La séance est ouverte à onze heures.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Par lettre en date du 24 novembre, M. le Premier ministre a annoncé la fin, à compter du 29 novembre, de la mission temporaire sur le suicide de jeunes amérindiens de Guyane confiée à Mme Aline Archimbaud, sénatrice de la Seine-Saint-Denis, auprès de Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer, dans le cadre des dispositions de l’article L.O. 297 du code électoral.
Acte est donné de cette communication.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 163, rapport général n° 164, avis n° 165 à 170).
Nous en sommes parvenus aux dispositions de la seconde partie du projet de loi de finances.
Seconde partie
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Nous allons maintenant entamer l’examen des différentes missions.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 58 à 62 quater) et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».
La parole est à M. Charles Guené, rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, depuis deux ans maintenant, nous avons commencé à travailler, au niveau tant du Parlement que du Gouvernement, sur une réforme de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, et le projet de loi de finances pour 2016 aurait dû constituer l’aboutissement de ce travail.
Nous imaginions qu’à l’issue d’un processus de concertation approfondie, après une étude fine des diverses options mises sur la table et l’analyse des différentes simulations, la discussion de ce jour aurait permis de trancher les derniers désaccords sur une réforme menée dans la transparence.
La réalité est bien entendu très différente.
Certes, le rapport de Christine Pires Beaune et de notre regretté collègue Jean Germain a posé quelques principes sur lesquels il a été possible d’arriver à un accord relativement large.
Cette première étape a permis, en quelque sorte, de définir une architecture, mais le travail était loin d’être achevé. C’est pourquoi les associations d’élus du bloc communal ont adopté, le 16 juillet dernier, une résolution commune expliquant que « les conditions permettant l’inscription d’une réforme en profondeur de la DGF [dans le projet de loi de finances pour 2016] n’apparaissaient pas réunies ».
Il vous était donc proposé, monsieur le secrétaire d’État, de poursuivre la réflexion, en vue de l’examen d’un projet de loi spécifique.
Je crois que chacun pourra regretter que le Gouvernement n’ait pas suivi ce conseil, car le calendrier n’était effectivement pas tenable.
Le 8 octobre, soit plus d’une semaine après le dépôt du projet de loi de finances, le Gouvernement n’était pas en mesure de transmettre les simulations des conséquences de sa réforme au Parlement.
Une semaine plus tard, des données ont été transmises aux commissions des finances de chaque assemblée, mais elles ne permettaient toujours pas de mesurer les effets de la réforme pour les communes situées sur le territoire de la métropole du Grand Paris, qui regroupent tout de même plus de 7 millions d’habitants.
En d’autres termes, deux semaines après le dépôt du projet de loi de finances, le Gouvernement ne connaissait toujours pas, avec une fiabilité opérationnelle, les effets de la réforme qu’il proposait.
Nos collègues députés devaient examiner la réforme de la DGF en commission le 4 novembre, soit quinze jours après avoir reçu les simulations. Les sénateurs ont été mieux traités : nous disposions d’une semaine supplémentaire.
Mais je vous pose la question, monsieur le secrétaire d’État : considérez-vous qu’une dotation de plus de 30 milliards d’euros, qui représente une part significative des recettes des collectivités territoriales, peut être réformée alors que la représentation nationale dispose seulement de quelques semaines pour découvrir les mécanismes et en étudier les effets ?
Il me semble que l’administration elle-même n’a pas eu le temps d’achever son travail, puisque vous avez souhaité ajouter à l’Assemblée nationale de nouvelles garanties. Cela laisse entendre que vous avez récemment découvert des effets à corriger, à l’instar de votre propre majorité à l’Assemblée nationale, qui a déposé quelques centaines d’amendements à cet effet.
M. Philippe Dallier opine.
Si l’on ajoute à cela que la réforme proposée par vos soins comporte une dotation dont la répartition est fortement dépendante de la carte intercommunale, et que cette carte intercommunale est en train d’être totalement remaniée, on aboutit à une situation proche de l’absurde, même si l’on pourrait employer un terme plus modéré.
Le Gouvernement, il faut néanmoins le reconnaître, a fini par entendre raison et a décidé de reporter la réforme. Il y a été fortement aidé par sa majorité à l’Assemblée nationale, qui s’est montrée aussi « étonnée » que nous face à certains résultats aberrants obtenus au travers des simulations.
Cette « retraite » se veut cependant ordonnée, d’où le caractère paradoxal du texte qui nous a été transmis.
Nos collègues députés ont considéré que le projet du Gouvernement n’était pas bon et ne pouvait s’appliquer en 2016, mais ils ont souhaité inscrire dans la loi qu’il s’appliquerait en l’état en 2017.
De même, le Gouvernement s’est demandé un rapport à lui-même pour connaître les conséquences de sa réforme, notamment à la lumière de la nouvelle carte intercommunale, tout en souhaitant l’inscrire dès aujourd’hui dans la loi.
La commission des finances, mes chers collègues, vous proposera tout à l’heure d’adopter une position plus cohérente : prendre acte du fait que la réforme de la DGF proposée par le Gouvernement ne s’appliquera pas en 2016, en supprimant totalement les dispositions de l’article 58 du projet de loi de finances, et se donner le temps de préparer une réforme pour 2017.
Bien entendu, il appartiendra à chacun de continuer à travailler sur le sujet, et la commission des finances s’y attellera très prochainement. Je réitère, à cet égard, les propos que j’ai tenus la semaine dernière, lors du débat que nous avons eu sur la DGF : le Sénat, dont c’est le cœur de métier, y est prêt, et ce sur toutes les travées de cet hémicycle.
J’en viens maintenant aux autres sujets que nous allons examiner aujourd’hui.
S’agissant de la mission elle-même, la commission se félicite naturellement de la mise en place d’une dotation de soutien à l’investissement local. Toutefois, je ne suis pas certain que celle-ci puisse suffire à empêcher la poursuite de l’effondrement des investissements des collectivités territoriales, ainsi que nous l’avons pointé dans le rapport élaboré, au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, avec mes collègues Philippe Dallier et Jacques Mézard.
Néanmoins, la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission et du compte de concours financiers.
Nous avons également souhaité prolonger le dispositif d’incitation financière à la création de communes nouvelles jusqu’au 1er janvier 2017. Créer une commune nouvelle est un processus long et complexe, qui ne peut se faire dans la précipitation. Nous avons en revanche conservé le seuil de population introduit à l’Assemblée nationale, afin de limiter les effets d’aubaine.
S’agissant du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, nous vous proposerons de nombreux amendements, visant à rééquilibrer son fonctionnement par rapport aux dispositions adoptées à l’Assemblée nationale et à poursuivre la correction de certains effets pervers, sans toutefois en modifier l’architecture générale.
Il s’agit notamment de simplifier les règles de majorité, mais également de trouver un moyen de régler le problème des communes « pauvres » situées dans un EPCI riche. À ce titre, il convient de rappeler, me semble-t-il, que le FPIC est un instrument intercommunal et que la situation des communes ne saurait, dans ce cadre, s’apprécier indépendamment de celle du territoire auquel elles appartiennent.
MM. Michel Bouvard, Vincent Capo-Canellas et René Vandierendonck applaudissent.
M. Claude Raynal, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, au cours du récent débat sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement, comme lors de la discussion générale, j’ai eu l’occasion d’indiquer quelques sujets d’interrogations que ne manquait pas de soulever cette réforme, proposée par le Gouvernement. Je n’y reviendrai donc pas ce matin, n’ayant qu’un goût modéré pour le comique de répétition.
M. Vincent Capo-Canellas sourit.
Certes, le projet de réforme qui nous est proposé est à ce stade imparfait, mais il constitue une base solide pour avancer, ce à quoi, d’ailleurs, nous invite le Gouvernement.
À ce titre, la commission des finances du Sénat a un rôle à jouer, afin de poursuivre ce travail, dès le mois de janvier, comme Charles Guené l’a indiqué.
J’ai d’ailleurs déjà formulé plusieurs pistes pour qu’une réforme de la DGF, voulue par tous, puisse aboutir. Ainsi en est-il du potentiel financier traduisant les écarts de richesse, qui pourrait mieux être pris en compte, au lieu de chercher, parfois à tout prix, à réduire les écarts types au sein des strates démographiques, d’une prise en compte majeure de la péréquation, dans une période de baisse des dotations, ou encore de la possibilité d’étudier la robustesse d’un critère d’effort fiscal renouvelé, rapportant le produit de l’imposition directe locale – hors impôt économique – au revenu moyen.
Pour que la réforme soit menée à son terme, nous avons besoin d’un calendrier, et l’article 58, tel qu’il résulte du vote de l’Assemblée nationale, le fixe. Ce calendrier nous oblige vis-à-vis des élus locaux, qui attendent cette réforme. Nous devons la mener à bien pour que la principale dotation de l’État aux collectivités territoriales soit à la fois plus lisible et plus équitable.
Outre la réforme de la DGF, la commission des finances a souhaité revenir sur plusieurs dispositions introduites à l’Assemblée nationale, notamment s’agissant du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC.
Nous observons d’ailleurs, depuis plusieurs années, le dépôt de nombreux amendements tendant à modifier les règles de majorité pour répartir le prélèvement ou l’attribution. La passion animant ce débat, bien que celui-ci porte sur un montant somme toute modeste, montre que les élus locaux se sont emparés de la question et des possibilités offertes par la loi. Ils souhaitent, à l’évidence, toujours plus de souplesse, pour adapter le dispositif à leur territoire.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois, opine.
Cette année, une question intéressante, qui sera évoquée lors de l’examen des amendements, est apparue sur le sujet : peut-on considérer, pour la répartition du FPIC ou la révision des attributions de compensation, que l’absence de délibération d’une commune vaut accord ? Existe-t-il un risque constitutionnel ? Cela aurait-il pour effet de créer une tutelle d’une collectivité sur une autre, en l’occurrence d’un EPCI sur ses communes membres ?
Nous pensons qu’il faut offrir aux EPCI une véritable capacité d’action et empêcher le blocage d’une institution au motif qu’une seule commune n’aurait pas délibéré. Aussi, nous vous proposerons de maintenir ce principe, introduit à l’Assemblée nationale : pour la répartition dérogatoire du FPIC et la révision des attributions de compensation, l’absence d’accord de la commune vaut acceptation. Soyons audacieux, et nous verrons bien ce qu’en dira, éventuellement, le Conseil constitutionnel !
Les rapports entre l’État et les collectivités gagneraient à s’inscrire dans des visions de long terme, incluant un examen des conséquences futures d’un retour des comptes publics à des niveaux acceptables. Un objectif d’évolution de la dépense locale – ou ODEDEL –, débattu et partagé en amont, pourrait sans doute nous y amener et être de nature à instaurer une certaine confiance dans nos relations.
On comprend bien qu’un amendement tendant à minorer de 1, 5 milliard d’euros la baisse des dotations ne constitue pas une réponse utile à ce débat.
À cette minoration de la baisse des dotations, votée par le Sénat lundi soir, mais, convenons-en, néanmoins plus formelle que réelle, je préfère les mesures de soutien à l’investissement du Gouvernement : outre l’élargissement du bénéfice du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée aux dépenses d’entretien des bâtiments publics et de la voirie, puis, sur une proposition du Sénat soutenu par le Gouvernement, aux dépenses en matière de haut débit, nous devons noter la création d’une dotation de soutien à l’investissement, dont les crédits, à hauteur de 800 millions d’euros en autorisations d’engagement, sont retracés dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales », ainsi que la reconduction de l’abondement exceptionnel de 200 millions d’euros en faveur de la dotation d’équipement des territoires ruraux.
C’est pour ces raisons que nous vous proposons, avec Charles Guené, d’adopter les crédits de la mission et du compte de concours financiers.
