu prioritaire qu’est la régulation du prix du médicament pour répondre aux enjeux actuels comme à venir.
Madame la ministre, je vous remercie des éléments que vous avez avancés.
Cependant, je souhaite souligner que l’accord-cadre entre le CEPS et les entreprises du médicament ne répond pas suffisamment à l’enjeu, en particulier son article 28. Celui-ci ne prévoit une hausse du prix des médicaments que lorsque l’arrêt de la production ou de la commercialisation empêcherait de couvrir un besoin thérapeutique, comme vous l’avez expliqué.
Or, dans le cas présent, il s’agit de garantir la diversification des approvisionnements. Lors d’une récente audition menée avec Pascale Gruny, mon interlocuteur m’a confié qu’une seule augmentation de prix avait été consentie, pour un montant de seulement 2 centimes la boîte.
Il est important de rappeler que le CEPS est placé sous la tutelle du Gouvernement ; il est donc de votre responsabilité d’agir à cet égard. J’espère que la mission à laquelle vous avez fait référence permettra d’aller beaucoup plus loin, car la question est importante.
La parole est à M. Guy Benarroche, auteur de la question n° 458, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Dans le cadre de la stratégie d’investissement issue du Ségur de la santé, des priorités ont été identifiées dans mon département, les Bouches-du-Rhône.
Cette volonté de réinvestir dans notre système de santé constitue une opportunité pour notre territoire de moderniser ses infrastructures et d’adapter ses capacités et ses services aux évolutions démographiques prévues à l’horizon 2030-2050, voire au-delà. Elle offre également l’occasion d’anticiper sur les métiers et sur les personnels qui seront nécessaires.
Cependant, depuis la mise en œuvre de ce dispositif, les différents projets du Ségur sont confrontés à une forte inflation de leurs coûts, notamment en raison de l’augmentation des prix de l’énergie et des matières premières.
Les hôpitaux concernés ne peuvent pas cofinancer les projets prévus, car ils sont déjà très déficitaires et dépendent des aides de l’ARS.
Dans les Bouches-du-Rhône, par exemple, les projets de construction des centres hospitaliers de Salon-de-Provence, avec un apport de 78 millions d’euros de l’ARS pour un projet estimé à 130 millions d’euros, et d’Aubagne, avec un apport de 92 millions d’euros de l’ARS pour un projet estimé à 115 millions d’euros, font face à des surcoûts d’environ 30 %.
Ces projets deviennent donc difficilement soutenables, et il est demandé, par exemple, de revoir à la baisse les orientations du projet d’Aubagne, qui devait être un campus de la santé, en en retirant la partie médico-sociale et en révisant son dimensionnement capacitaire. Actuellement, le coût du projet est estimé à 140 millions d’euros, sans le médico-social.
Il est crucial de répondre aux besoins en santé des habitants vivant dans les communes concernées, ainsi que dans celles du Var qui sont proches d’Aubagne, en construisant un centre hospitalier moderne, avec un nombre de lits et des services adaptés aux besoins et facilement accessibles. Tous les maires du territoire le demandent.
Nous ne pouvons pas bâtir un nouvel hôpital uniquement en fonction du budget ; il faut tenir compte des besoins de la population pour les cinquante prochaines années.
C’est pourquoi je vous demande de préciser le montant du soutien financier supplémentaire de l’État à ces projets, à la suite de ces surcoûts, et de garantir que les besoins en santé des habitants de ces territoires, notamment à moyen terme et à long terme, seront bien pris en considération pour le déterminer.
Monsieur le sénateur, les effets successifs et conjugués de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine conduisent à une augmentation des coûts de construction. Cette situation appelle une certaine prudence de la part des porteurs de projets et les contraint à reconsidérer l’estimation de leurs opérations, pour tenir compte de ces nouveaux coûts et provisionner des aléas économiques cohérents avec l’inflation prévisionnelle.
Les réévaluations s’élèvent effectivement, pour les projets que vous citez, à environ 30 % par rapport aux données de la programmation initiale dans le cadre du Ségur consacré aux investissements.
Le ministère de la santé est conscient que les établissements peuvent difficilement absorber une telle augmentation des coûts. Des alternatives sont en cours d’analyse pour identifier des sources complémentaires qui permettraient d’équilibrer leur plan de financement. Les collectivités locales ont ainsi pu être sollicitées de nouveau ; dans les ARS, des travaux sont menés sur le rééchelonnement possible de certains projets.
J’en viens plus particulièrement à celui d’Aubagne. Ce projet de reconstruction est celui pour lequel l’aide provisionnelle de l’ARS est la plus élevée en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca). En effet, le centre hospitalier Edmond Garcin occupe une place importante dans l’offre sanitaire de proximité de l’est des Bouches-du-Rhône, que nous entendons consolider.
La situation financière dégradée de l’établissement a conduit l’ARS à positionner un niveau d’accompagnement prévisionnel très élevé, dont le montant sera définitivement arrêté au moment de la validation du projet.
Ainsi, afin de prendre en compte ces évolutions, le projet médical et le projet immobilier sont en cours de consolidation et donnent lieu à de nombreux échanges avec l’établissement, en lien avec les services de la préfecture et de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM).
C’est dans ce contexte que le choix a été fait de privilégier une approche différenciée entre le volet sanitaire et le volet médico-social de ce projet en particulier, ce qui pourra entraîner un décalage dans le calendrier des deux volets, afin de poursuivre la réflexion autour de l’organisation future de l’offre médico-sociale locale, en lien avec les autres acteurs du territoire. Cette réflexion intègre la question de l’implantation des sites, de la recomposition de l’offre et du développement d’une offre innovante.
Il ne s’agit donc pas d’un report sine die du volet médico-social, mais bien d’une maturation de la réflexion à son sujet, afin de prendre en compte les spécificités propres au développement d’un tel projet, qui, dans la situation actuelle, doit avancer séparément et dans un calendrier dédié, tout en permettant au projet sanitaire de progresser pour répondre aux besoins de la santé.
La parole est à M. Ronan Le Gleut, auteur de la question n° 320, transmise à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Madame la ministre, la réforme instaurant la protection universelle maladie (PUMa) emporte des conséquences particulièrement néfastes pour les Français établis hors de France.
J’ai été récemment saisi de la situation d’une personne en situation de handicap, dans l’incapacité de travailler, résidant en Argentine avec ses parents retraités, dont elle est l’ayant droit majeure.
Elle vient d’être brusquement désaffiliée de la sécurité sociale et se retrouve sans la moindre couverture sociale si des soins lui étaient nécessaires lors d’un séjour en France. Cette situation touche également de nombreuses femmes qui n’ont que peu ou pas travaillé, qui ont suivi leur mari à l’étranger et qui se retrouvent confrontées à la même difficulté à l’heure de la retraite.
En effet, avant la réforme, le statut d’ayant droit majeur permettait aux personnes qui ne remplissaient pas les conditions de résidence, notamment les épouses ou les personnes en situation de handicap sans activité professionnelle, d’être affiliées à l’assurance maladie, généralement par le biais de leur conjoint ou d’un des parents lui-même affilié à la sécurité sociale.
La réforme PUMa a supprimé ce statut, créant une situation profondément injuste pour nos compatriotes résidant hors de l’Union européenne, dans les pays sans convention bilatérale de sécurité sociale ou dans ceux dans lesquels la convention bilatérale n’inclut pas les membres de la famille.
Bouleversant subitement un modus operandi datant de plusieurs décennies, cette réforme a pour conséquence que les anciens ayants droit qui résident dans ces pays ne peuvent plus bénéficier de la prise en charge de leurs frais de santé lors de leurs courts séjours en France, sauf à contracter une assurance supplémentaire auprès de la caisse des Français de l’étranger (CFE), ce qui double quasiment le montant de leurs cotisations. Cette loi a donc des effets pervers non anticipés pour les Français établis hors de France.
Je souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour que nos compatriotes qui résident dans ces pays continuent à bénéficier de la protection de l’assurance maladie lors de leurs séjours en France.
Monsieur le sénateur, la réforme de 2016 instaurant la PUMa permet à toute personne travaillant et/ou résidant en France de manière stable et régulière de bénéficier de la prise en charge de ses frais de santé.
Pour justifier de la stabilité de sa résidence en France, une personne n’exerçant pas d’activité professionnelle doit fournir un justificatif démontrant qu’elle réside en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois. Certaines catégories de personnes n’ont pas à justifier de cette condition. C’est le cas, notamment, des membres de familles qui rejoignent ou accompagnent, pour s’installer en France, un assuré d’un régime de sécurité sociale obligatoire français.
L’article D. 160-2 du code de la sécurité sociale établit une liste des catégories de personnes qui peuvent accéder à la prise en charge des frais de santé sans répondre aux critères de résidence ininterrompue depuis plus de trois mois. Bien que les Français de l’étranger n’y soient pas mentionnés en tant que tels, ils peuvent, dans certaines conditions, bénéficier de la prise en charge de leurs frais de santé dès leur retour en France.
Enfin, il convient de rappeler que la PUMa n’a rien modifié concernant le critère de résidence stable : le dispositif précédent, la couverture maladie universelle (CMU), prévoyait déjà cette condition. La mise en place de la PUMa a, au contraire, introduit une simplification des démarches pour l’assuré et ses ayants droit, afin de mieux garantir la continuité de leurs droits et la prise en charge de leurs frais de santé.
La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, auteur de la question n° 513, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
À Carpentras, dans le Vaucluse, la partie service public du pôle santé public-privé va devoir fermer la nuit dès le 3 avril prochain, et peut-être définitivement, deux de ses unités, les urgences et la maternité, en raison de l’application de la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist.
L’intensification, ces dernières années, du recours à l’intérim médical a conduit à une surenchère en matière de rémunération. Outre l’impact financier dans les budgets des établissements de ce système, les plannings de garde sont aujourd’hui très dépendants de ces médecins. À Carpentras, ceux-ci représentent 40 % des praticiens et un quart des contrats, et ne souhaitent pas poursuivre leur mission au tarif imposé de 1 170 euros brut par mission de vingt-quatre heures, préférant se diriger vers les établissements privés.
Les hôpitaux se retrouvent donc, à quinze jours de l’application de la loi Rist, dans une situation insoluble. Monter un planning était déjà un casse-tête avant cette fermeture, mais le faire en avril, sans intérimaire, est une mission impossible pour les chefs de service. Tous les services – accueil des urgences et service mobile d’urgence et de réanimation (Smur), gynéco-obstétrique, anesthésie-réanimation, pédiatrie, médecine et gériatrie – sont désorganisés.
À ce jour, les habitants du Comtat Venaissin, 90 000 personnes hors saison touristique, 200 000 en été, sont systématiquement dirigés vers le centre hospitalier d’Avignon, qui est déjà submergé.
Aujourd’hui, c’est Carpentras qui est fortement impacté, mais qu’en sera-t-il demain à Cavaillon, à Apt, à Orange ou à Vaison-la-Romaine ? L’ARS se dit pleinement mobilisée pour éviter un scénario catastrophe, mais quels sont ses moyens pour agir à court terme ?
L’heure n’est plus aux discussions autour de la revalorisation des salaires des praticiens hospitaliers, qui aurait dû être réalisée il y a bien longtemps, non plus qu’aux débats sur le numerus clausus : il faut trouver des médecins avant le 3 avril.
Toute l’offre de soins dans le Vaucluse, où ces hôpitaux de proximité jouent un rôle primordial, est désorganisée par la mise en œuvre de la loi Rist. La proximité constitue pourtant un enjeu majeur d’efficacité de la médecine d’urgence, avec la connaissance du terrain et des acteurs concernés, gage de chance pour les patients.
Madame la ministre, les praticiens hospitaliers, les infirmiers, les pompiers, les médecins, les Carpentrassiens, tout simplement, et, au-delà, les Vauclusiens, attendent des garanties de l’État. Le 3 avril au soir, chaque Vauclusien aura-t-il encore accès à un service d’urgence en moins de trente minutes de chez lui ?
