Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 30 juin 2010 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission procède tout d'abord à l'audition pour suite à donner à l'enquête demandée à la Cour des comptes, en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur le coût du passeport biométrique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Nous sommes aujourd'hui réunis pour réfléchir aux suites à donner à l'enquête de la Cour des comptes sur le coût du passeport biométrique, réalisée à la demande de la commission des finances et à l'initiative de Michèle André, rapporteure spéciale de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat », en application de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances. Mme André était déjà l'auteur d'un rapport d'information du 24 juin 2009 sur la nouvelle génération de titres d'identité sécurisés par l'usage de la biométrie.

Nous recevons, pour la Cour des comptes, M. Alain Pichon, président de la 4ème chambre, ainsi que MM. Philippe Geoffroy, conseiller référendaire, et Olivier Touvenin, rapporteur.

Le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales est représenté par MM. Jean-Benoît Albertini, directeur de la modernisation et de l'administration territoriale, Patrick Levaye, directeur de projet « titres sécurisés », Patrice O'Mahony, inspecteur général de l'administration, et Jacques Quastana, directeur de la police générale à la Préfecture de police de Paris.

Pour l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), nous entendrons M. Raphaël Bartolt, directeur général.

Pour l'Imprimerie nationale, interviendra M. Didier Trutt, président directeur général de l'Imprimerie nationale SA.

Pour le ministère des affaires étrangères et européennes, nous entendrons M. François Saint Paul, directeur des français à l'étranger.

Enfin, pour le ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, c'est M. Eric Querenet, sous-directeur du budget, qui interviendra.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La France, depuis quelques années, a choisi de renforcer la sécurisation de ses titres d'identité grâce à l'apport des nouvelles technologies, notamment de la biométrie, afin de lutter contre la falsification et la contrefaçon et de garantir ainsi sa souveraineté. Les délinquants font appel à des techniques de plus en plus sophistiquées pour usurper l'identité des gens ; leurs victimes, qui subissent parfois de graves dommages, sont de plus en plus nombreuses. L'Etat français se conforme ainsi aux normes internationales et européennes devenues plus contraignantes depuis le 11 septembre 2001 et l'aggravation du risque terroriste. Le règlement européen du 13 décembre 2004 impose aux Etats de ne plus délivrer que des passeports à puces électroniques, comprenant une photographie et des empreintes digitales numérisées.

Le passeport biométrique fut introduit en France il y a un an, le 28 juin 2009. Malgré quelques ratés inévitables, son lancement a été une réussite technique. Mais au plan budgétaire et financier, la refonte de la production a modifié la structure du coût des passeports ; le droit de timbre a considérablement augmenté puisqu'il est passé de 60 à 89 euros pour les majeurs, de 30 à 45 euros pour les mineurs de plus de quinze ans, et de 30 à 20 euros pour les mineurs de moins de quinze ans. Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, Christine Lagarde imputait cette hausse au coût de la technologie biométrique, des composants électroniques et des stations d'enregistrement dans les mairies. Mais au cours d'une mission de contrôle budgétaire entreprise l'an dernier, je n'ai pu obtenir de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), malgré mes demandes répétées, une décomposition du coût des nouveaux passeports.

C'est ce qui m'a conduit à demander que la Cour des comptes mène une enquête à ce sujet, en application de l'article 58-2° de la LOLF. Je remercie Alain Pichon, président de la quatrième chambre, ainsi que ses équipes, pour la qualité de leurs travaux.

Debut de section - Permalien
Alain Pichon, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes

L'analyse du coût d'un produit administratif n'est pas chose facile, mais notre travail fut facilité par l'excellent accueil que nous avons reçu aux ministères de l'intérieur et des affaires étrangères, à l'ANTS, à l'Imprimerie nationale et dans les consulats. L'estimation à laquelle nous sommes parvenus - 55 euros pour un passeport biométrique - n'est qu'approximative, à un ou deux euros près.

Debut de section - Permalien
Alain Pichon, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes

Elle a été établie sur le fondement des données de 2008 et 2009. Or l'année 2009 n'est sans doute pas très représentative, puisque l'administration n'a reçu qu'environ 2 millions de demandes de passeport, moins qu'habituellement : on ne sait si ce reflux est dû à la méfiance vis-à-vis d'une nouvelle technologie ou à la crise économique ; d'ailleurs le passeport n'est plus nécessaire pour voyager dans l'espace Schengen. Or le coût moyen d'un passeport est en raison inverse du nombre de passeports délivrés, car il existe des frais fixes. Nous avons enquêté auprès des préfectures, des deux mille communes qui disposent de locaux destinés à recevoir les demandes et à délivrer les titres, de la préfecture de police de Paris et des consulats.

Comme vous le savez, le droit de timbre est un impôt et non une redevance : l'Etat n'est donc pas obligé d'en faire correspondre le montant au coût du passeport. La nouveauté est que les enfants ne peuvent plus figurer sur le passeport d'un de leurs parents ; pour eux, le droit de timbre est inférieur au prix de revient.

Pour information, nous avons fait figurer dans le rapport des statistiques, tirées du site internet du Home Office, sur le prix du passeport dans différents pays ; comparativement, ce prix est assez élevé en France, mais il faut tenir compte de la durée de validité du titre.

Le passeport électronique, quant à lui, avait un coût réel de 38 euros. Si le passeport biométrique revient plus cher, c'est à cause des investissements technologiques que l'Imprimerie nationale et l'ANTS doivent amortir, et d'un allongement d'environ trente minutes de la durée de travail exigé par chaque document. Mais on peut espérer dans l'avenir des gains de productivité, la suppression des doubles emplois et les effets de l'apprentissage.

L'écart entre le coût réel du passeport biométrique et le droit de timbre est important, et supérieur à l'écart constaté pour le passeport électronique. Si les progrès que je viens d'évoquer se concrétisent, le coût réel ne sera plus que de 47 euros, voire de 40 euros si la carte d'identité électronique est créée. Il est à noter que dans ce cas, l'augmentation du nombre de titre électroniques délivrés diminuera leur coût unitaire, mais non le coût total pour l'Etat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Cette enquête illustre parfaitement l'un des rôles constitutionnels de la Cour des comptes, qui est d'assister le Parlement dans l'exercice de sa mission d'évaluation. Le ministère de l'intérieur a-t-il fait les mêmes estimations que la Cour ?

