La commission procède ensuite à la désignation de ses candidats pour siéger au sein de plusieurs organismes extra-parlementaires.
Dans le respect des règles, assez complexes, de proportionnalité, de compétence ou d'intérêt pour les sujets traités, le bureau de la commission, qui s'est réuni hier, propose les candidatures suivantes pour une série de postes à pourvoir avant le 31 décembre 2011 dans des organismes extra-parlementaires.
Cela n'a pas été aussi dur que pour le collectif budgétaire, mais nous avons travaillé pour proposer d'un commun accord les bonnes solutions.
La commission valide les candidatures et décide qu'elles seront proposées à la nomination du Sénat.
La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de M. Eric Doligé, rapporteur, sur le projet de loi n° 134 (2011-2012) autorisant la ratification de l'accord monétaire entre la République française et l'Union européenne relatif au maintien de l'euro à Saint-Barthélemy, à la suite de son changement de statut au regard de l'Union européenne.
Je suis heureux d'y participer grâce à ce rapport...
L'accord, dont il nous est demandé d'autoriser la ratification, est rendu nécessaire par le choix fait par Saint-Barthélemy d'une plus grande autonomie, tant au regard du droit français qu'au regard du droit communautaire.
Depuis le 15 juillet 2007, cette île des Antilles, ancienne partie intégrante de la Guadeloupe et, à ce titre, régie par le statut des départements d'outre-mer (DOM), appartient à la catégorie des collectivités d'outre-mer (COM) régies par l'article 74 de la Constitution. Les lois et règlements en vigueur en métropole n'y sont plus directement applicables. Le statut de COM lui confère une large autonomie ; la loi organique lui a notamment confié des compétences en matière d'impôts, de logement, de transports, d'environnement ou de tourisme.
Parallèlement, Saint-Barthélemy a souhaité accéder au statut européen de pays et territoire d'outre-mer (PTOM), plus souple que celui de région ultrapériphérique (RUP). Le droit français et le droit communautaire ne sont pas liés : Saint-Barthélemy aurait pu conserver, comme Saint-Martin, le statut de RUP, tout en étant régie par l'article 74 de la Constitution.
Le statut de RUP est proche de celui de DOM en droit français : les RUP font partie de l'Union européenne et le droit communautaire s'y applique, sauf disposition spécifique. Les PTOM, à l'inverse, ne font pas partie de l'Union européenne. Leur régime d'association, qui fait l'objet de la partie IV du traité sur le fonctionnement de l'Union, est beaucoup plus souple que celui des RUP et exclut l'application directe du droit communautaire. Le 8 octobre 2009, le conseil territorial de Saint-Barthélemy a approuvé, à une large majorité, une délibération visant à demander le passage du statut de RUP à celui de PTOM, fondée sur l'absence de cohérence entre le statut d'autonomie de l'île selon notre Constitution et son statut de RUP selon l'Union européenne. L'exposé des motifs indiquait que l'application intégrale des normes européennes conduisait à des effets pervers...
A titre d'exemple, l'abaissement du degré de benzène de 3 % à 1 % dans l'essence sans plomb a majoré de 22 centimes d'euros le prix du litre de carburant sur l'île. Ce sujet concerne d'autres territoires, comme la Guadeloupe et la Martinique, qui s'interrogent sur le choix entre l'article 73 et l'article 74 de la Constitution, certaines réglementations pouvant parfois conduire à ce que l'on appelle là-bas « la vie chère »...
Le Conseil européen, a décidé, le 29 octobre 2010, la transformation de Saint-Barthélemy en PTOM. Un considérant précise que « la France s'est engagée à conclure les accords nécessaires pour que les intérêts de l'Union soient préservés à l'occasion de cette évolution. Ces accords doivent concerner, d'une part, la matière monétaire. Ils devraient, d'autre part, concerner la fiscalité ».
C'est l'accord monétaire qui fait l'objet du présent projet de loi.