Monsieur le sénateur, vous évoquez les dispositions relatives à la régulation de l’intérim.
Concernant l’application de la loi Rist, garantir à chacun de nos concitoyens des soins adaptés et accessibles localement constitue une priorité pour le ministère de la santé. Notre politique vise à lutter non pas contre l’intérim, qui peut parfois apporter une solution à certaines situations de tension conjoncturelle en ressources humaines, mais contre ses dérives, qui mettent en péril l’équilibre de notre système de santé.
Ce système représente un poids financier majeur pour l’hôpital public, avec certaines rémunérations pouvant atteindre 6 000 euros pour vingt-quatre heures. Nous n’acceptons pas que l’argent des Français serve à entretenir ce type d’abus, qui correspondent à autant de moyens en moins pour revaloriser les carrières hospitalières. Ces situations engendrent une profonde iniquité vis-à-vis des praticiens qui s’investissent durablement à l’hôpital.
La loi prévoit déjà depuis 2016 un plafonnement des rémunérations à 1 170 euros brut par vingt-quatre heures, mais elle n’est pas appliquée, et les infractions n’ont cessé de se développer. La loi Rist prévoit donc la mise en place de contrôles pour la faire respecter.
Plusieurs fois reportée, l’échéance retenue pour le démarrage de ce dispositif est le 3 avril 2023. Il est de la responsabilité du ministère de la santé et de la prévention de faire appliquer la loi votée par les représentants de la Nation et d’œuvrer à la reconstitution des collectifs de travail dans les hôpitaux.
Face aux difficultés transitoires que nous avons anticipées, les ARS travaillent avec le réseau des finances publiques et les établissements pour mobiliser tous les acteurs, publics comme privés, afin de maintenir la continuité des soins. Des solutions alternatives sont étudiées au cas par cas dans chaque territoire, en fonction du contexte local, dans une logique de solidarité territoriale.
Les collectivités et les élus locaux sont des maillons essentiels de la réussite des politiques de santé. Une organisation dédiée a ainsi été mise en place au sein du ministère pour identifier les situations particulièrement signalées par les élus. Nous étudierons, en lien avec les ARS et leurs délégations territoriales, toutes les situations de blocage qui nécessitent une attention ou une intervention particulière.
Pour Carpentras, depuis plusieurs années, le centre hospitalier fait appel à des vacations médicales pour compléter les tableaux de garde et assurer la continuité des activités d’urgences, de maternité, mais également de médecine.
La mise en œuvre de la loi Rist constitue un changement important, qui impose de revoir les rémunérations des médecins vacataires. Le centre hospitalier met déjà régulièrement en œuvre des plans de continuité des activités lors de certaines périodes de tension, notamment durant les congés d’été et de fin d’année.
Des leviers en termes de ressources humaines vont être mobilisés, par autorisation du directeur général de l’ARS : augmentation de la prime de solidarité territoriale et recours à l’emploi contractuel au titre de difficultés particulières de recrutement ou d’exercice pour une activité nécessaire à l’offre pour les territoires. Enfin, des adaptations organisationnelles devront être envisagées.
La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, auteur de la question n° 469, adressée à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
Madame la ministre, le dialogue entre l’exécutif et les élus locaux semble être toujours aussi compliqué, ce que je regrette profondément. Le couple maire-préfet, vanté par le Président de la République en novembre dernier au salon des maires et des collectivités locales (SMCL), apparaît comme peu opérant dans les faits.
La fermeture, plus ou moins arbitraire, et sans aucune concertation des élus locaux, de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) intercommunal de la Durance, situé dans les Bouches-du-Rhône, et plus précisément sur le site de Cabannes, en apporte une nouvelle illustration.
Je ne souhaite pas ici contester le fond de la décision, mais bien sa forme, c’est-à-dire le manque de considération envers les élus locaux, le personnel de santé et, surtout, les pensionnaires qui a présidé à ce processus. Le maire de la commune a ainsi appris cette fermeture le 16 novembre dernier, par communication orale du directeur. Depuis ce jour, force est de constater qu’aucune communication officielle de l’ARS ne l’a confirmée.
Néanmoins, nous sommes placés devant le fait accompli, puisque la totalité des résidents de la maison de retraite ont d’ores et déjà été transférés sur un autre site d’accueil.
Au-delà du choc psychologique, pour ces résidents, la commune de Cabannes, propriétaire du bâti dorénavant inoccupé, a la lourde responsabilité de proposer un projet de réaffectation de cette structure, sans accompagnement de l’État et sans une quelconque indemnité de compensation, faute d’avoir été impliquée dans la décision.
De surcroît, cette petite commune de 4 400 habitants est frappée de plein fouet depuis plusieurs années par la désertification des services publics. Après la perte de son bureau de poste en 2020, cette décision unilatérale s’apparente pour elle à une double peine.
Madame la ministre, pouvez-vous confirmer de manière officielle la fermeture du site de Cabannes de l’Ehpad intercommunal ? Si oui, êtes-vous en mesure de proposer un plan d’accompagnement et de soutien aux élus locaux quant à la future destination de ces bâtiments ?
Monsieur le sénateur, la situation de la maison de retraite publique intercommunale des communes de Cabannes et Noves est bien connue des équipes du ministère des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, qui la suivent depuis de nombreux mois.
Je sais, à ce titre, que des échanges ont lieu régulièrement au niveau local avec l’ARS. Le directeur départemental des Bouches-du-Rhône avait ainsi adressé, en date du 19 janvier 2023, un courrier à M. Gilles Mourgues, maire de Cabannes, rappelant que les difficultés de l’établissement n’étaient ni récentes ni conjoncturelles et ouvrant sur une proposition de rencontre.
Déjà concerné par des enjeux en termes d’attractivité, mais aussi par une dégradation financière inquiétante ces derniers mois, l’établissement avait vu sa situation s’aggraver à l’automne dernier, lorsque des fournisseurs avaient fait savoir qu’ils bloquaient les comptes et refusaient de livrer les commandes.
Au-delà des mesures d’urgence prises, une réflexion structurelle était donc nécessaire, portant notamment sur la question du double site, une caractéristique ancienne de l’établissement.
Plusieurs pistes ont été étudiées. Le 21 février, un conseil d’administration a eu lieu sur site, avec des représentants de l’ARS et du conseil départemental. Deux délibérations ont été adoptées, l’une concernant le transfert des lits du site de Cabannes vers celui de Noves, l’autre le projet d’évolution de l’offre de prise en charge par la transformation d’un pôle d’activités et de soins adaptés (Pasa) de jour en Pasa de nuit sur le site de Noves, et la création d’un centre de ressources territorial couvrant en priorité la commune de Cabannes.
À ce jour, les résidents du site de Cabannes ont été transférés vers les Ehpad environnants, dont celui de Noves, en priorité. Un accompagnement personnalisé de chacun des résidents avait très tôt été mis en place, avec la nomination d’un psychologue pour faciliter cette orientation. Le personnel titulaire a par ailleurs été entièrement repris par le site de Noves.
Je sais que l’agence régionale de santé reste pleinement mobilisée sur ce dossier et qu’elle est particulièrement attentive au suivi de ses conséquences pour la commune de Cabannes, les résidents, les familles et les professionnels.
La parole est à M. Denis Bouad, auteur de la question n° 443, transmise à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
Les associations du secteur sanitaire et social sont des acteurs essentiels dans nos territoires. Leur action en matière d’insertion, d’hébergement ou d’accompagnement social est indispensable pour aider les plus fragiles. La qualité de leur travail, en partenariat étroit avec les élus locaux, a d’ailleurs été unanimement saluée au moment de la crise du covid-19.
Cependant, ce secteur est marqué depuis plusieurs années par la forte expansion de grands groupes, qui ont leur siège en zone urbaine et dont le champ d’action s’étend sur l’ensemble du territoire national.
Cette transformation du paysage associatif s’explique en grande partie par la logique de prestation qui détermine désormais les relations entre les pouvoirs publics et les associations. Les appels à projets et à manifestation d’intérêt se multiplient depuis plusieurs années ; s’ils ont un objectif légitime de rationalisation des dépenses publiques, on peut néanmoins s’inquiéter de la concurrence qu’ils imposent aux associations intermédiaires, lesquelles constituent pourtant des acteurs de proximité essentiels dans la vie de nos territoires.
Ces dernières créent de l’emploi localement, elles ont développé une réelle expertise sur leur territoire et elles sont aussi les garantes de l’innovation sociale face à l’homogénéisation des solutions. Dans un souci d’efficacité de nos politiques publiques, il est donc important de préserver le pluralisme associatif pour garantir une diversité des interlocuteurs.
Compte tenu de l’utilité de ces associations intermédiaires sur le terrain, notamment dans nos territoires ruraux et périurbains, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour préserver notre tissu associatif local et rééquilibrer le rapport de force entre elles et les grands groupes ?
Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner que le pluralisme de notre tissu associatif est une richesse qu’il nous faut préserver. Au plus près de nos concitoyens, les associations, petites et grandes, font preuve d’initiative, répondent à des besoins précis et accompagnent les publics les plus précaires. Le Gouvernement leur rend bien sûr hommage et se place à leur côté, en soutien.
J’entends vos remarques sur la concentration et la polarisation du secteur, qui mériteraient d’être objectivées. Cependant, je ne tiens pas à opposer les petits et les grands acteurs, qui œuvrent en complémentarité, le plus souvent dans de très bonnes conditions. Nous avons besoin d’acteurs au réseau développé, capables de porter des programmes ambitieux, ainsi que de plus petites structures, parfois plus agiles, au niveau local.
Par exemple, le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées et celui de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ont lancé ensemble, il y a peu, le programme Mieux manger pour tous !, doté de 60 millions d’euros en 2023, qui aura notamment pour vocation d’appuyer les démarches innovantes des territoires.
La responsabilité du Gouvernement en la matière est de parler à tous les acteurs et de les soutenir tous lorsque les difficultés s’accentuent. C’est ce que nous avons fait en les accompagnant dans la mise en œuvre des mesures de revalorisation salariale liées au Ségur. C’est encore ce que nous faisons en cette période d’inflation, avec l’application des mesures, comme le bouclier tarifaire, à toutes les structures.
Il nous faudra bien sûr aller plus loin. Le secrétariat d’État auprès de la Première ministre chargé de l’économie sociale et solidaire et de la vie associative mène actuellement les assises de la simplification associative. Celles-ci donneront lieu à une feuille de route pour mettre en œuvre des projets précis et les dirigeants et bénévoles des associations de toutes tailles sont impliqués dans toutes les phases de cette concertation. C’est une autre façon de continuer à faire vivre ce pluralisme qui nous est cher.
Madame la ministre, j’entends votre réponse et je ne suis pas loin de la partager, mais j’appelle votre attention sur les difficultés que peuvent connaître nos associations de proximité ; elles ne sont pas toutes très petites !
La parole est à Mme Else Joseph, auteure de la question n° 085, adressée à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
L’aide à domicile et l’aide à l’autonomie des personnes sont indispensables dans notre société. Ce sont des missions auxquelles un conseil départemental ne peut pas se dérober.
Voilà quelques mois, le département des Ardennes a voté la revalorisation de l’indemnité kilométrique à 45 centimes d’euros pour tous les personnels qui interviennent dans les services d’aide à domicile tarifés par le département. Cela n’avait pas été fait depuis 2008. Cette revalorisation est essentielle, mais nos départements ne peuvent pas supporter à eux seuls des charges qui ont un impact sur leur budget.
Permettez-moi de rappeler un point trop souvent méconnu à Paris : 600 000 euros de plus, cela semble dérisoire, « epsilonesque », mais dans les Ardennes, cela représentait un point de fiscalité lorsque l’on pouvait lever l’impôt. Une telle charge conduit à faire des choix. Nous n’avons pas souhaité sacrifier l’aide à domicile, car, au-delà des chiffres, celle-ci touche aux personnes, à l’humain, au lien social.
