Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de la Première ministre, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs se réunit au Sénat le mercredi 15 mars 2023.
Elle procède tout d'abord à la désignation de son Bureau, constitué de Mme Sophie Primas, sénateur, présidente, de M. Guillaume Kasbarian, député, vice-président, de Mme Anne-Catherine Loisier, sénatrice, rapporteure pour le Sénat, et de M. Frédéric Descrozaille, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.
Permettez-moi tout d'abord de souhaiter la bienvenue à nos collègues de l'Assemblée nationale pour cette commission mixte paritaire (CMP) sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs.
Je crois que le travail parlementaire a, une fois encore, fait toute la preuve de son efficacité concernant cette proposition de loi, qui a été largement enrichie. Je salue la qualité du travail réalisé par les parlementaires des deux chambres, et ce quelle que soit leur appartenance politique. Seuls trois mois et demi se sont écoulés entre le dépôt de cette proposition de loi par M. Descrozaille et notre réunion d'aujourd'hui. J'y vois là la confirmation de notre volonté commune de parvenir à un juste rééquilibrage des forces au sein des relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, qui plus est dans un contexte de forte inflation et de négociations toujours plus ardues. L'examen de ce texte aurait toutefois pu gagner en sérénité s'il n'avait pas été concomitant aux négociations annuelles.
C'est la troisième fois en cinq ans que nous sommes amenés à légiférer sur ce sujet, après la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, la loi Égalim 1, et la loi Égalim 2 en 2021. Je crois pouvoir parler au nom de tous ici en disant que ce n'est pas par fantaisie ou plaisir que nous le faisons, mais bien parce que les principaux acteurs de ces relations commerciales ne parviennent pas à s'entendre, ce qui nécessite l'intervention d'une forme d'arbitre. C'est d'ailleurs une spécificité française que nous pouvons regretter : dans les autres pays, les négociations se déroulent dans un climat, me semble-t-il, plus apaisé, et les pouvoirs publics ne sont pas obligés de préciser, à intervalle régulier, les règles du jeu.
Si ce texte comportait à l'origine un nombre réduit d'articles, les travaux législatifs ont conduit à y intégrer d'autres dispositions afin d'encadrer les promotions sur les produits non alimentaires et, plus encore, les pénalités logistiques, et de mieux protéger les matières premières agricoles dans les produits vendus sous marques de distributeurs (MDD).
Les réserves du Sénat sur l'efficacité du SRP+ 10 - le seuil de revente à perte - sont connues, et les rapports récents n'ont pas permis de les lever, bien au contraire. Toutefois, les différents apports à ce texte, qu'ils aient pour origine l'Assemblée nationale ou le Sénat, sont bienvenus et contribueront à mettre progressivement fin à la partie de poker menteur à laquelle se livrent industriels et distributeurs, et ce, de plus en plus souvent, sur la place publique.
Je rappelle qu'il ne peut y avoir d'accord partiel en CMP. Aussi, dans l'hypothèse où nous parviendrions à un accord final, celui-ci devra porter sur l'ensemble des articles du texte.
Les quelques divergences qui subsistent pourront, je l'espère, être dépassées, afin que cette CMP aboutisse à l'adoption d'un texte transpartisan et consensuel. Les concessions mutuelles sur lesquelles ont échangé nos rapporteurs sont de nature à dessiner une solution équilibrée, satisfaisante pour tous.
À la demande des rapporteurs, j'indique que l'examen des articles 2 et 3 est réservé à la fin de notre discussion.
L'examen de l'article 2 et de l'article 3 est réservé.
Je vous remercie, madame la présidente, de nous accueillir au Sénat afin que sénateurs et députés puissent trouver un accord sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, selon l'intitulé issu des travaux de la Haute Assemblée.
Je me félicite, tout d'abord, que nous puissions discuter d'un texte issu d'une initiative parlementaire, prouvant ainsi que tout n'est pas cadenassé par l'exécutif, comme certains aiment à le laisser entendre. Nos commissions respectives auront d'ailleurs l'occasion de travailler prochainement sur d'autres propositions de loi - je pense au texte portant sur la « zéro artificialisation nette » (ZAN) ou encore à une excellente proposition de loi visant à lutter contre l'occupation illicite des logements...
Dans le cas qui nous occupe, c'est notre collègue Frédéric Descrozaille qui a porté ce texte, s'inscrivant dans la lignée des lois Égalim 1 et Égalim 2. Avec Mme Anne-Catherine Loisier, ils nous rappelleront dans quelques instants les objectifs poursuivis et les évolutions que cette proposition de loi a connues lors de son examen par l'Assemblée nationale, puis par le Sénat.
Je voudrais affirmer ici l'absolue nécessité de donner à nos exploitants agricoles et à nos industriels de l'agroalimentaire les moyens de vivre décemment de leur travail et de préserver une production nationale. L'alimentation a un coût que l'on ne saurait brader !
Pendant des années, à l'Assemblée nationale et au Sénat, sur toutes les travées, nous avons déploré les faibles rémunérations des agriculteurs et dénoncé les pressions que la grande distribution impose aux industriels lors des négociations commerciales annuelles.
Certes, l'inflation affecte aujourd'hui le pouvoir d'achat des consommateurs, mais elle traduit aussi la hausse des coûts supportée par la filière. Si cette hausse ne peut être répercutée au nom d'une course au « toujours moins cher », ce sont tous nos producteurs nationaux qui en subiront les conséquences. Alors que nombre d'exploitants vont prochainement prendre leur retraite, il faut donner aux jeunes repreneurs l'espoir de pouvoir vivre convenablement de leur travail. Alors que nous préconisons la réindustrialisation et les circuits courts, il faut fournir à nos industriels des marges leur permettant d'investir, de rémunérer convenablement leurs salariés et d'embaucher.
Depuis 2017, nos deux commissions se sont retrouvées près d'une quinzaine de fois réunies en commission mixte paritaire. Nous n'avons échoué qu'à une seule occasion : lors de l'examen de la loi Égalim 1 ! Pourtant, cette loi a inauguré un changement de paradigme dans la construction des prix agricoles et, grâce à quelques ajustements postérieurs, nous pouvons désormais nous accorder sur le fait qu'elle a eu des effets positifs pour nos producteurs. Parvenir aujourd'hui à un accord permettrait d'oublier ce fâcheux précédent.
Nous sommes, une fois encore, réunis pour tenter de clarifier et de renforcer le cadre applicable aux relations commerciales entre industriels et distributeurs ; nous l'avons tous vu ces derniers temps, les tensions sont toujours présentes et certains n'hésitent pas faire l'étalage de leurs griefs respectifs sur la place publique, ce qui ne facilite pas la tenue de nos débats. C'est pour cette raison, rendue plus prégnante encore cette année avec le niveau d'inflation, que nous devons de nouveau assumer un rôle d'arbitre.
Je tiens tout d'abord à saluer le travail des députés, au premier rang desquels bien entendu l'auteur et le rapporteur de cette proposition de loi, Frédéric Descrozaille. J'ai eu grand plaisir à travailler avec lui tout au long du processus législatif, et je souhaite vraiment le remercier pour son écoute et la qualité de nos échanges. Les solutions que nous avons trouvées ensemble sur un bon nombre d'articles témoignent de notre volonté commune de parvenir à un texte consensuel, au service de l'intérêt général.
Les dispositions de la proposition de loi initiale sont majeures. Je pense bien entendu au fait d'inscrire dans le marbre qu'une partie importante de notre droit commercial est d'ordre public et que nul ne peut espérer le contourner en s'installant à l'étranger ou en prétendant négocier sous un autre droit ; je pense également à la poursuite de l'encadrement des promotions sur l'alimentaire, ainsi qu'au fait de faire évoluer les modalités de transparence entre industriels et distributeurs.
