La commission examine le rapport de M. Gaëtan Gorce et le texte qu'elle propose sur la proposition de résolution n° 381 (2011-2012), présentée par M. Bernard Piras au nom de la commission des affaires européennes, sur les propositions de directive « marchés publics » et « concessions de service ».
La commission des affaires européennes s'est penchée sur les marchés publics mais n'a pas souhaité se prononcer sur les conflits d'intérêts, sujet qui a beaucoup occupé notre commission ces dernières années. La résolution établie par M. Piras concerne trois propositions de directives, l'une sur les concessions de service, les deux autres sur les conditions de passation des marchés publics en général et dans les domaines de l'eau, des transports, de l'énergie, etc.
La proposition de directive sur les concessions de service a suscité une réprobation et un refus général, car son cadre juridique est contraignant au point d'affaiblir la capacité de négociation des autorités concédantes. La directive serait en outre source d'ambiguïté quant aux concessions d'EDF.
De leur côté, les propositions de directive sur les marchés publics comportent des points positifs. Ainsi, les petites entreprises pourraient bénéficier de formalités allégées, comme la faculté de fournir certains documents non plus avant, mais après la sélection des offres. Nous voyons en outre apparaître des dispositions favorisant l'environnement, comme la possibilité de prendre en compte le coût du cycle de vie des services, produits ou travaux à acheter. Il sera également possible d'exclure du marché les soumissionnaires qui ne respecteraient pas les normes environnementales ou sociales de l'Union européenne. Mais d'autres dispositions sont insatisfaisantes, comme les difficultés induites pour les collectivités territoriales par l'encadrement des partenariats public-public entre collectivités.
J'en viens au coeur du sujet : les conflits d'intérêts. La Commission européenne veut définir cette notion et faire de l'absence de tels conflits une condition de régularité des marchés. À cette fin, la proposition de directive sur les marchés publics comporte une obligation de déclaration à charge de toute personne ayant une influence sur l'adjudication. Cette déclaration énumérerait tous les intérêts privés directs ou indirects, personnels, familiaux, sentimentaux ou politiques des intéressés. Cette formulation pose des problèmes quant au respect de la vie privée : déclarer une liaison extraconjugale intéresserait sans doute nos ex-Renseignements généraux, mais faut-il en faire une nécessité pour les marchés publics ? Par liens « sentimentaux », faut-il entendre aussi la simple amitié ? Les liens d'intérêt politique interdiraient-ils à un élu de signer un marché avec une entreprise dont un dirigeant serait membre du même parti ?
Il reste toutefois que cette approche du sujet a le mérite d'aborder ce que j'appellerai « le conflit perçu ». La réflexion sur ce sujet mérite d'être engagée, mais pas au détour de cette directive aboutissant à ce que les conflits d'intérêts apparents soient susceptibles d'avoir des conséquences sur la validité du contrat mais, dans l'intention de la commission, pas sur le plan pénal. En droit français, le conflit d'intérêts n'est pas défini ; notre code pénal reconnaît cependant la prise illégale d'intérêts, le favoritisme, la corruption... La directive comporte dès lors un risque de débordement du contentieux pénal dans les juridictions administratives. En outre, nous ne pouvons nous satisfaire de notions comme l'intérêt familial ou sentimental, qui sont floues et imprécises.
La proposition de directive dispose que, si un conflit d'intérêts était déclaré ou découvert, il faudrait saisir une autorité de contrôle, dont le rôle n'est d'ailleurs pas clairement défini : conseil, information, sanction avec transmission éventuelle à la justice ?
Pour ces raisons, je vous propose un amendement tendant à obtenir que les conflits d'intérêts soient définis d'une façon objective, claire et proportionnée.
Nous devrons reprendre la réflexion sur ces sujets, en prenant en compte, dans un projet ou une proposition de loi, les conflits directs ou indirects, apparents ou cachés. Veillons à ne pas nourrir la suspicion de nos concitoyens.
Si je comprends bien, vous nous suggérez d'adopter la proposition de résolution, modifiée par votre amendement après l'alinéa 11.
Comme président de la commission des affaires européennes, j'ai fait voter il y a une dizaine de mois une résolution sur la proposition de directive relative aux concessions de service, qui faisait suite au Livre vert de M. Barnier, publié il y a environ un an. La commission des affaires européennes tenait à ce que les collectivités territoriales ne soient pas prisonnières d'une réglementation trop contraignante.
S'agissant des conflits d'intérêts, j'approuve sans réserve l'amendement présenté par M. Gorce.
J'adhère aux propositions formulées par la commission des affaires européennes en matière de concessions, car notre droit en ce domaine est précis, ancien et stabilisé.
Nous avons beaucoup travaillé sur les conflits d'intérêts, dont nous avions proposé une définition alternative (et différente de celle retenue par la proposition de directive) qui figure dans le projet de loi relatif aux fonctionnaires et aux ministres.
Nous voterons l'amendement présenté par M. Gorce.
Moi aussi. De nombreuses collectivités territoriales tendent à favoriser l'émergence d'entreprises à capital purement public. Or, la directive assortit une telle création de conditions plus contraignantes que celles formulées par la Cour de justice de l'Union européenne. En outre, plusieurs cours administratives d'appel limitent l'introduction de clauses sociales dans les procédures d'appel d'offres. Il serait donc peut-être utile de ne pas trop s'enfermer dans les conditions directes du marché pour déterminer les critères d'attribution. Je pense par exemple au coût du recyclage global. Nous utilisons tous des clauses favorisant les entreprises d'insertion. Je ne souhaite pas compromettre cette exception française.
