La commission des finances du Sénat s'efforce depuis plusieurs années d'approfondir sa compréhension des transformations liées au numérique dans la sphère économique et financière, à la recherche du juste équilibre entre régulation et innovation.
Dans cette optique, les deux tables rondes organisées ce matin visent à appréhender les enjeux liés au développement des monnaies virtuelles et de leur technologie sous-jacente, la blockchain.
Si ces deux thématiques ont fait couler beaucoup d'encre ces dernières semaines, il ne s'agit pas pour autant de sujets nouveaux pour notre commission des finances, qui s'y était intéressée dès 2014.
Nous commencerons par débattre de l'essor de la technologie blockchain - une nouvelle manière d'échanger des actifs sans recourir à un tiers de confiance - dont le potentiel d'innovation apparaît considérable pour de nombreux secteurs économiques.
Pour traiter de ce premier sujet, nous avons le plaisir de recevoir M. Corso Bavagnoli, chef du service du financement de l'économie de la direction générale du Trésor ; M. Alexis Collomb, titulaire de la chaire de finance de marché du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) ; M. Benoît de Juvigny, secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers (AMF) ; et M. Gilles Fedak, cofondateur de l'entreprise iExec Blockchain Tech.
M. Alexis Collomb commencera par nous présenter le caractère novateur de cette technologie et la manière dont elle est susceptible de bouleverser le fonctionnement de notre économie, en particulier dans le secteur financier.
Merci de m'accueillir ce matin. Quelques applications de cette technologie en pleine évolution, depuis l'apparition de la première blockchain, celle du bitcoin, me semblent dignes d'intérêt.
Vous l'avez dit, l'engouement suscité par la technologie s'explique par le caractère révolutionnaire de l'échange de titres sans recours à un tiers, avec des implications profondes pour le tissu économique ; mais d'un point de vue technique et organisationnel, cet intérêt s'explique surtout par les vertus des réseaux pair à pair. Le système blockchain peut se décrire, de manière très schématique, comme un réseau pair à pair sur lequel des fonctions crypto-graphiques ont été inscrites pour sécuriser et fiabiliser les échanges directs, sans passer par un tiers de confiance.
On passe ainsi d'architectures informatiques centralisées - l'architecture client-serveur avec un serveur détenteur de droits centralisés, contrôlant la base de données et distribuant les droits d'écriture et de lecture à ses clients - à une architecture pair à pair où chaque noeud du réseau a les mêmes droits et obligations. Les implications sur la fiabilité, la sécurité, la transparence du réseau sont importantes.
La blockchain offre ainsi un système électronique de registre partagé permettant de suivre l'ensemble des échanges de manière fiable, sécurisée, immuable, inviolable, transparente et confidentielle, sans censure possible par l'un des membres du réseau - et éventuellement de manière intelligente. Un « contrat intelligent » (smart contract) sur une couche haute du réseau permet l'exécution ordonnée de clauses contractuelles entre les membres de ce réseau, avec des bénéfices en matière d'automatisation et de gouvernance des processus. Ce monde connecté, automatisé et totalement traçable a ses vertus et ses inconvénients.
Cette technologie a revalorisé ce que l'on appelle en économie la « coopétition », c'est-à-dire la coopération entre compétiteurs à travers le partage d'une infrastructure commune. Elle trouve des applications dans un grand nombre de domaines. Le premier est bien sûr celui des paiements : la première blockchain, celle du bitcoin, s'est révélée résiliente et fonctionne toujours, indépendamment de la valeur de la monnaie. L'infrastructure des marchés financiers est elle aussi concernée, notamment le post-marché, qui a fait l'objet de textes récents. Mais la blockchain peut aussi simplifier les procédures du commerce international, où une transaction standard peut impliquer jusqu'à quarante échanges bilatéraux entre les différents acteurs - particuliers, assureurs, banques, douanes, opérateurs maritimes, etc. Sans envisager une infrastructure partagée, on peut concevoir des gains d'efficience. Citons également la traçabilité de la chaîne d'approvisionnement, la certification horodatée ou le stockage de preuves par empreinte numérique - l'une des autres utilisations possibles du bitcoin ; la finance d'entreprise, à travers le contrôle de gestion, les fonctions de conformité, l'audit automatisé, la gestion des risques, etc. ; dans le domaine assuranciel, les constats électroniques ou la certification de photographies liées à un incident.
Enfin, les réseaux de pair à pair concernent tous les acteurs : les particuliers à travers les crypto-monnaies, les entreprises grâce aux infrastructures informationnelles partagées et à la « coopétition », mais aussi les États, ce qui peut sembler paradoxal au regard des intentions originelles des fondateurs du bitcoin. Ainsi la Climate change coalition a été mise en place lors du One Planet Summit de décembre 2017 pour gérer les registres carbone de manière transparente, après l'épisode des fraudes à la TVA qui a quelque peu dénaturé le marché. On peut imaginer une blockchain entre acteurs souverains avec divers niveaux d'interopérabilité, de l'international au local, pour contrôler les émissions.
Nous sommes à un moment charnière. Un grand nombre d'avancées ont été réalisées depuis deux ans, et je m'attends, dans les deux prochaines années, à un passage en « mode production ». Pour les marchés, la transformation est déjà en cours et j'espère que la France saura concrétiser son avance au niveau européen.
Cette transformation aura un impact sur certains métiers - un point auquel je suis particulièrement sensible en tant que professeur au CNAM - qu'il faudra anticiper. Je ne crois pas que la blockchain fera disparaître les notaires, comptables, avocats, huissiers ; mais, bien utilisée, elle nous affranchira des tâches les plus ingrates, c'est-à-dire du travail de clerc, de consolidation des informations, qui est coûteux et inefficient. C'est le sens de l'Histoire.
M. Corso Bavagnoli va nous faire part des enjeux réglementaires liés à l'utilisation de la blockchain pour échanger des titres financiers et des tentatives en cours pour construire un cadre législatif novateur en la matière.
La question de la blockchain, que vous avez distinguée à juste titre des crypto-monnaies qui n'en sont qu'un usage possible, est transversale. Le Trésor a concentré son attention sur ses applications dans le secteur financier, à travers le double prisme des opportunités et des enjeux réglementaires.
Notre approche consiste, comme pour la Fintech, à permettre et encourager l'innovation dans un cadre assez robuste pour assurer la stabilité financière, la protection du consommateur et la lutte contre le blanchiment. On oppose souvent règlementation et innovation, mais les deux sont à mon sens complémentaires ; au demeurant, les acteurs du marché sont eux-mêmes demandeurs de clarté réglementaire.
Le Gouvernement souhaite rendre la norme évolutive et flexible pour assurer la neutralité technologique du droit. Cela consiste, lorsque de nouvelles applications se développent, à faire en sorte que rien ne bloque indûment ce développement, tout en garantissant un cadre réglementaire robuste. Cette approche nous semble préférable à celle dite du « bac à sable » qui a cours, notamment, au Royaume-Uni : c'est une sorte de franchise réglementaire accordée aux acteurs pour leur permettre de se développer - mais jusqu'où ? - avant de mettre en place un cadre de droit commun. Le « bac à sable » crée, chez les acteurs, l'illusion qu'il n'y a pas de règle ; et surtout, l'expérience montre que l'on ne sait pas gérer la transition entre la période dérégulée et le retour à la réglementation de droit commun. Nous préférons ajuster le droit de manière dynamique.
