Le 19 mai 2015, le Président de la République a annoncé sa volonté de mettre en place un prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Cet engagement a été inscrit à l'article 76 de la loi de finances pour 2016, selon lequel « le Gouvernement présente au Parlement, au plus tard le 1er octobre 2016, les modalités de mise en oeuvre du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu à compter de 2018 ».
À l'initiative de notre rapporteur général, un amendement avait été adopté par le Sénat, et confirmé par l'Assemblée nationale, dans le but de préciser le contenu de cette présentation. Celle-ci devra indiquer les revenus concernés, le sort des dépenses fiscales rattachées à l'année d'imposition effacée et le coût de la réforme pour l'État, les tiers payeurs et, le cas échéant, les contribuables. Le même article prévoit que la retenue à la source devrait être mise en place dans le respect des principes de progressivité, de conjugalisation et de familialisation de l'impôt sur le revenu. La présentation de réformes alternatives permettant de supprimer le décalage entre la perception des revenus et le paiement de l'impôt correspondant avait également été demandée.
Après la communication d'un point d'étape à la presse le 16 mars 2016, il a été indiqué devant nos collègues de l'Assemblée nationale, le 6 avril dernier, que le prélèvement à la source serait inscrit dans le projet de loi de finances pour 2017 mais qu'un projet de texte serait transmis au Conseil d'État dès juin ou juillet.
Messieurs les ministres, je vous invite donc à nous faire part plus en détail de l'état de préparation de la réforme ; nos collègues pourront ensuite vous adresser leurs questions.
Nous sommes ici pour présenter les suites de la loi de finances pour 2016, posant le principe de la réforme du prélèvement pour le 1er janvier 2018, comme l'a rappelé la présidente. La majorité sénatoriale a souhaité préciser que « la mise en oeuvre du prélèvement à la source respectera les principes de progressivité, de conjugalisation et de familialisation de l'impôt sur le revenu, par l'application du mécanisme de quotient conjugal et familial ». Cette précision était utile pour une bonne compréhension, et à l'intention de tous ceux qui sont à l'affût d'un prétexte pour ne pas avancer. Il faut le répéter sans cesse : il ne s'agit ni d'une réforme du barème de l'impôt sur le revenu, ni de son mode de calcul, mais d'une réforme de son seul mode de recouvrement. Avec le prélèvement à la source, le quotient familial et le quotient conjugal seront conservés : l'impôt continuera à être calculé au niveau du foyer fiscal, qu'il s'agisse d'une personne seule ou d'un couple, avec ou sans enfants.
Notre objectif est de moderniser le recouvrement de l'impôt sur le revenu, tout en conservant ses caractéristiques actuelles. Car un impôt moderne, c'est en tout premier lieu un impôt qui s'adapte, en temps réel, aux changements de situation des contribuables. C'est l'objectif fondamental de cette réforme. Actuellement, l'impôt est payé avec une année de décalage par rapport à la perception des revenus. Cela peut poser des problèmes dans nombre de situations. Ainsi, le jeune qui vient d'entrer sur le marché du travail reçoit l'année suivante un avis d'impôt à payer auquel il ne s'est pas toujours bien préparé.
Le salarié qui cesse de travailler doit acquitter pendant un an l'impôt dû sur ses revenus d'activité passée. Le retraité continue, la première année de sa retraite, à payer le même impôt que lorsqu'il était encore en activité. Le travailleur indépendant qui voit ses revenus diminuer - notamment dans l'agriculture - ne voit son impôt corrigé en conséquence, que trop tardivement.
Ces situations sont loin d'être marginales : chaque année, environ 30 % des foyers fiscaux connaissent une baisse de leurs revenus d'une année sur l'autre, cette baisse étant supérieure à 30 % de leur revenu pour environ 10 % d'entre eux. Pour tous ces contribuables, la réforme apportera une amélioration considérable.