Pour terminer, je tiens à affirmer, à titre personnel, mon désaccord avec la proposition de M. le rapporteur général de la commission des finances de rétablir la baisse du taux de cotisation au Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, de 1 % à 0, 8 %. Une telle baisse fragiliserait rapidement la situation financière, aujourd’hui saine, de cet établissement, en diminuant ses recettes de 68 millions d’euros. Le CNFPT serait très rapidement contraint de réduire fortement son offre de formations dispensées gratuitement aux agents territoriaux. Ce serait donc un jeu à somme nulle pour les collectivités territoriales, qui verraient certes leurs charges baisser, mais devraient par ailleurs payer pour des formations auparavant prises en charge par le CNFPT, voire réduire leurs programmes de formation, alors que celui-ci vient juste de décider de consacrer 34 millions d’euros en 2016 pour la formation des apprentis et des salariés en emploi aidé.
Je ne souhaite donc pas voir votée une mesure aboutissant à une réduction de l’offre de formation des personnels de la fonction publique territoriale, alors même qu’il s’agit d’un élément essentiel pour accompagner les mobilités professionnelles et géographiques de ces derniers.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. François Fortassin applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, si la commission des lois a donné un avis défavorable aux crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », c’est en raison du contexte général de baisse des dotations et de réforme des collectivités territoriales.
En effet, les crédits budgétaires du programme 119 et du programme 122 s’élèvent à 3, 8 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 3 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui ne représente que 3, 8 % des transferts et 8 % des concours de l’État.
On voit bien que notre avis porte sur une part marginale de l’ensemble des participations financière de l’État en faveur des collectivités territoriales.
Il est à noter cependant que le programme 119 comprend désormais une nouvelle dotation de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements, qui correspond à la majoration à hauteur de 200 millions d’euros de la dotation d’équipements des territoires ruraux, ce qui est positif naturellement.
C’est donc dans un contexte plus général que la commission des lois a voulu donner un signe au Gouvernement. Celle-ci a voulu rappeler que la baisse des dotations de l’État, si elle est inéluctable, est vraiment brutale pour les collectivités territoriales et engendre des conséquences importantes sur l’investissement local que l’on mesure déjà.
C’est pourquoi nous nous félicitons de l’amendement adopté par la commission des finances et par notre assemblée tendant à minorer de 1, 6 milliard d’euros la baisse des dotations.
La commission des lois s’est également interrogée sur la nouvelle répartition de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, qui certes se justifie par les nouvelles compétences des régions, mais pose question quant à la situation financière des départements.
Par ailleurs, la réforme de l’architecture de la DGF des communes et des intercommunalités inquiétait la commission des lois dans la mesure où ce nouveau dispositif aurait été trop précoce par rapport à la mise en œuvre des schémas départementaux de coopération intercommunale qui redessinent de façon importante la carte de l’intercommunalité dans notre pays. C’est pourquoi la commission s’est félicitée du report au 1er janvier 2017 de cette réforme, au moment où la nouvelle carte sera mise en place.
Cependant, il reste un point de divergence avec le Gouvernement sur la nécessité d’élaborer un projet de loi spécifique pour cette réforme de la DGF, solution que préconise le Sénat pour un débat serein et apaisé. Afin que cette réforme, voulue par de nombreux parlementaires et attendue par les élus, soit la plus partagée possible, et que nous disposions tous ensemble du temps suffisant de la réflexion, ne pensez-vous pas, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement pourrait revoir sa position ?
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – MM. François Fortassin, René Danesi et Francis Delattre applaudissent également.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les collectivités locales sont mises à contribution pour participer à la politique de réduction de la dépense publique et des déficits publics.
La potion est lourde : 11 milliards d’euros en trois ans, ce qui se traduira par une perte de 28 milliards d’euros dans notre économie. C’est aussi en retour, pour le budget de l’État, une perte de recettes. C’est donc contre-productif par rapport à l’objectif de redressement des finances publiques.
Le Gouvernement a souhaité inscrire la réforme de la DGF dans la loi de finances. Si cette réforme est nécessaire, il est aujourd’hui impossible de l’accepter en l’état. La commission des finances nous invite à nous donner le temps de la réflexion pour la préparer, comme le souhaitaient l’ensemble des associations d’élus. Cela est d’autant plus utile que le paysage administratif local est en phase de mouvement, avec l’adoption progressive des schémas de coopération intercommunale, et aura donc des conséquences sur l’impact des propositions actuelles.
Dans sa version initiale, la réforme de la DGF n’est pas acceptable, car elle a de fortes incidences sur la situation des petites villes et crée de nouvelles inégalités entre communes qui nécessitent de poursuivre le travail.
Une dotation minimale pour chaque commune est une réponse à une revendication forte que nous avions largement débattue et défendue avec Jean Germain lors de la campagne en vue des élections sénatoriales, mais aussi dans une proposition du groupe CRC portée par Gérard Le Cam.
Les orientations proposées, notamment cette notion pour le moins surprenante de « centralité », risquent fort de créer une disparité aussi importante que celle qui résulte de l’actuelle économie générale de la dotation, comme le montrent les simulations qui avaient été mises à notre disposition. Elle n’apporte aucune modification au potentiel financier dont nous connaissons les défauts, pas plus que la notion de charges associées à la situation de la population accueillie dans la collectivité.
L’autre ambition que doit porter une réforme de la DGF est celle de la péréquation.
On ne peut pas organiser une juste et équitable répartition de la dotation globale de fonctionnement sur la base d’une dotation rabougrie. Il faut penser dès maintenant à un nouvel outil de péréquation.
Nous proposons la mise à contribution des principaux bénéficiaires de l’action locale, c’est-à-dire des entreprises, qui tirent parti, dans leur développement, leur activité et leur interaction avec leur environnement, des efforts réalisés par les collectivités territoriales. Nous souhaitons que cette contribution s’appuie sur la richesse financière produite sans aucun lien avec l’activité directement productrice et qui, aujourd’hui, est défavorable à la création d’emplois.
Les collectivités s’occupent de plus en plus de l’école, de la formation, de l’apprentissage, des transports, de la viabilisation des réseaux, et même de plus en plus de l’aménagement du territoire, de l’occupation de l’espace, de la mise en place de zones d’activités, artisanale et/ou industrielle, et j’en passe.
Ce sont donc bel et bien les secteurs économiques qui se trouvent être les principaux bénéficiaires de l’action territoriale sous toutes ses formes.
Il n’est donc pas illogique qu’ils en deviennent des partenaires pleins et entiers, au travers de leur participation citoyenne. C’est à partir de ces réflexions que l’on pourra mettre en place une réforme efficace de la DGF.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
M. Ronan Dantec. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, le groupe écologiste soutient la proposition de la majorité sénatoriale pour limiter la baisse des dotations aux collectivités.
M. Michel Bouvard s’exclame.
La baisse des dotations est une mesure récessive, à contretemps d’un nécessaire soutien à une reprise économique, j’avais déjà eu l’occasion de le souligner lors du débat que nous avions eu la semaine dernière sur l’évolution de la DGF.
Je veux rappeler tout d’abord que l’investissement public local représente 70 % des investissements publics. Retirer 3 milliards d’euros aux collectivités, avec les effets de levier induits, c’est en réalité soustraire beaucoup plus d’argent à l’investissement et à l’économie réelle.
Il convient également d’éviter les coups de rabot sur les dépenses de fonctionnement, car, on le sait, ce sont toujours – et c’est déjà le cas aujourd’hui – les mêmes politiques publiques qui se retrouvent ainsi sacrifiées et réduites. Je pense aux politiques de protection de l’environnement, bien sûr, mais aussi à la culture. Baisser le budget d’une bibliothèque de quartier ou de celle qui est implantée en milieu rural, c’est moins d’offre culturelle de proximité, ce sont autant de petits artistes qui ne pourront plus avoir les moyens de subsister, et c’est un impact réel et immédiat sur l’emploi.
Il s’agit bien sûr, en soutenant le maintien du niveau des dotations, d’assurer la continuité des services publics ; la continuité des prestations est essentielle dans une période où nous savons l’anxiété que suscite la diminution de l’offre de services publics, le sentiment d’abandon et ses conséquences politiques.
Le maire de Grenoble déclarait ce matin sur une grande radio que, après une phase d’optimisation ayant permis de réduire toutes les dépenses possibles, il était nécessaire de s’interroger sur le maintien des services publics si la diminution des dotations se poursuivait.
Je soutiendrai donc clairement la proposition visant au rétablissement partiel de la DGF, mais sans être dupe pour autant. La droite réclame en effet le maintien des dotations…
Quand l’un dit 100 milliards d’euros, l’autre dit ensuite 150 milliards. La contradiction est flagrante, nous le savons bien.
La position adoptée par le groupe écologiste est bien plus claire : la dépense publique est utile ; il faut maintenir les budgets alloués aux collectivités, et aucune perspective d’augmentation des recettes, donc du retour à l’équilibre pour le budget de l’État, ne sera possible avec une baisse des dépenses aujourd’hui.
Si l’on compare la politique budgétaire des États-Unis ou de la Grèce depuis la crise de 2008, on voit bien quels ont été les bons choix.
Nous ne sommes pas pour autant contre la recherche d’économies, je l’ai dit, et une bonne gestion de l’action publique. Je rappelle que le groupe écologiste a soutenu, notamment lors des discussions sur la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, tous les processus de mutualisation. Nous sommes souvent allés plus loin dans nos propositions de mutualisation et de souplesse de mutualisation que ce qui a été finalement retenu dans la loi.
Nous nous trouvons aussi aujourd’hui, me semble-t-il, dans l’obligation d’examiner d’autres pistes de financement pour les collectivités. J’ai noté l’intérêt, lors du débat de la semaine dernière, sur quelques-unes de nos propositions financières destinées à accompagner les intercommunalités. J’ai par exemple soumis au débat, monsieur le secrétaire d’État, la création d’une dotation générale de fonctionnement additionnel climat, puisque les intercommunalités sont désormais dans l’obligation de développer des plans climat-air-énergie territoriaux. Cette dotation pourrait être abondée par l’augmentation de la contribution climat-énergie, dite « taxe carbone ». C’est une proposition sur laquelle les réseaux de collectivités avaient précédemment travaillé.
Puisque la réforme de la DGF est reportée sur le fond, je profite de cette intervention pour dire que cette réforme n’a de sens que si elle s’appuie sur une vraie vision de la manière dont les territoires interagissent entre eux. Dans ce débat, nous restons souvent à la surface des choses. Je ne le dis pas parce que le président Gaudin est là aujourd’hui, mais je m’adresse à ceux qui se souviennent de Regain, le film de Pagnol réalisé dans les années trente et dans lequel nous retrouvions exactement le même syndrome. Pourtant, la réalité des métropoles d’Aix-Marseille ou de Nice-Côte d’Azur a bien changé depuis.
Aujourd’hui, les territoires interagissent, et l’une des clefs de la réussite consiste à placer les recettes et les dynamiques de la métropole au service de l’ensemble de ses territoires. Il faut sortir d’une vision un peu caricaturale entre, d’un côté, l’espace urbain et, de l’autre, un espace rural qui serait en déshérence : certains espaces ruraux vont bien et profitent de leur métropole ; à l’inverse, on trouve des villes moyennes qui vont mal et qui entraînent dans la difficulté l’ensemble du territoire avoisinant.
C’est cela, la réalité de la France d’aujourd’hui. Il va donc falloir travailler un peu plus sérieusement à une vision partagée de l’aménagement du territoire, tenant compte du rôle accru des collectivités territoriales, de la réforme des recettes et du nécessaire renforcement des obligations de solidarité : on sait à quel point les systèmes de péréquation sont difficiles à mettre en œuvre.
Mes chers collègues, nous avons besoin d’une nouvelle vision globale et collective de l’aménagement des territoires. Ce chantier me semble urgent. Néanmoins, je crains parfois que nous ne nous en tenions une fois de plus aux postures et que, de ce fait, nous ne restions à la surface des choses !