Arc-boutée sur le refus de toute norme européenne encadrant les concessions de service, la position française me semble déraisonnable, car la nécessité d'une mise en concurrence suffit à justifier l'existence de règles communautaires. N'oublions pas que de grands concessionnaires français sont très compétitifs dans toute l'Europe. Ce combat d'arrière-garde est perdu d'avance.
D'autre part, le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur supralégislative à l'égalité des soumissionnaires devant la concurrence et au bon emploi des deniers publics. Or, les clauses sociales et environnementales peuvent porter, non sur le coeur du marché, mais uniquement sur ses conditions d'exécution. Elles ne peuvent donc entrer en ligne de compte que dans un second temps, à prestations égales et à coût égal, même si nous pouvons regretter cette restriction.
Je dois rappeler que nous sommes chargés non d'écrire la directive, mais seulement de voter une proposition de résolution incitant le gouvernement à défendre certaines positions dans la négociation.
Il reste que cette opinion officielle d'un Parlement national peut être prise en compte par tous les intervenants du processus aboutissant à la directive. J'insiste donc sur la lisibilité que notre position doit avoir à Bruxelles : il faut concentrer le tir comme le suggère M. Richard, malgré l'intérêt des observations formulées par M. Vandierendonck.
Je me rallie à ce point de vue, car l'argumentation de M. Richard est solide.
M. Richard a formulé des observations pleinement justifiées.
L'amendement n° 1 est adopté, de même que la proposition de résolution modifiée.
La commission entend une communication de M. Alain Richard sur la proposition de résolution européenne, présentée au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur le droit commun européen de la vente.
La commission des affaires européennes s'est penchée sur le projet de règlement tendant à unifier le droit européen des contrats. Le sujet n'a rien d'étrange ni d'artificiel, puisqu'il conditionne le bon fonctionnement du marché.
Comme toujours, les professions juridiques sont aux avant-postes de la réforme... En clair, elles sont debout sur les freins ! Toutefois, de nombreux échanges ont rapproché les points de vue. D'ailleurs, les modifications de notre droit civil proposées par le Gouvernement ont toujours été inspirées par la volonté d'harmoniser notre droit avec celui des pays voisins.
En l'occurrence, le projet de règlement annonce la couleur : d'autres contrats civils seront unifiés de la même façon par la suite.
L'idée du règlement repose sur deux postulats : l'émergence d'un contrat de vente européen sera favorable aux PMI pour l'accès aux marchés transnationaux ; il faut qu'un règlement européen donne aux cocontractants le choix entre un droit national et le droit européen.
La concertation préalable s'est passée dans de mauvaises conditions, la Commission européenne repoussant toutes les propositions alternatives. De même, l'étude d'impact n'est en réalité qu'un exposé des motifs un peu développé, qui ne prend en compte que les avantages de la mesure ; plusieurs groupes d'intérêts ont contesté la réalité des incidences positives annoncées.
Cette harmonisation par option entre un droit national et le droit européen est-elle autorisée par les traités ? Plusieurs Etats, dont la France, contestent sa conformité à l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union. Les juristes de la Commission estiment qu'il n'y a là aucune difficulté ; il est probable que les juristes du Conseil feront de même. Au demeurant, le droit communautaire offre déjà un choix pour le statut de la société européenne, mais le fait que le contrat de vente concerne tous les consommateurs relativise la portée de ce précédent.
Le débat est donc ouvert sur une forme d'harmonisation autre que la directive, dont la transposition est souvent victime de la mauvaise volonté ingénieuse d'un certain nombre d'Etats membres, dont, parfois, notre suprême République. Il ne me semble donc pas que l'idée d'harmonisation par voie de règlement soit à repousser.
Plusieurs groupes d'intérêts ont demandé que, si deux modalités de contrat sont proposées, la version européenne soit au moins aussi protectrice pour les consommateurs. Les associations de consommateurs, en particulier, sont très hostiles à l'alternative, car elles estiment que les vendeurs opteront systématiquement pour le régime le moins favorable aux consommateurs. Je ne comprends pas cette approche, qui revient à dire que les consommateurs ne peuvent peser sur les entreprises... UFC Que choisir ayant établi une liste de points sur lesquels la proposition de règlement protégerait moins que notre droit national, j'ai repris la demande d'un très haut niveau de protection par le règlement européen.
La deuxième observation est que le texte communautaire n'aiderait pas beaucoup les PME, qui doivent maîtriser le droit national et les pratiques commerciales des pays où elles souhaitent intervenir. Le sujet n'est pas abordé par la proposition de règlement. En France, seule la CGPME approuve le texte de la Commission européenne. De nombreux Etats membres sont mécontents, notamment en raison de l'insuffisante concertation préalable, mais il n'est pas certain que le texte soit enterré dès la première réunion du Conseil.
Je souhaite que la France défende des règles protectrices pour les consommateurs au lieu de combattre la base légale du règlement. Tel est le sens de la proposition de résolution.
Je n'ai pas grand-chose à ajouter, sinon pour insister sur le fait que l'harmonisation européenne devrait toujours être positive. Nous regrettons parfois les lacunes de notre législation, mais elle est souvent en avance sur celles d'autres États membres.