Comme l'a rappelé la présidente, les doutes du Sénat quant à l'efficacité du SRP+ 10, et donc quant à la nécessité de prolonger cette expérimentation, sont connus. Aucun acteur, aucun rapport, n'a démontré à ce jour son efficacité réelle en matière d'amélioration du revenu des agriculteurs ; certaines filières sont même perdantes, mais nous y reviendrons. En tout état de cause, le Sénat a souhaité mettre en évidence cette carence, sans pour autant perturber le déroulement des négociations commerciales en cours. C'est pourquoi il a adopté la prolongation de l'expérimentation du SRP+ 10 jusqu'en 2025. Persiste toutefois une légère différence d'appréciation quant au traitement qui doit être réservé à la filière des fruits et légumes.
L'article 3 est un autre article majeur de la proposition de loi. Le constat sur lequel il se fonde est entièrement juste. Aujourd'hui, en effet, le droit est trop silencieux quant à savoir ce qui se passe durant un préavis de rupture déclenché en cas d'absence d'accord entre les deux parties au 1er mars. L'auteur et rapporteur a entièrement raison de rappeler que ce vide, déjà peu sécurisant en temps normal, devient franchement problématique en période d'inflation du coût des intrants supporté par l'industriel. Le droit actuel permet au distributeur d'exiger d'être livré, durant ce préavis, à l'ancien tarif, c'est-à-dire celui de l'année n-1. Or, dans certains cas, ce tarif est déjà devenu caduc, car il coûte bien plus cher de produire en 2023 qu'en 2022.
Il était donc nécessaire de clarifier le droit sur ce point, et je salue le souhait de M. Descrozaille de s'y atteler. La solution proposée par le Sénat diverge de celle qui a été adoptée par l'Assemblée nationale, mais les deux rapporteurs sont animés par la même intention, à savoir qu'un fournisseur ne peut être contraint de livrer à perte.
Pour ce faire, le Sénat a adopté un dispositif qui évite trois écueils : l'obligation pour le fournisseur de livrer à l'ancien tarif, le risque de déréférencement des petites et moyennes entreprises (PME), et le risque de rupture d'approvisionnement, qui pourrait déboucher sur des rayons vides. Nous avons donc introduit dans le droit le fait que le préavis doit tenir compte des conditions économiques du marché. Ces conditions évoluant d'une année à l'autre, le distributeur ne pourra donc plus exiger l'application de l'ancien tarif.
Nous avons également prévu que, en cas de litige sur les conditions du préavis, le médiateur soit obligatoirement saisi pour trouver une solution consensuelle ; si cette médiation échoue, le juge devra tenir compte des recommandations du médiateur. Permettre à l'une des deux parties d'arrêter de livrer du jour au lendemain en cas de désaccord est porteur de risque, même si cette rupture intervient à l'issue d'une médiation. D'une part, le risque de rupture dans les rayons persisterait ; et, d'autre part, les distributeurs pourraient profiter de ce nouvel outil, à savoir la disparition du préavis, pour déréférencer sèchement et brutalement nombre de PME - de nombreux acteurs n'ont pas caché leurs craintes.
C'est la raison pour laquelle le Sénat a adopté une nouvelle version de l'article 3, qui nous semble la plus équilibrée possible, mais nous allons en débattre.
Je me félicite par ailleurs des nombreux consensus auxquels nous sommes parvenus, qu'il s'agisse de l'encadrement des promotions sur les produits non alimentaires, de la non-négociabilité des matières premières agricoles pour les produits vendus sous MDD, du cadre applicable aux pénalités logistiques ou de la pérennisation des conventions tripartites. Ces dispositions importantes et utiles sont de nature à améliorer grandement le cadre des relations commerciales et contribueront à une meilleure rémunération de nos agriculteurs.
Je tiens également à souligner sincèrement la qualité de nos échanges ; j'ai tout particulièrement apprécié le sérieux et l'exigence du Sénat sur ce texte. Je me félicite des avancées réalisées en séance sur l'encadrement des promotions sur les produits non alimentaires, sur les pénalités logistiques, sur la non-négociabilité des matières premières agricoles pour les produits vendus sous MDD. Au-delà des deux articles sur lesquels nous ne sommes pas encore parvenus à nous accorder, le corpus de dispositions adoptées est extrêmement attendu. La complémentarité des deux chambres fait honneur au travail parlementaire.
Permettez-moi de revenir sur trois points.
Le calendrier n'était pas idéal, j'en suis conscient. Je me félicite néanmoins que nous ayons pu débattre à l'abri de la fureur ambiante. Ce calendrier est lié, vous le savez, à la fin des expérimentations le 15 avril ainsi qu'à l'inflation - le terme est, selon moi, impropre, car nous ne subissons pas une hausse généralisée des prix qui porte atteinte à la valeur de la monnaie - ou, plutôt, à la flambée des prix. Nous avons su travailler en bonne intelligence. Même si la lutte contre la vie chère reste une priorité de l'action du Gouvernement, que nous soutenons, il importait que nous portions cette initiative qui permet à des entreprises de dégager suffisamment de résultats pour investir, mieux recruter et mieux rémunérer. Je me félicite que nous ayons avancé de manière constructive pour aboutir, je l'espère, à un consensus.
Permettez-moi d'évoquer l'article 2.
Je salue les débats que vous avez eus sur le SRP+ 10 et le message que le Sénat a envoyé aux acteurs ; nous pouvons partager vos réserves. J'insiste sur l'importance de faire part au Gouvernement et aux distributeurs de notre exigence de mieux connaître, en tant que parlementaires, l'utilisation et l'utilité de ce mécanisme. Je remercie le Sénat de prolonger l'expérimentation au moins jusqu'en 2025, car tous les fournisseurs ont indiqué que la fin de cette expérimentation leur serait directement préjudiciable - cela en dit long sur la négociation commerciale en France !
C'est pourquoi il importe de trouver un subtil équilibre entre le maintien de la liberté du commerce et le cadre légal dans lequel elle doit s'exercer.
La filière fruits et légumes pose question. Nous sommes fondamentalement d'accord pour lui permettre de se prononcer sur la possibilité de bénéficier ou non du SRP+ 10. Je suis défavorable au principe de mentionner dans un texte de loi une filière spécifique. En tant qu'ancien directeur général de l'interprofession des fruits et légumes frais, je puis vous dire que cela revient à détériorer le dialogue interprofessionnel. Lorsque l'une des quatorze personnes morales que comprend cette interprofession se voit court-circuiter parce que ses partenaires ne l'ont pas convaincue, elle sera moins bien disposée la fois suivante à négocier si le législateur intervient.
Concernant l'article 3, c'est un exercice délicat.
Nous pouvons converger sur l'objectif, mais le risque de déréférencement doit être absolument conjuré. La version adoptée par l'Assemblée nationale a fait au moins un mécontent bruyant, la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (FEEF). La version adoptée par le Sénat a également fait des mécontents, l'Institut de liaisons des entreprises de consommation (Ilec), l'Association nationale des industries alimentaires (Ania). Il convient de trouver une rédaction à mi-chemin entre les deux versions, afin de donner de la liberté aux acteurs, de conjurer le risque de déréférencement, tout en incitant les acteurs à trouver un accord avant la date butoir. Tel est l'objet de la discussion que nous allons avoir.
Pour conclure, je tiens à renouveler mes remerciements, car il a été humainement très enrichissant de travailler aux côtés de Mme la rapporteure.
EXAMEN DES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION
Article 1er
La proposition commune de clarification n° 1 des rapporteurs est adoptée.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 2 bis A (nouveau)
Nous vous proposons de maintenir la rédaction telle qu'adoptée par le Sénat.
La commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a introduit une disposition visant à supprimer l'expérimentation en matière de convention tripartite.
Je me permets d'anticiper un peu.
Organiser une convention annuelle ou tripartite est une faculté ouverte dans les négociations commerciales. Les expériences en cours dans plusieurs filières spécifiques sont prometteuses. Le cas échéant, dans le cadre d'un projet de loi de finances, le législateur pourra décider de favoriser ce type de convention, qui nous semble exemplaire.
