Pour cette première réunion de travail, j'évoquerai le calendrier avant d'aborder le fond, c'est-à-dire le dialogue avec les présidents des commissions permanentes et le choix des sujets à étudier au cours des sept prochains mois. Cette période nous permettra d'établir notre crédibilité.
Notre méthode de travail ? Il faut d'abord renforcer l'existant. Nous avons besoin que les commissions nous transmettent leurs analyses afin d'évaluer quantitativement les lois qui s'appliquent ou pas. Le recensement des décrets d'application publiés ou non est nécessaire mais non suffisant. Les commissions permanentes nous transmettront leur bilan tel qu'il sera établi au 31 décembre. La synthèse que nous en ferons sera discutée en séance publique lors de la semaine sénatoriale de contrôle du 6 février 2012. Ce sera une première.
Notre tâche s'articulera avec celle du Secrétariat général du Gouvernement. M. Patrick Ollier, ministre des relations avec le Parlement, réunit presque chaque semaine les directeurs des cabinets ministériels pour travailler à la mise en application des lois. Cette fréquence nouvelle ne peut que rejoindre les préoccupations de notre commission... En tout cas, la volonté de coopérer du Gouvernement est claire. Je vous proposerai, d'ailleurs, d'auditionner prochainement le Secrétaire général du Gouvernement.
Nos rapporteurs seront nécessairement en osmose avec les commissions permanentes : le suivi en est assuré traditionnellement par ces dernières, mais elles sont surchargées par l'activité législative et notre rôle sera de les aider à faire ce travail d'évaluation. Nous le ferons avec elles et non à côté d'elles, en valorisant leur travail.
Au cours des prochains mois, des administrateurs travailleront avec notre commission, notamment à partir de mars car la suspension des travaux donnera davantage de liberté à notre administration.
Si notre contribution est efficace, je serai en meilleure position pour demander plus de moyens. C'est en marchant qu'on fait son chemin.
Pour commencer, d'ici juillet, je vous propose de travailler de façon approfondie sur un ou deux textes de loi choisis parmi les propositions de chaque commission permanente. Nous serons aussi sollicités par des citoyens, des associations, de sujets précis justifiant parfois une intervention, par exemple quand un décret d'application manque ou contredit la loi, ou encore lorsque les moyens mis en oeuvre sont insuffisants. En pareil cas, notre commission pourra appeler l'attention des commissions compétentes au fond ou interpeller le Gouvernement.
La loi ne vaut souvent que par ses décrets d'application. Allons-nous les examiner ?
Le contrôle de l'application des lois par les commissions permanentes est peut-être insuffisamment soutenu, mais il existe. Ainsi, la commission des lois, c'est sa tradition, a-t-elle veillé en permanence aux mesures d'application de la loi pénitentiaire.
Nous pourrions aussi nous pencher sur des lois anciennes pour nous demander si elles sont encore appliquées ou bien devenues obsolètes. Mais je ne suggère pas de « doublonner » avec le travail de M. Jean-Luc Warsmann, qui propose régulièrement d'abroger des textes remontant au XIXe siècle ; certaines lois votées dans les années 1980 n'ont jamais reçu de décrets d'application. Il arrive, en outre, que certaines lois contredisent des textes antérieurs...
Au-delà du contrôle, c'est l'évaluation qui importe ; j'avais beaucoup insisté sur ce point lors de la révision constitutionnelle de 2008. Il est certes indispensable de contrôler la publication des décrets, mais ce n'est qu'une partie de notre mission : nous devons nous interroger sur l'utilité de certains ensembles législatifs, comme celui relatif à l'emploi par exemple ; répondre à la question : à quoi sert la loi ? Nous devons nous intéresser à l'efficacité des lois votées, un exercice indispensable mais trop souvent négligé - peut-être parce que nous légiférons trop....
Il importe certes d'examiner la mise en oeuvre juridique de la loi, mais aussi son impact pour nos concitoyens. Ainsi, certains droits nouveaux, contredits par des textes ultérieurs, ne trouvent pas à s'appliquer. Je pense notamment au droit au logement opposable ou aux droits des malades. Cela suppose de rechercher sur le terrain les causes des blocages. Ce serait extrêmement utile.
La démarche logique consiste à établir une liste de textes pour engager le débat entre nous, avec les ministres et leur administration, puis à recenser les préoccupations des parlementaires ou des citoyens.
À quel rythme nous réunirons-nous ? Comment allons-nous procéder ? Nous pourrions nous réunir pour entendre des représentants des ministères pour obtenir des explications ; nous pourrions aussi faire un tour d'horizon de questions particulières avant de les approfondir.