Nous connaissons tous la loi de Gresham : la mauvaise monnaie chasse la bonne. Et voilà que la Commission européenne jette quelque chose dans le système pour attendre l'harmonisation. Il est à craindre que la loi de Gresham s'y applique.
M'entretenant un jour des déchets nucléaires avec un homologue anglais, je l'ai entendu répondre que la pratique britannique était imposée par la partie non écrite de sa Constitution. À mes yeux, la protection de nos consommateurs s'appuie, elle aussi, sur la partie non écrite de notre Constitution.
Sachant que de nombreuses normes nationales s'ajoutent aux exigences communautaires, l'option pour un contrat de vente européen aura-t-elle une influence sur les normes applicables ?
N'oublions pas que notre droit des contrats est en cours de modification depuis fort longtemps. Faisons attention, car des tensions existent au niveau européen entre le droit anglo-saxon et le droit « continental ».
On peut discuter fort longtemps de la pertinence d'une alternative entre droit national et droit européen, mais n'oublions pas de raisonner par comparaison avec la directive et rappelons-nous que tout ce qui était facile à faire par cette voie de la transposition a été fait.
À mon avis, la loi de Gresham ne joue pas systématiquement : il n'y a pas de raison que la loi protectrice soit toujours écartée. Les associations de consommateurs partent perdantes lorsqu'elles pensent que le consommateur ne pourra choisir son droit. Il est vrai que le risque d'une mauvaise information du consommateur ne peut être écarté : nous avons tous coché sur Internet des contrats de vente sans en avoir lus les conditions.
Quant aux modifications de notre droit civil, tout ce qui est proposé par le Gouvernement a pour but d'aller vers l'harmonisation avec les pays voisins. Au sein de l'Union européenne, le droit continental a remporté beaucoup de succès. D'ailleurs, nul n'a contesté les 60 articles du projet de règlement, qui résultent largement d'un débat académique franco-allemand.
Monsieur Leconte, le projet de règlement ne s'applique pas aux marchés publics. Enfin, les normes applicables étant d'ordre public, elles s'imposent indépendamment du régime juridique régissant le contrat de vente.
Oui. Sauf que normalement, lorsqu'il y a harmonisation, il n'y a plus de norme nationale.
Non : il appartient aux deux cocontractants. L'acheteur peut changer de vendeur.
On peut bien sûr estimer que toute l'action des consommateurs a été vaine depuis un siècle, mais la réalité démontre le contraire.
Nous sommes très heureux d'accueillir parmi nous M. Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, dont je veux saluer l'engagement pour la protection des droits des personnes dans les lieux d'enfermement. La lecture du rapport d'activité pour l'année 2011 démontre l'ampleur de vos sujets de préoccupation et des propositions que vous formulez. Nul ne doute de la nécessité de votre institution dont nous nous réjouissons qu'elle ait conservé son autonomie. Vous connaissez par ailleurs l'attachement du Sénat à la loi pénitentiaire qui est encore loin aujourd'hui de trouver une application effective.
Nous avons souhaité cette année rendre public le rapport un peu plus tôt que les années passées afin de placer les sujets dont il traite en dehors de toute polémique liée aux prochaines échéances électorales. Parmi les éléments de contexte, je voudrais indiquer que nous avons effectué au 31 décembre de l'année passée 151 visites, ce qui nous permet désormais d'accumuler une réelle expérience sur les lieux d'enfermement. Nous avons aussi, pour la première fois en 2011, procédé à des visites systématiques dans différents établissements sur un même thème de sorte de pouvoir établir des comparaisons, notamment s'agissant du travail pénitentiaire. S'agissant des saisines, nous avons reçu, en 2011, 3 800 lettres qui concernent pour l'essentiel des établissements pénitentiaires et proviennent pour les trois quarts des personnes détenues elles-mêmes -mais encore trop peu, je le regrette, de leurs avocats. Je suis également très soucieux de la transparence de notre institution et je signale à cet égard que les dépenses de communication représentent 0,5 % de notre budget.
Les personnes privées de liberté sont parfois soumises à un certain nombre de pressions ou de tentatives d'intimidation de la part des agents qui en ont la garde visant à les dissuader de nous saisir. Je note également un sentiment d'impatience au regard des attentes suscitées par nos interventions. J'indique également que depuis quelques jours nous sommes en rupture avec un des principaux syndicats de l'administration pénitentiaire. Le contexte institutionnel de notre action a été marqué par la signature d'une convention avec le Défenseur des droits afin d'articuler de la manière la plus harmonieuse nos actions respectives. Je rappelle enfin que 836 000 personnes prennent chaque année le chemin d'un lieu de privation de liberté.
Parmi les thèmes qu'il nous a paru nécessaire de traiter plus particulièrement dans le rapport, figure en premier lieu la traçabilité. Nous sommes préoccupés d'un côté de l'insuffisance de traçabilité de certaines mesures de contraintes telle que la mise à l'isolement des personnes dans les hôpitaux psychiatriques et, de l'autre, du développement d'outils comme les fichiers nominatifs auxquels les personnes privées de liberté n'ont accès que dans des conditions imparfaites. Ainsi, les personnes détenues pourront-elles avoir connaissance des données contenues dans le cahier électronique de liaison, qui les concernent ? Selon nos informations, seules des données expurgées pourraient leur être communiquées, ce qui est tout à fait contraire à la loi informatique et libertés du 6 juillet 1978.
