Mes chers collègues, nous allons délibérer d'une proposition de loi assez étrange visant à améliorer la trésorerie des associations. Toutefois, le titre en est incomplet et mieux vaudrait lire : « proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations au détriment de celle des communes ».
C'est ce que va nous expliquer notre rapporteur, laquelle déploiera tous ses efforts pour sauver ce texte.
La proposition de loi relative à l'amélioration de la trésorerie des associations, adoptée par l'Assemblée nationale le 26 mars dernier, est issue d'une proposition de loi de Mme Sarah El Haïry, nommée ensuite rapporteure de la commission des lois, et de plusieurs membres du groupe MoDem. Composée initialement de six articles, cette proposition de loi en compte désormais dix.
Nous sommes tous attachés au monde associatif et nous avons conscience de son rôle de plus en plus important dans la vie de nos communes. Simplifier la gestion des associations et alléger la tâche de ceux qui s'y consacrent est un objectif partagé.
Toutefois, l'examen de cette proposition de loi conduit à penser que plusieurs de ses dispositions font peser sur les collectivités territoriales des contraintes excessives et risquent de fragiliser le lien de confiance qui les lie aux associations.
Aujourd'hui, comme l'a souligné la représentante du Haut Conseil à la vie associative lors de son audition, « la commune est le premier partenaire » des quelque 1,5 million d'associations actives que compte notre pays.
La relation entre collectivités et associations a évolué au cours des dix dernières années. Les subventions aux associations ont parfois baissé et les dotations aux collectivités ont drastiquement diminué. Pour autant, collectivités et associations continuent de travailler ensemble, généralement en bonne intelligence.
Préserver l'équilibre entre associations et collectivités territoriales a été mon principal objectif au cours de l'examen de ce texte.
L'article 1er inscrit dans la loi l'obligation de prévoir, dans les conventions signées entre l'autorité administrative et les associations qui perçoivent une subvention, les conditions dans lesquelles l'organisme à but non lucratif peut conserver un « excédent raisonnable » sur les ressources non utilisées.
À l'origine, cette notion d'« excédent raisonnable », qui vient du droit européen, est une simple faculté. Elle s'inscrit dans le cadre très particulier du régime des subventions qui ne sont pas considérées comme des aides d'État par les instances de l'Union. Les collectivités peuvent donc déjà, en droit, laisser une part des subventions non consommées aux associations.
Les dispositions de l'article 1er vont au-delà : dans toutes les conventions liant une collectivité à une association - je vous rappelle qu'il s'agit d'une obligation pour les associations percevant plus de 23 000 euros - serait prévue la « possibilité », pour une association, de garder un excédent raisonnable dont il faudra discuter.
Cet article interfère avec la pratique des collectivités dans leurs relations avec les associations. Reconnaître un droit à la conservation de subventions publiques semble inadapté à la réalité des collectivités publiques.
De surcroît, comme le souligne à juste titre la rapporteure de l'Assemblée nationale, il n'est pas souhaitable, ni même sans doute possible, de définir ce qu'est un « excédent raisonnable ». II faudra donc que la collectivité s'engage dans une négociation avec chaque association pour déterminer ce que cette notion peut recouvrir.
Au total, cet article me semble imposer une contrainte supplémentaire aux collectivités dans leurs relations avec les associations, raison pour laquelle je vous proposerai de le supprimer.
L'article 1er bis, issu d'un amendement du Gouvernement en séance publique et d'un autre amendement identique du groupe LREM, sans quoi il aurait été frappé par l'article 40 de la Constitution, encadre les délais de versement des subventions aux associations.
À l'instar des délais de paiement applicables aux contrats de la commande publique, le délai de paiement pour l'État et ses établissements publics, ainsi que pour les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements, est fixé à 60 jours à compter de la notification de la décision d'attribution - c'est-à-dire dès lors que cette subvention est inscrite au budget de la collectivité concernée.
Ici encore, l'intention de préserver la trésorerie des associations est louable. Mais la réalité des collectivités territoriales n'est pas celle-là : aucune collectivité ne peut verser en une seule fois le montant total des subventions prévues à son budget. Les collectivités doivent avoir la possibilité, comme c'est le cas actuellement, de gérer dans le temps les subventions qu'elles versent, alors qu'elles-mêmes reçoivent leurs dotations de manière fragmentée et de plus en plus tardive. Inscrire dans la loi une obligation que les collectivités ne pourront pas honorer paraît mettre inutilement en cause leur responsabilité et celle de l'État. Je vous proposerai donc également de supprimer cet article.
L'article 2, dans sa forme actuelle, est issu d'une réécriture complète proposée en séance par le Gouvernement. Il s'agit de permettre aux associations ayant des liens d'adhésion communs à une union ou fédération d'associations de se consentir des prêts de trésorerie pour une durée inférieure à deux ans à 0 %.
On peut s'interroger sur la portée pratique de ce texte. Le rôle de parapluie donné aux unions et fédérations d'associations pour des prêts entre leurs associations membres ne paraît pas forcément adéquat. Par ailleurs, comment vont s'organiser les relations entre associations prêteuses et emprunteuses en cas de défaut de remboursement ?
Je m'interroge enfin sur l'inscription de la mention d'un « taux zéro » dans le code monétaire et financier, seule mention de ce type à ma connaissance. Pour autant, cet article pouvant permettre de répondre à des difficultés de trésorerie d'associations, je vous proposerai de l'adopter sans modification.
L'article 3 facilite le transfert des dépôts et avoirs des comptes inactifs des associations vers le Fonds pour le développement de la vie associative, le FDVA.
En séance publique, l'Assemblée nationale a transformé la rédaction initiale du texte en se bornant à préciser les informations données par les banques lorsqu'elles transmettent à la Caisse des dépôts et consignation les fonds des comptes en déshérence et en demandant mention dans le rapport annuel de la Caisse. Cet article pourrait être adopté sans modification.
L'article 3 bis, issu d'un amendement du Gouvernement et d'un autre amendement identique de la rapporteure de l'Assemblée nationale, autorise la participation des parlementaires aux collèges départementaux de la commission régionale du FDVA.
Cette mesure est justifiée par le fait que le FDVA bénéficie d'une dotation qui relevait auparavant de la réserve parlementaire. Il s'agit de donner aux députés et aux sénateurs un droit de suivi sur ces sommes. Toutefois, je m'interroge sur la cohérence de cette disposition avec la suppression de la réserve parlementaire. Je vous proposerai donc la suppression de cet article.
L'article 4 inscrit dans la loi la possibilité de confier à des associations d'intérêt général ou à des associations et fondations reconnues d'utilité publique la gestion d'immeubles saisis lors de procédures pénales. Je vous proposerai de compléter cette disposition pour inclure les foncières intervenant dans le domaine du logement social dans le champ des associations susceptibles de se voir confier la gestion d'immeubles.
L'article 4 bis, issu de deux amendements identiques déposés en séance par un certain nombre de députés, exclut du droit de préemption les aliénations à titre gratuit au profit des organisations non lucratives.
Cette disposition constitue une restriction du droit de préemption des collectivités. Si une collectivité décide d'user de son droit de préemption, lequel est extrêmement encadré, pour acquérir un bien dans le cadre, par exemple, d'un projet public, il ne me paraît pas illégitime qu'elle ait priorité sur une association, sur une fondation ou sur une congrégation. Je vous proposerai donc de supprimer cet article.
L'article 5 est une demande de rapport sur la fiscalité des dons et legs et les moyens de développer et promouvoir la philanthropie. L'Assemblée nationale travaille déjà sur cette question.
L'article 5 bis, issu d'un amendement présenté par les députés du groupe LREM et adopté en séance publique, particulièrement technique, harmonise un certain nombre de dispositifs. Cette disposition n'appelle pas de remarques particulières.
L'article 5 ter, également très technique, ne pose pas non plus de problème particulier.
En conclusion, plusieurs des mesures proposées dans ce texte peuvent être utiles aux associations. D'autres, par contre, ne me semblent pas judicieuses. En effet, malgré l'importance et l'engagement des associations dans la vie de notre pays, la loi ne saurait les placer au même niveau que les collectivités territoriales dans le lien qui les unit.
Tous les élus locaux savent que les associations jouent un rôle essentiel dans la vie publique locale, voire nationale quand elles en ont la dimension. Mais tous les élus locaux savent aussi que le paysage associatif est extrêmement divers. Et pourtant, dès lors qu'elles prétendent à des subsides publics, directs ou indirects, elles se doivent de justifier de la bonne utilisation de ces fonds. Or la question du contrôle de cette bonne utilisation est un vieux serpent de mer...
De nombreux outils sont déjà à la disponibilité des élus : seuil de 23 000 euros à partir duquel il faut conclure une convention, dépôt en préfecture des comptes - même si les préfets tardent parfois à exiger l'application de cette disposition... Les communes ont aujourd'hui les moyens de réaliser des contrôles. Pour autant, nous devons nous efforcer de leur laisser la liberté de les réaliser ou non. Il me semble donc que cette proposition de loi vient alourdir inutilement les choses.
