La commission a tout d'abord procédé, sur le rapport de Mme Catherine Troendle, à l'examen de l'amendement sur la proposition de loi n° 182 (2007-2008), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale par la mise en conformité du code général des collectivités territoriales avec le règlement communautaire relatif à un groupement européen de coopération territoriale.
A l'article unique (rénovation des instruments de la coopération décentralisée), elle a demandé le retrait de l'amendement n° 1 présenté par M. Claude Biwer et les membres du groupe Union centriste - UDF tendant à permettre au groupement européen de coopération territoriale de recourir aux contrats de partenariat, Mme Catherine Troendle, rapporteur, ayant expliqué que l'objet de cet amendement était satisfait par l'article 13 du projet de loi relatif aux contrats de partenariats en cours d'examen par le Sénat.
a indiqué que cette séance ouvrait le cycle d'auditions 2008 de la commission des lois consacré à des juridictions, organismes extra-parlementaires et autorités administratives indépendantes (AAI) dont le champ d'intervention relève des compétences de la commission des lois.
Puis la commission a entendu M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat.
Soulignant les défis et les enjeux auxquels était confrontée la juridiction administrative, M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat, a tout d'abord exposé les efforts récemment entrepris afin de renforcer l'efficacité de la fonction consultative du Conseil d'Etat.
Il a indiqué qu'en réaction au décuplement du volume de la norme en 40 ans, doublé en 15 ans et augmenté de 9,75 % au cours des 18 derniers mois, le décret n° 2008-225 du 6 mars 2008 relatif à l'organisation et au fonctionnement du Conseil d'Etat avait créé une section administrative supplémentaire -la section de l'administration- disposant d'un bloc de compétences homogène et d'une vision transversale des enjeux globaux de la réforme de l'Etat. Il a souligné que cette section aurait désormais seule compétence pour examiner les projets de loi et de décret en matière de fonction publique, de relations entre l'administration et ses usagers, de procédure administrative non contentieuse, de défense nationale, ainsi que de contrats publics et de propriétés publiques. Il a souligné qu'elle aurait donc en charge l'examen des principaux instruments de la gestion publique.
Il a fait observer que d'autres mesures étaient désormais mises en oeuvre afin d'accroître l'efficacité de la fonction consultative du Conseil d'Etat, mentionnant :
- la différenciation des méthodes de traitement des dossiers avec la mise en place de formations ordinaires de sept membres ;
- le renforcement de l'unité de doctrine et de la coordination des sections avec la nomination d'un délégué général dans les sections administratives ;
- l'attribution d'une voix délibérative à tous les membres des sections administratives ;
- le recours accru à des personnes susceptibles d'éclairer les travaux des sections administratives ;
- la réduction du champ des décrets en Conseil d'Etat.
s'est ensuite interrogé sur les conséquences de la modification de l'article 88-4 de la Constitution par la loi constitutionnelle du 4 février 2008 sur la fonction de veille exercée par le Conseil d'Etat sur les projets de textes communautaires, afin d'anticiper sur les difficultés juridiques et politiques posées par ceux-ci.
Il a souligné que si la réforme annoncée des institutions permettait au Parlement de demander l'avis du Conseil d'Etat sur des propositions de loi, il serait nécessaire de définir les modalités d'application de cette mesure, à commencer par la représentation du Parlement et du Gouvernement devant le Conseil d'Etat, le filtrage des propositions de loi par les présidents des assemblées, et décider si l'avis du Conseil d'Etat serait une condition d'inscription de la proposition de loi à l'ordre du jour des assemblées.
a souligné que la juridiction administrative devait également relever le défi résultant de l'accroissement du nombre des requêtes et des délais de jugement.
Il a rappelé qu'un effort considérable avait été accompli pour répondre à la multiplication par dix en 30 ans du nombre de requêtes devant la juridiction administrative. Il a indiqué qu'alors que le nombre de magistrats des tribunaux administratifs et des Cours administratives d'appel n'avait été multiplié que par 3,5 pendant la même période, les délais de jugement des affaires avaient été réduits de plus de 20 % au Conseil d'Etat et dans les tribunaux administratifs et de plus de 50 % dans les Cours d'appel, et s'élevaient désormais à moins de 9 mois au Conseil d'Etat, à 13 mois dans les Cours administratives d'appel et à moins de 14,5 mois dans les tribunaux administratifs.
Il a néanmoins jugé ces résultats à la fois insuffisants, dans la mesure où le délai prévisible moyen -hors procédures d'urgence, ordonnances et procédures enserrées dans des délais particuliers- reste le double du délai apparent, et très inégaux, la région d'Ile-de-France étant dans une situation critique. Il a craint en outre qu'ils ne soient fragilisés par le développement des contentieux de masse, notamment avec la perspective du droit au logement opposable.
Il a en conséquence évoqué plusieurs mesures :
- l'élaboration d'un nouvel indicateur budgétaire, mesurant le délai réel de traitement des affaires ordinaires, hors ordonnances, procédures d'urgence et procédures enserrées dans des délais particuliers telles que celles relatives aux arrêtés de reconduite à la frontière, aux refus de séjour assortis de l'obligation de quitter le territoire ou au contentieux électoral ;
- la poursuite du renforcement des moyens et la création de juridictions supplémentaires, en particulier en Ile-de-France où, depuis 2002, les requêtes ont marqué une hausse de 72,5 %, les jugements de 43 % et les effectifs de 20 % seulement, ce qui a conduit à un allongement des délais de jugement ;
- la réforme des procédures, bien que les marges de manoeuvre soient restreintes, 32 % des affaires étant déjà réglées par ordonnance, 30 % par un juge unique et 38 % par une formation collégiale ;
- le développement de l'aide à la décision ;
- l'accroissement des télé-procédures, déjà mises en oeuvre pour le contentieux fiscal devant le Conseil d'Etat et expérimentées à la Cour administrative d'appel et au tribunal administratif de Paris, ainsi que devant le Conseil d'Etat en matière de fonction publique militaire ;
- la prévention de la « pathologie contentieuse » ainsi que des contentieux de masse par le développement, pour ces derniers, du recours administratif préalable obligatoire, notamment dans le contentieux de la fonction publique ou du permis de conduire ;
- l'évitement des contentieux « virtuels », tel celui relatif au refus de séjour des étrangers dans lequel 95 % des décisions ne sont pas exécutées, ce qui représente près de 20 % du total des décisions des tribunaux administratifs ;
- la réflexion préalable à l'instauration d'une action de groupe devant le juge administratif afin de faciliter le traitement des séries de requêtes présentant à juger le même point de droit, quand celui-ci a été tranché par une décision juridictionnelle devenue définitive.
a indiqué la volonté du Conseil d'Etat de maintenir la qualité de la justice administrative, ce qui impliquait l'accessibilité du juge, l'unité, la cohérence, la stabilité et la prévisibilité de la jurisprudence, la réalité et la profondeur du contrôle juridictionnel, l'efficacité des procédures d'urgence ainsi que l'exécution des décisions de justice.