Si les personnes privées de liberté conservent leurs droits sociaux, elles n'en ont pas toujours la garantie effective. Tel est le cas, en particulier, lorsqu'elles doivent justifier de leur identité auprès des caisses d'assurance maladie alors même qu'il est difficile d'établir des documents d'identité en détention. Par ailleurs, la reconnaissance de la qualité d'ayant-droit d'une personne privée de liberté implique le rapprochement, souvent difficile en pratique, des caisses primaires d'assurance maladie.
Nous nous sommes également intéressés au travail en détention. Selon nos estimations, 27,7 % des personnes détenues travaillent et seule la moitié d'entre elles est effectivement appelée chaque jour au travail. En outre, les rémunérations ne sont pas conformes à ce que prévoit la réglementation : au sein d'un centre de détention, 35 à 40 % de personnes perçoivent un salaire inférieur au minimum prévu, au sein d'une maison d'arrêt, cette proportion s'élève environ à 90 %.
J'en viens aux fouilles en détention. Si la loi pénitentiaire a subordonné l'organisation de fouilles intégrales à l'existence d'un risque particulier, la circulaire du 14 avril 2011 a procédé à un glissement contraire à l'esprit de la loi en retenant que certaines situations étaient risquées par nature. Il en est ainsi par exemple du retour en détention d'une personne après un parloir. Sans doute la personne détenue d'apparence la plus innocente est-elle susceptible de porter avec elle un produit illicite dans la mesure où elle peut faire l'objet de pressions de la part d'un codétenu. Néanmoins, dans ces conditions, la systématisation des fouilles apparaît comme un aveu de faiblesse d'une administration impuissante à mettre fin à ces rapports de force entre personnes détenues.
Parmi les facteurs de transformation de la politique pénitentiaire, je voudrais souligner la prévention de la récidive qui semble prévaloir sur l'objectif de réinsertion. J'en vois le témoignage dans la réduction des crédits affectés à la formation professionnelle et aux activités socioculturelles. J'observe également le déclin du travail social. La priorité donnée à l'évaluation de la dangerosité ainsi que la massification des conditions de détention contribuent, à mon sens, à l'affaiblissement des efforts en faveur de la réinsertion.
Je souhaiterais dire quelques mots des considérations finales du rapport. Vous verrez que l'un des chapitres de ce document est consacré à la « désinvolture administrative » : j'ai eu le regret de constater que certaines administrations avaient une fâcheuse inclination à jouer avec la réalité, d'une part, avec la loi, d'autre part. Cela est tout à fait regrettable : la loi s'impose avant tout aux administrations chargées de la faire appliquer !
S'agissant du suivi des recommandations que nous avons formulées au cours des années passées, nous constatons avec satisfaction qu'un certain nombre d'entre elles ont été suivies par le législateur : la loi sur la garde à vue a inclus des dispositions sur la dignité des personnes ; la loi sur les soins sans consentement a encadré les conditions de l'hospitalisation d'office ; j'ai également noté avec grand intérêt que l'Assemblée nationale avait voté une proposition de loi relative au rapprochement des détenus de leurs familles. S'agissant de l'administration centrale, les choses évoluent également : un rapport de l'IGAS sur les unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) a repris un certain nombre de nos observations ; certaines préconisations concernant la détention et les biens des détenus ont été prises en compte. En revanche, un rapport de l'IGAS daté de février 2011 a recommandé, à propos des hôpitaux psychiatriques, un renforcement des dispositifs de sécurité de ces établissements qui nous paraît excessif par rapport à la réalité des risques encourus. S'agissant enfin du niveau local, de nombreux chefs d'établissements se sont appuyés sur nos recommandations pour réaliser des investissements ou obtenir des modifications de procédures : des cages grillagées ont disparu d'une maison d'arrêt ; un dortoir indigne a été fermé le soir même de notre visite ; le permis de construire du centre pénitentiaire de Nouméa a été enfin délivré, etc. D'autres sujets, en revanche, attendent toujours une issue, comme le statut de l'infirmerie de la préfecture de police de Paris.
En conclusion, je veux rappeler que, depuis l'origine, nous avons obtenu de l'ensemble des autorités - politiques comme administratives - un dialogue constant et transparent. Nous n'avons certes pas obtenu gain de cause sur tous les points, mais il est essentiel que ce dialogue se poursuive.
Je souhaiterais pour ma part vous interroger sur plusieurs points. J'ai été très intéressé par le chapitre de votre rapport consacré à la « désinvolture administrative » et je souhaiterais vous interroger sur le documentaire de Catherine Réchard - intitulé « Le déménagement » -, que j'ai pu voir à l'occasion d'une projection à l'Assemblée nationale et qui présente la situation de détenus dans l'ancienne et la nouvelle prison de Rennes. Ce reportage est extrêmement respectueux des personnes - qu'il s'agisse des détenus comme des personnels de l'administration pénitentiaire, qui ont tous donné leur accord à la diffusion de leur image. Pourtant, l'administration pénitentiaire persiste à refuser que ce film soit diffusé à la télévision. Je souhaiterais recueillir votre sentiment sur ce sujet qui me paraît fondamental au regard du droit à l'image.