La proposition commune de rédaction n° 3 des rapporteurs est adoptée.
L'article 2 bis A est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 2 bis B (nouveau)
La proposition commune de rédaction n° 4 précise que l'interdiction de la discrimination tarifaire s'applique, au sein des relations commerciales, à tous les produits de grande consommation.
La proposition commune de rédaction n° 4 des rapporteurs est adoptée.
L'article 2 bis B est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 2 bis (supprimé)
La proposition commune de rédaction n° 5 maintient la suppression de l'article 2 bis, la demande de rapport relatif au SRP+ 10 qui doit être remis au Parlement par le Gouvernement ayant été introduite au sein de l'article 2.
Nous convergeons vers cette exigence à l'égard du Gouvernement et des distributeurs, que vous avez introduite, pour que nous ayons une fine connaissance de cette règle. La grande distribution n'a jamais répondu à toutes les questions que nous lui avons posées à plusieurs reprises. Nous avions précisé que ce rapport devait porter notamment sur la répartition des marges. La rédaction que vous avez adoptée diffère quelque peu, mais j'insiste sur le fait que nous avons besoin d'en savoir plus sur le fameux ruissellement pour vérifier si cette marge offerte aux distributeurs ne leur profite pas exclusivement. Telles sont les informations que le Gouvernement et les distributeurs doivent nous transmettre.
Nous avons le même objectif : nous précisons que nous souhaitons connaître l'usage des marges créées par le SRP+ 10.
Le groupe Socialistes et apparentés a défendu certains points avec force. Nous avons des doutes sur la capacité de ruissellement du SRP+ 10. Le partage de la valeur nous tient à coeur. La rédaction adoptée par le Sénat me semble moins forte. Nous proposions que le Gouvernement remette au Parlement « avant le 1er octobre de chaque année un rapport évaluant les effets du présent article sur la construction des prix de vente des denrées alimentaires et des produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie. Ce rapport présente notamment les effets relatifs au seuil de revente à perte majoré et évalue la création de valeur résultant de cette mesure ainsi que sa répartition entre les différents acteurs concernés, filière par filière. » Nous prenions bien en compte les industriels. Or la rédaction actuelle ne parle que des distributeurs et des producteurs.
Si l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires est associé à l'élaboration des prix, comme nous le proposions, la rédaction de l'Assemblée nationale me paraît plus pertinente. J'y insiste, j'aimerais que cette rédaction soit prise en compte.
L'impact du SRP+ 10 se traduira dans les relations entre le distributeur et l'industriel, et il est mesurable, en dépit de ce que disent les distributeurs. Dès lors que l'on saura comment le SRP+ 10 sera ventilé, on pourra en tirer des conclusions. L'objectif de clarification et de transparence des marges me semble rempli.
Aux termes de l'article 2, le rapport présente la part du surplus de chiffre d'affaires enregistré à la suite de la mise en oeuvre du SRP+ 10. Il détaille la part du chiffre d'affaires supplémentaire qui s'est traduite par une revalorisation des prix convenus entre les distributeurs et leurs fournisseurs, et celle qui s'est traduite par une baisse des prix de vente à la consommation par un reversement aux consommateurs.
La proposition commune de rédaction n° 5 des rapporteurs est adoptée.
L'article 2 bis est supprimé.
Article 2 ter A (nouveau)
La proposition commune, rédactionnelle, n° 6 des rapporteurs est adoptée.
L'article 2 ter A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 2 ter BA (nouveau)
La proposition commune de clarification n° 7 des rapporteurs est adoptée.
L'article 2 ter BA est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 2 ter B (nouveau)
La proposition commune de clarification n° 8 des rapporteurs est adoptée.
L'article 2 ter B est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 2 ter
La proposition commune de rédaction n° 9 vise à rétablir l'article dans sa version adoptée par l'Assemblée nationale, et j'en remercie Mme la rapporteure. Cet article permet de pérenniser les dispositions de la loi Égalim relatives à l'expérimentation de labellisation des conventions interprofessionnelles alimentaires territoriales.
La proposition commune de rédaction n° 9 des rapporteurs est adoptée.
L'article 2 ter est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 3 bis A
Article 3 bis B (nouveau)
La proposition de rédaction commune n° 13 précise que la résiliation de la convention logistique n'entraine pas la résiliation de la convention unique. Même si je comprends les motivations de distinguer les deux conventions, il ne faut surtout pas porter atteinte au principe adopté lors de la loi Égalim 2 selon lequel les pénalités logistiques sont fondées sur un préjudice économique qui doit être prouvé et aucunement sur un manquement contractuel.
Nous adhérons à ce principe.
La proposition commune de rédaction n° 13 des rapporteurs est adoptée.
L'article 3 bis B est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 3 bis
La proposition commune de rédaction n° 14 précise que la preuve du manquement justifiant l'application des pénalités logistiques par le distributeur doit être apportée au fournisseur dès l'envoi de l'avis de pénalité logistique, qui précède l'envoi de la facture.
Par ailleurs, concernant la possibilité pour le Gouvernement de suspendre l'application des pénalités logistiques en cas de crise affectant les chaînes d'approvisionnement, cette proposition de rédaction prévoit qu'une telle suspension soit édictée par décret en Conseil d'État, et non pas par arrêté ministériel.
La proposition commune de rédaction n° 14 des rapporteurs est adoptée.
L'article 3 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 3 ter A (nouveau)
La proposition commune de rédaction n° 15 maintient la rédaction de cet article telle qu'adoptée par le Sénat.
L'exposé des motifs évoque les clauses pénales qui figurent dans les contrats des grossistes. Ce n'est pas un retour sur le principe de droit adopté par la loi Égalim 2. C'est bien le préjudice économique du grossiste par rapport à son client qui justifie l'exemption des grossistes du champ d'application des articles relatifs aux pénalités logistiques. Il ne faudrait pas que les distributeurs se servent d'un exposé des motifs pour arguer que les clauses contractuelles permettent de prononcer des pénalités logistiques.
Je profite de l'occasion pour remercier nos collègues du travail réalisé sur les grossistes. Nous avions collectivement oublié quelques effets collatéraux de la loi Égalim 2.
La proposition commune de rédaction n° 15 des rapporteurs est adoptée.
L'article 3 ter A est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 3 ter
Article 4
La proposition commune de rédaction n° 17 précise que la méthodologie employée par le fournisseur pour déterminer l'impact sur son tarif de l'évolution du prix des matières premières agricoles doit être transmise uniquement au tiers indépendant, et non au distributeur. Elle procède par ailleurs à quelques ajustements rédactionnels.
La proposition commune de rédaction n° 17 des rapporteurs est adoptée.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 4 bis A (nouveau)
La proposition commune de rédaction n° 18 maintient la rédaction de cet article telle qu'adoptée par le Sénat. Je salue cette pièce maîtresse de la loi d'autant que les MDD vont prendre de l'importance.
Je rappelle que cela rejoint ce que Daniel Gremillet et moi-même disions déjà dans le cadre de la loi Égalim 1. Il est normal que nous finissions par faire entendre la voix de la raison !
La proposition commune de rédaction n° 18 des rapporteurs est adoptée.
L'article 4 bis A est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 4 bis
Il s'agit du champ d'application de la clause de révision automatique des prix dans les conventions entre fournisseurs et distributeurs.
La proposition commune de rédaction n° 19 des rapporteurs est adoptée.
L'article 4 bis est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 5
L'Assemblée nationale avait prudemment évoqué une habilitation pour travailler à la création, qui est vraiment utile, du régime des grossistes dans le code de commerce.
J'ai une totale confiance dans le travail que le Sénat a réalisé sur ce point. Je me félicite que, plutôt qu'une habilitation, nous créions dans le dur la codification de ce nouveau régime.
La proposition commune de rédaction n° 20 des rapporteurs est adoptée.
