Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission examine le rapport pour avis de M. David Assouline sur les crédits du programme « Audiovisuel et presse» du projet de loi de finances pour 2012.
Lors des débats sur la loi du 5 mars 2009 relative au nouveau service public de la télévision, l'opposition parlementaire avait donné l'impression de jouer les Cassandre. Qu'avait-on dit exactement ?
- que la suppression de la publicité sur France Télévisions était irresponsable du point de vue financier et que son budget en serait affecté au premier coup de grisou économique. Mais le Gouvernement était alors convaincu de sa capacité à relancer la croissance ;
- qu'elle n'aurait aucun impact sur la qualité des programmes, tout simplement parce que celle-ci est liée aux obligations posées par décret dans le cahier des charges de la société. Par ailleurs la loi était très lacunaire en matière d'ambition éditoriale ;
- que la transformation en entreprise unique aurait un impact néfaste sur le groupe. En effet la mise en place d'un guichet unique pour les programmes risquait de peser sur la capacité du groupe à innover et à créer des programmes originaux ;
- que la création de taxes était juridiquement hasardeuse et que l'outil de financement de France Télévisions était la redevance ;
- enfin, que le nouveau mode de nomination des présidents de l'audiovisuel public nuirait à leur crédibilité.
Sur l'ensemble de ces points, nos prévisions se sont avérées exactes, voire parfois trop optimistes. Nous n'étions pas des Cassandre, mais des pythies. Car dans quelle situation se retrouve-t-on un peu moins de trois ans plus tard ?
Les deux taxes proposées par le Gouvernement ne valent plus grand chose. Celle sur le chiffre d'affaires publicitaire des chaînes privées a vu son taux raboté et ne rapporte rien. Celle sur les opérateurs télécoms est considérée comme contraire au droit communautaire par la Commission européenne. Le risque est majeur pour l'État de devoir rembourser les sommes perçues et je vous l'annonce : c'est une bombe à retardement pour le prochain gouvernement. Comment donc au final est financée la suppression de la publicité sur France Télévisions ? Par le creusement de la dette... Et je ne parle même pas de la question, totalement pendante, du financement de la suppression totale de la publicité, heureusement repoussée jusqu'en 2016 par notre commission.
Mais a-t-on au moins assisté à une amélioration des programmes ? On peut saluer les efforts accomplis par la nouvelle direction, mais Patrick de Carolis avait déjà bien amorcé le virage éditorial du groupe avant la suppression de la publicité. La réforme n'a donc pas eu d'impact réel.
Pendant ce temps, l'entreprise a connu des bouleversements majeurs, avec la centralisation des responsabilités sous l'ère Carolis puis une nouvelle décentralisation sous l'ère Pflimlin, dont les conséquences sont la mise en place d'une organisation confinant au casse-tête chinois. La grosse fusion a abouti à une grosse confusion.
J'ajouterai que les réformes majeures du global média ou de la mise en place d'une chaîne jeunesse sont encore en chantier. Comme Soeur Anne, je ne vois rien venir.
La raison en est probablement que le financement du groupe est incertain. Le COM de France Télévisions prévoyait une augmentation des crédits de 3,7 % en 2012, il apparaît que les coupes budgétaires prévues par le plan Fillon II empêcheront encore une fois le Gouvernement de tenir sa parole. Plus étonnant encore, un amendement adopté par la majorité de l'Assemblée nationale prévoit que les éventuelles surréalisations de la régie publicitaire de France Télévisions, supérieures aux recettes anticipées par le COM, seraient rendues à l'État. Voilà une incroyable source de démotivation pour la régie finalement taxée à 100 % sur la tranche supérieure de ses gains : on est bien loin du bouclier fiscal pour l'audiovisuel public. Je vous proposerai par conséquent une suppression de l'article rattaché adopté à l'Assemblée nationale.
Bref, trois ans après, France Télévisions est une entreprise largement fragilisée et le bilan de la réforme est très décevant.
Je tiens à souligner l'inquiétude réelle pesant sur le financement de la réforme votée en 2009 et la pérennité du service public de l'audiovisuel. Mais afin d'adopter une attitude constructive dans un contexte budgétaire difficile, je vous proposerai un amendement tendant à apporter 200 millions d'euros de recettes complémentaires via un simple élargissement de l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public.
S'agissant des autres groupes de l'audiovisuel public, le Gouvernement n'a rien fait et le bilan est par conséquent plutôt positif. Leur situation est saine en raison du dynamisme de la redevance. La dotation allouée à Radio France s'élève normalement à environ 630 millions d'euros en hausse de 3,8 %, celle d'ARTE à 270 millions d'euros, soit une augmentation de 7,3 % et enfin celle de l'INA à 94 millions d'euros, soit + 2,1 %.
Radio France et Arte maintiennent le cap en matière d'innovation et de créativité éditoriale et nous pouvons saluer leur action.
La suppression de 20 millions d'euros de crédits sur le budget « Médias » dans le plan Fillon II devrait cependant totalement remettre en cause ces hausses. Il faut espérer que nous disposerons d'informations précises, car ces méthodes nous font à mon sens franchir les limites de la sincérité budgétaire et du respect dû au Parlement.
A cet égard, je m'étonne très fortement des pratiques répétées du Gouvernement qui semble se moquer éperdument du vote du Parlement. Je n'ai pas besoin de vous rappeler la suppression de la publicité sur France Télévisions, mise en oeuvre illégalement avant le vote du Parlement. Aujourd'hui, nous avons un CSA qui fait un appel à des candidatures pour attribuer des fréquences qui devraient pourtant être pré-affectées aux fameux canaux bonus que la majorité a votés en 2007. Le seul dépôt d'un projet de loi du Gouvernement sur l'abrogation des canaux bonus semble ainsi avoir force de loi. On se moque de nous et je le regrette.
J'évoquerai enfin par la voie d'un amendement la question de la cession des fréquences obtenues gratuitement. Il n'est en effet à mon sens pas acceptable que des groupes privés fassent des candidatures spéculatives sur des fréquences qu'ils revendent à prix d'or quelques années plus tard.
En ce qui concerne les crédits consentis à la presse, sans surprise, l'heure est à la diminution : le total des aides directes à la presse s'établit à 543 millions d'euros, soit une baisse de plus de 6 % par rapport à 2011. Certes, la mise en oeuvre du plan exceptionnel de soutien public à la presse promis à la suite des États généraux de la presse écrite est arrivée à son terme. Pour autant, le secteur de la presse demeure aujourd'hui toujours aussi vulnérable, et une baisse des aides conjuguée à l'accentuation de la crise cette année pourrait miner tous les efforts de modernisation conduits par les entreprises de presse au cours des trois dernières années.
Je m'interroge sur l'existence d'une véritable stratégie cohérente qui présiderait à l'évolution de ces aides. Je note ainsi que l'aide au portage diminue sensiblement, de près de 34 %, alors même que les quotidiens nationaux s'efforcent de développer le nombre de leurs titres portés et que les marges de progression sont encore importantes.
Dans le même temps, la diminution des aides à la modernisation se poursuit, de - 8 % en 2012, malgré la mise en place par le Gouvernement d'un fonds stratégique pour le développement de la presse dont le montant ronflant de 38 millions d'euros ne fait qu'occulter la baisse des autres aides à la modernisation. A cela, s'ajoute la baisse de l'aide aux quotidiens à faibles ressources publicitaires, qui s'adresse aux journaux d'opinion qui font vivre le pluralisme de notre presse et qui est passée de 13 millions d'euros en 2010 à un peu plus de 9 millions d'euros en 2012.
Contrairement aux annonces du Gouvernement qui entend réformer la gouvernance de nos dispositifs d'aides publiques à la presse afin d'en renforcer l'efficacité, les coupes budgétaires intervenant dans le PLF 2012 n'obéissent à aucune vision stratégique d'ensemble et ne tiennent pas compte des attentes du secteur.
Inutile de se gargariser de verser directement aux éditeurs près de 550 millions d'euros d'aides directes : lorsqu'elles ne font pas l'objet d'un saupoudrage qui les rend inopérantes, les aides directes sont alors distribuées de façon plus ou moins automatique aux mêmes titres et dans des conditions obscures et parfois sans réelles analyse prospective préalable. Aujourd'hui, si l'on veut véritablement accompagner la presse dans sa démarche de modernisation, c'est sur la fiscalité qu'il faut agir, en mettant un terme aux inégalités de traitement entre la presse imprimée et la presse numérique.
C'est pourquoi je vous proposerai d'adopter un amendement visant à étendre à la presse en ligne le bénéfice du taux de TVA réduit de 2,1 %, jusqu'ici réservé à la presse imprimée, comme nous l'avons fait pour le livre numérique au nom du principe de neutralité technologique. Ce n'est certainement pas en consacrant à peine 20 millions d'euros en aides directes aux services de presse en ligne qu'on réussira à faire émerger un marché dynamique de la presse en ligne. Le seul moyen de ne plus systématiquement favoriser les acteurs existants et d'encourager l'émergence de nouveaux acteurs et d'initiatives diversifiées est d'agir sur la fiscalité dont l'application est neutre.
En ce qui concerne les abonnements de l'État à l'Agence France-Presse (AFP), ceux-ci s'établissent à 117,5 millions d'euros en 2012, conformément à la trajectoire inscrite dans le COM pour la période 2009-2013. Le retour à la sérénité et à la concertation s'impose, en vue de préserver aussi bien l'indépendance rédactionnelle de l'agence que sa santé financière. C'est pourquoi j'appelle à la plus grande transparence du Gouvernement et de la direction de l'AFP sur leurs échanges avec la Commission européenne, en particulier s'agissant des justifications sur le financement public des missions d'intérêt général assurées par l'AFP.
En matière de la presse, la réflexion ne saurait se réduire à une perspective strictement budgétaire. C'est la confiance des lecteurs dans la rigueur et l'honnêteté intellectuelles de leurs journaux et dans la déontologie du métier de journaliste qui conditionne leur fidélité et donc la bonne santé économique du secteur. Or, le Gouvernement n'a eu de cesse d'écarter les vraies questions de la reconnaissance juridique des rédactions et des conditions de leur indépendance, de la limitation de la concentration dans le secteur des médias ou encore des insuffisances flagrantes de la loi sur la protection du secret des sources des journalistes. L'immixtion insidieuse du pouvoir politique dans le travail d'investigation des journalistes constitue une violence insupportable à l'égard de l'indépendance de la presse, parfaitement inacceptable dans un État de droit.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous proposerai de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs à l'audiovisuel et à la presse de la mission « Médias » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».
