La séance est ouverte à neuf heures cinquante.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article L.O. 111-10-1 du code de la sécurité sociale, le rapport sur l’état semestriel des sommes restant dues par l’État aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale, arrêté au 31 décembre 2008.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il sera transmis à la commission des affaires sociales ainsi qu’à la commission des finances et sera disponible au bureau de la distribution.
(Texte de la commission)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (nos 290, 380 et 381).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 6.
I. - L'article L. 6143-7 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 6143-7. - Le directeur, président du directoire, conduit la politique générale de l'établissement. Il représente l'établissement dans tous les actes de la vie civile et agit en justice au nom de l'établissement.
« Le président du directoire est compétent pour régler les affaires de l'établissement autres que celles énumérées aux 1° à 14° ci-après et autres que celles qui relèvent de la compétence du conseil de surveillance énumérées à l'article L. 6143-1. Il est entendu par le conseil de surveillance à sa demande ou à celle du conseil de surveillance. Il exécute ses délibérations.
« Le président du directoire dispose d'un pouvoir de nomination dans l'établissement. Il propose au directeur général du Centre national de gestion la nomination des directeurs-adjoints et des directeurs des soins. La commission administrative paritaire compétente émet un avis sur ces propositions. Sur proposition du chef de pôle, lorsqu'il existe, et après avis du président de la commission médicale d'établissement, il propose au directeur général du Centre national de gestion la nomination et la mise en recherche d'affectation des personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques mentionnés au 1° de l'article L. 6152-1 dans les conditions fixées par voie réglementaire. L'avis du président de la commission médicale d'établissement est communiqué au directeur général du Centre national de gestion.
« Le président du directoire exerce son autorité sur l'ensemble du personnel dans le respect des règles déontologiques ou professionnelles qui s'imposent aux professions de santé, des responsabilités qui sont les leurs dans l'administration des soins et de l'indépendance professionnelle du praticien dans l'exercice de son art.
« Le président du directoire est ordonnateur des dépenses et des recettes de l'établissement. Il a le pouvoir de transiger. Il peut déléguer sa signature, dans des conditions déterminées par décret.
« Après avis du directoire, le président du directoire :
« 1° Conclut le contrat pluriannuel mentionné à l'article L. 6114-1 ;
« 2° Décide, conjointement avec le président de la commission médicale d'établissement, de la politique d'amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins, ainsi que des conditions d'accueil et de prise en charge des usagers, notamment pour les urgences ;
« 3° Arrête le bilan social et définit les modalités d'une politique d'intéressement ;
« 4° Détermine le programme d'investissement après avis de la commission médicale d'établissement en ce qui concerne les équipements médicaux ;
« 5° Fixe l'état des prévisions de recettes et de dépenses prévu à l'article L. 6145-1, le plan global de financement pluriannuel et les propositions de tarifs des prestations mentionnés à l'article L. 174-3 du code de la sécurité sociale et, le cas échéant, de ceux des activités sociales et médico-sociales ;
« 5° bis Arrête le compte financier et le soumet à l'approbation du conseil de surveillance ;
« 6° Arrête l'organisation interne de l'établissement et signe les contrats de pôle d'activité en application de l'article L. 6146-1 ;
« 7° Supprimé par la commission.
« 8° Conclut les acquisitions, aliénations, échanges d'immeubles et leur affectation, ainsi que les baux de plus de dix-huit ans ;
« 9° Conclut les baux emphytéotiques en application de l'article L. 6148-2, les contrats de partenariat en application de l'article 19 de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat et les conventions de location en application de l'article L. 6148-3 ;
« 10° Soumet au conseil de surveillance le projet d'établissement ;
« 11° Conclut les délégations de service public mentionnées à l'article 38 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ;
« 12° Arrête le règlement intérieur de l'établissement ;
« 13° À défaut d'un accord sur l'organisation de travail avec les organisations syndicales représentant le personnel de l'établissement, décide de l'organisation du travail et des temps de repos ;
« 14° Présente à l'agence régionale de santé et de l'autonomie le plan de redressement mentionné au premier alinéa de l'article L. 6143-3.
« Les conditions d'application du présent article, relatives aux modalités de consultation des instances représentatives du personnel, sont fixées par décret. »
I bis. - Après l'article L. 6143-7-1 du même code, il est inséré un article L. 6143-7-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6143-7-1-1. - Le directeur est nommé :
« 1° Pour les centres hospitaliers régionaux et universitaires, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de l'université et de la recherche, parmi les personnels hospitalo-universitaires régis par le décret n° 84-135 du 24 février 1984 portant statut des personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires, ou les fonctionnaires mentionnés aux articles 2 et 3 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, ayant validé des modalités de cursus communs aux deux corps fixées par voie réglementaire ;
« 2° Pour les établissements mentionnés aux 1° et 7° de l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée, par arrêté du directeur général du Centre national de gestion, sur une liste comportant au moins trois noms de candidats proposés par le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie, après avis du président du conseil de surveillance.
« Après avis du président du conseil de surveillance, le directeur peut se voir retirer son emploi dans l'intérêt du service par l'autorité investie du pouvoir de nomination et, s'il relève de la fonction publique hospitalière, être placé en situation de recherche d'affectation après avis de la commission administrative paritaire compétente, sauf en cas de mise sous administration provisoire mentionnée à l'article L. 6143-3-1. »
II. - Après l'article L. 6143-7-1 du même code, sont insérés trois articles L. 6143-7-2 à L. 6143-7-4 ainsi rédigés :
« Art. L. 6143-7-2. - Le président de la commission médicale d'établissement est le vice-président du directoire. Les modalités d'exercice de sa fonction sont précisées par décret. Il élabore, en conformité avec le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, le projet médical de l'établissement. Il coordonne avec le directeur la politique médicale de l'établissement.
« Art. L. 6143-7-3. - Le directoire approuve le projet médical et prépare le projet d'établissement, notamment sur la base du projet de soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques. Il conseille le directeur dans la gestion et la conduite de l'établissement.
« Art. L. 6143-7-4. - Le directoire est composé de membres du personnel de l'établissement, dont une majorité de membres du personnel médical, pharmaceutique, maïeutique et odontologique.
« Il comporte sept membres et neuf dans les centres hospitaliers universitaires :
« - le directeur, président du directoire ;
« - le président de la commission médicale d'établissement, vice-président. Dans les centres hospitaliers universitaires, il est premier vice-président, chargé des affaires médicales ; sont en outre vice-présidents un vice-président doyen, directeur de l'unité de formation et de recherche ou président du comité de coordination de l'enseignement médical, et un vice-président chargé de la recherche nommé par le président du directoire sur proposition conjointe du directeur d'un établissement public à caractère scientifique et technologique désigné par arrêté et du président de l'université dont relève l'unité de formation et de recherche, après avis du vice-président doyen ;
« - le président de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques ;
« - des membres nommés et, le cas échéant, révoqués par le directeur, après avis du président de la commission médicale d'établissement et information du conseil de surveillance.
« La durée du mandat des membres du directoire est déterminée par décret. Ce mandat prend fin si son titulaire quitte l'établissement ou cesse d'exercer les fonctions au titre desquelles il était membre du directoire. »
III. - La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 6143-2 du même code est supprimée.
IV. - L'article L. 6143-3-2 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 6143-3-2. - Toute convention entre l'établissement public de santé et l'un des membres de son directoire ou de son conseil de surveillance fait l'objet d'une délibération du conseil de surveillance.
« Il en est de même des conventions auxquelles l'une de ces personnes est indirectement intéressée ou dans lesquelles elle traite avec l'établissement par personne interposée.
« À peine de révocation de ses fonctions au sein de l'établissement, la personne intéressée est tenue, avant la conclusion de la convention, de déclarer au conseil de surveillance qu'elle se trouve dans une des situations mentionnées ci-dessus. »
V. - Les articles L. 6143-3, L. 6143-3-1 et L. 6143-4 du même code sont ainsi rédigés :
« Art. L. 6143-3. - Le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie demande à un établissement public de santé de présenter un plan de redressement, dans le délai qu'il fixe, compris entre un et trois mois, dans l'un des cas suivants :
« 1° Lorsqu'il estime que la situation financière de l'établissement l'exige ;
« 2° Lorsque l'établissement présente une situation de déséquilibre financier répondant à des critères définis par décret.
« Les modalités de retour à l'équilibre prévues par ce plan donnent lieu à la signature d'un avenant au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens.
« Art. L. 6143-3-1. - Par décision motivée et pour une durée n'excédant pas douze mois, le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie place l'établissement public de santé sous administration provisoire, soit de conseillers généraux des établissements de santé désignés dans les conditions prévues à l'article L. 6141-7-2, soit d'inspecteurs du corps de l'inspection générale des affaires sociales ou de l'inspection générale des finances, soit de personnels de direction des établissements mentionnés aux 1° et 7° de l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ou de toutes autres personnalités qualifiées, désignés par le ministre chargé de la santé, lorsque, après qu'il a mis en œuvre la procédure prévue à l'article L. 6143-3, l'établissement ne présente pas de plan de redressement dans le délai requis, refuse de signer l'avenant au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens ou n'exécute pas le plan de redressement, ou lorsque le plan de redressement ne permet pas de redresser la situation de l'établissement.
« Le directeur général de l'agence peut au préalable saisir la chambre régionale des comptes en vue de recueillir son avis sur la situation financière de l'établissement et, le cas échéant, ses propositions de mesures de redressement. La chambre régionale des comptes se prononce dans un délai de deux mois après la saisine.
« Pendant la période d'administration provisoire, les attributions du conseil de surveillance et du président du directoire, ou les attributions de ce conseil ou du président du directoire, sont assurées par les administrateurs provisoires. Le cas échéant, un des administrateurs provisoires, nommément désigné, exerce les attributions du président du directoire. Le directeur de l'établissement est alors placé en recherche d'affectation auprès du Centre national de gestion mentionné à l'article 116 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée, sans que l'avis de la commission administrative compétente soit requis. Ce placement en recherche d'affectation peut être étendu à d'autres membres du personnel de direction ou à des directeurs des soins. Le directeur général de l'agence peut en outre décider la suspension du directoire. Les administrateurs provisoires tiennent le conseil de surveillance et le directoire régulièrement informés des mesures qu'ils prennent.
« Deux mois au moins avant la fin de leur mandat, les administrateurs provisoires remettent un rapport de gestion au directeur général de l'agence. Au vu de ce rapport, ce dernier peut décider de mettre en œuvre les mesures prévues aux articles L. 6131-1 et suivants. Il peut également proroger l'administration provisoire pour une durée maximum de douze mois. À défaut de décision en ce sens avant la fin du mandat des administrateurs, l'administration provisoire cesse de plein droit. »
« Art. L. 6143-4. - Les délibérations du conseil de surveillance mentionnées à l'article L. 6143-1 et les actes du président du directoire mentionnés à l'article L. 6143-7 sont exécutoires sous réserve des conditions suivantes :
« 1° Les délibérations du conseil de surveillance mentionnées aux 2°, 5° et 6° de l'article L. 6143-1 sont exécutoires si le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie ne fait pas opposition dans les deux mois qui suivent soit la réunion du conseil de surveillance s'il y a assisté, soit la réception de la délibération dans les autres cas. Les délibérations mentionnées au 3° du même article sont exécutoires de plein droit dès réception par le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie ;
« 2° Les décisions du président du directoire mentionnées aux 1° à 9° et 11° à 14° de l'article L. 6143-7 sont exécutoires de plein droit dès réception par le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie, à l'exception des décisions mentionnées aux 1° et 5° du même article.
« Le contrat mentionné au 1° de l'article L. 6143-7 est exécutoire dès sa signature par l'ensemble des parties.
« L'état des prévisions de recettes et de dépenses, à l'exclusion du rapport préliminaire et des annexes, ainsi que le plan global de financement pluriannuel, mentionnés au 5° de l'article L. 6143-7 sont réputés approuvés si le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie n'a pas fait connaître son opposition dans des délais et pour des motifs déterminés par décret.
« Le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale, mentionné à l'article L. 351-1 du code de l'action sociale et des familles, est compétent en premier ressort pour statuer en matière contentieuse sur les recours formés contre l'opposition du directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie faite à l'approbation de l'état des prévisions de recettes et de dépenses ou de ses modifications en application de l'alinéa précédent. Il est également compétent pour connaître des décisions du directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie prises en application des articles L. 6145-1, L. 6145-2, L. 6145-3, L. 6145-4 et L. 6145-5.
« Le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie défère au tribunal administratif les délibérations et les décisions portant sur ces matières, à l'exception de celles relevant du 5° de l'article L. 6143-7, qu'il estime illégales dans les deux mois suivant leur réception. Il informe sans délai l'établissement et lui communique toute précision sur les motifs d'illégalité invoqués. Il peut assortir son recours d'une demande de sursis à exécution. »
La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme nous vous en avons fait précédemment la démonstration, malgré les évolutions résultant des travaux de la commission, le directeur de l’établissement va devenir le patron de l’hôpital, sans avoir à subir un véritable contre-pouvoir. Toutefois, à quelques exceptions près, l’article 6 prévoit une limite à la liberté d’agir du directeur : la règle comptable.
Madame la ministre, comment ne pas s’étonner que cet article organise le mode de direction des établissements publics de santé et instaure un mécanisme de mise sous tutelle des hôpitaux présentant un déséquilibre financier ?
Ce cumul prévu à l’article 6 nous laisse légitimement penser que le directeur est libre d’organiser son établissement, sans avoir à élaborer avec qui que ce soit le projet médical ou le projet d’établissement – c’est l’un des sujets que nous avons examiné ces jours derniers –, dès lors que celui-ci « rentre dans les clous » de la règle comptable.
Il est clair – vous diriez le contraire, madame la ministre, que cela n’y changerait rien ! – que votre projet de loi subordonne l’organisation de l’établissement public de santé à la satisfaction d’un certain nombre de critères économiques, à commencer par la rentabilité.
Si telle n’était pas votre volonté, pourquoi ne pas avoir retiré de cet article la mise sous tutelle des établissements publics de santé, en supprimant la mention qui a trait au respect des attentes du ministère en termes de réduction des coûts ?
Vous avez voulu envoyer un signal clair aux dirigeants des établissements publics de santé, en leur faisant comprendre que la limite à leur pouvoir était la règle budgétaire, la recherche de la réduction des dépenses liées à l’enveloppe hospitalière – d’après la presse, le budget des hôpitaux publics serait en diminution par rapport aux années précédentes –…
Le déficit est en diminution ! Le budget est en grande augmentation !
Les effectifs augmentent également !
… et que le seul contre-pouvoir que les directeurs des établissements publics de santé auront à connaître est en réalité celui des directeurs des ARS, les agences régionales de santé, autant dire le Gouvernement.
Par cet article 6, vous entendez donc ordonner aux directeurs des hôpitaux de prendre d’abord, et avant tout, les mesures nécessaires pour permettre un retour à l’équilibre, et ce le plus rapidement possible. Tout cela nous renvoie immanquablement aux discussions que nous avons déjà eues sur la subordination du médical au comptable, la multiplication des suppressions de postes et l’accélération des externalisations, notamment par le recours à des prestataires de services.
Je considère qu’en agissant de la sorte, en faisant du respect des règles comptables la priorité des directeurs des établissements publics de santé, vous allez nécessairement les contraindre à fermer certains services non rentables et à cesser la pratique de certains soins insuffisamment rémunérateurs.
En somme – il faut que cela soit clairement dit en ce début de séance –, madame la ministre, vous demandez aux directeurs des établissements publics de santé d’effectuer des choix de santé que vous vous refusez à faire, sans doute par crainte des manifestations.
Vous confiez, veuillez m’excuser de cette expression, le « sale boulot » aux directeurs, qui, établissement par établissement, opéreront des choix parmi les missions de service public. Un à un, ils mettront demain en œuvre l’amoindrissement du service public que vous ne voulez pas assumer.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous soumettrons à votre approbation, mes chers collègues, un amendement de suppression de l’article 6.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite, à l’occasion de l’examen de l’article 6, aborder la question des centres hospitaliers régionaux, CHR, qui ne sont pas des centres hospitaliers universitaires, CHU.