La réglementation en matière de services financiers a connu deux évolutions récentes. D'abord, l'ordonnance de 2016 sur le financement participatif a créé une nouvelle catégorie de bons de caisse, les « minibons », destinés au financement des petites entreprises, qui peuvent être émis et échangés dans le cadre d'une blockchain. L'ordonnance du 8 décembre 2017, issue d'une initiative du Parlement, permet quant à elle le transfert de certains titres financiers comme les parts de fonds, les titres de créance négociables, les actions et obligations non cotées, au moyen d'une blockchain. Elle entrera en vigueur l'été prochain.
Cette ordonnance autorise ainsi les acteurs à se passer de tiers de confiance, dès lors que la transaction s'effectue dans un cadre conforme aux exigences du législateur. C'est une première en Europe ; elle permet d'expérimenter la blockchain sur des marchés représentant des volumes très importants, de l'ordre de 400 milliards d'euros. Nous souhaitons qu'elle soit reprise au niveau communautaire. En effet, nous avons réglementé là où le droit européen était muet, c'est-à-dire sur les produits non cotés ou les parts de fonds ; pour les autres produits, le droit communautaire impose un tiers de confiance.
Ces évolutions sont un vecteur d'innovation et de sécurisation - car les exigences en la matière sont substantielles - et un facteur de professionnalisation : pour ce type de titres, les échanges sont souvent manuels, sur titre papier ou sur feuille Excel.
Le Trésor travaille avec l'Autorité des marchés financiers (AMF) sur les jetons ou tokens, pour lesquels les enjeux sont très importants. Nous tirerons avec l'AMF les conséquences de la consultation sur les Initial Coin Offerings (ICO) menée à l'automne. Sur les crypto-actifs en général, le ministre de l'économie et des finances a confié à Jean-Pierre Landau, ancien sous-gouverneur de la Banque de France, une mission pour dresser un état des lieux du phénomène. Enfin, les ministres français et allemand des finances et les gouverneurs des banques centrales de ces deux pays ont écrit au G20 pour porter le sujet sur la scène internationale.
Merci. Je cède maintenant la parole à M. Benoît de Juvigny, secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers, qui reviendra sur l'utilisation croissante de la technologie blockchain par les entreprises pour lever des fonds, ainsi que sur les pistes de régulation possibles afin d'assurer la protection des épargnants et des investisseurs souhaitant participer à ces opérations.
Deux exemples de cette technologie blockchain, entre régulation et soutien à l'innovation : le projet de réorganisation complète des 12 000 fonds opérant en France dans le post-marché, porté par la société SETL associée à cinq sociétés françaises de gestion, et le projet Liquidshare qui vise à mettre en place un post-marché des PME plus économique et rapide. Il y a aussi des exemples plus négatifs, comme les plateformes de dérivés sur bitcoin qui escroquent le Français moyen en promettant des rendements surréalistes et se développent à une très grande vitesse. Les nouvelles technologies apportent le meilleur et le pire.
Nous avons vu, ces derniers mois, le développement d'Initial Coin Offering (ICO), un nouveau type de levée de fonds reposant sur des jetons (tokens) qui sont des codes informatiques créant des actifs numériques plus ou moins échangeables sur la blockchain. En moins d'un an, 21 porteurs de projets d'ICO ont sollicité l'AMF, dont quatre ont d'ores et déjà levé, grâce à cette technologie, 50 millions d'euros ; d'autres arrivent, qui représentent 350 millions d'euros en levées de fonds cumulées. Il convient, pour l'accompagnement de ces démarches, d'entamer une réflexion juridique. Nous avons lancé une grande consultation publique sur ce thème au mois d'octobre dernier, en rappelant les risques associés et en proposant des qualifications juridiques à droit constant et des pistes d'évolution réglementaire.
En droit existant, assimiler les ICO à des titres financiers - de capital ou de créance - n'est pas l'approche qui fonctionne le mieux, car elle implique de leur imposer un prospectus qui n'est pas adapté à leur activité. Une deuxième piste, les règles de gestion collectives, manque elle aussi de pertinence pour ce cas. La troisième possibilité, plus intéressante, est la catégorie des biens divers, créée voici trente ans et complétée par la loi dite sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique « Sapin 2 », qui vise des projets ou actifs n'entrant pas dans les catégories traditionnelles. Il est possible d'y faire entrer les levées de fonds par ICO, mais cela induit des documents d'enregistrement à soumettre à l'AMF. De plus, il est très facile pour les porteurs de projet d'échapper à cette catégorie : un bien divers « étendu », tel que créé par la loi Sapin 2, se caractérise par la promesse d'un rendement financier direct ou indirect ou un effet économique similaire. Il suffit de ne pas le présenter ainsi pour échapper à la réglementation.
Les tokens à droit constant restent donc des objets juridiques non identifiés. Notre consultation publique a reçu un total sans précédent de 82 réponses, venues de tous horizons : porteurs de projets, avocats, banques, acteurs étrangers, etc. La France est en pointe dans la réflexion sur ce sujet. Nous avons formulé plusieurs propositions : rester au niveau non réglementaire d'un code de bonne conduite sponsorisé par l'AMF, mais cette solution a reçu un accueil mitigé des répondants ; ou réguler, soit par une loi s'appliquant à tous les porteurs d'ICO, soit par un cadre législatif optionnel. Cette dernière option ayant recueilli le plus de suffrages, le collège de l'AMF s'en inspirera probablement pour proposer une évolution législative au Gouvernement et au Parlement.
Qualifier juridiquement les tokens n'est donc pas la bonne approche. En revanche, on peut demander au porteur de projet de présenter des white papers - les documents de présentation des ICO -, de se doter d'une personne morale identifiable, de décrire précisément les risques et droits conférés par le token : soit un droit d'usage des projets développés, soit des perspectives de revente sur un marché secondaire, parfois associées à des droits financiers ou de gouvernance sur le projet. Il sera beaucoup plus difficile de définir ce marché secondaire proposé, et les garanties afférentes.
Autre question complexe : quel type d'expertise informatique peut-on exiger dans ces projets ?
Enfin, il faudra identifier les investisseurs dans un registre, pour les besoins de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, et prévoir une sorte de séquestre, sous la forme d'un portefeuille électronique géré en ligne : il est important de fixer des règles du jeu claires pour savoir où vont aller les fonds levés.
Les résultats de la consultation sont en cours de dépouillement ; vous serez probablement sollicités à l'issue de ce processus, dans les prochaines semaines ou les prochains mois.
Je cède enfin la parole à M. Gilles Fedak, co-fondateur d'une entreprise ayant récemment réalisé une levée de fonds importante en bitcoin, afin qu'il nous fasse part de son expérience en la matière.
Je présenterai le point de vue des entrepreneurs. iExec est une start-up fondée en octobre 2016 par moi-même, ancien chercheur à l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), et mon associé Haiwu He, ancien professeur à l'Académie des sciences de Pékin. Nous exploitons des technologies mises au point durant nos années de recherche, notamment un logiciel conçu par Oleg Lodygensky, chercheur à l'Institut national de physique nucléaire et de physique des particules.