En matière fiscale, le Conseil a autorisé la Commission européenne à négocier avec la France un accord de coopération administrative. Les négociations viennent de commencer et l'urgence n'est pas la même que pour l'accord monétaire. La loi organique du 19 avril 2011 a, en effet, déjà approuvé un accord entre l'Etat et la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy relatif à l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale. Examiné par la commission des finances le 2 février dernier et en séance publique le 14 février, ce texte prévoit les échanges de renseignements à même de prévenir toute utilisation abusive des dispositifs fiscaux contenus dans les législations respectives de la France métropolitaine et de Saint-Barthélemy. L'île y affirme sa détermination à contribuer efficacement au respect des engagements internationaux de la France en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et les pratiques fiscales dommageables.
L'île se conforme déjà aux règles applicables en métropole pour lutter contre l'évasion, la fraude fiscale et le blanchiment d'argent. Le changement de statut européen ne modifie pas cette réglementation. Selon le Gouvernement, la collectivité de Saint-Barthélemy ne développe aucune stratégie d'implantation de banques ou d'établissements financiers sur son territoire. Les encours détenus par des non-résidents sont très peu significatifs et les services de contrôle fiscal français n'ont jamais constaté de schémas massifs de fraude ou d'évasion fiscale avec ce territoire.
Sans l'accord monétaire entre la France et l'Union européenne, l'euro n'aurait plus cours légal à Saint-Barthélemy à compter du 1er janvier prochain, puisqu'en tant que PTOM la réglementation européenne sur l'euro n'y serait plus applicable. Le maintien de l'euro sur l'île fait l'objet d'un large consensus. Le Président de la République en a formulé le souhait dans sa demande d'accession de Saint-Barthélemy au statut de PTOM et la négociation de l'accord monétaire n'a, d'après mes informations, fait apparaître aucun point de discorde.
L'article premier précise que « l'euro demeure la monnaie de Saint-Barthélemy » et l'article 2 que « la République française continue d'attribuer le cours légal aux billets et pièces libellés en euros » sur ce territoire. Des dispositions identiques figurent dans les arrangements monétaires relatifs à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte.
Par l'article 3, la France s'engage à garantir l'application à Saint-Barthélemy des actes juridiques et des règles de l'Union européenne nécessaires au fonctionnement de l'union monétaire. Notre pays coopèrera pleinement avec Europol sur le territoire de Saint-Barthélemy en matière de prévention de la fraude.
L'article 4 permet, dans les matières nécessaires au bon fonctionnement de l'Union économique et monétaire, aux actes adoptés par l'Union européenne et transposés en droit français de s'appliquer de plein droit à Saint-Barthélemy. L'article 5 entraîne l'applicabilité de plein droit des textes communautaires dans les domaines de l'Union économique et monétaire.
L'article 7 impose à la France de remettre, tous les deux ans, à la Commission européenne et à la Banque centrale, un rapport sur l'application des actes juridiques et règles de l'Union européenne entrant dans le champ de l'accord.
L'article 8 prévoit qu'un comité mixte France-Union européenne examinera les éventuels problèmes pouvant survenir dans l'application de la convention. Enfin, l'article 9 confère à la Cour de justice de l'Union européenne compétence exclusive pour régler tout litige pouvant résulter de l'application de l'accord et n'ayant pu être résolu au sein du comité mixte.
Au regard du caractère consensuel de la question et des garanties apportées par l'accord, je propose à la commission d'adopter le présent projet de loi, composé d'un article unique, et de prévoir son examen selon la procédure simplifiée prévue par l'article 47 decies du Règlement.
Bien que la qualité du rapport soit parfaite et sa technicité hors de tout reproche, lorsque j'entends une affaire aussi bien huilée, ne laissant place à aucun doute, aucun choix, aucun arbitrage, j'ai tendance à me méfier... Tout est parfait, évident, il n'y a pas le moindre grain de poussière. Pourquoi alors sommes-nous saisis ? S'agit-il d'un choix purement administratif ?