Aider les personnes à domicile, c’est un cri du cœur : notre département n’entend pas se dérober à sa vocation de solidarité. C’est aussi un cri d’alarme : ne laissez pas nos conseils départementaux seuls ! La situation est délicate en ce moment ; les infirmières territoriales et libérales, ainsi que les aides à domicile sont mises sous pression et se dépensent sans compter, alors que leurs charges sont nombreuses et reconnues, et que leurs conditions de travail se sont dégradées.
Ainsi, la spécificité des infirmières territoriales mériterait d’être prise en compte : l’accompagnement qu’elles exercent est personnalisé et il est apprécié. Leur avis est précieux auprès de la commission en charge de la mobilité du département comme pour l’évaluation de la perte d’autonomie des personnes âgées et elles s’impliquent dans le réseau départemental.
Madame la ministre, qu’envisagez-vous pour soutenir l’aide à domicile et revaloriser ce beau métier ? Comment faire pour que celui-ci reste attractif, à quelques jours de la journée nationale des aides à domicile ?
Madame la sénatrice, conscient des difficultés de recrutement dans les métiers du soin et de l’accompagnement à domicile, le Gouvernement a pris des engagements forts pour développer l’attractivité de ces métiers, notamment en matière de mobilité.
Ainsi, il a agréé l’avenant 50 à la convention collective de la branche de l’aide à domicile, qui revalorise le montant des indemnités kilométriques. Depuis le 1er octobre 2022, les salariés relevant de cette branche se voient rembourser leurs frais de déplacement à hauteur de 38 centimes d’euros par kilomètre, contre 35 auparavant.
La remise sur les prix des carburants, mise en œuvre jusqu’au 31 décembre 2022, a été remplacée par l’indemnité carburant de 100 euros, soutenant les travailleurs utilisant leur voiture pour se rendre au travail. Cette aide a bénéficié aux millions de Français ayant un revenu fiscal de référence par part inférieur à 14 700 euros, parmi lesquels un certain nombre d’aides à domicile. Pour un Français parcourant 12 000 kilomètres par an, soit la moyenne nationale, cette indemnité représente une aide d’un peu plus de 10 centimes par litre.
En outre, afin de promouvoir des moyens de transport plus écologiques, le forfait mobilité durable, issu de la loi d’orientation des mobilités, offre aux employeurs la possibilité d’attribuer une indemnité exonérée de cotisations aux salariés privilégiant les modes de transport dits « à mobilité douce ». Ce forfait est exonéré de cotisations et contributions sociales dans la limite de 700 euros par an et par salarié en 2022 et en 2023. Il a été adopté par les partenaires sociaux dans de nombreux établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) via des accords collectifs locaux agréés par l’État.
Il est également important de rappeler que les conseils départementaux peuvent mettre en place des dispositifs de soutien à la mobilité, tels que des initiatives permettant de cofinancer la location ou l’achat d’un véhicule, ou la mise en place d’une flotte de véhicules.
Bien sûr, nous devons continuer à réfléchir ensemble, dans le cadre d’une démarche plus large d’attractivité, aux mesures complémentaires susceptibles de soutenir la mobilité des professionnels.
À ce titre, le ministre Jean-Christophe Combe est pleinement mobilisé et a fait du sujet de la mobilité des professionnels un point d’intention spécifique du volet Bien vieillir du Conseil national de la refondation.
Madame la ministre, j’entends bien vos propos, mais je rappelle que nos départements, et le mien en particulier, sont au bord de l’asphyxie. Je ne suis pas convaincue que les réponses que vous venez d’apporter conduiront à améliorer l’attractivité de ce métier.
La parole est à M. Philippe Mouiller, auteur de la question n° 369, transmise à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
Ma question porte sur les incidences pour les travailleurs en situation de handicap de l’application du décret relatif au cumul de la pension d’invalidité avec d’autres revenus et modifiant diverses dispositions relatives aux pensions d’invalidité.
Les dispositions de ce décret emportent des conséquences financières injustes et pénalisantes pour les travailleurs handicapés, au sujet desquelles j’interpelle de nouveau le Gouvernement.
Ce texte introduit une nouvelle méthode de calcul des pensions d’invalidité : les personnes invalides dont les revenus d’activité dépassent le seuil du plafond annuel de la sécurité sociale ont vu le montant de leur pension d’invalidité suspendu depuis septembre 2022 sans en être informées. Cela entraîne de facto la fin du versement des rentes de prévoyance, puisque celles-ci sont assujetties au versement d’une pension d’invalidité.
Les travailleurs handicapés concernés sont donc doublement pénalisés, alors qu’ils ont cotisé pendant des années dans le cadre des contrats de prévoyance, comme les entreprises qui les emploient.
En raison de la perte de leur pension d’invalidité et, par conséquent, de leur rente de prévoyance, les travailleurs handicapés concernés se retrouvent dans une situation financière critique.
Certains d’entre eux envisagent même de cesser toute activité professionnelle alors que le travail est synonyme d’émancipation et d’indépendance financière.
Ce texte réglementaire va manifestement à l’encontre de l’esprit de la réforme, qui vise à favoriser le cumul emploi-ressources. S’il semble améliorer la situation d’un certain nombre de titulaires de pensions, nul ne doit être lésé.
Quelles mesures urgentes que le Gouvernement entend-il pour mettre fin à ce qui est vécu par les principaux intéressés comme une véritable injustice, voire comme une discrimination ?
Monsieur le sénateur, la pension d’invalidité vise à compenser la perte de gains ou de capacité de travail.
En fonction de la situation de l’assuré, cette pension équivaut à 30 % du salaire annuel moyen pour les pensionnés d’invalidité relevant de la première catégorie et à 50 % du revenu moyen calculé sur les dix meilleures années civiles de salaire pour les pensionnés d’invalidité de catégorie 2 ou 3.
La réforme instaurée par le décret du 23 février 2022 vise à introduire plus de justice pour les assurés qui souhaitent conserver ou reprendre une activité rémunérée après leur passage en invalidité, en permettant que toute heure travaillée conduise à un gain financier. Quelque 60 000 personnes pourront désormais cumuler rémunération professionnelle et pension d’invalidité.
Afin d’atteindre cet objectif, un nouveau seuil de comparaison au salaire antérieur limité au plafond de la sécurité sociale, soit 3 666 euros brut par mois en 2023, a été fixé.
C’est bien sur ce point spécifique que des inquiétudes sont formulées, car certains assurés dont les revenus étaient supérieurs au plafond de la sécurité sociale sont effectivement susceptibles de voir leurs revenus diminuer du fait de la réforme.
Des mesures rectificatives sont donc envisagées. Sans revenir sur le fondement du mécanisme de plafonnement, qui est un principe appliqué aux différentes prestations sociales, le seuil pourra être relevé pour permettre le maintien des pensions d’invalidité pour la grande majorité des perdants actuels de la réforme.
Par ailleurs, je vous confirme que les réclamations d’indus effectuées par certaines caisses primaires d’assurance maladie sont nulles et non avenues. Des instructions claires ont été transmises par l’assurance maladie en ce sens.
Certains assurés disposent enfin d’une pension complémentaire versée par leur organisme de prévoyance. Alors même que les droits à pension des intéressés demeurent ouverts, certains organismes ont décidé de suspendre les versements lors de l’entrée en vigueur de la réforme.
Notre analyse juridique confirmant que cette suspension ne respecte pas le droit existant, le Gouvernement souhaite trouver rapidement une solution concrète à ce désengagement des organismes concernés.
Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Je constate que vous mesurez les difficultés rencontrées par un certain nombre de travailleurs.
Depuis 2022, la situation est critique. Dans ce contexte d’urgence, nous suivrons attentivement la mise en œuvre de vos propositions.
La parole est à M. Daniel Chasseing, auteur de la question n° 509, transmise à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
Les accords conclus au terme du Ségur de la santé ont permis des revalorisations salariales au bénéfice de certaines catégories de personnel. C’est très bien.
Mais il reste malheureusement des exclus. Depuis le début de la covid-19, les employés des établissements médico-sociaux se sont tous mobilisés pour assurer la continuité de service auprès des résidents. Or depuis le décret du 19 septembre 2020 relatif au versement d’un complément de traitement indiciaire aux agents des établissements publics de santé, des groupements de coopération sanitaire et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes de la fonction publique hospitalière, des disparités entre les agents persistent, entraînant un sentiment d’incompréhension, parfois au sein d’un même établissement.
Si pour une disposition telle que l’obligation vaccinale, l’ensemble des personnels des établissements médico-sociaux – et c’est normal – ont été considérés comme des soignants, il n’en est pas de même pour la prime Ségur.
En Ehpad ou dans un centre hospitalier, un cuisinier, une lingère, un agent d’entretien des locaux, un agent des services techniques perçoivent la prime Ségur alors que ces mêmes personnels au sein d’une maison d’accueil spécialisée (MAS), par exemple, l’attendent toujours. Tous exercent pourtant le même métier.
Les faisant fonction d’aides-soignantes, les secrétaires, les agents d’entretien travaillant au sein d’une MAS sont des oubliés, alors que, dans tous les Ehpad, ces mêmes employés ont bénéficié d’une revalorisation salariale. Or il est fréquent qu’une même association gère à la fois un Ehpad et une MAS.
Les responsables, les directeurs et les présidents de conseil d’administration peinent à expliquer une telle situation à leurs employés et déplorent des démissions.
De nombreux autres métiers sont encore exclus du dispositif. J’ai par exemple rencontré des techniciens en radiothérapie ou en radiologie qui exercent en clinique et qui sont exclus du dispositif alors qu’ils sont au contact des patients toute la journée.
Le Gouvernement compte-t-il prendre en considération ces revendications légitimes et élargir le bénéfice des revalorisations salariales prévues dans le cadre du Ségur de la santé ?
Monsieur le sénateur, l’attractivité des métiers du secteur sanitaire, social et médico-social est au premier rang de la feuille de route du Gouvernement, qui entend agir sur l’ensemble des leviers.
La question de la revalorisation des rémunérations constitue à ce titre une priorité. L’État, aux côtés des départements, a d’ores et déjà pris des décisions historiques, en augmentant de 4 milliards d’euros les rémunérations des professionnels du secteur social et médico-social.
Au total, ce sont près de 700 000 salariés, dont 500 000 environ au titre du Ségur et de la mission dite Laforcade, qui ont bénéficié d’une revalorisation de 183 euros net mensuels. Cela concerne notamment les professionnels que vous évoquez, qui exercent dans une maison d’accueil spécialisée de la fonction publique hospitalière rattachée à un établissement public de santé ou à un Ehpad.
À la suite de la conférence des métiers sociaux du mois de février 2022, le Gouvernement a par ailleurs étendu ces revalorisations à 200 000 salariés de la filière socio-éducative exerçant à titre principal des fonctions d’accompagnement socio-éducatif.
L’ensemble de ces mesures ont fait l’objet de travaux préparatoires qui ont à chaque fois largement associé les acteurs concernés : Assemblée des départements de France, partenaires sociaux, associations.
Des métiers en tension faisant face à des enjeux d’attractivité importants et nécessitant une action prioritaire de la part des pouvoirs publics bénéficient aujourd’hui d’un réel gain d’attractivité.
Pour autant, il convient de poursuivre les actions menées à destination de l’ensemble des professionnels. Le Gouvernement est bien conscient que chacun et chacune contribue à la qualité de l’accompagnement.
En ce qui concerne les professions administratives, techniques et logistiques des autres structures que vous évoquez, hors fonction publique territoriale, il convient de parvenir, aux côtés des représentants des employeurs et des salariés, à la construction d’une convention collective unique pour le secteur social et médico-social. C’est la condition d’une revalorisation durable de l’ensemble des métiers.
L’État et l’Assemblée des départements de France ont annoncé le 18 février 2022 qu’ils sont prêts à mobiliser 500 millions d’euros pour faire aboutir ces travaux. Les discussions avancent. C’est dans ce cadre que seront traitées les questions relatives à l’augmentation des rémunérations.