Faisant observer que beaucoup avait été fait ces dernières années en la matière, il a estimé souhaitable de développer et d'affiner les indicateurs de qualité, tout en développant la formation des magistrats et agents de greffe, ce qui se traduirait par la création d'un centre de formation de la juridiction administrative. Il a également évoqué la nécessité d'une plus grande place donnée à l'oralité dans la procédure par le développement des audiences d'instruction, des enquêtes à la barre et des audiences « interactives ».
Il a souligné l'intérêt d'améliorer la mise en état des affaires pour que celle-ci soit plus prévisible et plus efficace par la mise en place d'un calendrier de procédure.
Indiquant que l'indépendance de la juridiction administrative n'était pas incompatible avec sa responsabilité et son ouverture en direction du corps social, M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat, a insisté sur le fait qu'elle devait en conséquence rendre compte au corps social, aux pouvoirs publics et à la société de l'accomplissement de sa mission. Il a ajouté que cette volonté se traduisait par des initiatives tendant à valoriser les travaux de la juridiction administrative et à renforcer sa communication en direction des publics généralistes et spécialisés ainsi qu'à approfondir ses relations avec l'université, une direction de la communication venant d'être créée à cette fin au Conseil d'Etat.
Il a fait observer qu'il convenait que la juridiction administrative évalue ses activités et ses résultats et, en particulier, le coût et l'efficacité de la justice. Il a indiqué qu'une étude sur ce thème de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat était engagée et qu'il était nécessaire de s'inscrire dans la perspective du benchmarking mondial des systèmes de justice, la Banque mondiale devant lancer une étude évaluant les systèmes juridictionnels à travers le monde.
Il a estimé que la juridiction administrative devait définir et publier les principes déontologiques s'imposant à ses membres, ce qui renforcerait sa qualité et son impartialité objective tout en sécurisant leurs pratiques professionnelles. Il a indiqué qu'ainsi seraient rappelés et précisés les principes déontologiques concernant la prévention des conflits d'intérêt et les règles de déport, les obligations professionnelles ainsi que le devoir de réserve.
Il a jugé que la juridiction administrative devait aussi s'ouvrir davantage sur la société et contribuer à éclairer les grands enjeux éthiques, économiques, sociaux, sociétaux et environnementaux des décisions prises au contentieux, évoquant la création d'une procédure d'« amicus curiae » permettant d'entendre, dans certains procès administratifs, des philosophes, des économistes, des sociologues ou des professeurs de médecine.
S'agissant du renforcement des garanties du procès équitable dans le cadre de la procédure administrative contentieuse, M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat, a relevé que le décret du 6 mars 2008 avait prévu, d'une part, qu'un membre du Conseil d'Etat ne peut participer au jugement d'un recours contre un acte pris après avis du Conseil d'Etat, lorsqu'il a pris part à la délibération de cet avis, les justiciables pouvant obtenir communication du nom des membres du Conseil d'Etat ayant participé à la délibération d'un avis relatif à un acte qu'ils contestent, afin de vérifier le respect de cette règle.
Il a ajouté que la composition des formations de jugement avait également été modifiée, les sections administratives cessant d'être structurellement représentées dans la section du contentieux en formation de jugement et dans les sous-sections réunies, le vice-président n'ayant plus de voix prépondérante en assemblée du contentieux et aucun membre d'une section administrative ayant rendu un avis sur un texte pendant devant l'assemblée du contentieux ne pouvant siéger dans cette formation de jugement.
Il a indiqué que les parties pourront s'exprimer oralement, et plus seulement par note en délibéré, après les conclusions du commissaire du gouvernement, de même qu'elles pourront être informées préalablement du sens de celles-ci.
a rappelé que, si le droit public avait longtemps été moins perméable aux influences extérieures, il avait été totalement transformé par les normes communautaires et celles issues de la Convention européenne des droits de l'homme, relevant qu'entre 32 % et 45 % des 4.000 décisions les plus importantes du Conseil d'Etat faisaient application de ces normes.
Il a estimé nécessaire de mettre en place, à côté de la coopération institutionnelle ou verticale entre juridictions suprêmes, telle que la procédure des questions préjudicielles devant la Cour de justice des Communautés européennes, une collaboration informelle, horizontale entre juges administratifs suprêmes de l'Union européenne. Une telle coopération permettrait aux juges suprêmes de confronter leurs méthodes de travail, leurs jurisprudences et leurs résultats afin de parvenir à une vision partagée de l'application du droit européen et de faire converger le contrôle de la puissance publique.
a ensuite évoqué la réforme des statuts de la juridiction administrative afin d'en renforcer les garanties d'indépendance et les qualifications, tout en éliminant certaines dispositions obsolètes et inadaptées. Il a indiqué que l'objectif recherché par cette évolution était de :
- mieux encadrer le pouvoir de nomination au tour extérieur des membres de la juridiction administrative ;
- réformer la procédure disciplinaire, qu'il a jugée inadaptée ;
- permettre l'intégration au sein du Conseil d'Etat de fonctionnaires accueillis en détachement ;
- créer des conseillers d'Etat en service extraordinaire au contentieux, pour accueillir au Conseil d'Etat des juristes expérimentés d'origines diverses, y compris du secteur privé ;
- accroître le recrutement de membres du Conseil d'Etat issus des tribunaux administratifs et des Cours administratives d'appel ;
- prévoir une limitation de durée dans l'exercice des fonctions de chef de juridiction.
a insisté sur le fait que la juridiction administrative s'était engagée dans un vaste mouvement de renouvellement, d'anticipation et d'adaptation depuis 20 ans, qui allait se poursuivre et reposait sur une vision claire de son office : assurer la protection des droits fondamentaux, améliorer la gouvernance publique et faire respecter l'intérêt général.
Il a souligné que cette réforme s'inscrivait dans le cadre d'une démarche collective qui impliquait la juridiction administrative dans son ensemble et de l'unité de laquelle il était le garant.
s'est félicité de ce que la commission des lois puisse entendre le vice-président du Conseil d'Etat. Il a regretté que, depuis l'entrée en vigueur de la loi organique aux lois de finances, le Parlement n'ait plus de ministre identifié pour assumer la présentation du budget de la justice administrative, auparavant rattaché au garde des sceaux et désormais inscrit dans une mission « Conseil et contrôle de l'Etat » placée sous l'autorité du Premier ministre. En outre, il a jugé utile -pour l'information du Parlement- de faire annuellement le point sur les perspectives de réforme des juridictions administratives, notant que plusieurs chantiers étaient en cours.