Vous le savez, madame la ministre, trois établissements sont dans ce cas, à Orléans, Metz et la Réunion.
De nombreux médecins, tout particulièrement du centre hospitalier régional d’Orléans, se sont émus du fait que, dans le projet de loi tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, les centres hospitaliers régionaux ne sont nulle part mentionnés de manière explicite, même s’il est question des centres hospitaliers ayant compétence régionale, départementale ou locale.
Avec ma collègue Gisèle Printz, préoccupée par la même question en sa qualité de sénatrice de la Moselle, nous avons déposé deux amendements.
Le premier, que la commission des affaires sociales a bien voulu adopter, ce dont nous la remercions, traite des modalités de nomination du directeur de ces établissements. Nous estimons que les modalités prévues pour les directeurs des CHU devraient s’appliquer aux directeurs de ces trois CHR.
Le second, qui sera déposé tout à l’heure, vise à prévoir que la composition du directoire de ces trois CHR est identique à celle des CHU.
Mes chers collègues, il s’agit d’une question importante. Les centres hospitaliers régionaux que je viens de citer ont une activité très forte, une dimension régionale incontestable, des effectifs plus élevés et des missions plus larges que dans certains CHU.
Par ailleurs, ils contribuent de manière significative à la formation des futurs médecins. Ils pratiquent des spécialités très variées, notamment dans des domaines de pointe. La question de savoir s’il ne serait pas souhaitable qu’ils devinssent des CHU se pose d’ailleurs rituellement. En tout cas, pour ce qui est du CHR d’Orléans, j’ai souvent fait cette proposition, car il serait logique, selon moi, que des établissements de cette taille, de cette importance et de ce rayonnement bénéficient de plein droit d’un volet universitaire.
Bien entendu, nous partageons les raisons de fond qui viennent d’être exposées par M. Fischer à propos de la suppression de l’article 6. Mais nous serons également attentifs à la reconnaissance dans la loi du rôle important joué par ces trois CHR, que je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir prendre en considération.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 6 tend à confier au directeur des établissements publics de santé un pouvoir nouveau. Ce faisant, il confère à ce projet de loi une philosophie contraire à ce qui se pratiquait dans nos hôpitaux depuis des années, où une véritable communauté hospitalière participait à la gestion des établissements.
Cet article ne se limite pas à accroître les pouvoirs du directeur ; il vise également à réduire proportionnellement et simultanément les pouvoirs des autres acteurs de la communauté hospitalière que sont les représentants des professionnels médicaux et paramédicaux, des ouvriers et des personnels administratifs.
Quant aux élus, le débat que nous avons eu hier soir sur les trois collèges du conseil de surveillance nous a largement éclairés sur le rôle que vous entendiez leur faire jouer. Je n’y reviendrai pas et, au nom du groupe CRC-SPG, je me réjouis de l’adoption, à l’unanimité du Sénat, de l’amendement n° 414.
Le directeur de l’hôpital n’en restera pas moins seul maître à bord, et disposera des pouvoirs les plus importants. Cet article prévoit qu’en qualité de président du directoire il arrêtera seul le projet médical d’établissement.
Vous prévoyez pourtant d’autoriser, parallèlement, le recrutement de directeurs non fonctionnaires, qui n’auront pas suivi l’ensemble de la formation organisée à Rennes, ce qui tend à démontrer que, pour vous, les compétences en santé publique ne sont plus fondamentales pour diriger un établissement public de santé. En revanche, ils devront savoir manier la calculatrice !
Sourires
Le directoire, quant à lui, ne fait pas illusion, dans le sens où il est placé sous la coupe de son directeur. Il ne disposera d’aucun pouvoir réel et ne pourra s’opposer ni aux projets de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens – les CPOM, dont nous avons largement débattu hier –, ni au projet médical d’établissement, ni même aux budgets. C’est à peine s’il pourra donner un avis au directeur de son hôpital, car n’oublions pas que le directeur disposera, demain, si ce projet de loi est adopté, du pouvoir de nommer et de révoquer les membres du directoire.
En disant cela, c’est bien votre organisation que nous remettons en cause, madame la ministre. Dans le contexte économique et politique actuel, elle ne peut qu’engendrer un organe de direction exempt de tout débat et de toute opposition.
Nous vous avons entendus lorsque, avec le Président de la République, vous avez dénoncé une situation de blocage résultant, selon vous, de l’absence de patron. Nous sommes conscients que quelques situations complexes peuvent effectivement exister, mais nous considérons que la solution ne réside pas dans cette concentration des pouvoirs. Lorsque vous entendez concentrer toutes les responsabilités et tous les pouvoirs entre les mains d’une seule personne, nous considérons au contraire qu’il aurait fallu favoriser la transparence et la collégialité.
Je voudrais avoir à cet instant une pensée particulière pour ces hommes et ces femmes qui, chaque jour, avec dévouement et compétence, rendent un service de qualité à leurs patients. Ils sont convaincus, tout comme les sénatrices et les sénateurs du groupe CRC-SPG, que vous ne pouvez pas appliquer, dans nos hôpitaux, les mêmes règles que dans les entreprises privées.
Madame la ministre, votre approche technique vise à « démédicaliser » la gestion des hôpitaux, ce qui est contraire à la logique d’intérêt général et à la recherche de la satisfaction des besoins en santé des populations.
Vous ne serez donc pas étonnée d’apprendre que nous voterons contre cet article, comme Guy Fischer vient de le préciser.
Madame la ministre, avec cet article, nous parvenons au cœur de votre réforme sur l’hôpital.
Hier soir, vous vous êtes efforcée de détricoter les positions de la commission des affaires sociales, pourtant établies après de sérieuses discussions. Nous avions nous-mêmes retiré un certain nombre d’amendements afin de présenter en séance ceux qui, sur les conseils de surveillance, pouvaient recueillir un consensus a minima.
Vous avez défendu vos positions avec brio, et même avec une certaine gourmandise, madame la ministre. J’en veux pour preuve votre saillie contre les « ONDAM de gauche », dont nous devrons, sans doute en d’autres lieux, faire l’anamnèse, car nous n’en avons pas eu le temps hier soir !
Par ailleurs, contrairement à ce que vous avez prétendu – j’en veux pour preuve la lecture du compte rendu analytique –, je n’ai pas critiqué les directeurs d’hôpitaux, j’ai critiqué le système.
Pendant plusieurs années, j’ai été membre du jury du concours d’entrée à l’ENSP de Rennes. Parmi les candidats qui se présentaient au concours externe de directeur d’hôpital, et dont beaucoup étaient de brillants étudiants de Sciences Po, j’essayais surtout de repérer ceux dont l’épine dorsale n’était pas trop souple ! Ces fonctionnaires doivent en effet faire office de médiateurs entre, d’une part, la politique nationale de santé, qu’il faut bien mettre en œuvre et, d’autre part, la réalité des collectivités locales dans lesquelles ils exercent.
Je sais bien, madame la ministre, que vos proches collaborateurs sont essentiellement inspirés par la pensée des économistes libéraux de la santé, notamment par celle du professeur Claude Le Pen. Ils devraient s’intéresser également aux travaux des sociologues nord-américains, particulièrement à ceux, bien connus, d’Harry Mintzberg sur les institutions et les organisations. Ils découvriraient que les hôpitaux, comme les universités, sont des bureaucraties professionnelles, qui recouvrent un concept très précis en termes de direction et de gestion.
En l’occurrence, dans les hôpitaux, ce sont les médecins et les soignants qui sont au contact direct de la réalité, ou du produit, selon la terminologie du professeur Claude Le Pen.
La conception de l’hôpital change radicalement si l’on intègre la notion de bureaucratie professionnelle. Comme je l’expliquais lors de la discussion générale, cette théorie vise à rechercher un équilibre au moyen de régulations souples et de jeux coopératifs dans lesquels tout le monde se retrouve.
C’est évidemment bien loin de votre schéma bonapartiste dans lequel le chef, au plus haut niveau, décide de tout, …
…et les petits chefs s’efforcent d’appliquer ses directives.
Je pense, madame la ministre, que mes jeunes collègues directeurs d’hôpitaux ne supporteront pas très longtemps ce modus operandi !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste – M. François Autain applaudit également.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je me permets tout d’abord de vous saluer et de vous souhaiter une bonne journée de travail.
Cet article 6 a pour objet de définir les compétences et la composition du nouveau directoire des établissements publics de santé, que le projet de loi dote d’une compétence consultative, ainsi que les pouvoirs du directeur, qui devient titulaire de tous les pouvoirs de décision de l’ancien conseil d’administration non conservés par le conseil de surveillance.
Comme la commission Larcher, qui avait observé « qu’un équilibre des compétences plus affirmé entre le conseil de surveillance, le directoire et le directeur offrirait à celui-ci un meilleur appui dans la mise en œuvre de sa politique pour l’établissement », notre commission a précisé que les directeurs seront nommés, par arrêté du directeur général du centre national de gestion, sur une liste comportant trois noms de candidats proposés par le directeur général de l’ARS, après avis du président du conseil de surveillance ; que le directeur sera entendu par le conseil de surveillance à sa demande ou à celle du conseil ; qu’une décision conjointe du directeur et du président de la commission médicale d’établissement, la CME, permettra de mettre en œuvre la politique d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins ainsi que des conditions d’accueil et de prise en charge des usagers ; enfin, que le président de la CME devra être consulté sur les projets d’investissement concernant des équipements médicaux.
En ce qui concerne les prérogatives du président de la CME, la commission a précisé que ce dernier élaborera le projet médical d’établissement et qu’il coordonnera avec le directeur la politique médicale de celui-ci.
Elle a prévu également que le directoire approuvera le projet médical et préparera le projet d’établissement, en prenant notamment en compte le projet de soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques.
Sur la composition du directoire, la commission a adopté une nouvelle rédaction mentionnant, entre autres précisions, que les sages-femmes auront vocation à être incluses dans la représentation des membres du personnel médical de l’établissement.
Elle a également intégré des dispositions spécifiques pour les directoires des CHU, en adjoignant à ces derniers deux vice-présidents et en prévoyant que la nomination comme la révocation des membres du directoire seront de la compétence du directeur, après consultation du président de la CME.
Telles sont, en guise d’introduction à cet article 6, les conclusions des travaux de la commission.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous adresse à mon tour, en ce début de journée, mes salutations et mes vœux de bon travail.
Cet article 6 comporte plusieurs volets relatifs à la gouvernance de l’hôpital, aux procédures de nomination et aux règles relatives à l’administration provisoire des établissements publics de santé.
Je souhaite que nous renoncions aux approches manichéennes et simplistes qui opposent de manière absurde les « méchants directeurs » aux « bons médecins ».
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Il vaudrait mieux parler des hommes et des femmes qui œuvrent pour la santé publique.
Les directeurs d’hôpitaux sont des fonctionnaires de haute qualité, et nombre d’entre eux ont beaucoup souffert des procès qui leur ont été intentés.
Un directeur d’hôpital n’a rien à voir avec un chef d’entreprise. Un hôpital n’est pas une entreprise : il ne fait ni bénéfices, ni chiffre d’affaires, et ne peut avoir d’autre objectif que celui d’appliquer un projet de soins. Cela n’empêche pas de gérer au mieux ses finances.
Les ressources de l’hôpital proviennent en effet de la solidarité nationale : elles sont assurées à près de 95 % par l’assurance maladie – 45 % du financement étant assuré par les cotisations assises sur les salaires, 37 % par un impôt remarquable, créé par la gauche et acquitté par l’ensemble de nos concitoyens, même les plus modestes, contrairement à l’impôt sur le revenu, le reste par des taxes affectées comme les taxes sur le tabac et l’alcool.
Il est donc normal que l’ensemble des responsables politiques et administratifs rendent compte à l’euro près de la manière dont est dépensé l’argent que leur confient nos concitoyens.
Plusieurs centaines d’acteurs de la vie hospitalière – médecins, directeurs, présidents d’association, élus, personnels hospitaliers – ont été auditionnés par la commission dirigée par Gérard Larcher, alors qu’il n’était pas encore président du Sénat.
Cette commission s’est accordée sur le fait que la difficulté à prendre des décisions constituait aujourd’hui le principal obstacle à l’évolution de l’hôpital. De leur côté, nos concitoyens souhaitent légitimement que l’hôpital soit une structure dynamique et réactive, à la pointe des évolutions sociologiques et techniques.
C’est pourquoi cet article vise à donner à l’hôpital les moyens de mieux répondre aux besoins de nos concitoyens.
Le pilotage des hôpitaux publics sera facilité par le renforcement de l’autonomie du chef d’établissement. Président du directoire, le directeur pourra prendre des décisions rapidement, répondre aux attentes des médecins qui souhaitent faire évoluer leurs pratiques, passer des conventions, adapter les activités de soins. Dans cette optique, le directeur dispose de pouvoirs renforcés en matière de gestion.
Le vice-président de droit de ce directoire est le président de la commission médicale d’établissement, et les médecins y seront majoritaires : l’organe de pilotage d’un hôpital est composé majoritairement de personnes issues du corps médical. Sa composition a été resserrée pour garantir l’efficacité du pilotage des hôpitaux.
Dans les CHU, le président de la CME sera le premier – et non le seul – vice-président ; il sera accompagné d’un vice-président doyen, directeur de l’unité de formation et de recherche, ainsi que d’un vice-président chargé de la recherche. Nous pourrons examiner ensemble les conditions de choix de ce vice-président chargé de la recherche, car il sera évidemment à la confluence de l’hôpital et de l’université.
Le directeur pourra également s’appuyer sur des chaînes de responsabilité clarifiées et des circuits décisionnels déconcentrés au niveau des pôles. Nous examinerons ces différents points à l’article 8.
Globalement, ce texte, tel que la commission l’a modifié, porte une ambition de gouvernance unie. Tout est réuni autour de ces nouveaux outils de pilotage pour susciter une gestion médicalisée de l’hôpital.
Je voudrais également insister sur le souci qui nous a animés tout au long de ces travaux de prendre en compte les particularités d’organisation des centres hospitaliers universitaires. Nous aurons l’occasion d’examiner un certain nombre d’ajustements concernant la nomination des membres de leur directoire, la prise de décision au sein de celui-ci, les prérogatives du directeur en matière de coopération, les relations entre le directeur et le conseil de surveillance et l’élaboration du projet médical.
En effet, le directeur doit être pleinement responsable et, ce qui est bien normal, répondre de ses actes devant l’État, représenté par le directeur général de l’ARS. La santé est une fonction régalienne et, comme je le rappelais hier, c’est bien le ministre de la santé et le Gouvernement qui sont interpellés sur tous ces sujets. Le directeur, délégataire de ce pouvoir, doit être en capacité d’exercer son autorité et d’assumer ses décisions. Comment le pourrait-il s’il n’avait pas un droit de regard sur un domaine aussi essentiel pour l’hôpital que le projet médical, lequel, bien évidemment, est élaboré par la communauté médicale ?
Le président de la CME est une haute autorité médicale et il est au cœur du dispositif ; le destituer de son rôle affaiblirait l’hôpital. Il assure la continuité et la cohérence du projet médical. Il n’a pas à se trouver en position d’autorité par rapport à ses pairs. Ceux-ci l’ayant élu, il jouit d’un statut particulier. Son autorité morale sera d’autant plus grande qu’il sera libre. Les décisions d’autorité seront assumées par le directeur.
Ces questions seront au cœur de notre débat.
Le projet de loi modifie le mode de désignation des directeurs des hôpitaux. Pour répondre à la question de M. Sueur, je précise que tous les directeurs des centres hospitaliers régionaux et universitaires seront désormais nommés par décret pris en conseil des ministres, sur le rapport des ministres concernés, parmi les personnels hospitalo-universitaires ou les fonctionnaires hospitaliers ou contractuels ayant validé des modalités de cursus commun. Il ne s’agit pas de choisir dans ce cadre des hommes ou des femmes qui n’auraient pas des formations pointues en matière de santé publique.