Cet accord est nécessaire pour que l'euro soit maintenu à Saint-Barthélemy !
Concrètement, qu'est-ce que cela change ? Est-ce que cela procure de l'argent ?
Les RUP bénéficient de tous les avantages de l'Union européenne. Mais Saint-Barthélemy n'obtient rien de celle-ci, en raison du niveau de revenu moyen de ses habitants. L'île a souhaité gagner une certaine liberté par rapport aux règles européennes en devenant PTOM, notamment pour pouvoir commercer avec sa zone géographique. L'application de règles valables à quelque 10 000 kilomètres représente un handicap...
Oui. Ils souhaitent conserver l'euro, en bénéficiant d'une certaine liberté, alors qu'auparavant on leur imposait les mêmes règles en matière de carburants ou de pêche, par exemple, qu'en métropole ! L'une des difficultés que rencontrent les collectivités territoriales d'outre-mer tient à l'application de ces règles sur leur territoire. Rester dans le cadre des RUP a cependant quelques avantages au regard de l'Union européenne...
On les comprend ! Cela pourrait donner des idées à d'autres îles : Ouessant, Sein, Porquerolles...
Leur imposer par exemple les normes européennes en matière de carburants pose problème, alors que des pays proches ont des normes beaucoup moins contraignantes. Ainsi, la Guyane n'a pas le droit d'utiliser l'essence brésilienne, beaucoup moins chère, parce que sa composition ne correspond pas aux normes européennes...
J'ai toujours été frappé par l'imposition de normes ne correspondant pas à la réalité des territoires d'outre-mer, obligés d'importer d'Europe, à 10 000 kilomètres, des produits qu'ils pourraient trouver à 100 kilomètres. C'est pourquoi ceux qui en ont les moyens souhaitent changer de statut ; ceux qui ne les ont pas restent dans le cadre des règles européennes, en attendant... La Guyane sera peut-être un jour, avec son pétrole, son bois, son or qu'on lui empêche d'exploiter, suffisamment riche pour sortir du statut de DOM et de RUP.
Nous débattons d'un territoire peuplé de 6 000 de nos concitoyens, représenté au Sénat par notre collègue Michel Magras, qui est très présent.
En outre, Saint-Barthélemy est le seul territoire qui, au lieu de recevoir de l'argent de la métropole, est un contributeur net !
C'est le seul que je connaisse où l'on nous dit que la défiscalisation ne sert à rien : ce sont des gens sympathiques !
Je m'interroge sur l'article 9. Qui sera compétent pour saisir la Cour de justice de l'Union européenne ? Le Parlement, le Gouvernement, l'Union européenne ?
Nous allons le vérifier, mais a priori le Gouvernement ou l'Union européenne, qui sont partenaires de l'accord.
Saint-Barthélemy ne disposerait plus de base légale pour conserver l'euro à partir du 1er janvier 2012. Le territoire devrait, comme la Nouvelle-Calédonie, se doter de sa propre monnaie. Sans doute, pour des raisons de proximité, serait-elle alors fondée sur le dollar américain...
Ce projet de loi permet à nos concitoyens de Saint-Barthélemy de continuer à bénéficier des avantages considérables de la monnaie unique : c'est un acte de foi dans l'euro !
La commission adopte le projet de loi autorisant la ratification de l'accord monétaire entre la République française et l'Union européenne relatif au maintien de l'euro à Saint-Barthélemy, à la suite de son changement de statut au regard de l'Union européenne, et propose qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique, en application des dispositions de l'article 47 decies du règlement du Sénat.
La commission procède ensuite à l'examen du rapport de Mme Nicole Bricq, rapporteure, sur le projet de loi n° 186 (2011-2012), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Panama en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu.
Nous quittons le domaine purement administratif pour entrer dans le domaine juridique, politique et diplomatique. Le contexte économique peut aussi peser sur notre délibération.
