MM. Philippe Bas, Mathieu Darnaud, Mme Catherine Di Folco, M. Hervé Marseille, Mme Marie-Pierre de la Gontrie, MM. Xavier Iacovelli et Julien Bargeton sont désignés en qualité de membres titulaires ; M. François Bonhomme, Mmes Nathalie Delattre, Jacky Deromedi, M. Yves Détraigne, Mme Muriel Jourda, MM. Pierre Ouzoulias et Jean-Pierre Sueur sont désignés en qualité de membres suppléants.
Cette année encore, nous examinons pour avis les crédits du programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » avec les crédits du programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières », au sein de la mission « Conseil et contrôle de l'État », dont le responsable est le Premier ministre. Vous retrouverez tous les chiffres dans mon rapport.
Pour 2018, les juridictions administratives bénéficient d'une hausse de leur budget de 3 % et d'un plafond d'emplois en augmentation de 54 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Les juridictions financières voient également leurs crédits augmenter de 1,9 % alors que leur plafond d'emplois reste stable à 1 840 ETPT.
Dans la continuité des observations formulées l'an dernier sur ces crédits par notre ancien collègue Michel Delebarre, je vous invite à ne pas vous arrêter aux apparences, qui pourraient laisser penser que ces juridictions jouissent de situations budgétaires privilégiées en cette période de rigueur budgétaire. En effet, les crédits supplémentaires alloués aux juridictions administratives sont essentiellement destinés à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), qui est encore mal connue, et ceux prévus pour les juridictions financières sont à peine suffisants pour leur permettre d'atteindre le plafond d'emplois fixé depuis 2010, mais en deçà duquel la Cour des comptes demeurait pour faire face aux mouvements de personnels liés à la restructuration de la carte des juridictions financières, suite à la réforme de l'organisation territoriale.
Dans les juridictions administratives, les délais moyens de jugement inférieurs à un an cachent une réalité toute autre. En effet, ces délais sont calculés tous types d'affaires confondus. Si l'on enlève les procédures d'urgence, encadrées dans des délais contraints, ces délais sont nettement plus longs et s'établissement, pour les tribunaux administratifs à près de 1,9 an et pour les cours administratives d'appel à près de 1,2 an. Si la multiplication des procédures urgentes permet d'afficher un délai de traitement moyen des affaires très satisfaisant, elle a pour effet d'allonger les délais de traitement des affaires dites ordinaires (contentieux fiscal, contentieux de l'urbanisme, contentieux hospitalier...) et, corrélativement, de faire obstacle à la résorption du stock des affaires les plus anciennes, alors même que ces affaires ont parfois un impact humain tout aussi important que les contentieux qui bénéficient de procédures d'urgence. Tel est le cas, par exemple, en matière de responsabilité hospitalière.
Cet effet d'éviction des procédures d'urgence sur les contentieux ordinaires est particulièrement visible au tribunal administratif de Lille, dans lequel je me suis rendu, en raison de la forte proportion que représente, pour cette juridiction, le contentieux des étrangers. Le délai moyen constaté pour le traitement des affaires ordinaires y est de 2,5 ans. Quant aux affaires en stock depuis plus de deux ans, elles représentent 15 % des dossiers enregistrés contre 8 % dans l'hexagone.
Toutes les personnes que j'ai entendues nous ont mis en garde contre la tentation de fixer systématiquement des délais de jugements contraints dans les lois que nous adoptons. Peut-être pourrions-nous, effectivement, rendre aux juridictions, parfaitement capables de hiérarchiser l'urgence des affaires, la maîtrise de leur rôle. Cette logique de subsidiarité serait la bienvenue car trop de lois entravent nos juridictions administratives.
Pour faire face à cette pression contentieuse constante, les juridictions administratives ont eu recours à différents outils visant à renforcer leur efficacité et générer des économies tels que le développement des téléprocédures, la multiplication des procédures à juge unique, l'encouragement de la médiation ou la création d'une action collective destinée au traitement des contentieux sériels.
Il sera désormais difficile d'aller plus loin dans les réformes de procédures sans porter atteinte à la qualité des décisions de justice.
Je vous propose donc d'autres pistes d'amélioration comme l'engagement d'une réflexion portant sur le contrôle de l'attribution de l'aide juridictionnelle, au regard de la recevabilité et du bien-fondé du dossier, dans le prolongement de ce que notre commission des lois a initié, pour les demandes d'aide juridictionnelle formulées devant les juridictions judiciaires, dans ses travaux sur le redressement de la justice. Toutefois, il faudra veiller à ce que ce dispositif ne porte pas atteinte à l'accès à la justice des populations socialement fragiles. Il conviendrait aussi de renforcer les équipes des magistrats, en s'inspirant du statut des juristes assistants qui interviennent auprès des juges judiciaires.
Enfin, concernant la CNDA, dans laquelle je me suis rendu, sa situation est tout à fait particulière et justifie pleinement le renforcement de ses moyens, comme le prévoit le projet de loi de finances pour 2018 avec la création de 51 emplois. Pourtant, l'augmentation des effectifs pourrait ne pas être suffisante au regard de la progression du nombre d'affaires à laquelle la Cour est confrontée. De fait, elle a enregistré une nouvelle hausse de 3,4 % de ses entrées en 2016 et devrait connaître 30 % d'affaires supplémentaires en 2018.
Au-delà de la question de l'adéquation des moyens à la progression du contentieux, plusieurs chantiers sont en cours ou devraient être lancés pour améliorer le fonctionnement de la juridiction : le regroupement des personnels, à l'horizon 2022, sur un seul site au lieu de cinq actuellement ; la mise en place par la présidente de la Cour, Mme Michèle de Segonzac, d'un groupe de travail chargé d'évaluer l'opportunité d'une spécialisation des personnels de la Cour en fonction des zones géographiques de provenance des demandeurs d'asile, soit une cinquantaine de pays ; le développement d'outils informatiques permettant la dématérialisation des échanges, sur le modèle de « télérecours », ainsi que d'outils statistiques, pour améliorer le pilotage de la Cour.
S'agissant ensuite des juridictions financières, pour faire face à la multiplication de leurs missions, avant de réclamer une augmentation de leurs moyens, elles ont commencé par mener d'importantes réformes internes telles que la restructuration de la carte des chambres régionales des comptes ou l'engagement d'une démarche novatrice de transition digitale.
Corrélativement à l'élargissement de leur champ de compétences avec, par exemple, le contrôle des établissements sociaux et médico-sociaux et établissements privés en application de la loi de modernisation de la santé du 26 janvier 2016 - soit 38 000 nouveaux établissements représentant 14 milliards d'euros d'argent public -, la perception du rôle des juridictions financières par les justiciables a évolué. Elles ont désormais un véritable rôle d'accompagnement des collectivités territoriales.
Cette évolution a rendu nécessaire l'adaptation des outils de travail mis à la disposition de ces juridictions. Ainsi, il serait tout à fait pertinent, comme l'ont suggéré les magistrats de chambres régionales des comptes que j'ai rencontrés, d'envisager de leur permettre de contrôler des politiques locales thématiques dans leur ensemble, quand elles font intervenir une pluralité d'entités différentes, pour leur donner une vision globale de ces politiques.
Ainsi en est-il des politiques culturelles, de la jeunesse et des sports qui sont transversales. Lille, par exemple, dispose d'un musée international, - le Palais des beaux-arts -, géré en régie, d'une scène nationale de théâtre - le théâtre du Nord -, de maisons de la culture, d'un orchestre national, d'un orchestre baroque, de conservatoires municipaux... En cas de contrôle, la chambre régionale des comptes ne peut travailler qu'organisme par organisme ; une vision globale lui permettrait de mieux conseillers les élus sur leurs choix politiques.
En conclusion, malgré tout le volontarisme et le professionnalisme dont font preuve les magistrats et les personnels des juridictions, tant administratives que financières, le constat est sans appel : les gisements de productivité, à effectifs constants, sont épuisés. Ces efforts demandés aux magistrats et aux personnels des juridictions ne sont d'ailleurs pas sans conséquences sociales et humaines, comme l'ont relevé les présidents Jean-Marc Sauvé et Didier Migaud lors de nos entretiens.
Dès lors, aucune nouvelle compétence, ni aucune extension de compétence ne devra être décidée sans une évaluation sérieuse de son impact sur l'activité de ces juridictions et sans l'allocation de moyens suffisants, sous peine de mettre le fonctionnement de ces juridictions en péril et de porter atteinte à la qualité de la justice rendue à nos concitoyens.
Compte tenu de ces enjeux importants, j'envisage d'approfondir les pistes de réflexion que je viens de présenter, ainsi que d'autres, comme l'étude de la situation des juridictions situées dans les territoires ultramarins, qui font face à des problématiques tout à fait spécifiques, en effectuant un travail de suivi régulier, tout au long de l'année à venir, ponctué de plusieurs nouveaux déplacements.
Au bénéfice de ces observations, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes « Conseil d'État et autres juridictions administratives » et « Cour des comptes et autres juridictions financières » rattachés à la mission « Conseil et contrôle de l'État », inscrits au projet de loi de finances pour 2018. L'augmentation des crédits ne doit pas nous exonérer d'exercer toute notre vigilance.
Il peut nous arriver de donner un avis favorable à des crédits qui diminuent et un avis défavorable à des crédits qui augmentent. Les critères d'appréciation d'un budget tiennent à sa bonne adéquation avec les objectifs poursuivis. Dans le cas présent, l'augmentation du budget de la mission vous semble justifié, d'où votre avis favorable.
