Bienvenue à nos collègues députés. Je propose d'examiner en premier lieu le projet de loi organique.
Il en est ainsi décidé.
PROJET DE LOI ORGANIQUE
Le projet de loi organique pose moins de problèmes. Les députés ont réglé celui, brûlant, de la référence au nombre d'habitants à retenir pour l'application du scrutin municipal proportionnel, et dont la fixation relève du projet de loi ordinaire. Cette question a déjà fait l'objet de longs débats. Les députés l'ont fait astucieusement disparaître, considérant que ce seuil de population n'avait pas à figurer expressément dans la loi organique : seule y figurera la référence aux dispositions correspondantes du code électoral.
Autre question en discussion entre les deux assemblées : faut-il appeler les membres de l'organe délibérant de l'intercommunalité, conseillers intercommunaux, comme le souhaite l'Assemblée nationale, ou conseillers communautaires, ainsi que le défend le Sénat ? Une affaire de sensibilité peut-être, mais qui peut traduire des convictions fondamentales. M. Popelin et moi-même n'avons pas su la trancher. C'est que nous nous sentions chacun dépositaires des intérêts sacrés de son assemblée...
Reste une difficulté en fin de parcours, à l'article 3. Pour le Sénat, les dispositions concernant l'élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires n'ont pas vocation à s'appliquer à la Polynésie française, où l'intercommunalité est encore à ses débuts. Les députés mettent en avant une autre analyse. De là, une différence d'une ligne et quart...
Le seuil de population a des incidences sur le régime du cumul des mandats et la participation des citoyens de l'Union européenne. Le législateur ne peut pas le fixer artificiellement, il doit le lier à une référence objective : celle du seuil applicable au mode de scrutin. Voilà ce qui est prévu dans notre droit et justifie que nous ayons supprimé la mention d'un seuil de population plutôt que d'y revenir à chacune de ses modifications. Je remercie le Sénat de l'accord qu'il pourrait donner à cette solution.
Le Parlement s'entend, au moins, pour nommer conseillers ceux que le Gouvernement appelait des délégués communautaires... Le choix des mots n'est pas neutre, car le délégué procède d'une assemblée tandis que le conseiller est directement élu. Pour ce qui est du qualificatif, la polysémie parfois hasardeuse du mot « communautaire » doit nous inciter à la prudence. Au-delà, l'adjectif « intercommunal » est plus adapté parce qu'il couvre toutes les situations. Certes, grâce au Sénat, l'acte III de la décentralisation ne viendra pas tout de suite, le Parlement l'examinera par partie et ce sera une nouvelle occasion de démontrer notre débordante inventivité. Pour autant, les conseillers intercommunaux ont vocation à siéger dans des métropoles qui ne seront pas des communautés.
Pour terminer, si j'entends la remarque sur la Polynésie française, des consultations préalables seraient utiles compte tenu du sujet. L'Assemblée nationale est toutefois prête à faire un pas...
Le Sénat pourrait en faire un sur l'appellation. Ce serait dommage de constater un échec de la commission mixte paritaire pour cela.
Article premier A Conséquence de l'abaissement du seuil du scrutin municipal proportionnel de liste sur la limitation du cumul des mandats
La CMP adopte l'article 1er A dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article premier Adaptation de la participation des ressortissants de l'Union européenne aux nouvelles modalités d'élection des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux
Pour l'intelligibilité de la loi et de la suite de nos débats, mieux vaudrait adopter la rédaction très claire du Sénat et fixer le seuil à 1 000 habitants que j'approuve.
Si un suppléant peut poser une question à d'éminents juristes, j'aimerais savoir ce qui justifie aujourd'hui la disparition dans le projet de loi organique d'un seuil qui paraissait indispensable hier ?
Il ne figure plus expressément dans le texte de l'Assemblée nationale mais est fixé par référence aux dispositions du code électoral prévoyant l'application du scrutin municipal majoritaire de liste à représentation proportionnelle, et je viens d'expliquer pourquoi.
Adopter le texte de l'Assemblée nationale ne nous dispensera pas de ce débat, nécessaire et inévitable, quand nous aborderons le projet de loi ordinaire.