Premier Etat d'immatriculation de navires avec le Libéria, le Panama constitue aussi un marché pour certains grands groupes français dans le domaine du BTP ou de la fourniture d'énergie, comme GDF-Suez, mais aussi Degrémont ou Alstom, qui a conclu en 2010 un contrat pour l'équipement de la première ligne de métro. De nouveaux appels d'offres seront lancés en 2012 pour la seconde ligne ainsi que pour un projet d'interconnexion électrique avec la Colombie. Il faut néanmoins relativiser : Panama est le cinquante-cinquième client de la France et son cent-dix-neuvième fournisseur.
Les conditions dans lesquelles nous examinons ce texte ne nous permettent pas de le voter...
Nous sommes saisis en urgence, le Gouvernement nous pressant d'aller vite. Nous avons accepté, dans des délais très contraints et en pleine période budgétaire...
Paraphée le 28 mai 2010, la convention n'a été signée que le 30 juin 2011. Entre temps, le Forum mondial sur la transparence fiscale et l'échange de renseignements à des fins fiscales avait rendu une évaluation négative sur la mise en place du cadre juridique nécessaire à l'échange d'informations. Le projet de loi a été déposé le 1er décembre à l'Assemblée nationale, qui l'a adopté hier. Y a-t- il urgence à l'appliquer ? Je ne le pense pas. Ce n'est pas la qualité de la convention qui soulève des problèmes, mais l'ordre juridique interne panaméen. Comment ce pays pourrait-il échanger des informations auxquelles il n'a pas accès lui-même ? La capacité normative est un préalable à une ratification qui entraînera la suppression de Panama de la liste française des Etats et territoires non coopératifs prévue le 31 décembre 2011, et par conséquent la levée des sanctions.
La convention elle-même est conforme au modèle de l'OCDE. Elle comporte un mécanisme d'échange de renseignements, portant sur les informations vraisemblablement pertinentes pour l'établissement et le recouvrement des impôts, ainsi qu'un mécanisme de suppression des doubles impositions, complété de clauses anti-abus.
Le Panama a signé douze accords, ce qui est la règle pour sortir de la liste...
Ces accords concernent les pays suivants : la Barbade, le Luxembourg, le Qatar, Singapour, la République de Corée, les Pays-Bas, l'Espagne, le Portugal, le Mexique, l'Italie, les Etats-Unis et la France. Le Panama s'était engagé à respecter les normes de transparence dès 2002, mais n'a conclu son premier accord que le 24 mars 2010. Il n'a rempli que trois des dix critères imposés par le Forum mondial, qui évalue, depuis 2010, les cent-cinq Etats membres sur leur respect des normes de transparence. Cette évaluation comporte deux phases. La première évalue la capacité normative de l'Etat à accéder aux renseignements. Le Forum mondial vérifie notamment que la loi nationale prévoit une comptabilité des sociétés et la tenue de registres, et que l'Etat peut y accéder sans se voir opposer un quelconque secret professionnel. Il apprécie également durant cette phase si les accords ont été conclus avec de véritables partenaires. La seconde phase dresse un bilan qualitatif et quantitatif des procédures d'échange de renseignements de l'État considéré.
Le Forum mondial a jugé, en septembre 2010, que le Panama satisfaisait trois critères sur dix : la disponibilité des renseignements bancaires ; la compatibilité des mécanismes d'échange avec le respect des droits des contribuables ; et le respect de la confidentialité des renseignements reçus. Cependant, l'incapacité du Panama à coopérer est manifeste, son réseau conventionnel trop sélectif.
Le Forum mondial relève qu'un certain nombre d'Etats intéressés à échanger des renseignements avec le Panama ont tenté en vain de conclure un accord ; il recommande au Panama d'être moins sélectif. La France avait souhaité conclure un accord d'échange de renseignements et non une convention de suppression des doubles impositions, qui, selon notre pratique, intervient dans un second temps.