Les directeurs des autres hôpitaux seront nommés par le directeur général du Centre national de gestion, parmi une liste de trois noms proposés par le directeur général de l’agence régionale de santé et après avis du président du conseil de surveillance.
La commission des affaires sociales a proposé d’unifier le mode de désignation des directeurs d’établissement, qu’ils soient membres ou non d’une communauté hospitalière de territoire. Ces mesures présentées par votre rapporteur sont une étape importante dans la démarche de modernisation des hôpitaux que j’entends vous proposer. Souhaitant aller plus loin sur certains points, je vous présenterai, au nom du Gouvernement, quelques amendements.
Les dispositions relatives à la mise sous administration provisoire des hôpitaux, adoptées par le Parlement dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, ont été disjointes par le Conseil constitutionnel au motif qu’elles n’avaient pas d’effet ou, comme l’a formulé le Conseil, qu’elles avaient un effet trop indirect sur les dépenses des régimes d’assurance maladie. Pourtant, ces dispositions étaient capitales.
Afin de remédier aux situations de déséquilibre ou de danger pour la santé constatées dans certains hôpitaux, la procédure introduite ici permettra très rapidement au directeur de l’ARS d’engager un processus comportant plusieurs phases sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir. Cette procédure évidemment très exceptionnelle sera précédée d’un certain nombre d’alertes. Elle permettra de sortir d’une situation de crise et d’assainir la situation de l’établissement pour permettre à un nouveau directeur de prendre ses fonctions dans un cadre stabilisé.
Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les explications que je souhaitais vous apporter sur cet article très important. Comme je l’ai toujours dit, le projet stratégique d’un hôpital ne peut être qu’un projet médical, élaboré par la communauté médicale, porté par le directeur, responsable de sa mise en œuvre. Je remarque d’ailleurs que, dans les faits, le directeur et le président de la CME forment très souvent une équipe unie. C’est cette équipe unie que nous voulons conforter.
L'amendement n° 416, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
Au préalable, madame la ministre, je voudrais vous remercier de votre longue explication de texte sur cet article, pratique quelque peu exceptionnelle. Vous avez, sinon donné des gages aux directeurs, à tout le moins apporté des précisions.
Cet article, qui définit les compétences et la composition du nouveau directoire des établissements publics de santé, ainsi que les pouvoirs du directeur, aura concentré sur lui toutes les oppositions de la communauté hospitalière. J’en veux pour preuve le succès, renouvelé hier, des manifestations de praticiens et de personnels.
Sourires
Madame la ministre, les quelques concessions faites aux médecins de CHU sur ce qu’il est convenu d’appeler « la gouvernance de l’hôpital », que le Président de la République vous a demandé de traduire immédiatement en amendements, n’ont rien changé sur le fond.
Chacun a bien compris que, en dépit de ces amendements de dernière minute, vous ne renoncez pas à mettre en place ce que le Mouvement de défense de l’hôpital public, le MDHP, n’hésite pas à qualifier de « pouvoir vertical politisé détenu par les directeurs d’agences régionales de santé, dont la seule finalité est l’équilibre budgétaire ».
Ce n’est pas moi qui le dis, mais je partage ce point de vue !
La façon dont vous prétendez réformer la direction et la gestion des hôpitaux ne permettrait pas d’atteindre l’objectif que vous affichez d’améliorer la qualité et la sécurité des soins.
En effet, cette concentration de pouvoirs entre les mains du seul directeur d’un établissement hospitalier procède d’une vision étroitement budgétaire, comptable et, pour tout dire, « managériale » de l’hôpital public.
Elle n’implique ni l’avis ni l’adhésion de ceux qui ont pour vocation et seule préoccupation de soigner le mieux possible des personnes qui souffrent.
Bien sûr, cela ne se passera pas tout à fait comme je le dis, …
…mais, sur le fond, l’objectif est bien de réduire les déficits des hôpitaux publics. Nous vérifierons les résultats en fin d’année.
L’objectif est le suivant : comment rendre le meilleur service au meilleur coût ?
Sans doute…
Cette vision des choses est étrangère à l’esprit qui anime nos hôpitaux. Pour bien fonctionner, ils ont certes besoin de moyens, mais surtout du travail en commun d’équipes qui partagent un même projet et y adhèrent.
Madame la ministre, votre philosophie est tout autre : d’un côté, vous concentrez les pouvoirs aux mains d’un seul ; d’un autre côté, vous écartez la communauté hospitalière et les élus, même si un amendement adopté hier tend à rétablir un tant soit peu d’équilibre. Néanmoins, nous ne pouvons absolument pas être d’accord avec un mécanisme qui écarte des décisions ceux qui devraient y être associés.
Cette conception autoritaire de la direction et de la gestion de nos hôpitaux publics – même si vous prétendez, madame la ministre, que la politique de santé relève du pouvoir régalien de l’État – facilitera la mise en œuvre des orientations fixées par les agences régionales de santé. Je parie que, à l’avenir, les directeurs des ARS seront nommés au plus haut niveau, peut-être par le Président de la République lui-même, de manière à disposer d’hommes qui appliqueront sans état d’âme des politiques visant à réduire la dépense publique, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.
Bien évidemment, la commission n’a pas été convaincue par l’objet de cet amendement tendant à supprimer l’article 6 du projet de loi. Aussi émet-elle un avis défavorable.
Nous sommes là au cœur du débat sur la réforme hospitalière, et cet article 6, dont je remercie Mme la ministre d’avoir bien expliqué la portée, procède à une nouvelle répartition des pouvoirs au sein de l’hôpital.
Mes chers collègues, nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à avoir siégé un certain nombre d’années dans le conseil d’administration d’un hôpital. Pour ma part, nourri d’une expérience de plus de trente ans, j’ai quelque connaissance de la gestion hospitalière et des rapports entre les directeurs, les médecins et le reste du personnel.
Nous nous opposons à l’amendement de suppression de l’article 6 pour trois raisons.
Premièrement, et je m’étonne que personne ne l’ait signalé, les décisions pourront être prises plus rapidement au niveau local. Par expérience, nous savons tous que cela est très difficile, avec le système actuel, en raison de multiples blocages. Pour les surmonter, il est alors souvent nécessaire soit de remonter au niveau administratif départemental, soit de s’adresser directement au ministre de la santé.
Ces blocages, qui ont un caractère permanent, sont dus non pas à des problèmes financiers, mais bien à la manière par laquelle les décisions doivent être prises. Donner le pouvoir de décider aux directeurs leur permettra, après consultations, de prendre des décisions au niveau local, et ce dans le plus grand intérêt des patients que nous sommes tous. Là est bien l’essentiel.
Deuxièmement, l’article 6 attribue au président de la commission médicale d’établissement un rôle précis pour lui permettre de travailler avec le directeur. S’agissant des CHU, il convient de prendre en considération la recherche universitaire, qui est essentielle. Qu’un certain nombre de médecins aient défilé hier pour s’opposer à cette évolution, cela prouve bien que nous adorons dans ce pays les conflits entre tel et tel corps, les batailles sur le nombre de lits, les querelles sur le projet médical !
Grâce à ce mécanisme de cohésion obligatoire au sein du directoire, nous parviendrons à régler un certain nombre de problèmes.
Troisièmement, dans le texte qui nous est soumis, l’organisation incluant un conseil de surveillance et un directoire permet de faire le départ entre, d’une part, la stratégie, le contrôle de l’activité, la prospective et le long terme et, d’autre part, la gestion quotidienne de l’ensemble hospitalier.
C’est très important. D’ailleurs, les élus du premier collège, les personnalités qualifiées du troisième collège et les membres du personnel, notamment les directeurs de soins infirmiers, les sages-femmes et les représentants du personnel, y attacheront beaucoup d’importance.
Cet article 6 est essentiel. Mme la ministre et M. le rapporteur de la commission l’ont dit. Par conséquent, le groupe UMP unanime votera contre l’amendement qui nous est proposé.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Je voudrais expliquer la position du groupe socialiste sur l’amendement de M. Guy Fischer.
Vous avez très bien expliqué la procédure, madame la ministre, en l’atténuant dans vos explications. Manifestement cet article est le nœud le plus important de la contestation qui s’est fait jour parmi les médecins, qu’ils soient grands patrons, ou médecins de base, ces derniers qu’on a peut-être moins vus dans la rue, notamment en province.
Pour la première fois, après vingt ans à la tête du conseil général de la Dordogne, j’ai reçu une pétition de tous les médecins de l’hôpital de Périgueux, bien que n’étant pas tous de la même tendance politique que moi, loin de là !
On trouve des dispositions intéressantes dans ce texte, mais il importe d’éviter la démesure. Or, dans la très grande majorité des cas, dites-vous, médecins, présidents de la commission médicale consultée, présidents d’établissements et directeurs d’hôpitaux travaillent main dans la main. C’est vrai dans 40 % à 50 % des cas, et encore !
Les médecins, pris par leur métier, attendent que la situation se dégrade beaucoup pour se battre. Très souvent, ils ont tendance à y renoncer. C’est sur leur découragement que vous comptez !
Vous souhaitez renforcer le pouvoir du directeur en lui donnant la possibilité d’emporter les décisions par renoncement ou par désespoir de la communauté médicale de l’hôpital.
C’est pourquoi, madame la ministre, il faut revoir ce dossier et cet article en particulier. Nous l’avons dit hier soir – même si ce n’était pas dans l’ambiance feutrée que l’on connaît habituellement au Sénat –, la concertation est nécessaire.
M. le président et M. le rapporteur de la commission des affaires sociales ont fait un travail d’une grande qualité dans cette concertation.
Malheureusement, ils n’ont pas toujours été suivis, je le regrette.
Nous voterons la suppression de l’article 6.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
M. Jean Desessard. Bravo ! Merci à tous, vous êtes fantastiques ! Travail, ambiance générale, amendements à répétition, réactivité ! Voilà, pour hier soir.
Sourires
Je vous félicite, madame la ministre. Vous êtes dynamique, vous avez du souffle, vous tenez.
Sourires
Selon vous, madame la ministre, les équipes sont unies ; il n’y a donc plus de difficultés. Vous déclarez ensuite qu’il faut renforcer les pouvoirs.
Le conseil de surveillance sera resserré. Son président sera élu par ses pairs, comme le président du directoire. Tout le monde aura plus de pouvoir ! Alors où en est-on ?
Si tout le monde se sent investi du pouvoir, où est l’instance de négociation ? Selon vous, il n’y en a pas, puisque ce sera au directeur de trancher !
Que sont aujourd’hui les missions de service public ? La question ne se poserait peut-être pas si le corps médical travaillait dans les hôpitaux dans de bonnes conditions, s’il était beaucoup mieux payé et plus valorisé que dans le privé. Mais, non ! Les conditions de travail du personnel hospitalier, qu’ils soient médecins, infirmiers ou aides soignants, sont difficiles.
Si les personnels ne se sentent pas investis ni reconnus dans leur mission de service public, s’ils sentent qu’ils doivent simplement obéir à des critères comptables, ils perdent la motivation.
Il faut rapprocher ce constat de l’ensemble de la politique du Gouvernement. Nous avons eu ce débat sur les transports collectifs, par exemple. Vous avez préconisé la suppression des blocages, syndicats qui veulent s’organiser, solidarité de corps dans le service public, parce que cela conduit aux grèves.
Je vous l’avais expliqué à cette époque, madame la ministre, lorsque l’on supprime cette solidarité de corps, non seulement les fonctionnaires se désinvestissent de leur travail, mais ils n’ont plus envie d’intervenir par la suite.
C’est pourquoi en cas d’agression dans les gares, par exemple, les personnels de la SNCF et de la RATP, se sentant de moins en moins soutenus par leur direction dans leur mission de service public, laissent faire et confient l’intervention à un autre corps d’État, à la police par exemple.
On en arrive à un désinvestissement global de tous les fonctionnaires investis d’une mission du service public. On leur demande des efforts sans leur donner la reconnaissance de ce travail de mission de service public qu’ils assument depuis des années.
Je voterai l’amendement de suppression présenté par mon collègue M. Guy Fischer.
M. François Autain. Je vous rassure, cher collège. Mon intervention ne sera donc pas totalement inutile, elle aura au moins cet effet !
Sourires
Cet article nous apparaît d’autant plus inutile que le Gouvernement a déjà procédé à une réforme de la gestion opérationnelle des hôpitaux – je préfère ce terme à celui de « gouvernance » – en créant les pôles de gestion, il n’y a pas très longtemps, et sans même prendre le temps d’évaluer les conséquences de cette réforme, qui a été plus ou moins bien appliquée et qui a quelquefois entraîné à l’hôpital plus de désordres que de solutions.
Sans attendre les effets des réformes qui ont été engagées, on en lance de nouvelles, dans une sorte de fuite en avant ! Cela ne répond pas aux problèmes réels rencontrés par les hôpitaux aujourd’hui, ne serait-ce que dans la prise de décision en matière organisationnelle, ce qui n’est pas le cas pour les décisions médicales.
Il faut arrêter cette fuite en avant, observer une pause, réfléchir davantage, évaluer les réformes en cours et peut-être, en fonction des résultats obtenus, mener une consultation avec les professionnels plus large et ambitieuse qu’elle ne l’a été pour le rapport Larcher.
Vous l’avez dit, madame la ministre, M. Gérard Larcher a rencontré beaucoup d’acteurs du monde hospitalier. Comme vous l’avez fait pour l’organisation des soins, il eût été préférable, pour répondre à la demande des praticiens hospitaliers, d’organiser des états généraux. Il en serait sans doute sorti des projets beaucoup mieux adaptés à la réalité hospitalière que l’article 6 que vous nous présentez.
C’est la raison pour laquelle je voterai cet amendement de suppression.
L’article 6, comme il a été dit, est fondamental dans la nouvelle organisation de la gestion des hôpitaux. Je vois mal comment on pourrait aujourd’hui aboutir à une réforme que tout le monde souhaite sans examiner cet article.
Cet article est intéressant parce que le directoire tel qu’il a été constitué, avec les amendements de la commission des affaires sociales du Sénat, donne un véritable rôle au président de la commission médicale d’établissement. Cette majorité médicale siégeant au sein du directoire, qui est un organisme resserré puisqu’il comporte au plus sept membres et neuf membres pour les CHU, constituera la cellule opérationnelle, qui permettra d’avancer et de traiter les problèmes rapidement.
En outre, la présence d’un représentant des personnels infirmiers complète cette participation à la gestion directe, au quotidien, de ces hôpitaux. C’est ce qui manque actuellement dans l’organisation.
Il faut en débattre à travers les amendements et les discussions. Mais je ne vois pas comment on pourrait se passer de cet article.
Je mets aux voix l'amendement n° 416.
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du Gouvernement et, l'autre, du groupe CRC-SPG.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 159 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 326, présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Remplacer la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6143-7 du code de la santé publique par deux phrases ainsi rédigées :
Le directeur préside le directoire. Il met en œuvre avec lui la politique générale de l'établissement.
La parole est à M. Yves Daudigny.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de commencer la défense de cet amendement par une citation.
« La tendance au renforcement progressif des compétences du directeur de l’hôpital est ancienne […].
« Elle connaît cependant, avec le projet de loi, une nette accélération, le directeur-président du directoire étant investi de pratiquement tous les pouvoirs d’administration et de décision. […]
« À ces compétences déjà étendues, le projet de loi ajoute l’essentiel de celles qui étaient détenues par le conseil d’administration et quelques-unes qui étaient restées l’apanage dans la communauté médicale.
« Il n’est donc pas étonnant que le dispositif proposé ait été interprété comme un recul par rapport à la recherche d’une “ nouvelle gouvernance ” c’est-à-dire, pour reprendre l’expression du rapport Larcher, “ d’un meilleur équilibre entre pouvoirs administratifs et médicaux à l’hôpital ”. »
Madame la ministre, ce texte ne peut être qualifié de manichéen, puisque c’est celui du rapport de M. Alain Milon.
L’article 6 a pour objet de faciliter le pilotage des hôpitaux par le renforcement des pouvoirs et de l’autonomie du chef d’établissement.
En fait, il est une réponse à la demande, à l’exigence, du Président de la République : je veux un patron à l’hôpital !