Je souhaiterais également vous interroger sur les nouvelles prisons : il me semble que le choix du Gouvernement de créer un grand nombre de nouvelles places en prison empêchera le développement des solutions alternatives à l'incarcération et d'actions visant à préparer la réinsertion des détenus - alors que celles-ci constituent pourtant, à mon sens, le meilleur moyen de lutter contre la récidive.
Deux autres sujets suscitent mon intérêt : le centre de rétention de sûreté de Fresnes, d'une part, et la situation du centre pénitentiaire et du centre de rétention administrative de Mayotte, d'autre part.
J'aurais des centaines de questions à poser à M. le Contrôleur général, mais je tacherai de me limiter à quelques-unes... Je suis assez choqué de constater qu'en dépit de la loi pénitentiaire, l'administration pénitentiaire n'a pas évolué vers davantage de transparence ; l'impossibilité pour la presse d'accéder aux établissements pénitentiaires, par exemple, fut-elle accompagnée de parlementaires, contribue à la perpétuation d'un climat d'opacité.
Sur la question de la différenciation des régimes de détention, je peine à me faire une opinion définitive : d'un côté, je constate une tendance à aligner les dispositifs de sécurité sur le comportement d'une minorité de détenus posant problème ; d'un autre côté, je ne souhaite pas le retour des quartiers de haute sécurité. Quel équilibre peut-on trouver sur ce point ?
Sur la question de la prise en charge de la maladie mentale en prison, le Gouvernement envisage de développer l'expérience de Château-Thierry. Je rappelle que cet établissement pénitentiaire dispose d'une expérience remarquable en matière de prise en charge des détenus souffrant de troubles mentaux, grâce à la grande qualité de son personnel ; pour autant, ces personnes n'ont aucune qualification médicale. J'ai oeuvré, pour ma part, en faveur du maintien de cette structure et je suis favorable au développement de ce type d'expériences.
Les prisons ouvertes ne constituent pas une solution miracle, mais on peut convenir que l'établissement pénitentiaire de Casabianda, en Corse, est une réussite. Pourtant, ce type d'établissements n'est pas développé. Je regrette par ailleurs qu'en dépit de ce que nous avons demandé dans la loi pénitentiaire, on ne dispose toujours pas d'évaluations du taux de récidive des détenus par établissement pour peines.
Vos propos sur le travail en prison m'inquiètent. Je constate pour ma part une évolution des mentalités dans ma région : des entrepreneurs n'hésitent plus à s'engager dans cette voie.
S'agissant enfin des fouilles, je partage vos analyses. Il est profondément regrettable que la circulaire n'ait pas fait l'objet d'un recours ; l'attaquer par la voie de l'exception d'illégalité n'est pas la solution la plus simple...
Je souhaite tout d'abord remercier M. le Contrôleur général pour sa présentation. Ses propos sur la préférence donnée par l'administration pénitentiaire aux dispositifs d'évaluation de la dangerosité au détriment des actions de réinsertion suscitent mon inquiétude. Quelles mesures pourrait-on prendre pour inverser cette tendance ?
Je souhaiterais également vous interroger sur ces deux publics particuliers de détenus que sont les femmes d'un côté, et les mineurs de l'autre. Qu'en est-il en particulier des très jeunes enfants présents auprès de leur mère détenue ?
Lorsque nous avons débattu du projet de loi relatif à l'exécution des peines il y a quelques semaines, nous avons critiqué le choix du Gouvernement de construire des établissements pénitentiaires de grande taille. Cela nous a valu une vive réaction de l'administration pénitentiaire, qui considère que la taille des établissements n'est pas un problème puisque, notamment, ceux-ci sont divisés en petites unités : quelle est votre opinion sur ce point ? Je persiste pour ma part à penser que construire des établissements accueillant de nombreux détenus n'est pas un progrès.
Je souhaiterais également vous interroger sur les malades en prison : en dépit de la loi Kouchner, adoptée il y a dix ans, il y a une grande incertitude sur la situation des détenus atteints de maladies incurables. L'administration pénitentiaire est démunie. Certains détenus n'ont plus aucune autonomie, ce qui est difficilement supportable.
Concernant les fouilles, leur suppression semble poser beaucoup de problèmes aux personnels pénitentiaires, qui craignent pour leur sécurité. J'estime qu'il faut persévérer dans la voie que nous avons tracée dans le cadre de la loi pénitentiaire en trouvant une solution acceptable tant pour la dignité des détenus que pour les personnels.
Il me semble que vous ne traitez pas, dans ce rapport-là en tout cas, le problème de la formation des jeunes délinquants et plus généralement de tous les délinquants, et notamment le problème de l'apprentissage de la langue française. Vous abordez ce sujet à propos des centres éducatifs fermés, mais c'est assez rapide et le projecteur est plutôt braqué sur les personnels de ce type de centres. Voici mon premier sujet d'interrogation
Ma deuxième série de questions concerne la fonction de contrôleur général des lieux de privation de liberté elle-même. Lorsque votre mandat se terminera, comment voyez-vous l'avenir de cette institution après votre départ ? Quels rapports entretenez-vous actuellement avec le Défenseur des droits ? Sont-ils aussi importants que ceux que vous aviez avec le Médiateur de la République ?
Ma question est plus ciblée et délicate à formuler... Dans ma circonscription, la Manche, va ouvrir un établissement pénitentiaire de 500 places. Les personnes en charge du secteur du travail protégé pour les personnes handicapées s'inquiètent... Dans quelle mesure le travail en détention est-il susceptible de concurrencer le travail protégé des personnes handicapées ? le cas échéant, comment concilier les deux ?