Debut de section - Permalien
Jean-Benoît Albertini, directeur de la modernisation et de l'administration territoriale (DMAT) au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Je sollicite votre indulgence, car je ne suis en poste que depuis deux jours. Le ministère préfère faire référence au droit de timbre moyen pondéré, qui s'établit à 69 euros. L'écart par rapport au prix de revient est donc de 14 euros, voire de 12 ou 13 dans les cas où les demandeurs apportent eux-mêmes leurs photographies. En outre, nous n'avions pas prévu une économie de 5 euros, due à l'amélioration du processus de production.

Debut de section - Permalien
Jean-Benoît Albertini, directeur de la modernisation et de l'administration territoriale (DMAT) au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Sans doute. Le ministère est très attentif à la dérive des coûts. L'écart se réduit donc à 7 euros, ce qui est minime. D'ailleurs, lors du lancement du projet, nous ne savions pas combien coûterait la fabrication des passeports, ce qui justifiait de prévoir une marge : en réponse à l'appel d'offres, les fabricants ont proposé des prix variant du simple au double !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Le coût moyen pondéré est-il calculé en tenant compte du nombre de titres émis pour des adultes, des mineurs de plus et de moins de quinze ans ?

Debut de section - Permalien
Jean-Benoît Albertini, directeur de la modernisation et de l'administration territoriale (DMAT) au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

En effet.

Debut de section - Permalien
Alain Pichon, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes

La Cour est parvenue au même résultat, mais le calcul se fonde sur les données de 2009.

Debut de section - Permalien
Jean-Benoît Albertini, directeur de la modernisation et de l'administration territoriale (DMAT) au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Comme l'a dit M. le Président Pichon, le droit de timbre est inférieur au prix de revient pour les mineurs. Le système actuel favorise donc une sorte de compensation entre les générations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Est-il dans la culture de l'ANTS d'évaluer le coût de production des titres ? Comment l'Agence estimait-elle le coût du passeport biométrique avant son lancement ?

Debut de section - Permalien
Raphaël Bartolt, directeur général de l'Agence nationale des titres sécurisés

Lorsque l'ANTS fut créée en 2007, le passeport électronique était facturé à 19,05 euros TTC ; il fallait y ajouter les frais de transport, que nous cherchions à abaisser en regroupant les envois.

L'économie de 4 ou 5 euros évoquée par M. Albertini est le résultat de gains de productivité, et notamment de la baisse de 8 % à 3 % du taux de gâche de façonnage, et de 3,5 % à 1,2 % du taux de gâche de personnalisation, c'est-à-dire de projection électronique de données sur la puce. Or, en 2008, pas moins de 3,2 millions de passeports ont été émis, et une puce gâchée représente une perte de 2 euros : le gain est donc appréciable. Lors de la dernière convention, le prix a été fixé à 11 euros HT et les frais de transport à environ 1,5 euros. L'ANTS a lancé un appel d'offre auprès des transporteurs, et le coût moyen du transport diminuera encore si la carte d'identité électronique est créée. Dans ce dernier cas, les communes réaliseront aussi des économies puisqu'il sera possible d'effectuer avec le même formulaire CERFA une demande de passeport et de carte d'identité.

La baisse du nombre de demandes observée en 2009 est sans doute due à la crise, qui a affecté le transport aérien, comme dans tous les pays européens ; elle résulte également de la hausse du droit de timbre et du fait que les enfants ne peuvent plus figurer sur le passeport de leurs parents. Une baisse semblable a été constatée en 2006 lors de la création du passeport électronique : seules 2,4 millions de demandes ont été déposées cette année-là.

Nous avons reçu 330 000 demandes au mois de juin - ce qui s'approche du record de 340 000 observé en juillet 2007 - et 1,567 million au cours des six premiers mois de l'année. On peut donc s'attendre à un total de 3 ou 3,1 millions de demandes en 2010, soit à peu près le niveau habituel.

Debut de section - Permalien
Patrice O'Mahony, Inspecteur général de l'administration coauteur du rapport de l'IGA sur les passeports biométriques dans les commerces

La mission de l'Inspection générale différait de celle de la Cour des comptes, puisqu'elle consistait à s'assurer que l'indemnisation forfaitaire de 5 000 euros versée pour chaque station aux communes équipées correspond bien au coût occasionné par les demandes effectuées par des personnes ne résidant par dans la commune, conformément à l'exposé des motifs de l'article 136 de la loi de finances pour 2009.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Le ministère de l'intérieur avait d'abord proposé un forfait de 3 200 euros, mais nous l'avions convaincu de le porter à 5 000 euros. Le coût des demandes des résidents est quant à lui intégré à la dotation globale de fonctionnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Il fallait en effet éviter l'enrichissement sans cause des communes non équipées.

Debut de section - Permalien
Patrice O'Mahony, Inspecteur général de l'administration coauteur du rapport de l'IGA sur les passeports biométriques dans les commerces

Or la subvention est largement supérieure au coût, quel que soit le mode de calcul retenu. Nous estimons la dépense supplémentaire occasionnée par chaque demande à 7,20 euros, la Cour des comptes à 10,80 euros ; mais l'indemnisation est supérieure à 20 euros. A moins que le nombre de demandes n'augmente extraordinairement, elle devrait rester d'au moins 17 ou 18 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La création de la carte d'identité électronique permettra, je l'espère, d'équilibrer l'activité des stations : comme le relève M. O'Mahony dans son rapport, certaines fonctionnent très peu, d'autres sans arrêt.

Debut de section - Permalien
Patrice O'Mahony, Inspecteur général de l'administration coauteur du rapport de l'IGA sur les passeports biométriques dans les commerces

En effet : 60 % des stations délivrent moins de 200 passeports par an.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

On pourrait envisager d'indemniser a posteriori les communes en fonction du nombre de titres émis.

Debut de section - Permalien
Patrick Levaye, directeur du projet « titres sécurisés » au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Le ministère de l'intérieur souhaite que la carte d'identité électronique soit créée rapidement.

Debut de section - Permalien
Jean-Benoît Albertini, directeur de la modernisation et de l'administration territoriale (DMAT) au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Au plan technique, le ministère est prêt.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Il faut se concerter préalablement avec les maires. Le contentieux qui a suivi le transfert aux communes de la délivrance des cartes d'identité sans support législatif a coûté cher.

Debut de section - Permalien
Jean-Benoît Albertini, directeur de la modernisation et de l'administration territoriale (DMAT) au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Le maillage du territoire est aujourd'hui satisfaisant : il existe environ 3 500 stations dans 2 100 communes. Nous continuons à équiper de nouvelles communes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je conclus de cette discussion que les communes équipées ne sont pas perdantes, même si celles qui délivrent beaucoup de titres sont moins bien indemnisées.