Ces exemples sont loin d'être exhaustifs. Dans tous ces cas, le contribuable peut rencontrer des difficultés de trésorerie. Il peut être amené, s'il veut les anticiper, à constituer une épargne de précaution, ce qui n'est guère compatible avec le soutien de la consommation et de l'activité. Et il ne sait pas à l'avance si elle suffira. Lorsque ces situations ne sont pas douloureuses, elles sont pour le moins inconfortables.
Ce décalage d'un an est d'autant plus pénalisant qu'il concerne des personnes aux revenus modestes ou moyens, ou qui connaissent des ruptures ou mobilités professionnelles. Faire coïncider le moment où l'on perçoit son revenu et celui où l'on acquitte ses impôts est, pour ces personnes-là, un progrès réel.
Un impôt payé sur les revenus en cours accompagnera et facilitera aussi les transitions professionnelles. Dans une société où la linéarité des parcours personnels comme professionnels n'est plus la norme, l'impôt sera ainsi mieux adapté.
Un impôt moderne, c'est aussi un impôt simple pour tout le monde.
Nous proposons que, pour la très grande majorité des contribuables, dont le revenu est principalement constitué de traitements et salaires, l'impôt soit prélevé par l'employeur. Pour le salarié, ce ne sera qu'une ligne de plus sur la fiche de paye, et c'est donc très simple : il n'aura aucune démarche de paiement de l'impôt à faire, jusqu'à la déclaration de ses revenus. Pour l'employeur, dont le coeur de métier n'est certes pas de collecter des prélèvements obligatoires - mais qui en collecte déjà un certain nombre - nous veillerons à ce que le système soit aussi le plus simple possible.
L'administration fiscale transmettra un taux à chaque employeur, en s'appuyant sur la déclaration sociale nominative (DSN) qui sera pleinement déployée d'ici l'été 2017. Ce chantier a été engagé bien avant le prélèvement à la source et permettra, par un document unique dématérialisé, d'acquitter l'ensemble des cotisations sociales, et désormais, l'impôt sur le revenu.
J'ai entendu, de la part de certaines organisations professionnelles que nous rencontrons avec Christian Eckert, des questions sur la charge que représenterait le prélèvement par l'employeur. Nous sommes en train d'achever une évaluation de cette charge, mais les premiers retours du terrain montrent qu'elle sera modérée voire quasiment inexistante.
L'administration fiscale restera l'unique interlocuteur des salariés pour leurs questions concernant les impôts. Ces derniers n'auront pas à transmettre d'information sur leur situation familiale, et encore moins sur leurs autres revenus, à leur employeur. C'est à la fois un gage de simplicité pour l'employeur et de confidentialité pour le salarié. La confidentialité des informations de chacun sera préservée. Au demeurant, plus de 90 % des contribuables ont un taux moyen d'imposition compris entre 0 % et 10 % et un même taux d'imposition peut traduire des situations tellement différentes que le connaître ne suffira pas à donner une information intéressante.
Par ailleurs, nous avons prévu que chaque membre d'un couple puisse être prélevé sur la base de taux différents en cas d'écart de revenus important entre eux. Cela évitera que celui, ou trop souvent celle, qui gagne moins, ne soit prélevé à un taux qui traduit en partie la situation de son conjoint.
Enfin, chaque année, les revenus continueront à être déclarés par les foyers fiscaux. Avec la télé-déclaration et la déclaration pré-remplie, dont vous avez voté le renforcement dans la loi de finances pour 2016, il s'agit désormais d'un simple « clic ». Nous avons d'ailleurs amélioré cette année le service rendu aux contribuables qui déclarent leurs revenus sur internet puisqu'ils bénéficieront d'un nouveau document, l'avis de situation déclarative à l'impôt sur le revenu (ASDIR), qui justifiera de leur situation d'imposition dès la déclaration en ligne.
Vous le voyez, le passage au prélèvement à la source ne changera pas l'impôt tel que nous le connaissons, mais il nous fournira un système plus simple et plus moderne, plus réactif aux évolutions que chacun peut connaître, au bénéfice de tous les contribuables.