Merci pour ce focus sur la CNDA. Malgré les réformes des procédures, notamment celle de la procédure accélérée en 2015 lors de la réforme de l'asile, la CNDA n'a pas eu les moyens de travailler plus rapidement. Compte tenu de l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile cette année, l'augmentation du budget sera-t-elle suffisante pour traiter les dossiers supplémentaires ? La Cour sera-t-elle capable de tenir les délais fixés par le législateur alors que les délais actuels sont déjà largement supérieurs ?
L'harmonisation des procédures relatives au traitement des demandes d'asile au niveau européen ne sera possible que lorsque les différentes cours parviendront à rendre des jugements semblables, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui.
Ce budget connait une augmentation en trompe-l'oeil, comme nous l'a dit notre rapporteur. Est-il vraiment nécessaire d'accroître les crédits destinés à la CNDA alors que la très grande majorité des recours sont confirmés et que nous ne savons pas renvoyer chez eux les déboutés du droit d'asile ? Les décisions de la CNDA sont difficiles à appliquer. En outre, cette augmentation des crédits se fait au détriment des autres juridictions administratives. Les délais de jugement pour les affaires ordinaires que vous avez rappelés, monsieur le rapporteur, ne sont pas acceptables. Pourquoi ne pas envisager de redéployer les crédits de cette mission ?
Rapporteur de cette mission avant M. Delebarre, j'ai constaté à l'époque les efforts réalisés par les juridictions financières. Comme vous, j'estime que les gisements de productivité sont épuisés. C'était d'ailleurs déjà le cas à l'époque.
Je suis très réservé sur votre avis favorable : cela fait des années que ces juridictions sont à la corde. Le moment est venu de tirer la sonnette d'alarme en refusant de voter ces crédits.
Les auditions ont démontré que personne ne souhaitait de nouvelles contraintes de temps pour juger tel ou tel contentieux. Pour certains contentieux, notamment ceux relatifs à l'urbanisme, il serait pourtant utile d'y réfléchir, car lorsqu'une procédure est lancée, les territoires sont totalement paralysés. Un délai bref pour ces procédures ne serait pas déraisonnable mais il faudrait accroître les moyens humains pour y parvenir.
J'ai assisté à la rentrée de la cour administrative d'appel de Douai : le président a insisté sur le nombre de recours abusifs qui engorge la cour. Or, la plupart du temps, aucun élément nouveau n'est apporté en appel ; il s'agit simplement de rallonger la durée de jugement.
M. Leconte s'interroge sur l'adéquation entre les 51 postes affectés à la CNDA et la réalité du nombre d'affaires : les chiffres témoignent d'eux-mêmes : deux chambres supplémentaires vont pouvoir ouvrir au sein de la CNDA, ce qui lui permettra de traiter environ 7 000 entrées supplémentaires. Or, on estime que la France enregistrera 11 000 nouvelles affaires en 2017. Ces 51 postes ne permettront donc pas de traiter la totalité des nouvelles demandes, ce qui est inquiétant et corrobore les interrogations de M. Reichardt.
J'ai visité la CNDA lundi dernier et j'ai glissé un oeil dans les 19 salles d'audience, toutes en activité, dont une était en vidéotransmission pour les dossiers d'outremer.
Nos voisins européens sont bien conscients que la CNDA est une instance exemplaire au niveau humanitaire. La suppression de la CNDA impliquerait une remise en cause de notre État de droit. Sur 100 dossiers traités par la CNDA, c'est-à-dire rejetés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), la décision est cassée pour une quinzaine d'entre eux. Certes, il ne s'agit que d'une minorité, mais qui retrouve ses droits.
En vous proposant de voter les crédits de ces programmes, je me situe dans la continuité de vos décisions.
Madame Jourda, M. Mézard a créé un groupe de travail chargé de réfléchir aux moyens de lutter contre les abus en matière d'urbanisme : il nous faudra certainement adapter nos textes à cette réalité.
Enfin, madame Lherbier, de plus en plus de décisions sont prises par ordonnance pour évacuer les recours abusifs.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes « Conseil d'État et autres juridictions administratives » et « Cour des comptes et autres juridictions financières » de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
Les crédits de paiement des programmes « Justice judiciaire », « Accès au droit et à la justice », « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et « Conseil supérieur de la magistrature » de la mission « Justice » augmentent en moyenne de 5,4 %, tandis que leurs autorisations d'engagement progressent de 11,3 %. Les crédits de paiement alloués au seul programme « Justice judiciaire », c'est-à-dire principalement aux juridictions, augmentent de 4,1 %, soit près de 134,4 millions supplémentaires, pour un total de 3,446 milliards d'euros.
Je fais un aparté en vous indiquant d'emblée, mes chers collègues, que je ne vous présenterai pas en détail le programme sur le Conseil supérieur de la magistrature, qui ne pose pas de difficulté particulière. Je vous renvoie à mon rapport écrit sur ce sujet.
Malgré cette augmentation notable de moyens, ce budget présente de nombreuses lacunes. Tout d'abord, le schéma d'emplois prévu pour la justice judiciaire est en net recul : 148 créations nettes de postes seulement sont prévues en 2018, 100 de magistrats et 48 de juristes assistants, contre 600 en 2017. Aucune création nette de postes de greffiers : la création de 108 emplois de greffiers n'est permise que par la conversion d'emplois de catégorie C, par ailleurs non remplacés.
L'impact financier du schéma d'emplois n'est d'ailleurs que de 9 millions d'euros, quand celui du budget 2017 représentait près de 35,5 millions d'euros, reflétant la moindre ambition du Gouvernement en matière de création d'emplois.
De plus, ce schéma repose sur des économies d'emplois contestables, telle l'économie de 36 emplois grâce à la mise en place de l'amende forfaitaire délictuelle en matière de délits routiers, alors que son entrée en vigueur est suspendue en raison de l'incompatibilité des applicatifs actuels entre les ministères de la justice et de l'intérieur, ou l'économie de 55 emplois par l'extension de l'amende forfaitaire en matière d'usage de stupéfiants, alors que cette mesure nécessite une modification législative pour entrer en vigueur...
Le programme « Accès au droit et à la justice » voit sa dotation budgétaire progresser de 8,8 % en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. 90 % de cette hausse est affectée à l'aide juridictionnelle, dont les dépenses augmentent encore en 2018 pour atteindre 478,9 millions d'euros, compte tenu des mesures prises entre 2015 et 2017. Ces mesures ont notamment augmenté le nombre de personnes admissibles à l'aide juridictionnelle - qui s'approcherait en 2018 du million de personnes - et le montant de la rétribution des avocats, même si celle-ci demeure insuffisante, comme me l'ont rappelé les représentants de la profession que j'ai entendus.
Toutefois, aucune mesure structurelle n'est prévue pour réformer le financement de l'aide juridictionnelle, alors que son besoin de financement augmenterait encore d'au moins 7 % au total sur la période 2019-2020. La ministre a indiqué hier devant notre commission avoir confié une mission conjointe sur le sujet aux inspections générales des finances et de la justice. Nous serons donc contraints d'attendre ses conclusions, même si beaucoup de réflexions ont déjà été menées sur le sujet, à l'image des mesures ambitieuses de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice votées par le Sénat à l'initiative de notre président le 24 octobre dernier.
Le budget pour 2018 prévoit également l'augmentation des ressources allouées à la numérisation et à l'informatique, à hauteur de 30 millions d'euros supplémentaires. Un « programme de transformation numérique » est prévu sur cinq ans, assorti de 510,9 millions d'euros d'autorisations d'engagement, hors crédits de personnel, destinées à son financement sur le quinquennat.
Si je salue l'ambition nouvelle dans le pilotage et la programmation des projets informatiques et numériques, j'alerterai sur deux points. En premier lieu, la plateforme nationale des interceptions judiciaires constitue un poste budgétaire très important : 30,5 millions d'euros y seront consacrés en 2018, soit l'équivalent de l'augmentation budgétaire. Dans les prévisions indiquées pour l'année 2019 et les suivantes, son adaptation représente un besoin de financement de 211,8 millions d'euros. Les écarts entre les prévisions initiales et le coût final des projets sont une autre source d'inquiétude : trop de dérapages ont eu lieu ces dernières années ! Si des hausses de budget sont votées, il est indispensable que chaque euro dépensé le soit à bon escient.
Comme chaque année, j'ai souhaité dans cet avis porter une attention toute particulière à la situation des juridictions judiciaires, et je me suis d'ailleurs rendu dans les tribunaux de grande instance de Béthune et d'Évry. Comme cela a déjà été évoqué hier lors de l'audition de la ministre, les délais de jugement s'aggravent, tant en matière civile que pénale. Devant les conseils des prud'hommes, il faut 17 mois en moyenne pour voir son affaire jugée, et l'État est, pour cette raison, de plus en plus souvent condamné pour fonctionnement défectueux du service public de la justice.
L'insuffisance des effectifs demeure une difficulté majeure pour les juridictions : c'est en général le premier sujet de préoccupation des personnels, alors que depuis plusieurs années, le nombre total d'emplois prévus au budget n'est pas consommé par le ministère. C'est encore le cas en 2016, malgré une légère amélioration. Quant à la situation chronique de sous-effectif liée aux vacances de postes, elle commence tout juste à s'améliorer pour les magistrats, mais se détériore pour les greffiers.
Comme l'année dernière, je constate également la sous-dotation des frais de justice : pour 2018, le Gouvernement prévoit une enveloppe de 478,48 millions d'euros, en augmentation de 3,88 millions par rapport à la dotation initiale de 2017, mais en recul de 72,02 millions par rapport à la consommation réelle de 2016. De plus, près de 122,65 millions d'euros de dettes et charges à payer ne sont pas budgétés.
Enfin, la progression de 7,6 % du budget de fonctionnement et d'investissement des juridictions est presque entièrement absorbée par l'ouverture du nouveau palais de justice de Paris, dont le coût total pour 2018 s'élèvera à 92,95 millions d'euros dont 73,1 millions pour la seule redevance au titre du contrat de partenariat public privé.
Mes chers collègues, je dénonce depuis de nombreuses années l'insuffisance des moyens de la justice, ainsi que ses dysfonctionnements en matière de gestion, préjudiciables tant aux personnels judiciaires qu'aux justiciables. Je constate, dans ce projet de loi de finances pour 2018, la persistance des mêmes difficultés, voire leur aggravation, à laquelle s'ajoute un net recul de l'ambition en termes de moyens, à court et moyen terme. Ce budget 2018 tel que nous le propose le Gouvernement n'est pas à la hauteur des enjeux.
De plus, plutôt que de s'appuyer sur les travaux récents du Sénat sur le redressement de la justice et ceux de ses prédécesseurs, notamment les groupes de travail et le débat national sur la justice du XXIe siècle, la garde des sceaux a préféré ouvrir de nouveaux chantiers de la justice au début du mois d'octobre dernier, qui devraient s'achever au début de l'année 2018, et déboucher sur des projets de loi au printemps, décalant la mise en oeuvre des réformes ambitieuses et urgentes dont la justice a besoin.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous propose d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits des programmes « Justice judiciaire », « Accès au droit et à la justice », « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et « Conseil supérieur de la magistrature » de la mission « Justice », inscrits au projet de loi de finances pour 2018.
Vous devez vous lasser, monsieur le rapporteur, de dire chaque année la même chose ! Les ministres de la justice de tous les gouvernements peinent à obtenir les crédits nécessaires.
Vous faites un constat sévère. Il y a certes un recul, mais des chantiers ont été lancés. La garde des sceaux a dit vouloir créer 150 services d'accueil unique du justiciable partout sur le territoire, mais je ne vois pas les moyens humains et financiers correspondants. Je veux bien croire en sa bonne volonté, mais le compte n'y est pas.
Le numérique permettra de mieux rendre la justice, sans doute plus vite, mais nous aurons toujours besoin de personnels. Nous créons des outils hypercentralisés alors que notre rapport insistait sur le besoin de souplesse locale, ce qui suppose des emplois de terrain et non en administration centrale. La ministre a d'ailleurs reconnu hier qu'il faudrait au moins un ingénieur en informatique par cour d'appel...
On nous annonce une loi de programmation, qui devrait s'inspirer de ce qui a été dit - le nouveau monde s'inspire un peu de l'ancien, quoi qu'il en soit dit. Nous devons insister sur le besoin urgent de cette programmation pluriannuelle.
En attendant, soyons nuancés sur ce rapport. On peut souligner que le schéma d'emplois n'est pas au rendez-vous mais on ne peut pas, simultanément, dans le cadre du budget, demander des économies et exiger des moyens... Jean-Jacques Urvoas s'est battu, mais n'a pas eu gain de cause sur tout. La solution est d'aboutir à une vision consensuelle et de nous battre tous ensemble pour aider la Garde des Sceaux à obtenir de Matignon et de Bercy les moyens dont la justice a besoin, et pour qu'elle en fasse bon usage !
Je partage l'avis de notre rapporteur sur de nombreux points. Je me souviens même d'une époque où à la justice judiciaire s'ajoutait également la justice administrative !
Les remarques d'Yves Détraigne sont très justes : avant même que les chantiers engagés ne soient achevés, des annonces extraordinaires nous sont faites. Mais en réalité, on sera loin du compte, c'est même le musée des horreurs ! Mon département en sera la victime expiatoire. La proposition de loi du président Philippe Bas, dont Jacques Bigot et François-Noël Buffet étaient les rapporteurs, ne prévoyait pas de toucher à la carte judiciaire, excepté le tribunal de première instance. On nous annonce aujourd'hui de grandes réformes en matière de carte judiciaire, notamment la suppression d'un certain nombre de cours d'appel. La ministre a précisé qu'aucun site judiciaire ne serait touché. Mais un site judiciaire, c'est parfois simplement un guichet avec un huissier ! J'aimerais davantage de précisions.
En vérité, derrière toutes ces annonces, se cachent les idées ressorties par Mme Rachida Dati en 2007. Certes, face aux réalités, celle-ci a renoncé à supprimer les cours d'appel, car elles fonctionnaient. Je défends, comme chacun le sait, la cour d'appel de Nîmes qui malheureusement se situe sur quatre départements et trois régions.
Il va de soi que si la garde des sceaux devait proposer une modification de la carte des cours d'appel, celle-ci ne s'appliquerait pas à Nîmes ! (Sourires.)
Je vous remercie, monsieur le président de la commission, de bien vouloir nous soutenir dans notre combat !
Nous avions rencontré les mêmes difficultés avec Mme Christiane Taubira qui m'avait répondu, alors que je l'interrogeais au Sénat, que la cour d'appel de Nîmes vivrait. Certes, mais jusqu'à quand ?
Plus sérieusement, l'idée n'est pas simplement de rationaliser en prévoyant une cour d'appel par région administrative. Il s'agit aussi de défendre la spécialisation. Si certains litiges devaient être traités à Lille, par exemple, de nombreux habitants de mon département renonceront à faire appel et abandonneront. C'est à mon sens l'intention sous-jacente...
On n'administre bien que de près. Ce qui fonctionne est suffisamment rare pour être conservé. Voilà pourquoi, en accord avec le rapport de M. Yves Détraigne, je ne voterai pas les crédits de la mission « Justice ».
Comme l'a souligné M. le rapporteur, c'est un budget très décevant. Hélas ! Cela risque fort de se perpétuer l'année prochaine et les années suivantes. Pendant la campagne présidentielle, la justice étant le département ministériel le plus sinistré, il a semblé qu'elle méritait un effort particulier. Mais la progression des crédits n'est absolument pas à la hauteur du défi.
Il n'est pas nécessaire non plus de lancer de grands chantiers théoriques : nous avons déjà largement planché sur tous ces sujets, il est temps de passer aux réalisations concrètes, ce qui sera encore différé le temps des ateliers !
Enfin, il existe une vraie contradiction entre la volonté de rapprocher le citoyen de la justice et l'éloignement, au nom de la rationalisation, qui semble se dessiner. Certes, il faut un seuil minimum, mais je ne suis pas certain que les grandes juridictions rendent une meilleure justice que les plus petites ! J'ai d'ailleurs demandé au Gouvernement de bien vouloir me transmettre les chiffres relatifs au taux de cassation par cour d'appel...
Par ailleurs, on ne peut pas, après la constitution de très grandes régions, dans une réforme où certaines régions ont été épargnées et d'autres pas, selon les critères les plus arbitraires, caler l'organisation judiciaire sur une organisation administrative contestable et plus que contestée !
De la même façon, la volonté de ne pas déterminer l'échelle départementale est dangereuse et de nature à éloigner le justiciable de la justice, d'autant que la population varie selon les départements de 1 à 20, ce qui induit déjà des situations très contrastées.
Je suis étonnée : pendant la campagne présidentielle, M. Macron avait affirmé à Lille, devant les étudiants de la faculté de droit, que la justice du XXIe siècle était sa priorité. Or M. le rapporteur vient de nous prouver que tel n'est pas le cas, ce qui me gêne considérablement. Hier, Mme la ministre nous a dit que le nombre de centres éducatifs fermés supplémentaires ne serait pas de cinquante mais vingt au motif qu'on ne peut tous les remplir. Pour avoir été administrateur de ce genre de centre, je puis vous garantir que l'on y arrive très facilement, même s'il existe effectivement des problèmes administratifs pour gérer l'organisation disciplinaire.
Je vois que mes collègues partagent mon constat et déplorent la situation. Il existe de fortes attentes en matière de justice laquelle a été érigée au rang de priorité, ce qu'infirme ce budget. Simon Sutour, qui siège à la commission des lois depuis des années, a bien mis l'accent sur le fait que nous rencontrons toujours les mêmes difficultés, année après année. Il est clair que ce budget n'est pas à la hauteur des besoins ni des attentes.
Le groupe socialiste et républicain, même s'il partage l'analyse de notre rapporteur, s'abstiendra, car nous souhaitons laisser une chance à Mme la garde des sceaux d'obtenir une excellente programmation pluriannuelle. Quoi qu'il en soit, il s'agira d'une abstention très exigeante.
L'avis défavorable que je vous propose d'émettre doit sonner comme un signal fort pour la chancellerie.
C'est aussi une marque de soutien aux efforts de Mme la garde des sceaux dans les arbitrages interministériels. Le Gouvernement ne doit pas ignorer que le Sénat ne laissera pas passer un budget qui n'est pas à la hauteur des ambitions.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits des programmes « Justice judiciaire », « Accès au droit et à la justice », « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et « Conseil supérieur de la magistrature » de la mission « Justice ».
Les crédits du programme « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice » inscrits dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2018 apparaissent bien insuffisants au regard des besoins. Ils représentent 40,71 % du total des crédits de la mission : les autorisations d'engagement s'élèvent à 3 487,15 millions d'euros et les crédits de paiement à 3 556,74 millions d'euros. À périmètre constant, le budget de l'administration pénitentiaire augmente légèrement, de 2,1 %, en raison de la hausse des effectifs nécessaires à l'ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires - hausse toutefois loin de couvrir les besoins.
L'accroissement de la population carcérale s'explique par une sévérité accrue des juridictions dans le prononcé des peines : le nombre des peines de réclusion criminelle ou d'emprisonnement en tout ou partie ferme a augmenté de 5,36 % entre 2015 et 2016, celui des peines alternatives à l'incarcération a légèrement diminué. Inévitablement, le nombre de personnes placées sous écrou, et particulièrement le nombre de personnes détenues, continue de croître, à un rythme toutefois moindre que la population carcérale.
Au 1er novembre 2017, 79 999 personnes étaient placées sous écrou - soit une hausse de 1,4 % par rapport au 1er novembre 2016 - dont 69 307 étaient détenues - soit une hausse de 1,1 % par rapport au 1er novembre 2016 -. On recensait 19 889 prévenus et 48 685 condamnés.
L'inadaptation du parc immobilier pénitentiaire à cette croissance contribue à nourrir le phénomène de surpopulation carcérale. Au 1er novembre 2017, le taux d'occupation des établissements pénitentiaires, ou « densité carcérale », était de 117 %.
En outre, au 1er juillet 2017, les services pénitentiaires d'insertion et de probation prenaient en charge 186 173 mesures de milieu ouvert pour 165 269 personnes.
L'augmentation des crédits de l'administration pénitentiaire, comme je vous le disais, est insuffisante. À périmètre constant, ils sont en progression de 2,1 %. Cette évolution s'explique par la seule augmentation des dépenses de personnel, qui atteint 4 %. Les crédits hors masse salariale, qui s'élèvent à 1 112,4 millions d'euros, diminuent de 1,3 %. Plus alarmant, les dépenses d'investissement, qui s'établissent à 236,6 millions d'euros, diminuent de 18,2 % en crédits de paiement et de 77,26 % en autorisations d'engagement.
Faute de crédits de paiement suffisants pour sa mise en oeuvre dès 2018, le programme « 15 000 places » de prison ne sera pas achevé avant la fin du quinquennat. Mme la ministre nous l'a confirmé hier. D'autant que la fermeture de plusieurs milliers de places dans des prisons vétustes porte l'objectif de constructions plutôt à 20 000 nouvelles places.
Deux points sont particulièrement inquiétants : la diminution des crédits de paiement consacrés à la maintenance du parc immobilier carcéral, et la diminution des crédits consacrés aux aménagements de peine et à la lutte contre la récidive.
Depuis dix ans, la maintenance du parc immobilier carcéral souffre d'un sous-investissement chronique et notoire. Les dotations annuelles sont insuffisantes : 140 millions d'euros sont nécessaires chaque année pour simplement maintenir le parc existant. Or entre 2012 et 2016, seulement 261 millions d'euros, et non 560, ont été dépensés.
Ce sous-investissement entraîne une dégradation précoce des établissements existants et augmente les coûts des rénovations futures. En 2017, 35,7 % des cellules du parc immobilier carcéral sont considérées comme vétustes. Dans le PLF pour 2018, seulement 80,7 millions d'euros sont consacrés à la maintenance des établissements, contre 114 millions en 2017, soit une baisse de plus de 29,3 %.
Concernant les aménagements de peine, le 31 octobre dernier, le Président de la République a annoncé, en marge des chantiers de la justice, la création d'une agence « chargée de développer et d'encadrer les travaux d'intérêt général ». Mais, comme je l'ai fait remarquer hier à Mme la ministre, aucun crédit n'est consacré à cette agence ou au développement du travail d'intérêt général dans le budget pour 2018.
Concernant les effectifs, le projet de loi de finances prévoit la création de 732 emplois supplémentaires en 2018, dont 470 pour permettre l'ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires et 50 pour renforcer les effectifs pénitentiaires chargés des extractions judiciaires. Cette augmentation des effectifs reste néanmoins très insuffisante pour permettre à l'administration pénitentiaire d'assurer ses missions. Surtout, aucun crédit du PLF 2018 n'est consacré aux recrutements de surveillants pénitentiaires aux fins de résorption des vacances de postes. Pourtant, selon la direction de l'administration pénitentiaire, entre 1 600 et 1 800 créations de postes seraient nécessaires pour combler toutes les vacances. L'insuffisance des recrutements de personnel de surveillance conduit à une organisation de la détention en mode dégradé. À Bois-d'Arcy, où je me suis rendu, 50 % des surveillants sont des stagiaires tout juste sortis de l'école d'Agen...
Je tiens également à évoquer les incertitudes qui pèsent sur les mesures catégorielles et la nécessité de renforcer tant l'attractivité des métiers que la fidélisation du personnel pénitentiaire. La crise des recrutements s'explique par la dureté des conditions de travail et la faiblesse des rémunérations, dans un contexte de concurrence avec les autres métiers de la sécurité. La fidélisation du personnel fait en particulier défaut en région parisienne. La rémunération n'y est pas pour rien : avec entre 1 400 et 1 500 euros en début de carrière, il arrive que les nouveaux agents, faute de trouver à se loger, commencent par dormir dans leur voiture... L'aide au logement du personnel, développée dans la police, est insuffisante dans la pénitentiaire. Or nous avons constaté à proximité de la prison de Bois-d'Arcy qu'un terrain était disponible ; une politique de conventionnement avec des organismes HLM pour leur réserver des logements ne coûterait rien à l'État.
Je propose également de faciliter l'avancement des carrières des personnes qui acceptent de travailler dans les établissements les plus difficiles tels que les établissements de la région parisienne, et de revaloriser la prime de résidence en cas de mutation en région parisienne : la prime actuelle, d'un montant d'environ 50 euros, ne correspond pas à la réalité des loyers.
Le programme « 15 000 places » manque de crédibilité. Il est regrettable que le Gouvernement n'ait pas souhaité soutenir la démarche du Sénat qui, à l'initiative de notre président Philippe Bas, a adopté en octobre dernier une proposition de loi ambitieuse. Une loi de programmation pour la justice est un préalable essentiel pour garantir un véritable engagement budgétaire pluriannuel. Mme la ministre a évoqué le printemps prochain... nous attendons de voir.
Pour toutes ces raisons, je vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice » inscrits au PLF pour 2018.
Je partage l'analyse du rapporteur sur bien des points. Prenons garde à ne pas être dans la surenchère, comme nous l'avons vécu lors de la campagne présidentielle : tout le monde promettait la construction de 15 000 places de prison, nous compris, ce qui est illusoire compte tenu de nos capacités budgétaires et du rythme des constructions. Cela permet de ne pas aborder d'autres sujets, comme la question de savoir à quoi servent ces places. La peine est certes une sanction, mais elle doit aussi empêcher la récidive et assurer la réinsertion.
C'est pourquoi notre rapport, salué par la garde des sceaux, insistait sur la construction de maisons d'arrêt et de centres de courtes peines, ainsi que sur les sorties d'incarcération pour un suivi socio-judiciaire probatoire. Tout cela suppose des moyens pour les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP). Or ils ne sont pas non plus au rendez-vous de ce budget, qui n'est décidément pas cohérent.
Mais nos propositions ne seront pas plus cohérentes si nous ne travaillons pas sur la sanction et sur la pénitentiaire. Nous voulons que les tribunaux prononcent plus souvent des ajournements du prononcé de la peine. Il leur faut du temps pour savoir quelle est la peine la plus adaptée. Si nous n'avançons pas sur ces questions, nous allons droit dans le mur.
La situation du personnel pénitentiaire est dramatique. Tant que nous considérerons que les surveillants pénitentiaires ne font qu'assurer la sécurité dans les prisons, les jeunes iront davantage vers la police municipale ou les sociétés de sécurité privée, où ils sont mieux payés et trouvent à se loger plus facilement.
Je rejoins donc le rapporteur, mais il faut que nous poursuivions notre travail de réflexion.
Notre commission se souvient qu'elle a adopté le principe de cette nouvelle mission sur la question de la sanction pénale. Nous terminons un travail sur les infractions sexuelles, notamment à l'encontre des mineurs, puis nous consacrerons notre énergie au sens de la peine et aux moyens d'empêcher la récidive...
Je remercie le rapporteur, dont je partage les constats et la conclusion.
Il y a deux ans, M. Jean-Pierre Sueur et moi-même avons réalisé un rapport sur la lutte contre les réseaux djihadistes, qui mettait l'accent sur le traitement à réserver aux djihadistes de retour en France - qui seront de plus en plus nombreux compte tenu de la situation sur le terrain. Nous souhaitions notamment un traitement au cas par cas. Cela exige certes des mètres carrés supplémentaires et des conditions de surveillance particulières... Quelle est la situation dans les établissements pénitentiaires ? Plusieurs expériences ont été conduites ; aucune n'a donné satisfaction, semble-t-il.
Je remercie le rapporteur pour sa présentation. Les autorisations d'engagement diminuent de 77,26 % : si on engage moins de crédits, que fera-t-on ? Dans ces conditions, je ne vois pas à quoi peut aboutir ce budget.
Je félicite le rapporteur pour son travail très constructif, dont je partage la conclusion.
J'y ajoute un autre motif de rejet de ces crédits : le non-respect par l'État de la parole donnée. Le précédent gouvernement avait décidé de construire une prison à Alès ; l'actuel envisage de la construire à Nîmes. Le président du conseil départemental, le maire d'Alès, le député de la circonscription et moi-même avons saisi la garde des sceaux, car c'est très grave. Je ne voudrais pas que ce soit une nouvelle manière de gouverner...
Je rejoins le rapporteur. Des places de prison, pour quoi faire ? demande M. Bigot. La réponse me paraît évidente : pour assurer la détention des condamnés dans des conditions dignes - car la privation de liberté, ce n'est pas la condamnation à la promiscuité -, et pour mettre en détention ceux qui devraient l'être et qui n'y sont pas ! Il faut aussi encourager les peines alternatives à l'emprisonnement. Les magistrats ne sont pas laxistes : ils condamneraient à la détention, me disent-ils, si la prison n'était pas dans l'état où elle est ! Les 15 000 places correspondent à ce qui manque à l'heure actuelle pour assurer des conditions de détention dignes.
La responsabilité de la grande misère des juridictions est équitablement partagée à droite et à gauche, mais la gauche porte seule la responsabilité de l'interruption des programmes de construction de places, programmes qui doivent être conduits dans la durée. On ne peut sans doute pas livrer 15 000 places de prison en cinq ans, mais le Gouvernement annonce désormais 15 000 places en dix ans - on découvre au passage que le Président de la République envisage sa réélection... Il faudrait tout de même préciser si ce sont 15 000 places construites ou lancées, dans ce délai. Faute d'une vraie volonté, on risque de n'obtenir la construction réelle que de 2 000 ou 3 000 places à la fin du quinquennat.
Nos prisons sont les premières zones de non-droit en France, devant les quartiers si souvent montrés du doigt, c'est là que se produit la radicalisation, et on ne voit pas dans ce budget les moyens d'y remédier. Si l'on veut le retour du droit dans nos prisons, il faut commencer par mettre en oeuvre les mesures que nous avons votées, telle l'utilisation des IMSI catchers pour intercepter les conversations téléphoniques et les téléphones eux-mêmes. Combien sont utilisés ? Est-il prévu d'en acquérir davantage ?
Des places de prison, pour quoi faire ? Pour appliquer des peines, tout simplement. J'ai emmené des groupes d'étudiants en comparution immédiate observer la justice en train d'être rendue : on voit bien que les magistrats font ce qu'ils peuvent.
J'ai visité des prisons autour de Lille : la promiscuité y est effarante. Les quartiers de femmes avec enfants sont proprement inhumains. Nous ne sommes pas là pour surenchérir dans l'inhumanité.
Je félicite à mon tour le rapporteur. Certains surveillants évoquent souvent la forte part de détenus qui, atteints de troubles psychiatriques, ne devraient pas se trouver en prison. Sait-on évaluer leur nombre ? Ce n'est pas anodin, compte tenu du besoin de places. À Cadillac, il y a une pénurie de places en établissement psychiatrique, compte tenu des fermetures engagées dans les années 1980. La question est-elle prise en compte ?
Je remercie à mon tour le rapporteur. La maison d'arrêt d'Aurillac, récemment rénovée, offre 70 places mais n'accueille que 40 à 50 détenus. Pourquoi n'en accueille-t-elle pas plus ? On invoque souvent l'enclavement du territoire, qui éloignerait les prévenus de leurs familles. Certes, mais c'est inquiétant.
Je félicite le rapporteur. Le budget de la réinsertion est de 24,9 millions d'euros. D'après les statistiques, les détenus passent 22 heures par jour désoeuvrés dans leur cellule : ce n'est guère propice à faciliter la réinsertion.
Ces dernières années, le nombre de détenus dans les prisons européennes a diminué de 7 %, et nous parlons de construction de places en France... C'est paradoxal. Et ce budget néglige les alternatives à l'emprisonnement puisque les crédits alloués à la location de bracelets électroniques passent de 15,4 millions à 11,2 millions d'euros.
Je ne remercie le rapporteur qu'à moitié. Je n'ai en effet rien entendu sur les prisons ultramarines... J'ai l'impression que nous sommes trop souvent considérés comme des Français de seconde zone. Le recrutement d'agents locaux est promis par tous ceux qui viennent chercher des colliers de fleurs et de perles chez nous mais l'administration reste une vraie mafia ! Quand je pense que nous poussons nos enfants à passer des concours et à venir en France se remettre à niveau et que, nous autres parlementaires passons notre temps à intervenir auprès des bureaux parisiens... Il est bien rare qu'ils occupent des places dans l'administration d'État.
Madame Tetuanui, je plaide coupable : je ne me suis pas rendu outre-mer, où les prisons sont, il est vrai, dans un état déplorable, et dont le taux d'occupation atteint les 300 %. Notez toutefois que pour la première fois, en 2015, un recrutement de surveillants polynésiens, formés localement, a été entrepris. Nous nous rendrons l'an prochain en Polynésie et en Guyane si les crédits de la commission le permettent...
Je confirme que la construction de 15 000 places de prison - nettes des suppressions ! - a quelque chose d'illusoire. Les préfets sont mobilisés, mais les terrains ne sont pas disponibles, et deux à trois ans peuvent s'écouler entre l'acquisition d'un terrain et le démarrage de la construction, si aucun recours administratif n'est déposé bien sûr...
Je rejoins M. Bigot sur la nécessité de réfléchir aux peines. Nous avons auditionné Mme Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privation de liberté, qui nous a parlé des délinquants routiers récidivistes qui se retrouvent en prison. Une mission serait utile pour étudier plus précisément cette situation, ainsi que l'hétérogénéité des jugements selon les départements.
Il existe quatre quartiers d'évaluation de la radicalisation (QER) actuellement opérationnels. D'autres ouvriront en 2018. Le nombre de cellules est toutefois trop faible, surtout en région parisienne.
M. Wattebled a raison : les autorisations d'engagements sont insuffisantes.
Le non-respect par l'État de sa parole décrédibilise tous les responsables publics. J'y suis, comme vous, monsieur Sutour, très attaché.
Monsieur Grosdidier, concernant l'IMSI catcher, l'administration pénitentiaire peut désormais en utiliser et en posséder. En outre, un marché est en cours concernant un service de brouillage de communication : trois entreprises participent à la dernière phase du marché.
Mme Lherbier a raison : certains quartiers de prison sont inhumains. Nous l'avons constaté à Bois-d'Arcy.
Madame Delattre, une étude de 2006 estime à 30 % la part des détenus qui présentent des troubles psychiatriques graves. La psychiatre de Bois-d'Arcy nous a dit que la fermeture d'établissements psychiatriques entraînait une hausse du nombre de détenus. Il n'y a pas forcément de causalité, mais il faut y réfléchir.
Madame Costes, il arrive que le nombre de places d'un établissement pénitentiaire soit supérieur à celui des détenus, surtout en province. En maison d'arrêt, il s'agit de personnes en attente de leur jugement : on ne peut donc les éloigner ni des juridictions ni de leur famille.
Mme Benbassa soulève un vrai paradoxe. Il faut réfléchir sur le profil des personnes en prison. Les délinquants routiers devraient se voir infliger des travaux d'intérêt général, plutôt que d'attendre désoeuvrés la fin de leur peine de prison.
Catherine Troendlé et Mathieu Darnaud nous présenteront le 13 décembre le rapport qu'ils ont rédigé au retour du déplacement qu'ils ont effectué en Polynésie française, l'hiver dernier, avec notre ancien collègue Philippe Kaltenbach.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice ».
Il me revient, pour la première fois, de vous présenter l'avis budgétaire sur les crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse », inscrits au projet de loi de finances pour 2018.
Je souhaite d'abord souligner les évolutions contrastées qu'a connues le budget de la protection judiciaire de la jeunesse au cours des dernières années.
Il est en effet important de rappeler qu'entre 2008 et 2011, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) a fortement été mise à contribution pour la réduction de la dépense publique. Ses crédits ont ainsi baissé de 6 %, au cours de cette période, et son plafond d'emplois a été réduit de 632 équivalents temps plein (ETP).
En revanche, les crédits de la PJJ ont connu une croissance sensible entre 2012 et 2017, traduisant l'engagement du Président de la République d'alors en faveur de la jeunesse.
Après deux quinquennats aux tendances très opposées, le projet de budget pour 2018 pour la PJJ était donc attendu, et je note à ce titre que le gouvernement actuel a choisi de poursuivre l'effort de consolidation entamé ces dernières années.
Le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » connaît une croissance de ses moyens en 2018. Les crédits de paiement s'élèvent à 857 millions d'euros, soit une hausse de 3,4 %, principalement du fait de l'augmentation des dépenses de personnel qui connaissent une croissance de 4,1 %.
Les autorisations d'engagement s'élèvent à 875 millions d'euros, soit une hausse de 3,8 %.
Par ailleurs, le plafond d'autorisation d'emplois pour le programme s'élève à 9 108 équivalents temps plein travaillé (ETPT) en 2018, soit 16 ETPT supplémentaires par rapport au plafond prévu pour 2017.
Je souhaite, en particulier, saluer la création de quarante postes d'éducateur, affectés au milieu ouvert, en 2018.
Il convient donc de se féliciter de la hausse des moyens consacrés à ce programme, qui représente près de 10 % de l'ensemble des crédits de la mission « Justice ».
Cependant, je note qu'en première lecture l'Assemblée nationale a procédé, sur amendement du Gouvernement, à une réduction des crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » d'un montant de 3,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.
Cette réduction est un mauvais signal envoyé aux personnels et aux partenaires associatifs de la PJJ, qui ne souhaitent pas que les moyens alloués à leur action soient considérés comme une variable d'ajustement.
Malgré cette réduction en première lecture des crédits de la PJJ, ce budget présente une tendance à la hausse qui doit être saluée.
Je souhaite cependant relever plusieurs éléments qui méritent notre attention.
Tout d'abord, après plusieurs années de fortes hausses liées aux plans de lutte contre la radicalisation, on observe une relative stagnation du plafond d'emplois. Ce budget présente la plus faible hausse de ce plafond depuis 2012. Les besoins de personnel qualifié, en particulier d'éducateurs, sont pourtant très importants et nécessitent des moyens considérables. Je crois donc que la hausse des moyens humains consacrés à la PJJ est encore insuffisante.
Ensuite, je rappelle que le parc immobilier de la PJJ présente certaines particularités. Il est composé pour partie de bâtiments anciens et il subit des dégradations volontaires nécessitant des réparations rapides et onéreuses. Lors des auditions que j'ai menées, les syndicats représentatifs du personnel ont souligné le niveau élevé de détérioration d'une partie du patrimoine immobilier de la PJJ. Il est pourtant essentiel de disposer d'équipements adaptés aux missions confiées, singulièrement pour ce qui concerne la mission éducative de la PJJ. Cette vétusté constatée des locaux a pour effet de rendre le recrutement et surtout la fidélisation du personnel plus difficiles.
Pour répondre à cette problématique, les crédits de paiement alloués au patrimoine dont la PJJ est propriétaire sont en hausse de 4,2 %. Un montant de 6 millions d'euros est mobilisé en 2018 pour donner de la réactivité face aux dégradations et pour programmer un entretien préventif des bâtiments. Je salue cette attention apportée à la question immobilière, mais je note aussi qu'elle n'est pas suffisante pour maintenir le patrimoine de la PJJ à niveau. Seule une hausse sensible des crédits affectés au parc immobilier permettra d'enrayer la dégradation et de rattraper le retard accumulé.
Enfin, le secteur associatif habilité (SAH), partenaire historique de la PJJ, a connu, à compter de 2008, une diminution importante de sa dotation budgétaire. Celle-ci est passée de 307 millions d'euros en 2008 à 223,9 millions d'euros en 2016. Vous trouverez le détail de cette diminution sur le document qui vous a été communiqué. Je salue donc le redressement, pour la deuxième année consécutive, des crédits alloués au secteur associatif habilité. L'enveloppe qui lui est consacrée connaît une hausse de 0,7 %.
C'est cependant à une revalorisation très modérée que l'on assiste ; elle n'apportera pas au secteur associatif habilité de marge de manoeuvre substantielle pour l'accompagnement et la prise en charge des mineurs sous mandat judiciaire.
Je souhaite donc appeler, dans la continuité du message porté par notre collègue Cécile Cukierman ces dernières années, à une revalorisation de la relation partenariale entre la PJJ et le SAH. L'amélioration de cette relation nécessiterait un dialogue renouvelé et des moyens substantiellement réévalués.
J'ai également souhaité, dans le cadre de ce rapport pour avis, me pencher sur la question des centres éducatifs fermés (CEF). Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice, a confirmé, lors de son audition hier, son projet de création de 20 nouveaux CEF, contre 50 annoncés initialement. Les premiers crédits dédiés à ces projets seront ouverts en 2019.
Il existe déjà 52 CEF qui constituent une alternative à la prison pour les mineurs multirécidivistes. Chacun d'entre eux peut accueillir en moyenne 12 jeunes, pour un coût par mineur et par jour estimé à 690 euros en 2018. Étant donné ce coût élevé, ils représentent 11 % du budget de la PJJ, pour 1 % des jeunes pris en charge.
Si la décision d'étendre le dispositif est justifiée au vu des besoins constatés, je souhaite rappeler que cela ne doit pas se faire au détriment des autres modalités de prise en charge qu'offre la PJJ, en particulier en milieu ouvert. Les ouvertures de CEF ont, en effet, jusqu'ici été compensées par une réduction des autres dispositifs.
Cette tendance avait d'ailleurs fait l'objet de prises de position de notre commission, soulignant la nécessité de ne pas sacrifier la diversité des prises en charge des mineurs délinquants à la mise en place de ces centres éducatifs fermés.
Sans nier l'utilité des CEF dans la panoplie dont dispose la PJJ, j'appelle à la vigilance face au risque de se concentrer sur les nouvelles ouvertures de CEF en négligeant l'amélioration des conditions de prise en charge dans les centres existants et le développement des moyens du milieu ouvert.
En écho au rapport de 2011 de notre collègue François Pillet et de notre ancien collègue Jean-Claude Peyronnet, je rappelle la nécessité de mieux évaluer ce dispositif, en particulier son impact sur le taux de réitération. Les efforts d'évaluation menés depuis leurs préconisations n'ont pas été suffisants ; il est nécessaire, avant d'étendre un tel dispositif, d'en évaluer finement la pertinence.
Enfin, j'ai souhaité porter une attention toute particulière à la question de la prise en charge des jeunes filles par la protection judiciaire de la jeunesse qui me semble cruciale. La mixité de la prise en charge est un principe fondateur de la PJJ, destiné à favoriser l'égal accès de tous les mineurs aux dispositifs mis en place et à donner aux lieux de vie une dimension « familiale » et sécurisante.
Si le principe de mixité apparaît tout à fait justifié au fondement de l'action éducative, sa mise en oeuvre peut s'avérer complexe pour les professionnels.
En effet, les jeunes filles ne représentent que 10 % des mineurs confiés à la PJJ, ce qui soulève des interrogations sur leur intégration dans les structures collectives majoritairement masculines, et peut faire obstacle aux principes d'individualisation et de continuité de la prise en charge.
En outre, la délinquance des jeunes filles est en croissance. En effet, la part des jeunes filles dans le total des personnes mises en cause augmente chez les mineurs de 15 % à 19 % entre 2002 et 2016. Sur la même période, leur nombre augmente fortement, de 32 %, alors que celui des garçons mineurs mis en cause reste relativement stable, en croissance seulement de 1 %. La proportion de jeunes filles parmi les mineurs écroués quant à elle est passée de 2,5 % en 2011 à 4,4 % en 2017.
Le rôle de la PJJ se trouve donc renforcé, à la fois pour le suivi éducatif des jeunes filles détenues et pour le développement d'une offre de placements alternatifs adaptés.
Il est donc nécessaire de développer une réflexion sur l'amélioration des conditions d'accueil dans les structures de la PJJ et sur la formation des personnels aux enjeux de la mixité. Je crois, à ce titre, que la mise en place de structures non mixtes, comme il en existe déjà plusieurs, doit être envisagée.
Au bénéfice de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits de la PJJ pour 2018.
Je salue ce rapport à la fois clair, précis et humain. Vous avez posé hier à Mme la ministre une question sur la situation des jeunes filles. Face à la masse des dossiers qu'elle doit prendre en charge, elle vous a fait une réponse d'attente, même si elle affirmé la mixité comme un principe éducatif. Sans le remettre vous-même en cause, vous souhaitez que l'on prenne pleinement conscience de cette réalité nouvelle qu'est la délinquance des jeunes filles. À défaut d'une approche qui leur serait dédiée, elles risqueraient de se trouver broyées par le système des CEF.
Je ne peux partager cet avis favorable. Même si le budget de la PJJ augmente, la hausse n'est pas satisfaisante. Les moyens ne sont pas au rendez-vous en ce qui concerne les problèmes immobiliers. Idem au sujet de la création annoncée de 50 CEF. La PJJ est pourtant un élément essentiel. Certes, nos concitoyens veulent être protégés contre le crime organisé et le terrorisme, mais ils souhaitent aussi être protégés contre la petite délinquance quotidienne.
Si la PJJ manque de moyens, la charge de ces politiques incombera aux collectivités locales dont les dotations diminuent, sans parler de la suppression des emplois aidés, qui permettaient à la jeunesse de s'insérer. Les moyens qui ne sont pas alloués aujourd'hui à la PJJ devront être accordés demain, mais dans des proportions beaucoup plus importantes, pour construire des prisons...
Certes, madame la rapporteur, des efforts sont consentis, mais ils restent insuffisants. Il faut agir très tôt pour les mineurs. Les CEF, qui coûtent très cher, sont une possibilité. Il faudra sans doute envisager de mettre en oeuvre des sanctions avant que le jeune ne soit envoyé dans ces centres. La question économique est fondamentale, mais la question politique l'est encore davantage !
J'ai vu d'un bon oeil arriver l'école de la PJJ à Roubaix où il y a plus de délinquance juvénile qu'à Vaucresson. Pour avoir été adjointe à la prévention et à la sécurité à Tourcoing, j'ai beaucoup travaillé avec la PJJ : j'ai été souvent très déçue. Les éducateurs de la PJJ écoutaient, prenaient beaucoup de notes, mais il n'y avait jamais de retours et d'échanges, au nom d'une conception bien trop restrictive du « secret partagé » !
Effectivement, la délinquance féminine est en augmentation. Il faut protéger la société contre la délinquance juvénile, mais aussi protéger ces jeunes filles contre elles-mêmes. Il arrive qu'elles aient des enfants, suivis par l'aide sociale à l'enfance, mais les échanges là aussi sont très compliqués. Ces jeunes filles doivent être protégées contre la radicalisation. De nombreuses filles portant le voile intégral ne se rendent pas compte qu'elles se mettent en danger en se distinguant autour des lycées comme des proies en vue de la radicalisation.
C'est une bonne chose de mettre les jeunes à l'écart dans des CEF tant qu'il est encore temps, mais ces centres doivent faire preuve à la fois de pédagogie et de fermeté pour éviter par la suite la prison. Quant aux structures non mixtes, j'y suis également très favorable. Il faut protéger les filles qui peuvent se trouver très isolées au milieu de tant de garçons. Par ailleurs, certaines problématiques sont plus spécifiques aux femmes, comme la protection sexuelle, etc.
Pour répondre à Brigitte Lherbier, la mixité est préconisée, mais dans la pratique les professionnels préfèrent placer les jeunes filles dans les établissements non mixtes. Or ils sont très peu nombreux. Le centre de Doudeville, par exemple, accueille des jeunes filles qui viennent du sud de la France ou des outre-mer. Bien sûr, la rupture avec la famille est préconisée durant les trois premières semaines, mais il est important ensuite qu'un lien soit maintenu. Il serait souhaitable d'ouvrir un centre non mixte au sud de la Loire.
J'entends les critiques. Le tout CEF n'est pas une solution. Des alternatives sont souhaitables pour une meilleure insertion ultérieure. Par conséquent, les budgets ne doivent pas leur être exclusivement consacrés. Les carences anciennes semblent en passe d'être résorbées, notamment en ce qui concerne le secteur associatif habilité. Voilà pourquoi je vous propose d'adopter un avis favorable, même s'il convient de rester vigilant.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » de la mission « Justice ».
La mission « Administration générale et territoriale de l'État » rassemble les crédits de trois programmes. Le programme « Administration territoriale », qui regroupe les moyens des préfectures, des sous-préfectures, et des représentations de l'État dans les collectivités d'outre-mer. Les crédits sont stables, avec 1 694 millions d'euros en autorisations d'engagements (AE) et 1 690 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Vient ensuite le programme « Vie politique, cultuelle et associative », finançant l'exercice des droits des citoyens dans le domaine des élections, de la vie associative et de la liberté religieuse. Assez logiquement, après une année électorale particulièrement active et en l'absence de scrutin général en 2018, ses crédits connaissent une baisse de près de 75 %. Enfin, le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » concerne les fonctions support et la gestion des affaires juridiques et contentieuses du ministère. Ses crédits baissent de 4,1 % en AE et de 0,4 % en CP. Cette baisse est notamment due à la fin de projets informatiques mis en place dans le cadre du plan de lutte anti-terroriste et du plan d'action contre la radicalisation et le terrorisme, mais aussi à la réduction des crédits affectés au Fonds interministériel de lutte contre la délinquance, ce qui est plus étonnant.
Nous soulignons dans chacun de nos rapports consacrés à cette mission l'acharnement réformateur qu'a dû subir l'administration territoriale depuis près de dix ans en même temps qu'une baisse constante des effectifs. Le plan « Préfectures nouvelle génération » (PPNG) s'inscrit évidemment dans cette logique : le réseau préfectoral connaît sa plus importante évolution depuis 1982, et voit parallèlement ses effectifs réduits de 1 300 équivalents temps plein (ETP), sur un effectif de 27 100 au total, en trois ans. Cette réforme n'est pas encore achevée que le Gouvernement vient d'en annoncer une nouvelle, « Action publique 2022 », dont restent encore à définir les dispositions concernant l'administration territoriale. Mais déjà le ministre de l'intérieur a annoncé une réduction des effectifs des services préfectoraux de 350 emplois par an au cours des prochaines années... La stoïque capacité d'adaptation des agents de cette administration, qui ne cesse de faire mon admiration, sera donc encore une fois mise à l'épreuve.
La réorganisation complète de la délivrance des titres opérée par le plan « Préfectures nouvelle génération » devrait moderniser les procédures, simplifier les démarches administratives et optimiser les moyens. Les effectifs seraient ainsi renforcés sur les missions prioritaires de l'administration territoriale, et la suppression des 1 300 emplois plus indolore...
Cette réforme se veut ambitieuse mais, pour le moment, pose quelques difficultés. S'il est, en effet, important que l'administration territoriale s'approprie l'outil numérique, elle ne doit pas oublier les administrés qui ne maîtrisent pas les nouvelles technologies ou ceux qui n'y ont pas accès. Cette modernisation de la délivrance des titres, par ailleurs souhaitable, entraînera aussi un nouvel éloignement des services de l'État, ce qui n'est pas bien vécu par nombre de nos concitoyens. Elle constitue aussi une nouvelle charge pour les collectivités territoriales, s'agissant des nouvelles modalités de demande de carte nationale d'identité. Elle a aussi justifié la création du fichier TES. L'audit de ce fichier, que le ministre de l'intérieur avait demandé à la suite des réactions des parlementaires, a conclu que la sécurité du système n'était pas parfaite et que celui-ci pouvait être détourné à des fins d'identification. Le ministère nous a dit avoir depuis pris en compte les recommandations du rapport. Nous en sommes là pour l'instant.
Pour ce qui est du renfort des missions prioritaires, on observe, pour le contrôle de légalité, une modeste augmentation des effectifs et le développement de la capacité d'expertise. Mais quel est le sens de ce renfort quand on prévoit parallèlement une nouvelle réduction du périmètre des actes contrôlés ?
S'agissant des sous-préfectures, je rappelle que la réforme de leurs implantations, annoncée depuis longtemps, a heureusement été très limitée. Mais, au-delà de la question de la carte des sous-préfectures, il conviendrait surtout de redéfinir leurs missions et d'adapter leurs moyens, pour leur permettre de remplir concrètement leur rôle de proximité, de conseil et d'appui auprès des élus locaux ; plus symboliquement mais tout aussi essentiellement affirmer la présence de l'État dans les territoires.
Sur le programme « Vie politique, cultuelle et associative », la réforme des modalités d'inscription sur les listes électorales et la mise en place prochaine du répertoire électoral unique sont en bonne voie. Il ne serait néanmoins pas inutile de rappeler aux communes qu'une réforme va prochainement modifier la procédure d'inscription sur les listes électorales.
S'agissant de la dématérialisation de la propagande électorale, le Gouvernement semble décidé à contourner le Parlement une quatrième fois par le biais d'une demande d'habilitation à légiférer par ordonnance, dans le futur projet de loi « pour un État au service d'une société de confiance ». Visiblement la confiance ne s'applique pas au Parlement. Reste donc à rappeler au Gouvernement notre opposition à un projet qui oublie les enjeux essentiels de la participation électorale et plus largement l'impérieuse nécessité de supprimer toutes les bonnes raisons de ne pas participer aux élections.
Malgré la relative stabilisation des crédits dans le projet de loi de finances pour 2018, stabilisation d'une tendance longue à la restriction, le Gouvernement poursuit néanmoins la politique réduction des effectifs de l'administration territoriale, tout en lui imposant de nouvelles réformes.
Ne pensant pas que l'on puisse se satisfaire de cette politique de retrait de l'État des territoires, je propose, comme l'année dernière, un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission.
L'administration territoriale de l'État connaît une succession de réformes sans que l'on s'interroge réellement sur ses missions ni ses implantations. Le président de la République a fixé à l'horizon 2022 la dématérialisation de tous les services, ce qui pose la question de l'accès équitable de tous les usagers à ces services. La fracture numérique continue, en effet, à être une réalité pour 3 millions de nos concitoyens. La dématérialisation complète est donc, à mon sens, une vue de l'esprit.
Les crédits sont orientés vers le plan « Préfectures nouvelle génération » mais le pilotage territorial et les fonctions support des préfectures accusent une baisse des crédits. L'action 5 « Animation et soutien du réseau » connait un fort recul alors même qu'elle concerne les frais de fonctionnement, et la maintenance du matériel informatique. C'est en parfaite opposition avec la volonté de modernisation affichée.
Notre rapporteur s'est interrogé à juste titre sur la soutenabilité de cette mission pour le réseau des préfectures.
Quelle place aussi pour les sous-préfectures alors que l'on assiste à une recentralisation progressive du contrôle de légalité et la fin de l'accueil du public pour la délivrance des titres ? La dernière réforme d'ampleur des sous-préfectures a été menée par Raymond Poincaré en 1926. Il serait temps de réexaminer l'implantation territoriale de l'État.
J'ai été étonné de constater une baisse sensible du montant de la subvention pour charges de service public versée au groupement d'intérêt public « réinsertion et citoyenneté » dans le programme 216 : ce programme est en effet destiné aux jeunes en voie de radicalisation.
Dans le programme 232, les crédits de l'action 2 sur les cultes diminuent alors qu'ils financent les diplômes universitaires et de recherche en islamologie : surprenant dans le contexte sécuritaire actuel.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette mission.
Les services déconcentrés continuent à subir des économies à la petite semaine sans qu'une réflexion d'ampleur soit menée sur la place de l'État dans les territoires. Alors que l'État peine à assumer ses compétences régaliennes, il se disperse dans des domaines secondaires et parfois qui ne sont pas de son ressort. Une commune ne peut plus faire un PLU et une intercommunalité un SCOT sans que des fonctionnaires d'État ne tentent de tenir le crayon. Il en va de même pour les compétences sociales des départements ou la compétence formation des régions. En revanche, en Alsace et en Moselle, bien des sous-préfectures ont été supprimées depuis Poincaré : il s'agissait, nous a-t-on dit, d'une expérimentation ayant vocation à être étendue à l'ensemble du territoire. En Allemagne, le système fonctionne bien mieux.
La politique de la ville relève de la responsabilité des communes et, éventuellement, des intercommunalités. Les sous-préfets délèguent leurs compétences en la matière à des fonctionnaires subalternes qui ne font que mettre des bâtons dans les roues aux élus. Je ne parle même pas des délégués des préfets dans les quartiers « politique de la ville » qui continuent à chercher désespérément leurs marques depuis qu'ils ont été mis en place il y a une douzaine d'années, alors que, dans les quartiers, on a avant tout besoin d'infirmiers, de policiers, d'enseignants.
Nous nous sommes déplacés dans la Marne : la modernisation des services s'y est plutôt bien passée. Or, on nous a dit que les administrés s'étonnaient de ne plus pouvoir être reçus aux guichets de la préfecture, alors que les étrangers y sont toujours accueillis, pour leurs demandes de titre. Prenons garde à ne pas décider de réformes très rationnelles mais qui irritent nos concitoyens.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».
Pour la quatrième année consécutive, il me revient de vous présenter l'avis budgétaire de notre commission sur les crédits de la mission « Outre-mer » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018.
Je me bornerai à une présentation succincte des crédits budgétaires de cette mission, d'autant plus qu'elle ne représente qu'un dixième de l'effort financier total de l'État en faveur des outre-mer. En effet, 87 programmes relevant de 29 missions budgétaires contiennent des crédits consacrés aux outre-mer. À cela s'ajoutent les prélèvements sur recettes ainsi que les dépenses fiscales.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, les crédits de cette mission sont légèrement supérieurs à 2 milliards d'euros, ce qui est une constante depuis 2011.
À périmètre courant, les crédits de la mission « Outre-mer » connaissent une légère baisse, de 0,94 % en autorisations d'engagement (AE) et de 0,07 % en crédits de paiement (CP). Hors mesures de périmètre, le budget de la mission est en hausse de 72,6 millions d'euros en AE et de 85,1 millions d'euros en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, soit une augmentation de 3,42 % en AE et de 3,72 % en CP.
La dépense fiscale, quant à elle, est estimée, en 2018, à 4,3 milliards d'euros, soit le double des crédits de la mission « Outre-mer ».
Le montant cumulé des AE consacré aux territoires ultramarins, toutes missions confondues, s'élève à 17 milliards d'euros, soit une progression de 1,26 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2017.
Au total, en intégrant les dépenses fiscales, l'effort financier de l'État en faveur des outre-mer devrait s'élever, en 2018, à 21,3 milliards d'euros en AE et à 20,5 milliards d'euros en CP.
Compte tenu du maintien de l'effort budgétaire, ces éléments me conduisent à vous proposer d'émettre un avis favorable à l'adoption de ces crédits. Je tiens néanmoins à vous signaler que ce premier budget est un budget de transition, qui a vocation à évoluer en fonction des résultats des assises des outre-mer qu'a lancées, en octobre dernier, la nouvelle ministre des outre-mer, Mme Annick Girardin.
J'en viens maintenant au sujet que j'ai souhaité aborder dans mon avis : les problématiques institutionnelles de chaque territoire ultramarin. Il m'a semblé intéressant de faire cet état des lieux car, au cours des dernières années, le Parlement a débattu de nombreux projets ou propositions de loi tendant à clarifier le statut institutionnel de telle ou telle collectivité ultramarine. Le Gouvernement annonce par ailleurs l'examen d'autres textes en la matière.
Naturellement, je n'aborderai pas les problématiques institutionnelles des douze collectivités ultramarines. Je concentrerai mon propos sur deux d'entre elles et vous renvoie à mon rapport pour toutes les autres, en particulier la Polynésie française.
La première est, bien évidemment, la Nouvelle-Calédonie. L'Accord de Nouméa de 1998 prévoit l'organisation d'un référendum d'autodétermination entre 2014 et 2018. L'une des questions essentielles de l'organisation de cette consultation, prévue en novembre 2018, est la composition du corps électoral qui y participera.
En Nouvelle-Calédonie, il existe trois listes électorales distinctes, selon les règles fixées par la loi organique du 19 mars 1999.
La première, la liste électorale générale (LEG), regroupe les électeurs participant aux élections nationales françaises.
La deuxième liste, la liste électorale spéciale (LES), permet de participer à l'élection des assemblées délibérantes spécifiques de la Nouvelle-Calédonie. Y figurent les personnes inscrites sur la liste électorale générale en Nouvelle-Calédonie lors du référendum portant sur l'approbation de l'Accord de Nouméa et résidant depuis plus de dix ans au moment du scrutin.
Enfin, la troisième liste, la liste électorale spéciale pour la consultation (LESC) relative à l'autodétermination, regroupe les électeurs qui pourront participer au référendum d'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie. Les critères d'inscription y sont plus restrictifs puisque les électeurs doivent se trouver dans l'un des huit items prévus à l'article 218 de la loi organique du 19 mars 1999.
L'inscription sur cette troisième liste fait l'objet de polémiques et de difficultés. Aujourd'hui, environ 160 000 personnes y sont inscrites. Toutefois, entre 10 000 et 22 000 personnes pourraient demander à y figurer si elles étaient inscrites sur la première liste, la liste électorale générale, préalable à l'inscription sur les deux autres listes. La question qui se pose est donc de savoir si un dispositif d'inscription d'office sur la liste électorale générale doit être institué en Nouvelle-Calédonie d'ici l'organisation du référendum d'autodétermination, prévu en novembre 2018, pour permettre l'inscription de ces personnes sur la troisième liste.
Le 2 novembre dernier, sous l'égide du Premier ministre, le XVIème comité des signataires de l'Accord de Nouméa s'est réuni et est parvenu à un consensus sur cette question. Il a acté, de manière exceptionnelle, 1'« inscription d'office des personnes résidant en Nouvelle-Calédonie sur la LEG, préalable nécessaire à leur inscription sur la LESC ». La condition nécessaire pour cette inscription sera « une résidence de trois ans attestée par l'inscription sur les fichiers d'assurés sociaux ». L'inscription d'office ne sera pas pour autant automatique et devra faire l'objet d'un examen par les commissions administratives spéciales sur la base des éléments fournis par l'État.
Cet accord implique de modifier la loi organique de 1999. Un avant-projet de loi organique destiné à modifier la procédure de révision des listes électorales en Nouvelle-Calédonie et traduisant cet accord politique a reçu, le 23 novembre dernier, un avis favorable du congrès de la Nouvelle-Calédonie sous réserve de certaines précisions. Cet avant-projet de loi organique devrait être délibéré en conseil des ministres le 6 décembre prochain. Nous serons donc saisis prochainement de cette question très sensible, d'autant que la conclusion de cet accord n'a pas mis fin aux tensions politiques qui secouent la Nouvelle-Calédonie entre indépendantistes et non-indépendantistes et au sein de chaque mouvement.
J'en viens maintenant à mon second point : Mayotte.
Mayotte n'est, sur le plan juridique, ni un département d'outre-mer ni une région d'outre-mer, bien qu'elle relève des collectivités ultramarines de l'article 73 de la Constitution. Elle constitue, depuis 2011, une forme de collectivité unique dont l'assemblée délibérante - le conseil départemental - exerce les compétences d'un département et certaines compétences d'une région d'outre-mer. C'est, avant la Guyane et la Martinique, la première collectivité unique régie par l'article 73 de la Constitution.
Le fait que Mayotte n'exerce pas toutes les compétences d'une région d'outre-mer, qui relèvent de l'État, s'explique par les difficultés économiques et sociales de l'île et par la situation budgétaire des collectivités territoriales mahoraises.
Cette situation a des impacts en matière budgétaire puisque Mayotte ne bénéficie pas de la totalité de la dotation globale de fonctionnement (DGF) régionale. Notre commission avait ainsi relevé, le 25 novembre 2015, la faiblesse relative de la dotation globale de fonctionnement dont bénéficie Mayotte en comparaison de celle des autres collectivités ultramarines. Vous vous étiez d'ailleurs émus avec moi, monsieur le président, pour dénoncer cet état de fait.
Nous avions jugé cette situation peu équitable, compte tenu du contexte budgétaire et financier difficile de Mayotte. C'est pourquoi nous nous étions interrogés sur la prise en compte, a minima au titre de la dotation globale de fonctionnement, de la double compétence de Mayotte sur le modèle de ce qui s'applique aujourd'hui en Guyane et en Martinique. Malheureusement, ces questions, que j'avais posées en séance publique à la ministre des outre-mer d'alors, Mme George Pau-Langevin, au nom de notre commission, sont restées, à ce jour, sans réponse.
Elles pourraient néanmoins être réglées à l'occasion d'un prochain toilettage institutionnel du statut de Mayotte, afin notamment de clarifier et préciser ses missions.
Le rapporteur a mis l'accent sur deux sujets essentiels qui animeront l'actualité ultramarine.
Ma première question porte sur les suites de la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique. Certains décrets d'application, relatifs par exemple aux plans de convergence, n'ont pas encore été publiés. Ces mesures font-elles déjà l'objet d'une traduction budgétaire ?
Ma deuxième question est inspirée par la situation institutionnelle à Mayotte. La précédente ministre des outre-mer, Mme Erika Bareigts, souhaitait l'examen, chaque année par le Parlement, d'un projet de loi de toilettage des mesures intéressant les territoires ultramarins pour permettre des ajustements ponctuels et ainsi, éviter leur insertion dans des textes plus ambitieux portant sur des sujets plus spécifiques.
La loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique commence à porter ses fruits. Des décrets d'application sont en cours de publication, par exemple en ce qui concerne la commission d'urgence foncière de Mayotte, dont le Sénat a prévu la création à mon initiative.
Cette loi vient forcément se télescoper avec les actuelles assises des outre-mer. Les plans de convergence sont destinés à mettre en oeuvre les préconisations de ces assises. La question budgétaire reste entière. Elle trouvera très certainement une réponse dans le cadre des travaux des assises.
S'agissant de la proposition d'un projet de loi annuel de toilettage de dispositions ultramarines, la nouvelle ministre des outre-mer, Mme Annick Girardin, n'a, semble-t-il, pas repris cette proposition de Mme Bareigts.
Sur la question plus spécifique de Mayotte, le conseil départemental a d'ores et déjà émis des propositions précises en matière institutionnelle. Dans les prochains mois, nous aurons certainement à examiner un texte spécifique sur le statut de Mayotte.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».
La réunion est close à 11 h 50.