Entrons dans les détails techniques. Le conseil exécutif devient un directoire. Le moins que l’on puisse dire est que cette nouvelle structure apparaît extrêmement affaiblie, comme l’ont démontré de précédents intervenants, par rapport à l’ancien conseil exécutif, qu’il s’agisse de ses attributions ou de sa composition.
Notre amendement s’inscrit donc dans une logique de rééquilibrage des forces au sein du directoire.
Il nous paraît essentiel, cela a été dit et répété, de sauvegarder la notion de collégialité dans le management de l’hôpital public. C’est une des spécificités de ce dernier d’associer approche gestionnaire et pensée médicale.
La mise en place d’un directoire doit conforter, et non remettre en cause, les efforts qui ont été accomplis ces dernières années par les praticiens hospitaliers pour affirmer le rôle du conseil exécutif.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
L'amendement n° 417, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, remplacer le mot :
conduit
par les mots :
met en œuvre
La parole est à Mme Annie David.
Le bouleversement de la gouvernance hospitalière prévu par ce projet de loi, notamment par cet article – cela a été souligné dans de précédentes interventions – est au cœur du processus de restructuration-étatisation de la santé, qui semble être l’un des objectifs du Gouvernement.
La suppression des conseils d’administration et les superpouvoirs accordés aux directeurs vont, selon nous, à l’encontre des principes fondamentaux de la démocratie sanitaire à laquelle nombre d’entre nous et tous les personnels des établissements de santé sont particulièrement attachés.
La transformation de l’hôpital en « hôpital-entreprise » – expression que vous n’aimez pas, je le sais, madame la ministre – est inacceptable et anti-démocratique, car la santé n’est pas et ne sera jamais un bien comme un autre. C’est même tout le contraire, et nous nous opposerons à sa marchandisation, que vous encouragez !
Nous considérons que le directeur doit construire et mettre en œuvre la politique générale de l’établissement en composant avec les représentants des personnels, les élus et les représentants des usagers. Cette garantie est fondamentale afin que la bonne gestion des services administratifs soit valorisée par les efforts faits en matière de qualité des soins de la communauté médicale et par la culture de l’intérêt général portée par les élus.
Une approche croisée, approche qui est celle des actuels conseils d’administration, est indispensable pour faire entendre les besoins de la population et ceux de tous les usagers. Or, l’instauration de conseils de surveillance aux pouvoirs limités constitue une remise en cause inacceptable de ces besoins. Désormais, en effet, les conseils de surveillance ne pourront plus faire entendre la voix de toutes les catégories de personnels, ni celle des usagers, les élus de la République verront leur rôle diminuer – malgré ce que nous avons obtenu hier soir –, alors qu’ils contribuent à inventer des solutions imaginatives, au plus près des besoins des territoires, pour que la santé reste accessible à tous.
Les risques d’une hypercentralisation des pouvoirs au sein des établissements, placés entre les mains d’un directeur tout puissant, sont trop importants pour que nous laissions faire. Le conseil de surveillance ne doit pas être une chambre d’enregistrement des décisions d’un seul homme ou d’une seule femme. Il doit élaborer la politique de l’établissement qui sera mise en œuvre par le directoire et par son président, le directeur de l’établissement.
Je suis persuadé que M. Daudigny a lu l’ensemble du rapport. Toutefois, en extraire une phrase pour justifier la collégialité, c’est un peu osé !
Le Gouvernement émet également un avis défavorable, pour la raison que vient d’exprimer M. le rapporteur.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de dire quelques mots sur l’interprétation de ces deux amendements.
Il est vrai que l’on s’attache parfois à un terme. Cependant, le verbe « conduit » n’a rien de choquant.
Certains de nos collègues parlent du pouvoir tout puissant du directeur. Mais dans toute structure, il faut bien un responsable. En l’occurrence, ce sera un directeur.
Je rends hommage à toutes celles et à tous ceux qui, dans un esprit constructif, ont travaillé sur ce dossier sensible et important.
Honnêtement, l’emploi du verbe « conduit » n’est pas choquant. En fait, dans un tel dossier, tout repose sur l’aspect humain. Mme la ministre nous a rassurés en ce qui concerne la nomination des directeurs. Il faut certes rester vigilant, mais il faut faire confiance aux futurs directeurs. Il s’agira de personnalités responsables, qui travailleront en étroite collaboration avec les professionnels de santé et l’ensemble du personnel.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP ne votera pas ces amendements.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 546, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter la seconde phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, par les mots :
et fournit à ce dernier tous les documents qu'il jugera nécessaire à l'accomplissement de ces missions
La parole est à M. Guy Fischer.
Cet amendement fait partie de ceux que nous avons déposés dans l’espoir de permettre le renforcement du rôle des conseils de surveillance.
Cela ne signifie pas que nous pensions que ce projet de loi était amendable. Il est inacceptable, car contraire à notre conception de la démocratie sociale et sanitaire. L’hôpital qui naîtra demain de l’application de ce texte ne permettra pas, à notre sens, de satisfaire les besoins en santé de la population.
Néanmoins, nous n’avons pas voulu rester muets sur le conseil de surveillance. Nous considérons que le sort qui lui est réservé relève d’une sorte d’indignité. C’est un recul sans précédent qui témoigne de l’idée que vous vous faites des personnels médicaux, paramédicaux, ouvriers et administratifs : on vous écoute mais, surtout, ne participez pas aux décisions !
Cet amendement vise donc à apporter une précision qui nous semble être de bon sens. Il s’agit de permettre au conseil de surveillance de mener à bien la charge qui est la sienne, à savoir le contrôle des actes réalisés par le directeur de l’établissement.
Mais comment exiger que le directeur de l’établissement joue ce rôle si les membres du conseil de surveillance ne peuvent pas disposer des documents qu’ils estiment nécessaires ?
Et comment pourrait-il, par exemple, se prononcer sur le budget prévisionnel si le directeur de l’établissement ne leur communique pas les éléments qui ont été nécessaires à son élaboration ? Je pense notamment aux injonctions faites par le directeur de l’agence régionale de santé. Il serait intéressant de connaître ces injonctions dès le stade de la réflexion sur le budget prévisionnel de l’année suivante.
Je tiens à préciser, sans esprit polémique, que la disposition que nous proposons constitue, selon nous, une mesure d’équité et de parallélisme des formes. En effet, le projet de loi précise que le conseil de surveillance, qui n’a qu’un rôle très réduit dans la gestion des établissements publics de santé, doit fournir au directeur de l’établissement tous les documents nécessaires à l’organisation des travaux du conseil.
C’est pourquoi, tirant les conséquences de ce que vous avez proposé pour le directeur, nous souhaitons que les membres du conseil de surveillance puissent, pour fonder leur avis et exercer leur mission de contrôle, exiger tous les documents utiles.
Cet amendement est satisfait par le texte de la commission, en particulier par son article 5.
J’en souhaite donc le retrait. À défaut, j’y serai défavorable.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, car votre demande est satisfaite, monsieur Fischer.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cela a d’ailleurs été l’objet de notre discussion d’hier soir, mais vous avez peut-être eu quelques somnolences
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG
C’est impossible !
Il est évident que le directeur doit rendre des comptes au conseil de surveillance et contribuer à la transparence du fonctionnement des hôpitaux.
Le projet de loi précise bien que ce dernier délibère sur la stratégie de l’établissement, qu’il se prononce aussi sur des éléments fondamentaux tels que le projet d’établissement, le compte financier, le rapport annuel d’activité, ou encore le statut des fondations hospitalières, que nous avons longuement évoqué hier soir.
La loi fixe bien sûr un cadre général, et je veillerai à ce que les textes réglementaires précisent les conditions dans lesquelles le directeur doit transmettre des informations complémentaires au conseil de surveillance.
J’ai également déposé un amendement précisant que le directeur prépare les travaux du conseil et y assiste. Il me semble en effet essentiel de formaliser son rôle de préparation des travaux et d’assurer ainsi la production des informations nécessaires au bon fonctionnement du conseil de surveillance.
Telles sont les raisons qui motivent cet avis défavorable.
M. le président About vient de m’inviter à me reporter à la page 21 du projet de loi résultant des travaux de la commission, car tout y est, m’a-t-il dit. Il est en effet précisé en haut de cette page que le conseil de surveillance « peut » se faire communiquer les documents. Or cela pourrait avoir lieu automatiquement.
Franchement, peut-on véritablement participer à un conseil de surveillance sans disposer a priori des questions qui y seront abordées et des documents nécessaires ?
De toute façon, M. Fischer a tout compris. Nous revenons à la discussion que nous avons eue hier sur le conseil de surveillance. Le présent texte prévoit qu’il « peut se faire communiquer les documents », alors que, dans l’amendement présenté par M. Fischer, ce n’est pas tout à fait la même chose : c’est le directeur de l’établissement qui « fournit à ce dernier tous les documents qu’il jugera nécessaire à l’accomplissement de ces missions ». D’ailleurs, on ne sait plus très bien de quelles missions il s’agit, puisqu’elles ne sont pas citées.
La rédaction de la commission est meilleure et donne entière satisfaction. M. Fischer doit sans doute partager mon point de vue…
Puisqu’il s’agit de pousser un coup gueule sur le principe, je maintiens cet amendement. Nous verrons ce que nous ferons pour l’amendement suivant.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 418, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6143-7 du code de la santé publique par une phrase ainsi rédigée :
Il communique au président du conseil de surveillance, dans un délai fixé par décret, tous les éléments nécessaires à la préparation des travaux du conseil de surveillance.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Au vu des explications que je viens d’obtenir, cet amendement semble satisfait. Si la commission et le Gouvernement me confirment qu’il en est bien ainsi, je le retirerai.
Mme la ministre et M. le rapporteur le confirment.
En effet, nous demandons dans cet amendement que le président du directoire « communique au président du conseil de surveillance, dans un délai fixé par décret, tous les éléments nécessaires à la préparation des travaux du conseil de surveillance ». Or il est vrai que c’est ce que nous avons adopté hier soir, madame la ministre, puisque vous devez nous préciser par décret comment les choses vont se passer.
Par conséquent, madame la présidente, je retire cet amendement.
L’amendement n° 418 est retiré.
Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 51, présenté par M. Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le troisième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6143-7 du code de la santé publique :
« Sur proposition du chef de pôle, lorsqu'il existe, et après avis conforme de la commission médicale de l'établissement transmis par son président au directeur, président du directoire, ce dernier propose au directeur général du Centre national de gestion, la nomination des personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques mentionnés au 1° de l'article L. 6152-1 dans les conditions fixées par voie réglementaire.
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai écouté les interventions de Mme la ministre et de M. Fourcade sur l’article 6, et vous ne serez pas étonnés que je sois d’accord avec eux.
Le monde médical est un monde complexe que je connais, même si je ne suis pas membre de la commission des affaires sociales. En effet, j’ai siégé durant cinq ans au conseil d’administration de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris en tant que conseiller de Paris.
L’AP-HP est une structure énorme, vous le savez très bien : 37 hôpitaux, 720 services, 23 000 lits, 70 000 agents et 20 000 médecins ; elle représente pratiquement la moitié de la recherche française. J’ai pu voir comment fonctionnait sa direction.
La première question que je me pose, et dont je vous prie d’excuser l’innocence, madame la ministre, mesdames, messieurs les membres de la commission, est la suivante : l’article 6 s’appliquera-t-il bien, comme je l’imagine, à la structure de direction de l’AP-HP et à chacun des établissements qui la compose ? C’est la logique des choses.
Compte tenu de l’expérience que j’ai eue dans cette institution, je me suis interrogé pour savoir si cet article 6 pouvait s’appliquer. J’ai suivi les travaux de l’Assemblée nationale, et j’ai eu tendance à reprendre les arguments de mon collègue Bernard Debré, conseiller de Paris et chef de service dans un hôpital lorsque je faisais partie du conseil d’administration de l’AP-HP. C’est la raison pour laquelle un certain nombre de mes amendements sur cet article reprennent un peu cet état d’esprit.
Je n’en fais pas une affaire théologique ! Mes explications se fondent sur l’expérience que j’ai acquise, mais je présente mes amendements avec beaucoup d’humilité, parce que le monde médical est complexe et difficile.
Ma première réaction, en suivant ce débat, est de penser qu’il y a deux univers : le monde des hôpitaux de province – bien qu’il y ait de grands hôpitaux en province, je pense à Lyon et à Marseille – et ce monde extraordinaire de l’AP-HP que j’ai découvert en tant que simple élu. C’est une structure unique en France, …
… et au monde.
Avec tous ces amendements, j’essaie de vous faire part de cette expérience et de mes interrogations, auxquelles le débat permettra, je l’espère, de répondre.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 52 rectifié est présenté par M. Pozzo di Borgo,
L’amendement n° 100 rectifié bis est présenté MM Gilles et Leclerc, Mme Goy-Chavent, M. Vasselle, Mlle Joissains et Mme Bruguière
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans la quatrième phrase du troisième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, remplacer les mots :
, lorsqu'il existe,
par les mots :
ou, à défaut, du chef de service,
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour présenter l’amendement n° 52 rectifié.
L’amendement n° 100 rectifié bis n’est pas soutenu.
L’amendement n° 613 rectifié bis, présenté par Mmes Laborde et Escoffier et MM. Marsin, Mézard, Milhau et Vall, est ainsi libellé :
I. Dans la quatrième phrase du troisième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6143-7 du code de la santé publique,
après le mot :
avis
insérer le mot :
conforme
II. En conséquence, supprimer la dernière phrase du troisième alinéa du même texte.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° 420, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans la quatrième phrase du troisième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, après les mots :
et après avis
insérer le mot :
conjoint
La parole est à M. Guy Fischer.
Cet amendement apparemment rédactionnel est très important. En effet, il indique que l’avis du président de la commission médicale d’établissement, la CME, doit être conjoint à la proposition du chef de pôle permettant au président du directoire de proposer au directeur général du Centre national de gestion, le CNG, la nomination et la mise en recherche d’affectation des personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques.
Tout l’intérêt de cet amendement est de proposer une coopération entre la CME et le directeur de pôle pour établir une proposition de nomination et de mise en recherche d’affectation de personnels.
En effet, la question est de savoir non pas seulement qui va décider mais plutôt, à l’inverse de la vision hiérarchique et cloisonnée de l’hôpital, comment travailler la transversalité et les coopérations afin de rendre un meilleur service.
Pour aller plus loin, je ne vois pas non plus comment un médecin nommé dans un service contre l’avis de la CME pourra travailler avec ses collègues. Cette interrogation a déjà suscité des débats.
L'amendement n° 421, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans la quatrième phrase du troisième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, après le mot :
pharmaceutiques
insérer le mot :
, maïeutiques
La parole est à M. François Autain.
Comme vous le savez, la profession de sage-femme est l’une des quatre professions médicales. Les sages-femmes disposent donc d’un pouvoir de diagnostic et de prescription. Le texte qui nous est présenté comporte une disposition qui va augmenter leur capacité de prescription.
Cette profession est spécifique, dans la mesure où elle doit constituer, en principe, le fondement du suivi des grossesses et de la réalisation des accouchements dits « physiologiques », par opposition aux accouchements pathologiques.
Actuellement, l’exercice des sages-femmes au sein des structures hospitalières ne se traduit pas, comme pour les autres professions médicales et notamment la profession de pharmacien, par un statut de praticien hospitalier dont le cadre d’emploi respecte leurs caractéristiques et leur autonomie professionnelles. D’ailleurs, Mme la ministre a eu l’occasion de nous donner en commission son avis sur la reconnaissance d’un statut de praticien hospitalier aux sages-femmes, et je n’ai pas eu le sentiment qu’elle était prête à le leur accorder.
En effet, les statuts qui régissent aujourd’hui les règles d’emploi des sages-femmes hospitalières sont ceux dont dépendent les professions paramédicales, codifiés dans le titre IV du code de la fonction publique.
Cette situation, qui tend à placer les sages-femmes dans un lien de subordination incompatible avec leur déontologie, a pour principale conséquence, sinon de nier, tout au moins de mettre en doute le caractère physiologique de la naissance, alors même que, pour la grande majorité des grossesses et des accouchements, aucune pathologie n’est avérée.