Ma première question concerne l'hospitalisation d'office. De façon empirique, il me semble que les placements sous ce régime augmentent. Le confirmez-vous ? Ma deuxième question concerne la mort dans les établissements pénitentiaires, et particulièrement, le respect de la liberté religieuse dans ces circonstances. Quel pourcentage d'établissements dispose d'aumôneries ? Est-ce suffisant ? Y a-t-il des réticences ?
Je souhaiterais avoir votre sentiment sur les centres éducatifs fermés. Je pense, pour ma part, que cette institution est une réponse adaptée pour les jeunes en difficulté.
Votre rapport traite t-il de la question du prix des cantines ? Lors des travaux sur la loi pénitentiaire, nous avions observé de fortes disparités d'un établissement à l'autre, et nous avions conclu à la nécessité de la fixation d'un prix moyen. Y a-t-il eu, depuis, une homogénéisation des prix ?
Concernant le droit à l'image, et particulièrement la question de la diffusion du documentaire de Catherine Réchard intitulé « Le déménagement », laissez moi vous dire que le problème s'est posé, dans les mêmes termes, pour le film « À l'ombre de la République », qui suit les équipes du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Nous nous sommes heurtés, nous aussi, à l'administration pénitentiaire...
Alors que nous avions l'accord de toutes les personnes filmées pour une diffusion des images non-floutées, l'administration pénitentiaire a exigé que les visages soient brouillés, et ce, sans justification aucune. Or, la loi du 24 novembre 2009, qui pour moi n'appelle aucune critique, prévoit que l'administration pénitentiaire ne peut s'opposer à la diffusion d'images que si cela s'avère nécessaire à la sauvegarde de l'ordre public, à la prévention des infractions, à la protection des droits des victimes ou de ceux des tiers ainsi qu'à la réinsertion de la personne concernée. En l'espèce, elle n'a apporté aucune justification de ce type. L'administration pénitentiaire a donc méconnu la loi.
Sur le sujet des nouvelles prisons, c'est surtout dans le rapport de 2010 que j'ai dénoncé ce que j'ai appelé « l'industrialisation de la captivité ». Pour les personnes détenues, cela signifie une prise en charge de moindre efficacité et un isolement accru du fait de l'absence de relations humaines, lié notamment à la difficulté de circuler dans ces établissements, en particulier pour les personnels. En effet, leur architecture empêche les surveillants des différents étages de se voir. Ils ne montent plus dans les coursives car ils craignent, à juste titre, d'y aller seuls. Ils ne répondent plus aux appels des détenus, ce qui conduit inévitablement à un renforcement de l'agressivité et de la violence. Si l'on compare, nous ne l'avons pas encore fait, les manifestations violentes dans les anciens et dans les nouveaux établissements, on sera frappé par les différences qui sautent aux yeux.
Nous nous sommes créé, à moyen et long terme, des problèmes de gestion dans ces prisons. J'ajoute que j'ai visité un établissement nouveau où aucun surveillant ne voulait être affecté. L'administration a dû mobiliser toute une promotion de l'école nationale d'administration pénitentiaire (ENAP) pour occuper les postes. Il a fallu gérer 800 détenus qui ne se connaissaient pas entre eux, et des surveillants sans expérience, qui ne se connaissaient pas davantage. Ça a été une année extrêmement difficile pour cet établissement pénitentiaire. Il faut renoncer à ce modèle de prison.
Sur la question de la rétention de sureté, on ne peut pas dire que la première prise en charge sur ce fondement, en décembre 2011, ait été une réussite... Il n'y a pas eu assez de préparation dans la prise en charge de cette personne. Une série de questions s'est posée en matière de soin, en matière de parloir éventuel... l'administration pénitentiaire y a répondu comme elle a pu, au coup par coup. Il y a donc encore beaucoup de progrès à faire en la matière. On peut d'ailleurs s'interroger sur le bien fondé même de cette mesure.
Quant à Mayotte, l'administration pénitentiaire vient de décider un élargissement substantiel de l'établissement pénitentiaire de Majicavo. Il devrait donc y avoir de sensibles améliorations, dans les prochains mois, pour cette maison d'arrêt construite, pardonnez-moi l'expression, « à la coloniale » avec les cellules donnant sur la cour.
Sur le centre de rétention administrative, en revanche, rien ne bouge. Il y a déjà plus de trois ans, en décembre 2008, il m'avait été assuré qu'un nouveau centre allait être construit. Or, pour l'instant, rien n'a été fait. Il s'agit pourtant d'un centre dans lequel, si la durée de rétention est brève, elle se déroule dans des conditions épouvantables.
Pour répondre ensuite à M. Lecerf, sur la transparence de fonctionnement de l'administration pénitentiaire, la création du contrôleur des lieux de privation de liberté en 2007 a permis d'améliorer la transparence. Le seul fait que l'administration n'ait plus le monopole du savoir sur les établissements qu'elle gère marque déjà un recul de l'opacité.
Quant aux régimes de détention différenciés, ils sont l'expression du moindre intérêt porté à la réinsertion au profit de l'évaluation du risque de récidive et de la dangerosité des personnes détenues. À partir du moment où on cherche à identifier un profil de personnes, on justifie que leur traitement carcéral soit différent. Cette différenciation des régimes de détention va probablement s'accentuer.
