La réunion est ouverte à 15 h 00.
La commission entend MM. Vincent Mazauric, directeur général adjoint des finances publiques, Mme Catherine Brigant, sous-directrice des missions foncières, fiscalité du patrimoine et statistiques (DGFiP) et Anne-Laure Lagadec, adjointe au chef de bureau chargé du cadastre, sur la révision des valeurs locatives des locaux professionnels.
Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.
La réunion est ouverte à 15 h 00.
La commission entend MM. Vincent Mazauric, directeur général adjoint des finances publiques, Mme Catherine Brigant, sous-directrice des missions foncières, fiscalité du patrimoine et statistiques (DGFiP) et Anne-Laure Lagadec, adjointe au chef de bureau chargé du cadastre, sur la révision des valeurs locatives des locaux professionnels.
La révision des valeurs locatives des locaux professionnels est un sujet sur lequel nous avons beaucoup travaillé. L'article 34 de la loi de finances rectificative pour 2010 en a fixé les modalités d'application. En 2012, la DGFiP a rendu un rapport sur les résultats de l'expérimentation conduite dans quatre départements ; Pierre Jarlier et François Marc, rapporteurs spéciaux de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », avaient préconisé une généralisation de la réforme et une adaptation de la législation, avec notamment un lissage des effets de la réforme sur cinq ans. Depuis 2012, la direction générale des finances publiques (DGFiP) a récupéré l'ensemble des déclarations des redevables afin de procéder à une simulation, dont les résultats figurent dans le résumé remis aux commissaires des finances.
C'est sur la base de ces résultats que le Gouvernement a présenté, à l'article 20 du projet de loi de finances rectificative, plusieurs modifications concernant les modalités de la révision.
Le sujet étant à la fois complexe et sensible, il nous a semblé utile d'entendre la DGFiP, pour nous présenter l'état d'avancement de cette réforme de très grande ampleur, les résultats des simulations et les étapes qu'il reste à franchir pour que cette réforme, voulue par tous, soit menée à terme.
Le rapporteur général a souhaité réserver l'examen de l'article 20 du projet de loi de finances rectificative sur ce sujet, afin de recevoir l'éclairage de la DGFiP par la voix de son directeur général adjoint, Vincent Mazauric, accompagné de Catherine Brigant et d'Anne-Laure Lagadec.
Je vous remercie d'entendre l'administration des finances publiques avant le débat sur l'article 20 auquel vous avez fait référence et qui marque pour nous un tournant. S'il était resté en l'état, l'application du texte de 2010, prévue pour 2016, aurait été difficile à faire accepter aux redevables en raison de l'amplitude des variations constatées. Nous avons conclu qu'il était juste sur un plan économique, fiscal et, partant, civique, de faire cette réforme mais en l'adaptant - d'abord par un report d'application prévu dans le texte initial du projet de loi de finances rectificative (PLFR), mais aussi à travers les modifications techniques introduites par voie d'amendement à l'Assemblée nationale.
Le vote du projet de loi de finances rectificative de décembre 2010 a donné le signal d'un travail technique très long, qui a commencé par un recensement, puis un débat a été conduit en concertation avec les élus locaux et les représentants des professionnels, et qui constitue le point de départ d'une simulation dont le compte rendu vous a été remis.
Je rappelle que le premier principe de cette révision est le coefficient de neutralisation : tant que la révision complète de l'ensemble des valeurs locatives (c'est-à-dire des locaux d'habitation et des locaux professionnels) n'aura pas été achevée, la part de la contribution des locaux professionnels restera constante dans les produits perçus par collectivités territoriales. Cette mesure est également un élément de compréhension de la suite du processus, puisque c'est dans cette constance que s'ajusteront certains équilibres que le PLFR modifie.