L’absence réelle d’autonomie des sages-femmes hospitalières peut être aussi à la source d’une « surmédicalisation » de la naissance, qui peut occasionner des conséquences négatives sur l’état de santé des femmes et des nouveau-nés, en plus d’une inflation des coûts injustifiée pour la collectivité.
Cet amendement a donc pour objet d’aligner le processus de recrutement des sages-femmes de la fonction publique hospitalière sur celui de l’ensemble des praticiens hospitaliers, lequel fait également l’objet de modifications, comme je l’ai dit tout à l’heure, dans le présent projet de loi. Il est indispensable de les intégrer pleinement dans la communauté médicale à laquelle elles appartiennent naturellement.
Dès lors, le président du directoire de l’hôpital proposera au directeur général du Centre national de gestion, outre la nomination des personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques, celle des membres de la profession de maïeutique ou de sage-femme, étant précisé que le CNG est compétent pour organiser le concours national d’accès au statut des praticiens hospitaliers, nommer et prendre les décisions relatives à la carrière de ces derniers, gérer leurs rémunérations et exercer le pouvoir disciplinaire à leur égard.
Cette nouvelle orientation dans l’organisation des soins permettra de mettre en adéquation la pratique des professionnels de santé avec leurs réelles qualifications, ce qui sera source de substantielles économies à un moment où, on a eu l’occasion de le répéter, les finances publiques sont exsangues.
Le présent amendement permettra ainsi de mieux adapter l’offre de soins aux besoins de la population, aux évolutions techniques et aux attentes des professionnels de santé.
L'amendement n° 422, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase du troisième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, supprimer les mots :
du président
La parole est à M. Guy Fischer.
L’article L. 6143-7 du code de la santé publique tel qu’il est proposé dans la rédaction de ce projet de loi prévoit que le directeur de l’établissement dispose d’un pouvoir de nomination dans l’établissement.
Je dois le dire, madame la ministre, j’ai été étonné quand, en réponse aux orateurs qui étaient intervenus lors de la discussion générale le 13 mai dernier, vous avez déclaré : « Je ne veux pas d’un patron à l’hôpital » !
M. Guy Fischer. Étonné, car cette déclaration est en totale contradiction avec l’esprit du projet de loi ; étonné également et surtout car, en disant cela, vous vous écartiez du dogme présidentiel.
Exclamations et marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je dirai même : la doxa !
Sourires.
Pour mémoire, madame la ministre, je voudrais citer ce que déclarait Nicolas Sarkozy dans son discours de Bordeaux, en octobre dernier.
Le Président s’exprimait ainsi : « Alors, je vais dire quelque chose qui n’est pas politiquement correct, mais moi, je souhaite que le directeur soit le patron reconnu, le seul. » C’est à l’aune de cette déclaration que nous étudions le présent projet de loi !
Depuis la réunion de la commission et la réunion de travail de la majorité sénatoriale à Matignon afin d’entériner les décisions prises par le Président pour tenter de satisfaire les exigences des personnels hospitaliers, cet article a été modifié. Il intègre désormais la consultation d’un certain nombre d’instances, en particulier de la commission médicale d’établissement, ou plutôt, devrais-je dire, du président de la commission médicale d’établissement. La nuance n’est pas anodine puisque le président de la CME est nommé par le directeur de l’établissement ; il bénéficie même, en qualité de directeur adjoint, d’une part de rémunération variable dont le montant et les conditions seront précisément définis par… le directeur de l’hôpital.
Est donc instauré un système de domination dans lequel chacun est tenu par quelqu’un : le président de la CME par le directeur de l’établissement, le directeur de l’établissement par celui de l’ARS…
Disant cela, madame la ministre, je ne fais pas acte de défiance à l’égard des présidents de CME : je constate simplement que vous instaurez un système pernicieux qui pourrait ne pas rester sans conséquences.
Pour conclure, et afin de vous inviter à voter en faveur de notre amendement, mes chers collègues, je voudrais préciser deux arguments.
Si le législateur a pris le soin de constituer une commission médicale d’établissement, c’est qu’il a cru – à raison – qu’il fallait profiter de la richesse et de la garantie d’indépendance qu’offre la collégialité. Vous ne voulez pas tenir compte de cette force, madame la ministre, comme si vous étiez vous-même méfiante – et c’est sans doute la réalité –face à un certain nombre de structures qui font vivre la démocratie dans l’hôpital et s’apparentent à autant de contre-pouvoirs.
Enfin, je voudrais rappeler un événement survenu voilà peu et dans lequel la consultation d’une commission a fait parler d’elle : il s’agit de la nomination de M. Pérol, ancien collaborateur du Président, à la tête des Banques populaires.
Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
C’est déjà arrivé bien d’autres fois ! La gauche a nommé beaucoup de patrons, à commencer par celui de Renault ! Vous n’avez pas à nous donner de leçons !
M. Guy Fischer. Oui, mais qui se répète de plus en plus souvent ! Et si vous vous sentez concernés, mes chers collègues, c’est que j’ai bien fait d’évoquer ce point !
Sourires.
Bien sûr, M. Claude Guéant, lui aussi très proche du Président, avait affirmé que « la commission de déontologie aurait donné son accord ». On sait bien que ce n’était absolument pas le cas !
Chat échaudé craint l’eau froide : nous entendons proposer que les projets de nomination soient soumis pour avis non pas au seul président de la CME, mais à la CME dans son ensemble.
J’émettrai tout à l’heure un avis favorable sur l’amendement n° 52 rectifié de M. Pozzo di Borgo, sous réserve cependant de l’adoption de ce sous-amendement, qui vise à pallier la possible absence de chef de pôle.
Cela est d’autant plus nécessaire que, vous le savez, j’ai rouvert dans le projet de loi la possibilité, interdite depuis plusieurs années, de créer des services. En effet, il peut être utile, dans un hôpital, de garder un service isolé plutôt que d’avoir une sorte de pôle « fourre-tout ».
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est pourtant à cette dernière situation que nous a conduits une conception trop restrictive de la création des pôles. Ce sous-amendement devrait recueillir votre assentiment.
M. Yves Pozzo di Borgo opine.
Le fait de prévoir l’avis, de surcroît conforme, de la CME tout entière et non de son seul président n’est pas compatible avec la position adoptée par la commission des affaires sociales. Celle-ci a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 51.
En revanche, elle a émis un avis favorable sur l’amendement n° 52 rectifié, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 1285.
Quant à l’amendement n° 420, son habillage en simple amélioration rédactionnelle est habile, mais il n’a pas trompé la commission. §L’avis est donc défavorable.
M. Fischer a pourtant bien expliqué que ce n’était pas un simple habillage !
Oui, parce que nous le lui avons fait observer hier en commission !
L’amendement n° 421 concerne les sages-femmes. Autant, et vous le savez, la commission s’est montrée favorable à l’inclusion des sages-femmes dans diverses structures hospitalières, autant elle n’a pas estimé légitime que leur nomination relève de la CNG. L’avis est donc défavorable.
Enfin, l’amendement n° 422 m’amène à constater une nouvelle fois la constance, pour ne pas dire l’obstination, du groupe CRC-SPG. J’espère que le celui-ci appréciera notre constance, sinon notre obstination, à émettre un avis défavorable.
Monsieur Pozzo di Borgo, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, fleuron du monde hospitalier français et même européen, est sans doute la plus grande structure hospitalière au monde. Cette très grande maison a des chercheurs, des médecins, des personnels exceptionnels ; je me demande au demeurant si leurs formidables performances se font grâce à la structure, ou malgré elle !
Mais il n’est probablement pas possible de répondre à cette question aujourd’hui.
Quoi qu’il en soit, monsieur Pozzo di Borgo, nous laissons, en fin de compte, la liberté de choisir. Nous pouvons nous attendre à ce que les structures hospitalières qui constituent l’AP-HP reproduisent en leur sein la gouvernance que je vous propose d’instaurer au niveau de l’AP-HP, mais je voudrais leur laisser la possibilité de s’organiser comme elles le souhaitent. C’est la raison pour laquelle je vous demande de retirer l’amendement n° 51.
Je suis donc favorable, monsieur le sénateur, à votre amendement n° 52 rectifié, sous réserve qu’il soit modifié par le sous-amendement que j’ai déposé et qui, ai-je cru comprendre, recueille votre accord.
Il ne m’avait pas échappé non plus, monsieur le rapporteur, que l’amendement n° 420 était un amendement de fond et ne visait pas à une simple précision rédactionnelle. J’y suis défavorable.
L’amendement n° 421 tend à ce que les sages-femmes soient nommées par le directeur général du CNG sur proposition du président du directoire. Il pose des problèmes tout à fait importants, non pas au fond, car son objet n’est pas illégitime a priori, mais sur un plan technique.
La loi de janvier 1986, en créant le CNG, lui a confié la gestion des seuls personnels de direction de la fonction publique hospitalière et des praticiens hospitaliers. Le transfert au CNG de la gestion des sages-femmes – soit, je le précise, dix mille personnes – entraînerait un coût important dont le financement n’est pas prévu dans l’amendement.
Mme Annie David manifeste son désaccord.
Enfin, si le projet de loi prévoit d’étendre le champ des personnels gérés par le CNG aux directeurs des soins, cela est justifié par le fait que ceux-ci font partie des équipes de direction : il est donc cohérent qu’ils soient gérés au niveau national, à l’instar des personnels de direction de la fonction publique hospitalière. Nous restons bien dans le cadre de la mission confiée à l’origine au Centre national de gestion.
En revanche, le transfert au CNG de la gestion du corps des sages-femmes, qui, à l’évidence, ne présente pas les mêmes caractéristiques, suscitera des demandes reconventionnelles de la part d’autres corps de la fonction publique hospitalière, ce qui, pour les raisons évoquées plus haut, n’est pas opportun.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 421.
Enfin, il ne nous avait pas échappé que l’objet de l’amendement n° 422 n’était pas non plus anodin. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Nous voterons l’amendement n° 51, qui va tout à fait dans le sens des amendements que nous avions déposés.
Nous voterons aussi l’amendement n° 52 rectifié, modifié par le sous-amendement du Gouvernement, correction qui nous paraît judicieuse.
Par ailleurs, nous voterons bien sûr les amendements qu’a présentés M. Fischer.
Compte tenu des explications apportées par Mme la ministre, et puisque j’accepte le sous-amendement déposé par le Gouvernement à mon amendement n° 52 rectifié, je retire l’amendement n° 51.
Le sous-amendement est adopté.
L’amendement est adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
Madame la ministre, je n’ai pas été totalement convaincu par votre argumentation. Je ne trouve pas normal que la gestion des personnels maïeutiques ne soit pas effectuée par le Centre national de gestion.
Vous objectez que cela n’a pas été prévu par la loi, qui est récente.
J’aimerais savoir, madame la ministre, s’il vous semble que ce n’est pas possible ou s’il vous apparaît que, à l’avenir, on peut envisager éventuellement de confier la gestion de ce personnel à ce centre, après qu’on aura évalué les coûts supplémentaires que cette gestion pourrait impliquer.
Je voudrais souligner que, dans ce projet de loi même, les sages-femmes se voient attribuer de plus en plus de responsabilités. Ainsi, le rapporteur a tenu à ce qu’une place auprès du chef de pôle leur soit réservée.
Il y a là une apparente contradiction : d’un côté, on a tendance à donner de plus en plus de responsabilités à ces personnels et, d’un autre côté, on refuse de leur reconnaître cette fonction de direction qu’ils sont de plus en plus souvent appelés à jouer et au titre de laquelle ils pourraient bénéficier du même traitement que les personnels comparables.
Nous y viendrons, un jour ! On l’a déjà fait pour l’université : à trop vouloir, on n’aura rien !
Je le répète, madame, je trouve que votre argumentation n’est pas très convaincante.
Il est bien évident, monsieur le sénateur, que mon opposition à votre demande n’est pas d’ordre philosophique.
Cependant, il faut d’abord redéfinir les missions du Centre national de gestion par un texte législatif : nous ne saurions y procéder au détour d’un amendement !
M. François Autain approuve.
Parallèlement, une autre démarche est en cours qui conduira à considérer les sages-femmes comme des praticiens hospitaliers. Le jour où elle sera achevée, la difficulté aura disparu, et c’est naturellement que la gestion des sages-femmes incombera au CNG !
Cela pose à l’évidence des problèmes d’organisation et de recrutement pour le Centre national de gestion : on ne gère pas 10 000 personnes sans prévoir un certain nombre de moyens. Chacun le reconnaîtra ici, cela nécessite des évaluations et un travail d’élaboration considérable.
Il n’y a ni fuite ni échappatoire dans mes propos : il s’agit d’un amendement sympathique, mais je demande que l’on prenne bien en compte ses conséquences sur le plan opérationnel.
Compte tenu des explications de Mme la ministre qui s’est montrée prête à faire un effort pour qu’il puisse demain être traduit dans les faits, je retire cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 683 rectifié, présenté par MM. Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher, Lise, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le président du directoire ne peut ni choisir, ni révoquer les membres représentant le personnel médical ou paramédical non administratif.
La parole est à M. Jean Desessard.
C’est toujours un plaisir de présenter un amendement déposé par M. Antoinette, élu de Guyane, ce qui, madame la ministre, me fait justement penser à…
Vous aurez votre réponse, monsieur Desessard !
M. Jean Desessard. Merci ! Je vais chanter des louanges toute la journée !
Sourires
J’aurai ma réponse, dites-vous, sur le centre de prévention de santé de Twenké situé à deux heures d’avion en passant par Maripasoula puis la pirogue. Je serai donc très content bientôt. Je vous remercie des éléments que vous ne manquerez pas de me fournir à la suite de l’engagement que vous venez de prendre.
Nouveaux sourires.
J’espère que l’amendement proposé par M. Antoinette aura autant de succès. Il dispose que le président du directoire ne peut ni choisir, ni révoquer les membres représentant le personnel médical ou paramédical non administratif, afin d’éviter la démotivation des praticiens et le climat de tension qui pourrait être créé entre la direction et le personnel médical.
Cet amendement contredit radicalement le choix de la commission. Aussi, elle émet un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 328, présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le cinquième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6143-7 du code de la santé publique par deux phrases ainsi rédigées :
Il exerce cette attribution avec le concours d'un comptable public de proximité. Les trésoreries qui comptent la gestion de l'hôpital dans leurs missions sont constituées en réseau départemental.
La parole est à M. Claude Jeannerot.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cet amendement vise à conforter la place du comptable public dans la gestion de l’hôpital, et ce avec un double objectif : d’abord, sécuriser le rôle du directeur et, ensuite, permettre de maintenir un lieu de proximité pour les usagers, notamment pour le paiement des produits hospitaliers.
La commission considère que cet amendement n’apporte rien de plus à la situation existante. Elle émet donc un avis défavorable.
La responsabilité des choix budgétaires et financiers incombe au président du directoire après consultation de ce dernier. Il peut évidemment s’appuyer sur d’autres avis qu’il juge nécessaires.
L’objet du projet de loi n’est pas de contraindre le directeur à recourir systématiquement au concours du comptable public, sur lequel d’ailleurs, en l’état de la réglementation, il n’exerce aucune autorité et qui ne fait pas partie de l’établissement en vertu du strict principe de séparation de l’ordonnateur et du comptable. En effet, la réglementation en vigueur dispose que le comptable public dépend du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Enfin, les règles d’organisation des trésoreries de caractère réglementaire ne sauraient être définies par la loi.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à onze heures quarante.
La séance est reprise.
Je suis saisie de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 423, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le sixième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6143-7 du code de la santé publique :
« Après approbation du directoire, son président :
La parole est à Mme Annie David.
Madame la ministre, le Gouvernement et certains sénateurs – M. Fourcade a repris ces arguments tout à l’heure – nous parlent souvent d’une certaine lenteur, pour ne pas dire d’un certain blocage, de l’administration hospitalière pour justifier des mesures autoritaires en faisant du président du directoire le nouveau P-DG de l’hôpital, en sa qualité de décisionnaire unique, soumis à certains impératifs financiers.