Applaudissements sur plusieurs travées du RDSE. – M. François Marc applaudit également.
M. Jean-Claude Requier applaudit.
Monsieur le secrétaire d’État, « cent fois sur le métier remettez votre ouvrage » : là est le bon sens, là est la sagesse !
Quand une réforme, sur le principe de laquelle un large consensus existe, a une telle importance pour la vie et le fonctionnement de nos collectivités, il n’est jamais bon de tenter de l’imposer aux forceps, c’est contraire à un fonctionnement équilibré de nos institutions.
Il n’est pas sain d’écarter, à l’exception du rapport Pires Beaune, d’ailleurs très inspiré par la direction générale des collectivités locales, la DGCL, tous les travaux, tous les rapports réalisés ou en cours de réalisation par le Sénat, lequel représente par essence les collectivités territoriales.
Comment voulez-vous que nous travaillions de manière constructive, conformément à notre objectif, quand il a fallu batailler pour obtenir au dernier moment et après de multiples demandes les simulations de votre projet de réforme de la DGF pour nos collectivités ? Au reste, la compréhension de ces simulations relève de l’alchimie, voire de la boule de cristal, surtout quand celles-ci sont livrées sans application des baisses de dotation.
En amont, je vous ai exprimé notre regret que cette réforme soit incluse dans un article du projet de loi de finances au lieu de faire l’objet d’un texte spécifique, permettant un vrai travail de préparation.
De même, je l’ai déjà dit, nous ne comprenons pas qu’une telle réforme soit votée de cette manière, alors que les périmètres des nouvelles intercommunalités imposés par les préfets ne seront connus qu’au cours de l’année 2016 et qu’ils rendront ce projet de réforme encore plus illisible et inapplicable.
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe RDSE ont déposé un amendement de suppression de l’article 58.
Conscient des difficultés techniques que pose, sur le terrain, l’application de ces dispositions, le Gouvernement a décidé de repousser d’un an les effets de la réforme : dont acte ! Mais il persiste à vouloir faire voter les principes de cette réforme à travers le projet de loi de finances pour 2016.
Selon nous, c’est tout le système, principes inclus, qui doit être repoussé d’un an. En effet, il convient d’améliorer à la fois les principes et leur déclinaison, d’autant que – nous l’avons toujours dit – l’architecture générale de cette réforme présente des aspects très positifs quant aux objectifs.
Le problème est le suivant : sur le terrain, la définition des critères de certaines des nouvelles dotations constituant la future DGF aboutit manifestement à l’inverse du but visé. Je pense en particulier, dans le nouveau système de calcul de la dotation forfaitaire, à la future « dotation de centralité » dont les effets seraient calamiteux si elle était maintenue telle quelle.
Je ne conteste pas le principe d’une baisse des dotations. D’ailleurs, soyons clairs : quel que soit le gouvernement, cette réduction aura lieu, et elle avait de fait commencé avant 2012.
La véritable question est la suivante : comment et dans quels délais répartir cette baisse de dotations de manière équitable, c’est-à-dire en la faisant principalement supporter par les collectivités riches – il y en a aussi bien dans les zones urbaines que dans les zones rurales – et non en appliquant la même purge à toutes les collectivités ?
Certes, les collectivités doivent assumer les conséquences de leurs décisions. Tel n’a pas été le cas pour les emprunts toxiques. À ce titre, tout le monde paie pour les errements de certains, …
… certes puissants politiquement… Mais nous savons tous que certains territoires sont naturellement beaucoup plus fragiles que d’autres ; que l’ouest de l’Île-de-France est plus facile à développer que l’est ; que les territoires ruraux enclavés sont à la limite de la désertification absolue.
Ainsi, parallèlement à la DGF, les systèmes de péréquation doivent être revus. C’est tout particulièrement vrai de la péréquation horizontale. Or ce chantier est très difficile à mener, parce que les collectivités riches, toutes sensibilités confondues, continuent à faire de la résistance.
À ce propos, nous n’approuvons pas l’amendement, déposé par le rapporteur général de la commission des finances, tendant à geler le FPIC 2016 au niveau de 2015, contrairement à ce qui était initialement prévu. À nos yeux, il s’agirait là d’un mauvais signal.
Quant au fonds pour la réparation des dégâts causés aux biens des collectivités territoriales et de leurs groupements par les calamités publiques, créé, sur l’initiative du RDSE, par la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM », le présent projet de loi de finances prévoit de le fusionner avec le fonds de solidarité relatif aux catastrophes naturelles au sein d’une dotation de solidarité. Nous n’y sommes pas opposés, à condition toutefois que le montant global, lui, ne fonde pas. Ce serait une calamité !
Monsieur le secrétaire d’État, je ne saurais être plus prolixe en quelques minutes. Néanmoins, au nom du groupe RDSE, j’insiste sur ce point : le Gouvernement doit accepter de modifier sa copie pour ce qui concerne la DGF. Vous en êtes à coup sûr conscient, il serait utile et constructif de donner davantage de signes pour que cette question fasse l’objet d’un véritable travail consensuel avec le Parlement.
Une grande majorité de nos collègues de toutes sensibilités est, à n’en pas douter, d’accord quant au principe de la réforme, mais non quant aux modalités, notamment certaines de celles que vous avez maintenues au titre de l’article 58. L’enjeu est si important, surtout si les collectivités doivent avaler des baisses de dotations, qu’il mérite bien quelques mois de réflexion supplémentaires !
Applaudissements sur les travées du RDSE.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. François Fortassin applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, depuis une trentaine d’années, la France a vécu ce que l’on pourrait appeler la longue marche vers plus d’autonomie et plus de décentralisation.
La conséquence de cette évolution est connue : les collectivités ont obtenu davantage de compétences, et les élus chargés de les exercer ont vu s’étendre le champ de leurs responsabilités. Reste la question des moyens mis à leur disposition pour mener à bien les missions qui leur sont confiées. C’est là tout l’enjeu de cette discussion.
Tout d’abord, on peut aborder ce sujet sous l’angle de l’enveloppe globale des dotations. Ces derniers jours, ces dernières semaines, de nombreux débats ont été consacrés à la baisse de la DGF, qui, dans son ensemble, chute de 3, 67 milliards d’euros. Un certain nombre de voix se sont élevées pour que l’ensemble de cette réforme soit revu, pour que le niveau des moyens alloués aux collectivités soit rehaussé et pour que les préconisations gouvernementales ne soient pas suivies.
À cet égard, un critère simple permet de distinguer deux ensembles, dans cet hémicycle comme dans celui de l’Assemblée nationale.
D’un côté, certains sont engagés par la trajectoire des finances publiques qui a été adoptée et qui doit garantir le redressement dont notre pays a besoin. Je fais partie de ceux-là, à l’instar de tous les membres du groupe socialiste et républicain. Nous avons soutenu le Gouvernement dans le nécessaire redressement des finances publiques.
Cette trajectoire est connue.
Il s’agit d’une trajectoire pluriannuelle, qui précise un certain nombre d’économies appliquées aux différents champs budgétaires.
De l’autre côté, certains membres de la Haute Assemblée ont refusé de suivre le Gouvernement dans cette orientation vertueuse de redressement des finances publiques. §À cette condition, je l’admets volontiers, tout est possible !
En effet, on n’est pas engagé et on n’a pas à veiller à l’équilibre des finances publiques à l’horizon de 2017 ou de 2018. Dès lors, on peut plus facilement s’octroyer des marges de manœuvre.
Cela étant, tout en restant soucieux de respecter la trajectoire qu’il s’est fixée, le Gouvernement a compris qu’il fallait accompagner l’effort d’investissement. Je lui sais gré d’avoir débloqué une enveloppe de 800 millions d’euros en faveur de l’investissement local, …
… d’avoir élargi le champ d’application du fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, et d’avoir nettement rehaussé le niveau de la péréquation. Il faut, cela va sans dire, penser aux communes les plus modestes.
Bref, ce budget comporte des mesures intéressantes et positives permettant d’accompagner la nécessaire évolution de nos finances publiques.
Ensuite, il convient d’examiner la répartition des moyens.
Mes chers collègues, la République a accepté le mouvement de décentralisation. Elle a donné davantage de responsabilités aux pouvoirs locaux.
Parallèlement, elle doit veiller à garantir l’égalité de traitement des Français à travers les moyens mis en œuvre au sein des collectivités territoriales.
Est-il normal que le potentiel financier des collectivités varie, aujourd’hui encore, de 1 à 3 ? Est-il normal que, comme l’a révélé le rapport Pires Beaune–Germain, les moyens mis à disposition des collectivités via la DGF varient, pour les mêmes strates, de 1 à 2 ? En l’occurrence, l’égalité de traitement des citoyens de notre République ne se vérifie pas, c’est incontestable ! §Il faut mettre un terme à cette situation.
Monsieur le secrétaire d’État, il faut agir sur le terrain du potentiel financier. Diverses questions méritent, à mon sens, d’être posées à cet égard. Certaines ont été abordées dans le cadre du présent projet de loi de finances, quant à la territorialité des ressources des collectivités. D’autres, bien entendu, sont liées au fonctionnement de l’intercommunalité. Je pense en particulier aux allocations de compensation. Dans ce domaine, on a en quelque sorte procédé à la cristallisation de différences antérieures. Il est sans doute possible d’employer des moyens fiscaux pour réduire l’écart du potentiel financier.
De surcroît, il faut poser la question de la DGF, au sujet de laquelle un consensus général se manifeste : il est nécessaire de faire évoluer ce dispositif. Lorsque Mme Pires Beaune est venue au Sénat présenter son rapport, une quasi-unanimité s’est dessinée pour reconnaître la justesse de son diagnostic.
Des inégalités se font jour et des évolutions sont indispensables.
Mme Pires-Beaune a émis plusieurs préconisations. Le Gouvernement a repris certaines d’entre elles dans cet article 58. Selon moi, ces dispositions vont dans le bon sens. Il s’agit d’attribuer la même dotation de base à tous en la complétant, le cas échéant, d’une dotation pour la ruralité et d’une part pour la centralité. Qui, aujourd’hui, peut contester ce mécanisme, particulièrement clair, transparent et satisfaisant ? Personne !
Ces préconisations font donc l’objet d’un consensus. Reste, cependant, la question de leur mise en œuvre.
Or c’est là que le bât semble blesser. Si l’on réforme la DGF à enveloppe constante, …
Dans les cas où l’on observe des écarts de 1 à 2, voire de 1 à 3, il y aura nécessairement des perdants.
À travers le dispositif qu’il présente, le Gouvernement prévoit environ deux tiers de gagnants et un tiers de perdants. C’est là une indication utile, que nous devons garder à l’esprit. Il ne faut pas moins aller dans le sens indiqué.
Pour ma part, j’estime que le dispositif détaillé dans cet article 58 est un bon projet. Des questions techniques se posent encore…
Quelques difficultés se font jour, notamment pour les villes moyennes.
Messieurs les rapporteurs, ces problèmes techniques n’ont pu être résolus au cours des dernières semaines. À présent, nous devons nous atteler à les traiter, ce qui exigera quelques semaines ou quelques mois.
Quoi qu’il en soit, j’en suis persuadé : le socle est posé, les bons principes ont été fixés et ce dispositif sera, comme prévu, applicable au 1er janvier 2017. Nous allons y arriver. Comme mes collègues du groupe socialiste et républicain, j’apporte aujourd’hui mon entier soutien aux propositions formulées en la matière par le Gouvernement !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons cette mission dans le contexte d’une poursuite de la baisse des dotations, dont chacun sait qu’elle est nécessaire – même si personne ne la souhaite – au vu de l’effort collectif qu’il faut engager pour réduire la charge de la dette et rétablir les comptes publics dans notre pays.
Monsieur le secrétaire d’État, la commission des finances a considéré, à juste titre, que ce processus devait être corrigé, au regard des normes nouvelles apparues en cours d’année et des décisions prises par le Gouvernement. Nous en avons débattu il y a quelques jours.