Nous avons classé les locaux par secteurs homogènes, en prévoyant des variations liées à la situation particulière ; nous avons ainsi appliqué un coefficient de localisation. La valeur locative a été appliquée à la surface, elle-même pondérée en fonction de sa forme, de son contenu, de sa productivité économique, de son usage, etc. L'année 2015 nous a permis, après l'immense travail de terrain auquel j'ai fait allusion, de réaliser des simulations. Elles ne sont pas parfaites.
Sans qu'à notre avis ceci gâte le résultat, on constate en particulier un manque d'environ 10 % dans le recensement conduit en amont, que nous comptons résorber en 2016. Lorsque nous avons commencé l'exploitation des données, en juin 2015, seuls 33 départements avaient achevé le recensement. Aujourd'hui, tous ont terminé et les différences économiques et financières ne sont pas considérables. La simulation a porté sur 2,5 millions de locaux sur un total de 3,3 millions potentiellement soumis à révision : c'est bien davantage qu'un échantillon.
Nous avons tiré de la simulation les constats suivants. Si l'on considère le nombre d'entreprises et de locaux concernés, les révisions à la hausse sont à peu près égales aux révisions à la baisse : 49,6 % contre 50,4 %. Sur la quarantaine de catégories définies, aucune ne compte que des gagnants ou des perdants. De même, aucune n'évolue de manière identique dans l'ensemble des départements.
Les résultats par catégorie ont fait beaucoup de bruit, je le comprends, mais il faut corriger certains propos. On relève une augmentation importante des valeurs locatives dans certaines catégories, notamment les établissements sanitaires et sociaux et les établissements d'enseignement. Pour les premiers, l'explication est historique : les références en vigueur remontent à 1968 ou 1969 ; les valeurs ont ensuite progressé par simple application d'un coefficient alors que les conditions d'équipement, d'hébergement et d'accueil connaissaient de profonds changements, d'où un potentiel d'augmentation important, si aucun ajustement n'est prévu.
Les commerces ont fait l'objet d'abondants commentaires ; on a dit que ceux des centres villes étaient particulièrement touchés par des augmentations importantes. Ce n'est pas vrai : ils verraient leur cotisation augmenter en moyenne de 6 %, soit beaucoup moins que d'autres catégories. Les commerces des centres commerciaux situés en périphérie, où les loyers sont très élevés, seraient bien plus affectés. C'est un marché qui n'existait pas voici quarante ans.
Il n'y a pas lieu de s'étonner de ces transferts : ils reflètent les évolutions des marchés et des activités depuis quarante ans. Cependant, il nous a semblé opportun de modérer l'amplitude des variations, afin d'en faciliter l'acceptation par les redevables et les collectivités territoriales.
En plus du report de l'entrée en vigueur de la réforme de 2016 à 2017, plusieurs ajustements ont été apportés par amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale, dont l'intention est d'approfondir certaines dispositions du collectif de 2010. Le lissage des variations de cotisations - à la hausse comme à la baisse - a ainsi été porté de cinq à dix ans. En se donnant un temps plus long pour prendre en compte les changements d'activité et d'affectation, les progrès technologiques, les transactions, on améliore la corrélation entre les changements de la vie économique et le système fiscal.
Des modifications ont aussi été proposées sur les valeurs locatives. Il s'agit de la base et non plus de l'impôt. On peut, grâce au coefficient de localisation, tenir compte de nuances dans une zone par ailleurs homogène. Les résultats des simulations nous invitent à augmenter l'amplitude potentielle de ces variations dès 2018.