Debut de section - Permalien
Patrice O'Mahony, Inspecteur général de l'administration coauteur du rapport de l'IGA sur les passeports biométriques dans les commerces

D'après nos calculs, seules 69 communes perdent de l'argent. Mais le montant du forfait a été fixé en concertation avec l'Association des maires de France, et personne ne souhaite aujourd'hui revenir sur l'indemnisation forfaitaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Il pourrait y avoir une indemnisation de base sous forme de forfait, et une part proportionnelle, fonction du nombre de titres émis.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Il est difficile de définir une juste indemnisation. De grandes villes ont refusé de s'équiper, tandis que des petites communes l'ont accepté. Le forfait correspond de plus près au coût réel dans les communes qui émettent un grand nombre de passeports ; peut-être faudra-t-il mettre en place à l'avenir une indemnisation proportionnelle au nombre de titres émis.

Debut de section - Permalien
Alain Pichon, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes

Pour l'instant, presque aucune commune n'est lésée. Mais si la carte d'identité électronique est créée, il faut s'attendre à un afflux de demandes bien plus considérable : environ 6 millions de cartes d'identité sont délivrées chaque année. Certaines communes exigeront alors que le mode d'indemnisation soit redéfini.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Nous avons affaire à une nouvelle organisation de l'administration, où l'Etat, soumis à la RGPP, sous-traite aux communes certaines tâches. Leur coût peut être chiffré et correctement compensé.

Debut de section - Permalien
Patrice O'Mahony, Inspecteur général de l'administration coauteur du rapport de l'IGA sur les passeports biométriques dans les commerces

Cependant il est difficile de mesurer le transfert de charges qui s'opère entre les communes : les résidents des communes non équipées déposent leur demande dans les communes équipées, et jusqu'à 30 % des résidents de communes équipées le font ailleurs que chez eux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

C'est l'intercommunalité qui se développe : une même personne peut vivre dans une commune, travailler dans une autre et accomplir ses démarches administratives dans une troisième ! Il serait sans doute plus facile de répartir la dotation globale de fonctionnement entre 3 000 intercommunalités qu'entre 36 000 communes...

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

J'ai effectué une visite de contrôle à la préfecture de police de Paris : on n'y avait pas anticipé le nombre de demandes. Certains accomplissent cette formalité dans la commune où ils travaillent, car là où ils vivent la mairie n'est ouverte que quelques heures par semaine. Il faudra peut-être en tenir compte dans la répartition de la DGF : plusieurs maires l'ont demandé. Mais le dialogue est nécessaire.

Debut de section - Permalien
Patrice O'Mahony, Inspecteur général de l'administration coauteur du rapport de l'IGA sur les passeports biométriques dans les commerces

La Cour a souligné dans son rapport que le coût brut unitaire du passeport biométrique baisserait beaucoup si la carte d'identité électronique était créée : il ne serait plus que de 10,80 euros, contre 10,07 euros pour le passeport électronique. Le transfert de charges est sensible entre les communes, puisque toutes délivraient des passeports électroniques alors que certaines seulement délivrent des passeports biométriques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Ce débat, je le répète, apporte un éclairage particulier sur ce que l'on peut appeler l'intercommunalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Le problème dépasse le cadre de l'intercommunalité, puisque tout citoyen peut déposer sa demande dans n'importe quelle commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Le coût brut diminue, mais le coût net augmente. Ne faudrait-il donc pas modifier la subvention versée aux communes en cas de lancement de la carte d'identité électronique ?

Debut de section - Permalien
Patrice O'Mahony, Inspecteur général de l'administration coauteur du rapport de l'IGA sur les passeports biométriques dans les commerces

Les calculs de la Cour diffèrent des nôtres : la Cour a divisé la subvention de 5 000 euros par le nombre de titres émis, tandis que le ministère considère que cette subvention doit correspondre au surcoût occasionné par la délivrance de titres à des non-résidents.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Deux problèmes se posent à nous : l'un concerne le rapport entre le prix de revient des passeports biométriques et le montant du droit de timbre, l'autre l'indemnisation des communes auxquelles l'Etat a confié la tâche de délivrer ces titres.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Les calculs de la Cour et du ministère tiennent-ils compte de la qualité de service ? Autrement dit, les gens en ont-ils pour leur argent ? En Seine-Saint-Denis, le délai d'obtention d'un passeport dépasse parfois deux mois. Les maires subissent des bordées d'injures de leurs administrés qui ne comprennent pas pourquoi ils doivent payer plus cher pour un service certes automatisé, mais plus lent. Les inégalités entre les territoires sont criantes. Est-ce dû au fait que certaines préfectures manquent de personnel, ou à la mauvaise répartition des moyens du ministère de l'intérieur ?

Debut de section - Permalien
Raphaël Bartolt, directeur général de l'Agence nationale des titres sécurisés

Nous pouvons désormais calculer précisément le délai de retour à l'usager, grâce à une application informatique, alors qu'auparavant seul le délai de validation en préfecture était pris en compte et non la durée du transport depuis la mairie. Ce mois-ci, où les demandes ont été nombreuses, le délai a été inférieur à quinze jours dans quatre-vingt-six départements métropolitains ; au début de l'année, en dehors d'une période de pointe, il était même inférieur à sept jours dans soixante-dix à soixante-quinze départements. D'après l'enquête publiée en avril par la revue Que choisir ?, le délai d'obtention varie entre deux et huit semaines selon les départements.

Donc, même en période difficile le délai est bien plus rapide qu'auparavant. Dans la Somme par exemple, où seize communes sont agréées, il est de huit jours. Bien sûr il y a des points critiques où il peut atteindre, pour des raisons diverses, quarante-cinq jours. Depuis vendredi, la Seine-Saint-Denis a rattrapé son retard. En été, dix à douze départements, en région parisienne et dans les zones très urbanisées, très sollicités, recrutent des vacataires ; il arrive aussi qu'une sous-préfecture vienne aider la préfecture. Dans l'ensemble la performance progresse. Certains coûts - ceux de l'envoi par courrier ou du transport par camionnette - n'existent plus. Tout est désormais télématique et pris en charge par l'ANTS, laquelle dispose d'un système qui renseigne à tout moment sur toute étape de la procédure. Avec le Quai d'Orsay et les stations mobiles, nous compterons plus de 4 200 stations. C'est donc un système gigantesque qui se met en place.