Le rapporteur pour avis a souhaité savoir si l'impact de la loi du 5 mars 2007 instituant un droit opposable au logement était déjà perceptible sur l'activité des juridictions administratives. Il a rappelé les inquiétudes exprimées par les magistrats administratifs lors de la dernière discussion budgétaire concernant l'augmentation de la charge de travail des juridictions administratives susceptible d'être induite par cette réforme.
Il a demandé si le Conseil d'Etat avait engagé un dialogue avec les administrations publiques pour généraliser les recours gracieux préalables obligatoires, soulignant que cette piste de réforme était régulièrement mise en avant par les magistrats administratifs pour désengorger les tribunaux.
Enfin, il s'est enquis de l'état d'avancement du projet de création d'un tribunal administratif à Toulon, se demandant si le choix du site définitif avait été arrêté. Il a appelé l'attention du vice-président du Conseil d'Etat sur les locaux du tribunal administratif de Nîmes créé en 2006 et installés dans un bâtiment restructuré en profondeur dont les façades anciennes sont restées très dégradées. Il a souhaité que des travaux s'engagent rapidement pour remédier à cette situation, après avoir indiqué que les collectivités territoriales étaient disposées à en financer une partie, en complément de l'Etat.
Relevant que l'introduction de l'action de groupe devant les juridictions judiciaires n'était encore qu'à l'étude, M. Bernard Saugey a souhaité obtenir des précisions sur la réflexion annoncée par M. Jean-Marc Sauvé sur son application devant les juridictions administratives.
s'est demandé si l'inflation normative -bien qu'unanimement déplorée- allait dans le sens d'une meilleure administration de l'Etat. Il s'est déclaré dubitatif sur l'effet à long terme des récentes réformes destinées à réduire les délais de jugement. Selon lui, la systématisation des recours gracieux porte en germe le risque de susciter un volume de contentieux plus important, à l'inverse de l'objectif recherché. Il a estimé plus utile de régler les difficultés encore plus en amont.
a évoqué la désespérance des tribunaux administratifs face à l'explosion du contentieux des étrangers. Il a souhaité savoir si des solutions étaient envisagées pour résoudre ces difficultés. Il s'est réjoui de ce que le vice-président du Conseil d'Etat ait exprimé la volonté de renforcer l'oralité des débats devant les juridictions administratives.
a souligné le risque que l'encombrement des juridictions administratives ne les conduise à effectuer des choix tant sur la manière de traiter les affaires elles-mêmes que s'agissant du degré de priorité qui leur est accordé. Un minimum de transparence sur les modalités de traitement des contentieux retenues par les magistrats administratifs lui a semblé nécessaire pour permettre aux justiciables d'être suffisamment éclairés sur leur situation. Il a expliqué que certaines situations pouvaient susciter une grande incompréhension, citant l'exemple d'un jugement relatif à l'octroi d'un permis de construire d'une supérette en milieu rural qui avait été rendu après le délai de péremption du permis sans qu'aucune information n'ait été délivrée dans l'intervalle aux parties concernées.
a souligné que le gouvernement avait engagé une réflexion sur la « déjudiciarisation » du contentieux judiciaire qui pourrait aboutir au transfert de certaines matières -comme le contentieux des infractions routières- vers les tribunaux administratifs. Il s'est demandé si les juges administratifs, compte tenu de l'explosion des recours, pourraient assumer des flux d'affaires supplémentaires.
Après avoir marqué son intérêt pour le développement de l'action de groupe, il s'est interrogé sur l'opportunité de l'étendre à la justice administrative.
Après avoir signalé que le gouvernement envisageait, dans le cadre de la réforme des institutions, la possibilité pour les assemblées parlementaires de solliciter l'avis du Conseil d'Etat sur les propositions de loi, M. Jean-Jacques Hyest, président, a souhaité connaître la position de M. Jean-Marc Sauvé sur cette question.
Il lui a également demandé si, dans un souci de transparence, il serait favorable à la communication aux parlementaires des avis du Conseil d'Etat sur les projets de loi.
En réponse, M. Jean-Marc Sauvé a indiqué que la consultation du Conseil d'Etat sur des propositions de loi modifierait la nature de ses missions, celui-ci n'étant plus le conseiller exclusif du gouvernement. Il a souligné qu'il appartenait au pouvoir constituant de préciser les modalités de saisine et d'examen du Conseil d'Etat dans ce cadre, ainsi que les conséquences éventuelles d'un défaut de consultation par les assemblées sur la régularité de la procédure législative.
Abordant la question de la publicité des avis du Conseil d'Etat sur les projets de loi, M. Jean-Marc Sauvé a rappelé que ces avis n'étaient publics que si le gouvernement le décidait. Il s'est déclaré ouvert à une réforme législative tendant à prévoir une communication systématique des avis du Conseil d'Etat aux parlementaires, eu égard à l'exigence de loyauté du débat politique.
Partageant les inquiétudes du rapporteur pour avis sur l'inflation contentieuse susceptible d'être induite par la loi du 5 mars 2007 instituant un droit opposable au logement en vigueur depuis le 1er janvier, M. Jean-Marc Sauvé a mis en avant le volume des demandes prioritaires à satisfaire, évalué, d'après les statistiques de l'INSEE, à 600.000, soit 1,7 million de personnes au regard du -faible- nombre de logements attribués annuellement au titre du contingent préfectoral (60 à 65.000). Il a expliqué que ce décalage risquait de mettre les préfets dans l'impossibilité d'honorer près de 540.000 demandes, estimant que si seulement 10 % de ces 540.000 ménages choisissaient de saisir le juge selon une hypothèse restrictive, il était permis de redouter un afflux de près de 20.000 affaires supplémentaires par an. Ainsi, ce contentieux pourrait être à l'origine d'un afflux de requêtes annuelles de l'ordre de 10 %.
Le vice-président du Conseil d'Etat a relevé que l'activité contentieuse des tribunaux administratifs serait doublement affectée par cette réforme du fait :
- d'un surcroît de recours pour excès de pouvoirs « classiques » de la part des personnes écartées par les commissions départementales de médiation, étant précisé que ces demandes pourraient affluer dès le printemps, lorsque ces instances commenceront à trier des demandes en grand nombre ;
- de l'introduction d'actions indemnitaires des personnes déclarées prioritaires, mais n'ayant pas obtenu satisfaction après injonction du juge administratif délivrée dans le cadre de l'action spécifique du droit au logement opposable. L'activité des commissions départementales est encore faible, 7.500 dossiers ayant été déposés et 189 décisions rendues, dont 107 rejets. Une montée en puissance est toutefois à prévoir, ce qui ne permet pas encore d'évaluer finement les conséquences du nouveau dispositif.
a indiqué que le Conseil d'Etat avait pris en compte, dans ses demandes budgétaires pour la période 2009-2011, les conséquences de l'entrée en application de ce nouveau droit sur les entrées contentieuses, et donc les besoins en termes de moyens. Il a cependant ajouté que dans l'hypothèse où la progression des flux d'affaires nouvelles se révélerait supérieure aux prévisions retenues dans le cadre de la programmation budgétaire, il appartiendrait au gouvernement et au Parlement de réajuster à la hausse les moyens alloués initialement, afin d'éviter une dégradation des délais de jugement.