Nous avons créé la première plateforme décentralisée de cloud computing utilisant la technologie blockchain. C'est une place de marché, une sorte d'Airbnb du serveur, mais sans plateforme centrale. Tous les acteurs de cette place de marché peuvent interagir directement. Nous utilisons des technologies à la pointe dans le domaine de l'informatique répartie ; notre modèle économique est basé sur les crypto-monnaies.
Notre ICO s'est traduite par l'émission d'un jeton, le RLC. C'est une crypto-monnaie, le seul moyen qu'ont les acteurs de cette place de marché d'interagir. Il est associé à une technologie d'informatique distribuée et un modèle économique : nous avons ainsi procédé à une émission finie de jetons - 87 millions -, ce qui conditionne le fonctionnement de l'entreprise.
Le RLC est d'abord la pièce maîtresse de notre dispositif. Sans lui, le nouveau type d'infrastructure que nous avons créé ne pourrait fonctionner. C'est également un moyen de financement. Nous avons ainsi proposé à une communauté de souscrire à ce jeton en échange d'une monnaie dont le cours est déjà établi - en l'occurrence, le bitcoin. La préparation a duré six mois ; puis, en avril 2017, nous avons levé, en moins de trois heures, 10 000 bitcoins, pour un montant de 11 millions d'euros, soit la cinquième levée mondiale de crypto-monnaie.
Une fois l'ICO terminée, les investisseurs ont reçu leurs jetons, échangeables sur un marché secondaire. Notre capitalisation est désormais de 100 millions de dollars et nous sommes cotés sur une dizaine de places d'échanges dont quatre majeures - aux États-Unis, en Corée du Sud, à Hong-Kong et à Londres.
Nous avons un modèle de développement très différent de celui de la start-up classique, puisque le capital nous appartient et que notre modèle économique est centré sur la valorisation du token.
La France est le premier pays à se doter d'un cadre législatif sur la blockchain. Monsieur Bavagnoli, quels sont le calendrier et les points qui restent à trancher des deux ordonnances que vous avez citées ?
Dans quels domaines - lutte contre le blanchiment, financement du terrorisme, protection des épargnants par exemple - subsiste-t-il un vide juridique ou une zone grise ?
L'approche retenue par le Trésor n'induit-elle pas un risque de perte de compétitivité par rapport à celle du « bac à sable » choisie par le Royaume-Uni ou Monaco ?
Monsieur de Juvigny, le Sénat est à l'origine du dispositif de protection des épargnants contre les produits dits exotiques. Cette législation permet-elle de cibler les crypto-monnaies ?
Les deux ordonnances ont été publiées ; celle du 8 décembre 2017 entrera en vigueur de manière différée, à l'été, en même temps qu'un décret d'application. La France sera alors le premier pays en Europe et au monde, avec l'État américain du Delaware, à autoriser dans sa législation l'usage financier de la blockchain. C'est, j'insiste, une initiative du Parlement.
Cette réglementation porte sur un seul usage de la blockchain, dans le secteur du post-marché, où les gains d'efficacité attendus sont très importants. D'autres usages ne sont pas réglementés, notamment dans le domaine extra-financier - cadastre et notariat par exemple.
Il faut distinguer l'encadrement de la technologie de la réglementation applicable aux actifs financiers échangés via la blockchain - c'est le débat sur les crypto-monnaies.
Un exemple concret : tout transfert de fonds important et non justifié, dans le système financier que nous connaissons, doit être signalé par les établissements financiers à Tracfin. Qu'en est-il pour les transactions réalisées dans le cadre d'une blockchain ?
Les actifs ne constituent pas un ensemble homogène, et tous ne sont pas des supports possibles d'opérations de blanchiment. La réglementation se concentre sur ces derniers.
Qui supporte l'obligation déclarative, lorsque le tiers de confiance est supprimé ? Cette suppression n'intervient qu'à un maillon de la chaîne : la livraison du titre, une fois le principe de l'échange convenu entre les deux parties. Après cela, les titres réintègrent l'univers des opérations financières traditionnelles, puisqu'ils sont détenus sur des supports logés au sein d'intermédiaires financiers traditionnels. Les réglementations anti-blanchiment s'y appliquent normalement.
Il n'y a pas de consensus international sur l'approche réglementaire à adopter. Le Royaume-Uni, Singapour ou Hong-Kong sont partisans du « bac à sable ». Quant à nous, nous estimons qu'il est difficile de prévoir quand le bac à sable deviendra piscine ; et le jour où cela arrive, la régulation devient impossible... Nous préférons miser sur la souplesse et le dialogue avec les acteurs pour garantir la neutralité technologique de la réglementation. Je ne suis pas convaincu que l'absence de règles facilite l'innovation. La régulation est dans l'intérêt même de la technologie : l'effet réputationnel des incidents est très lourd, surtout lorsque des clients sont lésés, et peut bloquer le déploiement de cette technologie.
Les dérivés sur bitcoin, associés à des règlements en espèces, sont, sans aucun doute possible, des instruments financiers et, à ce titre, relèvent de la réglementation financière et de la loi Sapin 2 que vous avez évoquée. Seuls quelques pays sont réfractaires à cette interprétation au niveau européen.
En revanche, la question est plus compliquée lorsque l'on envisage le bitcoin ou l'actif numérique en lui-même puisque, comme je l'ai dit, il peut échapper aisément à la catégorie des biens divers. En revanche, la réglementation sur les plateformes d'échange de bitcoin peut se rapprocher de celle qui encadre les services de paiement, lesquels relèvent de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ou de la Banque de France.
Le cours du bitcoin est passé de 16 000 euros en décembre 2017 à 6 400 euros cette semaine. Comment apprécier sa valeur réelle ? N'entre-t-on pas dans une logique spéculative, qui poserait des risques considérables pour l'ensemble de l'économie ? Si le cadre juridique mis en place par l'AMF est optionnel, comment bien identifier les pratiques des uns et des autres et prévenir les dérives ?
Monsieur Fedak, votre société a émis des jetons qu'elle a transformés en bitcoin, dont la valeur a été divisée par deux en quelques semaines ; comment une start-up assume-t-elle de telles fluctuations ?
La réforme de l'autorité européenne des marchés financiers préparée par la Commission européenne ne contient aucune référence à la blockchain ou aux crypto-monnaies. Est-ce pour ne pas heurter les pays réfractaires à la réforme, ou pour laisser ce système sans encadrement ?
Monsieur Fedak, comment se traduisent en termes comptables et fiscaux les levées de fonds auxquelles vous avez procédé ? Comment faites-vous face à la volatilité ? L'intervention du législateur est-elle nécessaire ?
La responsabilité des parties prenantes et les obligations des fournisseurs d'accès demeurent pour le moment dans un vide juridique. Vous avez indiqué, Monsieur Bavagnoli, que le sujet serait abordé au G20 ; existe-t-il des pistes d'amélioration du cadre juridique ?
La blockchain est une véritable révolution, avec tous les avantages et risques que cela implique. En cas de litige entre deux acteurs de bonne foi, qui attaque qui, puisqu'il n'y a plus de tiers de confiance ? Comment tracer les opérations ? Autre type de risque, la Corée du Nord, d'après une émission diffusée hier, tente de se procurer des devises en contournant l'embargo via des bitcoins. Quelles garanties de sécurité avons-nous ?