Nous avons calculé le temps-machine sur un panel de mairies, toujours les mêmes, et nous en sommes à 9 minutes 17 secondes. C'est le temps passé au guichet en mairie pour l'enregistrement d'une demande. Il faut voir là l'effet de la circulaire de simplification. La prise d'empreinte biométrique interdit toute usurpation d'identité. Lorsqu'il y a fraude, elle ne peut porter que sur les documents justificatifs fournis. Nous disposons de la traçabilité parfaite du passeport et de la cartographie complète d'un système moderne qui est mis à jour et renseigné en permanence.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Nous sommes bien convaincus de tout cela. Mais avez-vous, dans tous les départements, les moyens suffisants pour faire tourner ce système ? J'aimerais être certain que cette République, une et indivisible, accorde les mêmes moyens à tous les départements. En Seine-Saint-Denis, ils sont bien insuffisants, en matière de passeport biométrique comme en bien d'autres domaines. En témoigne l'effroyable situation du service des étrangers dans ce département... Je voudrais donc connaître le nombre d'agents affectés à ce service là.

Debut de section - Permalien
Raphaël Bartolt, directeur général de l'Agence nationale des titres sécurisés

En Seine-Saint -Denis, 12 personnes sont affectées au passeport biométrique. Mais il y a dans ce département 15 % à 20 % de retours en mairie pour dossiers incomplets.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Comment nos concitoyens peuvent-ils savoir quelles mairies délivrent ce passeport biométrique ? Par ailleurs, en cas de fraude où se situent les responsabilités ?

Debut de section - Permalien
Raphaël Bartolt, directeur général de l'Agence nationale des titres sécurisés

On a choisi les communes, parmi celles qui se sont portées volontaires, en fonction du nombre de titres délivrés - cartes d'identité et passeports - des problèmes de liaison etc. Nos propositions ont ensuite été validées par l'Association des maires de France et par les préfets. Si vous désirez en connaître la cartographie, il vous suffit d'aller sur le site de l'ANTS, d'indiquer votre lieu de résidence et le site vous donnera la mairie la plus proche ainsi que ses heures d'ouverture.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Je ne sais pas quelles sont, dans mon département, les mairies qui délivrent ces titres et je n'ai lu dans la presse aucune information à ce sujet !

Debut de section - Permalien
Raphaël Bartolt, directeur général de l'Agence nationale des titres sécurisés

La décision d'agréer une mairie pour délivrer ces passeports biométriques, faisant l'objet d'un arrêté préfectoral, vous pouvez également consulter le site de la préfecture.

La responsabilité en cas de fraude ? C'est le préfet qui, juridiquement, délivre ces titres. La commune ayant pour rôle de compléter les dossiers, elle se doit d'être vigilante mais, en cas de fraude, la mairie n'est pas responsable. En revanche, il est utile, lorsque quelque chose lui semble bizarre, d'en prévenir la préfecture, laquelle est chargée d'aller plus loin dans l'investigation. Dans ce cas, lorsque le dossier arrive chez le préfet, il y arrive avec le précédent passeport et le fichier des personnes recherchées peut être consulté.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

J'appelle votre attention sur le fait que les communes ont pris la responsabilité de délivrer cartes d'identité et passeports sans aucune indemnisation et, cela, depuis des dizaines d'années. Alors, je m'inquiète un peu lorsque j'entends parler de transfert de l'établissement de ce passeport biométrique d'une commune à une autre... D'autre part, le délai que vous constatez ne prend pas en compte le nécessaire temps d'explication en amont avec les usagers.

Debut de section - Permalien
Jacques Quastana, directeur de la police générale à la Préfecture de police de Paris

La préfecture de police accomplit à la fois les missions qui incombent aux communes - l'accueil des demandeurs - et celles qui incombent à l'État - le contrôle des dossiers. Autre de ses particularités : située au centre d'une agglomération importante, elle fait face à d'importantes migrations pendulaires. Le libre choix du lieu de dépôt de la demande modifie les habitudes ; il n'y a plus couplage avec le lieu de résidence et la demande peut se faire sur le lieu de travail à Paris. Cela impose de réfléchir au mode d'accueil - rendez-vous pris par téléphone ou par internet - et de prévoir des créneaux horaires suffisants. Actuellement, les rendez-vous sont pris par téléphone ; à la rentrée, ils se feront par internet.

Entre 2008 et 2009, le nombre de passeports délivrés a chuté de 200 000 à moins de 150 000. Mais cette année, la reprise est forte, 90 000 passeports ayant été demandés à la mi-juin, ce qui fait supposer une demande annuelle de 180 000 à 200 000.

Debut de section - Permalien
François Saint Paul, directeur des Français à l'étranger au ministère des affaires étrangères et européennes

En 2009, les consulats ont délivré 140 817 passeports biométriques, soit 5,8 % du total et 12,4 % de moins qu'en 2008. Le coût moyen de ce passeport est de près de 39 euros, coût calculé par les Affaires étrangères à partir d'échantillons. La Cour des comptes estime que ce coût surestime quelque peu les charges de personnel. En revanche, elle y ajoute des coûts communs, de transport par exemple, qui porte le prix de revient du passeport biométrique à 61,9 euros, à comparer avec les 55,4 euros de la Préfecture de police et les 54 euros des communes. L'écart, de 13%, est satisfaisant compte tenu du volume limité de passeports traités et de la rémunération des agents titulaires à l'étranger. La mise en place de la carte nationale d'identité (CNI) électronique devrait diminuer encore ce coût.

Le coût d'acheminement vers les consulats est estimé à 2 euros, contre 1,88 pour les mairies. Entre 2008 et 2009, le délai d'obtention est passé de 17,5 à 11,2 jours, soit une diminution de 36 %. Ce résultat s'explique par la mise en place du système TES (Titres électroniques sécurisés) qui permet de fabriquer un titre en 2,5 jours, auxquels s'ajoutent 8,6 jours de transport.

La déterritorialisation est maintenant possible et un Français de l'étranger peut désormais faire établir son passeport en France. Toutefois, certaines mairies limitrophes de nos frontières ne sont pas encore habituées à cette idée.

Nous sommes pressés d'aller vers la CNI électronique car le système actuel est encore trop lourd.

Autre grave problème pour les Français de l'étranger : la double comparution qui, si elle ne pose pas de problème dans l'Hexagone, est la critique la plus fréquente portée à l'établissement des passeports par nos consulats. L'obligation de s'y déplacer deux fois pose d'énormes problèmes aux Français résidant au fin fond du Canada ou de l'Australie. C'est pourquoi nous saisissons le Conseil d'État d'une modification des dispositions réglementaires actuelles afin que les passeports puissent être remis lors des tournés consulaires ou par le consul honoraire. Je me suis demandé quelle était la pratique de nos partenaires étrangers : nous sommes les seuls, avec les Tchèques, à imposer la double comparution à nos communautés à l'étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

La double comparution sert à empêcher la fraude. Mais peut-être est-elle superflue pour les Français de l'étranger...