Il a rappelé l'origine ancienne des premiers recours administratifs préalables obligatoires, introduits dans notre droit il y a cinquante ans en matière fiscale. Il a mis en avant les avantages d'une telle procédure :
- qui permet de satisfaire tant le justiciable que l'administration ;
- qui constitue une solution efficace pour désengorger la juridiction administrative. Il a expliqué que 95 % des requêtes trouvaient une solution dans ce cadre, ce qui limitait fortement les recours contentieux.
a souligné la particularité de la matière fiscale, où la négociation entre le justiciable et l'administration est courante, estimant difficile de tirer de cet exemple un enseignement général sur l'impact des recours gracieux préalables sur le volume des contentieux.
Une généralisation de ces recours à l'ensemble des décisions défavorables de l'administration n'a pas semblé pertinente au vice-président du Conseil d'Etat. Celui-ci a cependant estimé que dans des domaines contentieux ciblés (fonction publique militaire ou droit des étrangers), cette procédure avait prouvé son efficacité pour réduire l'inflation des flux contentieux.
Il a évoqué la mise en place d'un groupe d'études, à la demande du Premier ministre placé sous l'égide de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat, chargé de réfléchir à une éventuelle extension de ces procédures à de nouvelles matières (fonction publique civile, permis de conduire ou encore contentieux des étrangers), annonçant que ses travaux devraient s'achever avant la fin du mois.
Il a indiqué que la création du tribunal administratif de Toulon, prévue dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation de la justice du 9 septembre 2002, doit intervenir en septembre ou en octobre prochain. Cette juridiction s'installera provisoirement dans un immeuble loué au Conseil général du Var jusqu'en 2012, dans l'attente de la libération des locaux du palais Leclerc actuellement occupés par le tribunal d'instance et le tribunal pour enfants qui doivent être transférés dans la nouvelle cité judiciaire, en cours de construction.
S'agissant du tribunal administratif de Nîmes, M. Jean-Marc Sauvé a déclaré partager les préoccupations du rapporteur pour avis sur la dégradation des façades. Constatant qu'aucun crédit n'avait pu être inscrit au budget cette année pour financer un projet de rénovation, il a assuré que le Conseil d'Etat demanderait que les moyens nécessaires soient alloués à ce chantier en 2009.
a souligné qu'une simple réflexion sur les conséquences pour les juridictions administratives de l'introduction éventuelle de l'action de groupe était en cours. Il a souligné que les tribunaux administratifs pouvaient être amenés à traiter un contentieux de masse portant sur une même question de droit. Il a fait valoir que les jugements en série ne constituaient pas un mode de traitement pleinement satisfaisant, comme l'avait montré l'exemple du contentieux sur le droit pour les fonctionnaires de sexe masculin de bénéficier des dispositions prévues à raison du nombre d'enfants élevés au profit des fonctionnaires de sexe féminin. En effet, en dépit de la décision de la Cour de justice des Communautés européennes ayant reconnu ce droit applicable aux intéressés (arrêt Griesmar), cette source de contentieux ne s'est pas tarie, le ministère chargé de l'économie et des finances ayant refusé de tirer les conséquences de la jurisprudence européenne. Il s'est demandé si l'action de groupe aurait pu permettre d'éviter ces difficultés.
Pour M. Jean-Marc Sauvé, la systématisation des études d'impact est le seul moyen de juguler l'inflation législative, à l'instar de ce qui prévaut en Nouvelle-Zélande ou en Australie. Il a regretté que les réformes législatives ne soient pas précédées d'une réflexion sur les coûts susceptibles d'être générés et la valeur ajoutée apportée au regard de la réglementation en vigueur. Il a souligné le très net accroissement de la production tant normative que réglementaire au cours de la douzième législature. Il lui a paru essentiel de s'interroger sur la nécessité d'un texte. Il s'est demandé, à cet égard, si l'impact de la mise en oeuvre du droit au logement opposable sur l'activité des juridictions administratives avait été mesuré.
Evoquant plus particulièrement le contentieux des étrangers, il a indiqué que cette matière représentait un peu plus de 27 % de l'activité des tribunaux administratifs, dont 8 % concernaient les recours à l'encontre des reconduites à la frontière et un peu moins de 20 % les contentieux liés au refus de l'octroi d'un titre de séjour et aux obligations de quitter le territoire français. Dans le contexte actuel de pénurie des moyens de la justice administrative, il s'est demandé s'il était encore pertinent de consacrer un cinquième de la ressource budgétaire à un contentieux dont les décisions de justice ne reçoivent pas d'application.
Le vice-président du Conseil d'Etat a ajouté en outre qu'une commission présidée par M. Pierre Mazeaud réfléchissait actuellement sur des propositions pour unifier le contentieux des étrangers.
Il a rappelé que l'écrit domine la procédure contentieuse, seuls les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation pouvant s'exprimer lors des débats, les plaidoiries n'étant pas systématiques. Il a estimé que le renforcement de l'oralité des débats impliquera de définir qui serait autorisé à s'exprimer et à quel moment pour rendre les audiences plus interactives.
En outre, une telle réforme paraît nécessaire dans la mesure où, compte tenu de la surcharge de l'activité contentieuse, un recentrage de l'intervention des commissaires du gouvernement -« accablés » par le nombre d'affaires à examiner- sur les seuls dossiers qui soulèvent des questions de droit délicates est envisagé. La suppression de la présence systématique du commissaire du gouvernement à l'audience doit avoir pour contrepartie l'introduction de la possibilité pour le juge de recueillir au cours des débats des éclaircissements oraux sur l'objet du litige.
A propos des délais de jugement, M. Jean-Marc Sauvé a indiqué que l'objectif est d'atteindre la durée d'un an pour toutes les juridictions. Il a estimé que les modalités de traitement des affaires ne résultaient pas de choix occultes inavouables de la part des magistrats administratifs.
a pointé le risque que le citoyen n'ait le sentiment inverse.
Le vice-président du Conseil d'Etat a mis en avant les efforts poursuivis pour assurer une plus grande transparence dans le traitement des affaires. Il a expliqué qu'une réforme de la mise en état était en cours afin de permettre l'élaboration d'un calendrier de procédure destiné à être communiqué aux parties et au gouvernement.