La solution est habile... Au Sénat, nous avions examiné le projet de loi organique après le projet de loi, ce qui changeait tout... Pourquoi n'est-il plus nécessaire que le seuil figure dans la loi organique ?
Merci pour le compliment. Puis-je vous rappeler que j'ai consulté les membres de la commission mixte paritaire, et qu'ils ont donné leur accord pour procéder à la discussion du projet de loi organique avant celle du projet de loi ? Je les consulte de nouveau sur le seuil de population. Vous ralliez-vous à la proposition des députés ? Il en est ainsi décidé. Le titre de conseiller intercommunal sonne un peu abstrait. Si je connais les dérives liées au mot « communautaire », le terme de « communauté » s'est implanté un peu partout : nous parlons de communauté de communes, de communauté d'agglomération, de communauté urbaine...
Sans vouloir outrepasser mon rôle de président, tenez-vous vraiment à l'appellation de conseiller intercommunal ?
Oui, parce que nous sommes dans un système d'intercommunalité et que le mot a un sens précis. La version des députés est meilleure.
Suivons la logique de M. Hyest jusqu'au bout et substituons des conseillers communaux aux conseillers municipaux ...
Le conseiller général est un terme d'hier que nous avons modifié en conseiller départemental pour tenir compte des électeurs d'aujourd'hui. Allons au plus simple : le conseiller municipal, tout le monde sait à quoi cela correspond.
A mon sens, le Sénat, qui a fait preuve d'ouverture sur d'autres points, ne se montrerait pas grossier en étant un peu conservateur sur celui-là. Mais peut-être suis-je trop influencé par une charge de conseiller communautaire...
L'article 1er est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale sous réserve du remplacement du mot : « intercommunaux » par le mot : « communautaires ».
Article 3 Entrée en vigueur
Sur la Polynésie, malgré les grandes qualités pédagogiques de M. Delebarre, j'ai été assez impressionné par l'argumentation de M. le rapporteur de l'Assemblée nationale. Comme des consultations préalables sont prévues par la loi, n'est-il pas opportun de leur donner droit ?
Nous pouvons prendre la proposition de rédaction élaborée par le Sénat. L'alinéa 5 de l'article 3 se lirait ainsi : « L'article 1er A, les 1° et 1° bis de l'article 1er et les articles 2 et 2 bis B sont applicables en Polynésie française ».
La mise en place du fait intercommunal est récente sur ces territoires. La loi en matière d'élection municipale a une portée générale pour le reste, mais nous en retirons ce point afin que ces territoires aillent au rythme qu'ils souhaiteront.
La proposition de rédaction n° 1 est adoptée.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
L'intitulé du projet de loi organique est modifié par coordination pour remplacer le mot : « intercommunaux » par le mot : « communautaires ».
L'ensemble du texte du projet de loi organique est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
PROJET DE LOI
Autant notre travail a dégagé des solutions équilibrées sur le projet de loi organique, qui avait été adopté par le Sénat en première et en deuxième lectures, autant il me semble impossible de trouver les voies d'un accord sur le projet de loi. La raison principale en est l'instauration du scrutin binominal paritaire, à l'article 2 et tous les articles qui en découlent. Je suggère que la commission mixte paritaire constate notre désaccord : mon mandat ne m'autorise pas à aller au-delà.
Ma position est similaire à celle de M. Popelin. Il ne s'agit pas de mauvaise volonté de notre part : seuls, nous nous serions sans doute mis d'accord. Cependant, chacun de nous doit tenir compte d'un environnement parfois pesant. Pour ma part, je n'ai pas reçu du Sénat un soutien unanime sur cette question. Nous en avions pourtant débattu, beaucoup, trop peut-être...
Débattre n'est jamais une erreur au Sénat. Je n'ai pas senti d'enthousiasme sur cette question. Nous avons donc constaté notre désaccord.
Nos deux rapporteurs, par loyauté envers leur assemblée respective, proposent donc de constater un désaccord, essentiellement en raison de l'article 2 et de l'instauration du scrutin binominal.
Avec toute la modestie qui sied à un suppléant, je ne crois pas que l'échec soit assuré si nous entamons la discussion article par article. Lors des deux discussions au Sénat, il y a eu des avancées importantes, grâce au rapporteur, grâce au ministre de l'Intérieur aussi, qui s'est engagé sur des contreparties. Pourquoi n'essaierions-nous pas d'obtenir un accord en commission mixte paritaire ?