Enfin, une nouveauté, déjà baptisée du doux néologisme de « planchonnement », consiste à réduire de moitié l'amplitude à la hausse et à la baisse des valeurs locatives - ce dispositif, qui concerne la valeur locative, s'ajoute au lissage de l'impôt. Il est possible de le faire tant que la révision n'a pas concerné les locaux d'habitation et que la totalité des sources de financement des collectivités n'a pas été recomposée. Le produit relatif aux locaux professionnels ne sera pas affecté ; mais l'addition de cet écrêtement de la valeur locative et de l'allongement du lissage de la cotisation auront naturellement un effet beaucoup plus stabilisant qu'une application brute de la réforme. S'agissant cette fois des produits perçus par les collectivités locales, qui demeurent constants en raison du principe de neutralisation, le lissage, au départ prévu à partir d'un certain seuil (en pourcentage ou en montant), se fera dès le premier euro de variation de cotisation, ce qui constitue également un facteur de stabilisation.
Enfin, certains travaux de révision ont pu produire des résultats aberrants au niveau local. Ainsi les valeurs révisées des carrières d'extraction, faute de référence pertinente, fluctuaient de manière incohérente selon les départements. Des corrections sont par conséquent indispensables, il est donc proposé au législateur de prévoir la possibilité de revoir certains calculs, les modalités de contrôle et de délibération au sein des commissions départementales demeurant inchangées.
Merci d'avoir rendu compte, avec des mots choisis, de l'évolution de ce dossier. Votre intervention était très attendue.
Vous avez fait mention d'augmentations importantes de cotisation du fait de la réforme, par exemple pour les établissements d'enseignement ou les centres sanitaires.
Le lissage sur dix ans et le « planchonnement » gomment les effets les plus importants de la révision : suffisent-ils à rendre la réforme soutenable pour les entreprises ? Et qu'en est-il des recettes des collectivités ?
Enfin, quand recevrons-nous le rapport sur les valeurs locatives des locaux d'habitation, et avez-vous reçu des retours sur l'expérimentation menée dans cinq départements ?
Votre synthèse de qualité nous a éclairés sur l'état des lieux de cet énorme chantier. Nous avions pu nous rendre compte, lors d'un séminaire de la commission des finances à Avignon en 2013, de la mobilisation qu'il impliquait de la part des agents et des commissions départementales. Si certains pouvaient avoir des inquiétudes, la réforme prend tournure pour le 1er janvier 2017. Le « planchonnement » proposé par le Gouvernement va dans le bon sens : les nombreuses anomalies constatées devaient être corrigées afin d'éviter que les mécontentements aient un fondement objectif.
En revanche, l'allongement du lissage à dix ans ne me paraît pas heureux ; ceux qui paient trop continueront pendant dix ans - je tenais le même raisonnement pour la dotation globale de fonctionnement (DGF) : ceux qui souffrent continueront à souffrir. Le « planchonnement » mérite peut-être quelques explications ; quoi qu'il en soit, en écrêtant, on évite les crises cardiaques à la vue de l'avis d'imposition ! Enfin, comment évaluer la productivité au mètre carré des locaux commerciaux ? Est-ce praticable par les commissions départementales ?
Plutôt que d'une révision d'ensemble, dont la mise en oeuvre sera complexe et demandera beaucoup de courage, je suis partisan d'aménagements au coup par coup, au fil des mutations. L'amendement en ce sens que le Sénat a adopté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 offrait un moyen de traiter progressivement le problème, mais aussi de prendre en compte les non-déclarations.
Raisonner à produit constant pour les collectivités me paraît bienvenu ; il est également heureux de reporter la mise en oeuvre de la révision au 1er janvier 2017 : ainsi, elle n'apparaîtra sur la feuille d'impôt qu'à la fin de l'année, après certaines échéances...
Je suis favorable au lissage sur dix ans pour tous les redevables concernés, à la hausse comme à la baisse : lors des regroupements de collectivités, nous harmonisons les taux sur douze ans. Mon avis sur le « planchonnement » est plus réservé : cela revient à s'arrêter à mi-chemin au lieu de revenir à la réalité des valeurs locatives.