Le vice-président du Conseil d'Etat a souligné que la réflexion sur cette question n'était pas encore aboutie. Il a indiqué que, dans le souci d'approfondir son travail d'analyse, il se rendait régulièrement dans les tribunaux administratifs pour rencontrer les magistrats et les bâtonniers.
a estimé impensable qu'un transfert de certains contentieux -par exemple dans le domaine routier- des juridictions judiciaires vers les juridictions administratives s'opère sans un débat préalable contradictoire entre ces deux institutions sur l'opportunité d'une telle réforme et les économies susceptibles d'en résulter. Il a ajouté que le Conseil d'Etat non plus qu'aucune autre juridiction administrative n'avait été sollicité par la Commission présidée par le recteur Guinchard chargée de formuler des propositions sur le redéploiement des compétences des tribunaux judiciaires. Il a estimé que le mouvement amorcé depuis vingt-cinq ans pour accélérer le traitement du contentieux de masse en matière d'infractions routières avait prouvé son efficacité, doutant qu'une nouvelle réforme puisse améliorer significativement la situation.
a craint que l'introduction en droit français de l'action de groupe ne conduise à imposer l'autorité de chose jugée à des personnes qui ne sont pas des parties à l'instance.
La commission a enfin entendu M. Jean-Marie Delarue, président de la commission de suivi de la détention provisoire.
Rappelant que la création de la Commission de suivi de la détention provisoire résultait d'une initiative parlementaire adoptée lors de la discussion de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, M. Jean-Marie Delarue, président de la Commission de suivi de la détention provisoire, a indiqué que celle-ci publiait un rapport annuel présentant l'ensemble des informations statistiques relatives à la détention provisoire. Considérant que la Commission s'efforçait ainsi d'améliorer l'information du Parlement sur la détention provisoire, il a précisé que le rapport annuel comportait en outre des développements successivement consacrés ces dernières années au régime carcéral de la détention provisoire, à la détention des mineurs, à la durée de la détention provisoire et aux effets du surpeuplement des maisons d'arrêt sur la détention provisoire.
Expliquant que le taux de détention provisoire était souvent mesuré en rapportant la population des prévenus à l'effectif total des personnes incarcérées, il a précisé que la population carcérale comprenait, au 1er mars 2008, 28 % de prévenus, soit un taux historiquement bas. Soulignant que ce ratio connaissait de fortes oscillations, la part des prévenus dans les prisons françaises étant passée de 35 % en 1969 à 50 % en 1984, puis revenue à 38 % en 2003, il a indiqué que le taux de personnes placées en détention provisoire rapporté à la population totale connaissait des variations moins importantes, puisqu'il s'élevait actuellement à 28,1 prévenus pour 100.000 habitants, contre 28,9 pour 100.000 habitants en 2000.
Rappelant que, pour la direction de l'administration pénitentiaire, la détention provisoire englobait à la fois les prévenus en attente de jugement, les détenus ayant fait appel de leur condamnation ou ayant formé un pourvoi en cassation et les détenus se situant encore dans les délais d'appel et de pourvoi, il a estimé que si l'on ne prenait pas en compte cette dernière catégorie, le nombre des prévenus serait réduit d'environ 10 %.
Il a relevé que si la France avait longtemps connu un taux de détention provisoire supérieur à celui de ses voisins européens, la proportion de 28 prévenus pour 100.000 habitants la plaçait aujourd'hui dans la moyenne des pays membres du Conseil de l'Europe. Jugeant que ces données ne rendaient pas compte de toutes les évolutions de la détention provisoire, puisqu'elles n'en explicitaient ni les motifs, ni la durée, il a estimé que celle-ci ne devait pas être perçue comme le commencement d'une procédure judiciaire, mais comme l'aboutissement des mécanismes de la chaîne pénale.
a expliqué qu'une étude approfondie des données statistiques faisait apparaître, au cours des cinquante dernières années, des variations difficiles à expliquer : les unes, hâtivement attribuées, s'agissant des reflux de la détention provisoire, à l'anticipation par les magistrats de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, puis aux réactions suscitées par l'affaire d'Outreau ; les autres, en ce qui concerne la progression des années 2001 et 2002, aux conséquences de la remise en liberté trop rapide d'un criminel en 2001.
Considérant que ces variations tenaient davantage à des évolutions fondamentales dans l'utilisation de la chaîne pénale, il a rappelé que depuis 1974, le nombre de personnes mises en cause par les services de police et de gendarmerie avait connu une hausse constante, passant de 600.000 en 1974 à plus d'1,1 million aujourd'hui, soit une augmentation de 93 %. Il a relevé que le nombre de personnes placées en garde à vue avait augmenté, au cours de la même période, de 165 %, passant de 200.000 dans les années 1970 à 530.000 en 2006.
Soulignant l'impact des mécanismes de la chaîne pénale sur ces évolutions, il a précisé que le nombre de poursuites engagées s'établissait à 678.000 en 2005, contre 600.000 au début des années 2000, soit une progression de 10 %, tandis que le taux d'écrou, rapportant le nombre de détenus à titre provisoire, au nombre de gardes à vue, augmentait de façon structurelle depuis 1976 et avait connu en 2002 une hausse brutale, atténuée au cours des dernières années. Ayant également observé une hausse sensible du ratio entre les mises en examen et les mandats de dépôt, il a indiqué que le rapport entre le nombre de personnes maintenues en détention à la fin de l'instruction et le nombre de personnes libérées avait crû au cours des dernières années.
Il a considéré que le maintien à un niveau élevé du nombre des détentions provisoires apparaissait comme la conséquence logique du dispositif pénal, la sévérité et la durée des peines prononcées ayant connu un net accroissement au cours des cinquante dernières années. Il a estimé que cet allongement de la durée des peines et la plus grande effectivité des peines courtes expliquaient largement l'évolution à la baisse du taux de prévenus rapportés à l'ensemble de la population carcérale. Relevant que la progression des entrées en prison procédait de l'accroissement du nombre des poursuites et de la rigueur, et non de l'évolution de la délinquance constatée, il a précisé que l'augmentation de la population pénitentiaire était dû à la fois à la hausse des entrées en détention et à l'allongement de la durée des peines.
a expliqué que la détention provisoire connaissait en outre des changements structurels, liés à la diversification de la réponse pénale face à la délinquance, le parquet jouant aujourd'hui un rôle majeur dans l'orientation des prévenus, comme avait pu le constater la Commission lors de déplacements auprès de substituts effectuant des permanences. Il a souligné la responsabilité des magistrats du parquet, chargés d'opter pour des procédures judiciaires brèves ou longues, dans l'utilisation de la détention provisoire.