La seule réforme des rythmes scolaires représente – c’est la Cour des comptes qui le dit – une charge nette de 350 millions à 620 millions d’euros pour les collectivités. L’impact des décisions nationales sur les dépenses de personnel se chiffrait, pour 2014, à 1 milliard d’euros – c’est toujours la Cour qui le dit – et représente 42 % de la progression de la masse salariale enregistrée cette année. Je ne parle pas, pour les départements, de la revalorisation du RSA – un coût de 420 millions d’euros en 2015 – ni de ces normes, non prises en compte par le Comité national d’évaluation des normes, qui naissent des décisions de l’autorité préfectorale sur le terrain pour des plans de protection contre les risques d’inondation ou les risques naturels, qui conduisent à mettre en œuvre des dispositifs contre les crues centennales
Mme Christiane Hummel opine.
Le problème de la réduction des dotations pose corrélativement le problème de la soutenabilité, pour les contributeurs, des prélèvements effectués au titre de la péréquation, dont je veux dire un mot. J’ai bien entendu le président Mézard, nous ne contestons pas le bien-fondé de la péréquation, mais nous faisons le constat qu’elle ne peut pas, à elle seule, pallier la diminution des dotations pour les collectivités les plus fragiles. §C’est une mission impossible.
La péréquation crée aussi des situations de tension entre collectivités, au moment même où la réforme de la carte communale est en cours. Il est ainsi à craindre que, ici et là, certains arbitrages ne soient rendus par rapport à des intérêts budgétaires des collectivités plutôt qu’en fonction de la cohésion territoriale.
En outre, la péréquation pénalise des collectivités dynamiques, qui ne sont pas toutes dans une logique de rente.
Enfin, la péréquation est établie sur une base fragile. Je souhaite rappeler, à ce titre, le soutien que nous apportons au maintien à 780 millions d’euros du FPIC, au titre de l’exercice 2016.
Cette montée de la péréquation conduit certaines communes à passer en « dotation négative » vis-à-vis de l’État. Le FPIC, c’est aussi quatre départements où toutes les communes sont considérées comme riches, ce qui est la démonstration même de l’aberration lorsqu’on sait que trois de ces départements sur quatre sont des départements de montagne !
J’ajoute que la péréquation ne prend évidemment pas en compte les charges. Je rappelle, monsieur le secrétaire d’État, la recommandation réitérée, qui figure dans le rapport de la Cour des comptes de cette année sur les finances publiques locales
L’orateur brandit un exemplaire dudit rapport.
Je dirai un mot sur la situation des départements. En 2014, la dégradation de l’équilibre financier se poursuit. Le risque est bien évidemment – là encore, c’est la Cour des comptes qui le souligne – que l’effet de ciseaux se poursuive avec la montée des dépenses d’action sociale. Je voudrais rappeler que, outre la revalorisation du RSA décidée par l’État, le nombre des bénéficiaires de ce dispositif a augmenté de 5, 8 % au cours de l’exercice écoulé, pour atteindre 2 430 000 personnes. Je rappelle également que les prestations de compensation du handicap ne sont couvertes qu’à 41 % et que le taux de couverture se dégrade.
Dans le même temps, les départements sont, eux aussi, entrés dans une logique de péréquation, qui fonctionne selon une triple mécanique. Une première péréquation porte sur les compensations. En effet, les départements dont le potentiel financier était plus important il y a quelques années ont reçu moins de compensation sur l’allocation personnalisée d’autonomie, les taux de couverture variant d’un département à l’autre.
Les conséquences n’en ont pourtant pas été tirées, et cette compensation n’a pas été revisitée lorsque sont apparues la péréquation des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, la péréquation de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, et la péréquation de la dotation globale de fonctionnement. En effet, à la différence de celle qui s’applique au groupe communal, la péréquation propre aux départements prend en compte les niveaux de fiscalité départementale. Cela aboutit d’ailleurs à des effets « pousse au crime » : un de vos anciens collègues du Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, me recommande ainsi d’augmenter la fiscalité de 10 % afin de moins contribuer à la péréquation !
Il y a donc lieu de procéder à une remise à plat, sur des bases sincères et sereines. Nous espérions disposer de quelques indications à cet effet dans le rapport que le Gouvernement devait rendre au Parlement à propos de la soutenabilité du FPIC pour les communes. Ce rapport a été rendu hors délai
L’orateur brandit un exemplaire dudit rapport.
Pourtant, ce problème concerne également la réforme de la DGF – dont nous souhaitons le report –, puisqu’elle ne prend pas suffisamment en compte la problématique des différences de charges des collectivités et la typicité de ces charges.
Mon temps de parole étant écoulé, j’aurai l’occasion de revenir sur ce que sont un certain nombre de ces charges, et notamment sur les problématiques liées aux risques naturels, où l’État demande actuellement à des entreprises et à des collectivités d’assumer une partie de ses coûts sur les sections domaniales.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, j’aborderai successivement trois sujets : la baisse des dotations, la réforme de la DGF et la péréquation.
Concernant la baisse des dotations, beaucoup de choses excellentes ont déjà été dites. Mon sentiment est le suivant : elle pose un problème de rythme, madame la ministre, un problème d’ampleur et un problème majeur de répartition.
Sur ce dernier point, l’État fait-il autant d’effort qu’il en demande aux collectivités ? Comment cet effort de baisse des dotations est-il réparti entre les collectivités ? À cet égard, vous savez qu’il en va de la baisse de la DGF comme de l’impôt sur le revenu : nous avons le sentiment que l’effort est concentré sur les collectivités dont la richesse est « moyenne ».
En effet, les communes qui touchent ce que l’on appelle la « DSU cible » sont exemptées de cet effort, lequel, dès lors, s’en trouve doublé pour les collectivités qui se situent juste au-dessus de ce niveau et qui sont ainsi confrontées à de très grandes difficultés.
Rappelons qu’entre 2011 et 2013 la valeur des concours financiers de l’État a été gelée, que ceux-ci ont baissé en 2014 de 1, 5 milliard d’euros et que, depuis 2015, nous devons franchir chaque année une marche de presque 3, 7 milliards d’euros.
Je souhaite vous transmettre un message simple : il est nécessaire de s’orienter vers une pause, voire vers un moratoire. Une pause, c’est-à-dire au moins une année blanche, pour permettre l’évaluation des conséquences de ces baisses de dotations et observer leurs effets non pas au niveau « macro », comme l’a excellemment fait M. le secrétaire d’État ici même dernièrement, mais bien sur les collectivités.
De ce point de vue, on peut noter un certain nombre d’aberrations. Ainsi, certaines communes moyennes qui perçoivent la DSU – mais pas la « DSU cible » – sont également éligibles, à un faible niveau, au FPIC – il s’agit donc de communes disposant de peu de ressources – ainsi que, si elles sont situées en Île-de-France, au Fonds de solidarité de la région d’Ile-de-France, le FSRIF. Or elles subissent pourtant une baisse très forte de la DGF, jusqu’à une diminution de moitié.
Cet exemple – tout aussi pertinent dans le secteur rural – montre les difficultés que rencontrent ces collectivités. La marche prévue pour 2016 va être, selon moi, particulièrement ardue à franchir. Au vu des votes à l’Assemblée nationale et de la détermination du Gouvernement, j’entends bien que la question ne se posera pas en 2016, mais vous devez réfléchir, madame la ministre, à un étalement, à une pause ou à un moratoire pour 2017. Car l’effet de ces mesures sur l’emploi, sur les finances des collectivités et sur les services va être colossal. La part élastique d’un budget communal, celle que l’on peut baisser, est réduite : elle représente moins de 20 %.
Face à ce problème considérable, il faut sortir de cette bulle langagière qui consiste à avoir des statistiques macro-économiques globales, accompagnées de savants calculs sur ce que représente la DGF et sur l’ensemble des communes, pour revenir à des cas pratiques et s’interroger, avec des associations d’élus et le Parlement, sur l’effet défoliant de ces baisses de dotations.
M. Michel Bouvard applaudit.
Il faut regarder en face cette situation, que les élus vivent comme un harcèlement. Sur les territoires, ses conséquences sont substantielles.
J’en viens au deuxième point que je souhaite évoquer : la DGF. Je serai bref. La semaine dernière, sur l’initiative du groupe Les Républicains, nous avons débattu avec vous de la DGF, madame la ministre. Je le rappelle, nous sommes d’accord quant à la nécessité d’une réforme. En revanche, nous désapprouvons la méthode et le calendrier que vous avez choisis. Selon nous, ce sujet ne peut être traité comme un simple élément du projet de loi de finances, il mérite un débat et des conditions sereines qui sont d’autant moins remplies aujourd’hui qu’en parallèle la DGF baisse.
Vous nous dites qu’il faut assurer l’égalité. Or, dès lors que la « DSU cible » sert de couverture à beaucoup de communes qui disposent de peu de recettes, ces collectivités ne subissent que très peu les effets de la baisse des dotations. Vous affirmez qu’il faut mieux répartir parce qu’il y a moins à répartir, mais c’est déjà en partie le cas grâce à cette « DSU cible ».
Nous devons retrouver une vraie discussion, c’est-à-dire, comme cela a été parfaitement dit voilà quelques instants, une discussion qui porte sur des simulations, afin d’analyser ces questions dans un cadre différent, qui a été très bien défini par Charles Guené.
Nous nous accordons à considérer qu’à situations égales, la DGF doit être la même. De ce point de vue, votre projet est porteur d’éléments positifs. Il présente cependant deux risques. Le premier concerne les villes moyennes qui ne sont pas les villes-centres des nouvelles intercommunalités, soit qu’elles aient auparavant été ville-centre d’une intercommunalité absorbée dans une intercommunalité plus grande, soit qu’il s’agisse de villes moyennes dans une grande intercommunalité. La situation de ces communes, vous le savez, nécessite un travail de réglage.
Le second risque, plus lointain, est d’affaiblir les communes en conférant aux intercommunalités un rôle clé dans la répartition d’une DGF territorialisée. La volonté de favoriser l’intercommunalisation est constante, mais il faut être attentif à ne pas priver les élus municipaux du pouvoir financier.
Reste un problème à traiter, que Michel Bouvard a évoqué : la prise en compte des charges contraintes des collectivités. Notre collègue a cité les cas de communes devant faire face à des risques naturels, mais on pourrait évoquer les villes de départements confrontés à de graves problèmes d’insécurité. Il est dans ce cas nécessaire de disposer d’une police municipale, avec un agent pour 1 000 habitants, ce qui a un coût. Dans certains départements urbains, il n’est pas possible de faire autrement.
Je sais comment je pourrais réduire les dépenses dans ma commune : il suffirait de supprimer la police municipale et ses quatorze agents. Ce n’est pourtant pas du tout ce que me demande l’État, et encore moins les habitants ! Reste qu’il s’agit d’une charge induite. D’autres existent en secteur rural, qui doivent être également prises en compte.
Il est nécessaire de prévoir un dispositif amortisseur, en raison de l’histoire des collectivités. Certaines d’entre elles fournissant des services de longue date, il ne sera pas possible, demain matin, de leur demander de les réduire drastiquement. En l’état actuel du projet, l’absence d’un tel système pose problème.
Troisième et dernier point que je souhaite évoquer : la péréquation. Nous pouvons convenir qu’il sera très difficile d’harmoniser les positions sur ce sujet, y compris à l’intérieur de chaque groupe, car elles sont beaucoup affaire de circonstances locales et de situation de chacune des collectivités.
Nous ne pourrons pourtant pas faire l’économie d’une réflexion globale sur le sujet, notamment sur la question du FPIC. Comme Charles Guené le disait, la progression de ce fonds est moindre cette année, mais nous devons poser la question des charges à prendre en compte, en zone rurale comme en zone urbaine.