Il y a bien sûr parfois des blocages, notamment lorsqu’il s’agit de suppressions de lits ou de postes, et donner tout pouvoir au directeur de l’hôpital en la matière n’est pas pour nous plaire, vous vous en doutez.
Nous considérons qu’il est profondément illégitime que le président du directoire ne soit pas lié par l’avis du directoire concernant des questions aussi importantes que le projet médical d’établissement, la politique de qualité et de la sécurité des soins, la définition de la politique d’intéressement, le programme d’investissement et même l’organisation du travail et des temps de repos si un accord n’a pu être trouvé avec les organisations syndicales...
À moins de faire du directoire une simple chambre d’enregistrement, on ne peut imaginer qu’il donne simplement un avis. De plus, il est dangereux, sur ces questions primordiales, de s’en remettre de fait à la décision d’une seule personne : le président du directoire.
C’est pourquoi nous proposons que le président du directoire soit lié par une approbation du directoire avant tout prise d’engagement de celui-ci sur les secteurs que je viens d’énumérer de manière non exhaustive. Avouez que si le président du directoire ne parvient pas à obtenir l’assentiment d’un directoire de sept à neuf personnes – pour les CHU –, dont la majorité a été nommée par lui, il y a lieu de s’inquiéter !
Nous continuons donc de penser que cette conception ultra-hiérarchique et discrétionnaire du mode de fonctionnement de l’hôpital public ne prend pas en compte la nécessaire démocratisation et modernisation des services publics. Mélanger intérêt financier et intérêt général, cela ne fait jamais bon ménage. Il est donc important de mettre en place des contre-pouvoirs aux pouvoirs confiés au président du directoire.
Tel est le sens de cet amendement.
L'amendement n° 134, présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Muller, est ainsi libellé :
Au début du sixième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, remplacer les mots :
Après avis du directoire
par les mots :
Après avis conforme de la majorité des membres du directoire
La parole est à M. Jean Desessard.
En l’absence de pouvoir réel de décision du conseil de surveillance, il apparaît souhaitable de faire du directoire un lieu de délibération et de prise de décision collective.
S’il peut paraître séduisant de confier des pouvoirs étendus à un directeur d’établissement tout puissant, véritable chef d’entreprise capable de redresser la situation, cette conception n’en est pas moins dangereuse pour la démocratie sanitaire et pour la bonne entente entre les différents acteurs de l’hôpital.
Faire du directoire un organe de prise de décision collective devrait apporter de meilleures garanties quant à l’acceptation des mesures de réorganisation de l’hôpital et, par conséquent, faciliter la mise en place de ces dernières au sein des différents services de l’établissement.
Cet amendement prévoit donc que les principales décisions relatives à la définition de la politique générale de l’établissement soient prises de manière collégiale par l’ensemble des membres du directoire.
L'amendement n° 1183 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans le sixième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, remplacer le mot :
avis
par les mots :
consultation collégiale
La parole est à Mme la ministre.
Par cet amendement, je souhaite insister sur la consultation collégiale des membres du directoire. On a beaucoup parlé du directeur, peut-être trop finalement, car cela nous a fait parfois oublier qu’il ne dirige pas seul.
Le directeur travaille d’abord et avant tout en équipe ; et cette équipe, c’est le directoire !
C’est peut-être plus la ministre des sports que la ministre de la santé qui vous parle : une équipe ne se décrète pas. Elle se construit au quotidien dans la durée, dans les relations qui se nouent entre les personnes qui partagent les mêmes valeurs, les mêmes expériences et les mêmes projets. Aussi, je n’insisterai jamais assez sur le fonctionnement profondément collégial du directoire. Un hôpital a à sa tête une équipe, dont les membres travaillent ensemble et portent, collectivement, le projet médical.
J’en suis fondamentalement persuadée, pour bien fonctionner, l’hôpital doit s’appuyer sur son équipe ; le directoire n’est pas là pour donner formellement des avis, vérifier des quorums, compter des voix, signer des procès-verbaux, etc., ce qu’il fait concrètement. Cette manière de fonctionner procède d’une approche technocratique et laisse entendre une petite musique de division qui me gêne profondément.
À l’inverse, je souhaite que le directoire échange, discute, débatte, et ce toujours dans un esprit de partage et de recherche du consensus.
La rédaction initiale mentionnait : « Après consultation des autres membres du directoire. » Mais certains se sont inquiétés du fait que cette formulation pouvait laisser penser que le président du directoire allait travailler de manière bilatérale, en consultant un à un les membres de ce dernier. Or c’est tout le contraire de ce que je souhaite !
C'est la raison pour laquelle je vous propose de remplacer les mots : « Après avis du directoire » par les mots : « Après consultation collégiale du directoire », afin de ne pas laisser subsister la moindre ambiguïté sur le fait que le directoire travaille fondamentalement de manière collégiale.
L'amendement n° 419, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans le sixième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, après les mots :
Après avis
insérer les mots :
du conseil de surveillance et
La parole est à M. Guy Fischer.
Nous apprécions la proposition de Mme la ministre, mais…
Avec cet amendement, nous entendons, une fois encore, renforcer le rôle des conseils de surveillance afin de les sortir des seules missions de contrôle dans lesquelles ils sont de fait plongés.
Le groupe CRC-SPG et la majorité sénatoriale – ainsi naturellement que le Gouvernement – ont deux conceptions opposées de la démocratie sanitaire, voire de la démocratie tout court.
Pour nous, la démocratie, c’est l’association des différents acteurs des établissements publics de santé à leur direction, en leur donnant de véritables pouvoirs, parce que nous sommes persuadés que leur diversité et la différence de leurs analyses constituent autant de chances.
Pour vous, la démocratie, c’est un directeur et un président de CME, même si vous venez, madame la ministre, d’apporter quelques nuances.
Madame la ministre, au lieu de dire que vous entendez respecter la démocratie, je vous demande d’en faire la preuve. Mais cette preuve, vous ne pourrez l’apporter, car, ne vous en déplaise, vous entendez écarter des décisions les plus importantes ceux qui, par leurs avis, leurs connaissances, mais aussi leur capacité de mobilisation et de contradiction, pourraient s’opposer.
Aussi entendons-nous proposer que l’avis du conseil de surveillance de l’établissement soit sollicité pour ce qui relève de certains domaines. Il en va ainsi de la conclusion des CPOM, les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, car il nous semble inconcevable de laisser seul le directeur de l’établissement de santé face à la lourde tâche de négocier et de voter ces fameux contrats. Nous avons fait hier la démonstration de leur isolement, en dépit de leurs capacités. Derrière le patron de l’ARS, il y aura constamment le ministre … et le Président de la République !
Eh oui, c’est le ministre qui est responsable !
Madame la ministre, vous avez dû céder face à certaines exigences exprimées par les professions médicales, et intégrer la participation du directoire. Mais si celui-ci comprend les personnels médicaux, il faut aller plus loin encore et y associer le conseil de surveillance.
L'amendement n° 99 rectifié, présenté par MM. Gilles et Leclerc, Mme Goy-Chavent, Mlle Joissains et Mme Bruguière, est ainsi libellé :
Dans le sixième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, après les mots :
avis du directoire
insérer les mots :
et du conseil de surveillance
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 53, présenté par M. Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Compléter le sixième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6143-7 du code de la santé publique par les mots :
, en accord avec le président de la commission médicale d'établissement
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
Cet amendement procède du fruit de mon expérience, à savoir l’existence, d’un côté, de cette structure énorme qu’est l’AP-HP et, d’un autre côté, des autres établissements.
Le présent amendement a pour objet d'associer le président de la CME, autorité médicale au sein de l'établissement, aux choix de son directeur.
L'article 6 du projet de loi organise le transfert d'un certain nombre de compétences des instances actuelles des établissements vers le directoire pour permettre une meilleure efficacité et une plus grande réactivité dans le processus de prise de décision au sein des établissements publics de santé.
Toutefois, et sans que cela nuise à cette efficacité, il est nécessaire de maintenir la commission médicale d'établissement comme instance consultative représentant la communauté médicale.
En effet, l'hôpital public ne peut être piloté sans la « pensée médicale », et elle est grande au sein de l’AP-HP. Or je ne suis pas certain que ce texte, qui pourra s’appliquer à un établissement normal, puisse aussi s’appliquer à l’importante et fragile structure qu’est l’AP-HP.
Ce faisant, cet amendement tire les conséquences d'une compétence première du président de la CME dans l'élaboration et la mise en œuvre du projet médical de l'établissement. S'il doit être le garant de sa mise en œuvre, le président de la CME doit être associé au processus de décision dans le cadre des contrats internes – délégations de gestion – et de l'organisation interne de l'établissement conçue comme une déclinaison opérationnelle du projet médical.
Je sais que la commission des affaires sociales a déjà tranché, et je connais l’avis du Gouvernement.
Toutefois, je veux vraiment attirer votre attention, madame la ministre, monsieur le président de la commission, sur cette question. N’aurait-on pas intérêt à réfléchir à des dispositions spécifiques pour l’AP-HP lors de l’examen de l’article 8 ?
Je suis désolé d’insister, …
Je partage l’esprit qui sous-tend ce texte, mais je vous assure qu’il y a là un véritable problème.
Tel est l’objet des amendements successifs que je défends, et je ne pense que la réponse classique consistant à me dire que la commission et le Gouvernement ont déjà tranché soit appropriée ici.
Nous ne souhaitons ni durcir ce texte – car il a sa logique, et nous voulons nous en tenir à l’avis du directoire tel qu’il a été élaboré –, ni donner l’illusion de satisfaire quiconque en acceptant telle ou telle reformulation.
Que personne ne s’y méprenne, la commission est défavorable à l’ensemble de ces amendements tout simplement pour des raisons de cohérence.
Oui, car nous n’osons imaginer que le Gouvernement n’ait pas la volonté de placer la collégialité et la concertation permanente au cœur du fonctionnement du directoire. Pourquoi, tout d’un coup, demander une consultation collégiale sur certains sujets ? Selon nous, la collégialité devra prévaloir en permanence, et l’objectif du directoire est de rechercher le consensus. Sinon à quoi sert-il ?
C’est peut-être dû à mon passé de membre de la commission des lois, mais j’estime que, quand on veut dire quelque chose, on le dit clairement, et, en l’occurrence, on demandera l’avis du directoire ! Libre à lui ensuite d’en discuter aussi longtemps qu’il le souhaitera. Mais on peut penser que le directeur qui désignera les membres du directoire, à l’exception du président de la CME, travaillera avec eux.
Et, dans les CHU, avec le doyen bien sûr. Ou alors il n’y a aucune logique dans les amendements qui nous ont été proposés sur la conception du directoire.
Franchement, il faut appeler un chat un chat. Quand on veut l’avis du directoire, on le dit clairement, on ne laisse pas penser que l’on demande autre chose.
À ce stade du débat, je suis heureuse d’apporter les éclaircissements nécessaires.
Le travail est évidemment réalisé en équipe, et les décisions du directeur seront toujours prises demain, comme elles l’ont été hier et le sont aujourd'hui, en toute concertation avec le président de la CME et les équipes médicales. D’ailleurs, permettez-moi de vous dire que le directeur y a tout intérêt
Exclamations sur les travées du groupe socialiste
… d’autant qu’il sera jugé par son administration de tutelle…
Comment a-t-on pu penser que le texte allait faire litière de tout cela ? Mon incompréhension est d’autant plus grande que, dans le texte tel qu’il a été rédigé, j’ai laissé une grande liberté pour organiser le processus de concertation.
On a pensé que je voulais contrevenir…
… à cette règle tout à fait fondamentale dans un hôpital !
Évidemment, il ne faut pas non plus être angélique. D’ailleurs, hier, est venu de ces travées
Mme la ministre montre les travées de gauche
Je ne préciserai pas de qui il émanait, ce n’est pas la peine.
C’est l’exemple de la restructuration importante d’un service hospitalier, laquelle va d’ailleurs créer des lits, faciliter le travail du personnel grâce à ce regroupement. Mais, entre les deux chefs de service, dont je ne dirais pas qu’ils se disputent, …
Sourires.
… car ce serait sottement péjoratif, existe une vraie différence de point de vue, voire des luttes d’influence, ce qui est rare, mais cela existe. La restructuration tarde. À un moment donné, il faut bien que quelqu’un tranche !
Ce ne peut être que le directeur de l’hôpital.
Si l’on fait abstraction des présupposés et des positions dogmatiques, tout le monde le comprend bien.
D’ailleurs, dans le modèle de gouvernance de 2005 que certains mettent en avant, aucune règle de majorité ou de mise aux voix n’est précisée pour les conseils exécutifs, qui sont le grand succès de la réforme de 2005. La direction est bien collégiale et l’entretien n’est absolument pas formalisé. Et, ma foi, cela fonctionne très bien !
Finalement, dans le texte que je vous ai proposé et auquel la commission des affaires sociales a apporté des précisions utiles, nous reprenons intégralement ce qui a fait le succès de la gouvernance de 2005.
Loin de vouloir nous engager dans une logique conflictuelle, nous cherchons au contraire à faciliter la compréhension, le dialogue, et à résoudre les conflits qui peuvent toujours survenir, comme dans toute communauté humaine.
J’entends bien que prévale cette dimension collégiale ; c’est précisément le sens de mon amendement n° 1183 rectifié, qui n’est nullement un amendement de circonstance.
À la lumière de ces explications, vous comprendrez que je sois défavorable à l’amendement n° 134, qui suscitera des conflits plutôt que de résoudre les problèmes.
Je suis également défavorable, pour les mêmes raisons, à l’amendement n° 419, qui vise à conditionner l’adoption des décisions sur lesquelles le directoire est consulté à l’avis du conseil de surveillance. On imagine que cela obligerait le conseil de surveillance…
… à siéger pratiquement en continu, …
… puisque l’avis du directoire sur les décisions est recueilli journée après journée, heure après heure.
Comment peut-on imaginer que l’avis du conseil de surveillance soit sollicité sur toutes les décisions ? Me tournant vers ceux qui siègent sur les travées de gauche, je vois dans leurs yeux qu’ils réalisent très bien que c’est évidemment impossible.
Je ne peux pas non plus être favorable à l’amendement n° 53, qui vise à associer le président de la CME à toutes les décisions pour lesquelles le directeur est compétent et qui sont énumérées à l’article L. 6143-7 du code de la santé publique. Là encore, c’est sûr tout à fait impossible !
J’ai donné une appréciation plus sur le fond de ma conception d’une équipe unie entre le directeur, le directoire, le vice-président du directoire qu’est le président de la CME et tous les autres membres du directoire.
Voilà un sujet qui anime les débats !
La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
Nous abordons là un point très important qui a cristallisé l’opposition d’un certain nombre de membres du corps médical, qu’il s’agisse de l’AP-HP, des hôpitaux de province ou d’un certain nombre de centres de santé.
Dans votre projet initial, madame la ministre, il est précisé : « Après consultation des autres membres du directoire ».
Au terme d’une discussion, la commission des affaires sociales a préféré : « Après avis du directoire ».
Dans votre amendement n° 1183 rectifié, vous nous proposez une formule intermédiaire, à savoir : « Après consultation collégiale ».
Personnellement, je crois que le rôle des parlementaires que nous sommes est de répondre aux inquiétudes de nombreux membres du corps médical et de cadres, tels que ceux des services infirmiers, des sages-femmes, etc.
Madame la ministre, pour tenter de calmer les inquiétudes, ne conviendrait-il pas de rectifier votre amendement pour remplacer les mots « consultation collégiale » par les mots « délibération collégiale », ce qui est tout simplement la règle de fonctionnement de tous les directoires ?
Il serait alors bien clair pour tous que le directeur de l’hôpital ne prend pas les décisions tout seul, qu’il ne règle pas les problèmes tout seul.
En remplaçant le mot « consultation » par le mot « délibération », vous répondriez très largement, je crois, aux inquiétudes de nombre de professionnels de bonne foi, …
… qui sont inquiets à l’idée qu’un directeur d’hôpital prenne tout seul des décisions importantes.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je suis très souvent d’accord avec M. Fourcade, mais, sur ce point, je ne le suis pas du tout !