L'article 5 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 6
L'article 6 concerne les marchés des céréales et prend en compte les spécificités des marchés de vente à terme : il prévoit de sortir les céréaliers de la clause de renégociation.
Je me souviens d'avoir eu ces discussions lors d'Égalim 2.
La proposition commune de rédaction n° 21 des rapporteurs est adoptée.
L'article 6 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 7
La proposition commune de rédaction n° 22 des rapporteurs est adoptée.
L'article 7 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 8 (supprimé)
Nous proposons de maintenir la suppression de l'article 8, qui prévoit la remise d'un rapport devenu redondant avec le contenu de l'article 3 ter.
La proposition commune de rédaction n° 23 des rapporteurs est adoptée.
L'article 8 est supprimé.
Je propose que les positions du Sénat et de l'Assemblée nationale soient présentées sur les articles 2 et 3. Il me semble qu'il y a quelques arguments à échanger à leur sujet...
Sur l'article 2, il me paraît nécessaire d'échanger sur deux points.
La question se pose de distinguer les dates pour la reconduction des deux mesures expérimentales que sont le SRP+ 10 et l'encadrement des promotions. Il serait, de notre point de vue, plus cohérent de laisser la même date, à savoir 2026, même si j'ai compris pourquoi le Sénat retenait 2025.
S'agissant de la mention de la filière fruits et légumes, je répugne à arbitrer à la place d'une interprofession, qui est un interlocuteur de l'État. Nous en attendons beaucoup. Nous savons que, à l'intérieur de l'interprofession, le débat est très difficile et que ses quatorze membres ont du mal à se mettre d'accord. L'essentiel est de maintenir la possibilité, pour l'interprofession, de demander au ministre de déroger ou de se voir appliquer le SRP+ 10.
Si je ne conteste pas les études qui montrent que le SRP+ 10 a été payé par les producteurs par un « prix psychologique », il y a tout de même des acteurs, au sein de ces filières, qui contestent cette idée et revendiquent de pouvoir mieux commercialiser en bénéficiant du SRP+ 10 pour une partie des producteurs. Pour une partie des producteurs, le SRP majoré est, en quelque sorte, un effet du coefficient multiplicateur. C'est demandé de très longue date par une bonne partie du syndicalisme agricole.
En cela, je préférais que nous ne tranchions pas, en ne mentionnant pas cette filière dans le texte de loi, et qu'on laisse aux acteurs de la filière la responsabilité de juger de ce qui est préférable pour l'économie de cette filière.
Sur l'article 3, la version que je présente consiste à laisser la possibilité au fournisseur, en cas de désaccord au 1er mars, de choisir entre la protection du préavis, tel que défini à l'article L. 442-1 du code de commerce, ce qui permet de conjurer le risque de déréférencement que dénonçaient un certain nombre de PME, et le fait de ne pas être dans l'illégalité en arrêtant de livrer, ce que font un bon nombre d'industriels à l'heure où nous parlons, et pas seulement des multinationales - c'est aussi le cas de certaines entreprises de taille intermédiaire (ETI). Ce choix laissé au fournisseur est une dissymétrie. Dans l'article que je vous propose, le distributeur ne pourrait pas invoquer l'article L. 442-1 pour profiter d'un préavis si son fournisseur arrête de le livrer parce qu'il n'y a pas eu d'accord.
Le risque constitutionnel que nous prenons au regard de l'égalité devant la loi et de la liberté contractuelle est, pour moi, très raisonnable. Dans sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel permet de déroger à l'égalité de la loi avec une constance absolue lorsque l'intérêt général est évoqué. En l'occurrence, il l'est, puisqu'il s'agit d'éviter des déréférencements et des ruptures commerciales massives. Il permet aussi d'y déroger en cas de traitement différencié de situations différentes. C'est tout l'objet du livre IV du code de commerce. Évidemment qu'il existe des situations différentes entre distributeurs et fournisseurs ! C'est pour cela que nous nous penchons régulièrement sur le cadre légal de cette négociation. L'écart que représente un client ou un fournisseur dans le chiffre d'affaires d'une entreprise justifie qu'il y ait une dissymétrie dans l'approche de l'échec de la négociation et de ses conséquences sur la relation commerciale.
Pour terminer, la rédaction que je vous propose a le mérite de faire l'unanimité au sein des fournisseurs. Il n'y a plus de fédération de fournisseurs qui émette des réserves sur cette version.
Sur l'article 2 et la date de 2025, la stratégie du Sénat est de faire peser une réelle pression sur les distributeurs, puisque, depuis quatre ans, pour une somme estimée à près de 2,8 milliards d'euros, le SRP+ 10 n'est pas transparent. Pour nous, la date de 2025 incarne la continuité de cette volonté de mettre une pression sur le distributeur et de créer un rendez-vous qui soit le plus proche possible.
Sur la filière des fruits et légumes, nous pensons qu'il est nécessaire de légiférer, puisque l'interprofession ne parvient pas à s'entendre. Il y a, aujourd'hui, au sein de cette interprofession, un blocage pour la sortie d'un nombre de produits - on en connaît l'impact dramatique.
C'est en raison de ce blocage que nous avons renversé les choses : nous proposons de sortir l'intégralité de la filière et de laisser la possibilité à ceux qui le souhaiteraient d'entrer de nouveau dans le système du SRP+ 10. La liberté est donc bien donnée aux acteurs de l'interprofession.
Sur l'article 3, je vais redire la proposition du Sénat.
Imaginons qu'à fin février, il n'y ait pas eu d'accord entre les parties. Le Sénat a donc proposé aux parties de travailler sur un préavis de rupture. La proposition singulière du Sénat était de dire que ce préavis devait impérativement tenir compte des conditions économiques du marché, c'est-à-dire d'un certain nombre de paramètres tangibles, comme l'inflation, qui sont autant de garanties, pour le fournisseur, que la réalité de la conjoncture et de l'évolution des prix sera prise en compte, mais aussi intégrer l'évolution des matières premières agricoles.
Cette proposition s'inscrit dans le cadre d'une expérimentation de trois ans, durant laquelle, en cas de désaccord, les parties peuvent solliciter le médiateur pour conclure ce préavis.
En cas de succès de la médiation, le prix s'applique rétroactivement : on revient au 1er mars. Il n'y a donc plus aucun intérêt, pour le distributeur, à faire traîner la négociation, puisque, de toute façon, elle s'appliquera au 1er mars. En cas d'échec, les parties doivent négocier entre elles les conditions du préavis, en tenant compte, une fois encore, des conditions économiques du marché. Par conséquent, même dans la phase ultérieure, nous encadrons une fois de plus cette négociation dans le cadre des conditions économiques du marché. Et, si les parties ne parviennent pas à cet accord, le droit actuel s'applique : il y a recours au juge.
En séance, en raison des interrogations d'un certain nombre de fournisseurs et d'industriels, nous avons encore redéfini cette partie relative à la sollicitation du juge : nous faisons intervenir systématiquement le médiateur, préalablement à toute saisine du juge, pour éviter les pressions du distributeur. Le médiateur se positionnera lui-même en fonction des conditions économiques du marché et de l'évolution des matières premières agricoles. Et les conclusions du médiateur, si elles n'étaient toujours pas acceptées à l'issue de cette seconde phase de débat, devraient être prises en compte par le juge.
En fait, le Sénat cherche à positionner le curseur à un niveau d'équilibre qui répond à la crainte du déréférencement brutal des PME, qui ne souhaitent pas de rupture soudaine si elles n'ont pas la garantie de pouvoir continuer à livrer leurs marchandises.
La version du Sénat répond également à la crainte de l'industriel fournisseur, qui se demande à quel prix il sera entraîné dans un préavis : il est entraîné dans un préavis qui tient compte des conditions du marché, donc qui est, somme toute, équilibré.
Elle répond également à la crainte du distributeur, qui ne veut pas de rupture d'approvisionnement dans ses rayons.