Plus prosaïquement, il y a d'autres dangers. Le premier de ces dangers consiste à utiliser ces mesures comme sanctions disciplinaires, alors qu'elles ne présentent aucune garantie pour le détenu et relèvent de la seule responsabilité du chef d'établissement, sans consultation des commissions de discipline.
La deuxième dérive découle du fait qu'il y a, dans ces régimes fermés, un véritable mélange des genres. Elles sont demandées par certains détenus pour être protégés des agressions des autres détenus, mais elles sont aussi de véritables mesures de punition. Dans certains établissements, on met systématiquement en régime fermé, les détenus qui sortent de quartier disciplinaire.
J'ai vu des établissements où ces mesures ne dépassaient pas 15 jours et servaient d'avertissement « ante disciplinaire » mais c'est l'exception. J'ai surtout vu des régimes fermés « post disciplinaires » ou « para disciplinaires ». Finalement, on peut se demander ce que recouvre ce régime et quelles sont ses conditions de mise en oeuvre, d'autant que le juge administratif s'est déclaré incompétent pour connaitre des décisions de placement, ce que je regrette énormément.
Le principal problème est donc celui du passage entre les divers régimes de détention, marqués par différents degrés d'ouverture, au sein de chaque établissement.
Concernant le problème de la maladie mentale en prison, l'administration pénitentiaire peut le traiter de cinq manières différentes : le traitement médicamenteux, dont bénéficient 15 % à 20 % du total des détenus ; le transfèrement dans l'un des services médico-psychiatriques régionaux, qui ne peuvent accueillir que 20 à 30 volontaires ; l'hospitalisation d'office destinée aux personnes les plus gravement malades ou ayant fait une tentative de suicide - elle est en hausse de 50% sur quatre ans et peut constituer pour l'administration pénitentiaire une manière de se défausser de sa mission de prévention du suicide ; l'internement dans l'établissement de Château-Thierry : à cet égard je suis favorable à la création d'un deuxième établissement de ce genre, bien que nous n'ayons pas de garantie que sa direction et son personnel adopte les pratiques qui, selon moi, font le succès du premier ; les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), dont la deuxième vient d'ouvrir à Nancy. Ces solutions sont largement insuffisantes et le problème des 17 000 malades mentaux en prison subsiste.
Concernant le travail carcéral, certains investissements remarquables ont été accomplis, notamment par le MEDEF. Toutefois, les entreprises offrant de moins en moins de travail faiblement qualifié, on observe globalement une diminution très dommageable du travail en détention.
Je regrette que la circulaire relative aux fouilles corporelles n'ait pas été attaquée. Seule une exception d'illégalité pourra être soulevée à son encontre à l'occasion d'un recours d'un détenu contre un acte de fouille. La solution la plus simple serait de reconnaître que cette circulaire est contraire à la loi.
Par ailleurs, il convient de souligner qu'il y a, en détention, davantage de souffrance « existentielle » chez les femmes que chez les hommes, notamment parce qu'il y a de nombreuses mères séparées de leurs enfants. Les femmes détenues travaillent également moins souvent que les hommes : dans la mesure où elles constituent une minorité dans les établissements, ce sont en général les hommes qui bénéficient de l'implantation d'un atelier. En revanche, les tensions, les violences et les agressions, quoique réelles, sont moins prégnantes chez les femmes. Je mène actuellement une étude sur la répartition par sexe des permis de visite. Il semble que les deux tiers des visiteurs autorisés soient des femmes. Au-delà d'une simple corrélation avec le nombre supérieur d'hommes en détention, il est patent que les femmes sont plus nombreuses à prendre en charge leurs hommes incarcérés que l'inverse.
S'agissant des mineurs, soulignons d'abord qu'il n'y a pas de quartiers mineurs pour femmes, les femmes mineures étant détenues dans le quartier des majeures, ce qui pose d'ailleurs certains problèmes. De manière plus générale, je rappelle que je partage les conclusions du rapport de MM. Peyronnet et Pillet sur les centres éducatifs fermés et les établissements pénitentiaires pour mineurs.
Pour répondre à Mme Catherine Tasca, je constate une tendance forte du législateur, au cours des vingt dernières années, à mettre l'accent sur la dangerosité des détenus, dans l'espoir de mettre fin à la souffrance engendrée par certains crimes abominables. Pour m'exprimer franchement, je crois qu'il s'agit d'une illusion, dans la mesure où aucune analyse psychiatrique de la personnalité ne revêt véritablement de caractère prédictif. Ainsi, si environ 2% des violeurs récidivent, il est tout-à-fait impossible de repérer par avance deux récidivistes parmi cent condamnés. J'estime que nous abandonnerons cette optique lorsque nous nous rendrons compte que nous vendons des illusions à l'opinion publique.
Concernant les établissements nouveaux, les personnels sont du même avis que les détenus : bien que leur vétusté soit réelle, les anciennes prisons sont familiales alors que les nouvelles sont totalement anonymes.
Sur les maladies de longue durée, nous avons constaté que les soins d'urgence sont convenablement assurés, tout comme le traitement des maladies bénignes, nonobstant l'utilisation peut-être systématique du doliprane...