Nous connaissons tous des associations ayant constitué de sacrés matelas au fil du temps. Toutefois, ces matelas peuvent parfois se justifier. Et seuls les élus peuvent en justifier l'existence. La notion d'excédent raisonnable, indéfinie et labile, me semble dangereuse.
Le FDVA, créé à la va-vite à la suite de la suppression de la réserve parlementaire, ne fonctionne pas très bien. Les élus nationaux n'ont souvent qu'un rôle d'ornementation et ne disposent pas des moyens nécessaires pour flécher les crédits qu'ils votent. On n'a pas encore su trouver le dispositif idoine pour combler le vide laissé par la suppression de la réserve, erreur originelle
La suppression de la réserve a été une énorme bêtise. Avec cinq parlementaires, l'Aveyron disposait de 750 000 euros au titre de la réserve parlementaire ; aujourd'hui, les fonds attribués par le FDVA ne s'élèvent qu'à 160 000 euros.
Nous devons expliquer aux associations qui se retournent vers nous qu'elles ne seront pas servies, loin s'en faut. Sans doute faudrait-il, lors de l'examen du prochain projet de loi de finances, songer à réinstaurer la réserve parlementaire...
Par ailleurs, le droit de préemption ne doit être l'apanage que de l'État et des communes. Diverses missions d'information s'intéressent à la façon dont les communes pourraient retrouver de l'efficacité et de l'autorité administrative. À cet égard, le droit des associations ne saurait donc concurrencer celui des communes.
Un ancien Président de la République disait qu'il fallait arrêter d'emmerder les Français. Là aussi, laissons un peu de liberté dans la relation unissant communes et associations. Certains excédents peuvent très bien se justifier. Pourquoi irions-nous légiférer sur cette question ? Les maires sont les plus aptes à contrôler l'action du monde associatif. Nous avons la chance de compter des dizaines de milliers d'associations avec des gens qui se dévouent tous les jours pour faire vivre les territoires : laissons-les tranquilles !
Nous avons d'autant plus de mal à expliquer la disparition de la réserve parlementaire que les conseillers départementaux continuent de disposer d'enveloppes qu'ils distribuent aux associations.
Je suis favorable au maintien d'un droit de regard sur les fonds distribués aux associations pour montrer que nous sommes bien là. Même si on ne peut s'opposer à une décision, le fait de l'avoir entendue, de montrer que l'on est au fait de la situation, me semble important.
Comme l'a souligné Alain Marc, l'excédent de trésorerie des associations - assez courant dans les associations d'anciens combattants, extrêmement attentifs à la garde de leur petite cagnotte - peut très bien se justifier. De surcroît, les élus locaux peuvent le faire remarquer lors des assemblées générales et inciter les associations à se montrer moins prudentes. De même, il ne faut pas non plus les tenter pour les amener à tout dépenser. C'est parfois tout l'un ou tout l'autre.
Les quatre amendements de suppression de Mme la rapporteure nous sont parvenus très tard, hier soir. Si nous voulons travailler dans de bonnes conditions, surtout sur des amendements visant à modifier profondément la structure du texte, il faudrait que nous puissions les examiner un peu plus en amont...
Cela étant dit, le monde associatif concourt bien souvent à une mission d'intérêt général sur nos territoires, pour ne pas dire parfois à une mission de service public par délégation.
Vouloir améliorer, structurer, encadrer les relations entre les collectivités territoriales et le secteur associatif me semble une bonne chose. La loi de 1901 n'a pas tout réglé à l'époque. La France compte aujourd'hui 1,3 million d'associations et 16 millions de bénévoles. Si nous devions intégrer le bénévolat dans le PIB de notre pays, nous aurions de grosses surprises.
Ce texte, dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, me semblait un compromis acceptable, souhaité par le Haut Conseil à la vie associative. Ce dernier avait négocié avec M. Gabriel Attal 59 propositions, devenues dans ce texte une petite souris au bout de la montagne. Or, avec ces amendements de suppression, on ne voit plus de la souris qu'une ou deux pattes...
Nous serons donc très réservés sur les amendements de suppression. La rédaction initiale de ce texte constituait déjà un minimum au regard des attentes du monde associatif.
Enfin, nous serons tous d'accord pour dire que la suppression de la réserve parlementaire est non seulement injuste au regard de la suspicion jetée sur les élus, mais qu'elle constitue aussi un manque à gagner exceptionnellement lourd pour le secteur associatif, déjà pénalisé par la baisse drastique des contrats aidés.
Tout cela cumulé aux amendements de suppression, nous n'emporterons avec ce texte qu'un succès d'estime auprès de nos partenaires que sont les associations et qui font aussi vivre la démocratie au plan local.
La démocratie, mon cher collègue, repose aussi, accessoirement, sur le suffrage universel, même si les associations peuvent concourir au développement d'un esprit de citoyenneté participant du bon fonctionnement des collectivités élues par nos concitoyens.
Je rejoindrai M. Marc sur le principe fondamental de la liberté des associations.
Toutefois, ces dernières ont aussi besoin de visibilité et de trésorerie, notamment celles qui embauchent. Le paiement rapide des subventions octroyées par les collectivités territoriales constitue une avancée majeure pour les associations qui rencontrent de grosses difficultés de trésorerie. Et ce d'autant plus que l'attribution de subventions se fait souvent sous la forme d'appels à projet, ce qui demande beaucoup d'énergie aux bénévoles, au détriment de l'action envers les publics.
Il faut simplifier les procédures applicables aux associations et les laisser gérer librement leur trésorerie. En tant que présidente des Missions locales en Normandie et présidente de la mission locale de la région havraise, j'ai eu un échange assez vif avec le Gouvernement, qui souhaitait ponctionner la trésorerie des associations et s'impliquer dans leur gestion interne. Nous considérons au contraire que chacune d'entre elles est libre de définir sa propre stratégie en matière de trésorerie. Nous devons leur garantir cette liberté et cette autonomie.
Seuls 15 % des associations emploient des salariés. En outre, toutes les associations ayant des liens avec les collectivités locales négocient le versement au plus tôt d'une partie suffisante de leurs subventions pour pouvoir fonctionner. De même, les banques sont attentives à la gestion des associations et savent très bien que les dotations finiront par arriver. Aucune collectivité ne s'autoriserait à mettre en péril une association en retardant des paiements. Ces derniers sont fractionnés dans l'année, et cela fonctionne.
Imposer aux collectivités locales de verser dans les 60 jours toutes les dotations est impossible : aucune collectivité ne pourra le faire.
Enfin, je voudrais présenter mes excuses à M. Kanner. J'ai été chargée de ce rapport quelque peu tardivement. J'ai réalisé des auditions jusqu'à hier matin et n'ai fini de travailler qu'à 22 heures, hier soir...
Le lien entre collectivités locales et associations existe bel et bien. Nous n'avons pas besoin d'inscrire dans la loi des dispositions aussi contraignantes pour les collectivités et qui n'apporteront pas grand-chose de plus aux associations.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'amendement COM-10 tend à supprimer l'article 1er qui permet de définir les conditions dans lesquelles une association peut conserver un excédent raisonnable. De surcroît, l'emploi du verbe « pouvoir » est bien peu normatif...
Octroyer à une association la faculté de conserver un excédent raisonnable reviendrait en outre à postuler qu'on pourrait l'interdire, ce qui me paraît rigoureusement antinomique avec le principe de la liberté associative.
Cette disposition revient à appliquer au secteur associatif des règles posées pour le secteur concurrentiel. Il s'agit d'un autre univers, absolument pas transposable au secteur associatif.
L'amendement COM-10 est adopté.
Article 1er bis
L'amendement COM-11 vise à supprimer l'article 1er bis qui instaure l'obligation, pour les collectivités territoriales, de verser la subvention d'une association dans les 60 jours suivant la notification de la décision, c'est-à-dire suivant l'inscription au budget.
Les liens étroits des associations avec leurs financeurs leur permettent de gérer dans le temps les dotations dont elles ont besoin pour fonctionner.
Ce lien privilégié porte aussi le nom de loi Dailly et suppose des frais bancaires. La trésorerie manquante se traduit par des frais bancaires pour le secteur associatif, ne nous racontons pas d'histoires.
Il me semble que cet article n'est qu'un coup d'épée dans l'eau : si la trésorerie d'une collectivité ne lui permet pas de payer en début d'année ou si la collectivité ne veut simplement pas payer en début d'année, il lui suffit d'attribuer la subvention en fin d'année. Le point de départ du délai de 60 jours est donc complètement maîtrisé par la collectivité.
À moins que le budget n'individualise la subvention, ce que font assez rarement les communes, sauf pour les très grosses subventions.
Cet article vient inutilement troubler les relations d'équilibre prévalant entre associations et collectivités, dans la mesure où ces dernières gardent toujours une totale maîtrise.
Il peut arriver que des documents tels que les comptes de résultat, les bilans ou les comptes prévisionnels ne soient pas complets ou n'arrivent pas à temps, ce qui retarde le versement d'une subvention. Laissons les collectivités apprécier librement.