Constatant que la part de l'instruction dans les mécanismes de poursuite pénale ne cessait de diminuer, il a précisé que l'ouverture d'une information judiciaire n'avait concerné que 4,3 % des affaires en 2005, contre 14 % dans les années 1960 et que les juges d'instruction n'intervenaient actuellement que dans 30.000 affaires par an, au lieu de 70.000 affaires par an dans les années 1960. Il a indiqué que les magistrats réservaient l'instruction aux affaires graves et complexes, orientant vers des procédures plus courtes des affaires simples, quel que soit par ailleurs leur degré de gravité. Il a indiqué que les évolutions législatives et la pratique des magistrats conduisaient parfois à appliquer la comparution immédiate à des affaires graves, aboutissant à des peines lourdes.
Rappelant que dans les années 1980 la comparution immédiate était appliquée à 30.000 affaires chaque année, il a indiqué que cette procédure avait concerné 45.400 affaires en 2006, soit une augmentation de 55 %, entraînant une charge importante pour les magistrats. Il a souligné qu'en 2005, les 45.000 jugements prononcés dans le cadre d'une comparution immédiate avaient été assortis de 19.300 mises en détention provisoire. Déplorant le manque de précision des outils statistiques, il a estimé qu'un prévenu sur deux ou trois faisait l'objet d'une détention provisoire, y compris lorsqu'il était orienté vers une procédure de comparution immédiate.
Expliquant que l'arbitrage entre une procédure judiciaire courte ou longue avait un impact déterminant sur la nature de la détention provisoire, il a précisé que le renvoi à l'instruction entraînait une détention provisoire de plusieurs mois ou années, alors que les procédures courtes étaient généralement assorties d'une détention provisoire n'excédant pas quelques jours ou quelques semaines. Il a distingué la détention provisoire classique et de longue durée, appliquée aux auteurs de délits graves ou de crimes, de la détention provisoire intervenant dans le cadre de procédures courtes, qui n'épargnait pas au prévenu le choc d'une entrée dans le milieu carcéral, alors que l'administration pénitentiaire n'était guère préparée à accueillir des détenus pour quelques jours seulement.
Il a jugé que la perception des poursuites pénales par la société et par les magistrats avait également connu des évolutions importantes, les affaires de vol conduisant beaucoup plus rarement à une détention provisoire aujourd'hui que dans les années 1960. Il a relevé qu'une sensibilité accrue à l'égard des atteintes aux personnes aboutissait à une augmentation du recours à la détention provisoire dans ce type d'affaires, y compris pour des faits relativement mineurs, la détention provisoire pour des cas de conduite sous l'emprise d'alcool ayant ainsi progressé de 300 % entre les années 1960 et 2005, alors que la détention provisoire pour vol diminuait de 68 %. Indiquant que le placement en détention provisoire d'auteurs de crimes sexuels avait augmenté de 116 % entre 1984 et 2005, il a souligné que ces évolutions entraînaient un fort accroissement de la part des criminels dans les effectifs de la détention provisoire.
Attirant l'attention sur la perception de la détention provisoire par les magistrats, il a noté que ces derniers n'étaient jamais indifférents à la situation d'une personne placée en détention provisoire, mais que beaucoup d'entre eux considéraient encore la détention provisoire comme une sanction immédiate pour l'auteur de faits graves.
a observé que la durée de la détention provisoire n'avait cessé d'augmenter pour s'établir en moyenne à 5,7 mois en 2005 (4,2 mois pour les délits et 25,7 mois pour les crimes). Il a ajouté que la durée moyenne des instructions en matière criminelle s'élevait à 16,8 mois, le surplus résultant des délais d'audiencement excessivement longs. Il a rappelé par ailleurs que le régime de la détention provisoire, le plus rigoureux de tous les régimes de détention, paraissait sur certains points, en particulier s'agissant des relations du détenu avec l'extérieur, incompatible avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme. Il a observé également que la question de la réinsertion des personnes placées en détention provisoire restait entière.
après avoir observé que les maisons d'arrêt constituaient sans doute le maillon le plus faible du dispositif carcéral, a interrogé M. Jean-Marie Delarue sur les évolutions qui lui paraissaient souhaitables à l'occasion de l'examen prochain par le Parlement du projet de loi pénitentiaire. Il s'est demandé en outre s'il ne serait pas opportun d'étendre aux prévenus le dispositif d'évaluation mis en place, à l'initiative du Sénat, par la loi relative à la rétention de sûreté pour les personnes condamnées à de longues peines.
s'exprimant à titre personnel puisque la commission sur le suivi de la détention provisoire n'avait pas à ce jour pris position sur le projet de loi pénitentiaire, a considéré que l'amélioration du système de la détention provisoire impliquait d'intervenir sur plusieurs éléments de la chaîne pénale. Ainsi, selon lui, la longueur de la détention provisoire mettait en cause les mécanismes du fonctionnement ordinaire de la justice pénale tels que les délais de réalisation des expertises ou encore ceux concernant l'exécution des commissions rogatoires. Il a de nouveau insisté sur l'impact des délais d'audiencement. En effet, s'ils étaient réduits de 14 mois à Paris et de 11 mois ailleurs, diminuerait sans doute d'un tiers le nombre des détenus provisoires.
Evoquant la construction en cours des établissements pénitentiaires, M. Jean-Marie Delarue s'est demandé quelle serait la place dévolue aux maisons d'arrêt. Il a estimé que ces nouveaux établissements pourraient être l'occasion de revoir la situation faite aux prévenus en permettant notamment une séparation effective de ces derniers d'avec les personnes condamnées. Il a ajouté qu'il conviendrait aussi de veiller à ce que les personnels de surveillance ne connaissent pas des rotations trop fréquentes qui interdisent une véritable connaissance des personnes incarcérées. Il s'est interrogé également sur la possibilité d'assouplir le régime carcéral des prévenus s'agissant notamment de l'utilisation du téléphone, actuellement interdite, qui pourrait être différenciée selon le profil du détenu. Il a également observé que les échanges de courriers des personnes placées en détention provisoire faisaient l'objet d'une surveillance rigoureuse alors même que la Cour de Strasbourg se montrait particulièrement vigilante sur le respect du secret de la correspondance.
a rappelé en outre que la détention provisoire, malgré les critiques dont elle était l'objet, était encore utilisée lorsque les faits sont à l'origine d'une émotion particulière au sein de l'opinion publique. Il a relevé que si la durée des détentions provisoires continuait d'augmenter, l'impact positif des nouvelles constructions pour limiter la surpopulation carcérale serait nécessairement réduit. En effet, si cette durée ne s'était pas allongée continûment au cours des trente dernières années, le nombre de personnes placées en détention provisoire s'élèverait à 22.000 au lieu de 35.000 actuellement. Il a estimé que le placement sous surveillance électronique, s'il pouvait être utile comme alternative à l'incarcération, ne pouvait s'appliquer indifféremment à tous les profils de prévenus et n'était pas bien supporté par l'intéressé au-delà d'une certaine durée. Il a souhaité par ailleurs que les juges d'application des peines qui se consacrent, en application des textes, aux personnes condamnées puissent aussi mieux prendre en compte la situation des prévenus.
a observé que si les juridictions étaient en situation de fonctionner plus efficacement, les délais d'audiencement pourraient être réduits, ainsi que la durée et le coût de la détention provisoire.
a souhaité connaître l'impact de la comparution immédiate sur la détention provisoire, ainsi que la part représentée par les étrangers au sein des prévenus. Elle a également demandé des précisions sur le système d'indemnisation des personnes placées en détention provisoire de manière injustifiée.
a indiqué que les sources statistiques ne permettaient pas d'étudier précisément l'impact de la comparution immédiate qui, dans l'esprit du législateur, avait effectivement pour objet de réduire le nombre de personnes placées en détention provisoire. Il a noté en effet que le développement des autres procédures rapides de traitement des affaires pénales, telle que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), parallèlement au relèvement des plafonds des peines encourues en matière de comparution immédiate, avait conduit à utiliser cette dernière procédure pour des affaires simples, mais graves et justifiant des détentions prolongées.