Vous l’avez compris, le groupe UDI-UC va soutenir les amendements tendant à consacrer à cette réforme de la DGF un projet de loi autonome, plutôt que le hasard de dispositions du projet de loi de finances.
Globalement, nous considérons qu’il est temps de traiter ensemble la DGF, la péréquation, les valeurs locatives – dont il sera bientôt question –, ainsi que la fiscalité locale, et ce au regard des missions des collectivités.
Vifs applaudissements sur les travées de l’UDI-UC. – Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains applaudissent également.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chacun en convient, les départements, tous les départements, se trouvent aujourd’hui dans une situation financière dramatique. Près d’une dizaine d’entre eux sont au bord du dépôt de bilan, et plusieurs dizaines le seront dès l’année prochaine.
La poursuite de la crise, l’insuffisante compensation des allocations individuelles de solidarité et la baisse des dotations d’État engendrent un redoutable effet de ciseaux.
Je rappelle que les dotations sont censées compenser des transferts de charges. Or l’État se débarrasse d’abord des charges, puis, progressivement, de leur compensation.
La perte cumulée s’élève par exemple pour mon département, le Val-de-Marne, à 38 millions d’euros en 2015, et elle devrait atteindre 93 millions en 2017.
Le prétexte, bien connu, est de faire contribuer les collectivités territoriales au « redressement des comptes publics ». Cette politique est dans les faits inefficace et absurde. Priver les collectivités de ressources les oblige à s’endetter.
Il est de plus contradictoire, quand on prétend lutter contre le chômage, d’ôter des moyens aux collectivités qui investissent et créent des emplois, pour les distribuer, souvent, d’ailleurs, sans contrôle, à de grandes entreprises qui licencient tout en faisant des profits. Cette politique va à l’encontre des besoins de la population et de la lutte contre le chômage.
Dans le même esprit, le remboursement par l’État des allocations individuelles de solidarité n’augmente pas quand la population, le nombre personnes âgées dépendantes ou d’allocataires du RSA progresse de manière très forte. Tout cela est absurde !
Le reste à charge pour mon département représente ainsi 93 millions d’euros en 2015, et 785 millions d’euros depuis 2002 et le transfert du RMI. Ce transfert tourne le dos à la solidarité nationale.
Or on ne construit pas la cohésion sociale en aggravant les injustices.
Le Gouvernement veut aller encore plus loin en 2017, avec le transfert de la moitié de la CVAE des départements pour la donner aux régions, sous le prétexte de transferts de charges, notamment en matière de transports. Or il y a une disproportion manifeste entre les ressources et les charges transférées.
M. Éric Doligé s’exclame.
Cette situation est particulièrement caricaturale pour les départements d’Île-de-France, qui continueront à financer le Syndicat des transports d’Île-de-France. Pour le Val-de-Marne, par exemple, cela représente une contribution de 38 millions d’euros cette année. Et vous lui prendriez environ 90 millions d’euros de CVAE au profit de la région... Mais pour quels transferts de compétences ? Tout cela n’est pas très sérieux !
Il est donc nécessaire de remettre en cause la baisse des dotations de l’État et d’en finir avec les transferts non compensés. Afin d’équilibrer le budget, je vous propose plutôt de mettre fin au subventionnement de grandes entreprises sans contrepartie.
Madame la ministre, je vais vous remettre la liste des 16 612 premiers signataires de la pétition du Val-de-Marne sur les finances locales qui réclament la compensation des allocations individuelles de solidarité ou la reprise par l’État de la charge du RSA, comme le réclament d’ailleurs l’ensemble des départements de France, ainsi qu’un moratoire sur la réduction des dotations de l’État aux collectivités territoriales.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. René Vandierendonck applaudit également.
Monsieur le Président, madame la ministre – je vous remercie de votre présence ce matin –, messieurs les rapporteurs spéciaux, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, évitons de refaire les débats que nous avons déjà eus.
Dans un contexte financier contraint…
… et face à des comptes publics détériorés, on ne peut guère discuter la nécessité de l’effort de solidarité qui, à travers ce projet de loi de finances, est demandé aux collectivités territoriales…
J’y arrive !
… tout comme aux entreprises, aux ménages et, bien sûr, à l’État.
Néanmoins, le projet de loi de finances pour 2016 comporte une série de mesures afin d’accompagner les élus locaux.
Le président de notre groupe a d’ailleurs souligné que les élus locaux concernés, cher Vincent Capo-Canellas, étaient ou bien des élus urbains – le Gouvernement présentera tout à l’heure un amendement qui concerne précisément le problème que vous avez posé –, ou bien des élus ruraux. J’ai d’ailleurs assisté à la conclusion des assises de la ruralité qui leur étaient consacrées.
Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
Le projet de loi de finances pour 2016 prolonge également le soutien des pratiques vertueuses des collectivités territoriales que le Sénat a défendues au-delà des clivages partisans.
Permettez-moi de souligner la loi facilitant la création des communes nouvelles. Je marque qu’il est important de faire un pas supplémentaire. D’ailleurs, aux yeux du rapporteur de la commission des lois pour le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, Jean-Jacques Hyest, il était clair qu’il serait nécessaire de procéder à quelques réglages à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances.
Enfin – sans grande originalité, j’en conviens –, j’ai de nouveau déposé l’amendement sur les « départements nouveaux » qui, je ne l’ai pas oublié, avait été également soutenu par le groupe Les Républicains lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015.
M. René Vandierendonck. Voilà les quelques points sur lesquels je vais concentrer mes efforts. Cher collègue Raynal, comme vous, à titre personnel, j’espère notamment que nos débats aboutiront à ce que le financement des pratiques vertueuses que j’ai évoquées soit sorti de l’enveloppe fermée de la DGF.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Yvon Collin applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2016 prévoit de réformer la dotation forfaitaire des communes fondée sur une nouvelle architecture et entérine la poursuite de la baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales. En cumulé, en trois ans, ce sont donc 15, 5 milliards d’euros en moins pour les budgets des collectivités.
Dans ce cadre budgétaire, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » représente à peine plus de 2 % des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales.
Nous n’avons cessé de le rappeler sur ces travées, les collectivités locales ne sont nullement opposées à leur contribution au plan d’économies des dépenses publiques.
Leur engagement est tangible. Elles ont notamment entrepris d’importants efforts pour rationaliser, mutualiser et moderniser l’action publique locale. Leurs efforts représentent 22 % de l’effort total des acteurs publics en 2014.
Créée en 1979, la DGF joue un rôle central pour les collectivités. Cette dotation étant devenue illisible, une nouvelle réforme s’impose et, comme cela a déjà été dit, nous y sommes favorables.
Toutefois, comme le président Larcher et bon nombre de nos collègues, j’aurais souhaité que cette réforme fasse l’objet d’un texte spécifique, ce qui aurait permis un temps de réflexion, une étude d’impact plus efficiente et, surtout, des simulations fiables, d’autant que la carte intercommunale ne sera achevée qu’au 31 mars 2016.
Je précise que la réforme a été présentée comme bénéficiant à une grande majorité de communes. Or les simulations ne tenaient pas compte de la contribution au redressement des finances publiques, autrement dit n’intégraient pas la baisse de la DGF prévue en 2016.
Je soutiens bien sûr les propositions de sagesse adoptées à l’article 10, sur la minoration de la baisse de la DGF, la prise en compte du coût des normes transférées par l’État aux collectivités ainsi que le coût de la réforme des rythmes scolaires imposée aux communes.
J’espère qu’il en ira de même des propositions de la commission des finances et des rapporteurs spéciaux visant à tirer les conséquences du report de la réforme en 2017 et à apporter plus de lisibilité au projet de loi de finances pour 2016.
Je prends acte de la mise en place du fonds de soutien à l’investissement local, demandée par les associations d’élus, qui correspond en réalité à la stabilisation du niveau de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, et à la création de la dotation de soutien à l’investissement.
Ces crédits permettront de soutenir les communes et les EPCI, certes, mais ils ne donneront pas l’élan nécessaire à l’investissement local puisque le décaissement du milliard d’euros sera progressif.
De plus, le fonds de soutien à l’investissement local ne concerne que le bloc communal, alors que les investissements des départements, dans des situations budgétaires plus que délicates pour certains, sont en baisse de 5, 5 %.
D’ici à 2017, l’effondrement de l’investissement public local, qui a baissé de 7 % en 2014 alors qu’on attend une baisse de 30 % pour 2015, pourrait entraîner la perte de plus de 600 000 emplois. Nous ne pouvons y souscrire.
Face à l’inflation législative et à l’instabilité fiscale, la perte de confiance des élus dans nos territoires est une réalité. Alors qu’ils ont des projets d’investissements ou de nouveaux services à la population, ils se demandent comment ils vont pouvoir les financer.
Les territoires pourront-ils financer ces investissements et ces services en activant le levier fiscal ? Quelque 30 % du bloc communal y a déjà eu recours. Le Gouvernement a ainsi trouvé une excellente parade, en faisant supporter son impéritie par les collectivités.
Les territoires devront-il financer ces investissements et ces services en empruntant, alors qu’on demande aux collectivités de réduire la dette publique ? Ou en reportant les investissements, report dont on connaît les conséquences désastreuses sur la croissance, l’économie locale et la dynamique de nos territoires ?
Quant aux intercommunalités, elles contribuent largement aux investissements, grâce notamment à la progression du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales.
Avec le relèvement du seuil de l’effort fiscal à 1 en 2016 contre 0, 5 en 2012, cent vingt-cinq intercommunalités seront exclues du bénéfice de ce fonds national de péréquation.
Madame la ministre, dans mon département, pour une intercommunalité de plus de 15 000 habitants, avec un seuil d’effort fiscal de 0, 94, cela représenterait 400 000 euros en moins, ce qui est considérable !
Concernant l’information des élus, il serait bon que les collectivités disposent d’un calendrier de notifications des dotations, actualisé en fonction des évolutions législatives, et qu’elles puissent enfin connaître le montant des dotations attribuées, à une échéance compatible avec la date limite de vote de leur budget. Madame la ministre, j’aimerais vous entendre sur ce point essentiel.
Si nous voulons avoir la confiance des élus et de nos concitoyens, il faut avoir des textes clairs, compréhensibles et des données sûres.
Je voterai donc les crédits de cette mission si les amendements proposés par la majorité sénatoriale sont adoptés. J’en termine en saluant le travail de notre assemblée, qui contribue au sein de nos institutions à un bicamérisme fort !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, étant membre de la commission des lois, je me suis plus particulièrement attaché au rapport pour avis donné par Mme la rapporteur de la commission des lois.
Bien évidemment, deux observations s’imposent à moi. Premièrement, l’effort de redressement des comptes publics supposait aussi, cela a déjà été dit, une stratégie d’effort des contributions des collectivités locales. Ce budget marque la deuxième étape de cet effort important mais sans doute nécessaire.
Malgré les difficultés supplémentaires, je le concède volontiers en tant que maire, que constituent les obligations nouvelles qui s’imposent souvent à nous – le Sénat devrait d’ailleurs se pencher plus avant sur le travail intéressant effectué par la commission d’évaluation des normes – et des marges de manœuvre qui restent relativement faibles, cet effort doit entraîner une révision des dépenses locales en matière de fonctionnement, comme l’avait signalé la Cour des comptes. Le risque, pour nos concitoyens, est une tendance forte à l’augmentation des taux d’imposition, et donc de l’imposition locale.
À cet égard, se pose le problème de l’actualisation des bases – j’aurais aimé le dire au ministre du budget ! –, un sujet sur lequel il faut travailler. Dans les communes ou les intercommunalités ayant consenti d’importants efforts en matière de construction de logements, le retard considérable en matière d’actualisation des bases fait sans doute perdre des recettes que l’on devrait naturellement avoir et qui n’impliquent pas une augmentation des taux.
C’est vrai !
Un autre risque est bien entendu la baisse des investissements locaux, sauf à s’aventurer dans un autofinancement négatif, ce qui est impossible pour les budgets des communes.