Concernant le calendrier, nous disposerons d'un texte fin mai, qui sera soumis à l'examen du Conseil d'État courant juin, avant d'être présenté au Parlement en juillet, puis inclus dans le projet de loi de finances pour 2017. Nous souhaitons une large concertation et une bonne information, mais entendons achever le travail en 2016 afin que les acteurs concernés disposent de toute l'année 2017 pour s'adapter.
Les entreprises nous reprochent la rétroactivité de certaines mesures fiscales, et nous nous sommes engagés à ne plus en prendre. Or l'impôt sur le revenu actuel est systématiquement rétroactif !
La réactivité résultera de l'ajustement de l'impôt aux variations d'assiette, à taux d'imposition fixe. De plus, ce taux pourra être rapidement adapté aux changements de situation du contribuable. Actuellement, un enfant né en février n'est pris en compte dans le quotient familial qu'un an et demi plus tard.
Tous les revenus d'activité seront concernés, ainsi que les revenus immobiliers. Pour les salariés, l'employeur ne connaîtra que le taux. Nous avons consulté les syndicats, les associations... Au sein d'un foyer fiscal, si le salaire le plus faible subit la même pression fiscale que l'autre, il risque encore plus d'être considéré comme un salaire d'appoint et de donner l'impression de travailler pour peu de choses. Aussi offrirons-nous la possibilité de choisir un barème d'imposition simplifié. Pour les travailleurs indépendants, il y aura un système d'acompte émis par l'administration sur la base des résultats de l'année écoulée, avec une adaptation périodique. Pour les revenus fonciers, l'adaptation aux changements sera également très facile. Quant aux revenus de remplacement, ils feront l'objet d'un prélèvement effectué par les organismes payeurs. Tout repose sur la DSN, qui monte en puissance.
Il n'y aura ni année double ni année blanche : en 2017, les impôts seront payés sur les revenus de 2016 ; en 2018, sur les revenus de 2018. Les revenus ordinaires de 2017 n'entreront donc pas dans l'assiette de l'impôt. Nous vous proposerons des dispositifs pour éviter les abus.
Cela existe et nous en tiendrons compte mais de manière à dissuader les stratégies d'optimisation.
Les crédits d'impôts acquis au titre de 2017 seront conservés et honorés en 2018, mais nous essaierons d'effectuer un classement entre eux pour une meilleure gestion. Nul n'y perdra. Pour l'État, il n'y aura ni année blanche, ni année double.
Cette réforme ambitieuse doit ménager l'intérêt du contribuable - ce qu'elle fait mieux qu'une mensualisation obligatoire, car le paiement sera fait en douze parts et à la fin des mois - ne pas compliquer la tâche des organismes préleveurs, et être techniquement bien préparée. Notre administration travaille ardemment à sa préparation, et je l'en remercie. Les dispositifs dématérialisés qu'elle a déjà mis en place sont d'ailleurs unanimement appréciés.
Je vous ai adressé par courrier une liste de vingt-sept questions sur cette réforme, qui n'est simple qu'en apparence. Vous avez omis de rappeler que l'article 76 de la loi de finances demande en son dernier alinéa que le Gouvernement présente au Parlement, au plus tard le 1er octobre 2016, les réformes alternatives au prélèvement à la source. La volonté du Sénat n'est donc pas exactement celle que vous avez dite. Qu'apporte ce système de plus qu'une généralisation de la mensualisation et du télépaiement ? Les dispositifs dématérialisés fonctionnent parfaitement, et une mensualisation en douze mois est tout à fait envisageable. Votre réforme aboutit à un prélèvement à la source imparfait, puisque le taux synthétique est calculé sur l'année n-2. Le contribuable devra bel et bien faire une déclaration d'impôt.
Mais les gens l'entendent ainsi. Nul progrès dans l'obligation déclarative, donc. Et la modulation du taux synthétique ne sera pas si simple.