Ma question portait surtout sur les MAS et les Ehpad, qui relèvent de la compétence de l’État.
La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, auteure de la question n° 512, transmise à Mme la ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.
Madame la ministre, ma question porte sur la diffusion des théories du genre dans les organismes publics et leurs conséquences.
J’en citerai deux exemples très concrets.
La caisse d’allocations familiales (CAF), d’abord, a mis en ligne sur son site internet une page intitulée Mon enfant est transgenre, comment bien l ’ accompagner ?, dans laquelle il est affirmé : « Signe d’une évolution des mentalités, de plus en plus d’enfants et d’adolescents se déclarent non-binaires, ou d’un autre genre que celui assigné à leur naissance. »
Cette communication s’appuie sur de larges citations d’associations militantes, sans nuance ni avis contraire. Or non seulement il n’appartient pas à la CAF de définir et encore moins de banaliser un tel sujet, mais de tels propos contreviennent de plus au respect des principes de neutralité, d’objectivité et d’impartialité du service public.
Surtout, les ministères de tutelle portent une responsabilité quant aux conséquences éventuelles de ces discours, qui induisent les familles en erreur.
Le ministre de la santé a été alerté à ce propos par une tribune signée par des médecins, des professionnels de santé et des universitaires lui demandant de faire retirer sans délai cette page pour les raisons que je viens d’évoquer. Ces derniers proposaient également de mener une réflexion avec des spécialistes afin d’alerter les familles sur les manipulations mentales dont sont victimes les adolescents, notamment sur les réseaux sociaux.
Cette page existe toujours, son contenu n’ayant été modifié à la marge.
Je citerai ensuite le slogan du planning familial : « Au planning, on sait que des hommes peuvent aussi être enceintes ». Le même planning familial explique que les règles surviennent « chez des personnes qui ont un utérus ». En gommant volontairement le mot « femme », il s’éloigne de la mission d’intérêt général au titre de laquelle il est financé par l’État, c’est-à-dire l’information sur la sexualité et la défense des droits des femmes.
Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour faire respecter les principes de neutralité et d’objectivité dans les campagnes d’information de ces organismes ?
Madame la sénatrice, ces dernières années, le regard médical et sociétal porté sur la transidentité a évolué.
En 2010, la France a retiré la transidentité de la liste des maladies mentales – c’est dire d’où nous venons – et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a retiré le sujet de la transidentité du champ de la psychiatrie en 2019.
Depuis 2012, le droit français punit les discours de haine. En 2016, la modification de la mention du sexe à l’état civil a été démédicalisée.
Des plans d’action gouvernementaux successifs ont été menés pour lutter contre les actes de haine et les discriminations anti-LGBT+. Et le 25 janvier dernier, ma collègue Isabelle Rome a lancé les travaux du prochain plan, en lien avec l’ensemble des ministères.
Le nombre de personnes transgenres est estimé entre 20 000 et 60 000 dans notre pays. Les personnes trans sont naturellement – il est presque étonnant de devoir le préciser, mais cela va mieux en le disant – des citoyennes et des citoyens à part entière, protégées par le droit français, européen et international.
Cette protection juridique octroyée par la France comme par de nombreux autres pays s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme de juillet 2002.
Celle-ci vise à accueillir sans préjugé ni stéréotype les questionnements d’identité de genre et à permettre à ceux qui souhaitent s’engager dans cette démarche de le faire.
Dans le cadre de son travail de prévention, la CAF met à cet effet à disposition de l’ensemble de la population française les informations nécessaires pour assurer l’accès et l’effectivité des droits pour tous. Les informations élémentaires indiquées sur le site de la CAF ont vocation à rester accessibles de manière universelle.
Le débat d’idées ne peut pas se faire au détriment de l’effectivité de droits déjà votés au profit des Françaises et des Français, quelle que soit leur orientation sexuelle ou identité de genre.
Le Gouvernement, à commencer par Isabelle Rome, maintient en la matière une vigilance absolue.
À titre personnel, je vous remercie de cette question, madame la sénatrice.
La parole est à M. Christian Klinger, auteur de la question n° 346, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.
Cette question s’adressait à monsieur le ministre chargé des comptes publics.
Selon la Cour des comptes, les fraudes sociales détectées coûteraient plus de 1 milliard d’euros ; je n’ose imaginer le montant réel.
Les cartes Vitale actives sont plus nombreuses que les bénéficiaires identifiés et les fraudes liées à la pension de retraite par la non-déclaration d’un décès sont nombreuses. Et je n’évoque pas les allocations versées indûment…
À ces fraudes individuelles s’ajoutent désormais des pratiques d’escroquerie d’autant plus difficiles à détecter qu’elles sont sophistiquées et répandues.
L’ensemble de ces fraudes montrent la gravité des failles de notre système social. Selon la Cour des comptes, les organismes sociaux luttent mal contre ce type de fraudes.
La Cour a ainsi demandé au Gouvernement de faire aboutir en 2022 le recoupement automatisé des fichiers des organismes sociaux avec ceux du fisc.
Depuis 2018, ce rapprochement ne cesse d’être repoussé. Au mois de mai dernier, le Gouvernement indiquait que celui-ci serait effectif à la fin de l’année 2022.
Où en sont les travaux menés par les organismes sociaux en vue du rapprochement systématique des coordonnées bancaires utilisées avec celles du fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba). Quand mettrez-vous enfin en place ces procédures automatisées ?
Monsieur le sénateur, la lutte contre toutes les fraudes est une priorité, et j’ai à cœur de partager avec vous les résultats de cette lutte, qui sont en progression.
Je commence par la fraude au recouvrement social. Le réseau des Urssaf a plus que doublé le montant des redressements réalisés depuis dix ans, pour atteindre quasiment 800 millions d’euros en 2022, soit une hausse de 46 % depuis 2017.
J’en viens aux fraudes aux prestations. Les caisses d’allocations familiales ont détecté 351 millions d’euros de préjudice en 2022, soit un triplement en dix ans et une progression de 21 % depuis 2017.
Le Gouvernement a donné une nouvelle impulsion à la politique de lutte contre la fraude sociale au travers d’une feuille de route et d’un plan d’action annoncés en février 2021, qui ont également permis des progrès.
Permettez-moi de vous en faire part, monsieur le sénateur, même si, connaissant votre mobilisation en faveur de la lutte contre la fraude aux cartes Vitale, je devine que vous estimerez à juste titre que ces progrès sont insuffisants.
Entre 2019 et 2022, l’assurance maladie a procédé à la résorption quasi complète du stock excédentaire de cartes Vitale surnuméraires. Celui-ci est en effet passé de 600 000 à un peu moins de 3 000, réduisant ainsi les risques d’utilisation frauduleuse.
Par ailleurs, la fermeture des droits à la protection universelle maladie a été accélérée pour les assurés ne satisfaisant plus aux conditions de résidence stable et régulière, et la maîtrise du risque de non-déclaration du décès pour les retraités qui résident à l’étranger a été renforcée.
Enfin, les travaux de rapprochement automatisé des coordonnées bancaires déclarées en ligne avec le fichier des comptes bancaires que vous mentionnez, monsieur le sénateur, seront déployés pour l’ensemble de la sphère sociale tout au long de l’année 2023.
Face à l’émergence et à l’évolution de nouvelles formes de fraude, un nouveau paquet de mesures législatives a été adopté dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, afin d’élargir le champ des échanges d’informations.
Le ministre chargé des comptes publics s’est engagé à élaborer un nouveau plan de renforcement de la lutte contre les fraudes dans le cadre du PLF pour 2024. Je ne doute pas que vous serez force de proposition à l’occasion de ce nouveau rendez-vous.
J’ai bien entendu votre réponse, madame la ministre.
Si j’ai bien compris, le croisement des fichiers sera déployé en 2023. J’estime que c’est la meilleure méthode, et la plus simple, pour détecter les fraudes importantes, notamment entre départements.
Certains sont devenus des professionnels de la perception indue d’allocations, comme le revenu de solidarité active (RSA) !
Nous suivrons de près l’avancement de ces dossiers.
La parole est à M. Yan Chantrel, auteur de la question n° 486, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Madame la ministre, j’ai été saisi par plusieurs conseillers et conseillères élus des Français de Belgique sur la question de la double imposition que subissent les fonctionnaires binationaux franco-belges travaillant pour l’État français.
Le premier alinéa de l’article 10 de la convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964, modifiée par plusieurs avenants, pose le principe selon lequel les fonctionnaires français employés en Belgique par l’État français sont imposables en France, tandis que le troisième alinéa précise que les ressortissants belges employés en Belgique par l’État français sont redevables de leur impôt en Belgique.
Afin d’éviter une double imposition des fonctionnaires franco-belges, notre pays et la Belgique ont négocié, sous couvert de la procédure de concertation prévue à l’article 24 de la convention susvisée, un accord amiable, publié au Moniteur belge du 9 novembre 2009, indiquant que les rémunérations exclues du champ de l’article 10.1 en application de l’article 10.3 ne sont imposables que dans l’État de résidence du bénéficiaire.
Or, dans un arrêt du 17 septembre 2020, la cour de cassation de Belgique a considéré que l’accord amiable de 2009 était « dépourvu de force obligatoire » et que les tribunaux ne pouvaient dès lors appliquer celui-ci.
Depuis lors, les fonctionnaires binationaux franco-belges percevant des rémunérations de source publique qui ont été imposés sur leur revenu par la France se voient également délivrer des avis d’imposition par les autorités fiscales belges.
Cette situation de double imposition de binationaux ayant déjà payé leurs impôts en France a plongé des familles dans des situations dramatiques, les montants réclamés pouvant atteindre plusieurs milliers d’euros.
Le 9 novembre 2021, une nouvelle convention fiscale a été signée à Bruxelles entre nos deux pays, afin d’empêcher de telles situations de double imposition. Alors que le nombre de cas de double imposition ne cesse d’augmenter, cette convention n’a pourtant toujours pas été ratifiée.
Pourquoi le projet de loi d’approbation de cette convention n’a-t-il toujours pas été déposé par le Gouvernement ? Pourrions-nous avoir des précisions quant à l’état d’avancement des discussions engagées pour que les autorités belges prennent des mesures immédiates de suspension du recouvrement des sommes demandées et des garanties que ces autorités rembourseront bien les sommes perçues par les services fiscaux ?
Le 9 novembre 2021, la France et la Belgique ont signé une nouvelle convention fiscale sur l’impôt sur le revenu et sur la fortune, remplaçant celle de 1964. Comme toute convention fiscale bilatérale et conformément à l’article 53 de notre Constitution, celle-ci doit être soumise à la ratification du Parlement.
Comme vous le soulignez, cette nouvelle convention clarifiera une fois pour toutes le traitement fiscal des rémunérations de source publique. Celle-ci repose, sauf exception, sur le principe de l’imposition par l’État qui verse ces revenus.
Ce principe est logique, car ces revenus publics sont financés par les ressources publiques, notamment fiscales, dudit État.
La rédaction de cette clause, qui est conforme au modèle de l’OCDE, se retrouve couramment dans notre réseau conventionnel, en particulier dans les conventions négociées récemment.
Parallèlement, la cour de cassation belge a jugé que l’accord amiable de 2008, qui visait justement à clarifier les dispositions de la convention de 1964 relatives à l’imposition des rémunérations de source publique pour les binationaux des deux États, était contraire à la convention encore en vigueur. Elle l’a donc invalidé, entraînant pour certains de nos compatriotes une situation de double imposition de leurs revenus.
Cette situation insatisfaisante a donné lieu à des échanges approfondis et constructifs avec la Belgique, l’intérêt partagé de nos deux pays étant naturellement d’éviter cette double imposition des binationaux.
Je profite de votre question, dont je vous remercie, pour inviter tous les Français qui sont dans la situation que vous décrivez à se rapprocher du service juridique et du contrôle fiscal de la direction générale des finances publiques, celle-ci ayant réuni une cellule spécifique qui fera le lien avec les autorités belges.