Je vous rappelle que nous devrons être particulièrement vigilants à l'occasion de l'examen par notre assemblée de la proposition de loi de simplification du droit de notre collègue député Jean-Luc Warsmann, qui comporte des dispositions modifiant substantiellement le régime des agences de presse et donc potentiellement leurs modalités de financement.
Je crois que nous sommes tous d'accord sur la nécessité d'accompagner aussi bien l'audiovisuel public que la presse dans leur modernisation afin de relever le défi de la révolution numérique. C'est pourquoi il est indispensable, à mon sens, de soutenir les efforts de sorte que les réformes engagées puissent arriver à leur terme. A titre d'exemple, je me réjouis que le COM entre l'État et France Télévisions fasse désormais toute sa place au développement du média global, même si l'on peut regretter le manque d'indicateurs bien calibrés et chiffrés.
Je vous rappelle que j'avais moi-même déposé un amendement visant à élargir l'assiette de la redevance audiovisuelle l'année dernière et que je m'étais retrouvée, en séance, pourtant bien isolée...
Comme l'a souligné notre rapporteur, la perspective d'un reversement à l'État de l'intégralité des surréalisations de la régie publicitaire de France Télévisions constitue une inquiétante source de démotivation pour notre audiovisuel public.
D'une façon générale, la position de mon groupe sur la réforme de l'audiovisuel public consiste à défendre une suppression totale de la publicité à condition qu'elle soit intégralement compensée par des ressources de nature publique. J'ai le sentiment que nous sommes, malgré parfois quelques errements, sur la bonne voie afin d'achever une réforme ambitieuse.
En ce qui concerne la proposition de notre rapporteur d'aligner le taux de TVA de la presse en ligne à celui applicable à la presse imprimée, je vous indique que je porterai en séance un amendement similaire afin de garantir un même traitement fiscal à tous les supports de diffusion.
Enfin, monsieur le rapporteur, je souhaiterais que vous nous apportiez plus de précisions sur les résultats de l'opération visant à offrir aux jeunes des abonnements à des quotidiens de leur choix.
Je m'inquiète, à l'heure actuelle, de la déperdition de la qualité du pluralisme de l'information et d'une véritable crise de vocation des journalistes. A mon sens, notre système d'aides publiques en faveur de la presse doit impérativement mettre l'accent non seulement sur la qualité des projets éditoriaux mais également sur le nombre de journalistes que le titre mobilise pour produire de l'information. Aujourd'hui, nous constatons que les plus grands quotidiens nationaux disposent d'effectifs de journalistes bien supérieurs à ceux de certaines agences de presse, y compris l'AFP, ou de magazines spécialisés qui bénéficient également d'aides significatives. Les critères d'attribution des aides publiques ne peuvent plus privilégier aussi systématiquement les objectifs de rentabilité.
En ce qui concerne la réforme de l'audiovisuel public, le leitmotiv qui prétend que l'on peut régler les problèmes en agissant uniquement sur la publicité n'est pas soutenable. A l'heure actuelle, c'est la pérennité même de notre service public de la télévision qui est en jeu et nous devons la garantir par des ressources durables et indépendantes des aléas des politiques gouvernementales. Je regrette que, dans cette réforme, on ait privilégié les demi-choix par dogmatisme.
S'agissant de l'opération « Mon journal offert », qui consiste à proposer un abonnement gratuit, un jour par semaine pendant un an, à tout jeune âgé de 18 à 24 ans à l'un des quotidiens de leur choix, elle est reconduite en 2012 à hauteur de 5 millions d'euros, ce qui témoigne de son succès. Je préciserai dans mon rapport les éléments chiffrés précis sur les résultats enregistrés depuis le début de la mise en oeuvre de cette mesure.
Je soutiens pleinement l'approche défendue par notre collègue André Gattolin. Si nous sommes profondément attachés à la permanence d'un système d'aides publiques ambitieux, indispensable au maintien du pluralisme et de la liberté d'expression dans notre pays, les critères d'attribution doivent être repensés. J'ai l'espoir que le prochain budget fera toute sa place à l'incitation des mécanismes innovateurs.
J'ai quatre amendements à vous présenter.
Le premier amendement tend à créer un article additionnel après l'article 5. Il vise à étendre à la presse en ligne le bénéfice du taux de TVA réduit de 2,1 %, jusqu'ici réservé à la presse imprimée. A l'heure actuelle, le taux de TVA applicable aux services de presse en ligne est de 19,6 %. La baisse proposée du taux de TVA va dans le même sens que la mise en oeuvre d'un taux de TVA réduit pour le livre numérique instaurée par la loi de finances pour 2011 et applicable à compter du 1er janvier 2012.
Le 13 octobre 2011, les parlementaires européens ont adopté, à une très large majorité, une résolution sur la TVA dans laquelle ils soutiennent l'application d'un taux réduit pour la presse en ligne. L'égalité de traitement fiscal est la condition de la migration réussie de la presse sur supports numériques au nom du principe de neutralité technologique.
La perte de recettes fiscales générée par cet amendement n'est que d'une valeur extrêmement limitée, dans la mesure où il s'agit d'un marché naissant. Au contraire, en favorisant l'essor d'un modèle économique pérenne payant pour la presse en ligne, cet amendement permettra d'asseoir des bases de recettes fiscales solides pour l'avenir à l'avenir, avec la multiplication attendue des services de presse en ligne.
L'amendement est adopté.
Le second amendement tend également à insérer un article additionnel après l'article 5.
Le CSA attribue des fréquences gratuitement à des éditeurs de radio et de télévision sous réserve du respect de certaines obligations en matière d'investissement dans la création ou de quotas de diffusion. Depuis le lancement de la télévision numérique terrestre, les reventes de sociétés détentrices de fréquences se sont multipliées, avec des gains parfois très importants pour ces entreprises. Nombreuses sont les voix qui se sont élevées contre ces ventes, et notamment le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Il semble difficile d'interdire totalement la revente des dites sociétés, qui peuvent ne pas avoir trouvé leur équilibre économique. Cependant, afin d'éviter la tentation que des candidatures ne soient inspirées que par le souhait de revendre les chaînes au plus offrant, je vous propose de taxer les reventes à hauteur de 5 % du prix de la cession.
L'amendement est adopté.
Le troisième amendement tend aussi à insérer un article additionnel après l'article 5. Le Gouvernement peine à dégager les ressources suffisantes permettant de pérenniser notre audiovisuel public. La suppression de la publicité sur France Télévisions en soirée a en effet largement diminué ses marges de manoeuvre. Afin de desserrer la contrainte budgétaire et de pouvoir financer les sociétés nationales de programme à hauteur de leur besoin, je vous propose de réintégrer les résidences secondaires dans l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public.
Il s'agit d'une mesure juste et équitable dont le produit devrait s'élever à 200 millions d'euros. Elle permettra à la fois de respecter les contrats d'objectifs et de moyens des différents acteurs et de baisser la dotation budgétaire de l'État qui pèse aujourd'hui sur notre endettement.
L'amendement est adopté.
Le quatrième amendement vise à supprimer l'article 52 ter rattaché à la mission médias livre et industries culturelles.
L'article 52 ter prévoit que les recettes de la régie publicitaire de France Télévisions supérieures à celles anticipées par le contrat d'objectifs et de moyens soient rendues à l'État. La régie de France Télévisions serait donc taxée à 100 % sur la tranche supérieure de ses gains !
Parce que ce dispositif induirait une très forte source de démotivation pour la régie de France Télévisions et parce que le Gouvernement dispose toujours de marges de négociation a posteriori, cet amendement propose de supprimer l'article.
L'amendement est adopté.
La commission examine ensuite le rapport pour avis de Mme Claudine Lepage sur les crédits du programme « Audiovisuel extérieur » de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2012.
L'histoire récente de l'Audiovisuel extérieur de la France (AEF) est celle d'un terrible gâchis.
La France a construit depuis 30 ans une politique en matière d'audiovisuel extérieur visant à renforcer son influence dans le monde par le rayonnement de sa pensée, de sa culture et de sa langue :
- Radio France Internationale (RFI), tout d'abord, radio polyglotte, dont le rattachement institutionnel a souvent varié au cours du temps, a su construire une identité et conquérir une large audience, notamment en Afrique ;
- TV5 Monde, chaîne multilatérale créée dans les années 1980, a également su séduire un public francophile et francophone dans le monde entier ;
- et la dernière née France 24, chaîne d'information internationale diffusant en trois langues a enfin été lancée en 2006, avec l'ambition de devenir la « CNN à la française ». Si elle n'y est clairement pas parvenue, elle a néanmoins su se développer rapidement et être diffusée dans de très nombreux pays, en français, en anglais, et en arabe.
Votre rapporteure considère que l'existence de trois structures différentes au service de notre action culturelle extérieure constitue indéniablement un atout mais appelle aussi des réponses à trois problématiques :
- celle de la coexistence de ces médias complémentaires, mais aussi potentiellement concurrents ;
- celle de leur gouvernance, avec le défi de faire vivre des médias libres et indépendants au service de notre politique extérieure ;
- et celle de leur financement dans un contexte international très concurrentiel.
Sur ces trois points, je considère que les gouvernements qui se sont succédé depuis bientôt cinq ans ont échoué. Le budget 2012 de l'audiovisuel extérieur de la France en est la preuve.
La réforme mise en place depuis 2008, avec la création de la société de l'audiovisuel extérieur de la France (AEF), holding réunissant RFI, TV5 Monde et France 24, loin d'améliorer la cohérence de la politique audiovisuelle extérieure de la France et la lisibilité de ses orientations stratégiques a au contraire affaibli chacun de ses acteurs.
Loin de constituer un giron accueillant, protecteur et dynamique, elle a engendré des déchirements, des luttes et des scandales à répétition qui ont au final très fortement hypothéqué l'avenir de notre diplomatie audiovisuelle : RFI n'a jamais connu autant de grèves et le fossé entre la direction et les équipes de la radio est béant, TV5 Monde, chaîne multilatérale, s'est sentie délaissée, souvent à raison, et accepte mal ce mariage forcé avec l'AEF, et France 24, l'enfant préféré, semble quant à elle être au bord de l'implosion.
Premier constat, la coexistence des trois médias dans une entité unique n'a pas réussi. Je considère en effet que l'AEF n'est pas parvenue à porter un projet commun clair et ambitieux. Elle a en fait plutôt eu tendance à privilégier France 24, dont les crédits ont régulièrement augmenté sans que sa réussite ne soit démontrée, en raison du manque de fiabilité des mesures d'audience. En revanche, RFI et TV5 Monde ont été les parents pauvres de la holding avec des diminutions de crédits et un plan social très sévère pour RFI.