Une start-up comme la nôtre fait face à trois risques. Le premier est la volatilité liée au cours du bitcoin. Sur ce plan, nous avons plutôt bénéficié de l'envolée des cours. Le deuxième est le risque comptable et fiscal : nous ne sommes pas en mesure de déterminer quel montant nous avons levé, et il y a plusieurs scénarios très différents de comptabilisation. Dans l'un d'entre eux, nous paierions davantage d'impôts que Facebook ! Nous espérons éliminer ce risque cette année. Le troisième est lié à la sécurité, la conservation des crypto-monnaies étant techniquement complexe.
En matière de recours, nous avons un exemple historique - même s'il n'a que deux ans. The DAO, un projet d'organisation autonome porté sur Ethereum, a levé 150 millions de dollars dans le cadre d'une ICO ; mais sur cette somme, 50 millions ont été perdus. La communauté Ethereum s'est alors tournée vers ses leaders d'opinion, les développeurs phares qui ont, de manière assez inattendue, trouvé une solution. Il n'y a pas eu, à ma connaissance, d'action en justice.
Nous assistons en réalité à une translation de la confiance, qui est désormais concentrée dans un ensemble de règles et de codes. Les contrats automatisés sont par nature incomplets, puisqu'il est impossible de tout anticiper. Plus le système est sophistiqué, plus l'on risque de rencontrer une situation non anticipée. La question de la disparition du tiers de confiance est bien sûr essentielle.
Airbnb, à laquelle Monsieur Fedak a comparé iExec, est une plateforme numérique centralisée. Comme chaque plateforme centralisée, elle fait désormais face à des systèmes décentralisés. Uber est ainsi confronté à Arcade City. La solution résidera à mon avis dans des structures intermédiaires entre centralisation et décentralisation complète, comme les blockchains confédérées, semi-privées, au sein desquelles le degré de confiance entre acteurs permet les recours. C'est ainsi le cas de R3, qui réunit des banques. Il est vrai que le vide juridique sur les plateformes entièrement ouvertes peut inquiéter, même si jusqu'à présent les communautés concernées ont trouvé des solutions. Il est indispensable d'anticiper les recours et d'intégrer des mécanismes de résolution aux protocoles.
Monsieur Canevet, la volatilité autour du bitcoin est forte ; l'AMF lance régulièrement des alertes sur ce marché très irrationnel qui donne l'impression de spéculer sur de futures régulations. L'AMF a d'ores et déjà répondu à une personnalité médiatique, Nabilla, qui vantait l'investissement dans le bitcoin, sur les réseaux sociaux.
La réglementation optionnelle des ICO répond à une demande de beaucoup de porteurs de projets, qui ne savent pas dans quel cadre s'inscrire. Elle s'accompagnerait de garanties et d'un visa de l'AMF, et ceux qui choisiraient de ne pas s'inscrire dans cette régulation seraient avertis des risques. Un cadre obligatoire toucherait difficilement l'ensemble des projets au niveau international.
Au niveau européen, l'Autorité européenne des marchés financiers a créé un groupe de travail sur les ICO et la Commission européenne dévoilera dans les prochaines semaines un plan sur les fintech. Le législateur français est plutôt en avance mais les autorités européennes commencent à s'y intéresser.
Dans le système de la blockchain, il n'y a pas de tiers de confiance pour interposer son bilan - une chambre de compensation par exemple. La décentralisation est consubstantielle au système. C'est pourquoi l'AMF estime que la blockchain ne doit être accessible qu'aux acteurs informés.
En revanche, la blockchain garantit la traçabilité des opérations : on sait à quel jour, à quelle heure et entre quelles contreparties une transaction a été réalisée ; mais le tiers de confiance ne peut protéger l'acquéreur en cas de défaut de contrepartie. Nous avons réfléchi à des dispositifs d'assurance pour compenser ce manque, qui sont partiellement repris dans l'ordonnance. L'absence de contrepartie centrale a donc des conséquences, mais celle-ci n'est pas une assurance tous risques : il arrive qu'elle soit défaillante.
La lettre adressée par les ministres des finances français et allemand au G20 dessine quatre axes d'action : bien partager la connaissance et la compréhension des autorités publiques sur les tokens et les ICO ; réunir des moyens de contrôle des risques en matière de stabilité financière ; offrir de meilleures protections aux investisseurs non qualifiés ; et enfin construire une approche commune en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, à laquelle la France est très attachée.
Merci à tous les participants pour ces éclairages.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Dans un contexte marqué par la très forte hausse de la valeur du bitcoin au cours de l'année 2017 et au moment même où cette valeur chute fortement, la commission des finances souhaite revenir sur les enjeux liés au développement des monnaies virtuelles. En effet, si ce marché reste d'une taille tout à fait modeste à l'échelle de l'ensemble de la sphère financière, il suscite un intérêt croissant des épargnants ou d'une partie de ceux-ci, ce qui a conduit l'Autorité des marchés financiers (AMF) et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) à publier en décembre dernier une mise en garde.
L'essor des monnaies virtuelles suscite de nombreuses craintes, en particulier en matière de protection des épargnants et de respect des règles relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Certains analysent le développement des monnaies virtuelles sous le seul prisme du risque. Plusieurs pays, tels que le Maroc, le Vietnam et la Bolivie, ont pris des décisions radicales allant jusqu'à l'interdiction des transactions en monnaie virtuelle.
La commission des finances avait appelé en 2014 à une approche pragmatique, compte tenu des opportunités dont les monnaies virtuelles peuvent être porteuses sur le plan de la réduction des coûts de transaction, de l'accès au financement et de la résilience des systèmes de paiement.
Afin faire le point sur ces enjeux, nous recevons ce matin Emmanuelle Assouan, directrice des systèmes de paiement et des infrastructures de marché à la Banque de France ; Nathalie Beaudemoulin, coordinatrice du pôle Fintech innovation à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ; Sandrine Lebeau, responsable de la conformité et du contrôle interne à La Maison du Bitcoin et Simon Polrot, fondateur du site Ethereum France et ancien avocat fiscaliste.
Je parlerai de crypto-actifs et non de monnaie virtuelle car ces actifs, bitcoin ou ether, ne sont pas de la monnaie. Ils ne remplissent pas ses trois fonctions : unité de compte ; intermédiaire d'échanges ; réserve de valeur. Ce ne sont pas non plus des moyens de paiement. C'est pourquoi l'appellation de monnaie virtuelle, insidieuse, a vocation à être écartée au profit du terme de crypto-actifs.
Ceux-ci sont porteurs de nombreux risques pour leurs utilisateurs. Le premier est le risque spéculatif : ces investissements à haut risque peuvent engendrer très rapidement des pertes importantes. Les processus d'émissions favorisent la spéculation. La rareté crée une bulle en cas de forte demande. Il a fallu huit ans au bitcoin pour atteindre 1 000 dollars, deux mois pour passer de 6 000 dollars à 19 000 dollars et quelques jours pour chuter de 20 000 dollars à 6 000 dollars, le cours actuel. Cette volatilité excessive bat tous les records en étant de l'ordre de 90 % à trente jours, alors que celle du SNP 500 et de l'once d'or s'élèvent respectivement à 13 % et 15 % depuis 2010.
Les crypto-actifs, à cause de l'anonymat sur lesquels ils sont fondés, favorisent le financement d'activités criminelles telles que le blanchiment et le contournement des règles de lutte contre le financement du terrorisme.