Par ailleurs, je vous confirme que le Gouvernement est pleinement mobilisé pour soumettre la nouvelle convention à la ratification du Parlement dans les meilleurs délais.
La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, auteur de la question n° 503, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications.
Ma question porte sur la fibre optique, non pas sur son utilité, renforcée par le télétravail, mais sur le déploiement de son réseau.
Je prendrai un exemple que je connais bien, celui du département, dont la situation est visiblement similaire à celle de nombreux autres.
Voilà dix ans, un appel public à manifestation d’intention d’investissement a été ouvert pour le déploiement de la fibre.
Les grands opérateurs ont répondu à celui-ci. Dans mon département, Orange s’est engagé à « fibrer » les agglomérations de Saint-Quentin et du Grand Laon, ainsi que la commune de Soissons.
Pour le reste du territoire, la ruralité s’est organisée : un syndicat d’électricité a pris la compétence de déploiement de la fibre dans le cadre d’un réseau d’initiative publique, ou RIP.
Dix ans après, le RIP est un succès : avec 757 communes raccordées et plus de 220 prises installées, la quasi-intégralité du territoire rural a été « fibrée », qui plus est gratuitement.
En revanche, des difficultés persistent dans les zones d’appel à manifestation d’intention d’investissement (AMII), dans lesquelles le réseau de fibre optique doit être déployé par des entreprises privées.
Alors que les opérateurs retenus – Orange dans mon département, d’autres ailleurs – ont l’obligation de « fibrer » jusqu’à 100 % des foyers ; nous sommes loin du compte. De nombreux habitants et d’entreprises qui sollicitent l’opérateur se voient répondre que ce n’est pas possible pour l’instant et que l’on verra plus tard.
Ces opérateurs ont pourtant pris des engagements, et l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) a la possibilité de leur appliquer des pénalités financières, voire de suspendre leurs fréquences. Si l’objectif n’est pas d’en arriver là, de telles sanctions sont prévues.
Madame la ministre, je souhaite savoir ce que le Gouvernement compte faire pour tordre le bras, ou tout du moins, faire en sorte que les opérateurs tiennent les engagements qui ont été pris. Il y va d’une question d’égalité et de justice sur un sujet éminemment important au regard de l’aménagement du territoire.
Monsieur le sénateur Verzelen, au mois de juillet 2018, le Gouvernement a accepté par arrêté, après avis favorable de l’Arcep, les engagements proposés par Orange aux échéances 2020 et 2022.
Dans votre département de l’Aisne, le groupe Orange s’est ainsi vu chargé du déploiement du réseau dans pas moins de cinquante-neuf communes.
Le Gouvernement est conscient des efforts consentis par l’ensemble des acteurs concernés par le déploiement et la réalisation du plan France Très au haut débit, au regard notamment de la crise sanitaire, qui a incontestablement contribué à ralentir les déploiements.
Pour autant, les données chiffrées issues de l’observatoire de l’Autorité de régulation montrent que certains engagements pris par Orange n’ont pas été remplis. C’est la raison pour laquelle, sur demande du Gouvernement, l’Arcep a effectivement ouvert une procédure qui a abouti à une mise en demeure. Cette décision a été attaquée par l’opérateur devant le Conseil d’État, qui est en ce moment même en train d’instruire le dossier.
Comme vous le savez, la France s’est fixé un objectif ambitieux en matière de généralisation des réseaux de fibre optique à l’horizon de 2025.
Avec mon collègue Jean-Noël Barrot, nous saluons le travail engagé par les collectivités et le conseil départemental de l’Aisne, qui, grâce au réseau d’initiative publique, a permis de raccorder les sept cent cinquante-sept communes du territoire et d’assurer la couverture de 100 % du territoire par le réseau de fibre optique. Plus de 95 % de vos concitoyens peuvent donc prétendre à un abonnement à la fibre.
Pour autant, comme vous l’aurez compris, monsieur le sénateur Verzelen, vous pouvez compter sur la détermination du Gouvernement pour que l’Arcep mette en demeure les opérateurs d’expliquer tout manquement et d’accélérer le déploiement du réseau.
C’est dans ce cadre que, comme je l’ai indiqué, l’opérateur a effectué un recours à la suite de la mise en demeure de l’Arcep demandée par le Gouvernement.
La parole est à M. Frédéric Marchand, auteur de la question n° 511, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie.
Je souhaite évoquer la situation des salariés des sites des usines Buitoni à Caudry et Tereos à Escaudœuvres, tous deux situés dans l’arrondissement de Cambrai, dans le département du Nord.
Comme vous le savez, le site de Caudry a vécu en 2022 des heures sombres à la suite du scandale des pizzas contaminées à la bactérie Escherichia coli, qui ont fait une cinquantaine de victimes en France.
Après une fermeture de huit mois, l’usine a partiellement repris son activité en décembre 2022. Mais le 2 mars dernier, malgré les efforts déployés par les salariés pour le redémarrage de l’activité l’usine, le groupe Nestlé a annoncé la suspension temporaire de celle-ci.
Il semble à ce jour que Nestlé ait pour objectif de fermer le site, jetant les 160 salariés et leur famille dans l’inconnu. Le savoir-faire et le sérieux de ces salariés ne sont pourtant plus à démontrer. De plus, l’usine de Caudry dispose d’un potentiel industriel important, qui permettrait la reprise du site pour une activité de substitution.
Dans le même secteur – autre coup de poignard –, le géant Tereos a annoncé la fermeture de la sucrerie d’Escaudœuvres, qui compte 123 salariés, dans le cadre de son projet de réorganisation de son activité industrielle en France.
Que va devenir la cité du sucre sans son sucre ? Tout un territoire s’interroge et se trouve plongé dans le désarroi.
La suppression du site d’Escaudœuvres a de quoi surprendre. Celui-ci est en effet situé dans une zone de production de betteraves qui a été moins affectée que beaucoup d’autres par la jaunisse de 2020. De plus, le marché est porteur, et le groupe gagne de l’argent et se désendette.
Cette décision, annoncée de manière brutale, est inacceptable. Elle va à l’encontre des engagements pris par Tereos en 2020 et en 2021 sur la pérennité des outils industriels.
Au-delà des 123 salariés concernés, cette décision menace de rayer purement et simplement de la carte une sucrerie qui devait célébrer ses 150 ans.
Qu’il s’agisse de l’usine Buitoni ou de la sucrerie d’Escaudœuvres, le schéma est le même : les deux géants de l’agroalimentaire ont réalisé des millions d’investissements sur les deux sites avant d’envisager de s’en débarrasser de manière soudaine, laissant place à l’incompréhension et à la colère des salariés et des élus locaux.
M. le ministre chargé de l’industrie est venu sur place le 13 mars dernier pour rencontrer les dirigeants et les salariés des deux sites. À cette occasion, il a demandé des garanties aux deux groupes pour les salariés de la manière la plus ferme et a fait un certain nombre d’annonces.
La course contre la montre est désormais engagée. Les forces vives du territoire, et au-delà, de tout le nord de la région des Hauts-de-France, se mobilisent pour dénoncer le coup de force d’une brutalité sans nom de ces deux groupes de l’agroalimentaire.
Le Gouvernement peut-il nous indiquer l’état d’avancement de ces deux dossiers à ce jour, et confirmer la volonté du Gouvernement de venir en aide aux salariés de Nestlé et de Tereos ?
Permettez-moi de commencer pas la fin, monsieur le sénateur Marchand : oui, vous pouvez compter sur l’absolue détermination du Gouvernement à se tenir aux côtés des salariés et à demander des comptes aux entreprises concernées !
Je ne reviens pas sur la situation ni sur le constat, car vous connaissez parfaitement les dossiers des usines de Caudry et d’Escaudœuvres.
Comme vous l’avez indiqué, Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie, s’est déplacé le 13 mars dernier pour rencontrer les dirigeants et les salariés et, surtout, pour faire le point sur chacune des deux situations et étudier les solutions pour les salariés et le territoire à très court terme.
Concernant l’usine Buitoni de Nestlé à Caudry, la direction a annoncé une suspension temporaire de l’activité début mars, faute de commandes nécessaires de la part de ses clients après l’arrêt de son activité.
Il est aujourd’hui impératif qu’une solution soit trouvée par Nestlé pour maintenir les emplois et la production sur le site. Des réunions de travail entre les services de l’État et les représentants de Nestlé sont en cours, en ce moment même, pour explorer l’ensemble des solutions possibles.
Vos collègues députés ont eux aussi légitimement interrogé le Gouvernement s’agissant de la situation de l’usine Tereos à Escaudœuvres. Des explications très précises ont été fermement demandées par Roland Lescure à la direction pour justifier cette décision de fermeture. À cette heure, nous attendons toujours sa réponse.
En tout état de cause, il n’est pas admissible qu’une entreprise qui s’est engagée vis-à-vis du Gouvernement à ne pas réduire son empreinte industrielle prenne une telle décision sans en expliquer précisément les raisons économiques.
Le Gouvernement sera aux côtés des salariés du territoire. Quelle que soit l’issue des deux situations, nous veillerons à ce que chacun des 260 salariés concernés dispose d’un point de sortie acceptable au sein de son entreprise ou d’une autre, et à ce qu’un plan d’action spécifique soit mis en place pour le territoire.
Pour l’heure, nous attendons des réponses, notamment de Tereos pour le site d’Escaudœuvres. Pour être sa colocataire à Bercy, je puis vous assurer qu’il ne se passe pas une heure sans que le ministre Lescure travaille sur ce dossier.
La parole est à M. Bernard Buis, auteur de la question n° 439, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Depuis 2022, la Commission européenne a le projet de modifier les règles concernant l’étiquetage des modes d’élevage des volailles. Les normes en vigueur, qui existent depuis 1991, autorisent l’utilisation exclusive de cinq mentions valorisantes pour l’étiquetage de la viande de volaille, l’objectif étant d’informer le consommateur sur leur mode d’élevage.
Une telle réglementation a eu pour effet de créer une segmentation et un étiquetage clair, permettant ainsi aux productions de volailles fermières d’être mieux identifiées.
Toutefois, le projet présenté par la Commission européenne à la fin de 2022 prévoit de supprimer l’exclusivité de la liste des cinq mentions valorisantes, ce qui risque d’entraîner l’apparition d’un grand nombre de mentions incontrôlées.
Une telle évolution représente une menace tant pour le modèle agricole français que pour la production de volailles alternative, qui plus est dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, quatrième bassin de production de volailles de France, qui regroupe environ 2 500 éleveurs et où plus de 50 % des surfaces de bâtiments de production avicole sont consacrées aux filières fermières – je pense notamment au label rouge et au bio.
Alerté par des élus locaux et des acteurs professionnels du secteur, je tenais donc à interroger le Gouvernement pour connaître sa position sur un tel projet de révision des normes, manifestement contraire aux objectifs visant à soutenir la production locale et durable issue du Green Deal européen et de la stratégie « de la ferme à la table ».
Par conséquent, madame la ministre, que prévoit le Gouvernement pour s’opposer à l’évolution envisagée par la Commission européenne, qui risquerait de provoquer de graves conséquences pour la préservation des filières d’excellence et la protection des consommateurs ?
Enfin, pourriez-vous nous préciser dans quel sens les négociations évoluent et quand une décision finale pourra aboutir ?
Monsieur le sénateur Buis, une réforme a été lancée par la Commission européenne au cours de l’année 2022 sur cette question précise des normes de commercialisation.
Le projet de texte transmis au mois de janvier dernier aux États membres a suscité chez les professionnels de fortes inquiétudes, qui portent sur deux points : tout d’abord, l’obligation d’étiqueter toute viande de canard ou d’oie issue de la production de foie gras avec la mention « issue de foie gras » ; ensuite, une dérégulation de l’usage des mentions valorisantes pour l’étiquetage de la viande de volaille jusqu’alors limitées à une liste fermée de cinq mentions valorisantes.