C'est vrai, les deux assemblées ont beaucoup travaillé. En seconde lecture, le Sénat a bénéficié de la compréhension, voire de la coopération, du Gouvernement ; il y a eu d'importantes avancées : sur la question des 30 %, où nous avons obtenu plus de souplesse dans la définition des futurs cantons ; sur le seuil des 12,5 %, car tout le monde n'est pas favorable aux triangulaires ; sur l'intercommunalité, aussi, où une avancée commune au Sénat et à l'Assemblée nationale a concerné le fléchage. Je tiens à saluer l'attention que les députés ont portée à notre travail en seconde lecture : ils ont pris en compte ce qui était important pour le Sénat.
Pour nous, le texte est bien meilleur qu'au départ. Nous aurions certes pu trouver les chemins d'un accord ici. Néanmoins, le vote final est difficile à garantir, et les informations dont je dispose ne m'autorisent pas à préjuger d'une issue favorable au Sénat. En vertu de l'adage « un tiens vaut mieux que deux tu l'auras », si nous voulons conserver les acquis auxquels nous sommes déjà parvenus et ménager l'avenir de ce texte, le constat de désaccord est préférable : il ne comporte rien de négatif.
Bien que j'aie déjà participé à des dizaines, des centaines peut-être, de commissions mixtes paritaires, je trouve la situation très originale. Elle est due à l'absence de majorité pour ce texte au Sénat. La majorité des sénateurs a accepté beaucoup de choses sur l'intercommunalité ; le Gouvernement a fait un effort aussi. Reste qu'il n'y a pas d'accord sur l'essentiel : le binôme. Nous y avons été hostiles en première lecture, nous y avons été hostiles en deuxième lecture, nous y serons hostiles en dernière lecture.
Certaines dispositions ont toutefois été votées par les deux assemblées : le tunnel des 30 %, le seuil à 12,5 % pour l'accès au second tour des élections départementales, le seuil de déclenchement de la proportionnelle au scrutin municipal - sur cette question fondamentale pour le Sénat, le bureau de l'Association des maires de France s'est déclaré ce matin favorable à un seuil de 1 000 habitants. Devrions-nous nous abstenir alors que nous ne sommes pas d'accord sur un texte que le Sénat avait d'ailleurs rejeté en première lecture et qu'il avait voté en deuxième lecture, amputé des articles concernant le conseiller départemental ? Cette commission mixte paritaire, à n'en pas douter, marque pour moi une nouvelle étape dans mon expérience de la chose : j'en parlerai dans mes mémoires !
Si cette commission mixte paritaire devait constater un désaccord, alors j'aurais le regret de n'avoir pas soutenu la démarche de M. Larrivé. Il a souhaité maintenir l'article 1er A du projet de loi organique, qui concerne le seuil des mille habitants, tel qu'il avait été rédigé par le Sénat. Comme l'a bien dit M. Hyest, c'est la position unanime de l'Association des maires de France. J'ai voté en l'état le projet de loi organique, de portée générale, parce que j'espérais débattre de ce seuil à l'article 16. J'en éprouve une grande frustration, et je regrette de n'avoir pas exprimé davantage mon désaccord avec la rédaction proposée par l'Assemblée nationale, car je suis convaincue que le seuil de 500 habitants va nous être imposé, et que ni le Sénat, ni l'Association des maires de France ne seront entendus.
Vos paroles, qui figureront dans le compte rendu, seront peut-être entendues.
Ne disons pas que le Sénat n'est pas écouté, car l'Assemblée nationale nous a entendus sur de nombreux points : seuil des 12,5 % pour le maintien au second tour des élections départementales, fléchage donnant plus de souplesse pour les listes de candidats aux sièges de conseiller communautaire, tunnel à plus ou moins 30 %... Quant à la fixation du seuil à 500 ou à 1 000, ne préjugeons pas de l'issue des discussions. Nous ne pouvons pas aboutir en raison d'un désaccord sur le scrutin binominal : rien ne sert de prendre ici des positions qui nous rendraient minoritaires dans nos assemblées respectives.