Le problème est que les délibérations sont prises très tardivement, souvent en milieu d'année, et que les paiements sont encore plus tardifs. Les associations ne reçoivent donc leur subvention qu'une fois écoulés les trois quarts de l'année, ce qui complique leur gestion et les oblige à recourir à des cessions Dailly, comme l'a souligné M. Kanner.
Toutefois, cet article ne tient pas compte des difficultés de certaines associations pour fournir les éléments nécessaires au paiement des subventions. La responsabilité du retard n'incombe pas forcément à la collectivité. Je tenais à émettre ce bémol.
Enfin, ce n'est pas tant la collectivité, mais plutôt la trésorerie qui est souvent lente à verser les subventions...
L'adoption de cet article reviendrait à modifier complètement les relations entre un donneur d'ordre, la commune, et un demandeur, une association.
Il ne s'agit pas d'une entreprise qui doit payer son sous-traitant dans un délai défini.
Si une collectivité délibère souverainement en faveur du versement d'une subvention, c'est qu'elle estime que l'association concernée concourt à une mission d'intérêt général sur son territoire.
La notification n'est prononcée qu'une fois le dossier complet. Il me semble qu'un délai de 60 jours n'est pas insupportable.
À chaque fois que l'on répartit une enveloppe aux associations sportives, on le fait sous réserve de la communication du bilan ou de l'avancement des discussions sur une convention d'objectifs, par exemple, et ce avant même la délibération.
On peut avoir des difficultés avec certaines associations et même ne plus vouloir verser de subvention. En inscrivant un délai de paiement, les collectivités se retrouveraient coincées. Je suis assez hostile à ce qu'on entrave encore la liberté de discussion des communes. Par ailleurs, une délibération prise dans les règles a déjà force obligatoire.
Cette discussion me semble très étonnante : la décision de notification de la délibération n'est prise qu'une fois l'ensemble du dossier constitué. Il est vrai que les membres bénévoles des associations ne sont pas toujours entourés d'experts ou de techniciens pour les aider à constituer un dossier de la meilleure manière. Toutefois, une fois la notification effectuée, le délai de 60 jours me paraît raisonnable.
Il s'agit de soutenir les associations, dont la trésorerie est souvent très tendue. Le retard de versement de la subvention ne pose aucun problème à la collectivité, il en va autrement pour les associations, particulièrement pénalisées quand elles sont elles-mêmes employeurs.
Il peut arriver qu'une association remplisse toutes les conditions formelles pour obtenir une subvention, mais qu'elle ne remplisse pas la mission pour laquelle elle a déposé un dossier. La collectivité doit garder la liberté d'apprécier si l'association remplit bien sa mission et d'en discuter avec elle.
Il me semble que cette condition supplémentaire risque de rompre l'équilibre recherché.
Aucune collectivité ne pourra verser l'intégralité, en une seule fois, des subventions inscrites à son budget pour toutes les associations concernées.
Les collectivités ont également des problèmes de trésorerie. Les dotations dont elles bénéficient sont de plus en plus fractionnées et arrivent de plus en plus tardivement. Elles échelonnent donc le versement des subventions dans le temps, en accord avec les associations qui doivent aussi, le cas échéant, payer leur personnel ou honorer leurs charges. Les choses se passent très bien ainsi.
Enfin, certaines collectivités n'ont tout simplement pas les moyens de payer : j'attends parfois un an et demi les versements que me doit un département voisin du mien pour un organisme que je préside.
L'équilibre trouvé aujourd'hui repose sur une pratique et un respect mutuel. Il n'est pas nécessaire d'inscrire cette disposition dans la loi pour gérer le lien financier existant entre les collectivités locales et les associations. Aucun élu n'aurait envie de mettre en péril une association dont on sait qu'elle a une utilité publique locale.
Dans beaucoup de marchés publics, les paiements sont fractionnés.
De même, le versement de la subvention est échelonné dans le temps et non versé en seule fois, pour toute l'année.
L'amendement COM-11 est adopté.
Article 3 bis
L'amendement COM-12 vise à supprimer cet article qui prévoit la présence de députés et de sénateurs dans chaque collège départemental consultatif des commissions régionales du FDVA.
Je ne comprends pas bien quelle place occuperaient les parlementaires dans ces collèges. Je ne pense pas qu'ils aient leur mot à dire sur la répartition de fonds qui ont extrêmement diminué par rapport à ceux de la réserve parlementaire.
Est-il vraiment intéressant pour nous de siéger dans un organisme purement consultatif au sein duquel nous n'aurons rien à dire ?
Je ne comprendrais pas, mes chers collègues, quelle que soit votre appartenance politique, que vous votiez cet amendement.
La réserve parlementaire a été supprimée pour de très mauvaises raisons. On nous a expliqué que c'était de la corruption. Pour ma part, je répondais à toutes les demandes, dans la mesure où je disposais encore de crédits, sans a priori d'aucune sorte. Il s'agissait d'aider toutes les mairies. Je pense même qu'avoir des a priori aurait été mal vu.
De semaine en semaine, dans les communes de mon département, j'entends dire que cette suppression est incompréhensible. Ces sommes étaient souvent utiles pour boucler des budgets, pour aider des petites communes, rurales ou urbaines. On nous a fait un mauvais procès.
La suppression de la réserve parlementaire s'est accompagnée de la création d'une aide aux associations. Las, le montant qui leur est alloué ne représente que le cinquième de la réserve parlementaire, comme l'a souligné M. Marc.
Avec Hugues Saury, nous avons demandé à notre préfet de nous expliquer comment cette somme était répartie. Nous n'avons eu aucune réponse. Il n'est pas du tout simple de répartir ces subventions entre les associations, souvent très nombreuses. Je me gardais bien de répondre aux demandes des associations dans le cadre de la réserve parlementaire, car si j'avais aidé ici la musique, là le sport et ailleurs tel ou tel loisir, je ne m'en serais plus sorti. Les investissements des collectivités locales me paraissaient plus clairs.
Toujours est-il que ce nouveau dispositif est d'une obscurité totale. On ne sait rien.
Je m'insurge contre le discours selon lequel l'attribution de subventions par des élus relèverait du favoritisme. C'est absurde. En quoi la décision d'un préfet d'accorder une grosse DETR, à la demande de Mme la ministre, élue du département concerné, serait-elle moins contestable ?
Cet article permet aux parlementaires d'être présents dans la gestion du FDVA, de demander quels sont les critères et de veiller à leur application. Je ne vois pas pourquoi nous refuserions de siéger dans cette instance, alors que l'Assemblée nationale nous le propose.
Je souhaite également maintenir la présence des parlementaires dans ces collèges. Les absents ont toujours tort.
Certes, madame la rapporteure, nous ne pourrons intervenir, mais au moins serons-nous informés, capables de critiquer et aussi de faire savoir. Nous pourrons également profiter de ces réunions pour rappeler que la réserve parlementaire était plus intéressante pour tout le monde...
La réserve parlementaire n'était pas utilisée de la même manière selon que l'on était député ou sénateur.
Les députés accordaient beaucoup plus facilement des subventions aux associations, ce que j'ai continué de faire quand je suis devenu sénateur, sans faire aucune distinction politique.
Les fonds du FDVA pour l'Aveyron représentent 160 000 euros, c'est-à-dire rien du tout. À titre personnel, je n'ai pas trop envie de servir de caution en me rendant à une réunion de chambre d'enregistrement. Nous devrions tous nous unir, lors de l'examen du prochain projet de loi de finances, pour réclamer le retour de la réserve parlementaire.
Nous siégeons à la commission de la DETR qui rend aussi un avis. Quelques évolutions ont pu être apportées. La commission s'exprime d'abord sur les critères d'attribution. L'administration préfectorale présente ensuite ses propositions, mais pas les refus. Dans le Bas-Rhin, avec M. Kennel, nous nous sommes plaints et avons demandé communication des demandes qui n'ont pas été retenues par l'administration.
En l'espèce, siéger dans ces collèges, même s'ils ne rendent qu'un avis consultatif, est une façon d'assurer le contrôle de l'action gouvernementale. Je rejoins donc Brigitte Lherbier et Jean-Pierre Sueur : on reproche aux députés de ne pas être suffisamment présents sur le terrain et nous, sénateurs, refuserions de contrôler localement ce que fait l'État ? Je m'étonne un peu de votre proposition de suppression, madame la rapporteure, tout le saluant la qualité de votre travail d'ensemble sur ce texte.
En vertu du parallélisme des formes, il me semblerait logique que les parlementaires, qui votent des crédits d'État, puissent s'assurer de la bonne utilisation de ses fonds par le FDVA.
Nous siégeons en commission de DETR et les choses se mettent en place peu ou prou. Comme l'a souligné M. Bigot, les préfets ne présentaient pas les refus, alors qu'il s'agit d'un élément important pour apprécier la bonne utilisation des fonds et la nature des demandes formulées.
Le secteur associatif local n'a jamais autant souffert qu'après la baisse des dotations de 11 milliards d'euros entre 2014 et 2017 : beaucoup de collectivités ont en effet dû reporter ces baisses sur l'aide qu'elles apportaient aux associations. La suppression de la réserve parlementaire, à l'été 2017, n'a rien arrangé.