La disponibilité des renseignements est insuffisante. Nous constatons l'absence d'un mécanisme d'identification des actionnaires. La société anonyme doit conserver un registre de ceux-ci, mais peut y figurer le nom des mandataires et non du mandant. Les actions au porteur échappent, en outre, à l'obligation d'enregistrement et leur transfert donne lieu à une simple remise de certificat, sans enregistrement.
Les sociétés doivent conserver une comptabilité pendant cinq ans, à l'exception des sociétés off shore immatriculées au Panama mais n'y réalisant pas d'opérations économiques, ainsi que des trusts et des fondations...
L'accès aux renseignements est, d'autre part, limité par le secret professionnel. Lors de la constitution des sociétés anonymes, un avocat doit être nommé afin de procéder à l'immatriculation. Or, le secret professionnel panaméen couvrant cette activité, le Forum mondial a constaté qu'il était possible de faire échec à la coopération par ce biais. En outre, à la date de l'examen par le Forum mondial, la loi panaméenne exigeait d'avoir un intérêt d'ordre fiscal interne afin d'échanger les renseignements.
Le Panama, au même titre que Brunei et les Seychelles, ne satisfait pas au moins à la moitié des critères requis. Il n'a donc pas été admis à passer en phase 2. La qualité de son cadre normatif est, à nouveau, en cours d'examen. Les résultats de la seconde évaluation sont attendus au premier semestre 2012.
En réaction aux conclusions du Forum mondial, le Panama a, d'ores et déjà, supprimé de sa législation la possibilité de refuser de coopérer s'il n'a pas d'intérêt fiscal propre à collecter l'information. Il a également modifié la portée du secret professionnel par une loi du 1er février 2011 aux termes de laquelle l'avocat doit désormais « connaître son client ». Toutefois, cette loi laisse de nombreuses questions sans réponse. L'obligation d'identification du client ou du tiers existe au moment de l'immatriculation, mais après, le texte apparaît moins clair. On peut également douter de sa capacité à identifier les actionnaires au porteur, en l'absence d'une obligation de notifier le transfert des titres. J'ajoute que l'avocat est autorisé à déroger à la demande d'information sur un tiers si son client est un autre avocat, une banque, ou tout organisme professionnel obéissant à des normes éthiques pour la détection de blanchiment de capitaux. Enfin, le problème de défaut de comptabilité des sociétés off shore demeure entier.
Nous ne disposons pas d'éléments pour évaluer la capacité normative du Panama à se conformer à ses engagements. Seule la seconde évaluation par le Forum mondial pourra apprécier la capacité du Panama à fournir les renseignements sur les sociétés off shore et sur les actions au porteur.
De surcroît, la nouvelle annexe au projet de loi de finances sur le contrôle des filiales détenues à l'étranger par les entreprises françaises n'a pas été transmise au Parlement. Ce nouveau « jaune » budgétaire doit préciser le nombre de demandes d'assistance internationale qui ont été satisfaites afin d'actualiser la liste française des Etats et territoires non coopératifs. En son absence, je ne peux pas évaluer l'efficacité de la politique conventionnelle française.
La ratification est donc prématurée. Nous ne sommes pas en mesure de garantir que le Panama pourra se conformer à ses engagements. Sans cadre juridique adéquat, la convention n'a aucune chance d'être appliquée. Or, la ratification entraîne la radiation de la liste française des Etats et territoires non coopératifs et la levée des sanctions...
La conclusion de l'accord franco-panaméen a permis au Panama de sortir de la liste grise de l'OCDE. La ratification de la convention entraînerait sa radiation de la liste française et la levée des sanctions fiscales qui ont été votées dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2009. Il s'agit du dispositif anti-évasion des bénéfices et des majorations des taux de retenue à la source pour les flux financiers à destination des Etats et territoires non coopératifs.