En revanche, la prise en charge des affections de longue durée, de plus en plus fréquentes à mesure du vieillissement progressif de la population carcérale et de la formation, dans chaque établissement, d'un noyau de personnes très âgées, est très défaillante. Ainsi, il est impossible d'avoir des dates précises d'extraction pour les séances de chimiothérapie, qui exigent pourtant une telle précision. Pour les lombalgies, il faut plusieurs mois pour obtenir un matelas supplémentaire. Les personnes se sentent souvent abandonnées.
S'agissant des fouilles, ce n'est pas pour des raisons de sécurité mais parce qu'elles sont essentielles pour maintenir leur autorité sur les détenus, que les surveillants sont très attachés aux fouilles systématiques. D'ailleurs, ces fouilles n'empêchent pas les règlements de compte ou le racket entre détenus. Lorsque la prison n'est pas en mesure de faire régner l'ordre public, il y a lieu de s'inquiéter.
Pour répondre à M. Patrice Gélard, je rappelle que les crédits de la formation professionnelle sont en baisse et que l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) s'est retirée l'année dernière des établissements pénitentiaires à cause d'une agression dont a été victime l'un de ses agents, ce que je regrette vivement. Par ailleurs, nous n'avons pas encore fait de bilan des unités d'enseignement. En revanche, il convient de souligner l'effet très positif des cours de Français « langue étrangère », qui apportent une indispensable connaissance de la langue à des détenus étrangers. Il existe toutefois globalement un déficit dommageable de formation.
Quant à l'avenir de l'institution du contrôleur général, c'est vous qui en déciderez. Je crois vous avoir dit, avant ma nomination en mai 2008, qu'il faudrait reconsidérer tôt ou tard son existence à l'aune des résultats obtenus. Pour les personnes en détention, il est difficile de s'adresser au défenseur des droits et l'un des grands intérêts de mon institution est de pouvoir effectuer des visites préventives, sans attendre les plaintes. C'est pourquoi je crois souhaitable de conserver cette institution.
Il n'existe pas d'étude sur la concurrence entre le travail pénitentiaire et le travail protégé. A l'évidence, il s'agit exactement du même genre de travail : façonnage, conditionnement, etc. L'implantation d'un établissement de très forte capacité dans un bassin d'emploi est problématique non seulement pour le travail protégé, mais pour le bassin d'emploi lui-même. Ou bien en effet le travail pénitentiaire est pleinement développé, et, s'agissant d'une région faiblement industrialisée, l'établissement affectera fortement le bassin d'emploi, ou bien le travail pénitentiaire ne fait pas concurrence mais alors il n'y aura pas de travail en prison. L'administration pénitentiaire devrait ainsi inventorier au préalable le bassin d'emploi dans lequel un nouvel établissement est implanté.
Le rapport présente les chiffres de l'hospitalisation d'office. Si celle des détenus a augmenté de moitié en quatre ans, celle des autres personnes a augmenté du tiers dans le même temps. L'hospitalisation à la demande d'un tiers est stable sur la période, mais l'hospitalisation d'office à la demande de l'autorité publique est en très forte augmentation depuis quelques années.
Notre appréciation des CEF est nuancée du fait de la grande diversité des situations que nous avons rencontrées : ils peuvent être un bon instrument s'il y a des éducateurs de qualité, si le projet éducatif est bien élaboré et si le soutien de la médecine de ville, des entreprises, des enseignants, etc., est réel. Ces conditions sont loin d'être toujours réunies. Ainsi, le CEF visité par le Président de la République le 9 septembre dernier a dû fermer quelques semaines plus tard. En revanche, certains CEF fonctionnent parfaitement bien. Je pense que le pari des CEF peut être gagné si la protection judiciaire de la jeunesse est très sévère sur les critères d'ouverture de ces établissements.
Pour répondre à Jean-Jacques Hyest, à chaque fois que nous rentrons dans un établissement, nous procédons désormais à un relevé systématique des prix de cantine, que nous comparons aux prix pratiqués dans les supermarchés des environs. Depuis le 1er janvier 2010, l'administration pénitentiaire veille à ce que ces prix, en particulier ceux des gestionnaires privés, présentent en moyenne un écart maximal de 10 % avec ceux du supermarché voisin. Toutefois, les prix varient également selon qu'il s'agit de la cantine des produits ordinaires, de la cantine d'urgence, de la cantine de Noël et du ramadan ou de celle permettant l'achat d'un ordinateur. Il reste que le prix d'un ordinateur en prison reste le double de celui du même ordinateur vendu à l'extérieur.
Mes collègues et moi vous remercions pour toutes ces informations. Nous sommes très attachés à l'institution que vous faites vivre avec votre équipe. Cette action de terrain, avec des centaines de visites, est très précieuse, et votre rapport constitue une véritable somme.
La commission procède à l'examen des amendements sur la proposition de résolution n° 446 (2011-2012) sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (E 7055).
L'amendement n° 1 a déjà été présenté lors de l'établissement du texte de la commission. Même avis défavorable que précédemment : le dispositif proposé concerne plus la proposition de directive que la proposition de règlement qui fait l'objet de notre proposition de résolution.
Je partage cette analyse. En outre, il n'est pas certain qu'il existe dans tous les cas et dans toute l'Europe une seule réponse à la question de la technologie la plus protectrice des données personnelles.
La commission adopte l'avis suivant :
Examen de l'amendement extérieur
MM. Patrice Gélard et Jean-Pierre Michel sont nommés co-rapporteurs sur l'évolution de la Cour Européenne des Droits de l'Homme.