Le président de la commission de suivi de la détention provisoire a constaté que les étrangers ne présentaient généralement pas les mêmes garanties de représentation que les nationaux et qu'ils étaient, en conséquence, plus souvent placés en détention provisoire.
S'agissant du système d'indemnisation, il a relevé qu'il était l'un des plus généreux en Europe permettant de couvrir le préjudice moral et matériel. Il a noté que peu de personnes faisaient appel de la décision rendue par le premier président de la cour d'appel, compétent en matière de réparation, devant la commission nationale d'indemnisation, en raison sans doute des réticences des personnes libérées à s'impliquer dans une nouvelle procédure, alors même qu'elles venaient d'être libérées. Il a convenu avec Mme Alima Boumediene-Thiery que l'allongement des délais dans lesquels la personne pouvait présenter son recours (actuellement dix jours à compter de la décision du premier président de la cour d'appel) permettrait peut-être de lever ces hésitations.
s'est demandé si la suppression du critère de l'ordre public en matière délictuelle parmi les conditions justifiant la détention provisoire avait eu une incidence. Il a également interrogé M. Jean-Marie Delarue sur les perspectives ouvertes par le placement sous surveillance électronique ainsi que par l'institution du contrôleur général des prisons, dont il a regretté que la nomination tarde.
Le président de la commission de suivi de la détention provisoire a indiqué qu'il était difficile d'évaluer l'impact de la modification de l'article 144 du code de procédure pénale mais, se faisant l'écho du sentiment partagé par de nombreux magistrats, il a estimé que la suppression de la référence à l'ordre public avait eu un effet limité dans la mesure où une détention provisoire pouvait le plus souvent se fonder sur les autres critères prévus par l'article 144. Il a souhaité à cet égard que les magistrats puissent davantage dissocier leurs décisions du sentiment prêté à l'opinion publique qui poussait à l'incarcération de la personne. S'agissant du placement sous surveillance électronique, il a relevé que ce dispositif présentait des contraintes parfois lourdes et qu'il ne devait pas être utilisé pour des personnes qui n'auraient pas été placées en détention provisoire. Il a appelé de ses voeux une réflexion sur le contrôle judiciaire et sur la libération conditionnelle, qui n'avaient peut-être pas connu en France les développements mérités.
a souligné l'intérêt des travaux de la commission de suivi de la détention provisoire pour les parlementaires qui, comme lui-même, avaient l'occasion d'en être membres. Il a souhaité voir ses collègues informés des méthodes de travail qui lui permettaient de se rapprocher du terrain.
a rappelé qu'il existait encore sans doute des pratiques inacceptables au sein de certains établissements pénitentiaires, mais que la commission ne s'illusionnait pas sur les réalités qui pouvaient être perçues à l'occasion des visites de prisons. Il a indiqué que la commission privilégiait plutôt les auditions afin d'entendre les intervenants les plus divers sur les questions qui l'intéressaient.
s'est interrogé sur l'impact des délégués du médiateur de la République au sein des établissements pénitentiaires. Le président de la commission de suivi de la détention provisoire a fondé plus d'espoir sur le rôle que jouerait le contrôleur général des lieux de privation de liberté que sur celui des médiateurs, dont l'action pouvait être variable d'un établissement à l'autre.
a regretté que les efforts très sensibles engagés pour améliorer la situation des détenus soient hypothéqués par la surpopulation carcérale. Il a signalé à cet égard que le travail en prison ainsi que les liens familiaux souffraient plus particulièrement de l'augmentation continue du nombre de détenus.
La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport, en première lecture, de M. Jean-Patrick Courtois sur la proposition de loi n° 197 (2007-2008), adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux conditions de commercialisation et d'utilisation de certains engins motorisés.
a observé que ce texte était la synthèse de deux propositions de loi, l'une présentée par plusieurs députés du groupe UMP de l'Assemblée nationale, l'autre par Mme Elisabeth Guigou et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Il a indiqué qu'il visait à encadrer la commercialisation ainsi que l'utilisation des mini-motos et quads non soumis à réception. Après avoir rappelé que ces engins existaient depuis de nombreuses années, il a indiqué que l'on assistait depuis trois ans à l'arrivée sur le marché grand public de modèles à bas prix. Il a constaté un véritable engouement pour ce type d'engins conçus pour un usage ludique et qui, pour la plupart, ne sont pas autorisés à circuler sur la voie publique.
Il a souligné que ces nouveaux utilisateurs, dont beaucoup sont mineurs, n'avaient souvent ni la maîtrise de ces véhicules, ni la connaissance de l'interdiction de circuler sur les voies et les lieux ouverts au public, ni la conscience des risques pour eux-mêmes et pour les tiers.
Aux risques d'accident, il a ajouté les nuisances sonores ainsi que la dégradation ou la destruction des chemins, de certains milieux naturels ou encore du mobilier et des aménagements urbains.
Présentant le cadre juridique de la commercialisation et de l'utilisation de ces engins motorisés, M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, l'a jugé complexe et insuffisant.
Il a précisé que la proposition de loi concernait exclusivement les véhicules non soumis à réception, c'est-à-dire des véhicules non conçus pour un usage sur route et qui par conséquent ne sont ni autorisés à circuler sur la voie publique, ni immatriculés.
Il a expliqué qu'à l'inverse, les véhicules conçus pour un usage sur route devaient être « réceptionnés », la réception d'un véhicule consistant à vérifier sa conformité à certaines normes techniques de sécurité. Il a ajouté que pour être admis à circuler, les véhicules réceptionnés devaient être immatriculés.