Deuxième constat, le mode de gouvernance a échoué. Depuis sa création, l'AEF n'est pas parvenue à se mettre d'accord avec l'État sur sa trajectoire financière et n'a donc pas conclu de contrat d'objectifs et de moyens, en toute illégalité, et au mépris des parlementaires. Pendant ce temps, la tutelle a été tout simplement fantomatique : elle a laissé se dégrader la situation consternante que l'on a connue au sein du groupe avec des démissions, des licenciements à répétition et une guerre des chefs. Son manque d'implication a été tel que le Gouvernement a dû missionner l'Inspection générale des finances afin de faire le jour sur la situation financière réelle de l'AEF et la pertinence de ses choix. Point n'est besoin de vous dire que les conclusions de la mission, rendues publiques la semaine dernière, sont préoccupantes : constats d'irrégularités dans la passation de certains contrats, stratégie de développement floue et peu convaincante, dérive financière du groupe...
Troisième point donc, le financement : celui-ci s'est clairement avéré insuffisant pour faire vivre harmonieusement les trois structures.
L'État français ne s'est pas donné les moyens de ses ambitions et un doute sérieux plane sur la capacité des différents acteurs à effectuer leur mission. L'Inspection générale des finances (IGF), dans son étude détaillée, a ainsi fait apparaître une zone d'incertitude budgétaire de près de 55 millions d'euros pour la période 2011-2013.
Après avoir fait ce constat navrant, la question qui se pose est celle de l'avenir de l'audiovisuel extérieur de la France.
Contrairement au souhait exprimé par le président de l'AEF, la dotation globale diminue de 12,3 millions dans le budget 2012, soit une baisse des crédits de 3,8 %. Cette diminution des crédits serait rendue possible grâce aux synergies liées au projet de fusion.
Le constat de l'Inspection générale des finances est formel : l'impact des synergies sera limité, surtout en 2012.
Or le projet de fusion, dont l'impact sera limité, est mené au forceps par la direction et crée une tension très forte chez l'ensemble des personnels rencontrés.
Prenons l'exemple symptomatique du déménagement de RFI. Deux arguments ont été évoqués afin de justifier le déménagement de RFI à proximité de France 24 :
- les économies budgétaires réalisées en matière de loyers grâce au talent de négociation de la direction ;
- et la logique naturelle de rapprochement des équipes amenées à travailler ensemble dans le cadre d'une entreprise unique.
Le premier argument ne tient pas.
Ainsi, selon les calculs de la mission de l'IGF, le déménagement ne se traduira pas par des économies de loyers de 0,9 million d'euros par an, mais au contraire par des surcoûts de 0,5 million d'euros par an. La décision de prendre à bail un plateau supplémentaire de 1 000 m² pourrait porter ces surcoûts à 1 million d'euros par an. Le personnel conteste même la viabilité du bâtiment.
Par ailleurs, le déménagement lui-même aura un coût, qui s'établirait en prévisionnel à 25 millions d'euros selon le rapport IGF, lequel pourrait même être majoré en cas de problème !
Le second argument du rapprochement des équipes est pleinement légitime, mais ne trouve aucune réalité concrète. En effet le nouveau bâtiment sera dédié uniquement à RFI, en contradiction totale avec l'idée de l'entreprise unique de réunir les rédactions de France 24 et de RFI ou leurs personnels techniques.
Bref, ce projet de déménagement est à la fois coûteux et démobilisateur pour les personnels mais est poursuivi parce qu'il marquerait symboliquement le rapprochement des équipes de l'AEF.
D'autres exemples relatifs au plan social envisagé ou encore au coût de l'harmonisation des conventions collectives démontrent encore l'incapacité de l'AEF à définir un projet d'entreprise intéressant et motivant. Ces points sont développés dans le rapport.
Ces interrogations posent à mon sens la question fondamentale de l'avenir de l'AEF : le feuilleton à rebondissements peut-il finir par un « happy end » ou doit-il aboutir à une séparation de ses membres ?
Cette question est aujourd'hui pleinement légitime. Je vous avoue être extrêmement sceptique sur le projet de fusion d'une télévision et d'une radio. Le projet de la holding n'est en outre pas enthousiasmant : même un site Internet commun aux trois structures n'a pas été correctement mis en place.
On est en train d'assister à un mariage forcé entre les trois grands acteurs de notre audiovisuel extérieur et j'ai la conviction qu'avec ce projet de fusion on risque de lâcher la proie, qui est notre rayonnement culturel international, pour l'ombre, à savoir des économies budgétaires improbables et très limitées.
C'est la raison pour laquelle je vous proposerai de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs à l'audiovisuel extérieur dans la mission « Médias » et le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».
En conclusion, je vous signale enfin que le rapport contient également des pistes alternatives relatives à l'avenir de RFI, France 24 et TV5. Un rapprochement partenarial de RFI et France 24 avec respectivement Radio France et France Télévisions est envisagé. La réflexion sur TV5 Monde doit quant à elle être engagée avec nos partenaires, mais il me semble qu'il s'agit d'un outil qui fonctionne déjà plutôt bien de manière autonome.
Que l'État n'ait pas mesuré pleinement l'importance de l'audiovisuel extérieur pour le rayonnement de la France, je suis prêt à en convenir. En revanche, je pense qu'il faut nuancer votre constat bien sombre. En tant qu'administrateur de l'Audiovisuel extérieur de la France, je m'étonne également que vous n'ayez pas fait mention du fait que le budget de l'AEF ne dépendait dorénavant plus du ministère des affaires étrangères et européennes et des problèmes que cela pose. Le ministère a été à mon sens spolié dans cette affaire et la démission de l'ancienne directrice générale n'est pas étrangère à cette question.
La situation de l'AEF est au demeurant liée à un problème de leadership et de tutelle qui ne m'étonne guère dans ce contexte. La nomination de l'ancien directeur de cabinet du ministre de la culture à la direction générale déléguée de l'AEF pourrait à cet égard redonner un rôle pertinent à l'État.
Nonobstant les difficultés de nature relationnelle, j'insiste sur le fait que la diffusion de France 24 en français et en arabe a permis d'assurer une couverture exceptionnelle dans les pays du Maghreb et les audiences ont été, sur les questions relatives au printemps arabe, bien supérieures à celles des chaînes anglo-saxonnes.
Bref, j'estime que les problèmes doivent être relativisés et que le mariage d'une télévision et d'une radio, loin d'être impossible, ne ferait que mettre la France dans le sillage de sa voisine britannique, avec le succès global que l'on sait.
J'ai été observateur européen aux élections législatives en Tunisie. A cette occasion, j'ai été troublée de ce que j'ai pu voir sur France 24 et notamment le passage en boucle de reportages sur le parti Ennahdha ainsi que d'images du cadavre de Kadhafi le jour des élections. Des citoyens s'en sont d'ailleurs plaints.
L'histoire de l'AEF est effectivement émaillée de conflit de personnes et espérons que la nomination de M. Hanotaux aidera à y mettre fin. Sur le sujet de l'impact négatif de la multiplicité des tutelles, remarquez que j'ai posé la question au ministre Frédéric Mitterrand hier qui ne m'a pas répondu.
Enfin, je note la forte présence de France 24 sur le printemps arabe, mais m'interroge, comme certains de mes collègues, sur la nature et les conséquences de cette présence.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
Nous en venons maintenant à l'examen des amendements dont nous avions réservé la discussion.
M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis des crédits de la recherche, nous propose un amendement qui tend à rétablir le régime d'exonération de charges sociales dont bénéficiaient les jeunes entreprises innovantes (JEI) jusqu'en 2011, compte tenu de l'importance de statut, notamment pour les entreprises du secteur du jeu vidéo.
Nous avions déjà soulevé, lors des années précédentes, le sujet du jeu vidéo et, à l'époque, la commission des finances ne nous avait pas suivis. Cette année, elle reprend ce sujet elle-même. Nous devrions avoir plus de succès.
L'amendement de M. Jean-Pierre Plancade est soumis au vote. Il est adopté.
Ensuite, le Gouvernement propose de plafonner le produit de certaines taxes affectées, concernant notamment le CNC. M. Jean-Pierre Leleux nous a proposé un amendement qui conserve le mécanisme du plafonnement, mais en ne l'appliquant qu'à l'une des quatre taxes concernées.
Cet amendement est conforme à la fois à notre volonté de soutien au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), et à l'effort demandé dans la période actuelle. Ces quatre taxes n'ont pas la même logique. Trois d'entre elles mettent en place une mutualisation, c'est-à-dire quelque chose que nous encourageons. Il serait dommage de les désavouer. La part « distributeurs » de la taxe sur les services de télévision (TST) ne répond pas à la même logique : il s'agit d'une contribution imposée au financement du CNC, notamment aux fournisseurs d'accès à Internet puisqu'ils profitent de la diffusion des contenus.
Nous souhaitons tous soutenir le secteur du cinéma, la question étant de choisir un moyen mesuré et responsable d'y parvenir. La première solution consiste à retirer purement et simplement le CNC de la liste. Mais le CNC a fondé son budget prévisionnel sur des recettes et des dépenses de 700 millions, et il a suffisamment de fonds pour assurer ses missions en 2012. Tous les postes liés à la création sont même en augmentation. La seule diminution concerne le plan numérique : 6,4 millions inscrits à ce titre, contre 102,3 en 2011. En effet, compte tenu de la forte hausse du produit de la TST, le CNC a constitué en deux ans une « réserve numérique » de 215 millions d'euros. Il est donc normal qu'elle l'utilise en 2012, à hauteur de 136 millions selon ses prévisions, pour achever le financement de la numérisation des petits cinémas et poursuivre celle des oeuvres patrimoniales.
Comment justifier ces ressources abondantes, alors que d'autres besoins ont été identifiés pour d'autres secteurs culturels (musique, spectacle vivant...) ? Ces efforts sont moins privilégiés que le cinéma.
L'autre solution consiste à adopter mon amendement. Il limite le plafonnement à la seule TST, à condition :
- qu'elle atteigne les 229 millions d'euros prévus ;
- que le montant de 700 millions d'euros de recettes globales soit atteint ;
- et que ce dispositif ne s'applique qu'à la seule année 2012.
Au-delà de 2012, je vous propose de suggérer que le taux appliqué à cette taxe soit revu à la baisse, car ses recettes semblent avoir été sous-évaluées.