Ma question est à la fois technique et politique. Les hausses de valeurs locatives ont deux causes identifiées : la vétusté de certaines bases et la sous-estimation des surfaces. Dans le système ordinaire, une révision à la hausse de ces dernières se traduit par une augmentation des recettes de la collectivité - c'est la richesse vive : l'augmentation des bases liée au développement économique. Pourquoi priver par le « planchonnement » la collectivité des bénéfices d'une hausse légitime, liée à la sous-estimation des surfaces ?
Voilà un dossier particulièrement compliqué. Je suis dubitatif quant à la composition des commissions départementales des valeurs locatives. À l'échelle d'une petite commune, la commission communale des impôts directs est en mesure de conduire une révision des valeurs locatives des habitations, en lien avec l'interlocuteur de la DGFiP ; pour les locaux professionnels, la tâche est tout autre. L'impact financier pour les petites communes peut être considérable.
C'est un chantier aussi vaste que complexe. L'augmentation des cotisations pour les valeurs locatives des commerces de centre-ville s'élève à 6 %. Les augmentations seront plus importantes dans les zones commerciales de périphérie, où les difficultés rencontrées ne sont pas les mêmes. Dans le contexte du manque d'attractivité des centres-villes, comment amortir le coup, qui pourrait être fatal ?
Merci pour cette présentation à la fois synthétique et précise. Pour avoir entendu Catherine Brigant s'exprimer devant des élus ou des associations d'entreprises, je sais combien le sujet peut être difficile. Vous avez pris en compte les remarques qui ont pu être formulées.
Je m'associe à la demande de Michel Bouvard sur les actualisations de surfaces après contrôle ; en toute justice, elles devraient se traduire en termes de recettes.
La question des relations avec les centres commerciaux a marqué l'exercice de la révision dans les départements. Les centres commerciaux en tant que tels - et non les commerces qui y sont hébergés - sont les grands gagnants. La question de la prise en compte des surfaces de parking s'était également posée. Pouvez-vous y revenir ? Je vous trouve quelque peu optimiste quant aux évolutions dont nous ne connaissons pas les causes.
Les maires sont particulièrement attentifs aux centres-villes. Comment assurer le lien entre l'augmentation de la taxe et la baisse des loyers ? L'équilibrage n'est plus assuré par le système commercial : comment faire en sorte que le propriétaire intègre dans le loyer l'augmentation future de la contribution ? Certains commerces auront de plus en plus de difficultés à se maintenir dans les centres-villes - un sujet majeur !
Avec l'application du coefficient de localisation, comment maintenir les recettes des collectivités ? Les rééquilibrages à la baisse doivent être compensés par des ajustements en sens inverse. Quant au « planchonnement », j'ai senti dans vos propos un balancement entre le nécessaire rééquilibrage et la recherche d'acceptabilité. Du coup, le « planchonnement » gêne l'explication, car le processus se fait au détriment de certains, au bénéfice d'autres. Les dix années de lissage n'auraient-elles pas suffi ?
Je salue votre performance pédagogique, et celle de l'administration qui a su tirer rapidement des enseignements des problèmes rencontrés sur le terrain. Merci aussi d'avoir accepté des corrections empiriques.
J'avais la même question que Claude Raynal sur la prise en compte des parkings. Sur la réduction d'amplitude liée au coefficient de localisation, restons-nous dans le système habituel ? Plus généralement, la révision se justifie dans l'intérêt de la péréquation nationale ; mais à partir de quand la réforme pourra-t-elle être utilisée comme un nouveau marqueur ?
Je m'associe aux félicitations : le rapport de synthèse est moins limpide que votre exposé. Pour les redevables, l'amendement du Gouvernement marque indéniablement un progrès ; mais pour les ressources fiscales, le lissage a un effet réel. L'étude d'impact sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) a mis en évidence des gagnants et des perdants au niveau des régions et des départements. Qu'en sera-t-il avec la nouvelle organisation territoriale ?
En tant que maires, nous attendions de la révision une augmentation des recettes.