Il a indiqué qu'au sein de la catégorie des mini-motos et des quads, certains de ces véhicules étaient réceptionnés et donc autorisés à circuler sur la voie publique sous réserve de leur immatriculation. Il a souligné que ces véhicules étaient soumis aux règles de droit commun du code de la route : port du casque, obligation d'assurance, immatriculation, détention selon la puissance du véhicule d'un permis ou du brevet de sécurité routière...
a ensuite présenté la proposition de loi tendant à mieux encadrer le commerce et l'utilisation des véhicules non soumis à réception dont la vitesse excède par construction 25 km/h. Il a indiqué qu'outre les mini-motos et quads non conçus pour un usage sur route, cette catégorie comprenait également les karts ou certaines motos-cross.
Il a expliqué que l'article premier de la proposition de loi tendait à prévoir que :
- ces engins ne pourraient être vendus, cédés ou loués que par des professionnels adhérant à une charte de qualité définie par décret. Le non-respect de ces dispositions serait puni d'une contravention de la cinquième classe. Toutefois, il a souligné que la lecture de ces dispositions pouvait laisser penser que la proposition de loi interdisait également la revente directe entre particuliers. Afin de lever cette ambiguïté, il a annoncé qu'il proposerait une rédaction différente n'excluant pas le marché de l'occasion entre particuliers ;
- la vente, la cession et la location-vente de ces engins aux mineurs serait interdite, le but étant de responsabiliser les parents en les informant lors de l'achat des conditions d'utilisation et des risques. En revanche, il a précisé que la location à des mineurs ne serait pas interdite, afin notamment de ne pas mettre en péril l'activité des circuits de karting.
a ensuite présenté l'article 2 de la proposition de loi tendant à :
- interdire la circulation de ces engins sur des terrains autres que ceux adaptés à leur utilisation. Par rapport au droit en vigueur, cela aurait pour effet de les interdire sur des terrains privés non adaptés ;
- prévoir des règles particulières pour les mineurs de moins de quatorze ans. Toutefois, il a fait observer que l'interprétation littérale de ces dispositions autoriserait ces mineurs à utiliser ces engins en dehors des terrains adaptés à la condition que cela se fasse dans le cadre d'une association sportive agréée. Il a jugé qu'au regard du principe d'égalité, il n'était pas possible de prévoir une dérogation au principe de l'utilisation exclusive sur des terrains adaptés, à moins d'étendre cette dérogation à l'ensemble des utilisateurs de mini-motos ou de quads pratiquant dans le cadre d'une association sportive agréée.
Compte tenu de ces observations, il a déclaré que la proposition de loi allait dans le bon sens et qu'il fallait veiller à maintenir un juste équilibre afin de ne pas pénaliser des utilisations légitimes et responsables de ces engins.
a observé que la cohabitation entre les randonneurs, les chasseurs et les utilisateurs de ces engins n'était pas aisée. Il a demandé si la proposition de loi laissait la possibilité d'autoriser l'utilisation de ces engins sur certains chemins de randonnée.
a répondu que le décret d'application définirait plus précisément la notion de terrain adapté à la pratique de ces engins. Toutefois, il a estimé que chaque collectivité territoriale resterait compétente pour délimiter sur son domaine public, en dehors des routes, les zones où l'utilisation de ces engins serait autorisée sous réserve du respect des mesures de sécurité définies par le décret.
a demandé si les agriculteurs utilisant des véhicules non soumis à réception pour se rendre sur l'une de leur parcelle seraient autorisés à circuler sur la voie publique.
a indiqué que la proposition de loi ne changeait rien au droit en vigueur qui interdit déjà la circulation sur la voie publique avec un véhicule non réceptionné. En revanche, il a souligné qu'un de ses amendements tendait à laisser la possibilité pour un agriculteur de se déplacer sur son terrain privé avec un véhicule non soumis à réception.
La commission a ensuite examiné les quatre amendements présentés par le rapporteur.
A l'article premier (commercialisation des véhicules non soumis à réception par des professionnels - interdiction de leur vente aux mineurs), la commission a adopté un amendement tendant à clarifier la rédaction de l'article L. 321-1 du code de la route pour que cet article ne s'applique qu'aux véhicules soumis à la procédure de réception, c'est-à-dire aux véhicules conçus pour un usage sur route.
A l'article 2 (utilisation des véhicules non soumis à réception), la commission a adopté un amendement tendant à :
rassembler à l'article L. 321-1-1 du code de la route l'ensemble de dispositions relatives aux véhicules non soumis à réception ;
prévoir que les mineurs de moins de quatorze ans ne peuvent utiliser ces engins que dans le cadre d'une association sportive agréée ;
laisser la possibilité de circuler à des fins professionnelles sur des terrains privés non adaptés.
La commission a enfin adopté deux amendements tendant à insérer chacun un article additionnel après l'article 2 afin :
d'une part, de permettre de prononcer la peine complémentaire de confiscation du véhicule en cas de condamnation pour l'une des contraventions de la cinquième classe créées par la proposition de loi ;
d'autre part, de rendre obligatoire la déclaration et l'identification de ces engins, sur un modèle inspiré de l'immatriculation des véhicules sur route.
La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.
La commission a enfin procédé à l'examen d'un amendement rectifié sur le projet de loi n° 211 (2007-2008) relatif aux contrats de partenariat.
Indiquant que le gouvernement avait rectifié son amendement n° 172, qui tendait à encadrer le recours à la cession de créance professionnelle de droit commun dans le cadre de contrats de partenariat et de baux emphytéotiques hospitaliers (BEH), en réduisant notamment son assiette, M. Jean-Jacques Hyest, président, a proposé d'en débattre à nouveau en commission.
a tout d'abord souligné que la commission des lois avait adopté un amendement tendant à supprimer le mécanisme de cession de créance spécifiquement institué pour les contrats de partenariat et les BEH par l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, dans la mesure où les partenaires publics et privés préfèrent utiliser la cession de créance professionnelle de droit commun, instituée par la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises, c'est-à-dire la « cession Dailly ».
Il a rappelé que, tout en acceptant la suppression de cette cession de créance, le gouvernement présentait un amendement n° 172 tendant à encadrer le recours à la « cession Dailly » pour ces partenariats public-privé. Il a constaté que l'amendement visait à garantir que le projet ne soit pas financé à 100 % par des cessions de créance et que le partenaire privé soit ainsi maintenu en risque en réduisant l'assiette de la cession.
Il a précisé que la rectification de l'amendement tendait à indiquer directement dans la loi le pourcentage de la rémunération totale due par la personne publique susceptible d'être cédé, soit 70 %.
En réponse à M. François Zocchetto, qui souhaitait s'assurer que la personne publique ne devrait payer qu'à la réalisation effective du bien concerné, M. Laurent Béteille, rapporteur, a confirmé que la créance cédée ne pouvait être définitivement acquise au cessionnaire qu'à compter de la constatation par la personne publique que les investissements ont été réalisés conformément aux prescriptions du contrat.
a estimé que cet amendement assurerait que le partenaire privé continue de supporter une partie des risques.
La commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 172 rectifié du gouvernement.