Il existe également des cyber-risques. Les crypto-actifs n'offrent aucune sécurité en termes de détention. Très récemment, au Japon, plus de 500 millions de dollars d'actifs ont été détournés. Ce n'est pas la première fois. La sécurité physique de ces avoirs n'est pas totalement assurée.
Enfin, il existe un risque sociétal non négligeable, environnemental. La simple validation d'une transaction pour un crypto-actif tel que le bitcoin nécessite 215 kW/h, soit six mois de consommation d'un ordinateur fixe.
À ce stade, les conséquences matérielles en matière de risque systémique et de politique monétaire sont très négligeables, compte tenu de la volumétrie de la valorisation de l'ensemble des encours de ces 1 300 crypto-actifs. Leur valorisation est comprise entre 300 milliards de dollars et 400 milliards de dollars quand la masse monétaire de la zone euro est de 7 500 milliards d'euros et l'ensemble des masses monétaires de l'ensemble des pays du monde s'élève à 70 000 milliards de dollars.
La Banque de France et l'ACPR mènent des actions. Nous avons également une lettre de mission pour porter ce sujet au G20 et encourager une réflexion commune. Le ministre des Finances va saisir ses homologues du G20 avec le gouverneur de la Banque de France. Il faudra également se pencher sur l'impact potentiel des crypto-actifs sur la stabilité financière et sur la nécessité de construire un corpus commun pour protéger les investisseurs non professionnels et lutter contre le blanchiment.
J'anime le pôle Fintech innovation de l'ACPR, créé en juin 2016 pour guider les acteurs innovants dans leur parcours réglementaire. Nous travaillons sur les freins réglementaires et animons un forum Fintech pour dialoguer avec les acteurs innovants. Depuis notre création, nous avons reçu plus de 200 d'entre eux, désireux de créer des activités financières, souvent d'intermédiation. En 2017-2018, un nombre croissant d'acteurs sont venus nous voir pour savoir comment exercer des activités relatives aux crypto-actifs et comprendre le cadre applicable à ces activités. Ils souhaitent, pour certains, clarifier, comprendre le statut dont ils dépendent.
Il existe différentes activités : le service d'échanges entre crypto-actifs et monnaie légale ; l'achat et la vente de crypto-actifs physiques, y compris via des distributeurs semblables à des distributeurs de billets, certains prestataires disposant d'un stock en propre ; le service d'échange entre acheteurs et vendeurs, en tant que pur intermédiaire ; la conservation pour le compte de tiers de clés crypto-graphiques privées pour la détention, le stockage ou le transfert de crypto-actifs.
La détention de crypto-actifs sous chaîne de blocs (blockchain) s'appuie sur deux clés crypto-graphiques, l'une publique et accessible à tous, qui permet d'identifier les différents portefeuilles mais pas leur propriétaire, et l'autre privée, qui permet au détenteur du portefeuille sur lequel sont inscrites les unités de crypto-actifs de les utiliser et de les transférer vers un autre portefeuille. Seule la connaissance conjointe de ces deux clés donne la possibilité d'effectuer des opérations sur les crypto-actifs.
Une autre activité est l'échange de crypto-actifs contre d'autres crypto-actifs. Il existe, en outre, des activités de levées de fonds en crypto-monnaie et des produits d'investissement ou des dérivés sur crypto-actifs.
Les risques sont le blanchiment, le financement du terrorisme et d'autres activités illégales, les clés de détention étant anonymes. C'est comme si aucun nom ne correspondait à un IBAN mais que toutes les opérations réalisées avec cet IBAN étaient visibles de tous. Les consommateurs et investisseurs encourent des risques liés à l'achat d'un produit extrêmement volatil, puisqu'aucune régulation n'est applicable, y compris pour la protection des investisseurs.
Les cyber-risques liés à l'intégrité des plateformes sont très significatifs. Les serveurs où les clés privées sont stockées peuvent être piratés et les fonds transférés.
Les risques sur la stabilité financière ne sont pas avérés à ce stade, mais la volumétrie croissante des opérations et les connexions avec la sphère financière traditionnelle pourraient à terme entraîner la survenance de ces risques.
Le cadre réglementaire applicable, assez partiel aujourd'hui, est celui des services de paiement. En 2014, l'ACPR a estimé que, dans le cas d'une opération d'achat-vente de bitcoins contre une monnaie légale, l'activité d'intermédiation entrait dans le cadre de la fourniture de services de paiement et relevait donc de la première directive sur les services de paiement - ensuite complétée en 2015. Ces deux textes comprennent des règles de lutte anti-blanchiment. Toutefois, cette position française n'est pas partagée à l'échelle européenne. L'ACPR a formulé une nouvelle demande de clarification auprès de l'Autorité bancaire européenne.
L'autre cadre applicable est celui de la lutte anti-blanchiment. Selon la quatrième directive européenne, qui prépare la cinquième, les plateformes de conversion des monnaies virtuelles contre les monnaies légales et les fournisseurs de services de garde de ces fameuses clés crypto-graphiques privées vont être soumis à la lutte anti-blanchiment. Ils seront obligés de s'immatriculer et de subir un contrôle d'honorabilité et de compétence de leurs dirigeants et des bénéficiaires effectifs.
En France, l'article L 561-2 du code monétaire et financier, modifié en décembre 2016, prévoit que toute personne qui, à titre de profession habituelle, se porte elle-même contrepartie ou agit en tant qu'intermédiaire pur en vue de l'acquisition ou la vente de tout instrument contenant un crypto-actif sera soumise à la réglementation relative à la lutte anti-blanchiment. Toutefois, les solutions de garde de clé ne sont pas concernées.
La régulation est partielle. Elle est focalisée sur la lutte anti-blanchiment et sur les plateformes d'échange de crypto-actifs en espèces, donc vers le monde réel. Néanmoins, les risques s'accroissent, avec l'augmentation des valeurs, du nombre de clients et des types d'activités possibles. Nous appelons aujourd'hui à la mise en place d'une régulation idoine, qui s'articule autour des règles de lutte contre le blanchiment, de la protection des clients, de la sécurité des opérations et de la technologie des plateformes ainsi que de la solidité financière des prestataires.
Bien évidemment, comme les crypto-actifs n'ont pas de frontières, ce cadre devrait être au moins européen et plus certainement international.
Je suis responsable de la conformité de la gestion des risques au sein de la société Coinhouse, aussi appelée La Maison du Bitcoin, qui est un site et un lieu physique auprès duquel des particuliers et des entreprises peuvent acheter et vendre de la crypto-monnaie.
J'ai commencé ma carrière dans la lutte contre la fraude et le blanchiment d'argent, en assurance de personnes au sein de SCOR, une société de réassurance, avant de rejoindre Western Union où j'étais chargée de la conformité, puis de devenir responsable de la conformité et du contrôle interne d'une société de gestion. Je suis encartée à l'Autorité des marchés financiers.
Coinhouse est l'un des principaux acteurs, en France, de la crypto-monnaie. Nos clients sont à 90 % français. Nous avons réalisé un chiffre d'affaires de 46 millions d'euros avec des transactions auprès de 18 000 clients. Environ 80 % des opérations consistent en l'achat de crypto-monnaie, principalement du bitcoin, mais aussi de l'ether, du ripple, du litecoin ou du NEO. Nous nous rémunérons en prélevant une commission sur les transactions.