Debut de section - Permalien
François Saint Paul, directeur des Français à l'étranger au ministère des affaires étrangères et européennes

Elle est si gênante qu'au Canada, les consuls font remonter l'intention de certains de nos compatriotes de ne plus demander de documents d'identité français.

Mais, globalement, nous sommes satisfaits des délais réalisés par les consulats. La qualité de ce service est essentielle pour maintenir les liens avec la communauté française à l'étranger qui augmente de 4 % chaque année.

Debut de section - Permalien
Didier Trutt, président directeur général de l'Imprimerie nationale SA

L'imprimerie nationale exerce trois activités en lien avec l'établissement des passeports biométriques : l'authentification des personnes, la chaîne graphique, la gestion des documents électroniques. Nous choisissons la meilleure des technologies et des entreprises qui s'imposent dans chacune de ces activités, en privilégiant si possible les françaises, si bien qu'au total, nous obtenons la meilleure performance tant économique que qualitative et nous avons multiplié les gains de productivité.

Nous avons voulu maîtriser la personnalisation du passeport via le passage au passeport biométrique. C'est un pari réussi. Nous avons fabriqué 9 millions de passeports électroniques et 1,5 millions de passeports biométriques et, à 90 %, nous les délivrons en deux jours. Nous recevons de 5 000 à 25 000 demandes par jour.

Nos services sont entièrement sécurisés. Nous réalisons ces titres, eux-mêmes entièrement sécurisés, dans notre centre de Douai, maintenant classé OIV (Opérateur d'importance vitale).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Où en sont les comptes de l'Imprimerie nationale en fin d'année ?

Debut de section - Permalien
Didier Trutt, président directeur général de l'Imprimerie nationale SA

Je suis fier de pouvoir dire qu'en 2009, les comptes sont à l'équilibre, encore fragile, mais à l'équilibre. Nos activités régaliennes ne représentent que 40 % de notre chiffre d'affaires et 5 % de nos profits - contre 10 % chez nos concurrents.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Cela vous oblige-t-il à des investissements réguliers ?

Debut de section - Permalien
Didier Trutt, président directeur général de l'Imprimerie nationale SA

L'arrivée de nouvelles technologies nous oblige à évoluer et à faire régulièrement de nouveaux investissements.

Debut de section - Permalien
Eric Querenet, sous-directeur à la direction du Budget

Nous sommes d'accord avec le constat de la Cour des comptes. Le surcoût, par rapport au passeport électronique, s'explique pour moitié par la technologie supplémentaire et pour moitié par le service. A l'origine, à l'été 2008, nous avions, par prudence, anticipé un coût légèrement supérieur. Nous avons eu ensuite deux bonnes surprises : dans nos négociations avec l'Imprimerie nationale ; et avec le marché TES, lequel est amorti avec le seul passeport. Les différentes offres étaient intéressantes et on ne pouvait préjuger que le moins-disant, Atos Sagem, l'emporterait ainsi. Le tarif était calculé au départ avec l'option d'amortir l'investissement sans la CNI électronique ; celle-ci étant gratuite, on ne peut en attendre d'économie d'échelle.

Je ferai une réserve sur l'appréciation de la Cour des comptes quant à la comparaison internationale des coûts. Le nôtre est au même niveau que celui de l'Allemagne et est inférieur aux coûts anglais, italien ou belge. Il dépend aussi du nombre de passeports délivrés, passé de 3,2 à 2,8 millions. Cela s'explique par un phénomène conjoncturel - la crise - et par une évolution structurelle : le recentrage du passeport - qui avait auparavant une fonction hybride - sur sa fonction de titre de voyage, d'ailleurs de moins en moins indispensable puisqu'on peut s'en dispenser pour entrer dans de nombreux pays et qu'un enfant de moins de douze ans n'en a pas besoin. La prolongation des effets de l'évolution structurelle m'amène à penser que la Cour des comptes est un peu optimiste...

M. Albertini a fait état d'un écart de 12 euros. Si le tarif n'est pas revalorisé, les coûts - notamment de personnels - augmentant, cet écart se réduira mécaniquement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Il n'y a aucune urgence à revoir à la baisse le droit de timbre...

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

Les demandes de passeports en urgence aboutissent toujours chez le maire... Avec le passeport électronique, on pouvait les satisfaire en 24 heures. Ce n'est plus possible avec le passeport biométrique car, nous dit-on, les délais matériels sont incompressibles. Est-ce vrai ?

Les gains de productivité et les économies d'échelle permettront-ils de diminuer le prix du timbre ou profiteront-ils à la collectivité ?

Dans ses comparaisons internationales, la Cour des comptes cite essentiellement des pays non communautaires. Or, c'est l'Union européenne qui nous intéresse.

On nous dit que, pour les procédés de fabrication, nous sommes les meilleurs et les moins chers. Lorsque nous aurons, un jour, un passeport Schengen, il faudra utiliser nos procédés, et la mutualisation des moyens des consulats des différents Etats membres de l'UE permettra d'énormes économies ; il y là une ressource propre qui pourrait rapporter à l'Europe de 500 millions à 1 milliard d'euros.

Debut de section - Permalien
François Saint Paul, directeur des Français à l'étranger au ministère des affaires étrangères et européennes

La fonction consulaire a certains aspects de stricte compétence nationale - l'état-civil par exemple - et dans ce cas, une mutualisation serait difficile. Pour ce qui est de l'externalisation, la France est en avance, certains autres ont à peine commencé dans cette voie. Donc, oui à une mutualisation, mais l'idée de remplacer 27 consulats par un seul nécessite encore une étude plus fine car nous distribuons des produits différents.

Debut de section - Permalien
Raphaël Bartolt, directeur général de l'Agence nationale des titres sécurisés

Depuis janvier les passeports d'urgence ne sont plus acceptés par les États-Unis parce qu'ils sont sans puce. Nous avons donc mis en place une procédure d'établissement de vrais passeports biométriques en trois jours pour ce pays et les préfectures continueront à délivrer des passeports d'urgence sans puce. Certaines d'entre elles distinguent un classement entre dossiers simples et dossiers compliqués. Des gains de productivité seront possibles dès lors que les 2 082 mairies pourront s'envoyer les certificats de naissance. Nous préparons aussi une vague de dématérialisation des CERFA. Monsieur Fortassin, nous travaillons à une meilleure information du public par la mise en ligne sur les sites des mairies. Et nous travaillons aussi sur un timbre fiscal dématérialisé, payé en ligne par carte bancaire. Tout cela augmentera la productivité et diminuera les délais de production des titres.