J'attire par ailleurs votre attention sur le fait que les recettes du CNC seront peut-être supérieures aux prévisions. La taxe sur les billets a été fixée sur une prévision de 190 millions d'entrées ; or, on dépasse les 200 millions depuis trois ans. Il n'y a donc pas de problème de recettes. Avec cet amendement, on contribue à l'effort général et on satisfait également le CNC. C'est un amendement d'équilibre.
Je me permets de résumer votre amendement en trois points : le plafonnement d'une des quatre taxes seulement, la limitation à l'année 2012, et à défaut, ce que j'appellerai le « voeu pieu » de réaffecter le produit des taxes à des missions culturelles.
Quant à M. David Assouline, il nous propose un sous-amendement à l'amendement n° 28 de Mme Nicole Bricq, qui « sauve » les établissements qui ne sont pas des opérateurs de l'État ; monsieur Assouline pouvez-vous nous présenter votre sous amendement ?
L'amendement de Nicole Bricq retire le plafonnement pour quatre établissements. Je le sous-amende pour en retirer d'autres : l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'Association pour le soutien du théâtre privé, le Centre national pour le développement du sport, le Centre des monuments nationaux, le Centre national du livre... Au moment où l'on va surtaxer le livre à 7 %, plafonner les recettes du CNL, ce serait tuer le secteur.
Tout le monde s'est concentré sur le CNC, mais j'ai regardé tous les organismes. Cet amendement va dans votre sens, monsieur Leleux : il cherche à protéger le CNC. Mais il ne prend pas en compte votre argument concernant l'effort national. Tout le monde donne, dites-vous ; mais certains Français donnent plus que d'autres. Il faut dire la vérité. Nous avons la chance d'être un des rares pays au monde à avoir su préserver notre cinéma. C'est justement en période de crise qu'il ne restera que les mastodontes dans la compétition. Ce que je vous demande, c'est la défense de l'exception culturelle. Dans ce domaine-là, il faut garder ce minimum qui nous fait tenir. Tout le monde doit donner, mais la culture n'a pas assez.
Je me permets de résumer votre amendement comme je l'ai fait pour M. Leleux. Vous retirez quelques organismes du plafonnement, et vous refusez qu'une taxe puisse en partie devenir une contribution au budget général.
Cet amendement sera soumis à l'avis de la commission des finances. Nous avons deux propositions : je commence donc, comme c'est la tradition, par la plus éloignée du budget initial c'est-à-dire celle de M. Assouline. Si cet amendement n'était pas accepté, nous examinerions ensuite celui de M. Leleux. S'il était accepté néanmoins, j'encourage tout de même M. Leleux à présenter le sien en séance. De même, monsieur Assouline, votre amendement très qualitatif devrait être défendu en séance s'il n'était pas adopté en commission.
L'amendement de M. Leleux n'est pas un amendement de repli, c'est un amendement contradictoire sur la question de la contribution à l'effort. Mais bien sûr, M. Leleux peut défendre son amendement en séance.
Effectivement, ce n'est pas un amendement de repli. Je l'ai bien dit : il n'y a pas d'amendement qui retirerait le seul CNC de la liste de l'article 16 ter.
Je voudrais être pragmatique. L'amendement de M. Assouline a peu de chances d'aller au bout de la navette. Le mien a des chances de passer et d'aller dans le sens d'une protection effective du CNC. Il est plus raisonnable.
Chacun a le droit d'avoir ses considérations.
L'amendement de M. Assouline est soumis au vote. Il est adopté, l'amendement de M. Leleux est repoussé.
Une commission ne peut que déposer un amendement. Mais si nous échouons en séance, je souhaite que M. Leleux présente le sien à titre personnel.
(Remarques à gauche : On ne le votera pas quand même !)
Enfin, la commission procède à l'audition de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, et de Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative, sur le projet de loi de finances pour 2012.
Je suis heureux de venir devant vous pour la troisième année consécutive pour présenter un budget de l'éducation nationale à la fois ambitieux et responsable. Responsable, parce que, dans un contexte économique pour le moins difficile, le Gouvernement a dû faire des choix budgétaires courageux : l'État va voir sa masse salariale reculer pour la première fois depuis 1945 et ses dépenses régresseront en volume, notre objectif étant de ramener le déficit public sous la barre des 4,5 % du PIB. Ce projet de loi de finances pour 2012 repose sur un équilibre entre volonté de préserver la croissance et nécessaire maîtrise de la dépense publique. Il nous épargne des mesures drastiques appliquées dans d'autres pays, en particulier dans le domaine de l'éducation. Les crédits de mon ministère augmentent de 0,9 % pour atteindre le niveau historique de 61 milliards, un effort important quand l'éducation nationale représente le premier poste de dépenses de l'État : le quart du budget de la nation et près de la moitié de la masse salariale de l'État avec 57 milliards de dépenses de personnel. Celles-ci, pour la première fois, diminuent hors pensions de 132 millions grâce au non-remplacement d'un départ sur deux à la retraite, tandis que la moitié des économies est affectée à la revalorisation des personnels pour un montant de 176 millions pour 2012. Moins de fonctionnaires, mais mieux considérés et mieux rémunérés, y compris à l'éducation nationale, voilà notre politique.
Ce budget est ambitieux parce qu'il finance de manière satisfaisante cette révolution que constitue l'individualisation des parcours après la démocratisation de l'enseignement à la fin du XXe siècle. On perçoit déjà les premiers frémissements de cette politique du sur-mesure. La réforme de l'école primaire se traduit par une meilleure maîtrise des fondamentaux si j'en crois les évaluations en CE1 et en CM2. Autre résultat encourageant : 71,6 % de la classe d'âge a obtenu le bac en 2011 alors que ce chiffre stagnait à 65 % depuis 1995. Et ce, grâce à la montée en puissance de la voie professionnelle - et vous savez mon attachement à la diversité de l'excellence au sein notre système éducatif.
Personnalisation des parcours et des pédagogies, mais aussi davantage d'autonomie dans l'organisation du système pour une meilleure adaptation aux besoins de chaque élève. Parmi les nouveautés significatives de ce budget, je citerai les deux heures d'aide d'accompagnement personnalisé en classe de première et pour les élèves de sixième dans les collèges volontaires, notamment dans le réseau Eclair - en clair, l'éducation prioritaire. Je pense également au développement des expérimentations et innovations pédagogiques : les internats d'excellence, le réseau Eclair qui concerne plus de 300 collèges et 2 000 écoles ou encore les établissements de réinsertion scolaire pour la deuxième année. Autre exemple intéressant : 15 000 élèves bénéficient cette année d'un aménagement innovant du temps scolaire avec cours le matin et sport l'après-midi.
Notre gestion des moyens doit être minutieuse. Premier employeur de l'État, l'éducation nationale participe à l'effort de maîtrise de la dépense publique : 14 000 suppressions de postes sont prévues, y compris dans l'enseignement privé mais dans le respect de la règle des 80/20 et de ses spécificités. Parce que le principe du « un sur deux » doit s'appliquer avec discernement, nous avons suivi, l'an dernier, les préconisations que la Cour des comptes a formulées dans son rapport de mai 2010 sur la rénovation du pilotage et du dialogue de gestion avec les académies. L'idée est de dégager des marges de manoeuvre pour innover et concentrer les moyens là où ils sont utiles en fonction des besoins identifiés par les acteurs locaux. Ce nouveau dialogue de gestion avec les acteurs locaux, qui a fait ses preuves, sera reconduit cette année. Sensible aux interrogations des élus ruraux, le Président de la République s'est engagé à ce que le solde des fermetures et des ouvertures de classe soit nul.
La politique du « un sur deux » permet, une revalorisation sans précédent des personnels de l'éducation nationale : 1,1 milliard depuis 2007 pour le pouvoir d'achat des enseignants, et 1,4 milliard pour l'ensemble des personnels de l'éducation nationale.
Notre gestion des autres dépenses est rigoureuse : hors titre II, elles atteignent 3,9 milliards et progressent de 105 millions de plus qu'en 2011 en raison de la priorité donnée à l'accompagnement des enfants handicapés, dont le budget augmente de près de 30 %.
En 2012, nous aurons les moyens d'une politique éducative ambitieuse : le tout qualitatif est dépassé, il faut aller vers le sur-mesure. Une politique dont les résultats se feront sentir à terme car le temps de l'école est un temps long. Néanmoins, les premiers résultats sont déjà prometteurs.
Nous ne partageons pas cette vision pleine d'optimisme de votre budget. Le seul objectif semble financier. Il y a pourtant autour de l'école d'autres enjeux que la réduction du déficit de l'État. D'après une étude publiée hier, l'écart entre les revenus les plus hauts et les plus bas se resserre, ce qui est une bonne nouvelle. En revanche, la proportion d'élèves en très grande difficulté scolaire, en particulier dans les zones d'éducation prioritaire, accuse une progression très nette. J'y vois la preuve que les résultats ne sont pas au rendez-vous de vos innovations. Dans ces circonstances exceptionnelles, ne faut-il pas soustraire l'éducation nationale à la Révision générale des politiques publiques (RGPP), comme on l'a fait pour l'enseignement supérieur ? L'enseignement du premier degré, largement sous-doté, ne doit-il pas bénéficier d'une attention particulière, voire d'un plan de rattrapage ? Il y a urgence !
Concernant les suppressions de postes, le nombre de 14 000 représente une forte hausse par rapport aux emplois effectivement supprimés hors surnombres l'an dernier. Comment comptez-vous en détruire 5 700 dans le primaire tout en respectant l'engagement du Président de la République et selon quels critères ? Tant la Cour des comptes que les enquêtes PISA (Programme international pour le suivi des acquis) ont pointé le déficit qu'accuse l'école primaire. Or c'est elle qui constitue la première étape de l'installation de l'élève dans la réussite... ou dans l'échec.
L'enseignement privé contribuerait à l'effort, mais dans le respect de ses spécificités. Qu'est-ce à dire ? Je me méfie des chiffres : il ne faudrait pas en conclure que la formation d'un élève dans le privé coûte moins cher que dans le public. Lors des auditions, j'ai appris que les médecins scolaires, qui interviennent parfois dans l'enseignement privé, n'émargent pas sur son budget...
Les innovations telles que les internats d'excellence ou le programme Eclair, nous l'avons dit et répété, ne sauraient avoir valeur d'exemple. De fait, elles concernent un nombre très limité d'élèves mais tous les moyens nécessaires y sont mis pour créer des conditions très favorables. Vous vous félicitez de l'aménagement du temps scolaire avec cours le matin et sport l'après-midi. Pourtant, il est contraire à toutes les études des chronobiologistes. D'après eux, l'attention des élèves serait soutenue entre 9h et 11h du matin, puis l'après-midi à partir de 15h.