Notre société, française, a été créée en 2015, en tant que filiale de la société de crypto-sécurité Ledger. Nous avons pris notre envol il y a moins d'un an et sommes financés par des actionnaires, des fonds d'investissement et des personnes privées. Nos effectifs sont de 18 employés et nous projetons de nous développer en France et en Europe.
Notre valeur ajoutée réside dans notre capacité à accompagner et former nos clients à la crypto-monnaie. Nos principaux concurrents sont Kraken et Coinbase, qui a réalisé environ un milliard de dollars de revenus en 2017.
Nous sommes les seuls opérateurs français à offrir nos services à la fois en ligne et en boutique. Nous vendons des euros contre de la crypto-monnaie et acceptons les règlements par carte bancaire et virement. Notre société, en pleine croissance, a pour ambition de devenir un champion national.
J'ai été avocat fiscaliste pendant six ans. Au cours de mes deux dernières années d'exercice, j'ai beaucoup exploré les problématiques juridiques et fiscales liées au développement des crypto-monnaies.
J'ai fondé le site Ethereum France, dédié à la chaîne de blocs Ethereum, consacrée au crypto-actif ether. J'ai participé à la création de l'association Chaintech, qui regroupe aujourd'hui environ 300 membres issus de l'écosystème des chaînes de blocs en France dont l'objectif est de développer des activités dans ce domaine et de porter des messages communs auprès des institutions. Je suis également fondateur et vice-président de l'association Ethereum, plus technique, qui regroupe 200 membres. Son but est de faire connaître la chaîne de blocs au plus grand nombre.
Depuis quelques mois, je travaille pour la société américaine ConsenSys, qui emploie environ 630 personnes exclusivement sur la chaîne de blocs Ethereum. La quarantaine de projets incubés fournissent des services aux entreprises. Les bureaux français, ouverts il y a deux mois, rassemblent une vingtaine de personnes. ConsenSys a été choisie cette semaine par l'Observatoire de l'Union européenne de la chaîne de blocs pour l'accompagner sur l'exploration des problématiques liées au développement des cas d'usage de la chaîne de blocs.
Je porte en particulier le projet VariabL, qui utilise les caractéristiques particulières de la chaîne de blocs et des actifs numériques de sécurisation et d'automatisation des transactions pour créer des instruments de couverture, donc des produits dérivés.
Dans mon activité professionnelle passée et présente, j'ai été confronté à plusieurs problématiques : le régime juridique et réglementaire est imprécis, ce qui pose problème aux acteurs qui souhaitent évidemment respecter l'ensemble de leurs obligations. Depuis plus d'un an que nous sommes en discussion avec l'Autorité des marchés financiers sur le développement de notre activité, nous n'avons toujours pas obtenu de réponse précise sur le cadre réglementaire auquel nous devons nous conformer. Il existe des incertitudes liées à notre activité particulière, à la croisée de deux mondes, la finance et le numérique.
Quel régime juridique appliquer aux actifs numériques, qui sont protéiformes ? Une clarification serait souhaitable, en espérant un régime adapté, c'est-à-dire prenant en compte les caractéristiques particulières des actifs numériques.
La problématique du régime fiscal est très importante, pour les particuliers comme pour les entreprises. Les deux instructions fiscales de 2014 sont inadaptées à l'évolution des cas d'usage et au développement de nouveaux types d'actifs numériques. La question se pose d'autant plus pour les entreprises qu'elles doivent tenir leur comptabilité, qui conditionne le calcul de l'impôt sur les sociétés. Les experts-comptables ont des difficultés à se prononcer sur le sujet en raison du flou qui règne sur le régime juridique des crypto-actifs.
Ma question sera provocatrice : hors d'un placement hautement spéculatif, quel intérêt un particulier a-t-il à investir dans de la crypto-monnaie ? Les frais de transfert d'argent de Western Union, ou des banques, sont-ils trop élevés ?
Pour des transactions en bitcoin, La Maison du Bitcoin explique qu'il suffit d'un QR code, que l'on peut apporter sur une feuille de papier. Peut-on l'offrir à un ami ? Comment assurer la traçabilité ?
Merci d'avoir organisé cette audition sur le bitcoin. L'innovation financière est bien plus rapide que le régulateur. Elle vise moins de régulation et moins de contrôle. C'est un réseau accaparé par des moyens informatiques superpuissants. Seules de grandes entreprises ont les capacités techniques de gérer l'essentiel du bitcoin, réserve de valeur très risquée selon le vice-président de la Banque centrale européenne, Vitor Constâncio. Quelle est l'utilité pour l'économie réelle de cette finance autocentrée ?
La technologie crypto-graphique garantit l'anonymat, ce qui est extraordinaire quand on demande aux banquiers de connaître leurs clients. Nous sommes dans un débat fondamental à l'échelle planétaire face à ce défi lancé aux monnaies officielles. Pas d'intermédiaire, pas de transparence : cela m'interpelle. Le bitcoin n'est-il pas la préfiguration d'une monnaie virtuelle d'un État virtuel qui n'aime pas trop les État régaliens qui contrôlent, régulent, lèvent l'impôt et peuvent sanctionner ?
Où la plateforme de gestion de La Maison du Bitcoin est-elle localisée ? Qui sont vos actionnaires ? Vous qui appartenez à une profession réglementée, en lien avec Tracfin, avez-vous déjà signalé des mouvements suspects aux autorités de contrôle de notre pays ?
Emmanuelle Assouan a évoqué le G20. J'ai bien peur que ce ne soit pas dans les pays du G20 que le sujet majeur qu'est la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme soit le plus pertinent. N'est-on pas en train de surréguler une zone où c'est peu utile ?
Nathalie Beaudemoulin explique qu'il existe une clé publique et une clé privée. Quand la clé est publique, autant laisser la porte ouverte. En vérité, le système ne fonctionne que sur une seule clé. Nous savons que les banques centrales n'ont pas été épargnées par des attaques, notamment d'un pays du G20 dont nous tairons le nom.
Les produits dérivés m'inquiètent particulièrement. J'avais cru comprendre qu'un vrai sous- jacent était nécessaire. Les sous-jacents de sous-jacents mènent à des catastrophes. Qu'est-on en train de faire alors qu'il n'existe en réalité aucune valeur d'actifs ?
La fiscalisation de ces actifs est fondamentale. Il ne s'agit pas simplement d'échanger des monnaies. Comment l'achat du bitcoin est-il taxé ? Est-ce un service qui supporte la TVA ? Ce flou conduit à une appréhension fiscale parcellaire.
Je gère les risques au quotidien au sein de Coinhouse, que j'ai rejoint en 2017, soit la lutte contre le blanchiment, la cybersécurité, la protection de l'investisseur. Je fais des déclarations à Tracfin.
Nos clients, que je rencontre physiquement, sont des investisseurs mécontents de la rentabilité des placements à 1 % ou 2 %. Je reçois également des professionnels qui veulent acheter des matières premières dans des pays où le système bancaire n'est pas développé. Ils font appel à nous car nous sommes plus rapides, moins chers et plus efficaces. Notre clientèle est composée à 80 % d'investisseurs, 10 % de professionnels réalisant des achats et des ventes et 10 % de particuliers qui s'intéressent à ces produits.