M. Jean-Pierre Fourcade s’exclame.
Le mot « délibération » a un sens formel ; il s’agit de la présentation de questions et de délibération suivie d’un vote. Imaginez la lourdeur de la gouvernance de l’hôpital si nous assortissons chaque décision que devra prendre le directeur d’une délibération avec vote du directoire.
L’avis du directoire est recueilli en continu. Avec cette proposition, cher Jean-Pierre Fourcade, vous contreviendriez absolument aux règles actuelles de gouvernance qui ont été définies en 2005, alors que chacun, sur toutes les travées, a bien voulu reconnaître qu’elles permettent un bon fonctionnement et que c’était précisément le grand acquis de cette réforme !
Pourquoi technocratiser la gouvernance, l’alourdir, alors qu’elle donne toute satisfaction et que nous ne faisons qu’en reprendre les principes dans le texte, en levant simplement, ici ou là, des points de blocage ?
Pour une fois – ce sera la seule ! –, je ne suis pas d’accord avec votre proposition.
Pour une fois, et ce sera sans doute la seule, je suis en accord avec la proposition de M. Fourcade.
C’est la rectification que je voulais proposer à Mme la ministre.
En effet, madame la ministre, dans votre amendement n° 1183 rectifié, vous souhaitez supprimer le mot « avis » pour le remplacer par les mots « consultation collégiale ». Or ces termes pourraient effectivement laisser penser qu’une telle consultation n’existait pas auparavant.
Madame la ministre, j’espère bien que, dans le texte, le mot « avis » sous-entendait que celui-ci résultait d’une consultation collégiale.
Puisque vous n’acceptez pas la proposition de M. Fourcade, à laquelle je souscrivais totalement, je vous propose de maintenir le mot « avis », suivi des mots « consultation collégiale ».
Voilà ! Cela permet de conserver les mots « consultation collégiale », tout en gardant le mot « avis ».
Madame la ministre, vous le savez bien, une consultation n’aboutit pas toujours à un avis. Or l’objectif est bien qu’un avis soit donné par le directoire, après consultation collégiale. Je serais même favorable au fait que cet avis soit une délibération du directoire.
Selon vous, cela technocratiserait la gouvernance, les avis étant récoltés pas quotidiennement, avez-vous dit, …
… pratiquement quotidiennement. Mais la délibération peut avoir lieu à chacune des réunions du directoire ! Comment le président du directoire obtiendra-t-il cet avis s’il ne réunit pas le directoire ? Or, à partir du moment où le directoire est réuni, il peut délibérer, et cette délibération que propose M. Fourcade me semble tout à fait bienvenue.
Par conséquent, dans votre amendement, il faut maintenir le mot « avis », car le plus important est bien que l’avis du directoire soit recueilli.
C’est génial, mais cela présente un inconvénient majeur : dans tous les textes de loi dans lesquels un avis est demandé, s’il n’est pas précisé : « après consultation collégiale », l’avis sera sec ! Cela signifie que le responsable demandera qu’on lui donne un avis et, aussitôt celui-ci connu, il pourra partir. C’est absurde !
Par pitié, gardons le mot « avis », qui est clair.
Je rappelle que, dans ce même article 6, il est précisé que « le directoire approuve le projet médical et prépare le projet d’établissement », qui sera ensuite arrêté par le directeur puis soumis au conseil de surveillance.
Ce directoire à majorité médicale a des missions importantes. Ne le sous-estimons pas ! Bien entendu, sur les autres points, ses avis vont découler du projet médical et du projet d’établissement. Ayons donc un peu de cohérence et faisons confiance à ces hautes personnalités dont nous avons décidé qu’elles composeraient le directoire. Elles feront aussi régner la concertation collégiale !
Madame la ministre, vous vous demandiez si l’Assistance publique, de par sa taille, était un modèle lorsqu’elle faisait des restructurations.
J’ai souvenir d’un exemple de restructuration qui a nécessité une consultation collégiale tout à fait particulière. Il s’agissait de deux services ayant la même spécialité et un taux d’activité de 60 %. L’un d’eux est dirigé par le doyen. La CME refuse de prendre une décision et veut absolument renouveler le chef de service.
Après une consultation collégiale, le directoire – le conseil d’administration de l’Assistance publique à l’époque – a rendu un avis permettant de regrouper les deux services en un. Cette procédure nouvelle à l’Assistance publique fut un exemple d’avis pris après une large consultation et aboutissant à une restructuration.
Madame la ministre, dans vos rares moments de loisirs – j’espère que vous en avez ! –, vous devez être une adepte de la pêche à la ligne : vous avez l’habitude d’appâter ! (Rires.)
En pêcheur émérite, M. Fourcade vous a tendu sa ligne qui est mieux armée et que, en ami, il était prêt à vous confier. Mais, au fond de vous-même – M. About vous l’a montré –, vous préférez que, pour les décisions à prendre, le directeur reste le dernier recours et vous ne souhaitez pas passer par les différents avis qui vous sont proposés sur toutes les travées, y compris celles de certains centristes.
Vous comprendrez alors que nous ne nous laissions pas appâter par votre astuce sémantique qui consiste à donner d’un côté ce que vous reprenez de l’autre !
Vous avez certainement vu la comédie intitulée : « Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée ». Nous, nous souhaitions que la porte soit ouverte. Vous la fermez ; nous le regrettons.
Mmes Gisèle Printz et Patricia Schillinger applaudissent.
Je viens d’être saisie d’un sous-amendement n° 1286, présenté par M. Desessard, et qui est ainsi libellé :
Au dernier alinéa de l'amendement n° 1183 rectifié, remplacer le mot :
consultation
par le mot :
délibération
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Mes collègues du groupe CRC-SPG ont également bien travaillé, et je les en remercie. Ils proposent, à l’amendement n° 423, la rédaction suivante : « Après approbation du directoire ». Mon amendement est très bon, mais je suis prêt à me rallier au leur, quasiment aussi bon, si le mien n’était pas adopté.
Sourires.
Mme la ministre nous dit que le directeur doit être le patron pour régler des problèmes de chef de service.
(M. le président de la commission continue de converser avec plusieurs membres du groupe socialiste.) Madame la présidente, pouvez-vous suspendre la séance pendant quelques instants le temps qu’ils se mettent d’accord ?
Sourires.
Pouvez-vous parler moins fort, monsieur le président, s’il vous plaît ? §
Si vos propositions ne passent pas forcément, votre voix, elle, passe !
M. Jean Desessard. Il faudrait un superdirecteur dans cet hémicycle pour reprendre les choses en main !
Sourires.
L’idée principale, défendue par l’amendement n° 423 et par mon sous-amendement, c’est qu’il doit y avoir « approbation », « délibération » du directoire, et pas simplement « avis ».
La formulation proposée par Mme la ministre ne nous satisfait pas du tout. M. About l’a d'ailleurs souligné, la « consultation collégiale », c’est même moins qu’un avis, puisque vous nous avez dit que l’on pourrait se passer d’un procès-verbal. Ils seront consultés ensemble, éventuellement dans le couloir…
Le sous-amendement que j’ai déposé reprend l’excellent mot de M. Fourcade : au lieu de « consultation », je propose le terme « délibération ».
Sourires.
Nous aurions dû y penser plus tôt, monsieur Fourcade. Si vous déposez un sous-amendement, je retirerai le mien, bien évidemment.
L’expression « délibération collégiale » exprime bien, me semble-t-il, ce que nous souhaitons.
M. Nicolas About, président de la commission. Et est conforme à chaque volonté de chaque membre !
Sourires.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Pour lever toute ambigüité, après l’excellente intervention du président de la commission, Nicolas About, je retire l’amendement n° 1183 rectifié.
Applaudissements sur plusieurs travées.
L'amendement n° 1183 rectifié est retiré.
En conséquence, le sous-amendement n° 1286 n’a plus d’objet.
La parole est à M. Jacky Le Menn.
Mme la ministre vient de faire un geste d’apaisement. Je m’apprêtais à appuyer fortement la position du président About. Dans un conseil exécutif, demain le directoire, il y a effectivement une culture à créer entre les membres, quelle que soit leur origine, médicale ou non, et des décisions importantes à prendre.
Les choses doivent être claires. Un avis suppose bien évidemment une rencontre collégiale préalable. Les membres du directoire devront d’abord se mettre autour d’une table, émettre leur conviction profonde, être assurés qu’aucune sanction ne sera prise s’ils ne sont pas du même avis que le président du directoire. C’est ainsi que cela doit se passer dans 99 % des cas. Ensuite, on arrête un avis. C’est ce qu’a voulu dire la commission des affaires sociales, avec une certaine sagesse. Ne compliquons pas les choses ! Compte tenu de la gravité des décisions à prendre, un travail sérieux sera réalisé, j’en suis persuadé.
Je suis contre le mécanisme d’ensemble qui est mis en place, mais dès lors que le directoire sera installé, les personnes qui y siégeront, sérieuses et responsables, rendront un avis sur les points extrêmement importants comme le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens, ou CPOM.
À ce stade, il ne faut pas chercher midi à quatorze heures. Je suis donc satisfait que le Gouvernement ait retiré son amendement.
À l’issue de notre débat, après avoir écouté les explications du Gouvernement et de la commission, je retire l’amendement n° 53.
M. le président de la commission des affaires sociales est intervenu avec une grande vivacité d’esprit. Le Gouvernement a été sage de retirer son amendement. Comment faire, en effet, une « consultation collégiale » s’il n’y a pas de collège ? Comment l’interpréter ? Va-t-on réexaminer les 155 pages du projet de loi pour rétablir une cohérence ? Plus généralement, afin de pouvoir interpréter les textes, quand on parle d’avis pour les conseils de surveillance et divers organismes, il faudra éventuellement ajouter « après consultation collégiale ».
La commission a longuement discuté sur ce point, nous en débattons encore abondamment en séance publique… En tout état de cause, je vous remercie, madame la ministre, d’avoir retiré votre amendement.
J’approuve, moi aussi, la proposition du président de la commission. Fort de ma récente expérience parlementaire, j’avais cru comprendre que la loi n’avait pas à répondre à l’humeur de telle ou telle catégorie et devait être rédigée dans un souci de lisibilité, de simplicité et d’efficacité.
Soit nous retenons le terme « délibération », qui a ma préférence, soit c’est le mot « avis » qui s’impose, tout simplement.
Voilà ! sur les travées du groupe socialiste.
La procédure de « délibération » était intéressante mais un peu lourde. Je me rallie à mon tour au mot « avis », qui apporte plus de souplesse et d’efficacité.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 599 rectifié bis, présenté par MM. Collin, Baylet, Charasse et Chevènement, Mme Escoffier et MM. Fortassin, Marsin, Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Dans le huitième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, après les mots :
commission médicale d'établissement
insérer les mots :
et celui de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-technique
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 329, présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le huitième alinéa (2°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, après les mots :
d'établissement,
insérer les mots :
et après avis de la commission médicale d'établissement et de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques
La parole est à M. Claude Jeannerot.
Par cet amendement, nous rappelons qu’à côté du rôle important que doit tenir le président de la commission médicale d’établissement concernant le projet médical, celui de la commission des soins infirmiers est fortement attendu. Nous souhaitons le préciser dans le projet de loi.
L’amendement est satisfait : il y aura un représentant de la commission des soins infirmiers à la CME ; celui-ci siégera donc au directoire.
C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
L'amendement n° 329 est retiré.
L'amendement n° 600 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet et Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
À la fin du huitième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, supprimer les mots :
notamment pour les urgences
La parole est à M. Gilbert Barbier.
En ce qui concerne les conditions d’accueil et de prise en charge des usagers, il n’y a pas lieu de spécifier « notamment pour les urgences ». Je souhaite que le texte reste global.
Je remercie M. Barbier de cette utile précision pour faire une belle loi. Mais rien n’empêche Mme la ministre de le mentionner dans une circulaire.
L'amendement est adopté.
Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L'amendement n° 547, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans le neuvième alinéa (3°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, après le mot :
Arrête
insérer les mots :
après consultation du conseil de surveillance.
La parole est à Mme Annie David.
Toujours dans le souci de renforcer le domaine de compétence du conseil de surveillance, nous entendons proposer que celui-ci participe à l’élaboration de la politique sociale de l’hôpital.
Le conseil de surveillance représentant l’ensemble du personnel, médical comme non médical, il doit au minimum être consulté sur le volet social de la politique de l’établissement public de santé.
Bien entendu, le directeur de l’établissement y participe puisque la rédaction actuelle prévoit que le président du directoire, c'est-à-dire le directeur de l’hôpital, arrête, après avis du directoire, le bilan social et qu’il définit les modalités d’application de la politique d’intéressement, à laquelle nous sommes, pour le coup, fermement opposés.
Cet amendement vise donc à offrir plus de possibilités au conseil de surveillance.
Cet amendement est contradictoire avec la volonté de clarification des rôles de chacun.
Le directeur est chargé de la conduite de l’établissement, le conseil de surveillance contrôle le fonctionnement de cet établissement. Faire obligatoirement se prononcer le conseil de surveillance, avant le directeur, sur des attributions de la compétence de celui-ci, particulièrement en matière de politique sociale, amènerait le conseil à la fois à décider et à contrôler, ce qui le placerait en position de juge et de partie. Bien sûr, si cela lui paraît nécessaire, le directeur pourra consulter le conseil de surveillance, mais il ne faut pas confondre les genres.
C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Nous demandions, par cet amendement, d’adopter la rédaction suivante : « Arrête, après consultation du conseil de surveillance, le bilan social et définit les modalités d’une politique d’intéressement ; ». Nous voulions simplement que le conseil de surveillance soit consulté, car nous estimons que la décision ne doit pas relever du seul directoire.
Comme le personnel est représenté dans le deuxième collège du conseil de surveillance des établissements de santé, alors qu’il ne l’est pas au sein du directoire, il nous semblait important que ce conseil soit consulté sur la politique sociale, notamment sur les mesures d’intéressement.
Nous souhaitons que la consultation du conseil de surveillance porte non pas sur l’ensemble des décisions relevant de la compétence du directoire, mais seulement sur les questions relatives au sujet dont nous débattons en ce moment.
Les personnels sont tout de même les premiers concernés par la politique sociale de l’établissement, notamment par l’intéressement. Par conséquent, je regrette vivement que leurs représentants ne soient pas consultés avant toute prise de décision en la matière.
Il y a tout de même des comités et des instances représentatives !
Mme David oublie, me semble-t-il, qu’il existe des instances de négociation au sein des établissements hospitaliers. Je pense notamment aux comités techniques d’établissement, les CTE, ou aux comités techniques paritaires, les CTP.
En revanche, je ne crois pas que le rôle du conseil de surveillance soit de se prononcer sur la politique sociale et notamment sur les mesures d’intéressement.
C’est donc pour des raisons de logique que la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Le bilan social et la définition des modalités d’intéressement relèvent des attributions non pas du conseil de surveillance, mais du président du directoire.
Il ne nous semble même pas du tout fondé de solliciter l’avis du conseil de surveillance. Si celui-ci veut se saisir de telles questions et dresser un bilan, c’est son droit, mais je ne vois pas l’intérêt d’imposer qu’il soit systématiquement consulté au préalable.
C’est clair : nous n’avons pas la même vision de la démocratie sanitaire et sociale !
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 330 est présenté par M. Desessard, Mme Voynet, MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mmes Demontès et Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 425 est présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après le mot :
social
supprimer la fin du neuvième alinéa (3°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6143-7 du code de la santé publique.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 330.
Cet amendement vise à supprimer les mots « et définit les modalités d’une politique d’intéressement » au neuvième alinéa du texte proposé à l’article 6 pour l’article L. 6143-7 du code de la sécurité sociale.
En effet, à l’heure où les hôpitaux connaissent une véritable crise de financement – le nombre d’établissements en déficit est extrêmement important –, il nous paraît totalement injustifiable de mettre en place une politique d’intéressement au sein des établissements de santé.