Dans l'Union européenne, seuls vingt États disposent maintenant du passeport biométrique et le procédé français est le mieux sécurisé. Les autres pays, notamment du Proche et du Moyen-Orient, d'Afrique et d'Asie, basculent vers ce passeport biométrique et la France est la mieux placée pour conquérir ces marchés extérieurs. GEMALTO, spécialiste des cartes à puce, THALES ou SAGEM représentent des milliers d'emplois et 60 % du marché mondial des documents informatiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Merci, madame André d'avoir été à l'initiative de cette demande à la Cour des comptes. Celle-ci a déterminé un prix de revient de 55 euros. Son travail a été unanimement salué et ce prix n'est pas contesté. Quant au prix de 89 euros, il est élevé mais le prix pondéré n'est que d'environ 69 euros. Il y a donc là une marge dont nous verrons ce qu'il est opportun de faire : la transformer en recettes pour l'État, la restituer aux municipalités ou bien aux demandeurs de passeport.

Il nous faudra légiférer pour permettre la délivrance de cartes d'identité biométriques. Services de l'État et mairies doivent dialoguer, et ces dernières être assurées d'une équitable rémunération pour leur participation à la délivrance des titres.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je me suis régalée à découvrir l'intégralité du dispositif de fabrication des titres. L'ANTS a déployé une grande énergie pour rendre un service de qualité. J'ai été très bien accueillie, dans le blockhaus qu'est l'Imprimerie nationale comme dans les préfectures. Je vous renvoie à mon rapport n°486, La nouvelle génération de titres d'identité : bilan et perspectives, pour plus d'informations.

La suppression dans les préfectures de deux mille postes affectés à ces tâches fera l'objet d'un contrôle dont je vous communiquerai les conclusions à l'automne. Une troisième vague de suppressions risque d'être insupportable pour nombre de préfectures...

Dans nos consulats, les choses commencent à prendre tournure. Enfin, je salue le magnifique service de la préfecture de police, qui facilite les démarches des citoyens.

A l'issue de ce débat, la commission autorise la publication de l'enquête de la Cour des comptes ainsi que du compte rendu de la présente audition sous la forme d'un rapport d'information.

- Présidence de M. Jean Arthuis, président, et de M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication -

La commission entend, conjointement avec la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, une communication de M. Claude Belot, rapporteur spécial, et Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis, sur les comptes de France Télévisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Claude Belot et moi-même travaillons à ce rapport depuis février. Il fallait laisser France Télévisions s'adapter à la nouvelle donne et mesurer les effets culturels et financiers de la suppression de la publicité après 20 heures ; le projet de loi relatif au nouveau service public de la télévision, dont j'étais co-rapporteur, a ainsi été assorti d'une « clause de revoyure ». Faute de décret, le comité de suivi prévu par la commission de la culture n'a pas vu le jour, non plus que le groupe de travail sur la redevance. D'où cette mission commune avec la commission des finances. Nous avons auditionné une soixantaine de personnes pour mesurer l'adéquation des financements de France Télévisions à ses missions et dresser un bilan d'étape de la réforme.

Le grand chantier de l'entreprise unique est en bonne voie. Face à la concurrence de la télévision numérique terrestre (TNT) et des nouveaux supports, il fallait que la stratégie de bouquet bénéficie d'une structure juridique adéquate, afin de renforcer la visibilité de la marque France Télévisions. La fusion des divers conseils d'administration facilite la prise de décision et la construction d'une stratégie lisible. Dans un souci de transparence, le nouveau conseil d'administration unifié s'est doté d'un règlement intérieur qui renforce notamment le rôle des comités spécialisés. Il faut poursuivre dans cette voie afin que les engagements financiers les plus lourds soient systématiquement approuvés par le conseil d'administration.

L'organisation en tuyaux d'orgue cède la place à une organisation transversale de grands services définis par leur fonction - marketing, gestion, fabrication, etc. -, ce qui rend les arbitrages plus nombreux et délicats et nécessite une coordination des responsabilités croisées. La direction de France Télévisions en est consciente. Un renforcement de la fonction d'audit interne serait bienvenu.

Les auditions ont montré que l'unification des programmes consolide l'identité du groupe et renforce sa capacité d'achat et de négociation. Les antennes gardent la maîtrise de la ligne éditoriale de leur grille. Elles dialoguent avec le secteur programmes pour éviter une uniformisation des programmes au détriment de la diversité culturelle. L'unité Jeunesse a ainsi construit avec « Ludo » une offre cohérente sur l'ensemble du bouquet et sur Internet, évitant les redondances et les concurrences. C'est un modèle à suivre.

La réorganisation territoriale passe par la création de quatre pôles de gouvernance chargés de la coordination éditoriale des antennes de proximité et de l'allocation des moyens, afin d'éviter les doublons, de faciliter les mutualisations et de rationaliser l'offre. Mais la mise en ordre de marche de la nouvelle organisation est délicate : les responsabilités hiérarchiques se croisent, et le nécessaire rééquilibrage entre régions se heurte au refus légitime des mobilités géographiques contraintes. Enfin, gare à la recentralisation : les acteurs de proximité doivent conserver l'initiative éditoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Belot

Hier, lors de notre dernière audition, l'actuel patron de France Télévisions estimait avoir mené à bien la mutation de son entreprise, en cette période de révolution du paysage audiovisuel.

La commission des finances a longtemps plaidé pour une augmentation de la redevance, qui n'est intervenue que l'année dernière. Ce matin, le ministre du budget disait intégrer dans ses prévisions une hausse de 2 euros par an.

Après une année 2008 difficile, 2009 a réservé de bonnes surprises : audience en hausse et reprise économique, avec un surplus de recettes publicitaires par rapport à la prévision de 144,9 millions, ce qui permet au groupe de réaliser un bénéfice net de 23,6 millions. En conséquence, la dotation budgétaire a été réduite de 450 à 415 millions. La trajectoire de charges a été maîtrisée, même s'il faut poursuivre les efforts. Il faudra tenir compte de l'aléa judiciaire, sachant que la cour d'appel de Paris a refusé la fusion des conventions collectives.

France 3 représente la moitié des dépenses de personnel. On constate une grande disparité de coût selon les grilles régionales : il y a là des marges de progression.