À cet égard, il faut aussi noter ce qui s’est passé dans un certain nombre de départements – j’en connais ! –, qui ont largement participé aux investissements des communes, notamment des petites, et ont fait des promesses qu’ils ne respectent pas forcément ou dont ils reportent l’application dans le temps. Les recettes attendues au titre des subventions liées à certains investissements arrivent donc avec un certain retard.
Enfin, se pose bien évidemment la question de la réforme de la DGF. Tout le monde s’accorde à dire qu’elle est indispensable. Pourtant, je vous entends, les uns et les autres, réclamer du temps, du débat, y compris, comme l’a dit Mme la rapporteur pour avis, une loi spécifique, afin de disposer de plus de temps et d’avoir des débats plus sereins. Mais c’est oublier ce qui s’est passé avec la réforme de la taxe professionnelle, qui n’a été débattue que lors d’une émission télévisée et s’est imposée à nous de manière extrêmement dramatique.
Mme la rapporteur pour avis s’exclame.
Faut-il pour autant une loi spécifique ? Ou cela ne peut-il pas se faire dans le temps qui vient d’être proposé par le Gouvernement et repris par l'Assemblée nationale ?
Pour ma part, j’estime que, comme l’a souligné le rapporteur M. Raynal, la rédaction de l’article 58 est satisfaisante.
Enfin, madame la rapporteur pour avis de la commission des lois, vous avez exprimé, à titre plus personnel, vos inquiétudes quant à la question du financement des départements, et vous vous êtes interrogée sur la pertinence d’avoir trois niveaux de collectivités.
M. Jacques Bigot. Voilà une question qui revient, madame la ministre. Cela prouve que le débat n’est pas clos, mes chers collègues !
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.
M. François Bonhomme. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’image de beaucoup de nos concitoyens, les élus locaux, d’horizons politiques très divers, ont perdu confiance dans un État qui est devenu impécunieux et, plus encore, chaotique dans ses relations avec les collectivités locales.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.
L’inquiétude des maires, des présidents d’intercommunalité, mais aussi des présidents de conseil départemental n’est pas feinte, selon un jeu de rôle mécanique ou faussement théâtral. Ils sont réellement inquiets.
Au vu de leur expérience, les exécutifs locaux qui ont eu à établir leur budget en 2015 le disent tous : boucler un budget local en maintenant un niveau d’investissement significatif sans recourir au levier fiscal ni détériorer le niveau d’endettement devient chose difficile, voire impossible. C’est bien sûr une question d’ordre financier, mais cela tient aussi au lien de confiance qui a été, pour le moins, fragilisé entre l’État et les collectivités locales.
Vous savez, madame la ministre, l’attachement que j’ai à la parole présidentielle, une parole d’or. Souvenons-nous de l’engagement écrit n° 54 du candidat François Hollande à l’élection présidentielle : « Un pacte de confiance et de solidarité sera conclu entre l’État et les collectivités locales, garantissant le niveau de dotations à leur niveau actuel. »
C’était avant, comme on dit selon la formule consacrée ! Mais je puis vous dire que le maintien des dotations en 2016 au niveau qui était le sien en 2012 ferait aujourd’hui le bonheur des collectivités locales.
Il ne fallait pas creuser le déficit de la sécurité sociale et le déficit du commerce extérieur !
Or ce projet de loi de finances contient des mesures nouvelles qui auront nécessairement des incidences importantes sur les collectivités locales.
Pour la troisième année consécutive, il prévoit une diminution de l’enveloppe normée via une baisse de la DGF de 3, 6 milliards d’euros. Au total, c’est une baisse cumulée de près de 28 milliards d’euros pour les collectivités locales.
Dans la première partie du projet de loi de finances, nous avons amendé les dispositions proposées, en ayant une position qui me semblait équilibrée.
Oui, nous le rappelons, les collectivités locales doivent prendre toute leur part au redressement des comptes publics. Mais, outre la brutalité avec laquelle cette baisse intervient, cet effort doit tenir compte du poids financier des normes nouvelles qui leur sont imposées, ainsi que des charges nouvelles que l’État leur transfère.
D’abord, ce projet de budget témoigne d’une fragilisation accrue de la capacité d’investissement de nos territoires.
Déjà en 2014, la baisse des dotations s’était traduite par une diminution de l’investissement du bloc communal de 12 %, une baisse qui s’est poursuivie en 2015 à hauteur d’environ 10 % et qui sera sans doute confirmée en 2016.
Pourtant, personne n’ignore le levier que constituent les collectivités locales en faveur des dépenses d’investissements publics. Dans ces conditions, comment imaginer que de nouvelles restrictions ne constitueront pas une nouvelle contrainte, qui aura des conséquences négatives sur l’emploi local ?
M. Jacques Chiron s’exclame.
L’équation que les collectivités locales doivent résoudre est intenable. En effet, comment peuvent-elles conserver à la fois un coefficient de mobilisation du potentiel fiscal modéré et maîtrisé, une capacité d’autofinancement net significative et un niveau d’endettement à l’abri des seuils d’alerte ?
Ces questions ont été largement débattues ici et ailleurs, notamment lors de la discussion de la partie relative aux recettes, et nous ne pouvons que valider la rédaction de l’article 58 bis que propose la commission des finances.
Pourtant, le dispositif prévu à l’article 59 de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », avec la création d’un fonds d’aide à l’investissement local, doté d’une enveloppe de près de 1 milliard d’euros, suscite l’étonnement.
Cette dotation budgétaire serait attribuée pour financer des investissements bien ciblés, notamment des projets liés à la transition énergétique ou à la construction de logements. Mais quelle est la logique ?
Le Gouvernement détricote une partie de la baisse de la DGF et fait mine de redonner – une petite part ! – d’une main ce qu’il a repris de l’autre.
Cet affichage relève du bonneteau fiscal : les crédits de paiement de ce fonds ne dépasseront pas 150 millions d’euros en 2016 ! D’un côté, 150 millions d’euros et, de l’autre, 3, 6 milliards d’euros ! Cela ne mérite pas de plus amples commentaires.
Concernant la tentative de réforme de la DGF, nous en avons largement débattu ici même le 17 novembre dernier. Chacun fait évidemment valoir la nécessité de procéder à cette réforme en raison du caractère inéquitable et opaque de cette dotation.
Les montants de la DGF par habitant sont très hétérogènes. En outre, cette dotation n’a pas été mise en cohérence avec les dernières évolutions qu’ont connues nos territoires. La méthode retenue n’a donc pas permis de surmonter cette difficulté, nous en prenons acte.
Or, avec ce texte, le manque de visibilité sur les conséquences de cette réforme dans les années futures est bien réel. Comment évaluer véritablement les gagnants et les perdants, alors que le contexte de périmètre des intercommunalités est nécessairement amené à évoluer d’ici au printemps 2016 ?
L’annonce du report d’un an de l’application de la réforme dans l’attente d’un rapport sur les effets de la nouvelle DGF est certes un soulagement, mais nous regrettons que nos collègues députés ne soient pas revenus sur son contenu, notamment une éventuelle modification de la répartition des composantes de la nouvelle DGF.
Nous appelons donc de nos vœux le couplage de la refonte de la DGF avec une réforme de la péréquation horizontale. Pour ce faire, il nous paraît indispensable de suspendre la réforme prévue dans le cadre du présent projet de loi de finances et de la reporter au printemps prochain, par exemple, après l’achèvement de la carte intercommunale, à un texte spécifique, qui viserait à refonder l’ensemble des ressources des collectivités territoriales.
Tel est le sens des amendements que nous propose la commission des finances. §À cet égard, nous souhaitons que le Gouvernement engage une réelle concertation avec le Parlement sur ces questions, sans passage en force cette fois-ci.
(M. Philippe Dallier s’esclaffe.) du candidat victorieux en 2012, qui ne doit pas devenir le Président de la République oublieux en 2015.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains et M. Vincent Capo-Canellas applaudissent également.
En définitive, tout cela s’inscrit pleinement, me semble-t-il, dans l’esprit de l’engagement n° 54 §
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai rejoints dès que cela m’a été possible après le conseil des ministres, dont le cadre est actuellement très particulier. La ministre de la fonction publique que je suis rend d’ailleurs hommage à l’ensemble des fonctionnaires qui mènent encore en ce moment même des opérations très délicates. Mais j’ai pu suivre – c’est un avantage ! – l’ensemble de vos interventions grâce aux nouvelles technologies.
Et je salue les interventions de chacun sur un débat intéressant, même s’il est difficile à conduire. D’ailleurs, nos concitoyens peinent parfois à comprendre les mots que nous utilisons, et je les crois volontiers…
M. Guené a rappelé un certain nombre d’éléments fondamentaux. Voilà quelques jours, nous avons déjà eu un débat sur la DGF, organisé sur l’initiative du groupe Les Républicains, durant lequel j’avais déjà apporté des précisions sur les propositions que nous avons tous – la direction générale des collectivités locales, le ministère du budget, le cabinet du ministre du budget et les ministres concernés – formulées en amont. De nombreuses concertations ont été engagées, nombre de travaux ont été conduits cette année.
Aussi, on ne peut parler d’« impréparation », même si l’on peut toujours faire mieux, chaque élu doit le reconnaître. Je le redis à l’intention de ceux qui n’étaient pas présents lorsque nous avons débattu de la réforme de la DGF le 17 novembre dernier au soir, l’absence de participation de la majorité du Sénat aux travaux de la mission parlementaire nous a coûté…
… en clarté, en transparence, en informations échangées – tel était l’objectif de la mission, et elles étaient de qualité ! – et sans doute aussi en démocratie. D’ailleurs, je m’en souviens, M. Mézard avait affirmé, à juste raison, que certains groupes n’y avaient pas été associés.
Compte tenu des réponses que j’ai déjà apportées, mon intervention sera plus brève aujourd'hui.
Les interventions des orateurs qui se sont exprimés la semaine dernière et ce matin témoignent d’un constat partagé : la DGF est injuste et illisible. Elle prend insuffisamment en compte les charges de sous-densité, les charges de centralité, ou encore, monsieur Bouvard, les charges liées à la géographie. Aujourd'hui, l’efficacité de la péréquation est trop faible. Nous devons le redire ensemble à nos concitoyens, l’écart type de la DGF – le produit de cette dotation est en deuxième position derrière les ressources fiscales, intégralement réparties bien évidemment – est de 292 euros par habitant en 2015. Les écarts de ressources progressent en même temps que la fiscalité. Les collectivités qui ont le plus de fiscalité connaissent donc les plus fortes progressions. Cet écart constitue donc un problème majeur, et nous devons en tenir compte.
La DGF devrait être de nature à réduire ces écarts ; c’est l’objectif qui lui a été assigné. En effet, dans le passé et depuis 1979, vous avez tous voulu qu’elle soit péréquatrice, dans l’idée d’assurer une égalité non pas des chances, mais des possibles, en particulier d’accès au service public.
L’écart de 292 euros par habitant après fiscalité passe à 305 euros après versement de la DGF. Cette dotation amplifie les écarts. Ce n’est fondamentalement ni juste ni porteur d’avenir pour nos territoires.
Ce simple constat nous oblige. Je sais que vous voulez remédier à cette situation. Heureusement, un instrument de péréquation a été « inventé », ai-je envie de dire ; il a été proposé et adopté par l’ancienne majorité : le FPIC, qui a permis de corriger tout ou partie – mais en partie seulement, vous le savez ! – la progression de ces inégalités.
Certes, compte tenu de la baisse des dotations, il peut effectivement y avoir une difficulté à faire appel au FPIC dans les conditions qui avaient été définies initialement. Mais nous ne pouvons pas rejeter l’idée d’une progression de la péréquation. Il faut tenir compte du fait que l’écart de ressources par habitant est passé de 292 euros à 305 euros ! Je crois qu’il s’agit là d’une question majeure. Notre République, soucieuse d’aplanir les inégalités, doit y répondre.