L’hôpital public n’est pas une entreprise
M. Gilbert Barbier s’exclame
À ce titre, l’alinéa visé par cet amendement est très révélateur de l’état d’esprit de la réforme proposée. Selon ses promoteurs, l’hôpital devrait « faire du chiffre », réaliser des gains de productivité, être rentable…
Non ! Le devoir des médecins, c’est de fournir à chacun les soins dont il a besoin, en ne comptant ni son temps ni le coût que cela représente.
À nos yeux, les concepts d’intéressement et, par conséquent, de rentabilité sont totalement incompatibles avec la déontologie qu’implique l’exercice de la médecine.
Aussi, nous demandons le retrait d’une telle disposition.
Enfin, madame la ministre, vous vous trompez si vous pensez que les médecins, les infirmiers, les aides-soignants et, d’une manière générale, l’ensemble du personnel médical courent avant tout après l’argent, à tel point qu’il faudrait en plus instaurer des mesures d’intéressement.
Il est parfaitement normal que ces personnels soient rémunérés à leur juste valeur. Mais s’ils sont prêts à faire des heures supplémentaires, à consacrer beaucoup de temps à leur activité, c’est parce qu’ils ont conscience d’être chargés d’une mission de service public et d’être utiles à la collectivité. C’est cela qui les motive. C’est cette reconnaissance-là qu’ils veulent obtenir. Honnêtement, croire qu’ils demandent une reconnaissance sous forme d’intéressement, c’est vraiment ridicule !
La parole est à M. François Autain, pour présenter l'amendement n° 425.
Je souscris complètement aux arguments qui viennent d’être développés par mon collègue Jean Desessard. Je souhaite simplement apporter quelques éléments complémentaires.
Je constate qu’une telle mesure est tout à fait conforme à la politique du Gouvernement, en tout cas telle qu’elle a été annoncée, sur ce point au moins, par le Président de la République dans son mémorable discours de Bletterans, auquel nous avons été amenés à faire référence à plusieurs reprises.
Au mois de septembre 2008, M. le Président de la République déclarait : « Je n’ai pas peur des mots. » Ça, je pense que nous le savions déjà…
Il poursuivait ainsi : « Une politique d’intéressement du personnel médical ou paramédical me semble très adaptée à la définition d’un projet où la responsabilité, la qualité et la sécurité sont trois mots majeurs de l’état d’esprit de notre politique. »
Permettez-moi de dire, à la suite de mon collègue, qu’une telle disposition n’est, hélas ! pas une bonne idée. Nous avons de nombreuses raisons d’en demander le retrait.
La première qui vient à l’esprit est, bien entendu, que cette disposition contrevient à l’éthique médicale. Est-il besoin de rappeler – le médecin que je suis a de nombreux confrères présents dans l’hémicycle – que lorsque nous passons notre thèse, avant de nous installer, nous devons prêter serment ? Je ne vais évidemment pas vous donner lecture de l’intégralité du serment d’Hippocrate aujourd'hui, mais j’aimerais simplement faire référence au passage suivant : « Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ».
D’ailleurs, c’est précisément pour ce motif que le Conseil national de l’Ordre s’est récemment prononcé contre un projet gouvernemental du même type.
En l’occurrence, je fais référence aux contrats d’amélioration des pratiques, les fameux CAPI, dont la création est parue au Journal officiel du 21 avril 2009. Plusieurs syndicats médicaux se sont élevés, à juste titre, contre ces contrats proposés par le Gouvernement à certains médecins libéraux conventionnés.
Mme la ministre s’exclame.
Dans son avis, le Conseil national de l’Ordre précise : « La souscription d’un contrat d’intéressement liée aux décisions médicales qu’un praticien prend et aux conseils médicaux qu’il donne n’est pas acceptable. La relation de confiance entre le médecin et le patient risque d’être affectée. Les patients pourraient se demander si le médecin n’a pas agi en fonction de cet intéressement et d’ores et déjà des associations de patients se demandent pourquoi il faut payer les médecins pour qu’ils respectent les bonnes pratiques. »
En outre, le Conseil national de l’Ordre a été d’autant plus choqué d’une telle publication que vous vous étiez vous-même engagée, madame la ministre, à prendre en compte ses réserves sur la compatibilité de tels contrats avec les règles de déontologie médicale. Or vous n’avez pas respecté votre engagement, et le Conseil s’est senti abusé.
Enfin, la dernière raison – il y en a sans doute d’autres, mais je me limiterai à celles que j’ai exposées – pour voter en faveur de notre amendement est d’ordre beaucoup plus pratique.
Selon toute vraisemblance, d’après les réactions que j’ai pu recueillir de la part des professionnels concernés, la mise en œuvre d’une politique d’intéressement au sein de l’hôpital aura pour effet de désorganiser les services, en remettant en question l’indépendance et la pluralité des pratiques, ainsi que la cohésion des équipes soignantes.
Imaginez quatre médecins ou personnels paramédicaux appartenant à une même équipe qui seraient rémunérés selon des statuts et avec des degrés d’intéressement différents. Avouez que cela nuirait inévitablement à l’harmonie au sein de l’équipe.
Par conséquent, je pense que la disposition prévue dans le texte est particulièrement nocive et qu’il faut la supprimer.
Mme Gisèle Printz et M. Jean Desessard applaudissent.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
En effet, une bonne gestion des fonds publics mérite également d’être récompensée, dans la mesure où la lutte contre le gaspillage permet de réorienter l’ensemble des moyens, notamment financiers, vers les soins et la santé.
Je souhaite apporter une précision, car la parole du Gouvernement est importante sur ce point. L’intéressement visé par cet article ne peut qu’être collectif.
En effet, et je réponds en cela à M. Autain, un acte de soins à l’hôpital n’est jamais un acte individuel.
Il me semble tout à fait normal qu’une équipe puisse être récompensée lorsqu’elle est confrontée à des difficultés particulières, par exemple une réorganisation de pôle de services, ou lorsqu’elle assume un surcroît de travail en s’y impliquant parfaitement.
Mme Annie David s’exclame.
Dans quel monde vivrions-nous si ce n’était pas le cas, dans le cadre, je le répète, d’une démarche collective ?
M. le président de la commission des affaires sociales acquiesce.
Et que cette politique d’intéressement relève des attributions du directoire, c’est une évidence !
M. Jean Desessard sourit
Par ailleurs, vous avez affirmé, monsieur Autain, que les CAPI sont contraires à la déontologie médicale.
La possibilité de rémunérer des médecins de premier recours qui s’engagent dans une démarche de maîtrise médicalisée ou de prise en charge des politiques de prévention autrement que par le paiement à l’acte est une évolution nécessaire, qui devrait, me semble-t-il, tous nous rassembler.
Mais peut-être ai-je mal compris le sens de vos propos, monsieur Autain ?
Dont acte.
À mon sens, il s’agit d’une démarche moderne. D’ailleurs, je vous ai souvent vu défendre des mesures allant dans le même sens, monsieur Autain.
M. François Autain hoche la tête.
Quoi qu’il en soit, nous soutenons l’intéressement. Bien entendu, l’intéressement ne saurait être individuel, car l’acte de soins est toujours l’acte d’une équipe, qui, si elle devait être récompensée, ne pourrait l’être que collectivement.
M. le président de la commission des affaires sociales acquiesce.
Selon vous, madame la ministre, l’intéressement serait « collectif ». Permettez-moi tout de même de nuancer cette affirmation, car il s’agira d’un intéressement ciblé par service, …
En effet, certains services feront, par nature, des « bénéfices », qui seront redistribués non pas à l’ensemble de la communauté hospitalière, mais seulement aux personnels concernés.
Mais nous savons également que certains services ne seront jamais en mesure de dégager de bénéfices.
M. Jean-Pierre Godefroy. Ainsi, une telle mesure créera des conflits d’intérêts, des conflits entre services et déstabilisera les personnels, qui demanderont à être affectés dans les services bénéficiaires, et non dans les services peu susceptibles d’être éligibles à l’intéressement. Je pense que cela provoquera un dysfonctionnement très grave au sein des centres hospitaliers.
M. Jean Desessard applaudit.
Pour ma part, je pense que nous devons, là aussi, faire preuve de bon sens.
J’ai bien entendu Mme la ministre insister sur la nécessité d’intéresser les personnels et sur le caractère collectif du dispositif envisagé. Au demeurant, je n’ai jamais cru qu’il pouvait s’agir d’un intéressement individuel. Si c’était le cas, je n’en discuterais même pas, car je ne vois pas comment on pourrait procéder. En l’occurrence, nous sommes au moins d'accord sur le cadre.
Certaines déclarations étaient tout de même ambiguës !
En revanche, je suis beaucoup plus sceptique sur la faisabilité d’une telle mesure.
Dans nombre d’établissements, nous allons créer des situations bien souvent ingérables.
Examinons déjà ce qui se fait dans les services que nous connaissons. Nous savons bien qu’il y a toujours des difficultés importantes au moment de la distribution des primes de service pour le personnel
Mme la ministre s’exclame.
À présent, vous souhaitez mettre en concurrence – car c’est forcément ce qui se produira dès lors qu’il y aura de l’argent en jeu – des services qui ont des problématiques fortes, différentes et toutes légitimes, qu’il s’agisse des services de soins palliatifs, des services de réanimation, des services de soins intensifs de cardiologie, des blocs opératoires ou des services médico-techniques ou logistiques.
Je comprendrais un tel raisonnement s’il s’agissait, pour l’ensemble de la communauté hospitalière et comme chacun le souhaite, en pratiquant la meilleure médecine hospitalière aux meilleurs coûts, de dégager des possibilités aux retombées collectives en termes d’équipements ou de développement de pôles d’activités plus innovantes, de constituer des provisions pour des travaux de recherche complémentaire que l’on ne peut effectuer jusqu’à présent faute de moyens.
Mais introduire un tel dispositif, notamment dans les grandes structures, tout en maintenant de l’harmonie en leur sein relève de l’exploit, et je dis à mes collègues : « chapeau, si vous y arrivez ! »
En effet, alors même que le secteur sera confronté dans les années à venir à de nombreuses difficultés pour une série d’autres raisons, vous allez y introduire un chantier permanent de contestations, de méfiance entre les services, de dures difficultés pour la directrice des soins infirmiers et la direction des ressources humaines au moment des affectations, que vous ne pourrez pas empêcher parce que le personnel hospitalier n’est pas suffisamment payé, pas plus les médecins que les soignants.
On ne travaille pas dans les hôpitaux pour y vivre une compétition permanente !
M. Jean-Pierre Godefroy applaudit.
Nous nageons dans la plus grande confusion ! Il n’existe pas de centres de profit à l’hôpital !
Il n’y a pas de T2A par service !
Il s’agit, si nécessaire et dans le cadre de la motivation des équipes, de récompenser ceux qui ont une charge de travail supplémentaire.
Mais la charge de travail ne s’explique pas seulement quantitativement ! Elle s’exprime aussi qualitativement, par une pression sur l’équipe. Il peut s’agir d’une démarche de qualité dans laquelle une équipe s’implique.
Je le répète : il n’y a pas de T2A par service ! Cela n’existe pas !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il n’y a pas de centres de profit à l’hôpital !
Mme Marie-Thérèse Hermange applaudit.
Nous sommes en effet dans une grande confusion.
Cet intéressement concernera moins les médecins hospitaliers que les personnels soignants. Pour ma part, j’ai compris qu’il récompenserait la manière de servir du personnel qui, dans certaines occasions, est amené à sortir de la routine.
Je vois bien, en l’occurrence, la philosophie de nos collègues socialistes et communistes : ils veulent conserver le système routinier de promotion à l’ancienneté permettant de gravir automatiquement les échelons au fur et à mesure des années de service quelle que soit la manière de servir.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
La mesure qui nous est proposée est une manière de récompenser le personnel dans les établissements et n’a rien à voir avec une logique de profit par service ! Ne la dévions pas de son objectif !
Protestations sur les mêmes travées.
J’avais compris dans les explications données par Mme la ministre que l’intéressement n’était pas lié à une notion financière et qu’il s’agissait plutôt, et cela vient d’être confirmé, de récompenser un travail d’équipe dans le cadre d’une mission originale.
Je pense, par exemple, à une action qui vient d’avoir lieu dans mon département, où la fusion d’une clinique privée avec un hôpital public a donné lieu à des opérations de réorganisation conduites par les personnels de manière collégiale.
C’est ce type d’action, qui a nécessité des initiatives et des partenariats nouveaux entre tous les personnels, médecins, soignants et non-soignants, qui serait éventuellement visé par la disposition proposée.
En revanche, tout lien avec une notion de rentabilité financière rendrait la disposition inacceptable.
Le premier argument avancé consiste à dire que l’intéressement concerne les personnes qui ont un surcroît de travail. Or le personnel visé préfère récupérer et souhaite voir des embauches. Si des ressources financières existent, mieux vaut donc les utiliser pour des recrutements afin de permettre aux personnes en place de bénéficier de leur repos compensatoire ou de leurs congés.
L’argument suivant se réfère à une démarche « qualité », mais là, on commence à tomber dans le subjectif !
Vient ensuite la notion de récompense. Dans les entreprises, le patron qui a mal géré part avec une indemnité de deux, trois ou quatre millions d’euros
Exclamations sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste
Est-ce là le système de récompense que vous voulez mettre en application, en donnant tout à ceux qui ont déjà beaucoup et pas grand-chose à ceux qui n’ont presque rien ?
M. Jean Desessard. À plusieurs reprises, nous vous avons demandé de délibérer sur la notion de salaire maximum et sur le pactole que constituent les parachutes dorés offerts aux patrons qui ont mal géré, vous n’avez jamais voulu le faire ! Telle est votre politique ! Alors cessez de parler de récompense, surtout dans la situation actuelle !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je pense, madame la présidente, que le débat a été suffisamment éclairé.
Revenons-en au texte. Il dispose que le directeur « arrête le bilan social et prévoit les modalités de l’intéressement ».
Autrement dit, l’intéressement est lié au bilan social. Cela fait partie des possibilités données au directoire pour améliorer un peu un certain nombre de choses dans l’établissement. Cela n’a rien à voir avec la rentabilité des services ni avec les bonus ou les primes de certaines entreprises privées.
M. Jean Desessard s’exclame.
Dans la conjoncture actuelle, où tout le monde évoque les difficultés et la lourdeur des tâches hospitalières, nous serions ridicules de ne pas adopter ce texte, qui tend octroyer au directeur de l’hôpital la possibilité de mettre en place un accord d’intéressement. Personnellement, je crois beaucoup à l’intéressement et j’estime bon de l’inscrire dans le projet de loi.
Je veux préciser ma pensée au sujet des modes de rémunération, Mme la ministre m’ayant reproché d’avoir tenu des propos qui seraient en contradiction avec ceux que j’ai prononcés en d’autres occasions.
Je suis en effet favorable aux nouveaux modes de rémunération, notamment en médecine générale, car la rémunération à l’acte est dépassée, j’en suis bien conscient.
En revanche, il me paraît hors de question d’envisager un mode de rémunération soumettant les prescriptions des médecins à des critères de rentabilité.
Ce serait générateur de conflits d’intérêts.
Je m’explique : on peut très bien imaginer un médecin ne prenant pas la bonne décision en matière de traitement ou de diagnostic si elle entraîne une absence de rémunération pour cet acte.
Je le dis très clairement : je suis favorable à d’autres formes de rémunération, mais en aucun cas à celle que vous proposez.
Par ailleurs, je ne comprends pas que Mme la ministre aille à l’encontre d’avis formulés par le Conseil national de l’Ordre.
Dans la pratique hospitalière, cela signifie qu’un acte médical normal risque de ne pas bénéficier de stimulant matériel, contrairement à des actes qui, tout en respectant les bonnes pratiques, répondent à des objectifs financiers.
Cette vision de l’hôpital n’est pas la nôtre. Pour nous, l’hôpital n’est pas une entreprise comme les autres. Le personnel hospitalier ne peut pas être intéressé aux bénéfices, parce que cet intéressement aura forcément des conséquences négatives sur la production des soins. C’est pourquoi vous devez, mes chers collègues, voter en faveur de mon amendement n° 425.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures.