Mes chers collègues, en application de 1'article L. 567-1 du code électoral, nous allons procéder à l'audition de M. Michel Sappin, dont la nomination est envisagée par M. le Président du Sénat pour siéger comme personnalité qualifiée au sein de la commission indépendante prévue à l'article 25 de la Constitution.
Cette audition est publique et sera suivie d'un vote qui se déroulera à bulletins secrets, comme le prévoit l'article 19 bis de notre Règlement.
Je vous rappelle que le Président du Sénat ne pourrait pas procéder à cette nomination si les votes négatifs au sein de notre commission des lois représentaient au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.
Cette commission indépendante, qui a été créée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, émet un avis public sur les projets de loi, les projets d'ordonnance et les propositions de loi « délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs ». Elle s'est prononcée pour la première et unique fois en 2009, au moment du redécoupage des circonscriptions pour les élections législatives. Elle revêt aujourd'hui une importance particulière, le Gouvernement ayant déposé en mai 2018 un projet de loi organique et un projet de loi visant à réduire le nombre de députés de 577 à 404 et le nombre de sénateurs de 348 à 244.
Je précise que cette commission indépendante est composée de six membres nommés pour une durée de six ans non renouvelable.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le grand oral que je passe devant vous ce matin me rappelle de très bons souvenirs...
J'ai été à la fois heureux et surpris d'apprendre que le président Gérard Larcher ait pensé à moi pour remplir la fonction de membre de la commission indépendante prévue à l'article 25 de la Constitution. En effet, les quatre autres membres déjà nommés, notamment M. Christian Vigouroux, sont de grands juristes - des professeurs de droit émérites, des hauts magistrats -, contrairement à moi. En discutant avec le président Gérard Larcher, j'ai vite compris que le choix d'un homme de terrain, proche des réalités profondes de nos territoires, correspondait un peu à l'art du contre-pied qu'il manie parfois. Il m'a expliqué que le profil d'un préfet ayant pas mal « bourlingué » sur le territoire pouvait être intéressant. Peut-être a-t-il aussi été intéressé par le caractère trempé qui est le mien et que je revendique pleinement, car il faut pouvoir défendre et attaquer, ce que je ferai sans hésiter.
Quel est mon parcours ?
J'ai travaillé dans trois ministères : j'ai passé sept ans au ministère de l'équipement, six ans au ministère de l'éducation nationale et le reste de ma carrière au ministère de l'intérieur où j'ai été à la fois sous-directeur, directeur de la défense et de la sécurité civile, sous-préfet de l'arrondissement de Vendôme dans le Loir-et-Cher, secrétaire général de préfecture, sous-préfet d'Orléans, préfet délégué pour la sécurité et la défense à Marseille, préfet du Lot, préfet de la Seine-Saint-Denis, préfet de la région Picardie, préfet de la Somme, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) et j'ai terminé ma carrière comme chef de l'Inspection générale de l'administration (IGA), que j'ai dirigée pendant deux ans et demi, avant de prendre ma retraite voilà quelques années.
Je suis toujours au plus proche du terrain, puisque j'exerce aujourd'hui les fonctions de médiateur de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. En étroite relation avec les élus et les administrés, j'essaie de régler les problèmes des uns et des autres dans leurs relations avec les services de la région. À cet égard, seules la région d'Île-de-France et la région PACA ont un médiateur. Une sénatrice de la Gironde a d'ailleurs déposé une proposition de loi visant à étendre la fonction de médiateur à certaines collectivités territoriales.
Dans le cadre de mes fonctions, j'ai également été chef de cabinet, conseiller technique et directeur adjoint de cabinet du ministre de l'intérieur. Au vu de mon parcours, c'est sans doute ma vision assez large de ce qui se passe sur notre territoire qui a intéressé le président Gérard Larcher.
Cette présence sur le territoire m'a également permis de mieux appréhender le rôle des élus. À peine arrivé depuis deux jours à Vendôme, j'ai dû avertir en pleine nuit, avec le maire d'une petite commune proche, une famille du décès accidentel de deux de ses enfants. J'ai alors pris conscience qu'un maire est au plus proche des réalités, les plus heureuses comme les plus malheureuses. De même, dans le cadre de mes fonctions de directeur de la défense et de la sécurité civile, j'ai dû gérer un certain nombre de catastrophes, en lien avec les élus de terrain, qu'il s'agisse des inondations, des feux de forêt ou de l'explosion de l'usine AZF.
En tant que sénateurs, je vous sais proches des maires, qui participent d'ailleurs à votre élection. Je fais souvent une comparaison avec les préfets : les préfets le deviennent après avoir longtemps été sous-préfets, sauf exception ; votre parcours d'élu de terrain vous conduit souvent à devenir sénateur après avoir exercé un mandat local.
Cette vision du Sénat, que j'ai évoquée avec le président Philippe Bas, doit transparaître dans les projets de réforme des cartes électorales pour ce qui concerne tant les députés que les sénateurs. Pour avoir participé, en 2009, au redécoupage des circonscriptions législatives dans les Bouches-du-Rhône, je sais combien ce travail est difficile. Au-delà des textes qui imposent un certain nombre de règles, c'est aussi un véritable sujet de cohérence des territoires. Cette dimension est plus forte encore pour le Sénat : un sénateur dans un département comme celui des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes ou du Lot a évidemment un rôle considérable sur le terrain. Pour nombre de maires, le sénateur a, avec le préfet d'ailleurs, un rôle de garant, il est celui qui peut à la fois donner des conseils, aider et assister. Je défendrai ardemment ce rôle des sénateurs au sein de la commission indépendante prévue à l'article 25 de la Constitution.
Le Sénat, c'est la chambre des sages, celle des territoires, une chambre qui recèle beaucoup de compétences et suscite beaucoup d'attentes : où que j'aie exercé, y compris dans un territoire comme la Seine-Saint-Denis, les maires m'ont toujours parlé de leurs sénateurs avec une considération différente de celle qu'ils pouvaient exprimer pour les députés. On peut devenir député parfois un peu par hasard - pour le dire un peu crûment, on le voit d'ailleurs particulièrement en ce moment ! -, mais on ne devient pas sénateur par hasard.
Cette vision que je peux avoir de votre assemblée et de votre mission guidera mon action si j'intègre la commission indépendante et je ferai tout pour la défendre.
Merci beaucoup, monsieur le préfet, pour vos propos très clairs, empreints d'engagements qui ne peuvent que séduire votre auditoire.
Quelle est votre opinion concernant la proposition du Gouvernement d'insérer une dose de proportionnelle de 15 % à l'Assemblée nationale ? Ne risque-t-on pas de créer des élus « hors sol », dépourvus d'attaches territoriales ?
À titre personnel, je ne suis pas défavorable à cette mesure. Il y a, à l'Assemblée nationale, un écart assez fort entre la représentation telle qu'elle est issue des élections et le ressenti des Français. À l'évidence, un certain nombre d'électeurs ne se retrouvent pas dans la composition de l'Assemblée nationale actuelle. Toutefois, la dose de proportionnelle doit être mesurée, et peut-être conviendrait-il de la revoir un peu à la baisse. D'autres voix devraient s'exprimer à l'Assemblée nationale et moins dans la rue - c'est là l'ancien préfet qui parle.
Il est vrai que cette mesure facilitera l'élection des permanents de partis, mais c'est déjà le cas : certains députés élus ne sont jamais dans leur circonscription. D'ailleurs, cela sera peut-être de nature à simplifier et à clarifier les choses.
Considérez-vous que le seul critère démographique, tel qu'il a été déterminé par le Conseil constitutionnel, doive être pris en compte pour la répartition des sièges de parlementaires ou faut-il intégrer d'autres exigences, comme une représentation équitable des territoires ? Je fais notamment allusion aux conclusions formulées par le groupe de travail sur la réforme constitutionnelle présidé par le président Gérard Larcher et dont j'ai l'honneur d'être rapporteur, à savoir qu'il n'y ait jamais moins d'un député et d'un sénateur par département. Que pensez-vous de cette proposition ?
J'ai lu bien sûr avec beaucoup d'intérêt les conclusions du groupe de travail du Sénat. Il va de soi que je partage totalement cette idée ; il serait totalement invraisemblable qu'un département n'ait pas au moins un député et un sénateur, hormis peut-être les départements d'outre-mer. Je ne peux même pas concevoir le contraire. En tant qu'ancien membre du corps préfectoral, comment pourrais-je considérer qu'il puisse y avoir, dans un département, un préfet et pas au moins un député et un sénateur ?
J'ai également lu avec intérêt votre proposition, qui est une bonne mesure, de porter de 20 % à 30 % le plafond d'écart de représentation par rapport à la population moyenne représentée dans les départements. J'estime qu'il serait même normal qu'il y ait moins de départements avec un député et un sénateur et plus avec deux. Même si tout dépendra du travail législatif et de l'avis des autorités compétentes, la représentation du territoire est essentielle et ne se discute pas. Vous représentez, en tant que sénateurs, à la fois les élus, le territoire et la population, tandis que l'Assemblée nationale représente les électeurs. La population et les élus n'admettraient pas qu'un département comme celui des Alpes-de-Haute-Provence ou des Hautes-Alpes se retrouve sans député ou sans sénateur ; c'est totalement impensable ! Ce serait d'ailleurs à la fois amoral et anormal.
Je vous remercie de ne pas avoir pratiqué la langue de bois et d'avoir apporté des réponses claires.
Au vu de votre CV cinq étoiles, je ne conteste rien de vos propos. Vous semblez être l'homme de la situation.
Ma question concerne les Français de l'étranger, que je représente. Pensez-vous que les parlementaires représentant les Français établis hors de France ont une utilité ? Combien en faut-il pour représenter près de trois millions d'expatriés et couvrir le monde entier ?
C'est un sujet que je connais bien et depuis très longtemps, car il se trouve que mon beau-père a été directeur de l'Union des Français de l'étranger sous Maurice Schumann.
Les Français de l'étranger doivent bien sûr être représentés : ils l'ont été modestement mais le sont maintenant davantage, ce qui est tout à fait normal.
Je me demande comment aménager la réduction du nombre de députés et de sénateurs pour les Français de l'étranger. Il est déjà difficile de décider d'une carte électorale dans la métropole et dans les outre-mer ! Il sera donc délicat de diminuer le nombre de représentants des Français de l'étranger. La communauté française à l'étranger est importante par sa présence, son activité économique et culturelle. Il faut qu'elle soit représentée à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Je pense que vous avez rassuré notre collègue, sénateur des Français de l'étranger.
Peut-être vais-je vous paraître un petit peu malicieuse, monsieur le préfet, mais, issue d'un territoire de vignobles, je veux vous dire que nous buvions vos paroles... « Il est des nôtres », pourrais-je ajouter !
En ces temps agités où les élus sont malmenés, je voudrais simplement formuler un voeu : ne changez pas votre vision des élus, des sénateurs et des maires que nous représentons. Notre pays a besoin de stabilité et je sais que vous représenterez cette stabilité au sein de la commission indépendante.
Je vous remercie de votre soutien.
Cette vision qui est la mienne n'est pas nouvelle ; je l'ai partagée dès que j'ai eu mon premier poste sur le terrain et elle s'est renforcée au fil des années. Beaucoup de mes collègues préfets pensent la même chose, le disent et l'ont écrit. Il est d'ailleurs regrettable que les hautes sphères de la « maison France » n'en aient pas tenu compte. Beaucoup de choses auraient pu être évitées...
La question de la proportionnelle donne lieu à un éternel débat. De nombreux pays d'Europe appliquent une dose de proportionnelle.
Si l'on prend en compte tous les partis, la plus grande part des 15 % de sièges attribués à la représentation proportionnelle sera occupée par les partis dominants. Il serait souhaitable que nous cessions d'élire les députés dans la foulée de l'élection présidentielle. Si les élections législatives se déroulaient un an, deux ans ou trois ans après l'élection présidentielle, ce serait bien différent ! On voit bien que, très vite, l'Assemblée nationale n'est plus en phase avec la société.
Le découpage électoral constitue un véritable « sport national » depuis quelques décennies, qu'il s'agisse des élections législatives ou départementales : tous les élus essaient d'obtenir le découpage qui correspond le mieux à leurs intérêts - je dis là une banalité.
Il est paradoxal qu'il soit procédé à ces découpages par la loi. Les députés notamment, mais aussi les sénateurs, peuvent être juges et parties. C'est peut-être l'un des cas où une haute autorité pourrait être utile.
Dans la mesure où le découpage dépend de la loi, on attend de la commission indépendante une grande impartialité, avec des principes clairs qui s'appliquent absolument partout, en vue d'éviter toute forme de complaisance ou « d'auto-avantage ». Quelle est votre réaction face à cette exigence d'impartialité ?
Si je m'autorisais à synthétiser la question de notre excellent collègue, je dirais : comment s'assurer de l'indépendance de la commission prévue à l'article 25 de la Constitution ?
Je ne pourrais pas vous répondre sur l'indépendance de la commission, mais je vous répondrai sur l'indépendance de votre représentant et sur sa neutralité.
Sur le terrain, on m'a souvent demandé comment je pouvais concilier mes opinions personnelles avec ma mission de préfet. Je fais toujours une comparaison avec les travaux publics. Nous avons un maître d'ouvrage, le peuple français ; un maître d'oeuvre, le Président de la République ; un architecte, le Gouvernement ; et nous avons sur le terrain des entreprises qui travaillent, les préfets et l'administration. Nous travaillons sur le projet et les plans qui nous sont donnés. Nous ne pouvons contester que lorsque nous estimons que le bâtiment va s'écrouler. C'est exactement la même chose pour moi ! Si j'intègre la commission indépendante, je défendrai un intérêt général, celui des territoires, celui des élus, quelle que soit la problématique politique. J'ai bien compris que le président Gérard Larcher attendait de moi que j'aie ce discours ferme vis-à-vis de juristes qui seront peut-être un peu moins sensibles à cet aspect du problème.
Concernant la question de la dose de proportionnelle, avoir ne serait-ce que deux ou trois voix divergentes dans une assemblée, représente tout de même un avantage, à condition que le règlement leur permette de s'exprimer. Un grand nombre de représentants du Front national siègent au sein du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur. C'est bien de les écouter : ils disent parfois des choses constructives et les habitants voient aussi le côté quelquefois léger, dirais-je, de leurs propos.
En effet.
Le fond est lourd et le propos est quelquefois très léger dans la forme. Mais nous avons toujours intérêt à écouter, même en présence de désaccords. L'électeur doit entendre plutôt que d'avoir le regret de ne pas être entendu. Je l'ai dit précédemment, il faut limiter la dose de proportionnelle à l'Assemblée nationale, mais cela permettra aux électeurs de s'exprimer.
Concernant l'indépendance des membres de la commission, c'est vraiment le sens de la conversation que j'ai eue avec à la fois le président Gérard Larcher et le président Philippe Bas : soyez assurés d'une neutralité totale de ma part. J'ai servi sous tous les gouvernements ; je l'ai toujours fait avec conviction et honnêteté.
Comme Monsieur Jean-Pierre Sueur, j'estime que les élections législatives ne devraient pas être subséquentes à l'élection présidentielle. D'ailleurs, je dirai presque - mon propos est peut-être un peu provocateur - que les meilleures années ont été celles de la cohabitation où régnaient le dialogue, les discussions, les négociations, quelquefois les compromis. Même si ce ne sera pas le rôle de la commission indépendante, il serait en effet souhaitable de « déconnecter » les élections législatives et l'élection présidentielle.
Je suis certain que la fermeté et la clarté de la réponse, doublées de la parabole des bâtisseurs, ont rassuré notre collègue Jean-Pierre Sueur.
Monsieur le préfet, vous vous revendiquez praticien des territoires et des élus. Concernant l'élection des sénateurs, certains ont pensé mettre en place des circonscriptions régionales, avec un scrutin proportionnel. Qu'en pensez-vous ?
Je n'ai pas réfléchi en profondeur à cette question. Autant je vois l'utilité de l'introduction d'une dose de proportionnelle à l'Assemblée nationale...
Aujourd'hui, beaucoup de sénateurs sont déjà élus à la proportionnelle, dans les circonscriptions comptant plus de deux élus.
Bien sûr mais je n'en vois pas l'intérêt, car vous représentez les territoires. Vos électeurs sont eux-mêmes issus d'élections dans lesquelles il existe de fortes luttes politiques.
Monsieur le préfet, sans mettre aucunement en cause votre personne, la création de cette commission m'interpelle. Sans vouloir vous faire de peine, j'estime que cette commission ne sert à rien, et je m'en explique.
Nous sommes quelques-uns ici à avoir connu les deux grands découpages des circonscriptions législatives, celui de 1986 avec M. Charles Pasqua, pour lequel la commission n'existait pas, et celui de 2009 sous la présidence de M. Nicolas Sarkozy, pour lequel elle existait. Au final, la commission n'a pas du tout contribué à rendre plus honnêtes les découpages électoraux.
Tout d'abord, le Gouvernement n'est pas obligé de rendre public son projet avant de le transmettre à la commission. L'avis rendu par la commission ne comporte donc aucune dimension contradictoire. Or on ne peut pas demander à une commission de connaître les tenants et les aboutissants de toutes les magouilles qui peuvent se faire au fin fond d'un territoire. Ensuite, la commission rend son avis, mais, là encore, l'avis n'est pas rendu public. À l'époque, nous n'avions pas disposé de l'avis de la commission ; nous n'avions eu des éléments d'information qu'à la suite de fuites dans les médias. Pour couronner le tout, un gouvernement de mauvaise foi peut parfaitement s'asseoir sur l'avis de la commission, qui revêt un caractère consultatif.
En 2009, dans un certain nombre de cas, le Gouvernement n'a pas tenu compte de tous les avis qui lui avaient été remis ; je pense notamment au cas d'un département : la commission a rendu un avis négatif ; le Conseil d'État a rendu un avis négatif ; la commission des lois de l'Assemblée nationale a voté contre l'avis du Gouvernement mais celui-ci a recouru au vote bloqué. Pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, le Conseil constitutionnel a reconnu des anomalies dans deux départements, mais a indiqué qu'il n'était pas habilité à vérifier l'honnêteté des découpages électoraux.
Que pensez-vous de cette situation ? Le système est-il cohérent ? Quelles idées pourriez-vous avancer pour faire en sorte qu'il y ait un minimum d'honnêteté ?
Permettez-moi de vous rendre attentif, mon cher collègue, à l'article 25 de la Constitution, aux termes duquel l'avis de la commission indépendante est rendu public. En revanche, les opinions dissidentes ne le sont pas. Pensez-vous qu'elles pourraient l'être, monsieur le préfet ?
La réponse à votre question est très compliquée, monsieur le sénateur.
Si le Gouvernement mène son projet de réforme institutionnelle à son terme, la commission indépendante croulera sous le travail. Vous avez parlé des quelques modifications non négligeables, certes, qu'il y a eu au cours des dernières années, mais il s'agira là de réduire de 30 % le nombre des sénateurs et des députés. Mes collègues préfets, mes collègues du secrétariat général du ministère de l'intérieur et du cabinet du ministre ont déjà en tête ce travail considérable. Est-ce un hasard ? Il se trouve que je connais bien tous ces interlocuteurs. Comme le soulignait l'un de mes grands patrons que fut M. Charles Pasqua, si les renseignements généraux (RG) n'existent plus sur le terrain, ils existent peut-être encore dans les têtes... Je peux sans doute avoir plus facilement accès à un certain nombre d'informations - je le dis comme je le pense.
En tant que préfet, on m'avait demandé, dans le cadre du redécoupage de 2009, de « transférer » un siège de député de Marseille vers une autre partie des Bouches-du-Rhône, pour respecter les critères démographiques du Conseil constitutionnel. Ce fut un pataquès : il fallait modifier douze circonscriptions ! Le projet que j'avais envoyé a été refait à Paris ; il a été présenté à la commission indépendante, qui - c'est l'un des rares cas - est revenue au projet de départ, ce qui prouve son rôle.
Je suis persuadé que nous aurons un rôle plus important au sein de cette commission que ce qu'on imagine aujourd'hui, d'autant que le ministère fera les choses hâtivement, comme toujours. Concernant les opinions dissidentes au sein de la commission, je puis vous dire que je serai la voix de la contradiction. Telle est bien mon intention ; je veux faire remonter un certain nombre de choses. C'est le rôle que je pourrai, me semble-t-il, avoir.
Nous vous remercions, monsieur le préfet, pour la clarté et la fermeté de vos réponses. Nous allons procéder au vote.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est suspendue à 9 h 15.
- Présidence de M. Philippe Bas, président -
La réunion est reprise à 9 h 30.
Nous avons procédé à l'audition de M. Michel Sappin, que le Président du Sénat envisage de nommer comme personnalité qualifiée au sein de la commission indépendante prévue à l'article 25 de la Constitution et chargée de se prononcer par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés et la répartition des sièges de députés ou de sénateurs.
Nous allons maintenant procéder au vote sur cette proposition de nomination.
Ce vote se déroulera à bulletins secrets, comme le prévoit l'article 19 bis de notre Règlement.
Je vous rappelle que le Président du Sénat ne pourrait pas procéder à cette nomination si les votes négatifs au sein de notre commission représentaient au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.
En application de l'ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote, les délégations de vote sont autorisées.
La commission procède au vote puis au dépouillement du scrutin sur la proposition de nomination, par le Président du Sénat, de M. Michel Sappin aux fonctions de membre de la commission indépendante prévue à l'article 25 de la Constitution et chargée de se prononcer par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés et la répartition des sièges de députés ou de sénateurs.
Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants : 35
Bulletins blancs : 3
Bulletin nul : 1
Suffrages exprimés : 31
Pour : 28
Contre : 3
Articles additionnels avant l'article unique
Par l'amendement n° 2, M. Masson souhaite encadrer les conditions de fixation des limitations de vitesse sur les routes hors agglomération, afin d'éviter une variation trop fréquente des vitesses. Même si je partage l'objectif de lisibilité poursuivi, cette disposition relève du pouvoir réglementaire. Il revient en effet au président du conseil départemental de fixer les limitations de vitesse sur les routes départementales hors agglomération, dans la limite des vitesses maximales fixées par décret. Je vous propose de soulever l'irrecevabilité de cet amendement au titre de l'article 41 de la Constitution. Il sera transmis au Président du Sénat pour examen de recevabilité.
Le pouvoir de limitation de vitesse relève effectivement du domaine réglementaire. Toutefois, cet amendement vise à encadrer l'exercice du pouvoir réglementaire. Je considère, à tort ou à raison, que cela relève du domaine législatif.
La commission demande au Président du Sénat de se prononcer sur l'irrecevabilité de l'amendement n° 2 au titre de l'article 41 de la Constitution.
L'amendement n° 6 vise à encadrer les conditions de fixation des limitations de vitesse sur les voies rapides. Pour les mêmes raisons, je vous propose de soulever l'irrecevabilité de cet amendement au titre de l'article 41 de la Constitution.
Je propose une modulation sur les voies rapides. Même observation s'agissant de l'irrecevabilité.
La commission demande au Président du Sénat de se prononcer sur l'irrecevabilité de l'amendement n° 6 au titre de l'article 41 de la Constitution.
L'amendement n° 3 a le même objectif que les précédents : il tend à encadrer les conditions de fixation des limitations de vitesse sur les autoroutes. Pour les mêmes raisons, je vous propose de soulever l'irrecevabilité de cet amendement au titre de l'article 41 de la Constitution.
La commission demande au Président du Sénat de se prononcer sur l'irrecevabilité de l'amendement n° 3 au titre de l'article 41 de la Constitution.
L'amendement n° 4 vise à encadrer les conditions de gestion des péages sur les autoroutes concédées. Toutefois, cette question relève du domaine réglementaire : ces conditions de gestion sont notamment déterminées par le chapitre II du titre II de la partie réglementaire du code de la voirie routière. C'est pourquoi je vous propose de soulever l'irrecevabilité de cet amendement au titre de l'article 41 de la Constitution.
Ce problème important se posera partout en France. La Société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France (Sanef) a aménagé, pour la première fois en France, un péage autoroutier à Boulay, en Moselle, qui permet à l'automobiliste de passer sans s'arrêter. Toutefois, l'automobiliste est obligé de s'abonner, sinon il doit sortir de sa voiture pour prendre un ticket à un guichet et payer, dans les deux jours, par téléphone au moyen de sa carte bancaire ou par Internet. C'est tout à fait scandaleux, et j'évoquerai ce problème en séance.
Le problème pratique que vous soulevez est réel et conduit à un déni du droit de l'usager de la route lié à la privatisation. Cette question mérite discussion, même si l'amendement est déclaré irrecevable. Nous attendons une réponse du Gouvernement sur la manière dont il entend traiter ce problème. Il ne faudrait pas que cette pratique, présentée sous le jour d'une modernisation, mais qui comporte en réalité de lourds inconvénients pour les usagers, se généralise.
Élu du même département, je ne puis que confirmer les propos de M. Masson. Cette pratique paraît totalement abusive. Vous dites que cette disposition ne relève pas de la loi. Mais la loi permet-elle aux concessionnaires des autoroutes de contraindre un usager à sortir de son véhicule pour pouvoir s'acquitter de la redevance ? Dans la négative, le législateur devra apporter des précisions.
La loi n'interdit pas que l'usager doive descendre de sa voiture pour s'acquitter de sa redevance. Bien que cet amendement paraisse relever du domaine réglementaire, je vous indique que le débat sur la question des péages à flux libre pourra utilement être abordé dans le cadre de l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités.
Dans ce cas, vous ne pouvez pas arguer que cela ne relève pas du domaine législatif.
Il ne s'agira pas d'empiéter sur le domaine du règlement mais d'évoquer le sujet avec le Gouvernement.
Le rapporteur veut dire non pas que des dispositions législatives seront prises dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités, mais que ce sera l'occasion de prendre des textes réglementaires pour régler ce type de problème.
La commission demande au Président du Sénat de se prononcer sur l'irrecevabilité de l'amendement n° 4 au titre de l'article 41 de la Constitution.
L'amendement n° 1 vise à introduire une forme de prescription pour les sanctions relatives au retrait de points au permis de conduire : il s'agit de prévoir qu'aucun retrait ne pourra être appliqué à une personne plus de trois ans après la commission des faits.
En l'état du droit, le retrait de points s'applique à compter du jour où la condamnation est devenue définitive, et non pas à compter de la date à laquelle le courrier l'en informant est reçu par le détenteur du permis. Les principes sont déjà clairement énoncés par la loi. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1 rectifié ter.
Article unique
Plutôt que de réduire la durée de récupération de points, l'amendement n° 7 introduit un sursis pour le retrait de point pour les excès de vitesse inférieurs à 5 km/heure commis sur les routes limitées à 80 km/h.
Même s'il n'est pas sans intérêt, cet amendement présente plusieurs difficultés. Tout d'abord, il fait référence à des limitations fixées par décret, ce qui n'est pas conforme aux règles de la légistique. Ensuite, il ne détermine pas avec suffisamment de précision les conditions du sursis. En particulier, ne sont précisées ni la durée du sursis, ni les conditions dans lesquelles il pourrait y être mis fin. Enfin, il paraît préférable de conditionner toute évolution législative du permis à points à la réalisation d'une étude d'impact approfondie, afin d'assurer l'efficacité des mesures adoptées et d'éviter tout effet indésirable pour la sécurité routière. Avis défavorable.
Je me permets de dire à M. Masson qu'il conviendrait de revoir la rédaction de cet amendement en remplaçant 85 km/h par 5 km/h. À défaut, l'excès de vitesse ne serait pris en compte qu'à compter de 165 km/h !
Je vous remercie de votre suggestion. Notre rapporteur se fonde sur les règles de la légistique. Sommes-nous contraints par ces règles ? Je ne l'ai lu dans aucun texte. Personnellement, je ne suis pas persuadé que cet argument soit convaincant.
Ce n'est pas par hasard que j'ai retenu 85 km/h. Auparavant, sur les routes limitées à 90 km/h, l'automobiliste était sanctionné à partir de 95 km/h. Actuellement, sur une route limitée à 80 km/h, l'automobiliste n'est sanctionné qu'à partir de 85 km/h. Si le sursis est porté à 85 km/h, la vitesse réelle sera de 90 km/h, ce qui donnerait une certaine satisfaction.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7.
L'amendement n° 5 vise à fixer non pas à trois mais à quatre mois la durée de récupération des points pour les infractions au code de la route punies du retrait d'un seul point, contre six mois actuellement. Cette mesure ne suffit pas à résoudre les problèmes soulevés par notre commission, qui nous ont conduits à ne pas adopter la proposition de loi. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5.
La commission donne les avis suivants :
En préambule, je souhaite vous apporter quelques éléments d'information.
Le Gouvernement nous a fait part de son intérêt pour la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur et des membres du groupe socialiste et républicain. Il est en particulier intéressé par certaines dispositions adoptées en commission, qui visent à assouplir les conditions auxquelles est soumise la conclusion d'un accord local de répartition des sièges dans les communautés de communes et d'agglomération.
Le Gouvernement propose de faire en sorte que ces dispositions puissent prospérer à l'Assemblée nationale, afin qu'elles puissent être appliquées dès les élections municipales de 2020. Pour ce faire, il suggère de reporter d'un mois, jusqu'au 30 septembre 2019, la date limite pour conclure un accord local dans les communautés de communes et d'agglomération. Compte tenu des délais impartis, il souhaiterait que le texte soit adopté conforme par l'Assemblée nationale. En effet, la procédure accélérée n'a pas été engagée sur ce texte et ne pourra plus l'être. Une éventuelle commission mixte paritaire ne pourrait donc être réunie qu'à l'issue de deux lectures dans chaque assemblée. Vu les délais d'examen fixés par la Constitution, la première lecture à l'Assemblée nationale ne pourrait avoir lieu, au mieux, qu'à la fin février, et la deuxième lecture au Sénat, au mieux, fin mars.
Par ailleurs, le Gouvernement estime nécessaire, sur un tel sujet, de saisir le Conseil constitutionnel avant la promulgation de la loi, afin que la composition des conseils communautaires ne puisse pas être remise en cause en cours de mandat par le biais d'une question prioritaire de constitutionnalité - je crois qu'il a raison sur ce point. Le Conseil constitutionnel disposerait d'un mois pour se prononcer, ce qui nous amène à la fin du mois d'avril. Il faudra ensuite que les élus s'approprient ces dispositions, et que l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) et le Gouvernement mettent à jour leurs logiciels. En effet, l'AMF dispose d'un logiciel perfectionné qui permet, à partir de la composition d'un EPCI à fiscalité propre et de la population de chaque commune, de faire apparaître tous les accords locaux envisageables et conformes à la loi. La direction générale des collectivités locales (DGCL), de son côté, dispose d'un logiciel permettant de vérifier la légalité d'un projet d'accord local, qu'elle met à disposition des préfectures.
Par conséquent, pour que le dispositif soit applicable dès les élections de 2020, il serait préférable que l'Assemblée nationale vote ce texte conforme, afin qu'il puisse être soumis au Conseil constitutionnel et promulgué sans tarder.
Or le Gouvernement s'oppose à l'article 1er relatif à la composition de droit commun des conseils communautaires. Il considère que, même si le texte de la commission a atténué certains défauts de la proposition de loi initiale, les nouvelles règles de répartition des sièges restent contraires à la jurisprudence constitutionnelle, puisque la population des communes qui se trouveraient moins bien représentées à l'issue de la réforme est supérieure à celle des communes qui se trouveraient mieux représentées. Le Gouvernement demande donc, par amendement, la suppression de cet article.
Il demande également la suppression d'une partie de l'article 1er bis, c'est-à-dire de l'un des assouplissements apportés aux conditions régissant l'accord local, mais, sur ce point, il est prêt à s'en remettre à la décision du Conseil constitutionnel. Il accepte, par ailleurs, l'article 2, qui consacre le droit d'information des « simples » conseillers municipaux.
Nous avons donc le choix de maintenir nos positions de la semaine dernière ou d'accepter le compromis proposé par le Gouvernement, afin de nous donner plus de chances de voir entrer en vigueur en temps utile une partie des dispositions que nous avons adoptées, pour une application dès les élections de 2020.
Je crains ne pas avoir compris. Le Gouvernement veut-il botter en touche ?
Le Gouvernement est favorable à l'assouplissement que nous avons mis en place concernant l'accord local à l'article 1er bis, mais il s'oppose à l'article 1er tel qu'il est proposé.
Il est donc contre, alors que nous y sommes favorables. Alors, l'affaire est conclue.
Il est exact que nous avons déjà longuement délibéré de ce point. Un certain nombre d'entre nous, dont Mme le rapporteur, sont conscients de l'existence du risque constitutionnel.
Toutefois, d'une part, la décision du Gouvernement de saisir le Conseil constitutionnel si le texte était adopté nous met à l'aise face à cette prise de risque. Dans ce cas, je ne vois pas pourquoi nous renoncerions à nos positions alors même que de grandes associations, comme l'Association des maires ruraux de France, expriment une forte attente à l'égard de ce texte. Si l'Assemblée nationale ne le vote pas conforme, on peut imaginer que nous fassions nôtre la version retenue par nos collègues députés, même si elle est moins ambitieuse que celle que nous nous apprêtions à voter. Pour l'heure, aucun élément décisif n'est de nature à nous faire changer d'avis. Allons de l'avant pour essayer d'obtenir les dispositions les plus favorables possible !
Le rapport de Mme Carrère, long de 107 pages et rédigé en collaboration étroite avec la DGCL, évalue les effets du dispositif introduit par la proposition de loi. Il apparaît que, au total, le dispositif prévu par le texte est beaucoup plus juste et plus conforme à la réalité démographique : il corrige des inégalités au détriment des villes situées dans la strate moyenne des intercommunalités et dans la partie haute de la strate inférieure, en réduisant la représentation des villes les plus importantes.
Les amendements du Gouvernement réduisent ce texte à une seule disposition, qui donne la possibilité d'augmenter le nombre de membres de l'assemblée intercommunale au-delà de la limite de 25 %, dans le cadre d'un accord local.
Mme Gourault, avec qui j'ai discuté hier, a reconnu que la meilleure solution est celle que propose notre président : laisser à l'Assemblée nationale le soin d'amender notre texte pour l'adopter, à son retour au Sénat, dans un état d'esprit positif. L'Association des maires ruraux de France est très attachée à cette proposition de loi, comme le montre sa dernière déclaration.
Je salue le travail du rapporteur d'autant que l'exercice est difficile, voire impossible. L'AMF a montré que, dans le cadre du droit commun, il est impossible de trouver un accord local dans 50 % des communautés de communes. La taille XXL de certaines intercommunalités condamne les communes rurales à l'invisibilité, et les communes intermédiaires à l'écrasement.
La solution proposée est louable, mais revient à déplacer le problème : si elle résout les difficultés rencontrées par 18 000 communes, elle en crée de nouvelles pour 14 000 autres - c'est ce qui est ressorti de mes échanges avec l'AMF. Une éventuelle censure du Conseil constitutionnel mettrait également en danger les intercommunalités, qui doivent décider avant fin août de l'organisation de leur conseil communautaire. Un recours pourrait remettre en cause cette organisation après les élections municipales de 2020.
C'est pourquoi je suis favorable à la possibilité d'assouplissement des accords locaux introduite par l'article 1er bis. En revanche, adopter l'article 1er me semble risqué.
Il y a bien une interrogation, mais si l'article 1er est adopté, la disposition sera soumise au Conseil constitutionnel et l'incertitude sera levée en temps utile.
Si je comprends bien, le Gouvernement nous laisse le choix entre ne rien demander et risquer de ne pas obtenir... Or le Conseil constitutionnel ne va pas revenir sur son erreur, qui a consisté à assimiler les intercommunalités à des collectivités territoriales - l'idée de représentation démographique, en l'espèce, n'a aucun sens.
Les intercommunalités représentent les communes, avant de représenter la population. Essayons au moins, tout en tenant compte de la population, que toutes les catégories de communes soient honnêtement représentées à l'assemblée communautaire, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui !
La réalité des institutions fait que nous n'aurons pas le dernier mot. Ni le Gouvernement ni le Conseil constitutionnel n'admettront qu'ils se sont trompés... Mais que chacun prenne ses responsabilités, et que le Gouvernement ne prétende pas qu'il veut réparer ses erreurs !
Nous sommes là pour voter les amendements, pas pour refaire le débat qui a eu lieu la semaine dernière. Nous ne sommes pas non plus aux ordres du Gouvernement.
Madame Gatel, certaines communes sont en effet pénalisées par la proposition de loi, mais c'est la conséquence inévitable d'une représentation plus juste, puisqu'on ne peut pas faire augmenter en même temps la représentation de toutes les communes.
La redéfinition des accords locaux est une solution, mais une solution sous-optimale. Autant essayer de l'améliorer.
Il est difficile de définir la notion de justesse dans la représentation des communes. J'ai fait toutes les simulations possibles, et nous ne parviendrons pas à une solution qui satisfasse tout le monde. Nous ne sommes pas obligés de nous soumettre au bon vouloir du Gouvernement, d'autant que le Sénat l'a éclairé dernièrement sur nombre de sujets, notamment les collectivités territoriales.
Le Conseil constitutionnel ne fera pas évoluer sa position, qui repose sur le respect d'une égalité dans la représentation démographique dans une fourchette comprise entre plus et moins 20 % par rapport à la moyenne.
Cette position n'a pas varié depuis vingt ans. Les établissements publics de coopération communale (EPCI) exerçant des compétences communales, le Conseil constitutionnel considère que le principe d'égalité du suffrage s'y applique. Ce raisonnement peut être contesté, mais il n'est ni stupide ni erroné.
On peut naviguer à l'intérieur de cette fourchette, et même prévoir des mécanismes de rattrapage pour les communes où la représentativité est inférieure aux 80 %. Ainsi, si un deuxième siège est attribué aux plus petites des communes moyennes, leur taux de représentativité passera à 75 % de la moyenne, ce qui est plus proche de la limite des 80 %. Mais il est illusoire de penser que le Conseil constitutionnel acceptera une remise en cause de ce principe par une loi.
Je rappelle que l'article 1er de la proposition de loi traite non pas des accords locaux qui peuvent être conclus par dérogation au système légal, mais du système légal lui-même et du mode de calcul de nombre de représentants de chaque commune. La réforme proposée aboutirait à ce que les communes moyennes, sur lesquelles des droits de représentation ont été prélevés au bénéfice des plus petites, soient mieux représentées.
Article 1er
Je maintiens ma position : avis défavorable à l'amendement n° 18 du Gouvernement ainsi qu'à l'amendement n° 1, qui est identique.
Il est inconcevable d'abroger l'ensemble de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe, comme le propose l'amendement n° 12.
Cet amendement est d'ailleurs irrecevable puisqu'il n'a pas de lien avec le texte.
L'amendement n° 12 est déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution et de l'article 48, alinéa 3, du Règlement du Sénat
Il va de même de l'amendement n° 13.
Je n'avais pas prévu de déposer d'amendements sur ce texte, mais je n'ai pas apprécié les propos dont j'ai été l'objet la semaine dernière, lors de l'examen du texte de la commission. Je suis peut-être le seul à penser ce que je pense, mais j'ai le droit de le penser ! J'ai été la cible de vociférations au prétexte que je ne suis pas d'accord avec la pensée dominante. C'est scandaleux. Nous défendrons nos amendements en séance.
Je vous entends, mais les responsabilités sont partagées : traiter vos collègues d'hypocrites n'est pas exactement une marque de gentillesse... Je veux croire que vous n'aviez pas de mauvaises intentions.
Mais je le pense !
L'amendement n° 13 est déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution et de l'article 48, alinéa 3, du Règlement du Sénat.
L'amendement n° 15 tend à modifier la répartition des sièges entre les communes au sein des conseils communautaires selon une règle de calcul présentée comme plus simple...
Je ne comprends pas. Nous poursuivons le même objectif, celui d'améliorer la représentation des petites et moyennes collectivités. La méthode que je propose est plus facile à saisir que celle, incompréhensible, de la commission. Elle est analogue, mais en sens inverse, à celle du calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et du potentiel financier agrégé (PFIA) : un coefficient logarithmique décroissant variant de 4, pour les plus petites communes, à 1 pour les plus grandes est appliqué à la population réelle de chaque commune. C'est plus clair, et peut-être plus juste. Cette méthode est utilisée dans d'autres pays, sans que personne trouve à y redire.
C'est en effet une méthode très intelligente, qui, par surcroît, lisse les variations. Le problème est qu'elle accroîtrait considérablement les écarts de représentativité entre les délégués...
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément. La notion de logarithme n'est pas parlante pour la population.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 15, de même qu'à l'amendement n° 2.
Article 1er bis
Puisque mon amendement n° 15 réglait le problème de l'écart de représentation, les aménagements prévus par cet article n'auraient pas eu de raison d'être s'il avait été adopté.
En effet. Avec votre système, que nous avons rejeté pour les effets qu'il produisait et non pour sa logique propre, plus besoin d'accords locaux.
Avis défavorable à l'amendement n° 19 du Gouvernement, qui est contraire à la position de la commission.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 19.
Avis défavorable également à l'amendement n° 20, pour les mêmes raisons.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 20.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.
Avis favorable à l'amendement n° 21 du Gouvernement, qui repousse la date limite de délibération sur un accord local afin de tenir compte du délai qui peut encore s'écouler avant l'adoption éventuelle de la proposition de loi.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 21.
Article 2
La commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n° 5.
L'amendement n° 17 rectifié impose, dans tout EPCI à fiscalité propre, la création d'une conférence des maires qui se réunirait au moins deux fois par an pour débattre de tout sujet d'intérêt intercommunal. Une instance similaire, la conférence métropolitaine, existe déjà dans les métropoles ; de plus, beaucoup de communautés de communes ou d'agglomération, ainsi que des communautés urbaines, ont déjà pris une telle initiative.
Faut-il en faire une obligation ? Nous avons toujours jugé préférable de nous en remettre à l'initiative locale. Cependant, un vrai problème se pose depuis la loi NOTRe et la refonte de la carte intercommunale qui s'est ensuivie. Un grand nombre de compétences communales ont été transférées au niveau intercommunal, et beaucoup de maires se plaignent de ne plus être entendus au sein de leur EPCI.
C'est pourquoi je recommande de donner un avis favorable à l'amendement, sous réserve d'une rectification. Il serait inutile, en effet, de créer une conférence des maires là où tous les maires font déjà partie du bureau de l'EPCI, comme le permet l'article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales.
Je vous remercie d'accueillir favorablement cet amendement issu du rapport d'information de Mathieu Darnaud sur la démocratie de proximité. Nous procèderons à la rectification demandée.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 17 rectifié, sous réserve de rectification.
Article additionnel après l'article 2
L'amendement n° 14 a pour objet de donner la possibilité à une commune, à un EPCI ou à un syndicat mixte de demander au préfet d'élaborer une évaluation des conséquences juridiques et financières du retrait d'une commune d'un EPCI ou d'un syndicat mixte et du rattachement d'une commune à un EPCI ou à un syndicat mixte.
Bien que l'intention soit louable, l'amendement n'a manifestement pas de lien avec le texte en discussion. Je vous propose donc de le déclarer irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Quels que soient les mérites de l'amendement...
L'amendement n° 14 est déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution et de l'article 48, alinéa 3, du Règlement du Sénat.
Intitulé de la proposition de loi
Avis défavorable à l'amendement n° 11 et à l'amendement du Gouvernement n° 22.
La commission adopte les avis suivants :
La réunion est close à 10 h 35.