Les évolutions qui étaient initialement envisagées auraient pour effet de décupler les risques de concurrence déloyale entre opérateurs, mais aussi les risques de tromperie des consommateurs. Ce sujet m’intéresse particulièrement, puisque j’ai aussi l’honneur d’être chargée de la consommation au sein du Gouvernement.
Nous sommes donc bien conscients que ces normes revêtent un intérêt majeur sur le plan économique pour la filière volaille française. La France a engagé un important travail auprès de la Commission européenne pour préserver les intérêts de nos filières d’excellence et pour garantir la visibilité nécessaire aux productions de volailles extensives en plein air.
Ce travail porte ses fruits, puisque la Commission européenne a soumis à l’avis des États membres un projet de texte qui satisfait davantage les professionnels. Il comprend, d’une part, le retrait de l’obligation d’étiquetage des viandes avec la mention « issue de foie gras », et, d’autre part, la rédaction d’un compromis qui protège et surtout maintient l’exclusivité de l’utilisation de la mention « plein air ».
Soyez assuré, monsieur le sénateur Buis, que la France, en plus de ces avancées, continue de se mobiliser sur ce projet de texte, qui doit encore passer plusieurs étapes avant sa publication finale d’ici à quelques semaines.
La parole est à M. Mathieu Darnaud, auteur de la question n° 479, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Madame la ministre, en Ardèche comme ailleurs, chanterons-nous encore le temps des cerises ?
Au moment où les 855 hectares de cerisiers ardéchois s’apprêtent à fleurir, les arboriculteurs se sentent désarmés pour faire face à D rosophil a suzukii, ce moucheron qui peut détruire de 30 % à 100 % des récoltes. En effet, après l’interdiction du diméthoate en 2016, la Commission européenne, dans son règlement d’exécution du 24 janvier 2022, a refusé de renouveler l’homologation du phosmet, dont l’efficacité est pourtant reconnue.
Or cette décision intervient à l’heure où les solutions de substitution, notamment à base d’insectes stériles, ne sont pas encore opérationnelles. Certes, il existe des filets anti-insectes, mais leur efficacité, comme on a pu le constater en 2022 dans les vergers voisins du Gard, reste très limitée. De plus, ils sont chers et complexes à installer dans des terrains accidentés comme ceux de notre département de l’Ardèche.
Madame la ministre, le Gouvernement s’était engagé à ne pas supprimer de produits phytosanitaires tant qu’une solution de rechange efficace ne serait pas disponible. Ma question est donc simple : allez-vous agir pour que, à court terme – j’allais dire dans l’urgence –, on puisse déroger à l’interdiction des molécules telles que le phosmet ou le diméthoate ?
Monsieur le sénateur Darnaud, j’en appelle à votre indulgence, car je maîtrise ce sujet moins bien que vous et je risque d’écorcher un certain nombre de noms relatifs aux dérogations…
La France n’envisage pas de rétablir l’autorisation des produits à base de diméthoate et de phosmet. Comme vous le savez, compte tenu de la forte toxicité du diméthoate pour les êtres humains, les limites maximales de résidus ont été abaissées au minimum analytique, de sorte qu’elles ne sont plus compatibles avec une utilisation avant récolte. Le phosmet, quant à lui, présente des niveaux de toxicité comparables, selon les avis scientifiques, ce qui a justifié de mettre fin à son utilisation à l’échelon européen.
Conscient des inquiétudes que cela peut susciter dans certaines filières, le ministre Fesneau a chargé le délégué ministériel pour les alternatives aux produits phytopharmaceutiques dans les filières végétales de coordonner un groupe de travail qui associe les principaux acteurs de la filière de la cerise et ceux de la recherche agronomique.
La priorité absolue de ce groupe de travail est précisément d’ajuster la stratégie de lutte contre D rosophila suzukii sur les cerises, en envisageant une palette de solutions disponibles, avec comme boussole l’exigence qu’elles ne comportent pas de risques avérés pour la santé humaine.
Dans ce cadre, quatre demandes de dérogation sur les produits à base de cyantraniliprole, de benzoate d’emamectine, de kaolin et de spinosad ont été déposées. L’une a déjà été octroyée ; les trois autres sont en cours d’examen.
Il faut en parallèle s’assurer que les produits végétaux mis sur le marché en France répondent au même niveau d’exigence. La France a demandé à cet effet que la Commission européenne abaisse sans délai la limite maximale de résidus en phosmet sur les cerises, pour s’assurer que les cerises importées en 2023 ne puissent être traitées avec cette substance.
En outre, monsieur le sénateur Darnaud, le ministre de l’agriculture a indiqué à la filière qu’il était prêt à examiner la faisabilité d’un accompagnement financier pour les pertes qu’elle pourrait subir en cas d’attaque sévère de D rosophila suzukii.
Mon collègue Marc Fesneau reste naturellement à votre disposition sur ce sujet.
Madame la ministre, j’entends votre volonté d’accompagnement financier, mais le risque est de tuer définitivement cette filière de la cerise. Nos arboriculteurs ne s’en remettraient pas !
La situation est urgente. J’attire donc votre attention et celle du ministre de l’agriculture sur la nécessité d’agir vite et de trouver des réponses : alors que nous connaissons depuis 2016 les limites et les délais qui ont été fixés, pour l’heure, rien n’est encore opérationnel.
Je le répète, j’implore le Gouvernement d’agir rapidement !
La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 481, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les obstacles qui s’amoncellent pour nos exploitations agricoles : fin de la dérogation pour les néonicotinoïdes, interdiction du S-métolachlore, nouveau règlement imposé à la filière fruits et légumes, législation hors-sol en matière viticole, ou encore signature d’accords de libre-échange portant atteinte à notre production…
À chaque fois, ce sont les contraintes réglementaires franco-françaises qui viennent saper la compétitivité de nos producteurs. Un simple exemple suffit à le montrer : seulement 68 % des substances actives autorisées et utilisées en Europe peuvent être épandues en France, sans que l’on comprenne pourquoi. Résultat, notre pays est l’un des seuls grands pays agricoles dont les parts de marché reculent et dont les importations alimentaires ont doublé depuis 2000.
Or ces produits importés sont loin d’être vertueux. Les autres pays sont nettement moins précautionneux en matière de réglementation sanitaire et laissent leurs agriculteurs utiliser librement des traitements qui sont interdits sur notre sol. Ni notre balance commerciale ni notre bilan carbone ne nous permettent de nous réjouir de ce choix.
Aussi, madame la ministre, pour tendre vers une réelle souveraineté alimentaire, quand en finirons-nous avec ces surtranspositions qui viennent contraindre et pénaliser l’ensemble de notre modèle agricole ?
Monsieur le sénateur Détraigne, après avoir répondu à la question du sénateur Darnaud, j’essaierai, même si c’est un défi, de répondre à celle, tout aussi technique, que vous me posez en matière de surtransposition.
Votre question porte sur de nombreux thèmes et, dans les deux minutes qui me sont imparties, je ne pourrai que rappeler deux ou trois faits.
Le nombre total de substances approuvées par l’Union européenne est stable depuis de nombreuses années : 453 substances sont concernées, parmi lesquelles 294 relèvent d’une autorisation de produit mis sur le marché en France, notre pays étant l’un de ceux, en Europe, où le nombre de substances autorisées est le plus important.
Seules 7 substances ont été interdites au niveau national : 5 néonicotinoïdes en 2016 et 2 substances ayant un mode d’action identique. Depuis lors, 4 de ces substances ont également été interdites à l’échelle européenne et une cinquième est interdite en usage extérieur. Ces chiffres montrent que l’approche en termes de surtransposition doit être relativisée.
En revanche, monsieur le sénateur Détraigne, vous avez parfaitement raison de le souligner, il y a un enjeu majeur à changer d’approche et de stratégie. C’est tout l’objet de la planification écologique voulue par la Première ministre.
Plusieurs principes guident cette action : elle doit être menée à l’échelle européenne pour éviter les distorsions de concurrence sur le marché commun ; il faut prévoir un soutien à la recherche et à l’innovation pour sortir des impasses et, surtout, trouver des solutions de rechange viables et opérationnelles ; enfin, cette action doit se faire dans la concertation avec les parties prenantes et l’ensemble des agences publiques, qu’il s’agisse des instituts de recherche ou des entreprises privées du monde agricole, pour identifier les impasses et trouver une palette de solutions permettant d’en sortir.
Depuis 2017, nous avons posé des principes fondamentaux dans le cadre des lois dites Égalim, c’est-à-dire pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, avec la réciprocité des normes dans les accords commerciaux et avec la préservation de l’accès à l’eau et la protection face aux effets du changement climatique, dans le cadre du Varenne de l’eau.
Nous poursuivrons ces efforts et cette méthode en posant un nouveau jalon essentiel pour l’avenir de notre agriculture, grâce au pacte et à loi d’orientation et d’avenir agricoles que portera mon collègue Marc Fesneau dans les prochains mois.
La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 466, adressée à Mme la ministre de la culture.
Madame la ministre, à Rouen comme ailleurs, les écoles nationales supérieures d’architecture se mobilisent en ce moment pour dénoncer des moyens financiers insuffisants, des contrats d’enseignants précaires et un personnel administratif en sous-effectif. La création de quelques contrats à durée déterminée (CDD) de remplacement sur des postes administratifs ne suffira pas, je crois, à éteindre cette colère.
La grande fragilité financière des écoles d’architecture contraint celles-ci à multiplier des réponses à des appels à projets, voire à solliciter de plus en plus de fonds privés. C’est un problème en soi, qui est d’autant plus important qu’elles n’ont ni le personnel administratif ni l’ingénierie pour mener ce travail à bien.
La loi de finances pour 2023 a acté un indice de rémunération des enseignants contractuels et vacataires à 410, soit à peine 1 500 euros, l’utilisation du 49.3 – déjà ! – ayant empêché le vote d’un certain nombre d’amendements qui avaient été déposés, ici ou à l’Assemblée nationale, et qui visaient à revaloriser cet indice.
Pouvez-vous m’assurer, madame la ministre, que dans la prochaine loi de finances vous accéderez à la demande des personnels de porter l’indice de rémunération à 517, ce qui équivaudrait à un traitement d’environ 2 000 euros ?
Par ailleurs, l’arrêté du 24 avril 2018 ne reconnaît pas l’enseignement des langues étrangères pour l’architecture. Par conséquent, les enseignants concernés ne peuvent pas être titularisés ni envisager d’évolution de carrière.
Plus globalement, les moyens alloués par l’État s’élèvent à 8 500 euros par an et par étudiant en architecture contre 10 500 euros pour les étudiants de l’université et plus de 15 000 euros pour ceux des grandes écoles. Pourquoi cet écart ?
C’est d’autant plus injuste que les écoles d’architecture, comme celle de Normandie qui est située à Darnétal, sont souvent éloignées des campus, ce qui ne facilite pas l’accès des étudiants aux services du Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous).
Quelles mesures entendez-vous prendre face à cette crise, alors que nous sommes confrontés à des enjeux nouveaux, notamment celui de la transition écologique, dont les écoles vont devoir s’emparer ?
D’ailleurs, le ministère de la transition écologique ne devrait-il pas contribuer au financement de cet enseignement, aux côtés de ceux de la culture et de l’enseignement supérieur ?
Madame la sénatrice Brulin, je vous remercie d’avoir terminé votre intervention en mentionnant la transition écologique : en effet, je suis convaincue que nous disposons d’un vivier grâce aux 20 000 étudiants des écoles nationales supérieures d’architecture. Ceux-ci sont une grande source d’espoir, parce que ce sont eux qui penseront la ville, les logements et la manière d’habiter le monde de demain.
L’enjeu est pour moi essentiel, et c’est la raison pour laquelle j’ai souhaité créer un prix pour valoriser les projets de transition écologique des étudiants en dernière année d’école.
Concernant l’École nationale supérieure d’architecture de Normandie que vous avez citée, il s’agit d’un cas très spécifique, où les situations de plusieurs personnes placées en congés maladie ou en congés maternité se sont cumulées au sein du service de la formation, ce qui a conduit la direction à repousser d’une semaine la rentrée du second semestre. Nous avons réussi à trouver une solution pour régler cette situation précise, et les représentants du personnel de cette école seront de nouveau reçus, vendredi prochain, par mes services.