Nous ne demandons pas seulement un QR code, mais aussi une carte d'identité. C'est la volonté du dirigeant de l'entreprise. Nous avons développé une intelligence artificielle qui réalise un profilage des personnes. Pour acheter de la crypto-monnaie, il faut ouvrir un compte, comme dans une banque, avec une carte d'identité, un justificatif de domicile et une photographie prise depuis son téléphone. Nous utilisons d'autres procédés que je ne souhaite pas expliquer pour des raisons de confidentialité. Nos outils de lutte contre la fraude sont performants. Nous demandons des justificatifs pour la réalisation des opérations et toutes les validations sont traitées manuellement.
Nous avons la volonté d'accompagner nos clients, non par du conseil en investissement mais par la formation.
Nous sommes conscients des risques et y faisons face avec nos outils.
Les crypto-actifs ne sont pas de la monnaie, qui repose sur la confiance et la valeur intrinsèque dans le temps. Ces émissions n'en ont aucune, ni la moindre valeur économique. Ce ne sont que des séries de chiffres et de lettres. Nous y voyons de la destruction de valeur, par leur coût environnemental, qui représente autant d'énergie soustraite à des activités profitables à l'économie réelle.
Pour l'instant, la stabilité financière ne court aucun risque matériel car les montants de crypto-actifs sont limités. Mais le jour où des acteurs de la sphère réelle prendront des positions importantes, ce sera problématique. Les outils existent déjà.
Les dérivés sont proposés sur les deux bourses de Chicago, le Chicago Board Options Exchange (CBOE) et le Chicago Mercantile Exchange (CME) depuis le mois de décembre. Ces instruments sont à double tranchant, car ils permettent de spéculer à la baisse. Ils sont supervisés par la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), l'autorité américaine des marchés, et fonctionnent selon le principe de l'auto-certification. Si aucune plainte n'est déposée au cours d'un certain délai, ils sont autorisés.
En les autorisant, les autorités américaines ont souhaité mieux ausculter le marché puisque ces dérivés et leurs sous-jacents sont soumis à des obligations déclaratives. Le dispositif de gestion des risques mis en place est très exigeant.
Je souhaite différentier la chaîne de blocs des crypto-actifs, quant à l'intérêt pour l'économie réelle. La technologie de chaîne de blocs présente des intérêts matériels. Nous y voyons une innovation très intéressante. La Banque de France l'a adoptée pour un registre qu'elle tient pour le compte de la sphère interbancaire. Même si cette technologie est encore peu mûre, elle fonctionne bien.
Je défendrai un point de vue différent sur la valeur des actifs numériques. La question de savoir qui est derrière n'est pas bonne. Ces actifs sont d'un nouveau type. La chaîne de blocs favorise la création d'une base de données publique, dans laquelle des valeurs numériques peuvent être vérifiées et validées et leur non-duplication assurée. Cela favorise le transfert de valeurs directement de pair-à-pair de façon sécurisée. L'essence du numérique, c'est la duplication des données. Ici, la valeur, qui est unique, disparaît du compte du vendeur et apparaît sur le compte de l'acheteur. La valeur provient de cette technologie fiable à laquelle tous font confiance.
La spéculation existe, mais bien parce qu'il y a une attente, des envies et des possibilités. Des transferts de valeurs complexes peuvent être programmés sans intermédiaire, tout en donnant la possibilité de procéder à des vérifications. C'est inédit.
La spéculation est problématique quand elle est incontrôlable, mais c'est elle qui finance les innovations de rupture. Certains investissent des montants très significatifs sur des projets dont une majorité échouera. Mais le reste constituera l'infrastructure du monde numérique de demain. ConsenSys, ce sont des emplois, des activités économiques.
Les produits dérivés sont aussi un gage de stabilité financière, étant des instruments de couverture. Ils mettent en relation une personne qui souhaite couvrir un risque et une personne qui souhaite spéculer sur ce risque. Le développement d'un écosystème autour de ces actifs numériques est plutôt bon signe. Si les produits dérivés sont développés de façon responsable, il n'y a pas de raison de craindre un risque systémique plus important qu'avec les crypto-actifs. J'ajoute que la dette n'existe pas, puisque ce sont des actifs.
Une fiscalité s'applique actuellement à l'ensemble des échanges entre crypto-monnaie et monnaie scripturale avec un régime qui mériterait une clarification. Tous les acteurs déclarent leurs revenus du mieux possible auprès des services fiscaux. L'évasion fiscale n'est pas réellement possible puisque si vous souhaitez concrétiser votre revenu, vous devez forcément transformer votre actif numérique en euros et donc passer par le système banquier traditionnel.
Le problème de la fiscalité porte sur l'incertitude quant au régime applicable et non sur le paiement.
On peut comprendre la très forte hausse du bitcoin en 2017 : elle reflète une demande du public. À quoi correspond sa chute brutale ? Qui sont les gagnants et les perdants ? On évoque l'opacité du système. Il pourrait y avoir des manipulations du cours.
L'engouement des clients lambda m'interpelle. Cela vient-il de l'impossibilité de souscrire des emprunts russes ?
Puisque nous célébrons le centenaire de la Première Guerre mondiale, je tiens à rappeler que sans l'épargne française, la Russie n'aurait pas eu de chemin de fer, et sans chemin de fer, il n'y aurait pas eu la mobilisation russe qui nous a préservés de l'invasion allemande. Finalement, nous avons financé ceux qui nous ont défendus. C'est le président du groupe interparlementaire d'amitié France-Russie qui vous parle.
Avec cette audition, nous sommes au coeur de notre métier de parlementaires. Les pouvoirs politiques se sont attribué progressivement et quasi-universellement le monopole de la monnaie et les Parlements sont nés du contrôle de cette monnaie.
Je souscris totalement à l'observation d'Éric Bocquet sur cette innovation qui remet en cause le monopole des États, en s'appuyant sur le ressort numérique. Dès lors qu'un système numérique garantit la sécurité absolue des données, leur pérennité, leur universalité, elle remet en cause des évidences connues. Le papier-monnaie, c'est bien, mais c'est la première génération. Nous n'avons aucune raison de penser que la technicité de la chaîne de blocs va se dégrader. Je pense au contraire que nous ne sommes qu'aux balbutiements de ces chaînes de blocs. Nous avons la chance d'avoir un État respectable, une Banque de France extraordinaire, une monnaie européenne, mais ce n'est pas un cas universel. Dans cette compétition à la sécurité, le numérique nous apporte chaque jour des éléments nouveaux.
Les dispositions juridiques actuelles se focalisent sur la lutte contre le blanchiment. Tous les contribuables ressortent des directives anti-blanchiment, alors qu'ils sont honnêtes à 98 % - comme c'est le cas des hommes politiques. Lorsqu'un contribuable à jour de ses paiements va demander son argent en espèces à sa banque, il se voit opposer une impossibilité. On ne peut pas utiliser librement son argent : il faut donner une justification. Ce sentiment de malaise est ignoré par les banques. En outre, de moins en moins de contribuables paient de plus en plus d'impôts - 80 % de l'impôt sur le revenu est payé par 20 % d'entre eux. Cette situation offre une voie royale au développement de nouveaux actifs.
L'art contemporain n'est-il pas lui-même une création de valeur parfaitement artificielle qui facilite la circulation des actifs ?
Je souhaite que la commission des finances continue de travailler sur ce sujet, lié à l'excès d'encadrement des libertés individuelles. Nous adorons la transparence, mais ceux qui travaillent et paient des impôts ont envie d'échapper à un suivi absolu. À nous, législateur, de trouver le juste équilibre.