Oui, il faut moins faire jouer le FPIC ! D’ailleurs, nous l’avions proposé. Mais je pense qu’il serait extrêmement dangereux de remettre l’outil en cause.
Je me félicite des propos de M. le rapporteur spécial Charles Guené quant aux souhaits des uns et des autres de participer à la suite des travaux sur la réforme de la DGF. Nous n’allons pas nous lamenter ad vitam æternam sur les ratés d’hier. Travaillons à présent tous ensemble ! La réflexion, la concertation et la contribution de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation ont été importantes. Je vous remercie de vos apports passés, présents et futurs.
M. le rapporteur spécial Claude Raynal a souligné que nous n’avions pas suffisamment réfléchi à la prise en compte de l’effort fiscal. Il est vrai qu’il n’a jamais cessé de nous alerter sur le sujet au cours des derniers mois.
Comme je l’ai déjà signalé la semaine dernière, nos simulations ne sont, à l’heure actuelle, pas satisfaisantes du point de vue de la justice. L’application d’un indice synthétique fondé sur le rapport de l’effort fiscal et du revenu moyen par habitant – l’effort fiscal doit forcément être rapporté à ce revenu – corrige bien certains écarts, mais il en aggrave d’autres.
Au mois de juillet dernier, le Comité des finances locales n’avait pas voulu que les simulations soient distribuées. Inutile, là encore, de pleurer sur le passé. Mais, si nous avions pu distribuer tous les documents à cette date, comme c’était prévu, nous aurions gagné du temps.
Nous avons pris en compte la remarque qui avait été formulée à cette époque par l’un des membres de la Haute Assemblée. Mais nous n’avons pas la réponse à sa question aujourd’hui. Continuons donc à travailler sur ce sujet important. Nous communiquerons évidemment à chaque groupe et à chaque organe compétent l’ensemble des simulations réalisées.
Comme vous, je pense que l’élargissement du FCTVA, dont le Sénat vient de décider la poursuite, par exemple en faveur des dépenses liées au haut débit, et la création d’un fonds d’investissement sont de bonnes mesures pour soutenir l’investissement local. Certes, seulement 150 millions d’euros de crédits de paiement sont inscrits. Mais il est inutile d’en inscrire plus tant que les appels d’offres pour les marchés publics ne sont pas encore été lancés. Soyons raisonnables ! Dans la période actuelle, on ne peut pas envisager des provisions dans les budgets.
Mme la rapporteur pour avis Jacqueline Gourault, qui est toujours très attentive à l’état des finances locales et des comptes de l’État, a indiqué que la commission des lois avait jugé la baisse des dotations excessive et décidé de la minorer. Je comprends que l’on puisse défendre une telle position. Ce serait évidemment formidable si nous pouvions éviter de baisser la dépense publique ! Simplement, l’endettement de notre pays est trop lourd, surtout compte tenu de l’évolution prévisible des taux d’intérêt. Il est difficile de faire des projections dans ce domaine, car les crises majeures qui peuvent survenir changent la donne, y compris d’un point de vue macroéconomique. Mais je ne crois pas une seconde que les taux d’intérêt resteront pendant cinq ans ou dix ans à leur niveau actuel ; évidemment, si c’était le cas, notre situation financière pourrait être acceptable.
Si nous devons poursuivre la remise en ordre de nos finances publiques, ce n’est ni pour faire plaisir à Bruxelles ni au nom d’une orthodoxie budgétaire intransigeante. Simplement, en ne stoppant pas l’explosion de notre dette, nous laisserions un héritage insupportable ! Vous le savez, l’État emprunte 100 % de ses dépenses à la fin de l’année !
Ainsi que je l’ai indiqué la semaine dernière, le rendement de l’impôt sur le revenu ne suffit pas à couvrir l’ensemble des dotations allouées par l’État aux collectivités territoriales. Nous devons donc traiter le problème, même si j’ai conscience des difficultés.
Je comprends également que l’on réclame un texte législatif spécifique. Simplement, compte tenu du calendrier parlementaire, surtout eu égard aux ajustements exigés par le drame que nous venons de vivre, je ne pourrais pas trouver le créneau pour le faire examiner par le Parlement avant la fin de l’année prochaine, d’autant qu’il ne serait pas souhaitable d’engager la procédure accélérée.
Je vous le dis sincèrement : si nous faisions le choix d’un projet de loi spécifique, il n’y aurait pas de réforme de la DGF en 2017. Il ne serait pas possible d’adopter un tel texte dans des délais compatibles avec les exigences constitutionnelles.
Mme la présidente de la commission des finances acquiesce.
En revanche, nous avons mis sur la table l’ensemble des dispositions de la réforme. Nous avons jusqu’au mois de juillet pour en discuter. Je me tiendrai à la disposition des commissions parlementaires, qu’il s’agisse de leur fournir des simulations ou de débattre avec elles, publiquement ou non. Tout ce dont vous aurez besoin vous sera accordé. L’idée est que toutes les remarques aient été entendues d’ici au dépôt du projet de loi de finances pour 2017 et que vous puissiez mettre au point vos propositions et contre-propositions en connaissance de cause.
Mais, envisager un projet de loi spécifique supposerait de renoncer à certains autres textes législatifs. Or ce n’est pas moi d’en décider.
Je vous remercie de vous appuyer sur les travaux de la mission parlementaire, sur les propositions que le Gouvernement a déjà fait connaître et sur les simulations qui seront établies à votre demande.
(Sourires.) Depuis un certain temps, les fonctionnaires de cette administration ont décidé que le week-end, période où les téléphones ne sonnent pas, était le meilleur moment pour réaliser dans le calme les simulations demandées !
Nouveaux sourires.
La Direction générale des collectivités locales est attentive aux diverses demandes qui lui sont adressées, d’autant que, c’est bien connu, elle n’a pas de travail ! §
Madame Beaufils, vous avez déploré à juste raison les effets de la baisse des dotations. Personne ne pense que c’est une bonne nouvelle ! Mais nous faisons ce choix pour le bien de nos enfants et petits-enfants ! Nous ne voulons pas être obligés, dans une dizaine d’années, de toucher au budget de l’éducation nationale, qui va d’ailleurs redevenir le premier budget de notre pays, devant le remboursement de la dette. Ne relâchons pas l’effort de l’État en faveur de l’école, …
… surtout après ce que nous venons de vivre ! Tout le monde doit faire des efforts !
Notre choix, peut-être critiquable, comme tout choix, est de donner la priorité à l’école et à la sécurité. Nous allons recréer des postes de policiers et de gendarmes. Songez que 13 000 postes de policiers avaient été supprimés ! Ces mesures entraîneront des dépenses supplémentaires. Nous le verrons demain matin lors du colloque organisé avec les soixante-quinze écoles de service public.
Mme Beaufils considère à juste titre que le travail sur la réforme de la DGF doit continuer et que nous n’avons pas suffisamment tenu compte d’un certain nombre de propositions parlementaires. J'en prends l’engagement : toutes les suggestions seront étudiées. Je garde un mauvais souvenir de la suppression de la taxe professionnelle et d’un certain nombre d’autres mesures qui ont été prises sans simulations préalables. Je pense en particulier à certaines décisions relatives au FPIC, qui nous forcent aujourd’hui à faire moins jouer un outil de solidarité dont la création avait au départ suscité un certain enthousiasme ; faute de simulations, nous n’avions pas remarqué que d’autres difficultés allaient apparaître.
Madame Beaufils, vous avez parlé de justice. Or il me paraît profondément injuste d’avoir des différences supérieures à 300 euros alors que les charges sont partout importantes. Nos concitoyens nous reprocheraient de ne pas avoir corrigé une telle situation.
M. Dantec s’est réjoui que la baisse de la DGF soit amoindrie. Mais si on baisse moins la DGF, il faut baisser autre chose ! Faire des choix, c’est la responsabilité de l’exécutif, mais c’est aussi le rôle du Parlement. Quel autre budget faudrait-il réduire ? Pas le budget de la défense cette année, même si certains ont aussi mis en cause ces dépenses !
Je ne peux pas vous dire à ce stade s’il y aura une DGF additionnelle « climat ». Il faudrait travailler plus longuement sur la question. Mais les investissements en matière de transition énergétique et de mobilités constituent déjà une forme d’accompagnement du développement durable et de la lutte contre le réchauffement climatique.
Je le rappelle en souriant, lorsque j’ai demandé que les communes puissent être responsables aussi de la qualité de l’air, cela a fait rire le Sénat !
Or il y a un problème majeur. Qui est responsable de la qualité de l’air ? Qu’allons-nous faire pour que l’air respiré soit moins pollué ? Cela relève à la fois du plan de la transition énergétique et des mobilités et du plan des produits utilisés dans nos crèches et nos écoles. Je me dis rétrospectivement que ma proposition méritait mieux que des ricanements ! Sur cette question comme sur d’autres, nous allons devoir travailler ensemble. Indépendamment du réchauffement climatique, les études épidémiologiques récentes font apparaître que des accidents pourraient être évités, en particulier pour les enfants.
Nous ne donnerons pas suite à vos propositions, monsieur Dantec ; nous ne voulons pas que la France s’enfonce en chantant dans l’augmentation de sa dette. Mais il est vrai que des progrès doivent être accomplis collectivement sur la question des interactions entre les territoires. Notez que nous ne sommes pas restés sans rien faire. Je pense à la réforme territoriale, à la promotion des métropoles et à la progression des péréquations, même si l’on peut sans doute faire mieux. Sur ce sujet aussi, je me tiens à la disposition des groupes.
Monsieur Mézard, vous avez répété que la réforme de la DGF était souhaitable et que nous étions d’accord sur les principes, malgré nos divergences sur les modalités de mise en œuvre. Comme plusieurs autres orateurs, vous souhaitez une répartition plus équitable de la DGF, mais dans le cadre d’un texte spécifique, et vous prônez la suppression de l’article 58 du projet de loi de finances pour 2016. Mais encore faudrait-il s’assurer d'avoir le temps de voter un projet de loi d’ici au mois de juillet prochain, pour que la réforme puisse être intégrée dans la préparation du projet de loi de finances pour 2017 ! En vérité, la méthode retenue ne tient pas à un choix politique, car vous avez raison de souligner que le débat permet de mieux légiférer. Notre choix correspond à un souci d’efficacité et de justice : il faut que la réforme s’applique en 2017. Nous nous sommes donné du temps à la demande du Premier ministre ; à nous d’en tirer le meilleur parti.
Vous êtes parmi les seuls à vous opposer au gel du FPIC. Je pense que la progression de ce fonds en 2016 est un débat important, car la péréquation horizontale est essentielle. Certes, il importe de se pencher sur les quelques cas où le FPIC peut mettre en danger l’égalité d’accès aux services publics ou s’additionne au fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France. Le choix que nous avons fait n’est, certes, pas parfait, mais il n’y a pas de choix parfait. En tout cas, nous avons fait un effort de conciliation des points de vue. Peut-être y aura-t-il un accord entre le Gouvernement et vous, monsieur Mézard.
Monsieur Marc, vous avez défendu la réforme de la DGF de manière très documentée, comme la semaine dernière. Les travaux que vous avez menés sur le sujet en amont, ainsi que vos réflexions sur la révision des bases cadastrales – c’est un serpent de mer sur lequel il nous faudra revenir, car la situation actuelle étouffe nombre de collectivités territoriales –, vous ont conduit à dresser le constat d’injustices profondes qu’il faut corriger.
M. François Marc acquiesce.
Vous apportez votre soutien à la trajectoire budgétaire du Gouvernement jusqu’en 2017. Vous estimez – et nous partageons ce constat ! – qu’il y a un équilibre entre l’État, la sécurité sociale et les collectivités territoriales.
Vous avez également salué les mesures de soutien à l’investissement que le Gouvernement a prises. Indépendamment de la baisse équilibrée des dotations, l’aide apportée par l’État, qui viendra soutenir certaines politiques publiques essentielles, est effectivement utile.