L'exercice 2010 sera sans doute bénéficiaire. Nous sommes loin de la situation du groupe à la fin des années 1990... Les synergies devraient permettre de réaliser 200 à 350 millions d'euros d'économies, mais la réorganisation sociale risque d'être source de coûts imprévus. Le passage au média global entraînera également des coûts d'organisation et de production. France Télévisions doit se préparer activement ! Bref, en cette période de mutation, la maison est tenue. Les pistes annoncées sont crédibles, les méthodes pour y parvenir aussi. L'état des lieux est globalement rassurant.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

La BBC, souvent citée en exemple, consacre 250 millions d'euros au développement du média global ; France Télévisions, 60 millions. Il lui faut réaffecter une partie des économies réalisées à ce secteur stratégique car source de recettes futures.

Maupassant, Tosca, multiplication des émissions culturelles : le virage éditorial est net. Il doit se décliner pour chaque antenne. L'identité de chaque chaîne du bouquet doit être renforcée, afin de différencier l'offre pour tous les publics. Bref, si son périmètre est adéquat, le bouquet manque encore de couleurs ! France 4 a connu une hausse d'audience de 60%, la plus forte de toutes les chaînes dédiées à la jeunesse. La différenciation réussie par rapport aux chaînes privées résulte aussi de la suppression de la publicité après 20 heures...

Le développement du média global sera un chantier majeur pour France Télévisions, qui doit être sur tous les supports : demain, la télévision sera hybride ! La France compte 18,5 millions d'internautes, qui passent autant d'heures sur la Toile que devant leur téléviseur. Il faut anticiper les mutations technologiques. Ainsi, après l'accord exclusif avec Orange, France Télévisions annonce le lancement de la plateforme de télévision de rattrapage Pluzz, dont l'offre sera distribuée sur tous les supports.

Les nouveaux pôles Marketing et Fabrication suivent les évolutions des modes de consommation des médias et les évolutions technologiques. Reste à assurer la cohérence des initiatives au sein d'une stratégie lisible. Ce sera la tâche de la coordonnatrice du média global fraîchement nommée. France Télévisions ne compte pas moins de 913 sites internet ! Il faut une porte d'entrée commune, pour une consommation efficace.

Au risque de brouiller son image, France 3 adopte une programmation proche de celle de France 2 et touche le même public. Elle n'assume pas pleinement sa vocation de chaîne des régions. On justifie les horaires des décrochages régionaux par leurs faibles audiences, alors que les horaires sont précisément la cause de cette faiblesse !

Les contours du projet de Web TV régionales sont encore incertains. Cette télévision d'hyper-proximité devrait offrir un véritable service : il suffira d'un clic pour voir, par exemple, tous les reportages sur le festival des Vieilles charrues, présents et passés ! Il faudra toutefois veiller à l'articulation des Web TV avec la chaîne premium. France Télévisions doit renforcer l'identité propre des chaînes qui la composent.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Belot

Les moyens dont bénéficie France Télévisions doivent lui permettre de réussir sa mutation. Son financement doit reposer sur des bases juridiques solides. Or la taxe sur les opérateurs de télécoms risque fort d'être mise en cause par Bruxelles... Une solution serait d'augmenter la redevance, et d'en élargir l'assiette : la France est le seul pays à exonérer les résidences secondaires !

Il n'y a pas eu de débat sur l'opportunité de supprimer la publicité avant 20 heures. Si celle-ci est effectivement complètement supprimée, il faudra des recettes de substitution. Augmenter les crédits budgétaires n'est guère dans l'air du temps... A titre personnel, j'aurais souhaité que la publicité reste un pilier du financement de France Télévisions. En tout état de cause, après 20 heures, la publicité a été remplacée par les « parrainages », essentiellement de la grande distribution, qui représentent 20% des recettes publicitaires !

Il faut un financement responsable, assis sur des recettes commerciales et une redevance adéquate. Soit l'on supprime totalement la publicité en 2012, en ce cas il faudra soumettre les terminaux informatiques et les résidences secondaires à la redevance, soit on maintient la publicité en journée. Vous avez compris quelle solution a ma préférence...

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

En ce qui concerne le financement de France Télévisions, nous avons dégagé plusieurs principes intangibles : la réforme ne doit pas avoir d'impact négatif sur le budget de l'État, le périmètre de France Télévisions doit rester inchangé, et les économies être consacrées à la modernisation, au média global et à la négociation sociale.

Si la suppression totale de la publicité est mise en oeuvre, la décision devra être prise avant la fin du premier trimestre 2011. Il faut six mois à France Télévisions pour organiser ses programmes et vendre sa régie publicitaire. Le Parlement ne doit pas être à nouveau pris de court ! Notre rapport consacre un chapitre aux comparaisons internationales en matière de redevance. Pour combler le manque à gagner, il faudrait en élargir l'assiette à l'ensemble des terminaux et réintégrer les résidences secondaires. Une nouvelle revalorisation paraît difficile dans le contexte actuel. Supprimer le parrainage améliorerait la lisibilité de la réforme - à condition que la taxe sur les opérateurs de télécommunication ne soit pas remise en cause.

Autre hypothèse, le maintien de la publicité en journée, avec éventuellement un élargissement de la contribution à l'ensemble des terminaux et une modulation de sa clé de répartition. Le taux de la taxe sur la publicité des chaînes de télévision devrait alors être revu à la baisse, afin d'ajuster son montant aux besoins. Il peut s'agir d'un simple moratoire, le temps que l'indexation de la contribution compense une suppression totale de la publicité.

Nos propositions sont donc les suivantes : redonner des couleurs au bouquet : assumer la vocation territoriale de France 3 ; développer une vraie stratégie du média global ; choisir l'une des deux hypothèses crédibles de financement ; renforcer les synergies ; charger un organisme indépendant, par exemple le CSA, de contrôler de façon permanente les besoins de financement ; mettre en phase le contrat d'objectifs et de moyens et le mandat du président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Nous disposons enfin d'un état des lieux précis. Notre commission a toujours souhaité dégager le service public de l'audiovisuel de la dictature de l'audimat. Toutefois, veillons à ce que la publicité, chassée par la porte, ne rentre pas par la fenêtre sous la forme des « parrainages » : le Parlement ne se grandirait pas en tolérant une telle hypocrisie.

Je félicite nos deux rapporteurs : le débat est ouvert sur des bases claires.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cet état des lieux était attendu. La question du financement pérenne de l'audiovisuel public est au coeur de nos débats.