Il me paraît important de vous rappeler tous les efforts qui ont été fournis depuis six ans : en effet, depuis 2017, on recense, en matière d’emploi, 111 titularisations d’enseignants contractuels et 80 créations de postes.
Rien que pour l’année 2023 – cela a été l’une de mes priorités dans les négociations budgétaires –, on compte 17 postes supplémentaires et une revalorisation des rémunérations a été actée.
Les crédits de fonctionnement ont augmenté de 7 % depuis 2019.
Enfin, j’insiste sur les travaux d’investissement qui ont été réalisés à Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon et Saint-Étienne, pour un montant de 75 millions depuis 2021.
Pour 2023 – nous en avons parlé au moment de l’examen du budget de mon ministère –, j’ai fortement mis l’accent sur les écoles d’architecture, avec une augmentation de 20 % des crédits alloués, qui se répartissent entre le fonctionnement et l’investissement courant.
Cela me permet de rectifier le chiffre que vous avez mentionné de 8 500 euros par étudiant en école d’architecture. En réalité, la dotation par étudiant est évaluée à 11 000 euros en moyenne. Je pourrai vous donner les détails du calcul.
J’ai bien conscience que des questions et des inquiétudes demeurent, qui sont légitimes. Je continue le dialogue avec les écoles et leurs représentants. Soyez assurée de mon engagement pour chercher encore et toujours des solutions. Toutefois, les négociations budgétaires pour 2024 n’ont pas commencé. Nous aurons donc l’occasion de reparler de ce sujet.
La parole est à M. Cédric Perrin, auteur de la question n° 333, adressée à M. le ministre des armées.
Madame la secrétaire d’État, le 26 janvier 2022, dans une réponse à une question orale, votre prédécesseur rappelait que l’obtention de l’honorariat des réservistes au grade supérieur n’était pas de droit.
Depuis un décret du 30 septembre 2019, ce dispositif repose en effet sur une proposition de l’autorité militaire au ministre en exercice, qui doit ensuite fonder sa décision sur des critères précis dans le cadre d’une procédure interarmées. Il s’agit d’éviter que l’attribution de l’honorariat à un grade supérieur ne soit possible dans des conditions plus faciles que celles qui sont prévues, par exemple, pour la promotion des militaires d’active. Ce serait inéquitable et incompréhensible pour les militaires.
Or, à ce jour, ces critères et cette procédure ne sont toujours pas déterminés. En janvier 2022, votre prédécesseur annonçait une révision prochaine à la lumière des conclusions et des recommandations du groupe de travail constitué de représentants de l’ensemble des forces armées et des formations rattachées.
Cette révision, qui semblait imminente, était déjà annoncée dans une précédente réponse du Gouvernement datée du 13 mai 2021. On y évoquait déjà l’existence de ce groupe de travail, constitué à la fin de l’année 2020 pour définir les actions qui méritaient d’être valorisées…
Enfin, la semaine dernière, j’ai lu dans une réponse du ministre des armées qu’un nouveau groupe de travail sur l’avenir de la réserve militaire avait été mis en place, le 21 novembre dernier, dans le cadre de la préparation de la loi de programmation militaire (LPM). Un projet de décret serait en cours de rédaction, qui pourrait être présenté en Conseil d’État avant la fin du premier semestre de 2023.
Je ne doute pas un seul instant de la difficulté que constitue une telle tâche, mais voilà désormais trois ans et demi, madame la secrétaire d’État, que nos militaires ayant quitté la réserve opérationnelle patientent.
J’ai donc deux questions.
Premièrement, pourquoi un nouveau décret, jamais évoqué jusqu’alors, est-il finalement nécessaire ?
Deuxièmement, que sont devenues les conclusions du groupe de travail initial, celui qui a précédé le groupe de travail LPM ? Quelles sont-elles pour avoir vraisemblablement été balayées par le Gouvernement ?
Monsieur le sénateur Perrin, je vous remercie de votre question relative à la condition d’accès à l’honorariat au grade supérieur pour les réservistes.
Comme vous le savez, les attentes concernant la réserve sont fortes dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire.
Pour donner corps à cette ambition, le ministère des armées a mis en place six groupes de travail, dont l’un est consacré à l’avenir de la réserve militaire. Comme vous venez de le rappeler, dans un esprit de coconstruction de cette LPM avec le Parlement, ce groupe de travail lancé le 21 novembre 2022 a examiné les mesures susceptibles de rendre plus attractif un engagement dans la réserve.
Parmi les mesures concrètes étudiées et issues des travaux préalables, le sujet de la modification des dispositions réglementaires relatives à l’attribution aux réservistes de l’honorariat du grade immédiatement supérieur fait actuellement l’objet d’un projet de décret, qui doit être cohérent avec les dispositions relatives à la réserve militaire prévues dans la LPM.
Ce projet, qui a reçu un avis favorable du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) à l’été 2022, est actuellement soumis à la consultation interministérielle. Il devrait pouvoir être présenté en Conseil d’État avant la fin du premier semestre de 2023.
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, auteur de la question n° 454, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Je souhaitais m’adresser tout particulièrement à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et attirer son attention, au sein du monde universitaire, sur les établissements qui ne disposent pas de ce que l’on appelle les « responsabilités et compétences élargies », soit en bon jargon administratif les RCE.
Très concrètement, parmi ces établissements, l’Institut national universitaire (INU) Champollion, à Albi, qui couvre notamment le Tarn et l’Aveyron, est le deuxième établissement le plus sous-encadré de France, dans la catégorie des établissements dits « pluridisciplinaires » hors santé. Il a pu arriver que certaines mesures de rattrapage soient prises, par exemple sous la forme d’annonces pour des emplois dans la filière des sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps), ou bien grâce à des compléments financiers.
Toutefois, lorsque, dans le cadre d’emplois supplémentaires alloués nationalement, on en attribue à un établissement comme l’institut Champollion, cela ne se traduit pas forcément dans la réalité, dans la mesure où cet établissement ne bénéficie pas des responsabilités et compétences élargies, de sorte que s’y applique un plafond d’emplois.
Pour résumer, d’un côté, on alloue un nombre d’emplois supplémentaires, de l’autre, on rappelle à l’établissement vers lequel on les flèche qu’il est soumis à un plafond d’emplois. Aussi, rien ne bouge ; la décision d’adjoindre des moyens humains reste sans effet. D’où ma question.
Monsieur le sénateur Bonnecarrère, le pilotage des moyens et des emplois des établissements ne bénéficiant pas de RCE fait l’objet d’un examen particulièrement attentif de la part des services.
Les échanges avec ces établissements se sont renforcés depuis trois ans, à la suite de la mise en place d’un dialogue stratégique et de gestion. Celui-ci nous a permis d’établir un constat partagé de la situation des établissements, de leurs contraintes et, éventuellement, de leurs besoins complémentaires.
L’INU Champollion, qui participe à ce dialogue, fait l’objet d’un effort financier significatif depuis 2017. Il a ainsi bénéficié de 5, 6 millions d’euros supplémentaires pour les dépenses personnelles et de fonctionnement. Sa subvention pour charges de service public a augmenté de 2, 2 millions d’euros en six ans, soit une hausse de 40 %.
Contrairement à ce que vous indiquez, monsieur le sénateur, le financement d’un emploi stable supplémentaire s’est traduit par un relèvement du plafond d’emplois, ce dont l’établissement a été informé en novembre 2022.
Par ailleurs, un soutien financier complémentaire alloué dès 2022 pour la création de quatre emplois supplémentaires s’est matérialisé par une nouvelle augmentation du plafond de quatre équivalents temps plein partagé (ETPT) dans une notification initiale de 2023.
S’agissant des emplois rémunérés dans le cadre du titre II, les crédits ont augmenté de 2, 2 millions d’euros en six ans, pour prendre en compte des revalorisations et l’évolution du plafond d’emplois.
Le ministère assure un suivi fin des consommations des emplois sur le titre II, pour éviter notamment un abattement de plafond d’emplois en loi de finances, qui résulterait d’une vacance sous plafond supérieur à 1 %. Le rehaussement du plafond du titre II ne peut pas être automatique ; il est soumis au constat préalable de la saturation de ce plafond d’emplois.
Madame la secrétaire d’État, je ne partage pas la relative satisfaction que vous avez exprimée.
Je vous répète que l’institut Champollion est le deuxième établissement le plus sous-doté de France et je vous invite à donner corps à une négociation pluriannuelle, ainsi qu’à un véritable dialogue annuel avec chacun des établissements concernés.
La parole est à Mme Frédérique Puissat, auteur de la question n° 472, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Ma question porte sur l’absence de statut pour les administrateurs ad hoc.
Depuis que le décret de création de cette fonction a été publié en 1999, aucun texte n’est venu encadrer cette profession, alors que son champ d’intervention ne cesse de s’étendre au fur et à mesure des textes votés, y compris dans cet hémicycle.
Contrairement aux autres mandataires, notamment les tuteurs et les curateurs, rien n’encadre véritablement cette profession.
On constate, en l’occurrence, une absence de formation obligatoire, une absence de déontologie, des contours de mission parfois flous, un exercice hétérogène des mandats sur le territoire national et une indemnisation dérisoire au regard du travail accompli. Des propositions de loi avaient déjà été déposées à l’époque, sur ce sujet, par certains de nos collègues députés.
Ma question est donc la suivante : le Gouvernement a-t-il l’intention d’agir, soit par décret, soit dans le cadre d’un projet de loi, pour encadrer cette profession ?
Madame la sénatrice Puissat, je vous remercie de votre question relative au statut de l’administrateur ad hoc et je vous prie d’excuser l’absence du garde des sceaux, ministre de la justice.
M. le garde des sceaux partage avec vous le constat selon lequel l’administrateur ad hoc, ce parrain judiciaire, est un acteur clé dans le parcours d’accompagnement du mineur victime d’une procédure pénale.
Un administrateur ad hoc est nommé en cas de conflit d’intérêts ou de vacance dans la représentation des intérêts du mineur dans un procès. Les modalités de sa désignation et de son intervention en justice sont prévues aux articles R. 53 et suivants du code de procédure pénale. Le nombre d’interventions des administrateurs ad hoc est d’environ 5 000 à 6 000 par an.
Le recrutement d’un administrateur ad hoc doit pouvoir être plus rapide, pour lui permettre d’intervenir le plus tôt possible dans l’intérêt du mineur accompagné. Sa désignation doit être plus souple, confiée au procureur de la République et non pas, comme c’est encore le cas actuellement, à l’assemblée générale des magistrats de la cour d’appel.
Sa compétence doit être assurée et vérifiée, notamment dans le cadre d’une formation de qualité sur les enjeux de la procédure judiciaire et en matière de protection des mineurs.
La mission de l’administrateur ad hoc mérite d’être précisée dans son contenu. Elle doit aussi être mieux contrôlée, pour permettre un véritable accompagnement du mineur dans tous les actes de la procédure, qu’il s’agisse de l’enquête pénale, des auditions devant le juge d’instruction ou de l’audience.
La tarification des missions est à repenser. La revalorisation de la rémunération pour les missions confiées est essentielle.
Aussi, madame la sénatrice, M. le garde des sceaux vous assure que ses services sont mobilisés sur ces questions et pourront très prochainement vous présenter des travaux aboutis, qui permettront la création d’un véritable statut pour les administrateurs ad hoc.
Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse, qui me rassure.
Un certain nombre de ces professionnels sont regroupés sous forme associative, et il y a parfois des carences que les bénévoles n’arrivent plus à gérer. Compte tenu de l’augmentation de la charge de travail, on finit par recruter de manière parfois légère. En outre, l’application de ce droit se fait de manière hétérogène en France, ce qui peut poser un certain nombre de difficultés.