Aujourd'hui, le préfet joue un rôle primordial dans le fléchage et l'attribution des subventions d'État, alors que les parlementaires, qui votent les crédits de l'État, sont absents de ces discussions. D'un département à l'autre, selon la pratique du préfet, on trouve des situations très différentes. Je préfèrerais que les parlementaires soient en bout de chaîne pour s'assurer du bon fonctionnement de ces dispositifs.
Cet échange m'a paru très intéressant. J'ai entendu vos arguments et je vais retirer mon amendement.
L'amendement COM-12 est retiré.
Avis défavorable à l'amendement COM-6
L'amendement COM-6 n'est pas adopté.
Avis également défavorable à l'amendement COM-5.
L'amendement COM-5 n'est pas adopté.
Article 4
L'amendement COM-13 tend à prévoir la possibilité, pour les associations qui concourent aux objectifs de la politique d'aide au logement, de se voir confier la gestion des biens confisqués.
L'amendement COM-13 est adopté
Article 4 bis
L'amendement COM-14 vise à supprimer l'article 4 bis qui prévoit une restriction du droit de préemption des collectivités, déjà très encadré. Le tribunal administratif casserait toute décision de préemption abusive.
Pourquoi une collectivité ne pourrait-elle préempter tous les biens, y compris les dons aux associations qui se trouveraient, par exemple, dans un périmètre d'aménagement ou qui pourraient intégrer son parc de logement social ?
L'amendement COM-14 est adopté.
Article 5
Avis défavorable à l'amendement COM-9.
L'amendement COM-9 n'est pas adopté.
Article additionnel après l'article 6 (supprimé)
Il s'agit d'aligner les obligations financières des associations cultuelles, quel que soit leur statut, loi de 1901 ou loi de 1905...
Pourquoi une telle disposition ?
Cette disposition permet d'aligner toutes les associations cultuelles sur le même régime.
Cet amendement reprend une préconisation du rapport de nos collègues Nathalie Goulet et André Reichardt sur l'Islam de France.
Il s'agit d'un sujet très sensible.
En 1905, le culte principal de l'époque a recouru davantage au régime de la loi de 1901, beaucoup plus souple. L'alignement des obligations financières des associations cultuelles, quel que soit leur statut, me surprend un peu dans la mesure où la loi de 1901 ne crée pas d'association cultuelle.
Il s'agit tout de même de modifier la loi de décembre 1905 concernant la séparation des églises et de l'État.
Je préférerais effectivement que l'on n'incorpore pas cette disposition au texte de la commission pour se livrer à un examen plus approfondi de cette question.
Je vois bien votre réserve sur le sujet, monsieur le président.
Nous avons déjà longuement abordé cette question lors de l'examen de la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté. Il s'agit de faire en sorte qu'une association cultuelle, comme toute autre association, puisse rendre des comptes aux partenaires publics.
Nous défendrons l'amendement de Mme Goulet. Notre pays s'honorerait de vérifier l'utilisation des fonds publics de certaines associations à caractère cultuel. Il ne s'agit pas de suspicion, mais d'un souci de transparence.
Croyez bien, monsieur le président Kanner, que je partage l'objectif poursuivi par l'auteur de cet amendement. Je redoute seulement que cette disposition, en raison de son étendue, ne vise des situations très différentes de celles que vous voulez contrôler et corriger.
Je rejoins votre souci de prudence, monsieur le président.
Je ne pense pas que nous puissions nous prononcer sur une telle disposition sans avoir conduit une concertation avec l'ensemble des cultes. Il faut également vérifier si cette disposition est susceptible d'avoir des effets non attendus sur le reste du secteur associatif.
Depuis un peu plus d'un siècle, des associations cultuelles ont préféré recourir au statut de la loi de 1901. Toute mesure de contrainte qui viserait à faire peser des conditions légales supplémentaires sur ces associations risquerait d'induire un tri entre ces mêmes associations et de toucher au droit d'association dont je rappelle qu'il est à l'origine du pouvoir de contrôle législatif du Conseil constitutionnel.
Cet amendement reprend une des préconisations du rapport que nous avions rédigé, Nathalie Goulet et moi-même, dans le cadre de la mission commune d'information sur l'Islam de France.
Cette disposition vise à empêcher certaines associations d'utiliser le vecteur de la loi de 1901 pour échapper aux obligations de la loi de 1905. Il s'agit d'aligner les obligations financières des associations cultuelles, quel que soit leur statut, loi de 1901 ou loi de 1905, lorsque l'objet de l'association concernée est bien de participer à l'entretien ou à l'exercice public d'un culte.
Cet amendement ne fait pas l'unanimité au sein de tous les cultes. Toutefois, dans un souci de transparence et afin d'éviter les manoeuvres visant à empêcher l'application de la loi de 1905, je suis tout à fait favorable à son adoption.
Cela fait maintenant 114 ans que, par exemple, l'Église catholique utilise le régime général de la loi de 1901 pour organiser la gestion de ses biens dans de nombreux diocèses.
L'adoption de cet amendement remettrait en cause une pratique « pacifiante » de la relation entre les églises et l'État. Si l'on veut que la laïcité nous permette toujours de faire coexister des gens dont les oppositions seraient irréductibles autrement, il faut être très prudent. Je ne dis pas qu'il ne faudra pas évoluer face aux nouveaux enjeux, mais je ne suis pas sûr que remettre en cause un équilibre plus que séculaire soit la meilleure solution.
Je suis sensible aux propos de M. Richard en vertu d'une conception de la loi de 1901 et de la laïcité que nous devons continuer de prendre en compte.
Il ne faut toucher aux lois de 1901 et de 1905 que d'une main tremblante. Prenons garde de ne pas jeter un caillou dans le lac de la loi de 1905 qui risquerait de ricocher ailleurs.
Je peux comprendre les objectifs poursuivis. Dans mon département, j'ai été confronté au détournement de la loi de 1901 par certaines associations cultuelles pour échapper aux dispositions de la loi de 1905. Pour autant, ce texte ne me semble pas être le bon vecteur pour discuter de cette question et remettre en cause des équilibres très fragiles. Ce sujet mériterait sans doute une mission spécifique.
L'amendement COM-1 est retiré.
Avis défavorable à l'amendement COM-2, disproportionné.
L'amendement COM-2 n'est pas adopté.
Rien ne justifie de modifier l'intitulé du texte : avis défavorable à l'amendement COM-3.
L'amendement COM-3 n'est pas adopté.
L'amendement COM-4 méconnaît l'article 40 de la Constitution.
L'amendement COM-7 relève plutôt d'une loi de finances : avis défavorable.
L'amendement COM-7 n'est pas adopté.
Avis défavorable à l'amendement COM-8.
L'amendement COM-8 n'est pas adopté.
Je suis las de ces propositions de loi feuilles de vigne, celles que Jacqueline Gourault appelle, d'un mot immortel, « du sur-mesure »... Depuis dix ou quinze ans, nous multiplions les mesures fiscales ou les suppressions de subventions - je pense à la réserve parlementaire ou aux subventions de divers ministères ou organismes spécifiques comme les caisses d'allocations familiales - et on légifère pour faire joli !
Je partage la plupart des objections faites à certains amendements. Nous risquons de remettre en cause des équilibres sans doute peu commodes par certains aspects mais qui permettent aux choses de fonctionner, et sans doute mieux que dans d'autres pays. Nous avons fait de même avec notre organisation territoriale, en mettant par terre un système qui a plus de deux cents ans, pour inventer à la place un système inextricable que l'on passe notre temps à ravauder. Je ne voterai pas ce texte, car j'en ai assez que nous passions notre temps sur ces questions, au détriment de problèmes beaucoup plus importants.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Notre commission ayant déjà débattu de ce sujet il y a quelques mois, je vous proposerai de ne pas prolonger nos échanges outre-mesure.
Je rappelle en effet qu'en mars 2019, le Sénat a adopté une proposition de loi du groupe socialiste relative à l'interdiction des violences éducatives ordinaires - double oxymore -, dans la rédaction que j'avais proposée en commission. Peu de temps auparavant, l'Assemblée nationale avait délibéré sur une proposition de loi du groupe MoDem, déposée par Mme Maud Petit, proposition réécrite en commission et en séance avant d'être adoptée. C'est celle-ci que nous examinons aujourd'hui. Comme la rédaction que je vous avais proposé d'adopter est identique à celle de l'Assemblée nationale, je ne crois pas utile d'y revenir aujourd'hui.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale comporte cependant deux articles qui ne figurent pas dans celui adopté par le Sénat : le premier crée une obligation de formation des assistantes maternelles à la prévention des violences éducatives ordinaires, formation déjà largement prévue par la règlementation en vigueur comme le secrétaire d'État Adrien Taquet nous l'avait expliqué en séance ; le second prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les politiques de soutien à la parentalité et de formation des professionnels de l'enfance. Compte tenu de la portée limitée de ces deux dispositions, rien ne justifie, à mon sens, de ne pas adopter ce texte conforme.
Nos collègues pourront se rafraîchir la mémoire en se reportant au compte rendu de l'excellent exposé que vous nous aviez présenté lors de notre précédente discussion sur ce sujet.