La différence de curseur, c'est que nous cherchons le compromis pour les trois acteurs, en essayant de rétablir un équilibre, mais sans créer un déséquilibre dans un autre sens, qui serait, à notre avis, tout aussi préjudiciable.
Je ne prendrai pas position sur la date de 2025. La position du Sénat est peut-être meilleure, mais je ne pense pas que ce point fera échouer la CMP. On doit pouvoir arriver à trouver une ligne commune.
En revanche, sur le SRP+ 10 dans la filière des fruits et légumes, je considère que sortir de cette impasse est une obligation.
Faisons un peu d'histoire. C'est un amendement que j'ai déposé dans le cadre de l'examen de la loi Égalim 2 qui, à titre expérimental, avec l'accord du ministre de l'agriculture de l'époque, permettait à la filière de sortir du SRP+ 10. En effet, déjà en 2021, nous connaissions les problèmes de cette filière ; le SRP+ 10 se traduisait, pour elles, par une perte économique : le prix psychologique étant atteint, toutes les négociations aboutissaient à une diminution de leurs marges. Du fait de l'adoption de mon amendement, de 2021 à aujourd'hui, toutes les filières pouvaient en sortir, en cas d'avis unanime de l'interprofession.
Pendant des années, on a connu un jeu de dupes : la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) a pris soin de ne jamais donner d'avis franc ni de s'abstenir, bloquant toute possibilité d'unanimité et d'accord, laissant les filières rester dans le SRP, alors qu'elles voulaient en sortir. Cela s'est traduit par des coûts extrêmement importants, avec des pertes annuelles de 30 millions d'euros pour la filière tomates ; 25 millions d'euros pour la filière pommes-poires ; 6 millions d'euros pour la filière carottes ; 4 millions d'euros pour la filière asperges ; 11 millions d'euros pour la filière melons ; 15 millions d'euros pour la filière fraises.
Je veux bien que l'on nous explique que l'on peut continuer à payer pour être tranquille - on leur donne déjà 600 millions d'euros, mais il faudrait leur en donner 91 millions de plus -, mais, à un moment donné, nous devons prendre nos responsabilités, et ne pouvons continuer d'ignorer, dans une naïveté coupable, qu'elles perdent de l'argent et laisser faire ces pratiques.
La seule solution que nous avons aujourd'hui est de tordre le bras de la FCD, de façon que, demain, ces filières puissent sortir de ce système par la loi.
Je dis, par exemple, à la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), qui estime qu'il ne faut surtout pas toucher au SRP+ 10, que la solution que le Sénat propose permet à tous ceux qui en sont sortis d'y entrer de nouveau, si le résultat est contraire à celui qu'ils espéraient. Et comme la majorité présidentielle aujourd'hui ne souhaite pas sortir du SRP, je ne vois pas comment, par arrêté du ministre, on ne leur laisserait pas la possibilité d'y entrer de nouveau.
C'est la solution la plus aboutie, celle qui nous permettra de régler les problèmes.
J'ajoute, pour tous ceux qui croient que le SRP+ 10 crée un ruissellement phénoménal, qu'aucun rapport ne l'a jamais prouvé, et que le Sénat a peut-être même pu démontrer un peu l'inverse - d'où la suppression, en première lecture, du SRP. En voulant maintenir ce système, certains craignent peut-être que l'on démontre qu'il n'est pas aussi bénéfique que cela.
Concernant l'article 3, je ne prône qu'une chose.
La seule grande qualité d'Égalim 1 était peut-être son titre 1, qui fournissait la possibilité de rééquilibrer les relations commerciales, alors que le titre 2 a posé une multitude de contraintes supplémentaires à l'agriculture - on en voit d'ailleurs tous les effets aujourd'hui.
Je reste persuadé que, pour renforcer le pot de terre, il faut fendre un peu le pot de fer. À cet égard, je serai favorable à toutes les dispositions qui pénaliseront les grandes et moyennes surfaces.
Je suis désolé de briser la solidarité de l'Assemblée nationale, mais, sur l'article 2, je me sens un peu plus sénateur que député...
Nous sommes pour la suppression du SRP+ 10, dans la mesure où nous n'avons pas pu prouver le ruissellement. Nous considérons que 600 millions d'euros par an qui sont pris dans la poche du consommateur et qui ne ruissellent pas au producteur, c'est autant d'argent qui sert la grande distribution. Pour ma part, je soutiens très clairement la date de 2025, parce que plus tôt on pourra revoir les choses, mieux ce sera.
Concernant la filière des fruits et légumes, j'avais regretté, à l'Assemblée nationale, que l'on ne puisse trouver de solution avant que le texte ne soit examiné par le Sénat. On ne peut sortir de cette CMP sans avoir une solution pour cette filière, qui est en train de mourir de ce SRP+ 10.
Nous avons beaucoup parlé des pressions. Le syndicat majoritaire dans l'agriculture fait du SRP+ 10 un dogme, une espèce de veau d'or. Certains considèrent que, dès lors que l'on ferait une dérogation pour une filière, même si elle est en train de mourir, on attenterait à ce dogme.
Je crois qu'il faut trouver une solution, et celle que propose le Sénat me paraît tout à fait satisfaisante parce qu'on laisse à la filière la possibilité de revenir dans le dispositif si elle le juge bon - au reste, ce n'est pas du tout l'état d'esprit dans lequel elle se trouve aujourd'hui. Je pense que nous avons tous été sollicités par cette filière : ils nous ont dit combien le SRP+ 10 avait été une catastrophe pour eux.
J'ai le sentiment qu'à l'issue de cette CMP on n'aura pas véritablement réglé le problème - ou, en tout cas, on va repartir sur un système qui n'a pas fait ses preuves. Je regrette que l'on parte du principe que l'augmentation du prix de vente au consommateur va forcément ruisseler vers le producteur, comme par magie, et que la réflexion sur les marges de la grande distribution ait été abandonnée. Peut-être n'avons-nous pas été assez hermétiques aux pressions des uns ou des autres, mais on semble considérer qu'il n'y a qu'une solution pour augmenter les revenus des agriculteurs : augmenter le prix pour les consommateurs.
Sur l'article 3, nous sommes parvenus à quelque chose de très compliqué. J'étais favorable à ce que l'on s'en tienne à la toute première version présentée en commission à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire à ce que l'on revienne sur les tarifs en vigueur.
J'avais proposé que l'on puisse distinguer les PME des multinationales, ce qui aurait permis de balayer l'objection, faite par les distributeurs, que les multinationales peuvent faire passer des hausses importantes, et de préserver le tissu industriel des PME dans notre pays.
Je me demande si nous ne sommes pas partis trop loin dans les contraintes, dans la limitation des effets de bord. Je serai peut-être isolé sur cette idée, mais il me semble que c'était une piste beaucoup plus intéressante et beaucoup moins compliquée.
Je soutiens la version défendue par l'Assemblée nationale et par Frédéric Descrozaille.
Nous devons nous interroger sur le fond : qu'est-ce qu'une économie où nous pourrions, sur l'ensemble des produits, acter le principe d'une revente à perte ?
On pourra toujours discuter de la durée de l'expérimentation ou encore du pourcentage, mais le principe du SRP+ doit être acté, et on doit isoler la dérogation pour les fruits et légumes, qui est indispensable, en raison de spécificités de saisonnalité et de mise en marché.
Il me semble que la proposition défendue par notre collègue permet d'atteindre l'équilibre. La banalisation d'une toute-puissance des interprofessions pourrait amener à la fin du SRP+ et aux effets qui en sont attendus, si tant est que l'on se donne les moyens de vérifier son ruissellement, non seulement vers les industriels, mais aussi vers les producteurs.
Nous avons été attentifs, depuis le débat en commission, au pouvoir de déréférencement des grandes marques et des multinationales, qui pouvaient avoir un effet de bord sur les PME.