M. Jean-Jacques Hyest a raison au sujet de l'évaluation, mais de quels moyens disposons-nous par rapport aux autres instances d'évaluation ? Aurons-nous des crédits d'études ? C'est l'éternel problème de nos assemblées... Lorsque l'évaluation est faite par le Gouvernement, comment ne pas douter ?
L'évaluation de l'oeuvre législative ouvre un vaste champ à explorer. Notre commission contribuera utilement, je l'espère, à ce travail qui est dans la vocation du Parlement. Encore faut-il y consacrer du temps et définir une méthodologie rigoureuse. Chacun a son idée, mais notre commission n'apportera rien de nouveau si elle se contente de faire l'inventaire des décrets ; nous devrons apprécier les moyens mis en oeuvre et les résultats obtenus, ce qui suppose d'élaborer une méthodologie commune valable pour tous les sujets traités. Cela me semble un préalable à toute autre réflexion. Bien sûr, notre travail devra s'articuler avec celui du Secrétariat général du Gouvernement et des commissions permanentes.
En notre sein, nous pourrions charger un comité de réfléchir à la méthodologie, mais elle ne se déclinera pas nécessairement de manière identique dans tous les cas : il n'est pas indifférent de constater l'absence de décrets, d'estimer qu'ils déforment l'esprit de la loi ou de juger insuffisants les moyens mis en oeuvre pour faire vivre le texte - dans ce dernier cas, une enquête de terrain s'imposera. Cela dit, je n'ai rien contre la réalisation d'une fiche de méthodologie commune.
Les crédits d'études existent, ils pourront évoluer en fonction des besoins. Nous pourrons utiliser des questionnaires, nous rendre sur le terrain ou étudier les expériences étrangères.
Si nous attendons d'avoir achevé le travail méthodologique de préfiguration, nous ne pourrons fournir aucune démonstration d'ici l'été. À l'inverse, si nous publions des rapports, si nous interpellons régulièrement le Gouvernement, nous aurons démontré notre utilité.
Il n'y a pas plusieurs interprétations de notre rôle, mais plusieurs angles d'attaque. Nous agirons avec les commissions compétentes au fond : les rapports seront élaborés conjointement ; l'ancien rapporteur du texte sera auditionné et valorisé autant que le rapporteur chargé de l'évaluation.
J'en viens aux sujets. Nous devons avancer rapidement. Certains présidents de commission ont déjà formulé des suggestions. Le dialogue avec eux a été fructueux.
Le président de la commission des affaires étrangères a proposé la loi relative à la lutte contre la piraterie et l'exercice de la puissance publique de l'État en mer. Il est vrai que cette commission s'intéresse surtout aux traités... Son président m'a également suggéré une autre possibilité : évaluer la loi sur l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français du 5 janvier 2010.
Nous pouvons choisir des sujets très politiques ou des textes qui concernent des catégories de la population.
La commission des affaires sociales n'a formulé qu'une seule proposition, d'ailleurs excellente : évaluer la loi « Handicap » du 11 février 2005.
La commission de la culture a mentionné trois thèmes : la loi d'août 2008 instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire ; les lois Hadopi I et II de 2009, car nous devrons sans doute encore légiférer sur les relations entre droits d'auteur et liberté des internautes ; enfin, la loi du 5 mars 2009 qui a réorganisé France-Télévisions, Radio France et l'audiovisuel extérieur. Crises et soubresauts y sont à l'ordre du jour...
Le président de la commission de l'économie m'a suggéré deux textes : la loi sur les réseaux consulaires de 2010 et celle sur le tourisme. Je lui ai proposé les lois sur le Grenelle de l'environnement et sur le droit au logement opposable, dont l'évaluation est une véritable nécessité pour éclairer le législateur puisqu'il devra remettre l'ouvrage sur le métier. La commission de l'économie étant appelée à être scindée, nous pourrions retenir ces deux textes dont l'un serait confié à la future commission du développement durable.
Au nom de la commission des finances, M. Philippe Marini nous offre le choix entre la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 et un texte plus proche des préoccupations quotidiennes de nos concitoyens, la loi du 1er juillet 2010 réformant le crédit à la consommation. Ce dernier sujet me semble particulièrement d'actualité avec la crise, l'évolution du pouvoir d'achat des ménages et le surendettement.
Le président de la commission des lois a suggéré d'évaluer la loi de 2002 relative à l'autorité parentale, celle de 2007 sur la protection juridique des majeurs, une autre de la même année réformant la protection de l'enfance ou, enfin, la loi de simplification du droit votée en 2009. Je lui ai suggéré d'examiner l'ensemble de la législation sur la récidive, sujet sur lequel nous légiférons sans toujours avoir évalué les textes précédemment votés.