Nous suivrons donc avec attention les travaux qui seront conduits par le garde des sceaux. Qu’il veille à solliciter dans ce cadre les professionnels de terrain, car ils ont matière à lui répondre, en particulier en Isère, où il existe une association de professionnels très bien construite et dont le degré de maturité est remarquable. Le garde des sceaux gagnerait à la consulter pour affiner ses travaux.
La parole est à Mme Brigitte Lherbier, auteur de la question n° 272, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Madame la secrétaire d’État, j’aimerais attirer votre attention sur la longueur des délais de justice pour obtenir une audience, puis une décision.
Les tribunaux n’arrivent plus à faire face, malgré l’engagement des magistrats, des greffiers et de l’ensemble du personnel de justice. À Lille, le président du tribunal judiciaire s’est inquiété, le jour de la rentrée solennelle, du manque de personnels. Il estime que son tribunal est « chroniquement sous-évalué », en raison du départ à la retraite de nombreux magistrats.
Cette situation se constate dans toutes les branches du droit.
En matière pénale, les mis en cause attendent plusieurs années, alors même qu’il est important de prononcer une sanction rapide, voire immédiate, notamment vis-à-vis des mineurs.
Les délais sont les mêmes pour les victimes de dommages physiques qui attendent l’évaluation de leur préjudice. En droit du travail, on annonce déjà que certaines affaires seront traitées en 2026… En matière civile et commerciale, idem ! Plusieurs années sont également nécessaires pour obtenir réparation en droit de la construction.
Longueurs pour obtenir un jugement, mais aussi longueurs pour exécuter les décisions judiciaires… Je le rappelle, 270 ordonnances de placements d’enfants en danger ne sont pas honorées dans le département du Nord.
Le rapport du comité des États généraux de la justice de 2022 affirmait qu’il fallait « rendre justice aux concitoyens ».
Les auxiliaires de justice seront-ils suffisamment compétents pour accélérer les procédures ? Les nouveaux recrutés seront-ils suffisamment formés pour éviter les erreurs dues à leur manque d’expérience ? Toute la chaîne de la procédure judiciaire sera-t-elle concernée par ces recrutements ?
Aussi, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous évoquer la situation actuelle de la justice en évoquant non pas les stocks, mais les dossiers douloureux en attente ? En effet, nous, parlementaires, recevons toutes ces personnes perdues, ruinées ou en souffrance dans nos permanences : je puis vous l’assurer, il est extrêmement difficile d’entendre ce qu’elles ont à nous dire.
Madame la sénatrice Lherbier, comme vous, nous sommes particulièrement préoccupés par la question cruciale des délais. Dans le cadre des États généraux, nos concitoyens nous ont dit très clairement que la justice était trop lente. C’est même le principal grief qui est adressé à l’institution.
C’est pourquoi, grâce aux moyens historiques supplémentaires qu’il a prévus, le Gouvernement souhaite que nous puissions diviser par deux les délais moyens de notre justice.
Tel est l’objectif premier de la politique menée depuis deux ans par le garde des sceaux. À ce titre, l’embauche de 2 000 contractuels au sein des juridictions a d’ores et déjà permis une diminution du stock de dossiers, notamment en matière civile, comprise entre 20 % et 28 % selon les juridictions et les contentieux.
Néanmoins, nous devons faire plus, évidemment. La logique du plan d’action présenté le 5 janvier dernier par le garde des sceaux est de parvenir à une réduction des délais. Ainsi, 1 500 magistrats et 1 500 greffiers seront embauchés pour la justice judiciaire au cours du quinquennat : c’est autant que sur les vingt dernières années.
Vous conviendrez cependant que trente années d’abandon budgétaire, politique et humain ne peuvent être réparées en un claquement de doigts. C’est pourquoi la loi de programmation du ministère de la justice qui sera présentée prochainement permettra de pérenniser ces efforts historiques sur le temps long, au service d’une justice plus rapide, plus efficace et plus proche du justiciable.
À la question des moyens s’ajoute l’enjeu de la complexité des procédures. C’est pourquoi la procédure pénale sera simplifiée. En outre, le garde des sceaux a lancé une grande politique de l’amiable. Si l’objectif premier de la promotion des modes alternatifs de règlement des litiges est de permettre aux justiciables de se réapproprier leur procès, l’amiable est également un moyen de favoriser les circuits courts, donc de réduire les délits.
Je sais pouvoir compter sur l’engagement du Sénat, avec lequel le Gouvernement travaille en parfaite intelligence, pour améliorer la justice de notre pays.
La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, auteur de la question n° 489, transmise à Mme la ministre de la transition énergétique.
Madame la secrétaire d’État, depuis 2022, l’installation de chaudières à gaz dans les logements individuels neufs est proscrite, au nom d’un objectif louable : la transition écologique.
Concernant les logements collectifs, cette interdiction a été fixée initialement à 2024, puis repoussée heureusement à 2025, afin de laisser du temps au développement de modes de chauffage alternatifs. Cependant, plusieurs incertitudes subsistent, notamment en ce qui concerne l’extension de cette interdiction aux rénovations de logements.
Cette politique d’interdiction radicale suscite des inquiétudes à plusieurs niveaux.
Tout d’abord, le réseau électrique français sera-t-il capable de compenser dès 2025 la surconsommation électrique entraînée par l’abandon du chauffage au gaz ? Les tensions sur le réseau cet hiver et les appels du Gouvernement aux Français à réduire leur consommation laissent planer le doute. Les surcoûts créés pour les consommateurs et les bailleurs collectifs contraints de se convertir à l’électricité seront-ils compensés ?
Au-delà de ces problématiques importantes, les craintes de la filière française du gaz sont considérables. Car cette réglementation entraînera inévitablement la perte de plusieurs milliers d’emplois et, surtout, la disparition d’un savoir-faire reconnu.
Ne commettons pas la même erreur qu’avec le nucléaire, pour lequel l’abandon programmé de la filière a détourné de celle-ci des milliers d’ingénieurs et de techniciens, qui font aujourd’hui cruellement défaut alors que le secteur revient en grâce à la suite de la volte-face du Président de la République.
Madame la secrétaire d’État, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de mettre en place pour accompagner et soutenir la reconversion de la filière gaz si l’abandon programmé de cette dernière se confirme ?
Monsieur le sénateur Levi, je vous remercie de votre question et vous prie d’excuser l’absence de la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.
Le Président de la République a fixé des objectifs très ambitieux en matière de transition énergétique : que la France soit le premier grand pays industriel à se libérer de sa dépendance aux énergies fossiles et à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.
Depuis 2022, la réglementation environnementale RE2020 impose le recours à une part importante d’énergie décarbonée pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire dans les logements neufs.
Une première échéance a été fixée pour les maisons individuelles ; l’obligation est ensuite progressivement étendue aux logements collectifs en 2025 et aux bâtiments tertiaires. Son objectif est de poursuivre l’amélioration de la performance énergétique et du confort des constructions, tout en diminuant l’impact carbone de ces dernières. Il n’y a, à ce jour, pas d’interdiction d’installation de chaudières au gaz dans les logements existants.
Des solutions compétitives existent, par exemple en recourant aux réseaux de chaleur et aux énergies renouvelables ou de récupération, telles que les pompes à chaleur, la géothermie de surface, les systèmes solaires ou la biomasse.
Certaines aides tirent déjà les conséquences de cette évolution : ainsi, MaPrimeRénov’, principale aide à la rénovation énergétique des logements, ne subventionne plus l’achat de chaudières au fioul ou au gaz.
Le recours aux énergies décarbonées est générateur de nouvelles perspectives pour les entreprises désireuses de s’engager dans ces solutions d’avenir, avec des enjeux importants en termes de formations et de compétences.
Le Gouvernement est engagé dans l’accompagnement de la transition des filières industrielles du chauffage vers des énergies bas carbone. Plusieurs outils déployés par l’État y concourent : le renforcement des aides au raccordement aux réseaux de chaleur ; le fonds Chaleur et le plan géothermie, lancé en février 2023. Les actions en cours pour développer l’industrie française des pompes à chaleur, qui font l’objet d’échanges avec les filières, y contribuent également.
Enfin, s’agissant du biogaz, cette énergie décarbonée doit être soutenue. Nous avons consommé 480 térawattheures de gaz en 2021, et nous avons actuellement une capacité d’injection dans le réseau de 10 térawattheures de biogaz, avec un gisement global de biomasse qui restera limité.
Réduire notre consommation globale de gaz n’est donc pas incompatible avec un développement fort du biogaz. Nous devons faire les deux, afin de sortir au plus vite des énergies fossiles.
La parole est à M. Mickaël Vallet, auteur de la question n° 502, transmise à M. le secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargé de la mer.
Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur la méthode de détection de norovirus dans les productions conchylicoles françaises.
La conchyliculture est fréquemment touchée, durant les périodes hivernales, par des épidémies de norovirus induites par divers dysfonctionnements des stations de traitement des eaux.
Les conchyliculteurs ne sont en rien responsables de ces manquements des stations d’épuration, tout en en payant le prix fort par les restrictions de production et de commercialisation. Vous le savez, votre département d’élection est concerné, comme l’est la Charente-Maritime, dans lequel se trouve le plus grand bassin ostréicole d’Europe.
Au-delà, c’est la méthode même sur laquelle reposent ces interdictions qui interroge. La détection de génome du norovirus dans les coquillages n’informe pas correctement sur l’infectiosité du virus, puisque le génome peut rester présent après que le caractère infectieux du virus a fortement décliné.
Alors qu’une discussion a lieu actuellement au niveau européen pour l’ajout de critères microbiologiques relatifs aux norovirus dans le règlement, en se fondant notamment sur la détection du génome, je souhaiterais savoir où en est concrètement l’avancée du programme de recherche dit « Oxyvir 2 », que le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire soutient.
Ce programme doit permettre d’estimer le caractère infectieux du norovirus par l’utilisation d’un indicateur viral externe, en l’occurrence ce qu’on appelle les bactériophages fécaux. Cet indicateur deviendrait la norme sur laquelle seraient prises les décisions éventuelles d’interdiction de commercialisation des productions conchylicoles, à l’instar de ce qui se pratique d’ailleurs déjà en Australie et aux États-Unis.
Pour le dire autrement, fonder une interdiction de vente sur la présence du norovirus, qui est sans danger pour le consommateur, serait un non-sens. En effet, ce qui compte, ce sont les bactériophages, qui, eux, peuvent être dangereux et qu’une purification d’une vingtaine de jours suffirait visiblement à éliminer. Il faut être pragmatique et avoir une approche scientifique rationnelle, dans l’intérêt des consommateurs, des conchyliculteurs et de notre balance commerciale.
Peut-on compter sur le soutien du Gouvernement dans cette perspective ?
Monsieur le sénateur Vallet, je vous remercie de votre question relative aux critères de contrôle des norovirus dans les productions conchylicoles, qui concerne aussi mon département, l’Hérault. Je vous prie d’excuser l’absence du secrétaire d’État chargé de la mer, Hervé Berville, qui n’a pu être présent.
L’étude Oxyvir, cofinancée par le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture, l’État et la région Normandie, a été lancée pour détecter l’infectiosité des norovirus. L’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) travaille également sur cette question.
À la suite de résultats prometteurs, le programme Oxyvir 2 a été lancé en 2021 pour confirmer la fiabilité de la méthode.
Le Gouvernement travaille sur la réglementation pour que les décisions soient prises au plus près des risques encourus par les consommateurs.
La méthode du programme Oxyvir 2, si elle tient ses promesses, pourrait être utilisée pour cibler les norovirus infectieux et éviter la fermeture injustifiée des sites. L’étude devrait être finalisée d’ici à quelques mois et la méthode, une fois validée au niveau national, pourra être présentée à la Commission européenne.
Nous continuons de travailler avec les collectivités pour améliorer leur gestion des eaux, qui sont responsables de ces contaminations, ainsi que pour accompagner les producteurs lors des crises.
Je vous remercie, monsieur le sénateur, d’avoir posé cette question très intéressante.
Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Alain Richard.