La proposition de loi est adoptée sans modification.
Nous examinons à présent, en deuxième lecture, le rapport de M. André Reichardt sur la proposition de loi relative à la simplification, la clarification et l'actualisation du droit des sociétés.
Cette proposition de loi a connu un parcours parlementaire pour le moins atypique. Ce texte a été présenté en août 2014, il y a bientôt cinq ans, par notre collègue Thani Mohamed Soilihi, dans le prolongement des travaux qu'il avait conduits en tant que rapporteur de la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier la vie des entreprises. Il s'inscrivait dans le processus engagé par les gouvernements successifs pour simplifier l'environnement juridique des entreprises et améliorer ainsi la compétitivité de l'économie française.
Malheureusement, l'encombrement du calendrier parlementaire a longtemps empêché l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour. Près de deux ans après, notre commission décida de s'en saisir sans plus tarder et d'établir son texte en vue de l'examen en séance. Ce fut chose faite le 1er juin 2016. Mais il fallut attendre encore près de deux ans pour que le texte soit inscrit à l'ordre du jour de la séance publique du Sénat, dans un espace réservé au groupe La République en Marche, le 8 mars 2018.
Adoptée par le Sénat le même jour et transmise à l'Assemblée nationale, la proposition de loi a été examinée par nos collègues députés en commission des lois le 20 mars 2019, puis adoptée en séance publique, avec modifications, le 27 mars dernier.
Depuis son dépôt, il y a près de cinq ans, ce texte a connu des évolutions notables. De nombreuses dispositions qui y étaient initialement contenues ont été reprises, à l'identique ou non, et souvent à l'initiative du Sénat, dans divers véhicules législatifs intervenus depuis : la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi Macron ; la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2 ; les ordonnances prises pour leur application ; la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte ; ou encore les lois de finances annuelles. Certaines mesures prévues par la proposition de loi ont donc dû être, soit supprimées, soit actualisées et approfondies.
À l'inverse, de nouvelles dispositions ont été introduites, à chaque étape de la navette parlementaire, pour tenir compte des besoins exprimés par les professionnels ou apporter des améliorations à des dispositions adoptées dans d'autres textes. Car nous légiférons souvent trop vite, et les choses sont souvent pires lorsque le Gouvernement légifère par ordonnances. Le résultat, c'est qu'il faut bien souvent corriger des dispositions entrées en vigueur quelques mois plus tôt...
Au point où est parvenu l'examen de ce texte, trente articles restent en discussion. Les modifications apportées par nos collègues députés sont le plus souvent légères et bienvenues. Il subsiste malgré tout quelques divergences de fond. Je vous rappellerai rapidement les dispositions contenues dans ce texte, en vous indiquant les points d'accord et de désaccord entre les deux assemblées.
La proposition de loi est constituée de cinq chapitres. Le chapitre Ier, qui comporte diverses mesures de simplification relatives au fonds de commerce, ne comprend plus aucun article en discussion. Nos collègues députés ont en effet accepté la suppression des mentions légales obligatoires à porter sur l'acte de cession d'un fonds de commerce, et la levée de l'obligation d'exploiter un fonds de commerce pendant au moins deux ans avant de le concéder en location-gérance. Les autres dispositions de ce chapitre sont désormais satisfaites par le droit en vigueur.
Le chapitre II concerne les sociétés civiles et commerciales. La section 1 comprend des dispositions relatives à toutes les sociétés. L'Assemblée nationale a adopté l'article 6 qui clarifie les droits respectifs du nu propriétaire et de l'usufruitier en cas de démembrement de parts sociales, moyennant une modification rédactionnelle. Elle a aussi adopté conforme l'article 9 qui tend à créer une procédure de régularisation de la prorogation d'une société en cas d'omission des formalités obligatoires. À l'inverse, les députés ont supprimé l'article 8, qui visait à modifier le point de départ du délai d'opposition d'un créancier à la dissolution d'une société dont toutes les parts sont réunies en une seule main. Pour le dire rapidement, les députés ont estimé préférable que ce délai continue de courir à compter de la publication de la dissolution de la société dans un journal d'annonces légales, plutôt que de choisir pour référence la date de publication au Bodacc, car cela aurait rendu les entreprises dépendantes des diligences du greffe. C'est un argument qui me paraît recevable.
La section 1 bis concerne les sociétés civiles. L'Assemblée nationale a adopté conformes les articles 10, relatif à la convocation des associés en cas de vacance du gérant, et 10 bis, relatif aux formalités de publication de la cession de parts. Elle a modifié l'article 10 bis A, qui tend à créer un régime simplifié de fusion de sociétés civiles, pour tenir compte de l'inexistence de sociétés civiles unipersonnelles.
La section 2, relative aux sociétés commerciales, est la plus longue et la plus importante de ce chapitre. Elle concerne toutes les catégories de sociétés commerciales. S'agissant des sociétés à responsabilité limitée (SARL), les députés ont accepté la création d'une sanction de nullité facultative des décisions prises irrégulièrement par l'assemblée des associés. En revanche, ils ont souhaité que la simplification des modalités remplacement du gérant d'une SARL placé en tutelle ne s'applique pas au gérant placé en curatelle. C'est un compromis que nous pouvons accepter, car à la différence de la tutelle, la curatelle n'est pas un régime de représentation du majeur protégé mais un régime d'assistance. Le Gouvernement est d'ailleurs très attaché au développement de mesures de protection qui laissent, dans toute la mesure du possible, sa capacité juridique au majeur protégé.
J'en viens aux sociétés anonymes. L'Assemblée nationale a adopté, dans une rédaction identique ou proche de celle du Sénat, les dispositions visant à faciliter l'octroi de garanties par une société mère à l'une de ses filiales ; la faculté de ne pas réunir le conseil d'administration ou de surveillance pour des décisions de faible importance mais de procéder par consultation écrite de ses membres ; l'exclusion des abstentions, mais aussi des votes blancs ou nuls et des voix des actionnaires n'ayant pas pris part au vote du décompte des voix exprimées à l'assemblée générale ; la faculté donnée au conseil d'administration ou de surveillance de déléguer à l'un de ses membres, au directeur général ou à l'un de ses adjoints le soin de répondre aux questions écrites d'actionnaires ; le remplacement de la nullité impérative des délibérations d'assemblée générale non inscrites à l'ordre du jour par une nullité facultative. Elle a également accepté la suppression de l'obligation triennale de soumettre à l'assemblée générale une augmentation de capital réservée aux salariés : c'est une mesure de simplification particulièrement bienvenue, car cette obligation est purement formelle et s'est révélé totalement inefficace pour renforcer l'actionnariat salarié. De même, l'Assemblée nationale a adopté la simplification des modalités de mise à jour des clauses statutaires à la suite d'une augmentation de capital ; la réduction de la durée des « fenêtres négatives » au cours desquelles il est interdit à une société de consentir des stock options ou aux salariés attributaires d'actions gratuites de les revendre ; la clarification, enfin, des règles applicables au rachat d'actions destinées à être attribuées aux salariés ou à faire l'objet de stock options.
Sur d'autres points, nos collègues députés ont adopté une position de compromis. Ils ont accepté la démission d'office des mandataires sociaux placés en tutelle, mais pas en curatelle, pour les raisons déjà exposées ; ils ont limité aux assemblées générales ordinaires la suppression du droit d'opposition à la dématérialisation des assemblées générales des sociétés non cotées, voulue par le Sénat et à laquelle le Gouvernement s'était opposé ; ils n'ont accepté que partiellement la simplification du régime de rachat d'actions des sociétés non cotées.
Enfin, sur quelques sujets, une divergence d'appréciation persiste entre nos deux chambres. L'Assemblée nationale est ainsi revenue, à la demande du Gouvernement, sur la suppression de la sanction de nullité impérative des décisions d'augmentation de capital dans le cas où une augmentation de capital réservée aux salariés n'a pas été soumise simultanément à l'assemblée générale. Je le regrette, car cette sanction me paraît disproportionnée et elle aurait pu être remplacée sans inconvénient par une injonction de faire. Mais je me félicite que la Cour de cassation ait récemment infléchi sa jurisprudence dans un sens qui nous donne satisfaction, puisqu'elle autorise désormais la régularisation après-coup d'une augmentation de capital décidée en méconnaissance de ces dispositions. L'Assemblée a également refusé la suppression de la sanction de suspension des droits de vote attachés aux actions émises en violation des règles applicables à l'augmentation de capital.
En ce qui concerne les sociétés par actions simplifiées (SAS), les députés ont souscrit à la proposition de clarifier la faculté pour les petites SAS de désigner un commissaire aux comptes pour permettre la libération d'actions par compensation de créances.
S'agissant des sociétés par actions dans leur ensemble, nos collègues députés ont accepté le raccourcissement du délai de viduité pendant lequel un commissaire aux comptes qui a réalisé une mission au sein d'une société ne peut être désigné pour établir un rapport sur la création d'actions de préférence. Pour le reste, sur le régime de création d'actions de préférence, l'équilibre trouvé dans la loi Pacte a été préservé.