En droit pénal, la loi n'a pas besoin de décrets d'application ; en ce domaine, notre travail sera d'évaluation.
Notre commission, c'est son rôle, examinera l'application réglementaire des lois, mais aussi la réalité sur le terrain.
Je n'en fais pas une règle définitive mais je propose, pour commencer, que chaque sujet soit traité par deux rapporteurs, l'un de la majorité sénatoriale, l'autre de l'opposition. Des points de vue différents éclairent mieux la réalité, et pourront figurer tous deux dans le rapport. Je proposerai aussi de respecter la diversité de la majorité comme celle de l'opposition lorsque nous choisirons les quatorze rapporteurs. Je souhaite que ce matin nous formions les binômes de deux ou trois rapports.
Au demeurant, ces rapports ne sont pas exclusifs d'interpellations que nous pourrions faire au quotidien auprès du Gouvernement ou des commissions compétentes ; nous pourrons aussi nous faire l'écho des questions de nos collègues sénateurs.
Il faut veiller à la méthode initiale, qui fera jurisprudence.
S'agissant des sujets à traiter, chaque commission peut certes proposer un thème, mais tous les parlementaires sont attachés à l'application des lois votées. Chaque commission permanente devrait pouvoir se prononcer sur les lois dont elle souhaite l'évaluation ; tout ne peut relever du dialogue singulier entre présidents de commission.
J'approuve l'idée du binôme de rapporteurs.
Aux deux ! De nombreux décrets d'application doivent intervenir pour la seconde et quelques uns pour la première.
Evaluer tout le Grenelle, c'est un travail énorme ! On peut y distinguer au moins huit à dix domaines, chacun exigeant des semaines de travail. Il me semble impératif de nous limiter au début à une ou deux thématiques. Ou nous y passerons la législature !
J'approuve la volonté d'évaluer, sans nous limiter au contrôle. Mais nous ne devons pas devenir une simple délégation au service des commissions permanentes : nous devons fixer nos propres priorités.
Je suis candidat comme rapporteur pour la loi Dalo.
Je suis d'accord avec M. Philippe Bas pour qu'un groupe de travail élabore une méthode d'évaluation, une architecture commune à tous les cas, énoncées dans un guide commun.
Je suggère de nous intéresser au transfèrement des détenus, un problème quotidien dont les gendarmes et les membres de l'administration pénitentiaire me parlent beaucoup.
Enfin, je suis intéressée par la loi « Handicap », la loi consulaire et le crédit à la consommation. J'évaluerai celle que vous voudrez...
Le bureau de la commission des affaires sociales s'est réuni pour proposer un thème d'évaluation. Après avoir délibérément écarté des lois récentes comme la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), dont il serait prématuré d'évaluer les effets, notre choix s'est porté sur la loi « Handicap », vieille de six ans et qui concerne directement ou indirectement tous nos concitoyens.
M. Philippe Bas a raison, l'élaboration de la méthode est d'importance majeure. Si nous voulons à la fois évaluer les lois et écouter ce que disent nos concitoyens, nous justifierons le proverbe « qui trop embrasse, mal étreint ». Sept rapports, c'est beaucoup. Comme l'a dit Mme Laurence Rossignol, le temps nous est compté. Ne nous éparpillons pas.
Tous les sujets évoqués m'intéressent, à l'exception de la piraterie. L'idée du binôme de rapporteurs est excellente.
La loi « Handicap » est un bon sujet, mais elle a déjà été évaluée. Je suggère de nous intéresser à la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, car la publication des décrets d'application a pris beaucoup de retard ; et l'enjeu de ce texte est majeur.
Enfin, quelles relations notre commission va-t-elle établir avec les missions ad hoc chargées d'évaluations ponctuelles ? On peut songer au groupe de travail sénatorial sur le Revenu de solidarité active (RSA), dont nous fêtons aujourd'hui le troisième anniversaire.
J'attire votre attention sur les moyens dont dispose déjà la commission des finances : elle peut demander à la Cour des comptes d'étudier trois ou quatre sujets par an ; et chaque commissaire est un contrôleur, qui a toujours un plan de travail sur l'année.
La loi relative à la lutte contre la piraterie m'intéresserait beaucoup. Ma position de rapporteur spécial de la commission des finances pour la défense me donne quelques accointances...
L'évaluation est évidemment la part la plus intéressante de notre travail. Je ne sais s'il faut un précis de méthodologie, mais il me semble que l'approche peut être différente selon les sujets.
Nous pouvons discuter très sérieusement avec les organismes qui surveillent l'application des lois, comme le Défenseur des droits ou le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Ils font déjà un travail précieux et honnête. Je pense aussi aux collectivités territoriales et aux autres interlocuteurs institutionnels.