Tout ceci écarte le bonheur qu'il y a à être contribuable !
La distinction entre bitcoin et chaîne de blocs était importante. Je reste interrogatif quant à l'intérêt économique, social et sociétal de ces crypto-actifs. Ils favorisent la spéculation et l'on peut craindre le caractère douteux de certaines actions.
Ce phénomène contribue à créer de la monnaie puisqu'il a une fonction d'échange. Cela remet en cause la régulation et fait courir un risque de bulle spéculative. Dès lors, comment conserver un rôle politique et éviter un développement sans aucune maîtrise publique et politique ?
Certaines de mes questions sont restées sans réponse. Qui sont vos actionnaires de La Maison du Bitcoin et où votre plateforme de gestion est-elle localisée ?
Notre plateforme est localisée à Paris.
Absolument pas.
Comment le cours du bitcoin est-il construit ? Je pensais naïvement qu'il résultait de l'offre et de la demande, où en tout cas de la demande, mais je constate une limitation des émissions destinée à faire monter les cours. C'est une manipulation. Cette caractéristique est-elle expliquée aux investisseurs ?
Le bitcoin sera limité à 21 millions d'unités à terme. Nous en sommes pour l'instant à 17 millions d'unités émises. Les émetteurs sont en concurrence les uns avec les autres. Plus il y a d'acteurs, plus il y a de la concurrence et plus il faut de l'énergie. Au début, on pouvait presque créer du bitcoin avec un ordinateur personnel. Aujourd'hui, il est nécessaire de déployer une puissance informatique colossale. L'appétit croissant pousse à une course à la détention de bitcoins, puisqu'il n'y en aura pas pour tout le monde. C'est la gestion de la rareté.
La plateforme américaine Stripe a cessé d'accepter les paiements en bitcoin parce qu'il faut 190 minutes pour valider une transaction, le réseau s'étant considérablement étendu.
Rappelons que les crypto-actifs ne sont pas une monnaie et qu'ils sont bien moins efficaces. Ils ne constituent pas une unité de compte. Les prix ne sont pas libellés en crypto-actifs - ce serait infaisable. Ils existent par ailleurs en profusion et se scindent. On a le bitcoin, le bitcoin cash...
Certains commerçants disent qu'ils acceptent le bitcoin, mais c'est faux, notamment à cause de sa volatilité.
Les crypto-actifs ne représentent pas non plus une réserve de valeur. L'appât du gain est à la source de la multiplication par quatorze du cours du bitcoin au cours de l'année 2017, mais la chute a été vertigineuse et très rapide. Nous sommes très proches de la crise des bulbes de tulipes aux Pays-Bas.
La saisine du G20 a pour but de demander la saisine du groupe d'action financière (Gafi), soit un champ bien plus large que le G20.
Des réflexions sont en cours au sein de l'Union européenne sur un cadre de régulation applicable aux activités sur le sol européen. Le président de la Commission européenne a demandé aux trois autorités européennes en charge des activités bancaires, des marchés financiers et des activités assurantielles de réfléchir à ce cadre. Les trois autorités travaillent aussi à une alerte auprès du marché pour mettre en évidence les risques.
On constate un mouvement d'innovation important, de numérisation des activités financières. Il est donc essentiel de faire évoluer le cadre de la régulation, qui était focalisé sur les échanges du virtuel vers les espèces, sur la lutte anti-blanchiment. Il faut aller vers d'autres aspects tels que les risques pesant sur l'intégrité informatique des plateformes, la protection des clés. Nous n'agréons un établissement qu'après un avis de la Banque de France sur la sécurité de la plateforme et des systèmes de paiement.
Réfléchissons à l'opportunité d'un cadre plus global qui prenne en compte l'ensemble des axes de protection.
Je vous confirme que nous ne sommes pas à Chypre ! L'un de nos principaux actionnaires est Ledger, une importante société de la Fintech qui a développé des clés de sécurité pour les crypto-monnaies. Issu du capital-investissement, notre dirigeant est sensibilisé à l'audit, au contrôle interne et à la gestion des risques.
Je suis fréquemment interrogée sur la question du blanchiment, ce qui me pose problème puisque la crypto-monnaie n'est aucunement synonyme de blanchiment. Une anecdote : un journaliste a un jour prétendu qu'il avait « blanchi » de l'argent sur notre plateforme en investissant 100 euros auprès de la Maison du Bitcoin. Je lui ai demandé d'où venait cet argent ; il a reconnu qu'il venait de son compte en banque, donc de son salaire. Ce n'est pas du blanchiment ! Halte à l'hystérie : notre activité n'est pas plus risquée que d'autres activités bancaires agréées.
Nous soulignons toujours auprès des investisseurs potentiels qu'il s'agit d'une activité très risquée. Je suis issue de l'assurance, un univers très régulé, sous l'égide de l'ACPR. Il nous arrive, plus souvent que vous ne le pensez, de refuser des investissements lorsque nous constatons que les investisseurs sont peu à l'aise dans cet univers. Nous informons et accompagnons nos clients sur les risques associés à cette technologie. La France est très en avance dans ce domaine, et la Maison du Bitcoin joue un rôle moteur : nous avons nous-mêmes sollicité auprès de l'ACPR la mise en place d'une régulation, que nous attendons toujours.
Sur les problématiques liées à l'émission monétaire, où les marchés sont encore balbutiants, nous voyons des solutions se dessiner. Nous sommes dans une phase de passage à l'échelle industrielle, avec un très grand nombre d'utilisateurs, alors que la base technique n'a pas été conçue pour cela. Des travaux de recherche sont en cours pour abandonner le minage, très consommateur en électricité, en faveur des investissements financiers qui permettent de contourner la problématique de la puissance de calcul ; des réseaux parallèles, les lightning networks, qui permettent d'augmenter très fortement le nombre de transactions par seconde, ont été mis au point. Les plateformes d'échange sont dans une situation comparable à celle des bourses en 1929.
C'est une question d'infrastructures techniques. La culture financière se développe, des instruments de couverture émergent, les acteurs ont identifié les problématiques et travaillent à leur résolution avec les États.
L'ACPR ne contrôle plus aucune plateforme dans le domaine des crypto-actifs. L'une d'entre elles, rattachée à un établissement de paiement agréé, a été sanctionnée parce que ses clients n'étaient pas dûment identifiés. En revanche, il y a des passeports entrants d'acteurs agréés dans d'autres pays comme le Luxembourg, et régis par les règles de lutte anti-blanchiment du pays d'origine. Le cadre européen mériterait d'être consolidé.
Certaines plateformes établies en France sont désormais contraintes par la quatrième directive anti-blanchiment de respecter les dispositions de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ; mais ce texte est incomplet car il ne désigne pas l'entité chargée du contrôle. Enfin, l'intégrité et l'information des clients sur les risques ne sont pas traitées.
On peut lire sur le site mon-bitcoin.fr la mention suivante : « Mon-Bitcoin est une marque déposée officielle, régulée et supervisée par la Commission de sécurité et des échanges de Chypre (CYSEC), sous la licence CIF n° 259/22 et le numéro de registre des entreprises suivant : HE57234 ».
C'est justement à cause des dérives que nous demandons une régulation. Nous sommes prêts pour cela.
Je vous remercie.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 12 h 25.