Enfin, quel sort réservez-vous aux emplois de vie scolaire (EVS) ? Nombre d'entre eux n'auraient pas retrouvé leur affectation auprès des directeurs, peut-être en raison d'un basculement des postes au profit des auxiliaires de vie scolaire (AVS). Pourtant, les EVS ont rempli tout leur rôle. Envisagez-vous de revenir sur la suppression de certains EVS ?
Où est l'ambition éducative et pédagogique dans ce budget pour mettre les élèves, en particulier ceux qui sont le plus en difficulté, sur le chemin de la réussite ?
Ce budget est sans surprise, si ce n'est que la gravité de la crise vous donne un argument nouveau pour justifier votre politique, que supportent d'abord les salariés et les populations, sans même vous interroger sur les alternatives.
On envisage cette année 5 400 primo-recrutements. Pouvez-vous préciser, comme l'an dernier dans le projet annuel de performance, combien de fonctionnaires et combien de contractuels ? Concernant les suppressions de postes, le Parlement, qui se prononce sur un plafond théorique d'emplois, ignore tout des leviers d'efficience qu'utilisent les académies pour parvenir à votre fameux sur-mesure. Qui en fera les frais, des RASED, des professeurs de langues vivantes, des remplaçants ou encore des élèves qui verront la taille de leur classe augmenter ?
Les crédits pédagogiques accusent une chute vertigineuse : une division par quatre, excusez-moi du peu !
Le public, d'après moi, contribue davantage que le privé à l'application de la règle du « un sur deux ».
Dans les lycées professionnels, le nombre d'enseignements titulaires reculerait de 2 % et le nombre de contractuels augmenterait d'autant. Qu'en est-il ?
Difficile de s'y retrouver dans le budget à cause des changements de périmètre : où sont donc passés les crédits consacrés à la rémunération des stages en responsabilité accomplis par les étudiants en master ? Cela représente tout de même plus de 64 millions.
Je m'interroge également sur la baisse des subventions aux établissements publics locaux d'enseignement (EPLE) et la mise à contribution des crédits pédagogiques pour le déploiement du numérique. Qui est équipé, et où ? Une carte serait bien utile.
Enfin, une observation sur les projets de décret qui confient l'évaluation des enseignants aux chefs d'établissement pour le second degré et aux inspecteurs pour le premier degré. Le calendrier semble s'accélérer puisque vous voudriez une consultation des comités techniques paritaires avant la fin de l'année. Le regard croisé du chef d'établissement et de l'inspecteur, dont Mme Josette Théophile, directrice générale des ressources humaines des ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, nous avait garanti le maintien, a disparu. Cela modifierait profondément les règles d'avancement, très particulières il est vrai, des enseignants. En outre, quelle est la légitimité du chef d'établissement à se prononcer sur le volet pédagogique ? L'enseignant serait évalué selon des critères qu'ils ne maîtrisent pas : la réussite des élèves dépend de facteurs extérieurs, Mme Cartron l'a souligné.
Je profiterai de cette occasion pour attirer l'attention sur les suppressions de postes dans l'enseignement agricole : 280 cela paraît bien peu au regard des 14 000 prévus dans l'éducation nationale et cette période est à nulle autre pareille. Mais l'enseignement agricole est déjà à l'os ; il faudra stopper cette hémorragie. Ensuite, son budget a toujours souffert des reports de charges. La levée de la réserve de précaution, demandée par le ministère de l'agriculture cette année, permettra de répondre à certaines demandes. Pour autant, nous serons vigilants. Les budgets doivent être en cohérence avec les effectifs, qui sont en légère hausse, de manière à ce que tous les jeunes qui se destinent à l'enseignement agricole y trouvent leur place. Le plan triennal 2012-2014, qui doit être mis en chantier en février, aura à répondre aux besoins de l'enseignement agricole et à la nécessaire qualité du dialogue, qui manque ces temps-ci.
C'est peu dire que l'enseignement agricole est complémentaire de l'éducation nationale. Je me réjouis de la signature de la convention entre les directeurs généraux des deux ministères que je réclamais depuis plusieurs années. Tout arrive à qui sait attendre... Je suis convaincue que ce partenariat autorisera une optimisation du fonctionnement et du coût des deux systèmes. La co-responsabilité des deux ministres est également dans l'intérêt de nos jeunes.
Madame Cartron, si l'éducation nationale doit participer à l'effort de maîtrise de la dépense publique, elle porte une vision éducative : passer de l'école pour tous à la réussite pour chaque élève. D'après l'enquête de l'Insee, nous consacrons 7 % du PIB à l'éducation. La question est donc, non pas celle des moyens, mais de la réponse apportée aux nouveaux défis. Pour nous, à l'heure de la massification de l'enseignement, sera moderne l'école qui saura s'adapter à l'hétérogénéité des élèves.
Les inégalités sociales ? Si le phénomène n'est pas nouveau, nous ne pouvons pas nous en satisfaire. L'enquête PISA a montré qu'il était commun à tous les pays développés. Notre politique d'aide personnalisée vise à le combattre avec une aide à l'acquisition du langage dès la maternelle, puis une aide à la maîtrise de la lecture dans le primaire ou encore des stages de remise à niveau durant les vacances. Toutes ces mesures, qui touchent les populations les plus fragiles, ont déjà entraîné une amélioration de la performance : les tests d'évaluation en CE1 montrent une nette progression de l'acquisition du français, 78 % des élèves sont bons ou très bons en 2011, contre 74 % en 2010. Or il s'agit de la première cohorte d'élèves ayant connu la réforme du primaire.
Il y a bien eu 16 000 suppressions de poste l'an dernier. Simplement, nous avons résorbé des postes en surnombre. Dans le budget pour 2012, ceux-ci représentent encore un millier de postes sur les 5 700 supprimés dans le premier degré. L'engagement du Président de la République concernant les fermetures de classe sera tenu. Avec le dialogue de gestion, nous regardons comment optimiser la carte scolaire en liaison avec les élus, qui doivent avoir leur mot à dire.
Concernant le partage de l'effort entre privé et public, je rappelle, tout d'abord, que les médecins scolaires interviennent de manière tout à fait exceptionnelle dans le privé lors, par exemple, de l'épisode de la grippe H1N1. La règle des 80/20, bien que non écrite, a été respectée par tous mes prédécesseurs, quelle que soit leur appartenance politique. Elle veut que l'enseignement privé représentant 20 % des effectifs, bénéficie de 20 % des dotations et participe à la maîtrise de la dépense publique à due concurrence. Néanmoins, comment supprimer des postes qui n'existent pas dans le privé ? Nous déduisons donc les titulaires sur zone de remplacement, les surnombres ou encore les RASED.
Les internats d'excellence représentent 10 000 places cette année, avec un objectif de 20 000 dans les deux ans à venir ! L'idée n'est pas de faire de ces jeunes des bêtes à concours, mais de leur offrir les conditions pour réussir. Comment travailler chez soi quand on vit à quatre dans une chambre ? En liaison avec les inspecteurs d'académie, nous repérons ces élèves méritants, qui ont du potentiel et qui ont envie de travailler, et nous leur offrons des solutions adaptées.
L'expérimentation sur le temps scolaire n'a pas vocation à être généralisée ; ce serait impossible au vu des équipements sportifs. Le bilan de la première année est très positif : d'où le doublement des classes qui en bénéficieront cette année, leur nombre passant de 125 à 250.
Dans le budget 2011, nous avions 41 000 EVS et 13 300 AVS, contre 30 200 EVS et 15 500 AVS dans ce budget. Cette différence s'explique par la volonté du Président de la République, lors de la Conférence national sur le handicap, de remplacer les emplois aidés, qui étaient à temps partiel, par des assistants de scolarisation à temps plein.
Ne vous y trompez pas, madame Gonthier-Maurin, en cette période de crise, le Gouvernement nous a épargné des difficultés plus grandes. Aujourd'hui, le Portugal a décidé de licencier des enseignants.
Quant à l'Espagne, elle a réduit la rémunération des enseignants de 5 % en exigeant deux heures de travail supplémentaire par semaine. Résultat, les enseignants sont dans la rue. L'éducation nationale est le premier recruteur de la nation avec 17 000 recrutements cette année. Nous avons réaffirmé le retour de la moitié du non-remplacement d'un départ sur deux et, l'an dernier, nous avons relevé la rémunération des enseignants en début de carrière de 10 %. Nous sommes les seuls !
Nous avons prévu de recruter 5 000 titulaires dans le primaire, contre 3 000 l'an dernier.
Les crédits pédagogiques sont effectivement en baisse. Il faut bien participer à la maîtrise de la dépense publique ! Cela dit, cette réduction s'explique aussi par la sous-utilisation constatée de ces crédits. Les élus locaux connaissent aussi bien que moi l'existence de ces cagnottes dans les établissements.
Les contractuels ? L'éducation nationale est relativement exemplaire : elle en compte 27 000. Après l'adoption de la loi au printemps, nous avons identifié 13 000 postes à titulariser avec les syndicats. La discussion, que pilote le ministre de la fonction publique, est en cours.
Les crédits pour la rémunération des stagiaires dans le primaire et le secondaire, s'élèvent à 118 millions.
Le déploiement du numérique relève des collectivités territoriales, conformément aux dispositions légales. L'État l'a accompagné de manière exceptionnelle dans le cadre du plan de relance en 2008-2009. J'ai depuis conclu un partenariat avec l'Association des régions de France (ARF). A l'éducation nationale, la responsabilité de mieux former les enseignants au numérique, de fournir des ressources pédagogiques modernes, ce que nous faisons à travers Éduscol ; aux collectivités celle d'équiper les établissements en tableaux pédagogiques interactifs, en ordinateurs, en logiciels. Il y avait des progrès à faire.
La réforme de l'évaluation des enseignants avait été annoncée il y a deux ans, dans le cadre du Pacte de carrière. Consultés pendant l'été, les enseignants sont demandeurs : 65 % souhaitent être évalués sur la capacité à gérer une classe, et 61 % sur leur capacité à faire réussir et progresser les élèves. Nous travaillons avec les partenaires sociaux, que j'ai réunis une première fois cet été. La direction générale des ressources humaines a constitué des groupes de travail. Rassurez-vous, il n'y a pas de décret caché prêt à sortir ! Il n'est pas question de confier l'évaluation au seul chef d'établissement, mais ce dernier, qui anime le conseil pédagogique de l'établissement, a vocation à donner un avis en la matière.