Il me semble que la complexité de la rédaction qui a été mise en oeuvre a justement pour objet de protéger les uns des autres et à atteindre l'objectif que nous visons. Il ne faut pas avoir peur de la finesse de la rédaction : ce n'est pas une complexité pour rien. Elle vise à tenir compte des différences de rapports de forces dans la mise en marché.
Le Sénat a une position continue sur le SRP+ 10. Je me réjouis à l'idée que cette CMP puisse apporter une solution à la filière des fruits et légumes, qui permettra, dans les prochaines années, de démontrer que quelque chose ne colle pas dans le SRP+ 10. Expérimentons-la !
Le président de cette filière, que nous avons auditionné, nous a dit qu'il y avait unanimité. Moins de douze heures après, l'interprofession s'est réunie, et la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), contrairement à ce que le président pensait, n'était pas favorable...
Depuis que l'on y a intégré la distribution, les interprofessions n'ont plus la même connotation d'organisation professionnelle.
C'est pourquoi je suis heureux de cette initiative et du fait que nous puissions trouver ce compromis sur les fruits et légumes. Vous verrez que cela nous permettra de cheminer. Je vous donne presque déjà rendez-vous pour Égalim 4 !
Je souscris aux propos du sénateur Laurent Duplomb, notamment sur la filière fruits et légumes.
Il ne faut pas non plus que l'on verse à chaque fois dans le juridisme exacerbé. Le législateur est là pour essayer de régler les problèmes de manière très concrète et avec bon sens.
On voit bien que la seule solution est de pouvoir introduire cette dérogation dans la loi, puisque l'on sait que les acteurs de la filière ne peuvent pas s'entendre, notamment à cause des représentants de la grande distribution. Nous devons prendre nos responsabilités, et il me paraît, sur ce point, relativement simple de le faire.
Les propositions qui ont été faites par le Sénat vont, me semble-t-il, dans le bon sens.
En revanche, sur l'article 3, la version de la Haute Assemblée ne me rassure pas tellement. On a beaucoup essayé de rééquilibrer entre l'agroalimentaire et l'agriculture, mais il y a tout de même un rééquilibrage à faire entre l'agroalimentaire et la grande distribution. À cet égard, la version du Sénat semble avoir été écrite dans le monde des Bisounours...
Les conclusions du médiateur seront-elles réellement reprises par le juge ? C'est tout à fait hypothétique. Et qui va aller devant le juge ?
Il me semble que la proposition de notre collègue Frédéric Descrozaille nous permet de rééquilibrer les choses et de faire en sorte que la grande distribution, qui est aujourd'hui maître du jeu, le soit un peu moins, et que les transformateurs, notamment toutes nos PME, qui sont aujourd'hui énormément pourvoyeuses d'emplois sur nos territoires ruraux, puissent être préservés : il ne faut pas qu'ils perdent, du jour au lendemain, 30 à 40 % de marchés globaux d'une entreprise, parce qu'ils ne savent pas comment faire face !
Nous devons être attentifs à protéger les PME et les ETI, qui créent souvent beaucoup plus d'emplois que les très grands groupes, pour lesquels le rapport de force sera toujours favorable face à la grande distribution. Pensons à ces petites PME !
J'ai écouté attentivement les arguments développés par MM. Descrozaille et Duplomb sur l'article 2. Je comprends qu'il y ait une forme de stigmatisation de la filière fruits et légumes, et j'entends les difficultés que cela peut poser à l'interprofession. Toutefois, je m'interroge sur les conséquences du ciblage de cette filière, dont j'entends bien qu'elle a des spécificités au regard de l'équité de traitement législatif entre filières. Je me pose la question de l'inconstitutionnalité éventuelle du dispositif. N'ouvre-t-il pas la voie à un contentieux pour d'autres filières, qui souhaiteraient se soustraire au SRP+ 10 ? Il ne faudrait pas qu'au bout du compte cela déconstruise complètement le dispositif auquel on aspire pour progresser collectivement.
Sur l'article 3, je m'interroge aussi sur le risque d'inconstitutionnalité.
Je veux saluer les conditions de travail qui sont les nôtres : l'éloignement des caméras, du bruit et de la fureur nous permet de travailler dans des conditions sereines, avec plus d'agilité et de manière beaucoup plus sincère.
Sur l'article 2, nous devrions pouvoir aboutir à une solution. Je sens, de part et d'autre, la volonté de faire aboutir quelque chose de positif. Le monde agricole en a grandement besoin.
Concernant l'article 3, étant moi aussi agriculteur, je souhaite que l'on puisse inverser la tendance, lourde, que l'on observe depuis de longues années. Pour reprendre une expression paysanne triviale, « il faut que les mouches changent d'âne » ! Or j'ai l'impression que l'on n'est pas en train de les faire changer.
J'ai un peu peur de la version qui prévoit la possibilité de revenir sur des prix de la négociation passée, alors que l'on est dans des phases de hausse. En outre, je trouve cette version un peu fragile. Elle conduit à une judiciarisation de la situation, qui m'inquiète un peu.
Ne pas exclure du SRP+ 10 les fruits et légumes, c'est servir le seul intérêt de la grande distribution, et surtout pas celui des producteurs.
Nous avons rencontré différents producteurs des différentes filières. Il serait très dangereux de maintenir la filière des fruits et légumes dans le SRP+ 10. Nous voterons pour cette exclusion.
Je remercie M. Descrozaille d'avoir engagé ces échanges.
Pour ma part, j'ai négocié de nombreuses années avec la grande distribution - pour les PME et les ETI notamment. Je connais donc les box des négociations des centrales.
L'intérêt du SRP+ 10 reste à confirmer - les industriels sont convaincus de l'intérêt de la mise en place de ce dispositif -, mais je suis pour son maintien.
Concernant l'article 3, je suis favorable à la proposition de Frédéric Descrozaille, qui protège les PME - ce n'était pas le cas au départ. La proposition de Mme Loisier est encore un peu trop tendre face au déséquilibre notable qui existe. Celle de M. Descrozaille a le mérite d'avantager clairement les PME et les ETI.
Je souhaite être certain de bien comprendre ce qui se passe dans les deux scénarios.
Imaginons que je sois producteur de veau Marengo à Chartres, en lien avec la distribution, et que nous n'ayons pas réussi à nous mettre d'accord au 1er mars.
Dans votre version, madame la rapporteure pour le Sénat, la solution est une phase de négociation sur le préavis de rupture avec le médiateur. La médiation a vocation à parvenir à un accord sur le préavis qui fixerait des prix et une durée de préavis, avec un prix rétroactif qui commencerait au 1er mars. Que se passe-t-il si la médiation est un échec ?
En tant que producteur de veau Marengo, je suis toujours tenu de livrer du veau à la grande distribution. Si je n'arrive pas à répercuter, par exemple, l'augmentation du coût de matière, à quel prix vais-je livrer à la grande distribution ?
C'est la raison pour laquelle nous avons, en séance publique, ajouté une étape : si le producteur s'estime lésé, il peut de nouveau saisir le médiateur pour avoir un arbitrage extérieur et ne pas être sous la pression du distributeur, les conclusions du médiateur tenant également compte des conditions économiques du marché.
De la même manière, ces conclusions, si elles étaient appliquées, seraient rétroactives au 1er mars. On reviendrait donc sur le contrat, sur décision du juge. Si l'on ne parvient pas à trouver un accord au terme de la première phase de discussion et de médiation, le fournisseur a la possibilité de saisir le juge. Au reste, cette possibilité existe déjà ! J'entends parler de judiciarisation, mais on peut déjà saisir le juge. Ce n'est pas nouveau.
Contrairement à ce que j'ai pu entendre dans les couloirs de Bercy ou de l'Assemblée nationale, la proposition faite en séance au Sénat ne conduit pas à une judiciarisation supplémentaire, car il est déjà possible aujourd'hui pour les deux parties d'aller devant le juge.