C'est une mauvaise nouvelle ! Le problème de l'intégration par les grandes surfaces de leurs réserves dans les surfaces de vente n'a toujours pas été traité. C'est pourtant une question de justice. D'abord, entre les centres-villes et les galeries commerciales des périphéries, les valeurs locatives - le facteur dirimant - sont presque les mêmes. C'est totalement anormal. Ensuite, les centres-villes sont envahis par le tertiaire. Le système favorise l'inverse de ce que nous souhaiterions. Comment faire prévaloir l'aspect qualitatif et rendre les centres-villes plus attractifs ? La soutenabilité de la réforme, aussi souhaitable soit-elle, suscite des injustices. L'attractivité des centres-villes repose sur les commerces dont la CVAE est la plus faible.
J'ai participé, au sein d'une commission départementale, à la réforme de la valeur locative des biens en 1990 ; j'en ai vécu l'échec. Jusqu'à présent, les évolutions de la valeur locative étaient intégrées par les commissions communales des impôts quand les services de la DGFiP recevaient des régimes déclaratifs modifiant la situation des entreprises. Or certaines déclarations sont en décalage avec le terrain parce qu'il n'y a pas toujours eu de permis de construire.
Comment appréciez-vous la situation des entreprises qui transforment leur bien en société civile immobilière (SCI) plutôt que d'intégrer le coût foncier dans leur bilan ? Cela modifie sensiblement le calcul de l'impôt. Comment, également, tenir compte des travaux du locataire d'un local commercial, effectués au bénéfice du propriétaire sans répercussion sur le montant de la cotisation foncière des entreprises (CFE) versée par ce dernier ?
Enfin, votre rapport de synthèse montre que les plus grands bénéficiaires potentiels de la réforme sont les secteurs de la finance et de l'assurance, dont la CFE baisse de 13 % - contre une augmentation de 28 % subie par les établissements d'enseignement. Je m'associe à la question de François Marc sur l'évaluation de la productivité au mètre carré.
La disparition de bases fiscales essentielles pour les collectivités est à craindre. Dans un local de dix mètres carrés équipé de trois ordinateurs, on peut désormais vendre mille fois plus qu'un magasin qui stocke ses produits : c'est le e-commerce. On se contentera bientôt de mettre un seul exemplaire en exposition dans des sortes de showrooms, le contact avec le produit restant indispensable. De plus en plus de collectivités n'ont d'autre solution, face à la réduction des bases fiscales induite par ce phénomène, que de taxer encore davantage les commerces physiques. Quand intégrera-t-on la notion de flux dans la taxation ? En comparaison, la CVAE représente peu de chose. Ne peut-on réfléchir à une autre forme de fiscalité pour les collectivités ?
Je continue à craindre que les communes y perdent. Lors d'une réunion organisée dans ma ville, nous avons parlé d'une grande avenue commerçante qui sépare les Pavillons-sous-Bois de Livry-Gargan. Chez moi, le secteur de base qui sert à examiner l'homogénéité des loyers commerciaux est très petit, tandis que sur l'autre trottoir, il est beaucoup plus vaste, d'où des valeurs très différentes. Certes, des mécanismes corrigeront ces variations et le lissage interviendra sur dix ans, mais certains commerçants ne risquent-ils pas de s'étonner ? Et comment garantirez-vous aux communes qu'elles n'auront pas à supporter les corrections dans le temps ? Enfin, comme l'a demandé Michel Bouvard, que se passera-t-il si des surfaces non déclarées sont découvertes ? Il ne faudrait pas qu'elles entrent dans le mécanisme de lissage.
Nous avons eu ce matin un débat sur l'élargissement de la Tascom aux commerces construits avant 1960. Nous constatons des évolutions considérables dans le commerce, notamment dans le e-commerce et le mouvement devrait encore accélérer. Or, le e-commerce ne paye pas de taxe, d'où l'absence de recettes pour les collectivités. Votre rapport relativise les incidences géographiques, mais les zones rurales et les petites villes sont particulièrement touchées par cette révision, même si les montants en jeu sont à relativiser. Les collectivités ne risquent-elles pas une contraction de leurs recettes ?