Le Panama s'est engagé sur la voie de la transparence mais insuffisamment pour autoriser une coopération efficace. Le ministère des affaires étrangères a reconnu que des efforts avaient pris « un tour tangible ». C'est nécessaire, mais pas suffisant. La garantie que le Panama dispose du système juridique approprié est une condition préalable à la ratification, sans laquelle cette dernière ne serait qu'un acte formel dépourvu de sens. Nous aurons cette information lors de la publication de la seconde évaluation par le Forum mondial qui ne saurait tarder. Mes interrogations ne concernent pas la sincérité de l'engagement du Panama mais sa capacité à s'y conformer.
La ministre du budget, Valérie Pécresse, a convenu, lors de sa conférence de presse du 24 novembre dernier, qu'en matière d'échange de renseignements « tout n'est pas rose ». Notre administration ne reçoit qu'un tiers des réponses sur des éléments d'information qu'elle possède déjà. C'est pourquoi le Sénat débat actuellement du durcissement de l'arsenal répressif afin d'allonger le délai de reprise à trente ans. La vertu de la sanction est de maintenir la pression pour que ce pays s'engage totalement, et non très partiellement, dans la voie de la transparence.
Quelle crédibilité accorder à la politique française de lutte contre les paradis fiscaux, dès lors que la France a permis au Panama de sortir de la liste grise de l'OCDE et qu'elle s'apprête à le radier de sa propre liste ?
Je vous propose de ne pas adopter ce projet de loi.
Je vous remercie de nous permettre, par ce rapport, d'échapper un peu à nos guerres picrocholines... Les sanctions applicables sont-elles appliquées ?
Le « jaune » budgétaire, que nous n'avons pas, permettrait de répondre à votre question. La ministre a communiqué globalement. Elle a évoqué la cellule de régularisation installée par son prédécesseur, mais nous sommes incapables d'évaluer les conséquences des décisions prises dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2009.
Le Forum mondial est chargé depuis le G20 de Londres d'avril 2009 de l'évaluation des Etats dans le cadre de la lutte contre les Etats et territoires non coopératifs. Le groupe d'évaluation des juridictions non coopératives du forum global au sein du Forum mondial de l'OCDE est présidé par un Français, François d'Aubert, que nous avons auditionné à deux reprises. Nous sommes en contact régulier avec son administration. Le Forum mondial évalue la portée des conventions signées et rend un avis régulièrement. Il doit publier au premier semestre 2012 un rapport au titre de la seconde évaluation de la phase 1 pour le Panama, dont il a déjà considéré, lors de la première évaluation, qu'il ne pouvait pas passer à la seconde phase.
Si la France ratifie l'accord, c'est l'Etat marginal qui permettra au Panama de sortir des règles dont nous nous sommes dotés à l'issue du G20. Le Panama sortira de la liste grise...
C'est déjà fait depuis le 6 juillet dernier ! Le Panama a sélectionné les Etats avec lesquels il voulait signer un accord, la France est le douzième. Si l'accord est ratifié, il sortira, dès le 1er janvier, de la liste française.
Il pourrait donc réintégrer la liste grise mondiale, si l'accord n'est pas ratifié...
Non, puisqu'il a signé douze conventions et est sur le point d'en signer d'autres. Ce qui est en cause immédiatement, c'est la liste française.
Certes, mais quelle serait la portée juridique d'un accord signé mais non ratifié ? Considérer qu'elle serait toujours la même serait choquant !
La qualité du réseau conventionnel intervient dans l'évaluation du Forum mondial, afin de déterminer si la sortie de la liste grise ou noire est justifiée. Il résulte de la première évaluation conduite par le Forum mondial que le Panama n'est pas entré en phase 2. Ce qui est en jeu en l'occurrence, c'est la liste des Etats non coopératifs établie par le ministère français de l'économie.
Pourquoi cette insistance du Gouvernement à nous soumettre cette ratification ? Y a-t-il un investissement panaméen en cours dans quelque région déprimée de notre beau pays ?