Un jeune qui entre sur le marché du travail ne pourra plus mettre d'argent de côté, puisqu'il paiera dès le premier mois. Comment son taux synthétique sera-t-il calculé ? Comment le sera-t-il pour les étudiants rattachés au foyer fiscal de leurs parents ? Et je ne parle pas des particuliers-employeurs...
Avez-vous estimé le coût de cette réforme pour les entreprises ? Quelles économies l'administration en tirera-t-elle ? Je ne partage pas les idées de Thomas Piketty, mais nous pourrions envisager de fusionner les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) et la DGFiP...
C'est une proposition ? Intéressant...
Alors, pourquoi ne pas fusionner la contribution sociale généralisée (CSG) et l'impôt sur le revenu ?
Ce serait plus complexe, comme l'a montré le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires.
La réforme du prélèvement à la source avait été proposée dans le projet de loi de finances pour 1974, sans succès. L'effet « bas de feuille de paie » avait joué. Avez-vous évalué ses incidences macroéconomiques ?
Faisons confiance à l'intelligence des Français ! Le prélèvement est actuellement effectué le 15 du mois - et le paiement par tiers est moins favorable au contribuable que la mensualisation. Mieux vaut être prélevé d'un douzième en fin de mois que d'un dixième le 15 ! Un effet psychologique est toujours possible, par exemple en décembre. Mais on dit qu'en Islande la réforme a stimulé la croissance.
Son but n'est pas de faire des économies dans l'administration. Nous en faisons par ailleurs. Vous prétendez supprimer 300 000 postes, bon courage ! Il y aura des restructurations : il faudra renforcer l'accueil du contribuable, qui pourra se trouver désorienté les premiers mois, et s'assurer que l'impôt sera bien prélevé dans les entreprises. Mais les économies réalisées grâce à la télé-déclaration sont plus importantes.
Pour les entreprises, le coût sera minime, d'autant que la feuille de paie doit être prochainement simplifiée. Si elles sont prélevées chaque trimestre d'un impôt qu'elles collecteront chaque mois, elles y trouveront un certain confort de trésorerie.
Cette situation peut déjà se présenter pour les cotisations sociales, dont le taux de recouvrement est pourtant légèrement supérieur à celui de l'impôt sur le revenu. Il y a des créanciers prioritaires...
Pour un jeune qui débute, commencer par une année sans impôt, et parfois sans cotisations sociales, me semble dangereux. Ce ne serait donc pas une régression que de faire d'emblée assumer aux jeunes les charges de la vie d'adulte. Le taux sera forfaitaire, selon un barème simplifié, comme pour les contrats courts ou saisonniers. La moitié des foyers fiscaux ne sont pas imposables. Sur ceux qui le sont, 90 % le sont à un taux inférieur à 10 % : l'impôt sur le revenu est-il si confiscatoire ? Le taux moyen figure sur les avis d'imposition. Je vous invite à en prendre connaissance : il diffère substantiellement du taux marginal ! Les cas particuliers n'ont pas tous fait l'objet d'un arbitrage. Mi-juillet, ces questions seront résolues.
La mensualisation est très répandue. Ne faudrait-il pas plutôt l'optimiser ? Il ne faut pas détruire l'acceptabilité de l'impôt. S'il est prélevé à la source, qui en aura encore conscience ? Le reversement par l'employeur doit être effectué dans des conditions correctes. Enfin, je suis défavorable à la fusion de la CSG et de l'impôt sur le revenu, qu'il est important de conserver.
J'ai retenu qu'on évoquait simplement un mode de paiement qui existe déjà pour les prélèvements sociaux et libératoires. Combien de contribuables ayant une part ou une part et demie de quotient familial n'ont qu'une seule ligne de revenus sur leur déclaration pré-remplie ? Les documents statistiques sont établis suivant le revenu de référence et non la situation précise des contribuables. Combien de déclaration pré-remplies sont modifiées par les contribuables ?
Christian Eckert a bien indiqué un décalage de trésorerie pour l'entreprise tiers payeur. Quand celle-ci versera-t-elle à l'État la retenue affichée sur la fiche de paie du salarié ? Ce décalage lui profite. Alors que le taux de recouvrement de l'impôt sur le revenu est de 98 %, voire davantage, quel serait ce taux en recourant à un tiers payeur ?
L'organisation de l'administration fiscale étant de plus en plus dématérialisée, ceux qui préfèrent en rester au papier le pourront-ils ?
Plusieurs dizaines de milliers de nos concitoyens du pays de Gex sont déjà prélevés à la source par la République de Genève où ils travaillent. Comment les frontaliers seront-ils traités ? Et les pluriactifs, très présents dans les zones de montagne ? Puisque cette réforme n'occasionnera pas d'économies de postes à la direction générale des finances publiques, quel est son intérêt pour l'État ? Réalise-t-on des économies dans le back office ? Je comprends l'intérêt pour les contribuables, et notamment les jeunes actifs, en matière de trésorerie.
Combien coûte le développement des nouveaux logiciels ? Quels sont les autres coûts ? À la fin de l'année, la régularisation occasionnera-t-elle un coût pour l'entreprise ? L'avantage éventuel de trésorerie couvrira-t-il une partie de ces coûts ?
Ce projet entre-t-il dans la définition de l'engagement 14 du Président de la République de fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG ? Le Conseil constitutionnel est très attaché à l'égalité des contribuables devant l'impôt. Je ne suis pas sûr que tout ait été abordé en la matière. La conjugalisation fonctionne avec la familialisation. Il peut y avoir plus de deux salaires dans une famille. Comment réglerez-vous ces situations ?
Les travailleurs indépendants sont de plus en plus nombreux. Dire que tout sera réglé par des acomptes n'est pas suffisant.
Comment les revenus du patrimoine, issus d'actions ou d'obligations par exemple, seront-ils traités ?
Je le répète : nous changeons le mode de prélèvement, pas le mode de calcul de l'impôt sur le revenu, non plus que de la CSG. Le Président de la République a mis en oeuvre sa proposition de prélèvement à la source. Il n'est pas question de fusion.
La question a été soulevée en 1974 comme à d'autres périodes. Un ministre des finances de droite avait affirmé que c'était très simple, qu'il suffisait d'appuyer sur un bouton. Non, cela ne suffit pas. Il faut répondre à beaucoup de questions.
Le prélèvement à la source a existé dans nombre de programmes des uns et des autres. La différence, c'est que nous sommes déterminés à le mettre en oeuvre, au 1er janvier 2018, ce qui implique que tout soit décidé pour le 1er janvier 2017, donc dans la prochaine loi de finances initiale.
Le débat constitutionnel est réel, comme toujours dans notre pays. Le Conseil constitutionnel a affirmé à plusieurs reprises que tous les revenus d'activité devaient être traités de la même façon, censurant par exemple l'amendement dit « Ayrault-Muet » dans la loi de finances initiale pour 2016.
Le problème principal porte sur l'application des crédits d'impôt et des réductions d'impôt de 2017. Il n'est pas question de supprimer les incitations fiscales sur le logement, la transition énergétique, le gros oeuvre, l'emploi à domicile... Une très grande prudence est nécessaire.
En 2017 et 2018, l'État devra fournir un très gros effort. Ce qui sera entré dans les moeurs en 2019 devra avoir été expliqué avant. Dans un premier temps, on assistera donc à un surcroît de travail de l'administration fiscale, mais celui-ci accompagnera ensuite l'ensemble des réformes de modernisation de l'administration, lorsqu'il s'agira de réduire le nombre de postes et d'être plus efficace.
Les gains de trésorerie ne sont pas au coeur du sujet, mais aucune perte n'est attendue. Le taux de recouvrement des Urssaf est supérieur à celui de l'impôt sur le revenu. Au total, tout s'équilibre.
À la question : rend-on service à la Nation et à nos concitoyens ? La réponse est oui.
Le taux de recouvrement de l'impôt sur le revenu est de 95 % à un an et de 98 % à deux ans. Celui des cotisations sociales est supérieur à 99 %. La déclaration sociale nominative (DSN) permet déjà de prélever les cotisations des employeurs à partir d'une déclaration unique et de les envoyer dans les bons « tuyaux ». Il suffit d'en ajouter un vers la direction générale des finances publiques.
Pour répondre à Marc Laménie, nous encourageons la télé-déclaration. Nos concitoyens attendent de plus en plus de services de ce type. Je sais que certains contribuables n'ont pas de connexion Internet et que d'autres n'apprendront jamais l'informatique. Ils seront accompagnés.
La situation des frontaliers ne va pas changer dans de nombreux cas. L'impôt sur le revenu est le plus souvent payé dans le pays où on exerce son activité. Pour ceux qui travaillent en France pour des entreprises établies à l'étranger, des dispositifs spécifiques existent déjà pour les cotisations sociales.
Pour les pluriactifs, que ce soit simultanément ou au fil de l'année, leur taux synthétique d'imposition sera utilisé par chacun de leurs employeurs, avec une centralisation.
Une consolidation peut se faire. Certains foyers fiscaux, en effet, sont composés d'un membre en libéral ou travailleur indépendant et d'un salarié, chez les agriculteurs par exemple. J'ai rencontré le président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), Xavier Beulin hier, la capacité d'adaptation au cours de l'année est plutôt perçue positivement.
En réponse à Richard Yung, l'étude du Contrôle général économique et financier (CGEFi) vous montrera que le coût est marginal. La plupart des employeurs sont obligés d'actualiser leur logiciel de paie régulièrement et les bulletins de paie sont simplifiés.
La conjugalisation, comme la familialisation, ne posent pas problème puisqu'il existe une déclaration annuelle pour calculer l'imposition globale. Le principe du quotient familial n'est pas remis en cause.
Les revenus des capitaux mobiliers, dont les actions, les obligations et les intérêts imposables, font déjà l'objet d'une retenue à la source régularisée dans la déclaration annuelle. Pas de changement non plus pour les plus-values immobilières, prélevées directement par les notaires.
Nous transmettrons à Thierry Carcenac les données chiffrées demandées. Objectivement, les neuf dixièmes des cas sont simples et ne requièrent qu'une ou deux lignes dans la déclaration d'impôt, sans revenus fonciers ni immobiliers. Il y a parfois quelques dons aux oeuvres ou des cotisations syndicales. Les exemples que nous avons par notre entourage ou nos milieux peuvent être complexes, mais ils ne reflètent pas la majorité. Cela n'empêche pas de traiter tous les cas.
J'ai parlé de paiement trimestriel du tiers payeur. Les cotisations sociales des grosses entreprises sont prélevées tous les mois ; tous les trimestres pour les petites entreprises. La direction générale des finances publiques pourrait prélever de façon similaire l'impôt sur le revenu pour le compte des entreprises.
Marie-France Beaufils a évoqué la mensualisation généralisée. Cette objection au prélèvement à la source est souvent soulevée. Nous n'avons pas choisi cette solution qui présente beaucoup d'inconvénients techniques selon la nature des revenus concernés. N'oublions pas l'essentiel : en 2018, nous prélèverons ce qui sera perçu en 2018. La mensualisation n'autorise pas l'actualisation de l'impôt et de l'assiette, un atout primordial du prélèvement à la source.
Les modifications de mensualité, même à la baisse, sont peu nombreuses, inférieures à 10 %.
Celles-ci sont appliquées quand on s'écarte trop de la cible. L'impôt payé en fin d'année est dans une très grande majorité des cas celui indiqué à l'issue de la télé-déclaration.
Je salue le courage du Gouvernement d'engager cette réforme et sa volonté de simplification. Je crains la complexité pour les petites entreprises. La solution serait le taux unique - comme pour la CSG ou la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) - et la suppression des niches, qui favorisent les très riches et non les contribuables aux revenus moyens.
L'un des ministres a évoqué une ligne de plus sur la fiche de paie, avant de dire que celle-ci serait simplifiée. En 2018, on aura une ligne de plus et plusieurs de moins.
En cas de litige, si l'erreur provient de l'administration, quel sera le délai de réclamation ?
Quand une entreprise dépose son bilan, il y a un privilège du fisc pour que la dette à son endroit soit honorée en premier. Cela explique en bonne part la qualité du taux de recouvrement social.
Je félicite les ministres pour la qualité du travail réalisé sur un sujet aussi complexe. Mon interrogation porte sur la capacité à faire varier l'impôt sur le revenu en fonction de la situation, à la lumière des difficultés du régime social des indépendants (RSI) ou des caisses d'allocations familiales en cas de changement de situation des contribuables. Ces changements de situation des contribuables devront être pris en compte aisément. Quant aux emplois temporaires, il ne faudrait pas que les entreprises soient pénalisées pour y avoir recours.
Qui traitera les erreurs en cours d'année, si le taux transmis n'est pas le bon ? Qui remboursera le trop perçu ? L'employeur ou l'administration fiscale ? Le premier réflexe du salarié sera de se précipiter au service du personnel.
Le ministre du budget évoquait ses entretiens sur les dons aux oeuvres, avec des associations. Le président de la Fondation du patrimoine a fait part à son conseil d'administration, auquel j'appartiens, des inquiétudes du bureau sur les possibles évolutions en matière fiscale, dont le prélèvement à la source et l'annonce par certains de la disparition de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), dont l'impact serait considérable. Que ressort-il de vos entretiens ? Des dispositifs techniques sont-ils envisagés pour ne pas faire disparaître ce puissant déclencheur de générosité qu'est la réduction d'impôt ?
Merci de vos appréciations positives. Ce sujet, qui peut faire débat, est d'intérêt général. Notre objectif est d'offrir le meilleur à nos contribuables et nos entreprises. Il devrait nous rassembler.
Nous avons conscience que le nombre de cas compliqués est réduit, mais que leur complexité peut être très grande. Nous devons résoudre toutes les situations.
Philippe Adnot avance l'idée d'un taux unique d'impôt sur le revenu. Je n'y suis pas favorable, mais ce n'est pas le débat.
Michel Canevet souligne la nécessité d'une grande capacité d'adaptation en appelant à ne pas reproduire l'expérience du RSI. Je confirme. Nous ferons en sorte que, dès le départ, le système informatique puisse s'adapter à l'évolution des situations.
Prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu - Audition de MM. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, et Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget
L'un des soucis des syndicats d'employeurs était d'être déchargés de toute responsabilité. Cette préoccupation est parfaitement légitime. Si l'employeur prélève le taux transmis par l'administration fiscale, il ne sera responsable en rien. Il ne doit pas y avoir de relation entre le salarié et l'employeur sur ces questions. Le salarié doit s'adresser à l'administration fiscale.
Pour répondre à Vincent Eblé, j'ai récemment rencontré une connaissance de la Fondation du patrimoine, qui se félicite que le taux de la part des successions en déshérence ait été majoré pour la Fondation du patrimoine - cela a été publiquement confirmé hier en réponse à une question d'actualité à l'Assemblée nationale. Je suis prêt à recevoir la Fondation du patrimoine, comme j'ai reçu France générosités. Qu'elle prenne contact avec mon cabinet.
Je n'ai aucun commentaire sur l'ISF.
La réunion est ouverte à 16 h 40
Nous sommes passés très rapidement sur les conséquences budgétaires de la réforme pour l'année 2018. Les ministres nous ont dit qu'ils prendraient en compte les crédits d'impôt de 2017. Quelle sera l'incidence sur les finances publiques ? Il s'agit tout de même de plusieurs milliards d'euros.
Cela dépendra du traitement des différents types de crédit ou de réduction d'impôt. C'est en cours d'étude.
Merci, messieurs les ministres, de votre présence et de la qualité de vos réponses.
La réunion est levée à 18 h 10.