Je partage vos remerciements avec tous ceux qui ont fait le travail sur le terrain.
Le rapporteur général et François Marc se sont interrogés sur la durée du lissage. Est-ce trop, est-ce trop peu ? Les variations pouvant atteindre 100 %, il nous est apparu utile de les corriger et d'adoucir la pente. Prévoir dix ans est moins injuste que le statu quo et nous nous conformons à la volonté du législateur de 2010.
La mise en oeuvre de la réforme ne change ni le cadre ni la référence à la valeur locative qu'elle rénove. Le remplacement de la taxe professionnelle notamment par la CVAE accroît la part de « l'économique », mais le système reste fondamentalement foncier. Bouleverser le système ? L'administration fiscale peut procéder à des simulations, mais terminons notre travail avant de passer au suivant.
Marie-France Beaufils s'inquiète des risques de fuite économique au sein du système actuel, avant même la révision : le portage d'un équipement par une SCI peut en effet donner un résultat complètement différent. Certains exemples récents nous préoccupent.
Le rapporteur général s'est interrogé sur la révision des bases des locaux d'habitation. Nous avons eu trop à faire avec le sujet qui nous occupe aujourd'hui pour publier en septembre le rapport que nous avait demandé le législateur. Nous le produirons début 2016 mais nous n'avons pas encore exposé les résultats techniques à notre ministre. Le travail de recensement s'est bien passé et il est achevé.
Vincent Delahaye suggère de réviser ces bases à chaque mutation. Pour ce qui concerne les locaux professionnels, le taux de rotation actuel est de 25 ans. Une révision tous les quarts de siècles ne serait ni suffisante, ni claire, ni juste. En outre, une telle mesure mériterait une analyse constitutionnelle.
Michel Bouvard s'est interrogé sur les augmentations de surface. Lors de la création d'un nouvel établissement, sa pleine valeur sera bien sûr prise en compte. Maintenant, comme hier et toute l'année 2016, nous pourrons faire des opérations de mise à jour. Nous devrons donner un coup de collier sur la valorisation sélective des locaux. En outre, le projet comporte en lui-même une mise à jour permanente, pour éviter la sédimentation que nous observons actuellement. Les commissions pourront être activement impliquées.
Antoine Lefèvre et Francis Delattre se sont interrogés sur l'impact de cette réforme sur l'attractivité des centres villes. Leurs commerces seraient moins affectés par l'effet brut de la révision que les petits commerces de périphérie. Même si une augmentation de la cotisation de 6 % n'est pas négligeable, son étalement sur dix ans serait plus supportable que sur cinq.
Les remarques de Claude Raynal et de Marie-France Beaufils sont au coeur du rapport entre un propriétaire et un locataire, mais la DGFiP ne peut répondre à cette problématique. Faut-il tenir compte de la variation d'un impôt sur le prix d'un loyer, faut-il valoriser la contribution du locataire à l'embellissement ou à l'équipement d'un local dont le propriétaire profitera ? La future révision ne modifie pas fondamentalement ces paramètres.
Philippe Dallier s'inquiète de la disparité des valeurs à la limite de deux communes. Certaines disparités s'expliquent car elles sont cadastrales. Dans le cadre de la révision, les secteurs homogènes pourront être transcommunaux. Si les commissions qui en délibèrent constatent une homogénéité entre les Pavillons-sous-Bois et Livry-Gargan, la réforme sera identique d'un côté et de l'autre.
La Charente-Maritime, le Nord, l'Orne, Paris et le Val-de-Marne sont les cinq départements « test » pour la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation. Nous n'avons pas pu publier le rapport prévu en septembre. Il y a 3,3 millions de locaux professionnels et plus de 47 millions de locaux d'habitation, mais l'expérimentation porte elle-même sur 3 millions de locaux.