En séance, on nous a objecté que cela prendrait trop de temps, que le juge n'y connaissait rien et que ses conclusions, en termes de préavis et de prix, seraient approximatives. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé un référé, pour avoir une décision plus rapide, et que nous avons, en cas de procédure judiciaire, exigé un avis de la médiation, afin que celle-ci puisse éclairer le juge.
Naturellement, pendant cette fausse période de préavis, l'industriel peut livrer et être payé aux conditions d'avant. Le jugement porte sur l'écart entre les conditions précédant le 1er mars et les nouvelles conditions, et tout sera rétroactif au 1er mars.
Pour le producteur de veau Marengo à Chartres, il me paraît un peu compliqué de se repérer dans la négociation...
Comment le producteur peut-il en sortir le plus vite possible si la relation avec la distribution se passe mal, son interlocuteur ne voulant répercuter aucune hausse ?
Si le fournisseur estime qu'il est lésé, il peut décider de lui-même de rompre les relations et d'arrêter la livraison. Le distributeur va alors saisir le juge, qui pourra prendre en compte les conditions économiques du marché, que nous inscrivons noir sur blanc dans la loi.
Il y aura donc un temps de débat et de discussion, qui peut être économiquement difficile à supporter pour le fournisseur, mais, au final, ce dernier aura gain de cause.
Nous ne vivons pas dans un monde de Bisounours ! Tout le monde sait bien ici que personne ne veut la rupture. Les cas de rupture de relations sont très rares, parce que toutes les parties sont amenées à travailler ensemble dans la durée. Rares sont les fournisseurs qui veulent se fâcher durablement avec leurs industriels.
La rupture brutale est une idée de poker menteur : il s'agit de faire peur pour être satisfait. Toutefois, rares sont les entreprises, aujourd'hui, qui peuvent aller à ce rapport de forces avec les distributeurs. C'est cette quinzaine d'entreprises qui justifie que l'on débatte de la rupture.
La grande majorité des entreprises arrivent à trouver un accord avec le distributeur, même si c'est encore plus difficile cette année, parce qu'elles ne veulent pas casser le lien.
Par parallélisme, je pose les mêmes questions au rapporteur pour l'Assemblée nationale.
Si l'on n'a pas d'accord au 1er mars, le fournisseur, et lui seul, a le choix : soit il considère qu'il ne peut pas y arriver, ses coûts de production ayant explosé ; soit il demande l'application d'un préavis, conformément à la loi existante actuelle ; soit il saisit un médiateur, qui fixe lui-même les conditions d'un préavis de rupture. Pouvez-vous me confirmer que le producteur a ces trois options sur la table ?
Oui.
La principale différence, qui nous fait diverger depuis le début, est que, dans la version que je propose, je sécurise juridiquement la décision d'arrêter la livraison. Aujourd'hui, ceux qui arrêtent de livrer sont en situation d'illégalité. Ils s'appuient, en ce moment, sur la non-discrimination pour essayer de se justifier.
Je veux d'ailleurs souligner que, dans le travail qu'a fait le Sénat, la rétroactivité et la mention des conditions économiques de marché sont des apports considérables qui satisfont complètement les parties. Il est absolument vrai que personne ne veut rompre. Tout le monde veut vendre. Mais à quelles conditions ?
À cet égard, orienter l'article 3 sur une dualité médiateur et juge ne me paraît pas valable. On n'en sortira pas de cette façon.
Il est très important de se rappeler que la liberté du commerce prévaut, que les acteurs doivent se mettre librement d'accord sur ce qu'ils veulent et que nous ne faisons que poser le cadre légal. La loi donnera plus de poids au fournisseur dans la négociation. En outre, ceux qui veulent vraiment s'arrêter seront sécurisés juridiquement, alors qu'ils ne le sont pas aujourd'hui.
Le dispositif du Sénat n'est pas source de judiciarisation : les textes prévoient d'ores et déjà le recours au juge. Combien de fois ce recours au juge a-t-il été enclenché ?
On peut imaginer que la capacité de l'industriel à mettre fin à la relation prévue par le dispositif de Frédéric Descrozaille ait potentiellement un effet inflationniste. On rééquilibre le bras de fer, mais cela ne va-t-il pas conduire à des prix excessifs ?
En droit, est-on vraiment à l'abri sur le plan constitutionnel ?
Nous avons tous un objectif similaire, mais les voies d'y arriver sont différentes. Il faut arriver à tout bien peser. Nous sommes dans la dentelle.
Dans la version du Sénat, on impose, pendant la période de transition, un mode de rémunération qui met l'industriel en difficulté. Cela me gêne. La proposition de Frédéric Descrozaille me paraît plus rassurante.
Il faut vraiment que le rapport de forces s'inverse aujourd'hui. Voilà des années qu'il est favorable à la grande distribution. Une forme de peur s'est installée, au point que certains envisagent le déréférencement.
Nous allons tous dans le même sens, celui de la protection de nos entreprises. C'est déjà très positif.
Je remercie d'ailleurs le Sénat, qui a maintenu l'un de mes amendements, visant à tripler l'amende en cas de non-accord. Vous avez même ajouté une disposition en cas de récidive. Cela montre bien que nous allons dans le même sens.
Néanmoins, la pression sur les entreprises est telle aujourd'hui qu'une entreprise ne saisira pas un médiateur et le juge. Je crains que l'on ne dise que les parlementaires sont hors sol.
La proposition de Frédéric Descrozaille est beaucoup plus concrète. Elle donne la possibilité d'un choix.
Cela pose vraiment la question du modèle que nous voulons. Souhaitons-nous soutenir des multinationales ou des PME ? La proposition de Frédéric Descrozaille permet de protéger les deux. Pour moi, cette proposition est la bonne.
J'ai présidé une commission d'enquête sur les négociations commerciales il y a quelques années. Nous avons fini par comprendre que les négociations dites « commerciales » entre les industriels transformateurs et la grande distribution sont plus des négociations juridiques qu'autre chose.
Malheureusement, on parle peu du produit, on parle peu de la valeur créée et on parle peu du partage de la valeur.
Sur le sujet des négociations commerciales, nous voulons, aujourd'hui, travailler à un rééquilibrage. Les grands groupes viennent avec leur batterie de juristes face à la grande distribution, et tout ce petit monde se bataille.
L'enjeu de la décision que nous avons à prendre est de protéger les entreprises de taille intermédiaire, les entreprises familiales, qui font silence et n'attaqueront jamais en procédure judiciaire le secteur de la grande distribution. Un transformateur n'attaque pas son client !
Les travaux que nous avons menés en commission, puis dans l'hémicycle, ont conduit à une rédaction qui permet un vrai rééquilibrage.
Je souhaite que la commission donne la main au maillon transformation, parce que le secteur de la grande distribution, les centrales d'achat leur mènent la vie très dure depuis trop longtemps - depuis que l'on a travaillé à la loi de modernisation de l'économie -, au nom de la guerre des prix. Cela a créé beaucoup de dégâts et détruit beaucoup de valeur, au détriment du maillon en amont - les agriculteurs.
J'aimerais donc que les sénateurs puissent converger vers la proposition de Frédéric Descrozaille.
Nous sommes tous conscients que les grandes entreprises ont l'arsenal pour discuter. Le travail qui a été fait par notre rapporteure pour le Sénat a beaucoup plus ciblé les entreprises de taille moyenne, les petites entreprises agroalimentaires, qui sont vraiment le tissu très important dans nos territoires. Ce sont celles qui ont le plus pâti de la situation.
Les petites entreprises n'ont pas la capacité de décider une rupture brutale avec un client qui représente un tiers de leur marché. Elles ne peuvent pas se le permettre. Sinon, ce serait aussi une rupture brutale pour l'écoulement des productions. Il ne faut pas oublier non plus que le texte concerne aussi les producteurs, les paysans. On sait aussi ce qu'il coûte à une entreprise de revenir de nouveau sur le marché avec un client qu'elle a abandonné brutalement. À cet égard, les travaux du Sénat me paraissent un peu plus équilibrés.