Le résultat du dialogue entre les deux assemblées reflète leur constitution. Je suis reconnaissant à l'Assemblée nationale d'avoir prévu un nombre minimal de cantons, notamment en ajoutant une deuxième catégorie, pour les départements de 150 000 à 500 000 habitants, ce qui a plus de portée que le tunnel à plus ou moins 30 %. Si le nombre de cantons est inchangé, le tunnel ne sert qu'à faciliter le découpage pour le ministre de l'intérieur. Comme celui-ci ne manque pas d'ordinateurs, lui faciliter ainsi la tâche n'est pas nécessaire. Pour le reste, nous sommes en désaccord sur le binôme, tant pis ! La Constitution donne le dernier mot à l'Assemblée nationale, elle l'aura. C'est une mauvaise loi électorale. Le département peut mourir du binôme ou du transfert de compétences, nous verrons lequel conduira le plus vite à sa fin...
Un échec est toujours regrettable, parce qu'il empêche le débat. Toutefois, le Sénat a vraiment débattu de ce texte, même si je ne vois pas en quoi les avancées du ministre auraient pu modifier notre vote. Binôme, fléchage, seuil : l'essentiel n'a pas bougé. Sur le seuil, je suis favorable à son abaissement à 500 habitants, comme le proposaient les députés ; je l'ai défendu en première lecture, en deuxième lecture, et je le défendrai encore.
Vous présentez comme une avancée démocratique le fait que l'Assemblée nationale puisse décider après deux refus par le Sénat, sur les articles les plus importants d'une loi réformant les modes de scrutin et un constat de désaccord en commission mixte paritaire : c'est pour moi une innovation dans l'analyse politique d'un échec. Je vous remercie de m'avoir fait progresser dans ma perception du bicamérisme français et de la primauté du Sénat sur les textes engageant l'avenir des collectivités territoriales... Notre détermination reste entière, à l'Assemblée nationale, à poursuivre ce débat, et à nous opposer à ce désordre territorial que vous êtes en train d'instaurer.
Si je participe pour la première fois à une commission mixte paritaire, j'ai été dans le passé un spectateur attentif de leur travail. C'est une grande découverte que de voir le Sénat anticiper le dernier mot de l'Assemblée nationale sur un texte qui concerne les collectivités locales. C'est d'autant plus regrettable que le débat parlementaire avait préparé des avancées intéressantes, même si elles peuvent être interprétées différemment. Pour ma part, j'avais confiance dans le ministre de l'Intérieur, et l'assouplissement du plus ou moins 30 % me paraissait un point positif ; le relèvement du seuil à 1 000 habitants constituait un acquis important : le Gouvernement s'y était engagé, le président Urvoas avait ouvert la voie à un accord... Il restait des questions juridiques importantes à creuser : nous aurions pu traiter ici du binôme, candidat d'un nouveau type, de l'article 3 et de la division par deux du nombre de cantons, faite brutalement, de manière arithmétique... Ces débats sont escamotés, à l'initiative du Sénat, ce que je trouve étonnant.
Je veux bien m'apitoyer sur le résultat de la commission mixte paritaire, voire même en porter le deuil... conjointement avec mon homologue de l'Assemblée nationale. Pour qu'une commission mixte paritaire réussisse, il faut en créer les conditions. Sans quoi, l'esprit de compromis ne peut l'habiter. Dans ce débat, entre la première et la seconde lecture, une partie du chemin a été faite, à l'Assemblée nationale comme au Sénat : le Gouvernement a pris sa part de l'effort ; l'Assemblée nationale a eu la sagesse de reprendre en seconde lecture des éléments que nous avions votés. Bref, des conditions importantes avaient été réunies pour que certaines opinions puissent évoluer. Cela n'a pas été le cas et le cheminement n'a pas pu aller à son terme.
Nos deux rapporteurs ont indiqué qu'il leur paraissait difficile de parvenir à un accord et proposé que nous en prenions acte. Les orateurs ont ensuite indiqué, parfois avec un peu d'ironie, que des avancées ont néanmoins été faites, qui seront reprises dans le texte qui sera finalement adopté. Dans cet état d'esprit, qui n'est pas négatif, je vous propose de prendre acte de notre désaccord.
La commission mixte paritaire constate qu'elle ne peut parvenir à élaborer un texte commun sur le projet de loi ordinaire.