La première séquence, descriptive, apportera beaucoup d'enseignements. Plus de 70 % des propriétaires ont retourné leur déclaration. Plusieurs questions étaient semblables à celles envoyées pour les locaux professionnels mais d'autres portaient sur le nombre de pièces, l'état des locaux et la date de construction. Lors de la campagne, plus de 70 000 propriétaires se sont déplacés (13 % des propriétaires concernés) et 60 % des contacts ont eu lieu par téléphone. Nous avons connu deux pics : au début de la campagne et en toute fin.
À ce stade, nous sommes très satisfaits du taux de retour. Dès le début de l'année prochaine, un rapport présentera des simulations chiffrées et des projections. Enfin, je vous rappelle que 60 % des Français sont propriétaires, ce qui permet de mesurer la difficulté à laquelle nous serons confrontés, puisque la valeur locative fait référence au marché locatif.
Le « planchonnement » est un mécanisme qui rendra la réforme soutenable. Son objectif est double : atténuer les effets de hausses et réduire l'effet d'aubaine de l'application du coefficient de neutralisation pour les locaux de très grande surface.
Une valeur locative, c'est une surface et un tarif ; toute variation est due à une modification du tarif, de la surface, ou des deux. Certaines des augmentations tiennent au fait que nous avions perdu de la matière à un moment donné : nous avons en partie retrouvé les informations grâce aux déclarations de révision. Les manières dont les surfaces sont comptabilisées actuellement et dans le nouveau système diffèrent, les pondérations n'étant pas identiques, de sorte que les décalages de surface sont dus soit à des matières qui manquent soit à l'effet de la pondération. Il ne nous a pas été possible de qualifier les 2,5 millions de locaux pour lesquels les surfaces ne correspondaient pas. En revanche, les cinq départements d'expérimentation nous ont donné l'occasion de déceler ces problématiques.
La plupart des augmentations de tarifs sont liées à un alignement sur les loyers de marché, ce qui est l'essence de la réforme. Il arrive toutefois que des locaux ne soient pas rattachés au bon local-type. La valeur locative de 1970 étant parfois sous-évaluée, les ressauts ou les baisses pourraient être très importants pour certains locaux. Nous avons choisi le « planchonnement » : l'effet d'aubaine des locaux qui gagnent est ainsi grignoté et redistribué aux locaux qui perdent, souvent du fait du coefficient de neutralisation. Nous avons voulu éviter qu'une valeur locative augmente ou baisse de plus de 50 %. Ce système s'applique aux valeurs locatives et dans l'enveloppe prévue pour les collectivités locales ; il n'a aucun impact sur leurs ressources, à la différence du lissage qui joue sur les cotisations et qui a un impact en cas de seuil, parce qu'il ne peut alors y avoir compensation. Certaines collectivités y gagnent et d'autres perdent. Ces deux dispositifs sont bien différents : pour éviter les effets sur les ressources des communes, nous proposons un lissage au premier euro, ce qui sera neutre pour les collectivités. Sur la partie planchonnement, la valeur locative va augmenter et diminuer dans une moindre mesure.
Ma question porte sur les sous-évaluations des surfaces actuelles, les erreurs déclaratives, la mauvaise appréhension de la qualité des surfaces principales et secondaires par le propriétaire. Depuis des années, des surfaces ont été créées, souvent à l'insu des élus et des services fiscaux, et les contrôles n'ont pas toujours été effectués. Ces sous-déclarations entreront-elles dans le planchonnement, ou seront-elles immédiatement prises en compte, ce qui bénéficierait aux collectivités ?
A l'origine, nous étions convenus que la réforme serait neutre pour les recettes des collectivités locales, sauf pour les mètres carrés supplémentaires. Or, si le planchonnement les prend en compte, nous sommes en contradiction avec ce principe de base.