Non, mais si j'en juge par les pressions que j'ai reçues, mais non subies... Le président Martinelli a rencontré le président de la République. Il a été question, semble-t-il, de la présence d'entreprises françaises dans des appels d'offres qui viennent d'être lancés au Panama... J'ai rappelé celui qui est en cours pour la seconde ligne de métro... Il y a des aspects économiques, dont vous trouverez le détail dans mon rapport écrit. Il y a aussi un aspect politique : au G20 de Cannes, le 4 novembre, le président de la République considérait encore que le Panama était un problème ; Mme Pécresse aussi, le 24 novembre. Ne l'est-il plus aujourd'hui ? Il y a une sorte d'accélération de nos relations...
Le débat qui a eu lieu au sein de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale a été inhabituellement animé. En analysant ce texte en détail, je n'innove pas, mais je me place dans le droit fil d'Adrien Gouteyron. On nous demande un conforme pour aller vite, pour être sûr que le 31 décembre l'affaire soit « pliée » !
S'il suffisait de conclure un accord entre Saint-Barthélemy et Panama...
Le Panama a eu une réaction très vive après les propos de Mme Pécresse le 24 novembre. Un contrat signé avec la COFACE pour le financement du métro a été suspendu...
Nous avons, dans mon département, un député et président de conseil général spécialiste des Etats et territoires non coopératifs, Arnaud Montebourg. Vous pourriez utilement consulter ce que dit son rapport sur ces territoires.
En l'occurrence, je crois que le Gouvernement nous propose une avancée. Voyons la balance commerciale entre le Panama et la France : ce pays exporte vers nous pour 50 millions d'euros, nous exportons vers lui pour 1 155 millions d'euros ! Il est utile de connaître ces données. Nous avions reçu, à la commission de l'économie, des représentants de Suez et de la compagnie nationale du Rhône, qui sont les opérateurs du projet d'élargissement du canal. Vous avez cité plusieurs autres entreprises françaises. J'entends vos arguments, mais je ne les partage pas. Faut-il attendre la perfection pour avancer ?
Je tiens à remercier Mme la rapporteure pour son rapport. Pourquoi en effet se précipiter ? Il y a « anguille sous roche » dans cette affaire... Il est vrai que nous ne sommes pas loin de la mer des Sargasses !
Nous avons eu plusieurs G20. Nous avons travaillé, avec le Gouvernement, au sein d'un groupe de onze députés et onze sénateurs, sur la crise et les paradis fiscaux. De grandes banques et compagnies d'assurance françaises ont des filiales au Panama. Il faut procéder avec toute la rigueur nécessaire pour s'assurer que leur activité est transparente.
Quant à la liste française, elle doit être établie avec une grande précaution. Nous devons nous entourer de toutes les garanties juridiques et attendre tous les avis indispensables pour nous prononcer. Notre position rejoint d'ailleurs celle de Mme Pécresse car en dépit des pressions de certains lobbies, le Gouvernement semble lui aussi exprimer des réticences. Il apparaît que toutes les garanties ne sont pas aujourd'hui apportées pour que le Panama soit retiré de notre liste.
La diplomatie française ne peut céder au petit chantage que le gouvernement panaméen pourrait lui faire concernant la signature de grands contrats, surtout qu'au-delà de la question de la double imposition, le Panama pose le problème encore plus fondamental de la fiabilité des listes de paradis fiscaux.
Au fur et à mesure que l'on s'est éloigné du G20 de 2009, où de grands principes avaient été affichés, on a sans doute fait montre d'une trop grande tolérance, voire de laxisme en déplaçant un peu facilement des pays de la liste noire vers la liste grise. Pour s'en tenir à l'Europe, ce fut notamment le cas du Liechtenstein ou encore de la Suisse, qui nous propose aujourd'hui un accord pour le moins contestable.
C'est une évolution à laquelle nous devons mettre fin, et l'examen de l'accord avec le Panama nous donne l'occasion d'envoyer un signal en ce sens.
Les pays aux pratiques dommageables développent leurs activités au détriment des autres, et le fait qu'ils témoignent d'un début de repentir n'est pas une raison suffisante pour oublier tout le reste.