S'agissant enfin des dispositions communes aux diverses sociétés commerciales, l'Assemblée nationale a adopté conformes ou moyennant des modifications rédactionnelles les mesures suivantes : la simplification des modalités de mise à jour des clauses statutaires en cas d'augmentation du capital résultant du paiement de dividendes en actions ; l'extension du régime simplifié de fusion à la fusion de sociétés soeurs ; et la clarification du régime simplifié d'apport partiel d'actif.
La suppression du chapitre III, relatif à l'Autorité de la concurrence, a été maintenue, ces dispositions étant essentiellement satisfaites depuis la loi dite Macron.
Le chapitre IV concerne le commissariat aux comptes, sujet que le Parlement a eu récemment l'occasion d'aborder lors de l'examen du projet de loi Pacte. Je vous rappelle qu'il a été procédé dans le cadre de la loi Pacte à une importante réforme des missions des commissaires aux comptes, articulée autour de trois axes : le relèvement des seuils d'audit légal obligatoire, la création d'un nouvel audit légal facultatif destiné aux petites entreprises, et l'assouplissement des interdictions, incompatibilités et obligations déontologiques applicables aux commissaires aux comptes, par la suppression de diverses mesures plus rigoureuses que ce qu'exige le droit européen.
Dans son ensemble, cette réforme a reçu l'approbation du Sénat et ne saurait être remise en cause. Quelques ajustements restent néanmoins possibles.
L'Assemblée nationale a ainsi adopté une mesure que nous proposions pour clarifier la liste des fonctions dirigeantes qui doivent être exercées par un commissaire aux comptes au sein des sociétés de commissariat aux comptes. Elle a inséré un nouvel article 54 bis afin, d'une part, de préciser les conditions dans lesquelles une minorité d'associés d'une SARL ou d'une société en nom collectif (SNC) peut obtenir la nomination d'un commissaire aux comptes et, d'autre part, d'étendre cette faculté aux autres sociétés commerciales.
En revanche, nos collègues députés ont supprimé plusieurs autres mesures prévues par la proposition de loi, afin de ne pas modifier l'équilibre trouvé lors de la loi Pacte. C'est une préoccupation que je peux comprendre.
Ce que je comprends moins bien, c'est qu'ils aient introduit dans ce texte, à l'article 53, une disposition qui n'a aucun rapport avec la simplification du droit des sociétés, à savoir la levée du secret professionnel des commissaires aux comptes à l'égard de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) et du juge de l'élection. C'est à l'évidence un « cavalier », qui ne manquerait pas d'être censuré par le Conseil constitutionnel s'il était saisi. Toutefois, sur le fond, cette mesure ne me paraît pas aberrante, et elle correspond à une demande récurrente de la CNCCFP. C'est pourquoi, à elle seule, elle ne me paraît pas de nature à faire obstacle à un vote conforme du Sénat.
Enfin, au chapitre V, l'Assemblée nationale a adopté la mesure visant à sécuriser la possibilité de désigner un tiers subsidiaire dans les conventions renvoyant à un tiers, sous peine de nullité, la détermination du prix de vente.
Dans l'ensemble, le texte transmis par l'Assemblée nationale me paraît constituer un compromis satisfaisant. J'ai bien sûr quelques regrets, mais je ne désespère pas de convaincre à l'avenir le Gouvernement et nos collègues députés de la pertinence de nos propositions sur les quelques points où nous restons en désaccord.
D'ailleurs, le chantier de la simplification du droit n'est jamais clos, et il faudra bientôt remettre l'ouvrage sur le métier. Plusieurs suggestions m'ont encore été faites récemment, auxquelles la règle de l'entonnoir interdit de donner une traduction dans ce texte, mais qui devront être étudiées à l'occasion d'une prochaine loi : je pense par exemple à l'extension aux sociétés commerciales d'une disposition qui n'est aujourd'hui prévue que pour les sociétés civiles, et qui permet à un associé d'obtenir du juge de se retirer de la société pour justes motifs.
Pour l'heure, je vous propose d'adopter cette proposition de loi sans modification.
Merci, monsieur le rapporteur. Cette analyse très complète nous garantit que tout a été soigneusement examiné. M. Mohamed Soilihi souhaite que nous l'excusions de ne pouvoir assister à nos travaux ce matin.
J'ai bien compris qu'il n'y avait pas de contre-indication au vote de ce texte, mais est-il indispensable ? Fallait-il vraiment une loi supplémentaire ?
Cela devrait être une question préalable à l'adoption de toute proposition de loi...
Merci, monsieur le rapporteur, pour ce rapport très pertinent. Je voulais simplement faire une observation. Il aura fallu cinq ans pour faire aboutir, après deux lectures, cette proposition de loi relativement consensuelle, alors que les réformes de la justice ou de notre système de santé, autrement plus importantes, sont examinées en procédure accélérée. Il y a là un paradoxe !
Certes ; on pourrait pour ces dernières se contenter d'une lecture par chambre.
Avec cette proposition de loi, M. Mohamed Soilihi avait souhaité en 2014 réunir toutes les mesures de simplifications possibles et demandées par les professionnels. Parce que les choses ont traîné, nous avons transféré une partie de son contenu dans les projets de loi successivement soumis à notre examen. La proposition de loi a ainsi perdu en substance mais, chaque sujet traité suscitant d'autres demandes, nous avons trouvé à la compléter... Bref, le texte initial était fondamental ; sans lui, nous n'aurions sans doute pas enrichi les projets de loi autant que nous l'avons fait, et il continue à répondre aux demandes exprimées par les acteurs du tissu économique. Ceux-ci en formuleront sans doute d'autres, ce qui me conduit à vous donner rendez-vous dans un an...
La proposition de loi est adoptée sans modification.
Mes chers collègues, la semaine dernière, nous avons examiné les amendements de séance sur le projet de loi de transformation de la fonction publique. Nous devons examiner quelques amendements supplémentaires avant la reprise de la séance publique.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DES RAPPORTEURS
Article additionnel après l'article 26 bis
Notre amendement n° 598 vise à résoudre un problème très concret que rencontrent les employeurs territoriaux : l'agent titulaire qui a été mis en disponibilité de droit pour suivre son conjoint ou son partenaire de PACS, parfois pendant dix ou vingt ans, doit être réintégré à son retour aussitôt qu'il le demande, en surnombre le cas échéant. S'il a été remplacé par un contractuel, même en CDI, ce dernier est reclassé ou licencié.
Ce régime, plus favorable que dans la fonction publique d'État ou hospitalière, donne lieu à de nombreux abus.
Nous proposons que lorsque la durée de la disponibilité de droit pour suivre son conjoint a excédé trois ans, le fonctionnaire ne soit réintégré de plein droit qu'à la première vacance. Nous reportons en outre de six mois l'entrée en vigueur de cette disposition pour laisser aux agents concernés le temps de s'adapter à cette nouvelle règle.
Imaginez que votre secrétaire de mairie soit partie loin avec son second mari ; sa remplaçante n'a pas pu être titularisée, mais elle est excellente ; le droit actuel vous oblige pourtant à reprendre la première à son retour. L'amendement reconnaît qu'il faut assurer un déroulement de carrière à la secrétaire de mairie titulaire, mais à la condition qu'il y ait des vacances de poste.
Dans une ville de 100 000 habitants, l'hypothèse est fréquente et soulève peu de difficultés ; dans une commune rurale qui en compte 300, c'est beaucoup plus compliqué, et très coûteux.
Sans doute, mais trois ans, n'est-ce pas un peu court ? Je ne voudrais pas « marchander », mais un délai de cinq ans ne serait-il pas plus judicieux ? Il est parfois difficile de trouver un nouveau poste...
Aller travailler dans une grande banque pour arrondir ses fins de mois - et pour « acquérir des compétences », naturellement ! - est tout de même un cas de figure spécifique !
La disponibilité pour suivre son conjoint ou son partenaire de PACS ne concerne pas des agents qui vont travailler dans le secteur privé.
Notez que l'État, dans une situation analogue, n'a pas l'obligation de reprendre le fonctionnaire en surnombre. La commune de 300 habitants, elle, y sera tenue pendant trois ans ! C'est un délai qui me semble suffisamment protecteur des agents.
L'amendement n° 598 est adopté.
Article 36
Les amendements n° 600 et 601 sont de précision.
Les amendements n° 600 et 601 sont successivement adoptés.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Article additionnel après l'article 20
Les agents de surveillance pénitentiaire, comme les forces de sécurité intérieure, n'ont, pour des raisons tenant à la sécurité publique, pas le droit de grève.
Jusqu'à récemment, ceux qui violaient cette interdiction pouvaient être sanctionnés en dehors des garanties disciplinaires applicables aux agents publics. Le 10 mai dernier, le Conseil constitutionnel a jugé cette disposition non conforme à la Constitution, considérant qu'elle portait atteinte au principe du contradictoire.
L'amendement n° 594 du Gouvernement crée pour y remédier une procédure disciplinaire ad hoc pour les agents de surveillance pénitentiaire, qui leur permettrait de présenter leurs observations sur les faits qui leur sont reprochés. Cette procédure serait toutefois fortement allégée par rapport à la procédure disciplinaire de droit commun, dans la mesure où le conseil de discipline ne serait pas saisi.