En matière d'enseignement agricole enfin, le travail de Mme Férat auprès de nos deux ministères, éducation nationale et agriculture, a permis une clarification des rôles et de la maquette budgétaire. La coordination a bien progressé, et je reçois désormais régulièrement les Directeurs régionaux de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF).
« Budget ambitieux, responsable » : vos formules sont volontaristes, mais la réalité des crédits est tout autre. Ainsi, les RASED, qui s'adressent aux élèves en difficulté, sont mis à mal. Ces structures n'existent pas dans le privé, me direz-vous : faut-il voir dans leur suppression une volonté d'alignement par le bas ? En juin dernier, j'étais encore devant une classe. Beaucoup d'enfants auraient eu besoin du suivi des RASED, mais on manque de postes...
L'évaluation ? Parlons d'abord de la formation des enseignants ! Nous sommes nombreux ici à être passés par les écoles normales, qui formaient les enseignants et transmettaient leurs valeurs. Or le métier attire de moins en moins : les candidats au concours de professeur des écoles sont deux fois moins nombreux qu'autrefois !
Les EVS et AVS manquent aussi de formation. Recrutés par Pôle emploi, ils ne sont pas préparés au contact avec des élèves en grande difficulté, avec les familles, avec la réalité de l'école. Mon ancien établissement en a déjà vu passer deux depuis la rentrée ! L'accompagnement de l'enfance handicapée exige une formation spécifique. Les coupes budgétaires vont à l'encontre de ce qu'il faudrait faire.
L'enseignement agricole, enfin, perd 280 postes, après en avoir déjà perdu 145 en 2011, essentiellement dans le public. Faut-il y voir une volonté de privatiser totalement ce secteur ?
N'en déplaise à Mme Cartron, participer à l'objectif de maîtrise des dépenses de l'État n'est pas condamnable : au contraire, c'est un devoir de tous.
Le taux d'encadrement ? La réponse ne doit pas être uniquement quantitative : il faut donner plus à ceux qui ont les plus grands besoins. Je salue, monsieur le Ministre, votre souci de maîtrise des fondamentaux et de personnalisation des parcours dès le primaire.
Oui, il faut améliorer la formation des enseignants, car la pédagogie n'est pas innée. Cela passera par une réforme du statut, qui date de 1950. A l'époque, il s'agissait de former une élite ; aujourd'hui, la mission de l'école est de réduire des inégalités scolaires qui ont pour origine des inégalités sociales et culturelles.
Qu'en est-il des établissements de réinsertion scolaire ? Une expérimentation est-elle menée ? A quel niveau accueille-t-on les élèves ? Pouvez-vous nous donner le nombre d'établissements et d'élèves concernés ?
Le public scolaire est très hétérogène ; les conditions de vie ne sont pas les mêmes dans toutes les régions ; il y a une fracture entre école urbaine et école rurale ; le milieu social joue un rôle prédominant dans la réussite scolaire. Il faut à mon sens renforcer l'autonomie des établissements pour rechercher des solutions adaptées aux réalités locales et personnaliser les parcours.
D'importants efforts ont été faits pour scolariser les enfants handicapés en milieu ordinaire, et des AVS ont été recrutés en nombre. Mais il faut mieux les former, professionnaliser ce métier. Où en est le remplacement des contrats aidés par les assistants de scolarisation ?
La réforme du lycée a été mise en place en première ; elle sera étendue à la terminale en 2012. Et l'aide personnalisée centrée sur le projet d'études supérieures ?
Une budget « ambitieux et responsable » ? J'y vois surtout des suppressions de postes... Les recteurs sont face à des situations insolubles : face à la pression des parents, des élus, face à la réalité, il leur faut soit maintenir les postes, soit en créer ! Résultat, ils sont contraints de puiser dans le vivier des remplaçants...
De plus en plus souvent, les enseignants en congé maladie ou formation ne sont pas remplacés. Quel est le taux d'absentéisme chez les enseignants ? Est-il plus important que dans d'autres ministères ? L'État étant son propre assureur, c'est lui qui prend en charge les arrêts maladie. Or le Gouvernement vient de décider l'instauration d'un jour de carence. Avez-vous chiffré l'économie qui sera réalisée ? Quel est votre avis sur cette journée de carence ? Est-ce un premier pas avant de passer à quatre jours ?
Le sport reste trop souvent une variable d'ajustement dans les programmes scolaires. Pourtant, quand les résultats sportifs s'améliorent, les résultats scolaires aussi ! Comment adapter les rythmes scolaires pour mieux intégrer le sport à l'école ? Des expérimentations ont-elles été menées ? Avec quels résultats ?
Vous connaissez les problèmes de la Guyane, monsieur le Ministre, pour vous y être rendu. Nous envions la situation de la métropole ! En Guyane, ce sont 6 000 enfants qui ne sont pas scolarisés chaque année. Nous sommes bien en dessous des moyennes nationales, qu'il s'agisse du taux de réussite, du nombre d'enfants ayant un an de retard à l'entrée en sixième, du multilinguisme, etc. Dans le contexte budgétaire actuel, comment engager une politique structurante, tant sur le plan qualitatif que quantitatif, pour la Guyane ?
Certains commentaires à droite font mal au coeur : notre devoir est d'aider nos frères de Guyane à sortir de cette misère !
Il faut porter notre attention à la formation pédagogique des maîtres. La professionnalisation est indispensable. Vous parlez évaluation, cadrage, démarche qualité ; encore faut-il que les responsables aient une formation adaptée. L'échec massif des élèves met en cause la qualité et l'adaptation de notre enseignement. Notre école est devenue celle du stress, de l'angoisse, de la peur du déclassement. Les parents, même les plus modestes, veulent fuir l'école publique ! C'est une conséquence du manque de considération, de l'absence de solidarité, de soutien de la hiérarchie envers des enseignants qui, du coup, veulent eux aussi fuir l'école !
Le ministre ferait bien de modifier son vocabulaire, de parler moins de « lutte contre l'échec scolaire », et davantage de « promotion de la réussite » ! Les enseignants demandent une réforme de leur évaluation, dites-vous ? C'est un signe de leur désarroi, de leur difficulté à mener à bien leur mission. La réussite de chaque élève est un objectif, certes, mais bien traiter tous les élèves, voilà la justice sociale ! Pas la stigmatisation des élèves et des familles, qui sont des co-éducateurs !
Je fais miens les propos de Mme Gillot sur le bien-être des élèves à l'école. Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 45 % des élèves français vont à l'école la peur au ventre ! Les drames récents témoignent aussi de la souffrance des enseignants.
Je m'inquiète de la baisse des crédits pédagogiques, qui permettent l'articulation entre l'école et les autres domaines de l'épanouissement : enseignement artistique, ouverture sur le monde, ouverture aux langues. Dans cette commission, nous sommes attentifs à ces partenariats. Lors de l'examen de la proposition de loi sur les langues régionales, un état des lieux avait été dressé. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Les crédits baissent...
Le dialogue avec les élus locaux sur la carte scolaire est positif, mais la Charte des services publics existe depuis 2006 : ne peut-on l'activer ?
S'agissant des AVS et EVS, l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à mutualiser l'accompagnement des élèves handicapés, qui permet également de recruter des AVS sans condition de diplôme quand l'aide à apporter n'est pas pédagogique. Nous avons souligné les difficultés de ce nouveau statut, et notamment l'absence de formation, qui entraîne un turnover important, au détriment des élèves.
Le rôle de l'inspecteur dans l'évaluation est à revoir. Le statut des enseignants n'a pas bougé depuis 1950, alors que leurs missions ont évolué. La question de sa réforme devra être abordée avec les syndicats.
Le nouveau dialogue de gestion est une bonne chose s'il permet un partenariat plus constructif avec les élus locaux. Maire de ma commune, j'ai appris récemment la fermeture d'une classe dans mon école maternelle. J'ai demandé des informations au recteur d'académie, mis en avant les projets investissement, de construction. J'ai eu pour seule réponse la confirmation de la suppression de la classe. D'où ma question : combien de classes maternelles seront-elles fermées à la rentrée 2011 ?
Monsieur Magner, les RASED ne sont pas supprimés ; ils remplissent une fonction auprès des élèves en difficulté, mais ne sont pas l'unique réponse. Notre système éducatif a du mal à repérer dès le plus jeune âge les élèves qui risquent de rencontrer des difficultés, d'où ma décision de renforcer les moyens de l'école maternelle, d'en faire l'école du langage, de l'acquisition des reflexes, du travail sur la mémoire, le lieu qui prépare l'entrée au cours préparatoire, car les inégalités sont grandes selon que l'enfant a été stimulé ou non dans son environnement familial. La réponse passe aussi par les deux heures hebdomadaires d'aide spécialisée, ou par les stages de remise à niveau avant l'été, qui bénéficient cette année à 245 000 élèves.
Il ne faut pas regretter la mastérisation de la formation des enseignants. Tous les grands pays recrutent leurs enseignants au niveau master ! Les critiques portaient sur une année de transition ; les choses vont s'améliorer. L'équilibre entre formation disciplinaire et pédagogique est respecté, avec 108 heures d'observation en M1 et 108 heures de mise en responsabilité en M2. Les stagiaires bénéficient désormais d'un accueil personnalisé ; un tiers de leur temps est consacré à la formation, aux stages. Nous avons développé de nouveaux modules de formation, notamment pour les professeurs des écoles. Enfin, les masters en alternance bénéficient notamment aux étudiants issus de milieux modestes, qui peuvent ainsi poursuivre des études longues tout en travaillant et en se formant sur le terrain.
Dire que le métier d'enseignant a perdu en attractivité relève de la désinformation, car on se fonde sur une année de transition, durant laquelle il y a eu moins de concours. Une même promotion a pu passer deux fois le même concours ! Il y a en outre deux fois moins d'étudiants au niveau master qu'au niveau licence : nous recrutons donc sur une base plus réduite, car la sélection a déjà été opérée. En 2011, le nombre de candidats au concours de professeur des écoles était stable, à 41 000 ; ils étaient 70 000 à être inscrits pour passer le capes, contre 63 000 en 2010. Il est vrai que l'on manque de candidats dans certaines disciplines, à commencer par les mathématiques - mais depuis quinze ans ! Ce n'est pas lié à la mastérisation. Pour y remédier, j'ai mis en place le plan Science il y a six mois.
Il n'est pas question bien entendu de renoncer à l'enseignement agricole public, auquel nous sommes très attachés. Un enseignement privé de qualité cohabite avec le public.
J'ai répondu à M. Carle sur la mastérisation ; nous avons repris nombre de ses propositions.