Je partage la grande prudence et la réserve affichées par Mme la rapporteure, et recommande de ne pas prendre de décision dans la précipitation concernant un pays qui, figurant en 86ème position d'un classement international en matière de transparence, ne nous donne pas de garanties suffisantes. Le Gouvernement lui-même ne dispose pas de tous les éléments de réponse à ses questions.
Le problème ne réside pas tant dans la convention elle-même, de facture relativement classique, que dans le système juridique du Panama qui n'a pas suffisamment évolué, qu'il s'agisse de l'identification des actionnaires, du rôle des avocats, de l'absence de comptabilité des sociétés off-shore ou des titres au porteur.
Signer un accord avec ce type de pays signifierait que l'on est prêt à tout accepter. Certes, j'entends bien les préoccupations de Jean-Paul Emorine concernant les espérances ou les réalisations des grands groupes français à Panama. Mais, en ce domaine, n'a-t'on pas tendance à trop vivre d'espérances ? Et les entreprises françaises sont-elles irréprochables dans la façon dont elles abordent ces marchés ? Cela est bien entendu difficile à évaluer de l'extérieur, mais l'on peut s'interroger.
En conclusion, j'incline à suivre Mme la rapporteure , en observant qu'il ne serait pas étonnant que notre position différât de celle de l'Assemblée nationale au sein de laquelle ce texte est examiné par la commission des affaires étrangères, traditionnellement plus soucieuse de la qualité de nos relations diplomatiques que du contenu technique des conventions.
Quel que soit le sort qui sera réservé à ce texte après la commission mixte paritaire de lundi prochain, il est important que le Sénat puisse démontrer le sérieux qu'il attache à ce type d'accords internationaux ayant des incidences en matière de transparence financière.
Autoriser la ratification de la convention affecterait notre crédibilité, car nous enverrions ainsi un signal contraire aux déclarations du président de la République faites à Londres en 2009, puis à Cannes ainsi qu'à celles de Valérie Pécresse. Le fait est que le cadre non normatif du Panama empêchera la convention d'être appliquée. Certes, il est nécessaire pour le Panama qu'un douzième pays accepte de signer une convention de ce type, mais il n'est pas souhaitable que ce soit le nôtre.
Que la France leur serve de témoin de moralité serait très bon pour eux, mais pas pour nous...
Vous trouverez dans le rapport écrit, outre une analyse du système juridique du Panama et de ses particularités, des éléments concernant le nombre de requêtes adressées à ce pays par la France et le nombre de réponses obtenues ainsi, pour répondre aux interrogations de Jean-Paul Emorine, ainsi qu'une analyse de nos échanges économiques avec ce pays.
Il en ressort que les exportations françaises s'élevaient en 2010 à 640,8 millions d'euros, dont 431 millions pour la seule livraison d'un navire appelé à naviguer sous le pavillon panaméen, ce qui renvoie comme le savez à une problématique très particulière. Quant aux 750 millions de dollars d'investissements français réalisés dans le pays en 2009, ils ont consisté essentiellement en l'acquisition par GDF-Suez de la centrale thermique de Bahia Las Minas pour 700 millions, le reste étant réparti entre une vingtaine de filiales de grands groupes. Ces chiffres permettent de relativiser l'enjeu économique de nos relations avec le Panama, pays qui demeure dans la zone d'influence naturelle des Etats-Unis.
J'ajoute que la position que je vous propose ne constitue nullement une innovation. Elle s'inscrit, au contraire, dans la continuité du travail mené par la commission des finances depuis 2009.
Si cette position était suivie, la commission s'opposerait donc à l'adoption du texte lors de la séance qui aura lieu demain après-midi après les questions d'actualité au Gouvernement et au cours de laquelle chacun pourra exprimer son point de vue.
La commission décide de rejeter le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Panama en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu par quinze voix contre, aucune voix pour et deux abstentions.