La nécessité de rétablir rapidement l'ordre dans les prisons et d'en assurer la sécurité justifie qu'une procédure disciplinaire dérogatoire au droit commun soit mise en oeuvre. Le Conseil constitutionnel ne l'a d'ailleurs par exclu dans sa décision.
Je m'interroge, en revanche, sur le caractère suffisant des garanties apportées par la rédaction du Gouvernement pour assurer le respect du principe du contradictoire. En particulier, je me suis demandé s'il ne serait pas souhaitable de préciser que tout agent mis en cause a le droit, pour préparer sa défense, à la communication sinon de son dossier individuel, du moins des pièces concernant les faits qui lui sont reprochés. Il semble que le Gouvernement envisage de préciser ce point dans le décret d'application. Nous demanderons, en séance, des précisions ainsi que des assurances au ministre. Pour l'heure, sagesse.
Le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, a en effet mis par terre le régime qui permettait de sanctionner la violation de l'interdiction du droit de grève par les surveillants pénitentiaires. On le comprend, car les garanties de procédures étaient inexistantes !
Le Gouvernement nous propose donc de se mettre en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel, tout en souhaitant que l'interdiction du droit de grève pour les surveillants puisse être sanctionnée en cas de violation.
Or nos rapporteurs estiment que l'exigence fondamentale de communication des éléments du dossier n'est pas suffisamment précisée. Si le Gouvernement nous disait que cela figurera dans le décret qu'il compte prendre, l'avis de sagesse de la commission serait-il converti en avis favorable ?
Oui. Une fois de plus, l'amendement semble avoir été écrit rapidement, à cause des délais d'examen de ce texte.
À la décharge du Gouvernement, la décision du Conseil constitutionnel ne date que du 10 mai dernier. Nous examinons donc l'amendement du Gouvernement d'un oeil bienveillant.
L'accès au dossier est en effet essentiel. J'en profite pour alerter sur la tension qui règne dans nos prisons. À la prison de Sequedin, des violences ont éclaté à la suite du regroupement de détenus violents, et les tensions entre détenus et surveillants s'accumulent. Le Gouvernement veut montrer qu'il ne tolère pas la grève, soit, mais soyons également à l'écoute des surveillants !
Nous nous sommes déjà rendus à la prison de Fleury-Mérogis début 2018 lorsqu'une grève a éclaté ; nous avions alors reçu l'ensemble des organisations syndicales des surveillants de prison. Nous les avions également entendues en février 2017 pour préparer notre rapport « Cinq ans pour sauver la justice ! » - sur lequel de nombreux collègues, dont Jacques Bigot, s'étaient fortement impliqués. Ce sujet n'est pas inconnu de la commission des lois.
La commission émet un avis de sagesse sur l'amendement n° 594.
Article additionnel après l'article 26
Notre sous-amendement n° 593 reprend un amendement dont la commission a demandé le retrait la semaine dernière : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 593.
Article 36
L'amendement n° 592 du Gouvernement précise les modalités d'entrée en vigueur de l'article 15 ter, qui vise à professionnaliser la formation disciplinaire du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER). Avis favorable, sous réserve de l'adoption de notre sous-amendement de clarification n° 599.
Le Sénat a, hélas, adopté en séance un amendement retirant la présidence de la formation disciplinaire du CNESER à un universitaire, pour la confier à un conseiller d'État. Nous avons le plus grand respect pour les conseillers d'État, mais les universitaires sont soucieux de gérer par eux-mêmes les affaires disciplinaires qui les concernent.
Il ne saurait y avoir la moindre rivalité de principe entre les universitaires et les conseillers d'État !
C'est une nouveauté, alors !
Le sous-amendement n° 599 est adopté et la commission émet un avis favorable à l'amendement n° 592 ainsi sous-amendé.
Le sort des amendements des rapporteurs examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La commission donne les avis suivants sur les autres amendements de séance :
En octobre 2013, sous l'impulsion de la commission des affaires européennes et de son président de l'époque, notre collègue Simon Sutour, le Sénat a adopté une résolution sur le non-respect du principe de subsidiarité par la Commission européenne sur son projet de parquet européen. Ce projet, très intégré et centralisé, a fait l'objet de la première mise en oeuvre du fameux « carton jaune », quatorze assemblées parlementaires nationales s'étant alors exprimées dans le même sens que le Sénat français.
Malgré la résistance de la Commission européenne, les négociations au Conseil ont finalement permis d'aboutir au règlement du 12 octobre 2017, qui a créé le parquet européen, sous la forme d'une coopération renforcée, dans une configuration conforme aux positions françaises et aux préconisations du Sénat.
Sa mise en place est aujourd'hui imminente. Son champ d'action limité pour le moment à la protection des intérêts financiers de l'Union européenne le place au sein d'une coopération policière et judiciaire dense, active sur l'ensemble du domaine pénal, de la criminalité organisée transfrontalière à la cybercriminalité et aux actes terroristes. Jacques Bigot et moi-même avons souhaité faire une évaluation, un état des lieux avant son installation.
De 2013 à sa mise en place, le contexte criminel international a profondément évolué et la coopération pénale européenne s'est adaptée en conséquence. La coopération judiciaire européenne a été progressivement instaurée. D'abord en marge des traités, elle est intensifiée et institutionnalisée en 1992 par le traité de Maastricht sous la dénomination de « Justice et affaires intérieures » (JAI), également connue comme le « troisième pilier ».
En 1997, le traité d'Amsterdam érige en objectif de l'Union européenne la construction d'un espace de liberté, de sécurité et de justice et rend possible la création d'une instance judiciaire. L'ambition est affichée, mais le bilan mitigé, les barrières étatiques sont fortes et le caractère opérationnel limité.
Le traité de Lisbonne de 2007 marque une prise de conscience importante des États membres et ouvre de nouvelles perspectives en élargissant le champ de la coopération judiciaire en matière civile et pénale. Il renforce les rôles d'Europol et d'Eurojust, et envisage un nouveau modèle de coopération judiciaire passant par la création d'un parquet européen compétent pour la protection des intérêts financiers de l'Union européenne, dont les compétences pourraient certes être élargies mais à la condition, difficile, de recueillir le vote unanime des États membres.
La coopération judiciaire en matière pénale dans l'Union est fondée sur un principe essentiel au fonctionnement de l'espace judiciaire européen : le principe de reconnaissance mutuelle des jugements et décisions judiciaires. Cette coopération inclut le rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des États membres, ainsi que l'adoption de règles minimales communes n'empêchant pas les États de maintenir ou d'instituer un niveau de protection plus élevé pour les personnes. Ces règles minimales et ce socle commun concernent la définition des infractions pénales et des sanctions dans certains domaines de la criminalité particulièrement graves et revêtant une dimension transfrontalière : le terrorisme, la traite des êtres humains, l'exploitation sexuelle des femmes et des enfants, le trafic illicite de drogues, le trafic d'armes, le blanchiment d'argent, la corruption, la contrefaçon de moyens de paiement, la criminalité informatique et la criminalité organisée.
Selon un recensement établi par le Secrétariat général du Conseil, l'Union européenne dispose d'environ soixante textes principalement consacrés, d'une part, à la coopération judiciaire en matière pénale, et, d'autre part, au rapprochement du droit pénal matériel des États membres, qu'on peut diviser en trois catégories : les instruments d'entraide judiciaire, les législations d'harmonisation des infractions et sanctions pénales, de même que les outils de coopération.
Le principe de reconnaissance mutuelle en matière pénale permet aux décisions de justice rendues par un État membre d'être exécutées dans un autre comme si elles étaient les siennes. Parmi les instruments législatifs fondés sur ce principe, figure principalement le mandat d'arrêt européen qui, depuis 2004, a remplacé les longues et aléatoires procédures d'extradition qui existaient entre les États membres.
Au cours de nos différentes auditions, il est apparu que le mandat d'arrêt européen constituait un dispositif essentiel de la coopération pénale européenne. Son usage est aujourd'hui fréquent et en augmentation constante, notamment en France. Il s'agit là de la pierre angulaire de l'Europe de la justice. L'Union européenne s'est également dotée d'un ensemble de normes minimales tendant à l'harmonisation des incriminations et des sanctions dans ses domaines de compétence en matière pénale, la lutte contre le terrorisme et le blanchiment de capitaux, ou encore certaines garanties procédurales.
Divers réseaux de praticiens oeuvrent au dialogue entre les autorités judiciaires des États membres, le Réseau judiciaire européen étant l'un des plus importants, sinon le plus important d'entre eux, mais c'est au sein et dans le cadre d'Eurojust que, ces dernières années, la coopération judiciaire pénale a trouvé sa forme la plus concrète et la plus aboutie. Eurojust, créée en 2002, a accompagné et renforcé la construction progressive de l'espace de liberté, de sécurité et de justice européen. Le traité de Lisbonne a accru ses compétences.
Cette agence poursuit trois objectifs principaux : promouvoir et améliorer la coordination des enquêtes et des poursuites entre les autorités compétentes des États membres ; améliorer la coopération entre ces autorités, en facilitant la mise en oeuvre de l'entraide judiciaire internationale et l'exécution des demandes d'extradition ; soutenir les autorités nationales afin de renforcer l'efficacité de leurs enquêtes et de leurs poursuites.