Mme Blondin a évoqué le statut des enseignants, qui date en effet de 1950. A l'époque, on portait 10 % d'une génération au bac, l'enseignant faisait cours, depuis son estrade, à une classe homogène. Avec la massification, les missions de l'école ont évolué, le métier d'enseignant a été bouleversé. Dans le second degré, il faut instruire, mais aussi repérer, dans une classe hétérogène, ceux qu'il faut porter vers l'excellence, et ceux qui risquent de décrocher, mettre en place des pédagogies différenciées, travailler en équipe, recevoir les parents... Je me réjouis que la gauche aborde la question. La majorité gouvernementale a fait des propositions, et nous aurons ce débat devant les Français au printemps. Là non plus, le Gouvernement ne va pas sortir un projet de réforme tout fait entre Noël et le jour de l'an !
Les établissements de réinsertion scolaire, madame Lepage, accueillent des élèves très perturbateurs. C'est une réponse intermédiaire entre les classes relais, qui accueillent les élèves pendant quelques semaines seulement, et les centres éducatifs fermés, destinés aux jeunes condamnés pour des faits de violence grave. Ces établissements sont gérés en partenariat avec la Protection judiciaire de la jeunesse. Le taux d'encadrement y est presque d'un adulte pour un élève ; on y privilégie l'accompagnement individuel et le sport. L'an dernier, les onze établissements de réinsertion scolaire ont accueilli 152 élèves, dont 141 ont été réinsérés en collège, lycée ou Centre de formation d'apprentis (CFA). Six nouveaux établissements ont été ouverts à la rentrée, et trois autres le seront avant la fin de l'année, pour accueillir 200 élèves. Il suffit parfois d'un ou deux perturbateurs pour pourrir la vie d'un établissement entier ; nous leur apportons une réponse éducative.
Cette année, nous accueillons 213 000 enfants handicapés en milieu ordinaire, soit 60 % de plus qu'au moment du vote de la loi de 2005. Le budget dédié augmente de 30 %, après une hausse de 13 % en 2011. Cette progression a été rendue possible par l'ouverture de classes spécialisées, par le recrutement d'enseignements supplémentaires, par l'embauche d'AVS et d'EVS. Ces derniers relèvent malheureusement trop souvent de contrats aidés, précaires, alors que le suivi des élèves exige une certaine continuité. Nous avons donc signé une convention de partenariat avec les associations de parents d'élèves handicapés, qui pourront reprendre les contrats arrivés à terme. Le Président de la République a en outre décidé le recrutement de 2 000 assistants de scolarisation, sur des contrats non précaires ; le budget 2012 prévoit 2 300 postes supplémentaires, et dégage 3,8 millions pour leur formation.
Madame Mélot, la réforme du lycée vise à répondre à l'objectif de Lisbonne de porter 50 % d'une classe d'âge au niveau bac + 3. Aujourd'hui, un étudiant sur deux échoue en première année. Il faut améliorer l'accompagnement des élèves. Je me souviens de mon premier jour à l'université : il y a un gouffre entre une classe de lycée et un amphithéâtre de mille étudiants ! Si l'on n'a pas acquis des méthodes de prise de notes, de travail personnel, c'est l'échec. L'orientation doit également être plus progressive et autoriser les changements de trajectoire.
La France compte aujourd'hui 35 000 enseignants de plus qu'en 1990, et 500 000 élèves de moins : le taux d'encadrement a augmenté, monsieur Domeizel. Le taux d'absentéisme est de 4 % chez les enseignants, et de 4,85 % dans le reste de la population active : les caricatures n'ont pas lieu d'être. Le taux de remplacement s'améliore. Dans le premier degré, il était de 92 % en 2010, en hausse de 1,7 point ; dans le second degré, il est de 96 % pour les remplacements de plus de quinze jours. Le taux de mobilisation des titulaires sur zone de remplacement était de 87,77 % en 2011, contre 85,9 % en 2010. Cette progression découle de l'assouplissement du système, qui permet de faire appel à des remplaçants d'une autre académie, ainsi qu'à des contractuels.
Pourrez-vous me communiquer ces chiffres, que je les transmette à mon inspecteur d'académie ?
Bien sûr.
Le Gouvernement a décidé, dans le cadre de l'effort de solidarité nationale, de porter le nombre de journées de carence de trois à quatre dans le privé. Il a paru équitable que le public s'applique également une journée de carence : cela représentera 120 millions dont 59,3 millions pour l'éducation nationale.
Monsieur Martin, le financement des activités sportives s'élève à 3,25 milliards, à rapprocher des 247 millions du programme « Sport ». L'expérimentation du modèle « cours le matin, sport l'après-midi » est encourageante : 42 % des chefs d'établissement observent une amélioration des résultats scolaires, et 73 %, une augmentation de la motivation et de l'assiduité.
Nous avons augmenté d'une centaine le nombre d'enseignants en Guyane pour le porter à 2 351. Le projet académique prend en compte la spécificité guyanaise, qu'il s'agisse de maîtrise de la langue ou de la lutte contre l'illettrisme, la non-scolarisation et l'absentéisme. Je me suis rendu à Maripasoula, où sera ouvert un internat d'excellence. L'égalité républicaine doit être une réalité en Guyane comme ailleurs. Je pourrais aussi citer le dispositif « Coup de Pouce Clé », ou la mise en place dans deux collèges d'une sixième « socle commun », pour tenir compte des difficultés de certains élèves.
La sémantique, madame Gillot ? Le plan de « lutte contre l'illettrisme » était aussi « pour le développement de la lecture ». Il nous faut passer de l'école pour tous à la réussite de chacun. La personnalisation, c'est tout le contraire de la stigmatisation. Ce qui a fait le plus de mal à l'éducation nationale, c'est l'égalitarisme !
Il fallait différencier, adapter, donner des marges de manoeuvre aux acteurs locaux, aux chefs d'établissement. Jusqu'à récemment, on ne comptabilisait pas les élèves qui quittaient le système éducatif entre juin et octobre : on ne disposait que d'estimations.
On sait désormais qui sont ces 223 000 jeunes. Un quart est pris en charge par les missions locales ; nous nous occupons désormais des 160 000 restants, via les 400 plateformes locales de lutte contre le décrochage, qui offrent à chacun une solution individualisée.
Je vous croyais un grand communiquant, monsieur le ministre ! Je vous demande d'employer des mots positifs, et non de stigmatiser ces élèves !
Parler de « réinsertion », c'est stigmatiser ?
La vraie question est celle des moyens, pas de la sémantique. Ce n'est pas en refusant pudiquement de nommer les choses que l'on résout les problèmes.
S'agissant du bien-être des élèves, les États généraux sur la sécurité à l'école ont prévu un volet d'action sur le harcèlement, sujet jusqu'ici tabou que nous avons décidé de prendre à bras le corps. Il ressort de l'enquête de victimation menée, avec l'Unicef, dans le primaire et sur 18 000 collégiens, que 93 % des collégiens sont heureux à l'école, et 86 % contents de leurs relations avec les enseignants. Mais 10 % se sentent harcelés. Le harcèlement prend la forme d'intimidations, de bousculades, puis de phénomènes de bouc émissaire, entraînant chez la victime difficultés scolaires, absentéisme, voire suicide... J'ai réuni en mai des Assises nationales sur le harcèlement à l'école, signé une circulaire pour sensibiliser les personnels, conclu un accord avec l'association e-Enfance et Facebook sur le e-harcèlement, instauré enfin un site internet pour sensibiliser enseignants et parents à la question.
Les crédits pédagogiques auront baissé de moins de 10 % en deux ans, madame Blondin. Cela correspond à l'effort demandé par le Premier ministre sur les dépenses de fonctionnement sur la période 2011-2013.
Sur les langues régionales, une mission est en cours.
La Charte des services publics ? Élu d'un département rural depuis 1993, j'ai constaté de grands progrès dans la concertation entre l'éducation nationale et les élus locaux. Je demande aux inspecteurs de consulter les représentants des élus, notamment dans le cadre des conseils départementaux de l'éducation nationale. Ainsi, il avait été décidé avant l'été d'ouvrir 3 000 classes en primaire, et d'en fermer 4 500. Après discussions au niveau local, au cas par cas, le nombre net de fermetures est passé de 1 500 à 1 050.
Je vous transmettrai le chiffre exact.
- Présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente -
Le budget de la mission « Jeunesse et vie associative » augmente de près de 8 % pour s'établir à 230 millions. Il traduit l'effort de l'État pour accompagner la montée en puissance du service civique. Les premiers résultats étant encourageants, nous changeons de braquet : le service civique concernera 25 000 jeunes en 2012 et 10 % d'une classe d'âge en 2014.
Les crédits du programme « Vie associative » sont stabilisés : maintien des subventions aux associations partenaires à hauteur de 10 millions, maintien des postes Fonjep (Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire) à hauteur de 25 millions, maintien à 10,8 millions des crédits de formation des bénévoles. Sur le programme « Jeunesse », nous maintenons les crédits dédiés au réseau Information Jeunesse, au véritable observatoire qu'est l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP), au programme « Envie d'agir », que nous avons sauvé, au Fonds d'aide aux jeunes (FAJ), à la mobilité internationale.
Je salue le travail mené pour développer l'information des jeunes, notamment avec le portail numérique www. jeunes.gouv.fr. C'est un signal fort vis-à-vis de la jeunesse. Nous avons également fait adopter la pré-majorité associative : on peut désormais créer et présider une association dès 16 ans. Nous avons rendu les conseils de la vie lycéenne plus démocratiques et représentatifs, créé un collège « jeunes » au sein du Conseil économique, social et environnemental.
Pour mieux accompagner l'insertion des jeunes, le Fonds d'expérimentation pour la jeunesse mène plus de 400 expérimentations. Nous avons également créé un Haut conseil à la vie associative, qui deviendra une vraie instance d'expertise.
Bref, un budget ambitieux et équilibré, qui traduit une dynamique interministérielle et transversale, que je coordonne avec Mme Bougrab.
Le document budgétaire transversal résume l'ensemble des politiques publiques en faveur de la jeunesse : l'effort total s'élève à 75 milliards. Le programme 163 progresse de près de 8 %, passant de 213 à 230 millions. C'est la conséquence de l'effort supplémentaire en faveur du service civique, créé au Sénat par une proposition de loi du groupe RDSE. Je rends hommage à cette belle audace de la Haute Assemblée. Le succès du service civique a été salué hier dans un communiqué par des associations telles que le Secours catholique, la Croix-rouge, Unis-Cité ou Animafac. Dix-huit mois après sa création, 14 000 jeunes de 18 à 25 ans se sont engagé dans le volontariat ; en 2012, ils seront 25 000. Nous avons fait un effort de rééquilibrage entre agrément national et local. Enfin, un décret de valorisation du service civique a été signé, ainsi qu'un décret autorisant l'agence à subventionner la formation citoyenne.