Vous considérez que certaines modalités de mise en œuvre de la baisse des dotations pourraient être revues. Vous avez sans doute raison. C’est le débat à venir qui le déterminera !
À mon sens, la suppression de l’article 58 nous placerait dans la situation que certains d’entre vous ont très justement décrite. Selon moi, cela correspondrait à la fin d’une histoire. Il serait dommage que la réforme de la DGF reparte de zéro ; elle n’est pas si simple à mener. Je peux en témoigner et vous faire partager mon expérience !
Cela a été souligné, globalement, les deux tiers des communes sortiront gagnantes de la réforme. C’est un élément primordial ! Il s’agira souvent de communes en grande difficulté, à l'égard desquelles la solidarité doit s’imposer.
M. Bouvard a rappelé que les collectivités territoriales ont des charges différentes selon leur situation géographique. Cela vaut en particulier pour les communes de montagne. Sur nombre de sujets, nous avons donc essayé de prendre en compte la nature de ces charges. Il est parfois difficile d’étudier les charges de centralité au sein de certains EPCI de montagne. Mais nous sommes prêts à examiner plus précisément la question.
Monsieur Capo-Canellas, j’approuve votre analyse sur les difficultés rencontrées aujourd’hui pour coordonner l’ensemble des outils de péréquation, que ce soit la dotation de solidarité urbaine, la DSU, dont vous avez rappelé le fonctionnement, le FPIC, ou le Fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France, le FSRIF ! À chaque fois, il y a non pas un problème, mais une inadéquation. Or il s’agit d’outils de péréquation.
Je reste convaincue que la réforme de la DGF associée à une refonte des outils de péréquation nous sortirait des difficultés que vous avez soulignées. En tous les cas, le débat sur les amendements, qui se déroulera tout à l’heure, sera l’occasion d’examiner vos propositions.
Monsieur Favier, je m’attendais à ce que vous insistiez sur les départements. Comme tous les membres de l'Assemblée des départements de France, l’ADF, vous affirmez à juste raison que le rythme de progression des dépenses liées aux allocations individuelles de solidarité, en particulier celles qui sont relatives au RSA, dont les dépenses représentent 10 milliards d’euros en 2015, est trop rapide.
C’est la raison pour laquelle nous aiderons cette année une dizaine de départements en difficulté. Certes, il ne s’agit là que d’une aide d’urgence. Je suis d’accord avec vous : nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette aide ponctuelle.
En 2014, nous avons décidé d’accorder 1, 6 milliard d’euros de ressources supplémentaires aux départements, notamment à ceux qui ont le reste à charge le plus important.
Nous leur avons ainsi transféré les frais de gestion de la taxe sur le foncier bâti, soit quelque 865 millions d’euros, en vertu d’une clause de péréquation qui est extrêmement importante pour le Gouvernement, et relevé le plafond des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, ce qui représente 536 millions d’euros supplémentaires.
Nous avons constaté une réduction de 18 % du reste à charge des départements au titre des allocations individuelles de solidarité en 2014. Ce n’est, certes, pas parfait, mais c’est du jamais vu ; jusqu’à présent, l’État n’avait jamais reconnu publiquement qu’il avait une quasi-dette à l’égard des départements !
Dans la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, nous avons également diminué le nombre des compétences obligatoires des départements, afin de leur donner davantage de marges de manœuvre. Tout le monde parle du transfert d’une part de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, aux régions, mais certaines charges aussi ont été transférées !
Il faut savoir ce que l’on veut. Nous sommes d’accord pour réduire le nombre d’intervenants, afin d’être plus efficaces dans l’élaboration des stratégies industrielles et les créations d’emplois. Cela vaut en particulier pour les régions. Des élections régionales auront lieu prochainement, avec de nouveaux engagements. Dans le même temps, les départements devront retrouver des marges de manœuvre.
Selon les travaux qui ont été menés par l’ADF de juillet à septembre, il y a bien une dizaine de départements en grande difficulté. Je crois qu’il est important d’avoir un vrai débat public ; je dis bien « public ». Peu de nos concitoyens connaissent le RSA et savent réellement qui le finance, puisque ce sont les caisses d’allocations familiales, les CAF, qui le leur versent.
Ce véritable débat public doit aborder certaines questions. Comment allons-nous financer la solidarité nationale ? En mobilisant les DMTO ? En modifiant l’assiette fiscale des départements ? En demandant une participation supplémentaire à ceux qui ont le plus de revenus ? En augmentant soit les contributions, soit la part dédiée d’impôt sur le revenu qu’ils acquittent, comme certains départements le souhaiteraient ? En faisant appel à la solidarité nationale ?
Le débat a été ouvert sous l’autorité du Premier ministre voilà quelques semaines. Il s’achèvera le 31 mars prochain. J’espère qu’il permettra de dégager un certain nombre de réponses.
M. Daniel Laurent salue à juste titre l’engagement des collectivités territoriales, engagement qui est effectivement tangible. Nous avons ainsi vu au cours des derniers jours à quel point nos collectivités territoriales pouvaient répondre aux attentes.
La Direction générale des collectivités locales procède au calcul des différentes dotations, en commençant par la dotation forfaitaire, puis les dotations de péréquation que sont la DSU et la dotation de solidarité rurale, la DSR, et en finissant par le FPIC. Il est vrai que cet enchaînement est peu lisible. Il est difficile d’adapter ces modalités de travail à la fois à la demande des collectivités territoriales de connaître précisément leurs charges et aux besoins de nos concitoyens !
En outre, l’annonce du montant des différentes dotations se déroule entre les mois de mars et d’avril, ce qui pose un vrai problème de prévision budgétaire ! L’idéal eût été de pouvoir réaliser des précalculs au moment des débats d’orientation budgétaire, les DOB.
À l’avenir, nous essayerons d’approcher de l’objectif. Néanmoins, il restera une difficulté importante. Si un changement concernant une collectivité territoriale a lieu au cours de l’année, il faudra réajuster le montant des dotations, même si celle-ci est déjà engagée dans l’élaboration de son projet de budget !
En revanche, nous essaierons d’annoncer les dotations plus tôt dans l’année, de les annoncer toutes ensemble et de nous montrer le plus précis possible !
M. le rapporteur spécial Claude Raynal acquiesce.
Je ne m’engage pas formellement à cette tribune, car je ne suis pas certaine d’avoir suffisamment de fonctionnaires pour atteindre l’objectif, mais je travaillerai en ce sens, en fournissant le plus en amont possible, pour les projets très importants, des simulations aux collectivités territoriales qui nous le demandent.
L’un des orateurs a évoqué les logements construits et non pris en compte lors de l’année n+1. C’est un vrai sujet, en particulier pour les logements dont les clés sont remises en novembre ou en décembre. Au 1er janvier de l’année, hors logement social, la taxe d’habitation n’est due que si le logement est aménagé, alors que la taxe sur le foncier bâti est due immédiatement, que le logement soit aménagé ou non.
Le problème nous préoccupe depuis longtemps. C’est l’un de vos anciens collègues, François Rebsamen, qui l’avait posé en menant une enquête dans sa propre commune. Nous avons fourni tous les éléments nécessaires aux services du ministère du budget pour que nos directions régionales et départementales puissent consacrer des moyens à cette étude sur le foncier nouvellement bâti des collectivités territoriales. En revanche, personne n’a évidemment formulé de demande pour une étude similaire sur le foncier bâti ancien.
Nous essaierons de mener l’étude à bien. Le problème, s’il n’est pas pris en compte, peut effectivement représenter un gros manque à gagner pour certaines collectivités ; je pense en particulier à une grande opération à Lyon ! Nous devons nous pencher sur le sujet ; nous en avons eu la démonstration, exemples à l’appui.
M. Bigot l’a rappelé, la baisse des dotations s’impose à nous.
Je souhaiterais revenir sur le chiffre de 600 000 emplois, avancé par la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB, et la Fédération française du bâtiment, la FFB, d’autant qu’il a été repris par tous.
Je rappellerai que les entreprises bénéficient tout de même du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE ! Je peux vous l’assurer, lorsque j’annonce aux représentants de ces entreprises qu’on donnera plus aux collectivités et qu’eux recevront moins au titre du CICE, ils ne sont pas d’accord ! Des sommes énormes ont été dégagées pour réduire les coûts de production des entreprises.
J’ai pu évoquer en souriant « le beurre et l’argent du beurre ». De fait, il y a là un transfert de dépenses fiscales, qui conduit à une baisse des recettes de l’État et, par suite, à une diminution des dotations aux collectivités locales. La baisse des dépenses publiques résulte de la prise en compte des engagements pris par l’État dans le cadre des différents pactes proposés à nos entrepreneurs. Ceux-ci bénéficient aujourd’hui d’une baisse importante des cotisations et de la fin annoncée des cotisations versées à la branche famille, soit plus de 27 milliards d’euros !
Pour autant, lorsqu’un département perd 400 000 euros – le cas a été mentionné –, c’est effectivement difficile ! Nous chercherons donc à empêcher la survenance des cas les plus compliqués.
Monsieur Bonhomme, il est vrai que le niveau de restructuration de la dette fait suite, beaucoup l’ont souligné, à l’un des engagements du Président de la République. Je ne me souviens plus du numéro.
Sourires.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est simplement que je n’ai jamais appris un programme par cœur, monsieur le sénateur !
Nouveaux sourires.
Mêmes mouvements.
Vous le savez, j’ai toujours parlé en toute franchise et avec sincérité.
Je regrette de ne pas avoir suivi la proposition, faite au mois de juillet 2012, précisément en raison de cet engagement du Président de la République, de commencer par une baisse des dotations plus douce et d’essayer peut-être de mieux prendre en compte les collectivités territoriales qui avaient le plus de marges de manœuvre. Nous ne l’avons pas fait en 2012. Peut-être aurions-nous dû. À l’époque, le budget prévoyait une baisse des dotations de 750 millions d’euros, ce qui n’a pas été mis en œuvre.
Lorsque l’on est confronté à l’ampleur de la dette – on a beau connaître les chiffres ! – et qu’il faut parler des dépenses publiques, cela crée un rapport à la vérité qui est parfois complexe. L’augmentation de la dette de 600 milliards d’euros, c’était sur le papier ! Lorsque cela se traduit par une moindre capacité à agir pour combler les besoins existants, c’est tout à fait différent !
Le choix qui a été fait remet en cause l’engagement initial du Président de la République. Ce dernier, comme le Gouvernement, l’assume. Pour autant, l’investissement sera évidemment soutenu au maximum.
Certains prétendent que le Gouvernement « fait mine » de soutenir l’investissement. Or, pour les quelques projets qui nous ont déjà été soumis – je les connais bien –, cela représente tout de même une aide importante ! Cette aide à l’investissement contribuera à un autofinancement cumulé suffisant. Cela permettra de faire émerger des projets qui n’auraient pas existé sans elle.
Certes, cette aide de 150 millions d’euros en crédits de paiement ne représente pas un montant très élevé. Mais les marchés publics n’ont pas encore été ouverts pour les projets sur lesquels nous nous engageons au-delà du contrat de plan État-région.
La situation n’est pas facile. Ainsi que deux orateurs l’ont indiqué, la baisse de la dépense publique a des effets récessifs. C’est vrai. Je me réjouis d’ailleurs de constater que cette thèse, pourtant largement décriée et souvent condamnée, est désormais partagée par tous !
Il faut savoir faire des choix. Notre pays doit faire le choix de la sécurité, de l’éducation et du soutien à ceux qui se trouvent le plus dans le besoin ! C’est un chemin compliqué, mais réaliste.
Je tiens à saluer la sérénité qui a caractérisé toutes les interventions. Cela contribue à l’apaisement du débat public, ce qui est toujours bienvenu, surtout dans une période aussi complexe que la nôtre !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.