Depuis le début, le Sénat martèle que l'on n'apportera pas de vraie réponse à la question du revenu des agriculteurs tant que l'on sera en période inflationniste.
Je reviens sur le système déflationniste à l'article 3. Notre rôle, en tant que parlementaires, est d'imaginer que cela fonctionne tant dans un système inflationniste que dans un système déflationniste.
Beaucoup d'entreprises ne savent pas vivre avec un choc d'inflation tel que celui que nous avons connu. Cela peut faire peser un risque sur les petites entreprises, alors qu'on veut les protéger.
Je veux dire à nos collègues députés que la défense des PME et du tissu économique territorial n'est pas l'apanage de l'Assemblée nationale. Nous y sommes, ici, extrêmement attentifs. C'est précisément la raison pour laquelle nous avons fait évoluer l'article 3, en particulier au profit des PME et ETI.
Bien évidemment, j'entends l'argument sur les centrales d'achat et le déséquilibre qui existe. C'est un déséquilibre de marché. Je remercie Frédéric Descrozaille d'avoir écrit l'article 1er, qui traite en partie de ce problème.
Je vois d'autres sujets arriver sur les centrales d'achat, notamment celui de la coordination des calendriers entre les décisions prises en centrales d'achat européennes et la date du 1er mars. Nous ne l'avons pas traité dans ce texte, mais je pense que, à un moment ou à un autre, il faudra y revenir, car j'entends, sur le terrain, que ces décalages de calendrier créent des difficultés.
Ne proposer qu'à un seul des deux contractants un pouvoir supplémentaire pose un problème de dissymétrie juridique, qui met en péril les équilibres fondamentaux du code de commerce. Je comprends le déséquilibre du marché, avec quatre ou cinq centrales d'achat face à une myriade de fournisseurs. Mais nous prenons un risque juridique et une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) peut être déposée.
Par ailleurs, on constate aujourd'hui des arrêts de livraison par des PME et par des grandes entreprises. Dans ce cas, il appartient au distributeur de saisir le juge ; le distributeur d'une PME ne le fera pas. Tel est mon sentiment. Dans cette période de négociation extrêmement difficile que nous traversons, certaines grandes entreprises iront au clash.
J'ai le sentiment que cette disposition donnerait au distributeur une arme redoutable pour un déréférencement massif des PME au profit des MDD. Les conditions de négociation seront tellement insupportables que les PME arrêteront les livraisons et le distributeur, sans aucune contrepartie et sans préavis, sera débarrassé des marques dont il ne veut plus. Telle est ma conviction profonde.
J'apprécie la qualité de la discussion que nous avons.
Une PME pourra toujours invoquer l'article L. 442-1 du code de commerce et le régime actuel s'appliquera. J'entends votre conviction, mais je ne partage pas ce risque de déréférencement.
L'acteur que nous avons tous auditionné plusieurs fois et que vous avez écouté plus que nous encore est aujourd'hui très content de la version que je propose. Il conduira la négociation en sachant qu'il est protégé par l'article L. 442-1.
Je ne vous rejoins pas sur le risque inflationniste. Cette loi est faite pour permettre aux industriels de mieux faire passer leur hausse de tarifs, je l'assume. Les industriels n'ont aucun regard sur la péréquation des marges que font les distributeurs ; nous connaissons tous des exemples effarants d'industriels qui ont des marges allant jusqu'à 30 % sur des produits qui se vendent bien, mais la grande distribution a systématiquement des marges beaucoup plus importantes.
Les industriels ne vont pas profiter de cette loi pour augmenter leurs prix de manière inconsidérée. Les distributeurs peuvent jongler entre les produits pour fluidifier le marché. On est dans un contexte où tout le monde veut vendre.
Quant au risque constitutionnel, il existe, aucun juriste sérieux ne pourrait prétendre le contraire. Il est certain qu'une QPC sera déposée si cette version est adoptée. Mais notre argumentation est étayée. Nous créons une dissymétrie dans la loi parce qu'il y a une dissymétrie avérée dans la réalité. Nous légiférons dans l'intérêt général, nous parlons de l'ordre public économique et de l'écart structurel de situation entre l'acheteur et le fournisseur. Surtout, Alain Lambert m'a appris que les parlementaires ne prennent pas assez souvent de risque constitutionnel. Nous sommes dans notre rôle ; il reviendra au Conseil constitutionnel de trancher. Ne faisons pas son travail avant qu'il ne le fasse ! D'un point de vue politique, nous devons prendre ce risque.
Ce débat est très intéressant. Dans l'objectif de rééquilibrage des relations commerciales, deux stratégies sont possibles, mais toujours en vue de faire peur à l'autre partie. D'ailleurs, peu de recours sont formés devant le juge, qui est la menace finale. La rupture unilatérale, nous l'avons souligné, présente un risque juridique réel. Pour notre part, nous ne sommes pas rassurés par l'absence de positionnement des services de l'État sur le sujet.
Par ailleurs, on ne peut pas ignorer aujourd'hui l'impact inflationniste.
Dans notre option, nous privilégions la continuité des relations. Nous préférons voir comment il est possible de rééquilibrer le rapport de force. Quoi que fasse le distributeur, il se retrouvera confronté aux conditions économiques du marché ; il ne pourra donc plus faire pression sur le fournisseur pour vendre à perte.
Oui, nous sommes tous sensibles à l'ordre public économique, mais il s'appuie aujourd'hui sur une sécurisation des relations commerciales au travers du préavis.
Enfin, notre option s'inscrit dans un schéma inflationniste, mais aussi déflationniste. Nous espérons que nous sortirons rapidement de cette période d'inflation.
Je vous propose une suspension de séance.
La réunion, suspendue à 11 h 20, est reprise à 11 h 35.
Ma proposition de rédaction n° 11 bis maintient l'idée que les fournisseurs pourront choisir entre demander l'application d'un préavis, en vertu de l'article L. 442-1, ou mettre fin aux livraisons. Nous prévoyons une expérimentation pour une durée de trois ans. En outre, la saisine du médiateur en cas de désaccord au 1er mars sera possible pour conclure un accord fixant les conditions d'un préavis de rupture, et ce afin d'éviter que les distributeurs ne détournent la loi et profitent de l'ambiguïté pour avoir un mois supplémentaire pour négocier.
J'ai intégré les dispositions adoptées par le Sénat en reprenant le critère de respect « des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties » et la rétroactivité au 1er mars de l'accord sur le préavis défini ou sur le préavis conforme à l'article L. 442-1.
Je maintiens la référence à l'obligation de mener de bonne foi les négociations commerciales, une notion extrêmement forte du code civil.
Je fais appel à votre sens du compromis en vous proposant cette nouvelle rédaction de l'article 3 et en maintenant la version proposée par le Sénat s'agissant de l'article 2.
Nous sommes tombés d'accord sur cette réécriture de l'article 3. Il nous importe qu'une modalité d'application d'un préavis soit prévue pour tenir compte des conditions économiques du marché, des matières premières agricoles et qui encadre les relations avec le distributeur dans un système plus équilibré, avec une rétroactivité au 1er mars. La question porte donc uniquement sur le préavis de rupture ; aucune négociation ne peut se poursuivre au-delà du 1er mars.
Concernant l'article 2, la rédaction adoptée par le Sénat sera maintenue. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour votre esprit de dialogue.
Nous restons sur notre réserve quant au SRP+ 10, comme nous l'avons toujours été, avec l'espoir, sincère, d'avoir tort...
Article 2 (précédemment réservé)
La proposition commune de rédaction n° 2 des rapporteurs est adoptée.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 3 (précédemment réservé)
La proposition de rédaction n° 11 bis du rapporteur pour l'Assemblée nationale est adoptée.
L'article 3 est ainsi rédigé.
La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs.
La réunion est close à 11 h 40.