France Télévisions avait retrouvé une gestion saine et équilibrée, accompagnée d'un renouveau éditorial perceptible, avant la réforme ! Les programmes de qualité se sont multipliés, même si je regrette le peu de place accordée aux émissions politiques et au documentaire...

La gauche n'est pas pour la publicité à tout va : nous voulons un service public émancipé de la tutelle étatique ou commerciale, car c'est la garantie de sa liberté de ton. Le gouvernement Jospin avait proposé une augmentation progressive de la redevance, permettant à terme de se passer de publicité. Mais à partir de 2002, son montant a été gelé.

Les recettes compensant la suppression de la publicité ne sont pas sûres : Bruxelles va vraisemblablement retoquer la taxe sur les opérateurs de télécoms. C'est 200 millions qu'il faudra rembourser !

Dans le contexte budgétaire actuel, le service public ne doit pas dépendre du budget de l'État. Supprimer aujourd'hui la publicité avant 20 heures, en se privant de 400 millions de recettes, n'est ni juste, ni tenable politiquement !

Oui à une extension de la redevance aux résidences secondaires, d'autant que la ponction serait faible. D'accord pour une hausse étalée de la redevance, avec un moratoire : il faut établir un calendrier, et des objectifs. L'idée d'une taxe sur l'ensemble les terminaux est séduisante, mais me paraît difficile à mettre en place.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Quel en est le taux ? Comment est-elle perçue ? Là encore, il faudrait un état des lieux.

Il n'y a pas lieu de baisser à nouveau la taxe sur la publicité sur les chaînes de télévision, d'autant que si la redevance couvre l'intégralité des besoins de financement, la publicité se reportera sur les chaînes privées !

Quelle est la part des économies consacrée au développement du média global ? Enfin, où en est le plan social, négocié avec les syndicats, et quid des conventions collectives ?

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je me réjouis de la situation de France Télévisions, que je souhaite voir consolidée et pérennisée. Nous ne devons pas pour autant perdre de vue celle des chaînes privées : il faut suivre les évolutions du marché de la publicité dans son ensemble.

Je ne comprends pas la perpétuelle inquiétude des personnels de France 3 en région. Où est le péril ? Par ailleurs, comment expliquer les importantes différences de coûts entre antennes régionales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Le conseil d'administration de France Télévisions, dont je suis membre, est fier des progrès effectués. La fin de la publicité après 20 heures accentue la différenciation avec les chaînes privées et est appréciée des téléspectateurs. Faut-il à terme supprimer complètement la publicité ? L'exemple espagnol montre un effet positif sur l'audimat. D'autres jugent la publicité utile pour des raisons économiques, et redoutent qu'une dépendance à l'égard du budget de l'État n'altère l'esprit de l'entreprise...

Reste le problème du financement : en temps de crise, on ne peut demander 450 millions supplémentaires au budget général de l'État. Une solution serait d'augmenter la redevance, d'y soumettre les résidences secondaires et de l'asseoir sur le nombre d'écrans réel. Financer France Télévisions coûte aujourd'hui seulement 20 centimes par jour au contribuable, le prix d'un texto ! Sur les 50% de contribuables qui ne payent pas la redevance, combien sont abonnés à Canal Plus ?

Combien ont rapporté les taxes sur la publicité sur les chaînes de télévision et sur les opérateurs de télécoms ? Quelles économies permettra le passage au tout numérique ? Enfin, attention au retour de la publicité via les parrainages !

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Nous avons débattu de ces questions le 5 mai en commission de la culture, en séance publique le 10, puis le 20 mai, et encore le 4 juin. Nous n'avons rien appris de nouveau aujourd'hui. Le gain constaté témoigne de l'attachement des publicitaires à la télévision publique, et de la qualité du personnel de la régie publicitaire. La situation demeure fragile. Lors de la fusion, le mécanisme comptable de revalorisation des actifs a été calculé pour atteindre 100 millions ! La synergie a déjà rapporté 67 millions. Reste que le résultat positif de 50 millions est à saluer.

Google est en train de percer dans la télévision : ce sera un sacré concurrent ! Or les nécessaires investissements de France Télévisions dans le media global ne sont pas chiffrés.

Ma position sur la publicité est claire. Ma proposition de loi de 1999, élaborée avec une cinquantaine de professionnels, prônait un financement croisé, pour préserver l'indépendance de France Télévisions. Saisissons la clause de rendez-vous prévue dans la loi du 5 mars 2009 pour en rester là ! Certes, la télévision « formate » le téléspectateur, mais celui qui regarde l'image n'en est pas esclave !

La régie publicitaire doit rester dans le giron de France Télévisions, a fortiori vu les activités parallèles de l'acquéreur potentiel, M. Courbit. Il faut rétablir les résidences secondaires dans l'assiette de la redevance. Les comptes de TF1 restent florissants : il n'y a pas lieu baisser leur taxe. Je demande enfin une étude sur la redevance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

J'estime pour ma part qu'un pôle public ne devrait pas être financé par de la publicité ou le parrainage, mais par des moyens publics. La chaîne publique doit se caractériser par son mode de financement. Pourquoi les gens du voyage, par exemple, sont-ils exonérés de redevance ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

La redevance a été rebaptisée « contribution à l'audiovisuel public ». Elle fait l'objet d'une étude détaillée dans le rapport, sur la base de comparaison avec les pays voisins. Ainsi, l'Allemagne a mis en place une taxe sur les terminaux informatiques de 5,75 euros, mais envisage de l'aligner sur la redevance.

Les recettes publicitaires sont certes en hausse, mais la situation des comptes prend en en compte la surcompensation de l'État via la dotation budgétaire... La situation est certes stabilisée, mais l'équilibre structurel reste à trouver.

Le passage au tout numérique devrait dégager une économie de 80 millions d'euros, déjà réaffectés à la modernisation. Les taxes ont rapporté 214 millions au budget de l'État, loin des 450 millions à compenser. La prévision pour 2010, en année pleine, n'est que de 366 millions. Nous n'avons pas, par ailleurs, les 200 millions nécessaires pour compenser la suppression de la publicité avant 20 heures. Si nous voulons une télévision dégagée de la contrainte de l'audimat, il faut avoir le courage d'augmenter la redevance, en travaillant sur les pistes que nous proposons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Bref, seul le financement ne fait pas consensus.

A l'issue de ce débat, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et la commission des finances donnent acte à Mme Catherine Morin-Desailly et Claude Belot, rapporteurs, de leur communication, et en autorisent la publication sous la forme d'un rapport d'information.