Je me réjouis de l'augmentation de 8 % des crédits. Vous qualifiez ce budget d'ambitieux, je veux bien vous suivre. Les jeunes sont soutenus, à tous les niveaux.
Quelques questions, cependant. La mise en place du service civique a soulevé certaines critiques. Quels commentaires pouvez-vous nous livrer sachant que les conclusions du rapport de nos collègues députés Bernard Lesterlin et Jean-Philippe Maurer, n'ont pas été rendues publiques ? Les négociations avec les partenaires sociaux tendent à la création d'un congé de service civique. Où en est-on, de même que du rapport que le Gouvernement devait rendre au Parlement avant le 30 juin 2010 sur le résultat des négociations ?
Quel est le bilan des actions soutenues par le Fonds d'expérimentation pour la jeunesse, créé pour appuyer certains projets ?
Les crédits du programme Envie d'avenir, enfin, avait été maintenu à 3 millions pour venir en appui à des initiatives adossées à d'autres dispositifs partenariaux. Pouvez-vous nous donner des exemples de tels dispositifs ?
Je rends hommage aux deux députés qui ont mené, comme cela est naturel dans un régime de séparation des pouvoirs où le Parlement a charge de contrôler l'exécution de la loi, une évaluation sur le service civique. Le Gouvernement aura, de son côté, à rendre son rapport sur l'exécution de la loi du 10 mars 2010.
Ce rapport d'information parlementaire souligne la célérité du Gouvernement : trois mois après la promulgation de la loi, l'Agence du service civique était en place, et la plupart des textes d'application adoptés. Il souligne aussi l'exemplarité du dispositif, tout en pointant quelques faiblesses à corriger.
C'est ainsi qu'il pointe le retard pris dans la publication du décret sur la formation civique. Ce texte est aujourd'hui signé. La plupart des jeunes concernés ont reçu une formation citoyenne, les associations ayant pris les devants. Un marché a depuis été passé avec les sapeurs pompiers - hommage soit rendu à leurs volontaires, pour l'engagement dont ils ont fait preuve - pour aider ces jeunes à passer leur brevet de premiers secours. Ne reste donc plus à prendre, parmi les textes d'application, qu'un arrêté relatif à l'indemnité complémentaire à verser aux jeunes ultramarins effectuant leur service civique en métropole.
Se pose également, au vu des chiffres, la question de la mixité sociale : les deux députés relèvent que 70 % des jeunes qui effectuent un service civique sont au moins titulaires du baccalauréat. Un effort supplémentaire doit donc être fait en faveur des non diplômés. L'Agence du service civique a déjà pris des mesures pour mieux cibler le dispositif sur les quartiers en difficulté. Des conventions sont signées, dans ce cadre, avec les missions locales de la politique de la ville, pour toucher les jeunes de ces quartiers, et notamment ceux que l'on appelle les « décrocheurs », afin de leur offrir, avec le service civique, l'opportunité de se resocialiser.
Je souligne au passage, pour m'en réjouir, que 60 % des engagés sont des femmes, preuve qu'elles auraient été nombreuses à se porter volontaires si le service national leur avait été ouvert. La moyenne d'âge des engagés, enfin, est de 21 ans.
Dès le milieu de l'an passé, le programme Envie d'agir était inscrit, dans leur plan stratégique d'aide aux jeunes, par deux régions sur trois et quatre départements sur cinq. Ce dispositif, qui offre une capacité d'investissement de 3 millions d'euros, a déjà permis d'accompagner 3 500 jeunes porteurs de projets dont 60 % ont vocation professionnelle.
Le Fonds d'expérimentation jeunesse a donné lieu à 380 000 actions, sur onze appels à projets. La moitié est potentiellement reproductible. L'évaluation du dispositif, qui réclame au moins trois ans d'expérimentation, sachant que le Fonds est prévu pour un financement sur cinq ans, donnera lieu à un rapport en 2012. Les projets touchent à de nombreux domaines, depuis le décrochage scolaire outre-mer jusqu'à l'orientation scolaire, en passant par l'accès au logement ou la lutte contre les discriminations. Une part importante des crédits est consacrée à l'évaluation, par des organismes extérieurs indépendants.
Des expérimentations très positives ont été menées, notamment sur le permis de conduire, véritable passeport pour l'emploi mais dont le coût, qui va de 3 000 à 5 000 euros, peut constituer un vrai facteur de discrimination pour les familles modestes. Le Conseil économique, social et environnemental, qui vient de rendre un avis sur la mobilité des jeunes, souligne que le dispositif « Un permis, un emploi » participe à la lutte contre les inégalités.
J'ai noté avec plaisir la forte implication des jeunes filles dans le service civique.
Quelle est l'origine géographique des 14 000 jeunes concernés par le service civique ? Viennent-ils pour l'essentiel des zones urbaines et périurbaines, ou de tout le territoire ? Y a-t-il un suivi, au terme du service, sur le démarrage de ces jeunes dans la vie ?
Quelle est la population des jeunes en mission à l'étranger ? J'étais à Haïti six mois après le séisme, en même temps que la première promotion de ces jeunes - qui comptait en effet une grande majorité de jeunes filles. J'ai pu constater que pour être diplômés, ils n'en étaient pas moins mal préparés à leur mission : ils devaient enseigner le français sans y être formés. A-t-on prévu, depuis, des formations spécifiques adaptées aux missions confiées, et si oui, quelle en est la durée ?
Les bénévoles constituent, on le sait, la force d'entraînement du monde associatif, école par excellence de mixité, d'apaisement, d'apprentissage de la vie. S'ils ne sont pas salariés, il arrive qu'ils soient indemnisés. D'où une certaine insécurité juridique pour les dirigeants de clubs sportifs ou les collectivités qui subventionnent ces associations. Comment les sécuriser ?
Nous étions à Melun, il y a quelques semaines, pour y accueillir la troisième promotion en partance pour Haïti. J'ai pu constater combien ces jeunes étaient fiers de leur engagement : la solidarité n'est pas pour eux un mot creux. Dès le lendemain du séisme, les jeunes du service civique adapté à l'outre-mer étaient sur place. Si la première promotion a pu connaître quelques difficultés, des conventions ont été passées, depuis, notamment avec France volontaires, pour assurer leur formation.
Reste à améliorer la mobilité à l'international, qui concerne aujourd'hui quelque deux cents jeunes, pour la plupart en Haïti. Il faut saluer leur courage. L'an dernier, dans la situation difficile qui a marqué là bas l'entre deux tours de l'élection présidentielle, en pleine épidémie de choléra, ces jeunes ont refusé d'être rapatriés. Un seul l'a été, qui avait contracté la maladie, et y est retourné dès sa sortie de l'hôpital. Passionnés, énergiques, animés d'une envie de donner, ils méritent d'être bien formés. C'est ainsi que grâce à la formation professionnelle, un jeune charpentier de 22 ans a pu participer à la construction d'un hôpital en bois à Port-au-Prince.
Nous avons passé convention, je l'ai dit, avec Jacques Godfrain, ancien ministre de la coopération et président de France volontaires, mais aussi avec l'Office franco-québécois pour la jeunesse ou encore avec l'Office franco-allemand de la jeunesse, fidèles en cela à l'esprit du traité d'amitié passé après guerre par le général de Gaulle et Konrad Adenauer entre nos deux pays. Notre objectif est de nous mettre en mesure d'envoyer 500 jeunes à l'international, en nous assurant de la qualité et de la sécurité des missions, qui se doivent d'être attractives, pour éviter toute rupture anticipée de contrat. Ces jeunes ont donc une formation, un tuteur, et nous veillons à la qualité des missions qui leur sont proposées.
Ils proviennent de l'ensemble du territoire : la répartition géographique est équilibrée, et reflète celle des 16-25 ans. Un effort particulier a cependant été engagé en faveur des territoires ultramarins, où 300 jeunes ont été recrutés pour lutter contre l'épidémie de dengue. Les jeunes qui accomplissent leur service civique outre-mer bénéficient de surcroît d'une majoration de leur indemnité, pour tenir compte du coût de la vie. Elle est ainsi de 1 000 euros à Wallis-et-Futuna.
Nous associons également les directions départementales de la cohésion sociale, afin de garantir un bon maillage territorial ; elles ont consenti un effort en faveur des associations locales, et si le dispositif avait d'abord agrégé les têtes de réseau comme Unis-Cité, nous sommes revenus à l'équilibre, pour favoriser les structures de proximité.
Les bénévoles, madame Primas, peuvent demander le remboursement de leurs frais et bénéficier du même coup d'une réduction fiscale. Le Gouvernement n'a cependant pas voulu transformer cette réduction en crédit d'impôt, car les conséquences budgétaires en eussent été trop lourdes.
Eu égard aux exigences qui sont les nôtres en matière de désendettement, la ressource, tant en provenance de l'État que des collectivités locales, est appelée à se faire plus rare. Et c'est pourquoi la recherche de relais de financement sera déterminante pour les associations. Si les subventions constituent aujourd'hui un tiers de leur budget, le mécénat n'en représente que 5 %. Nous devons donc travailler avec les acteurs - et les grandes fédérations, qui sont nos interlocuteurs, y sont toutes disposées, à preuve le colloque qui s'est tenu il y a quinze jours au Palais des Congrès - pour trouver de nouvelles sources de financement. L'appel à souscription publique pourrait également en être une, ce qui suppose d'améliorer l'accès des associations aux médias. Il faudra, en somme, faire preuve d'ingéniosité.
Nous maintenons notre effort de formation en faveur des bénévoles : 10 millions sur le programme 163, 25 sur les postes du Fonds d'expérimentation jeunesse. Nous avons créé un portfolio des compétences pour la valorisation des acquis du bénévolat. Nous avons saisi, sur la valorisation des acquis dans le parcours professionnel, le Haut conseil de la vie associative, et la Conférence des présidents d'université pour ce qui concerne le parcours étudiant. Nous approchons également les directions des ressources humaines pour les engager à prendre en compte le bénévolat. Le monde associatif, qui, par définition, n'est pas celui du salariat, ne demande rien d'autre que la reconnaissance, à un moment du parcours, des années passées à porter des projets et à animer des équipes, celle, en somme, de son expertise.