Eurojust a été conçue comme un outil facilitateur, et non comme une « super autorité judiciaire ». Son fonctionnement est de nature intergouvernementale, chacun des 28 États membres y disposant d'un représentant permanent détaché au siège de l'agence, à La Haye, où Jacques Bigot et moi-même nous sommes rendus. Eurojust remplit son mandat, soit par l'intermédiaire d'un ou plusieurs membres nationaux, soit en tant que collège. Ce réseau de correspondants nationaux s'est récemment illustré dans la résolution d'une enquête portant sur des attentats terroristes qui ont endeuillé plusieurs États membres. La réactivité de cette étroite coopération a permis une rapidité salutaire dans l'arrestation des coupables.
Eurojust a créé en son sein des unités de travail spécialisées, dont le groupe contre-terrorisme, initié et présidé aujourd'hui par notre membre national, M. Frédéric Baab, qui, au ministère de la justice de l'époque, avait beaucoup oeuvré pour le parquet européen...
Le succès d'Eurojust réside dans l'efficacité et l'organisation mise en place par les membres nationaux, mais aussi dans la confiance que l'agence a suscitée auprès des autorités judiciaires nationales. Son activité progresse régulièrement, avec une accélération depuis 2014. La France, avec l'Allemagne et l'Italie, est l'un des États membres qui utilisent le plus Eurojust, 17,2 % des dossiers ouverts l'ayant été de son fait. Toutefois, l'évolution des moyens d'Eurojust fait l'objet de sérieuses inquiétudes pour l'avenir : en effet, son budget devrait diminuer de 9 % au cours des années 2021 à 2027, alors que son activité devrait continuer de croître. Il serait préjudiciable à tous que sa dynamique soit freinée...
La création du parquet européen n'est pas étrangère à ce paramètre, le traité de Lisbonne prévoyant qu'il soit institué « à partir d'Eurojust ». L'architecture du parquet européen est là, l'agence a fait l'objet fin 2018 d'une réforme en ce sens. Jacques Bigot va à présent vous parler de ce nouvel instrument prometteur, le parquet européen.
Il nous paraissait important, à Sophie Joissains et moi-même, de faire cette communication devant la commission des lois s'agissant plus précisément du parquet européen.
Le parquet européen ne sera compétent pour ouvrir des enquêtes et engager des poursuites - mais c'est loin d'être négligeable en termes de montants - que sur les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne. C'était une demande de l'Office européen de lutte anti-fraude (Olaf), qui constatait que les parquets nationaux n'étaient pas très prompts à engager des poursuites quand il constatait des fraudes à la TVA, par exemple. Deux systèmes auraient pu être envisagés : un abandon de souveraineté au profit d'une institution européenne. L'idée de la Commission européenne était de créer un parquet européen avec pour juridiction compétente la Cour de justice de l'Union européenne.
Mais après de longues négociations, l'accord n'a pu être trouvé, autour des propositions de la France notamment, que sur un modèle collégial avec des chambres permanentes formées de membres du parquet émanant de plusieurs pays, qui proposeront au collège d'engager ou non des poursuites. Ce n'est donc pas un seul homme qui décidera pour toute l'Europe...
Cela ne concerne pas tous les États membres, mais seulement 22 d'entre eux. Certains, comme les Pays-Bas, ont mis beaucoup de temps à l'accepter et sont encore très frileux. La Suède envisage de rejoindre le dispositif, ce qui porterait le nombre de pays à 23. Le Royaume-Uni, l'Irlande, le Danemark, la Hongrie et la Pologne ont refusé de s'y associer.
Il s'agira d'un parquet unique, mais à structure décentralisée. Le niveau centralisé aura son siège à Luxembourg. Le fait que les Pays-Bas n'aient rejoint la coopération que tardivement a eu pour conséquence que son siège sera loin de ceux d'Eurojust et d'Europol, qui siègent à La Haye, l'un en face de l'autre - c'est dommage ! Le chef du parquet et les procureurs désignés par chaque pays composeront le niveau central, et les États désigneront un procureur européen délégué pour le niveau décentralisé, chargé du suivi opérationnel des enquêtes. Le parquet européen sera maître des décisions de poursuite et de classement, ce qui est une forme d'abandon de souveraineté. Lorsque le parquet européen décidera de poursuites, celles-ci se feront dans l'un des États, par l'une de leurs juridictions. Nous sommes donc plus proches d'un système de coopération que d'abandon de souveraineté. Le parquet européen, par l'intermédiaire de son collège, pourra mener une enquête soit à la suite d'un signalement, par exemple par l'Olaf, soit par l'exercice de son droit d'évocation lorsqu'une enquête lui semblera comporter une fraude aux intérêts de l'Union. Ce parquet est censé entrer en fonction le 20 novembre 2020 au plus tôt, mais il existe des difficultés, en premier lieu la désignation de son chef.
Il revient au Conseil et au Parlement européen de désigner ce dernier pour un mandat de sept ans non renouvelable. Or, cette procédure, qui devait aboutir en avril dernier, a pris du retard. Le comité de sélection a retenu plusieurs noms, dont deux tiennent la corde : le Français Jean-François Bohnert, actuellement procureur général à Reims, qui a plutôt les faveurs du Conseil, et une candidate roumaine, Laura Kövesi, procureure très engagée dans la lutte contre la fraude et la corruption, alors même qu'elle suscite l'hostilité du gouvernement roumain. Les députés européens sont très sensibles à cette image. Notre commission des lois sera prochainement saisie d'un projet de loi portant sur les adaptations rendues nécessaires par la mise en place de ce parquet européen.
Ce parquet européen, aux missions limitées, préfigure-t-il d'autres parquets européens compétents dans d'autres domaines ? Certains, dont le Président de la République, ont évoqué un parquet européen antiterroriste. Il n'est pas sûr qu'en la matière un travail entre les 22 États soit indispensable. La coopération qui a déjà eu lieu entre les États, notamment la coordination avec Eurojust, a été efficace. Il appartient ensuite à chaque État d'engager des poursuites. Par contre la question se pose pour des criminalités nouvelles, pour lesquelles la coopération entre États offrirait une meilleure protection à nos concitoyens. C'est la raison pour laquelle Sophie Joissains et moi proposons de poursuivre notre réflexion sur la cybercriminalité. Celle-ci peut faire des victimes simultanément dans plusieurs pays. Elle suppose des moyens d'investigation exceptionnels qu'Europol développe au service des États. Le Sénat pourrait être précurseur par des propositions en ce domaine, tout comme il l'a été s'agissant du parquet financier européen.
Voici un bel exemple de collaboration entre la commission des affaires européennes et la commission des lois. Votre proposition de création d'une mission d'information sur la cybercriminalité qui prend une importance croissance est tout à fait intéressante.
Je remercie nos collègues pour leur communication remarquable. On entend souvent que les choses n'avancent pas au niveau européen, or nous venons de voir que c'est le contraire. J'aimerais avoir une pensée pour notre ancien collègue Pierre Fauchon qui s'est beaucoup battu sur cette question du parquet européen. On dit que le Parlement européen n'a pas de pouvoirs. Pourtant, grâce au traité de Lisbonne, nous avons pu, avec une minorité qualifiée, obtenir de la Commission européenne qu'elle revoie sa copie afin de prévoir la collégialité. La phase de recrutement du Procureur européen est en cours, le candidat français a toutes les qualités requises, notamment pour s'imposer face à l'ensemble des pays. Pour rassurer nos collègues, Jacques Bigot nous a indiqué que les compétences du parquet européen étaient pour l'instant limitées. Mais je pense qu'à l'avenir la coopération va s'intensifier. Je suis pour ma part tout à fait favorable à la mise en place d'une mission d'information.
L'émergence du parquet européen a été possible grâce à la procédure de coopération renforcée, peu utilisée mais qui présente beaucoup d'intérêt. Dans le cadre de l'éventuelle mission d'information à venir, à laquelle je suis totalement favorable, il serait intéressant d'aborder la question de la fraude aux subventions dans la mesure où des institutions nationales pourraient être concernées. Je pense ainsi à la Bulgarie ou à la Roumanie. Le domaine de la fraude à la TVA, qui est très important, intéresse également le parquet national financier. Il serait intéressant de savoir comment vont s'articuler les compétences entre parquet européen et parquets nationaux.
Pour répondre à Simon Sutour, je n'ai pas voulu rassurer nos collègues en disant que le parquet européen avait une compétence limitée, mais je voulais faire preuve de clarté, afin qu'il n'y ait pas de confusion avec un hypothétique parquet européen antiterroriste. La collaboration avec le parquet national financier est un sujet qui devra être travaillé par la chancellerie dans le projet de loi à venir. C'est un peu la même démarche qu'au niveau national avec la compétence antiterroriste attribuée au parquet de Paris.
J'insiste pour ma part sur la baisse du budget d'Eurojust dont l'activité est en croissance. Nous devons rester vigilants sur ce point.
La réunion est close à 11 h 25.