Je présume que les bureaux des commissions permanentes se sont interrogés sur les thèmes de réflexion. Je souhaite que la loi pénitentiaire soit évaluée.
Une fiche de méthodologie sera élaborée à titre indicatif mais nous la perfectionnerons au fur et à mesure.
Nous ne deviendrons pas une délégation au service des autres commissions.
J'ai écrit à tous les sénateurs pour qu'ils formulent des suggestions. J'ai sollicité ensuite chaque président de commission, et il est clair que notre pouvoir d'auto-saisine, prévu par l'Instruction générale du Bureau, est entier. Je ne veux ennuyer personne, mais je veux commencer à travailler sérieusement dès à présent. Nous avons un droit d'initiative. Reste que si le dialogue avec les commissions doit se poursuivre un peu, j'y suis prêt. Je souhaiterais en tout cas que nous ayons désigné des rapporteurs avant Noël.
Ce sera fait.
Pour ma part, je préfère donner la priorité à l'indemnisation des victimes d'essais nucléaires plutôt qu'à la lutte contre la piraterie, mais j'attends confirmation par la commission des affaires étrangères.
Nous pourrions retenir dès ce matin l'évaluation de la loi « Handicap » de 2005, car cette proposition unique de la commission des affaires sociales est excellente. Mme Claire-Lise Campion m'a fait savoir qu'elle était candidate ; il nous faudra un rapporteur de l'opposition sénatoriale.
Je m'entretiendrai avec Mme Marie-Christine Blandin pour la commission de la culture.
Même s'il n'est pas question de nous transformer en délégation exécutant les commandes des autres commissions, il est normal que leurs bureaux formulent des propositions, puis nous choisissons librement.
Au demeurant, il ne faut pas différer le choix des thèmes, qui doivent être arrêtés avant Noël. J'ai quelques suggestions à faire, mais j'en réserve la primeur à mes collègues de la commission de la culture.
Décider avant Noël n'est maintenant guère compatible avec le rythme auquel se réunissent les bureaux des commissions... Nous pouvons attendre la fin de la semaine prochaine pour nous prononcer sur les suggestions de celle de la culture.
Je suggère d'opter pour les textes sur le Grenelle au titre de la commission de l'économie, en chargeant Mme Laurence Rossignol de nous proposer un ou deux sujets que nous pourrions suivre au cours des six prochains mois. Ce qui ne nous empêchera pas d'aller plus loin ensuite. Il nous faudrait des candidatures de rapporteurs avant Noël.
De même, je suggère de retenir la loi Dalo, puisque la commission de l'économie doit se scinder. M. Claude Dilain est candidat ; j'attends une autre candidature.
Au titre de la commission des finances, je propose de retenir le crédit à la consommation, un sujet qui intéresse nos concitoyens. Mme Anne-Marie Escoffier est candidate ; j'attends une candidature des groupes d'opposition.
Enfin, nous pourrions évaluer la législation sur la récidive au titre de la commission des lois, sachant que nous pourrions traiter de la loi pénitentiaire au deuxième semestre 2012. Il nous faut des candidats.
Mais la commission des lois a transmis d'autres sujets, comme l'autorité parentale, le régime des incapables majeurs, la protection de l'enfance et la simplification du droit. Tous ont une forte dimension réglementaire, contrairement à la législation sur la récidive.
Il y a cependant un problème quant à la récidive dès lors que nous légiférons sur le même sujet tous les six mois !
Pour légiférer, nous avons besoin d'un éclairage sur l'application des lois antérieures...
Au sein de la commission des lois, les membres de plusieurs groupes ont demandé sans succès une évaluation des lois votées parfois quelques mois seulement avant l'examen d'un texte ayant un objet semblable. Résultat : nous légiférons avant même d'avoir appliqué les lois précédentes.
Toutes les lois sur la récidive ne sont pas comparables : par exemple, celle du 10 mars 2010 nécessitait la publication de deux décrets d'application. Aucun n'était paru au 30 juin 2011.
Je propose de relancer le dialogue avec le président et le bureau de la commission des lois quant à l'évaluation de la législation sur la récidive. Faute de candidats parmi nous, un membre de la commission des lois pourrait-il être choisi ? Nous pouvons ne pas trancher aujourd'hui.
D'accord, si telle est la proposition de votre groupe. Il faudra un candidat de la majorité sénatoriale.
Nous aurons quatorze rapporteurs ; je propose que l'UMP en nomme cinq et l'UCR deux.
Dans mon esprit, le binôme de rapporteurs majorité-opposition est souhaitable ; nous travaillerons ainsi pendant les six prochains mois.
Je vous remercie.