Dans ma ville, deux entreprises déclarent des surfaces de vente comme réserves. Or, je n'arrive pas à une solution.
Il y a quelques années, dans la grande distribution, la cloison qui séparait la surface de vente de la réserve était appelée la « cloison coupe-feu une demi-heure ». Une fois l'huissier et les commissions de contrôle passés, elle tombait et plusieurs centaines de mètres carrés de plus étaient disponibles pour la vente, sans être taxés.
Depuis plusieurs mois, nous avons fourni à nos services des listes de comparaison de surfaces afin qu'ils procèdent à la vérification sélective de locaux : lorsque nos informations sont convergentes, la correction se fait sans plus de formalité ; dans les autres cas, nous demandons au propriétaire de confirmer sa déclaration. À l'issue de nos simulations, nous avons établi une nouvelle liste, car nous avons repéré les locaux pour lesquels les deltas de surface étaient très importants. Ainsi des réévaluations des valeurs de 1970 seront opérées. Les ressources des communes vont ainsi s'accroître dès 2016. En 2017, lorsque nous passerons d'un système à l'autre, nous prendrons en compte les valeurs locatives de 1970 revalorisées et ces surfaces seront planchonnées.
En raison des contrôles d'ajustement, une partie des surfaces va augmenter l'assiette taxable et les ressources des collectivités. L'autre partie n'apparaîtra que postérieurement et sera planchonnée, ce qui nous privera de recettes que nous pouvions légitimement escompter. Comme vos services sont très sollicités et que vos effectifs diminuent, je crains que le travail ne puisse être réalisé partout d'ici la fin de l'année.
En 2016, nous poursuivrons les contrôles. Nos équipes sont extrêmement mobilisées ; je puis vous assurer que les réintégrations seront nombreuses au cours de l'année à venir. Une fois intégrées, la valeur locative sera plus fidèle.
Ne serait-il pas possible que vous adressiez un courrier aux collectivités pour dresser un état des lieux ? Elles sauraient alors que le travail a été réalisé.
Dans ma commune, une société avait déclaré 10 000 mètres carrés et passé sous silence 5 000 mètres supplémentaires. J'ai obtenu gain de cause lorsqu'ils ont fait une déclaration d'intention d'aliéner (DIA), mais j'ai eu beaucoup de mal pour faire réintégrer ces surfaces par la commission. Utilisez les DIA pour vos contrôles.
Je ne saurais adresser à toutes les collectivités, monsieur Raynal, l'état que vous demandez. La production des bases prévisionnelles et la poursuite des travaux engagés constituent déjà des tâches considérables. Comme la confiance n'exclut pas le contrôle, je mobiliserai notre réseau lorsque vous estimerez nécessaire de vérifier des insuffisances de base. Je sais ne pas manquer un rendez-vous.
Dans le cadre de la révision des valeurs locatives prévue par la loi, nous effectuons des mises à jour permanentes. Les commissions interviennent à deux reprises pour faire vivre le système. La révision met en place de nouveaux paramètres d'évaluation, c'est-à-dire des tarifs, des secteurs locatifs homogènes par département et des coefficients de localisation. Ils pourront être modifiés : la loi prévoit des mécanismes pour les réajuster. La commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels (CDVLLP) sera saisie chaque année pour revoir les coefficients de localisation. Elle les modifiera après avoir pris l'avis des commissions communales et intercommunales des impôts directs locaux (CCID et CIID). Les coefficients de localisation arrêtés en 2017 pourront ainsi être modifiés dès 2018. Ensuite, lors du renouvellement des conseils municipaux, les secteurs locatifs homogènes pourront être redéfinis.
Combien avez-vous mobilisé de personnes au niveau central pour ce travail ?
Quatre personnes.
C'est admirable. Cette audition a été on ne peut plus précieuse.
La réunion est levée à 16 h 55.