Je vous prie d'excuser mon retard, dû à une prolongation de la réunion du Bureau de notre commission. Nous y avons parlé de l'état d'avancement des missions en cours et de la création de deux nouvelles missions, l'une sur les conditions et le processus d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, l'autre sur le désendoctrinement et la déradicalisation des djihadistes et France et à l'étranger. Puis, nous avons débattu des conditions dans lesquelles nos travaux devaient être ou non filmés. L'usage des caméras appliqué à nos débats internes risque de restreindre notre liberté de parole et de favoriser les postures, de sorte que le Bureau n'a pas souhaité pour l'instant modifier nos pratiques.
Nous devons nommer un rapporteur pour le projet de loi pour une République numérique. Je vous propose la nomination de M. Christophe-André Frassa.
M. Christophe-André Frassa est nommé rapporteur sur le projet de loi n° 325 (2015-2016), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique.
M. Michel Mercier assume déjà le suivi de l'état d'urgence. Il me semblerait naturel que la commission le désigne comme rapporteur pour le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.
M. Michel Mercier est nommé rapporteur sur le projet de loi n° 3473 (A.N. XIVème lég.) renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.
La commission examine les amendements sur son texte n° 390 (2015-2016) pour la proposition de loi organique n° 278 (2015-2016) et son texte n° 391 (2015-2016) de la commission sur la proposition de loi n° 279 (2015-2016), adoptées par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle.
Je propose un amendement n° 17 à l'article 5 de la proposition de loi pour corriger une erreur d'imputation au « compteur outre-mer ».
Alors que l'article 3 de la proposition de loi organique interdit de retirer un « parrainage » à partir du moment où il a fait l'objet d'une publication, je propose, avec un amendement, que cette interdiction prenne effet à partir de l'envoi du « parrainage ».
Enfin, je suggère de supprimer l'alinéa 8 de l'article 8 A de la proposition de loi organique.
L'amendement n° 17 et les amendements n° 50 et 51 sont adoptés.
Nous en venons à l'examen des amendements au texte de la proposition de loi organique.
Articles additionnels avant l'article 1er
Le système des « parrainages » est censé empêcher les candidatures fantaisistes. L'expérience montre qu'il donne lieu à des situations extravagantes : certains candidats qui représentent une frange importante des électeurs ne peuvent pas se présenter, et inversement. Il suffit de rappeler les exemples opposés de MM. Gluckstein et Le Pen en 2002.
Un candidat soutenu par au moins 5 % des électeurs doit pouvoir se présenter, quels que soient les « parrainages ». Tel est le sens de mon amendement n° 13.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 13.
Chacun sait que les « parrains » subissent des pressions. La bonne foi n'est pas ce qu'il y a de plus répandu en politique.
Mon amendement n° 14 sanctionne pénalement ceux qui tenteraient d'empêcher les maires d'accorder leur « parrainage » à un candidat.
L'amendement n° 15 prévoit une sanction en cas de représailles a posteriori. Une incrimination propre rendrait la sanction plus dissuasive. Le Parlement doit marquer sa volonté de réagir contre ce type de pression.
Article 1er
Nous avions adopté un amendement pour que les vice-présidents des conseils consulaires puissent présenter des candidats. Le Gouvernement y est hostile car il craint qu'en multipliant les parrains, on multiplie aussi les candidats. La réforme conduite en 2013 pour la représentation des Français établis hors de France a conduit à diminuer le nombre des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE), et donc de « parrains », de 155 à 90. Le texte de la commission ne fait que rétablir un nombre de « parrains » proche de celui initial au titre de cette instance. Avis défavorable donc à l'amendement n° 43, ainsi qu'aux amendements n° 9, 37, 10 et 38 qui proposent l'ajout de l'ensemble des conseillers consulaires à la liste des « parrains ». Ce ne serait pas cohérent.
Le raisonnement du Gouvernement ne tient pas. Jusqu'à la réforme de 2013, la représentation des Français hors de France était assurée par les 155 membres de l'AFE plus 12 sénateurs. Si l'on ajoute les 11 députés qui représentent désormais les Français hors de France aux 90 membres de l'AFE, le nombre de « parrains » reste inférieur à celui de 2012. L'autre erreur du Gouvernement vient de ce qu'il considère que les vice-présidents de conseil consulaire n'exercent aucune fonction exécutive locale, alors qu'ils sont précisément assimilés dans la loi sur le non-cumul des mandats à des chefs d'exécutifs locaux. Le Gouvernement fait preuve de mauvaise foi. Je souscris à la position du rapporteur.
J'y souscris également. Pour être parfaitement honnête, on augmenterait quand même légèrement le nombre des « parrains » : il y en a 70 de plus. L'argument de fond n'en reste pas moins valide : ils sont assimilés à des exécutifs locaux.
La loi de 2013 reste floue. Les membres des conseils consulaires sont-ils comparables à des conseillers municipaux ou à des conseillers départementaux ? Les candidats peuvent solliciter leurs parrains dans trente départements, étant entendu que les Français de l'étranger représentent un département virtuel qui compte 2,5 millions d'habitants, dont 23 parlementaires et 443 conseillers consulaires. Ce n'est pas énorme si l'on compare par exemple avec le département de Mme Troendlé, qui ne compte que 680 000 habitants.
En 2010, le Conseil constitutionnel a réglé le problème : pour le calcul de la représentation, on ne considère que les Français immatriculés au registre, soit 1,6 million de personnes et pas 2,5.
Je comprends la préoccupation de mon collègue. Cependant, si l'on suit son raisonnement, tous les élus locaux de proximité devraient aussi être considérés comme des « parrains » possibles. Restons-en à la proposition du rapporteur.
Objectivement, les conseillers consulaires doivent être assimilés à des conseillers municipaux. En 2013, le Sénat avait unanimement souhaité que les élections consulaires soient concomitantes aux élections municipales. En suivant ce raisonnement, tous les conseillers municipaux devraient être « parrains ». Si l'on veut se montrer raisonnable, mieux vaut ne donner cette possibilité qu'aux seuls vice-présidents.
Article 2
Avis défavorable. Cette réforme n'est ni celle du rapporteur, ni celle de la commission des lois, ni même celle du député Jean-Jacques Urvoas. C'est la somme des remarques qui ont été faites lors de la dernière élection présidentielle. La transmission directe des « parrainages » au Conseil constitutionnel n'altère pas la démocratie. Il peut y avoir débat sur la publication au fil de l'eau, pas là-dessus.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 28.
Article additionnel après l'article 2
Le passage du septennat au quinquennat et l'inscription des élections législatives dans la foulée de l'élection présidentielle a changé le fonctionnement des institutions. Les élections législatives ne jouent plus le rôle fondamental qui était le leur en 1978 ou en 1986. Pour éviter de les marginaliser davantage, le mieux serait qu'elles aient lieu en même temps que l'élection présidentielle. D'où mon amendement n° 16.
Nous devrons faire face à plusieurs difficultés juridiques. La Constitution impose un délai obligatoire de quinze jours entre les deux tours de l'élection présidentielle alors que le code électoral ne prévoit qu'une semaine entre les deux tours des élections législatives. Sauf à modifier l'article 7 de la Constitution, cet amendement ne pourrait pas valoir. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 16.
Article 13
La publication des « parrainages » ne répond pas à une logique de transparence, mais à la volonté qu'ont certains partis dominants de perturber les autres. Certains candidats s'épuisent à recueillir des « parrainages » pendant trois mois ; d'autres plastronnent. D'où mon amendement n° 12.
Dès lors qu'il y a transmission directe des « parrainages » au Conseil constitutionnel, comment les candidats pourront-ils connaître le nombre de « parrainages » qu'ils ont obtenus ? L'Assemblée nationale a proposé une publication au fil de l'eau des « parrainages », dès leur collecte. La semaine dernière, nous avons décidé d'anonymiser les « parrainages » pendant la collecte, pour éviter les pressions. M. Masson fait le choix de supprimer la publication des « parrainages », même a posteriori. Le groupe socialiste et républicain suggère de publier les noms des parrains au fil de l'eau et de les publier intégralement à l'issue de la collecte. Quant à moi, je propose de rendre public le nombre des parrains pendant la collecte sans donner leurs noms pour éviter le harcèlement. Mais, pour garantir la transparence, je souhaite une publication intégrale une fois la collecte terminée. Avis défavorable aux amendements n° 12 et 45. Avis favorable à l'amendement n° 46.
Un doute subsiste : les candidats en quête de « parrainages » ne pourront pas connaître le nom de ceux qui ont déjà signé en leur faveur. Ils en sortent affaiblis, particulièrement ceux qui sont à la marge. Il vaudrait mieux que les candidats puissent connaître ces noms, sans pour autant qu'on les rende publics.
Allons jusqu'au bout du principe de responsabilité. Celui qui parraine un candidat doit en avoir le courage. Un principe de transparence totale doit également s'appliquer non seulement au nombre, mais aussi au nom des parrains. Garantissons à chaque candidat les moyens d'être certain que ses partisans sont rassemblés derrière lui.
Il ne s'agit pas de transparence mais d'exercer une pression sur les parrains, c'est parfaitement clair ! La proposition de notre rapporteur est convenable : le candidat pourra suivre ses « parrainages ». Une fois les jeux faits, plus de pression possible. Le fond de l'affaire, c'est que le principe d'égalité a cédé le pas au principe d'équité.
Je suis sensible aux arguments de M. Richard. Les candidats ne savent pas s'ils ont atteints le seuil de 500 « parrainages ». Comme le dit notre rapporteur, mieux vaut publier la liste des parrains en fin de campagne pour éviter les pressions mais n'oublions pas l'information des candidats.
Effectivement, les candidats doivent savoir de combien de « parrainages » ils disposent. D'ailleurs, le texte que nous avons adopté lors de notre dernière réunion était équilibré. Si nous acceptons cet amendement, il faudra également voter celui qui remplace la publication du nombre des « parrains » par celle de leurs noms.
Le parrain reçoit un récépissé qu'il peut toujours adresser au candidat qu'il soutient. Avec ce que nous proposons, les noms seront publics à la fin du processus de collecte.
Mais que faire lorsque vous avez 490 signatures et qu'il ne reste que trois jours avant la clôture ?
Nous prévoyons, à terme, une transmission numérique qui devrait permettre une transmission instantanée, sans possibilité, au demeurant, de retirer le « parrainage ».
On reproche au dispositif actuel de ne pas être transparent : pour les candidats ayant recueilli plus de 500 signatures, un tirage au sort est effectué pour ne publier que 500 noms et les « parrainages » des candidats n'ayant pas obtenu ces 500 signatures ne sont pas publiés. À mon sens, la démocratie, c'est la transparence, et le nom de tous les parrains doit être connu.
En revanche, pour éviter d'éventuelles pressions, je propose de ne pas publier les noms des parrains au fil de l'eau. Les candidats devront se contenter des récépissés.
Il y a deux types de pressions : celles exercées par les candidats sur leurs éventuels parrains et celles qui visent à dissuader les parrains d'apporter leur signature à tel ou tel candidat. Ce sont ces dernières qui me paraissent les plus graves et il faut être d'une totale mauvaise foi pour prétendre qu'il n'y a pas de pressions.
Si les noms ne sont pas publiés au fil de l'eau, les parrains seront relancés par les autres candidats.
C'est vrai. Quant aux pressions, il y en a toujours à l'occasion des élections
Les parrains ne sont pas des citoyens ordinaires, ce sont des élus, qui font l'objet de pressions quotidiennes. Pour faire de la politique, il faut du courage : j'ai vu des maires donner leur signature à des candidats du Front national alors qu'ils ne partageaient pas leurs idées : ils le faisaient au nom de la démocratie.
Je ne peux laisser passer de tels propos ! Les pressions sont évidentes ! Demain, vous supprimerez les isoloirs ? Vous auriez hurlé au loup si cette disposition avait été présentée par Nicolas Sarkozy !
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 12.
Avis favorable sur l'amendement n° 46 qui prévoit la publication du nom de tous les parrains, y compris pour les candidats n'ayant pas recueilli les 500 signatures.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 46.
Article additionnel avant l'article 4
La période intermédiaire a été allongée, ce qui a posé beaucoup de difficultés, même si cette durée a permis au Conseil constitutionnel de disposer de plus de temps pour étudier les « parrainages » et au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) de mieux organiser la campagne officielle. Néanmoins, le Conseil constitutionnel reconnaît que cette période est désormais trop longue. Pourquoi ne pas la réduire ?
Cet amendement, qui modifie la définition de la période intermédiaire et propose d'en revenir au système en vigueur avant 2006, est intelligent. En votant cet amendement, qui divise par cinq la durée de la période intermédiaire, nous nous épargnerions le débat sur l'égalité et l'équité et nous rétablirions un certain équilibre.
En outre, cet amendement démontre que toute modification, même mineure, de nos règles peut avoir des conséquences extrêmement lourdes. Personne n'avait imaginé que l'allongement de la « période intermédiaire » diminuerait par deux le temps dévolu à la campagne officielle. Cela dit, pourquoi a-t-on allongé la durée de la « période intermédiaire » en 2006 ? Parce qu'on a considéré qu'il n'était matériellement plus possible d'organiser la campagne officielle en 48 heures. Il ne s'agit donc pas d'un débat entre ceux qui voudraient museler les candidats de moindre importance et les défenseurs d'une stricte égalité, mais de l'impossibilité de commencer une campagne officielle un lundi alors que la liste des candidats a été rendue publique le vendredi précédent. Je souhaite donc le retrait de cet amendement.
Il serait dangereux de réduire la durée de la campagne officielle, car le débat doit se dérouler à armes égales pendant suffisamment de temps. Sinon, on fait comme dans une République bananière ou africaine, et l'on met les moyens de l'État à la disposition d'un ou deux candidats, tandis que les autres sont marginalisés. Une vraie démocratie doit donner ses chances à tous les candidats, qu'ils soient « petits » ou « grands ».
Nous sommes face à une manipulation, pas à un problème technique. Je ne suis pas hostile à la réduction de la « période intermédiaire », mais cela ne règlera pas le problème de fond : il est inacceptable de remplacer le principe d'égalité par celui d'équité.
Votons cet amendement pour, en commission mixte paritaire, obtenir la réduction de la « période intermédiaire ».
Ce serait la meilleure solution s'il n'y avait les difficultés techniques soulevées par le ministère de l'intérieur.
Pour ce qui est de la référence à la République bananière, si tel était le cas, M. Masson ne serait pas sénateur et n'aurait pas la même liberté d'expression.
Réduire la période intermédiaire, pourquoi pas, mais il n'est pas concevable d'en revenir à trois jours, comme avant 2006. Nous devrons parvenir à un accord en commission mixte paritaire. Sur cet amendement, je m'en remets donc à la sagesse de la commission pour que vive le débat dans l'hémicycle.
La troisième phrase du deuxième alinéa de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 dit que : « Les présentations doivent parvenir au Conseil constitutionnel au plus tard le sixième vendredi précédant le premier tour de scrutin, à dix-huit heures ». Cet amendement remplace « sixième » par « troisième » : sa portée est donc considérable puisqu'il réduit le temps durant lequel les Français pourront connaître le nombre exact de candidats entre lesquels ils auront à choisir.
Le durée de la campagne officielle serait dérisoire. Certes, beaucoup de nos compatriotes choisissent leur candidat au dernier moment, mais la campagne électorale commence bien avant qu'elle ne devienne officielle. Avec cet amendement, il serait possible de réduire la période intermédiaire qui s'ouvre entre la clôture des candidatures et le début de la campagne officielle.
N'y a-t-il pas confusion entre période intermédiaire et durée de la campagne officielle ?
Cet amendement implique que les règles d'équité seront appliquées jusqu'à trois semaines avant l'élection présidentielle. Il va falloir que nous réfléchissions à l'équité réelle.
Le Gouvernement vous a entendu avec la création d'un secrétariat d'État qui est chargé de l'égalité réelle !
Cet amendement a une très grande portée, notamment en ce qui concerne l'équité simple appliquée par les grands médias audiovisuels.
Un campagne présidentielle se déroule en trois phases : le premier temps, celui de la campagne préliminaire, avec la collecte des « parrainages ». Le principe d'équité s'applique.
Je le redis : c'est l'équité qui s'applique. Arrive ensuite le moment où les candidats ont recueilli 500 signatures et s'ouvre la « période intermédiaire ». Enfin, la campagne officielle commence et les conditions d'égalité sont très précises. Le Gouvernement a rendu hommage à nos travaux en retenant la notion d'égalité réelle, ce qui s'est traduit dans un intitulé ministériel. Le débat ne porte ni sur la campagne officielle, ni sur la période préliminaire. Certes, un amendement aurait pu proposer un allongement de la durée de la campagne officielle, mais tel n'est pas le cas. Notre débat porte donc sur la « période intermédiaire », qui durait un week-end jusqu'en novembre 2006. Le fait d'avoir allongé cette durée à près de trois semaines pose problème puisque le principe d'égalité s'applique avec liberté éditoriale. L'amendement de M. Anziani revient à trois jours.
Sur le fond, faut-il préciser les règles d'équité pendant la « période intermédiaire » comme notre président le suggère, tout en disposant de suffisamment de temps pour organiser le scrutin ? N'oublions pas que nous en débattrons en commission mixte paritaire.
Notre travail, passionnant au demeurant, est un peu vain. Il n'est en effet pas impossible que la campagne présidentielle ait déjà commencé. En outre, personne ne regarde la campagne officielle qui est sans intérêt. Ne devrait-on pas prendre en compte la réalité ? L'élection présidentielle de 2017 ne sera pas celle de 1962, ne serait-ce que par l'existence des élections primaires dont personne ne semble mesurer l'impact. Les candidats issus de ces primaires n'ont pas besoin de « parrains » puisque deux à trois millions de Français votent pour eux.
Ne serait-il pas cohérent de faire passer la campagne officielle de deux à trois semaines ? Rouvrons le débat avec l'Assemblée nationale.
Il s'agissait d'un amendement d'appel : il est tout de même curieux d'être passé de deux jours à trois semaines. Une durée intermédiaire serait préférable. En outre, je soutiens la proposition de M. Richard.
Je croyais que l'amendement de M. Anziani allongeait la durée de la campagne officielle : or c'est l'inverse ! En revanche, je suis tout à fait favorable à la suggestion de M. Richard.
On augmenterait ainsi la durée de la campagne officielle et on réduirait la période intermédiaire.
Pour de simples raisons matérielles, la « période intermédiaire » ne peut pas être réduite à trois jours.
En revanche, il faudrait rectifier l'amendement pour remplacer « troisième » par « cinquième » ou « quatrième ». Alors, la « période intermédiaire » serait plus longue qu'avant 2006 mais plus courte qu'aujourd'hui. Modifier la durée de la campagne officielle ne sera possible qu'à condition de modifier la durée de la « période intermédiaire ». Je vous propose donc de maintenir le principe d'égalité durant la « période intermédiaire », qui serait raccourcie d'une semaine. En commission mixte paritaire, nous aborderons la question de la durée de la campagne officielle.
Je proposerai que la durée de la campagne officielle demeure fixée à quinze jours, que la durée de la « période intermédiaire » soit raccourcie et que le principe d'égalité soit maintenu pour cette période. Ensuite, nous essayerons d'obtenir en commission mixte paritaire un allongement de la durée de la campagne officielle sur trois semaines, avec en contrepartie un principe d'équité pour la « période intermédiaire ».
Je ne peux vous suivre s'il s'agit de réduire le temps durant lequel s'applique le principe d'égalité.
S'agit-il de réduire ou de supprimer la période où prévaut le principe d'égalité ? Si tel est le cas, je ne voterai pas cet amendement.
Notre rapporteur nous propose d'en revenir en commission mixte paritaire au principe d'équité durant la « période intermédiaire ». Nos concitoyens vont penser que nous touchons aux règles un an avant l'élection pour favoriser certains candidats.
Notre rapporteur a imaginé l'issue de la commission mixte paritaire, mais nous n'en sommes pas encore là.
Nous allons vers un allongement de la campagne officielle et donc du principe d'égalité pour ce qui est de l'accès aux médias. Notre rapporteur a raison de rappeler que nous devons tenir compte de l'Assemblée nationale si nous voulons faire prévaloir nos propositions.
Effectivement, plutôt que de tenir des propos surréalistes, voyons ce que les députés accepteront de retenir de nos propositions.
Ne sous-estimons pas le poids de l'opinion publique dans ce débat : les membres de la commission mixte paritaire en tiendront nécessairement compte.
Aujourd'hui, je propose à la commission de conserver le principe d'égalité dans la période intermédiaire, même réduite. Merci à notre rapporteur pour son sens de l'anticipation.
Pour résumer, revenir à trois jours pour la durée intermédiaire n'est techniquement pas possible. L'allongement de la campagne officielle aurait beaucoup de vertu mais, pour y parvenir, il faudrait réduire le temps de la « période intermédiaire », sans revenir à trois jours. Il semble évident qu'avec les trois semaines actuelles de « période intermédiaire », avec le principe d'égalité en vigueur, on appauvrit le débat public, compte tenu du nombre de candidats. Ce constat est d'ailleurs dressé par le Conseil constitutionnel et le CSA. Compte tenu de la liberté éditoriale, ce principe divise par deux le temps d'antenne consacré à l'élection présidentielle.
Si nous suivions l'Assemblée nationale qui souhaite que le nom des parrains soit rendu public au fil de l'eau, le nombre de candidats parrainés augmenterait à coup sûr, car nous serions plongés dans un feuilleton à rebondissements. Nous pourrions même connaître des appuis citoyens pour que leurs maires parrainent des candidats sympathiques.
La proposition de M. Anziani aboutit à perdre deux semaines d'égalité. Ma proposition consisterait à en regagner une sur celles perdues. Si la durée de la campagne officielle est allongée, le principe d'égalité est instauré avec des conditions de programmation comparable. En revanche, je propose un principe d'équité pendant la moitié de la période intermédiaire actuelle tandis que l'autre moitié resterait régie par le principe d'égalité.
Quelle stratégie retenir ? Soit nous adoptons l'amendement éventuellement rectifié de M. Anziani et nous évitons le débat dans l'hémicycle sur l'égalité et l'équité en supprimant l'article 4.
Soit, nous n'adoptons pas cet amendement et nous votons un texte conforme à celui des députés. L'intervention de M. Mercier est particulièrement intéressante : à chaque élection présidentielle, on nous demande de changer les règles : ce n'est pas acceptable.
Nous n'avons aucun intérêt à modifier l'existant, sinon la presse va nous accuser de vouloir favoriser les deux partis majoritaires.
Nous avons tranché cette question la semaine dernière. Notre rapporteur va travailler sur l'amendement n° 49 rectifié dont nous reparlerons demain matin.
Il est faux de dire qu'il n'existe que deux partis majoritaires en France. L'application du principe d'équité garantira au moins autant de temps de parole à Mme Le Pen qu'aux candidats issus des primaires de gauche et de droite.
Mais au Parlement, ce seront bien les groupes PS et LR qui voteront ce texte. Et on nous le reprochera.
Et les deux partis au pouvoir utilisent le troisième comme repoussoir. Voyez ce qui s'est passé en Provence-Alpes-Côte-D'azur !
Effectivement, ils sont contraires à la position de la commission et notre rapporteur nous propose un avis défavorable.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat pour l'amendement n° 49 rectifié.
Bien entendu, je défendrai le principe d'égalité pour la période intermédiaire.
Articles additionnels avant l'article 6
Article 6
Avis défavorable aux amendements de suppression n° 23, 35 et 47. Il s'agit de la période retenue pour les comptes de campagne. Certes, nous ne devons pas changer les règles pour l'élection à venir. Pour l'élection suivante, l'article 6 fait passer cette période d'un an à six mois. Ces amendements nous appellent en fait à légiférer sur les primaires, quand l'article 6 fixe une borne à leur déroulement. Cela vaut mieux : légiférer sur le déroulement des primaires pourrait modifier l'esprit des institutions et achèverait, après l'instauration du quinquennat, de dénaturer l'élection présidentielle.
Votre position est sage. Pour autant, ne pas envisager de légiférer sur les primaires serait irréaliste. Au moins, nous devrions lancer une mission d'évaluation de leur impact, car elles offrent une large exposition médiatique et occasionnent d'importantes dépenses. Certes, elles relèvent du domaine associatif, mais elles impliquent les pouvoirs publics puisque le vote a lieu en mairie.
Dès lors que le Conseil constitutionnel affirme que les primaires concernent l'ensemble des électeurs puisqu'elles sont ouvertes, et ont de ce fait une influence sur le résultat de l'élection, comment ne pas en tenir compte dans les comptes de campagne ? C'est une vraie question. Assurons-nous que le législateur s'en emparera aussitôt après la prochaine élection présidentielle. Faut-il aller jusqu'à imposer une primaire à chaque parti ? Sinon, certains auront plus d'exposition médiatique que d'autres.
Je doute qu'un président de la République sortant se soumette jamais à une primaire. Mais sa fonction lui confère aussi un accès privilégié aux médias... Il serait difficile de rendre les primaires systématiques.
Si un président de la République parvient à se faire réélire, il ne pourra quand même pas briguer un troisième candidat consécutif. Il pourra donc y avoir une primaire dans chaque camp...
Je suis d'accord avec M. Anziani. Aux États-Unis, la législation fédérale encadre le financement des primaires et celle des États fixe les conditions pour y participer. La Cour suprême a d'ailleurs modifié l'une et l'autre législation. En France aussi, nous devrons nous poser ces questions. La majorité et l'opposition sont des notions toutes relatives en matière d'élection présidentielle, et elles le deviendront de plus en plus.
Il serait regrettable que nous légiférions sur les conditions de l'élection présidentielle sans tenir compte des conséquences de la médiatisation des primaires socialistes lors de la dernière élection, sur laquelle elles ont beaucoup pesé.
Faut-il obligatoirement une évolution législative pour tenir compte de cet état de fait ? Cela transformerait le rôle des partis politiques et le sens de l'élection présidentielle. Il ne s'agit pas de fermer les yeux, mais abstenons-nous de légiférer au fil de l'eau.
Ce débat est intéressant. Il faut trancher. L'amendement n° 47 maintient la durée actuelle, et il n'est pas bon de changer les règles à proximité du scrutin. Du reste, il est toujours possible à un candidat de se présenter en dehors des primaires. Je ne crois pas en leur généralisation, qui ne répond pas à la logique de nos institutions.
Ne rien changer est la position la plus simple. Je rappelle que cette modification n'a pas été demandée par le Gouvernement ou les auteurs de la proposition de loi, mais résulte d'avis du Conseil d'État et de la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques (CNCCFP), qui déplorent le flou des règles existantes. Pour la dernière élection, la CNCCFP a retenu 400 000 euros dépensés par le candidat Hollande pour les primaires, et rien d'autre. Si nous ne changeons rien, le poids des primaires sera défini de manière acrobatique...
C'est une question essentielle, qui révèle notre hypocrisie collective : aucun candidat élu ne peut prétendre avoir respecté le plafond des dépenses.
Hélas, les comptes sont gardés à Fontainebleau par un gendarme en retraite, qui a tout donné au juge au lieu de refuser d'ouvrir les coffres. Soyons logiques : on ne peut pas être élu avec 22 millions d'euros. La politique, c'est aussi de la communication. Nous ne pouvons pas continuer à avoir un président de la République qui n'a pas respecté les règles, et dont le Conseil constitutionnel déclare systématiquement les comptes conformes, alors qu'il voit tous les manquements du candidat arrivé deuxième. Mieux vaut fixer un plafond réaliste, par exemple à 40 millions d'euros.
Article additionnel après l'article 6
Article 7
Avis défavorable à l'amendement n° 25 rectifié, qui propose 18 heures pour tout le monde, alors que nous avions choisi 19 heures, ce qui s'écarte trop d'une position de compromis. Même avis sur les amendements n° 48 rectifié et 26.
Mon amendement n° 26 ne fait que reprendre une suggestion de M. Richard la semaine dernière en maintenant 18 heures pour les communes rurales, et en leur permettant de prolonger jusqu'à 19 heures. Cela limite l'impact du résultat des cent premiers bulletins sur le résultat du vote. C'est une solution de compromis.
Si nous ne nous en tenons pas à l'heure unique, l'Assemblée nationale tranchera en faveur de 19 et 20 heures. Or une même heure partout en France est préférable pour cette élection.
La commission émet un avis défavorable aux amendements n° 25, 48 rectifié et 26.
Article 8
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 41.
Articles additionnels après l'article 1er AA
Article 1er A
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 8.
Article 2 ter
L'amendement n° 16 supprime les dispositions proposées par MM. Sueur et Portelli sur les sondages. Le Gouvernement y est défavorable. C'est dire son aveuglement !
La réflexion progressera certainement en son sein. Il modifie l'amendement en maintenant son sujet, ce qui invalide son argument selon lequel cet amendement serait un cavalier.
Articles additionnels après l'article 4
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques n° 1 rectifié et 15 rectifié.
La commission donne les avis suivants :
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
PROPOSITION DE LOI
La commission examine le rapport d'information de M. Yves Détraigne et Mme Catherine Tasca sur « l'assistance médicale à la procréation et la gestation pour autrui ».
Nous avons travaillé en plein accord, et nous partagerons la présentation de ce rapport, qui porte sur un sujet présentant une grande difficulté technique.
Peu de questions suscitent autant de débats et de passions dans la société civile que celles que vous nous avez chargés de traiter. Sans doute est-ce parce que s'y confrontent des impératifs que leurs promoteurs présentent chacun comme plus légitimes que les autres : l'intérêt supérieur des enfants, le droit de mener une vie familiale normale, le droit à l'identité, ou certains principes éthiques majeurs comme l'indisponibilité de l'état des personnes, l'inviolabilité et la non-patrimonialité du corps humain. À cela s'ajoute le désir d'enfant, si subtilement décrit par le doyen Jean Carbonnier, dans son ouvrage Droit et passion du droit sous la Cinquième République : « Plus impalpable que le besoin, le désir : le désir d'enfant, intensément éprouvé, des couples sans enfant aspire à être transcendé en un droit à l'enfant ».
Ce désir d'enfant est bien le moteur des revendications qui se sont fait jour récemment en matière d'assistance médicale à la procréation (AMP) et de gestation pour autrui (GPA). Nous décrirons dans quelques instants plus en détail la stratégie suivie par ces couples qui ont cherché à mettre en échec les interdits structurants de notre droit national en recourant, à l'étranger, aux techniques prohibées en France.
Toute la difficulté vient de ce qu'au centre de cette politique du fait accompli, il y a un enfant, qui ne peut être tenu pour responsable des actes de ses parents et ne doit, par conséquent, pas être la victime de la répression qui s'ensuit. Cette dernière préoccupation doit-elle cependant primer toutes les autres et emporter la décision ? D'autres exigences, qui traduisent les principes humanistes qui inspirent notre code civil, ne doivent-elles pas, au contraire, prévaloir ? Telles sont les questions que nous nous sommes posées.
Le débat ne pourra progresser que si l'on parvient à avoir une vue sincère et authentique de l'état du droit et de la réalité de la situation des personnes concernées, débarrassée des slogans ou des anathèmes, qui desservent la vérité. Les enfants concernés sont-ils bien « des fantômes de la République » ? Leur vie est-elle impossible ? Tout est-il déjà écrit ou le législateur a-t-il encore la main ? Peut-on faire comme si les décisions des juges européens ou nationaux ne s'imposaient pas à nous ?
Nous avons cherché à concilier la défense légitime des principes éthiques qui traduisent notre conception humaniste de la société et la préservation du droit des familles concernées à vivre, autant possible, comme les autres. Nous ne pouvons plus nous contenter de laisser les juges décider seuls, comme ils ont été contraints de le faire, dans le silence du législateur. Il appartient aujourd'hui au Parlement et au Gouvernement de se saisir de la question.
La législation relative à l'AMP et à la GPA a été fixée par les lois bioéthiques du 29 juillet 1994. Le régime retenu pour l'assistance médicale à la procréation est celui d'un encadrement strict : sont seules autorisées les inséminations artificielles ou les fécondations in vitro, avec recours ou non à des dons d'ovocytes, de spermatozoïdes ou d'embryons. Les techniques autorisées de l'AMP ne s'adressent qu'aux couples hétérosexuels en âge de procréer qui présentent une infertilité médicalement constatée. Un célibataire, un couple homosexuel ou un couple trop âgé ne peuvent y avoir accès. La notion d'infertilité sociale, parfois utilisée pour désigner le fait que les choix de vie légitimes de certaines personnes - en clair, les couples homosexuels - ne leur permettent pas d'avoir un enfant naturellement, est totalement étrangère au droit français, qui ne s'attache qu'à l'infertilité médicale.
La gestation pour autrui désigne l'opération par laquelle un couple - les parents d'intention - demande à une femme de porter pour eux un enfant qu'elle s'engage à leur remettre à sa naissance. Elle est traitée à part et fait l'objet d'une prohibition absolue, l'article 16-7 du code civil disposant que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle ». Cette prohibition civile s'accompagne d'une répression pénale assurée par les articles 227-12 et 227-13 du code pénal, qui punissent la substitution ou la dissimulation volontaire d'enfant, ainsi que la provocation à l'abandon d'enfant ou l'entremise en vue de cet abandon.
Le désir d'enfant a conduit certains couples qui étaient exclus du bénéfice des techniques procréatives précitées à y recourir, malgré tout, à l'étranger, dans des pays où celles-ci sont légales : par exemple, la Belgique ou l'Espagne s'agissant du recours à l'AMP par des femmes célibataires ou des couples de femmes, et les États-Unis, l'Inde, l'Ukraine ou le Canada s'agissant du recours à la GPA par des couples hétérosexuels ou des couples homosexuels. Nous ne disposons pas de statistiques fiables sur le nombre d'enfants français qui naissent chaque année dans le cadre d'une GPA. En 2014, le ministère de la justice a été saisi de 47 dossiers dans lesquels une GPA était suspectée. Il faut cependant tenir compte du caractère souvent clandestin de ces pratiques. Alors qu'au Royaume-Uni la pratique est légale sous certaines conditions, 271 couples britanniques ont eu recours à une GPA à l'étranger cette même année 2014.
Une fois l'opération réalisée, ces couples reviennent en France et certains revendiquent la reconnaissance de la filiation ainsi établie à l'étranger. Pour les couples de femmes ayant eu recours à une AMP, il s'agit d'obtenir l'adoption de l'enfant par la conjointe de la mère. Dans le cas de la GPA, une fois la filiation entre l'enfant et les parents d'intention établie au regard du droit étranger, les couples ont eu recours à deux stratégies. La première était, comme en matière d'AMP, de faire établir directement le lien de filiation avec le parent d'intention, par adoption, reconnaissance de maternité ou possession d'état. L'autre stratégie, plus récente, consistait à tenter d'obtenir la transcription de l'acte étranger dans les registres de l'état civil français. Cette transcription vise à faciliter la preuve de la filiation à l'égard des administrations, puisqu'elle permet d'obtenir la délivrance de copies d'état civil qui attestent de la filiation alléguée.
Le droit français s'est alors trouvé confronté d'une part à une situation légale qu'il n'autorise pas - dans le cas de l'AMP - et, d'autre part, à une situation qu'il prohibe expressément - dans le cas de la GPA.
Le recours à l'AMP à l'étranger par les couples de femmes semble s'être accéléré récemment. Selon des travaux de sociologie, au sein de couples de femmes avec enfants interrogés en 2012, pour les enfants les plus âgés, la proportion d'enfants issus d'une union hétérosexuelle est bien plus importante que la proportion d'enfants conçus par insémination artificielle avec donneur : 52 % des enfants de plus de 5 ans contre 24 %. Cette tendance s'inverse complètement pour les enfants plus jeunes. Seulement 2 % des enfants de moins de 5 ans sont issus d'une relation hétérosexuelle alors que 74 % ont été conçus par insémination artificielle avec donneur.
Une fois l'insémination artificielle avec donneur de spermatozoïdes réalisée à l'étranger, ces couples reviennent en France. La filiation de l'enfant est alors établie sans difficulté à l'égard de la mère qui accouche, en application de la règle mater semper certa, et l'épouse de la mère dépose une demande d'adoption, comme le lui permet la loi du 17 mai 2013 relative aux couples de personnes de même sexe, qui a ouvert l'adoption aux couples homosexuels.
Les juges saisis de la demande d'adoption se trouvent donc confrontés à une situation de conception de l'enfant que le droit français n'autorise pas.
Pour autant, bien que cette confrontation ait donné lieu à d'importantes divergences jurisprudentielles, elle ne se rencontre que rarement. Dans la plupart des cas, les juges ignorent purement et simplement les modalités de conception de l'enfant.
En effet, à moins de le révéler, le recours à une AMP est indécelable. Si le parquet peut le soupçonner, il est difficile à prouver car il suffit au couple concerné d'affirmer que l'enfant a été conçu lors d'une relation hétérosexuelle n'ayant pas donné lieu à l'établissement d'un lien de filiation à l'égard du père. La femme qui a eu recours à une insémination artificielle avec donneur à l'étranger bénéficie, comme toute femme enceinte, d'un suivi médical de sa grossesse et d'un accouchement en France, sans avoir à révéler, à aucun moment, les modalités de conception de l'enfant. Cet état de fait est confirmé par le nombre de décisions d'adoption de l'enfant du conjoint. Selon la chancellerie, entre le 13 mai 2013 et le 17 juillet 2014, 254 décisions ont prononcé l'adoption plénière et neuf décisions seulement l'ont refusée.
Ce n'est que dans les cas où le recours à une AMP a été révélé au cours de la procédure que les juges ont été amenés à se prononcer sur l'existence d'un contournement de la loi française. Dans ces hypothèses, certains tribunaux de grande instance ont choisi de prononcer l'adoption de l'enfant ainsi conçu alors que d'autres s'y sont refusés sur le fondement de l'existence d'une fraude à la loi française. Face à ces divergences jurisprudentielles, la Cour de cassation a été saisie de la question. Dans deux avis du 22 septembre 2014, elle a estimé que le recours à une insémination artificielle avec donneur à l'étranger ne faisait pas obstacle au prononcé de l'adoption de l'enfant par l'épouse de la mère, dès lors que les conditions légales de l'adoption étaient réunies et qu'elle était conforme à l'intérêt de l'enfant.
À notre tour, nous devons nous prononcer sur les suites à donner à de telles demandes. Nous avons écarté l'idée de faire échec à l'adoption, par la conjointe de la mère, de l'enfant conçu par AMP à l'étranger. Pour atteindre un tel objectif, le législateur aurait pu traiter l'AMP comme la GPA et prohiber expressément les AMP effectuées en violation des conditions du droit français. Nous n'avons pas retenu cette première option car l'AMP ne pose pas les mêmes questions éthiques que la GPA, puisqu'elle est d'ores et déjà autorisée dans notre droit à certaines conditions.
Le législateur aurait également pu prévoir, au moment de l'adoption, que le juge s'assure que l'enfant a bien été conçu en conformité avec les règles du droit français. Nous avons également écarté cette seconde option car, en droit français, sauf action particulière, la filiation est établie sans contrôle des conditions de conception de l'enfant. Prévoir le contraire aurait emporté un changement radical du modèle existant et risqué de porter atteinte au respect de la vie privée. Une telle réforme se serait en outre heurtée à d'importantes difficultés pratiques. En effet, comment prouver que l'enfant a été conçu par AMP à l'étranger ? Il suffirait au couple concerné de prétendre que l'enfant est né d'une relation hétérosexuelle antérieure.
Nous écartons également l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes. Une telle réforme suppose de modifier les conditions d'accès à ces techniques, en supprimant celle de l'altérité sexuelle du couple et l'exigence que son infertilité soit médicalement constatée.
Nous n'avons pas retenu cette proposition, car la suppression de l'exigence d'une infertilité médicalement constatée bouleverserait la conception française de l'AMP, en ouvrant la voie à un « droit à l'enfant » et à une procréation de convenance. Cette réforme aurait également pour conséquence de bouleverser nos règles d'établissement de la filiation.
En effet, si le choix était fait d'ouvrir l'accès à l'AMP aux couples de femmes, l'établissement du lien de filiation à l'égard de l'enfant ne pourrait plus se fonder, comme actuellement, sur l'assimilation de l'engendrement avec tiers donneur à une procréation charnelle du couple receveur. Les règles du droit commun seraient désormais inapplicables.
Il faudrait prévoir un nouveau mode d'établissement de la filiation passant, par exemple, par une « déclaration commune anticipée de filiation » faite devant le juge ou le notaire, comme le proposent Mmes Irène Théry et Anne-Marie Leroyer dans leur rapport Filiation, origines, parentalité.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous avons choisi de ne pas proposer de modifier les conditions d'accès à l'AMP. Puisque nous ne proposons pas de faire échec à l'adoption de l'enfant conçu par AMP à l'étranger ni, à l'inverse, d'ouvrir l'AMP en France aux couples de femmes, nous nous sommes orientés vers la voie médiane tracée par la Cour de cassation dans ses deux avis du 22 septembre 2014. À cette occasion, la Cour a validé la possibilité pour l'épouse de la mère d'adopter l'enfant de celle-ci, sans modifier les conditions d'accès à l'assistance médicale à la procréation fixées par le droit français.
Cette solution a le mérite de s'articuler sans difficultés avec les règles françaises. La mère est bien celle qui a accouché de l'enfant et l'adoption de celui-ci par sa conjointe est autorisée par la loi du 17 mai 2013, qui n'a pas subordonné le prononcé de l'adoption à un contrôle des modalités de conception de l'enfant.
Elle préserve, en outre, la structure des règles d'établissement de la filiation tout en tenant compte, de manière pragmatique, des situations de fait et de l'intérêt supérieur de l'enfant à voir sa filiation établie à l'égard de l'épouse de sa mère.
En dépit de sa remise en cause actuelle, il nous semble nécessaire de réaffirmer la prohibition de la GPA, dont la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a fragilisé l'effectivité.
Jusqu'à récemment, la stratégie des couples qui cherchaient à faire reconnaître en France la filiation établie, par GPA, à l'étranger s'était heurtée au refus de la Cour de cassation, qui réaffirmait le caractère d'ordre public de la prohibition de la GPA et invalidait, par conséquent, les demandes de transcription, de reconnaissance de filiation ou d'adoption présentées par les parents d'intention. La Cour de cassation avait même durci sa position en 2013, en estimant que le recours à la GPA était constitutif d'une fraude et qu'en conséquence, cette fraude entachait tous les actes qui en découlaient, qui devaient être tenus pour invalides.
Cette jurisprudence a été remise en cause par les décisions Mennesson et Labassée de la CEDH rendues le 26 juin 2014, dont la portée a été beaucoup discutée en doctrine.
Dans un premier temps, ces arrêts reconnaissent le droit à chaque État membre d'interdire le recours à la GPA. Ils constatent aussi que les conditions de cette prohibition en France ne portent pas atteinte au droit des parents comme des enfants de vivre une vie familiale normale, en dépit des difficultés administratives qu'ils peuvent rencontrer.
Toutefois, ces mêmes arrêts concluent dans un second temps à une violation du droit des enfants au respect de leur vie privée. En effet, la Cour estime que le droit à l'identité est une composante de ce droit au respect de la vie privée. Elle considère donc que l'identité des enfants nés de GPA est atteinte en ce que la France refuse de reconnaître leur filiation biologique paternelle.
Certains auteurs, ainsi que les promoteurs de la reconnaissance des filiations issues de GPA, ont défendu une lecture extensive de cette décision, en faisant valoir que le raisonnement de la Cour devait être étendu à la filiation biologique maternelle. Une telle interprétation obligerait la France à reconnaître la filiation maternelle si la mère d'intention a fourni à la mère porteuse ses ovocytes.
Toutefois la doctrine, dans son immense majorité, n'a pas retenu cette interprétation. En effet, celle-ci procède d'une assimilation abusive entre filiation biologique paternelle et filiation biologique maternelle. Or, le biologique ne se réduit pas forcément au génétique. C'est d'ailleurs tout le problème en matière de GPA, puisque la mère porteuse accouche biologiquement de l'enfant. Surtout, imposer la reconnaissance de la filiation génétique maternelle reviendrait, pour la CEDH, à invalider la règle selon laquelle la mère est celle qui accouche. Or cette règle du droit civil est une règle fondamentale de notre droit de la filiation. La Cour s'est bien gardée de s'engager dans la voie d'une telle remise en cause.
En revanche, en ce qui concerne la filiation biologique paternelle, sa décision s'impose à la France et l'oblige à en accepter l'établissement ou la transcription à l'état civil, ce qui fragilise l'effectivité de la prohibition de la GPA, puisque la GPA réalisée à l'étranger ne peut être absolument privée d'effets en France.
Le Conseil d'État et la Cour de cassation en ont d'ores et déjà tenu compte. Le premier a ainsi validé la circulaire de la ministre de la justice, qui visait à octroyer un certificat de nationalité aux enfants nés de GPA à l'étranger, si l'un de leur parent est français. On a ainsi résolu certaines situations inextricables dans lesquels la France refusait à l'enfant né de GPA les papiers nécessaires pour revenir en France, alors même que l'État sur le territoire duquel la GPA avait été réalisée refusait de reconnaître l'intéressé comme son ressortissant.
La Cour de cassation a, quant à elle, admis par deux arrêts du 3 juillet 2015 la transcription d'un acte d'état civil étranger résultant d'une GPA, après avoir toutefois constaté que les allégations de cet acte correspondaient à la réalité - en l'espèce, la mère désignée dans l'acte de naissance était bien la mère porteuse. La presse a hâtivement considéré que ces arrêts tranchaient la question. Or, compte tenu des particularités des espèces, la Cour de cassation a évité de se prononcer sur la question cruciale. En effet, le père biologique étant en couple avec un autre homme, l'acte d'état civil russe mentionnait seulement la mère porteuse comme mère de l'enfant, ce qui correspondait à la réalité de la filiation aux yeux du droit français. Ce n'est que lorsque le conjoint du père biologique demandera à adopter l'enfant que le juge judiciaire devra se prononcer sur les conséquences à tirer du recours frauduleux à la GPA. En effet, l'adoption apparaîtra alors comme l'aboutissement d'un processus visant à créer une double filiation paternelle à l'égard d'un enfant par le recours à la GPA.
Les arrêts de la CEDH ont nourri un intense débat, qui a vu s'affronter les promoteurs de la GPA, ses opposants et ceux qui, sans défendre cette pratique, souhaitaient faire prévaloir l'intérêt des enfants.
Ce débat est faussé par deux idées inexactes. La première est que les enfants issus de GPA seraient des « fantômes de la République », comme nous l'avons beaucoup entendu. Or, comme le ministère de la justice nous l'a confirmé, ces enfants peuvent vivre en France, sur la base de l'acte d'état civil étranger, exactement comme le font chaque jour les enfants de couples étrangers ou les jeunes Français, nés à l'étranger, pour lesquels les parents n'ont pas demandé la transcription de leur acte de naissance à l'état civil français. Certes, ils font face à quelques difficultés administratives, mais, comme la CEDH l'a d'ailleurs reconnu, ces difficultés ne sont pas constitutives d'une atteinte excessive à leur droit à mener une vie familiale normale.
Ainsi, un juge saisi d'un problème lié à l'autorité parentale ou à la nationalité de l'enfant s'appuiera sur l'acte d'état civil étranger pour le régler. De même, et contrairement à ce qui a pu être soutenu, il est vraisemblable qu'un enfant né de GPA pourra hériter de sa mère d'intention sur la base de l'acte d'état civil étranger.
Il est vrai que la jurisprudence de la Cour de cassation de 2013 a créé un doute : la fraude corrompt tout. Devait-on en conclure qu'il fallait priver l'acte étranger de tout effet juridique ? Les décisions de 2015 ont levé tout doute à ce sujet, puisque la Cour de cassation a accepté la transcription de l'acte étranger, indépendamment de la circonstance du recours éventuel à la GPA. Ceci signifie que la Cour accepte de distinguer entre les conséquences qu'il faut tirer du recours à la GPA.
La seconde idée fausse est que l'instauration en France d'une GPA éthique réduirait le recours aux GPA à l'étranger. Or le pays européen dont les ressortissants recourent le plus à des GPA à l'étranger est le Royaume-Uni qui a pourtant mis en place une GPA éthique depuis le milieu des années 1980. La raison en est toute simple : les vocations altruistes manquent pour satisfaire la demande des couples en désir d'enfant.
Quel équilibre proposer entre l'impératif qui s'attache à la prohibition de la GPA et le souci de permettre aux enfants concernés de vivre une vie familiale aussi normale que possible ? Commençons par écarter deux options opposées.
D'une part, il faut refuser d'entériner le principe d'une transcription complète de l'acte d'état civil étranger, ce qui reviendrait à priver d'effets la prohibition de la GPA. D'autre part, il ne nous semble pas non plus opportun de s'en remettre à la sagesse de la Cour de cassation. Le législateur n'a pas à se défausser sur le juge d'une décision éthique aussi importante.
Il nous semble plus que jamais nécessaire, au moment même où elle est fragilisée, de réaffirmer notre attachement à la prohibition de la GPA, au nom des principes humanistes qui la justifient. Ce renforcement de la prohibition de la GPA est susceptible d'emprunter deux voies.
La première est celle du durcissement de la répression pénale, par le relèvement des quantums de peines encourues. Nous sommes conscients du caractère largement symbolique de ce renforcement, dans la mesure où rares sont les faits qui peuvent être poursuivis en France. Toutefois, les symboles ont aussi leur importance, et la réponse que nous vous proposons ne s'y limite pas.
La seconde proposition pour consolider la prohibition de la GPA est d'engager le Gouvernement à conduire des négociations internationales, multilatérales ou bilatérales, afin d'obtenir des pays pratiquant la GPA qu'ils interdisent aux ressortissants français d'y recourir.
Nous sommes conscients que cette négociation demandera du temps. Toutefois il y a, nous semble-t-il, plusieurs raisons d'espérer.
Tout d'abord, il y a un précédent : la convention de La Haye sur l'adoption prévoit, en son article 17, qu'aucun État signataire ne peut prononcer une adoption en faveur de ressortissants étrangers s'il ne s'est pas préalablement assuré qu'ils étaient autorisés à adopter dans leur propre pays. Ensuite, on constate que plusieurs pays réfléchissent à interdire le recours à la GPA par des couples étrangers. C'est le cas au Royaume-Uni depuis l'origine. Ce fut le cas en Grèce jusqu'à très récemment. L'Inde et la Thaïlande ont pris des engagements en ce sens, suite à des scandales retentissants.
À nos yeux, la réaffirmation par la France de la prohibition de la GPA constitue un préalable, même s'il ne faudra pas attendre le succès de la négociation internationale pour prendre, en France, les mesures qui s'imposent. En effet, une fois ce préalable posé, il conviendra d'apporter une réponse à la situation créée par la nouvelle jurisprudence de la CEDH. Comment concilier alors le respect de la prohibition de la GPA avec la prise en compte de la situation des enfants nés de GPA ? Nous recommandons de s'en tenir à une lecture stricte des exigences posées par la CEDH.
Prétendre qu'on puisse faire moins serait juridiquement faux : les juges français feront prévaloir la Convention européenne des droits de l'homme, telle qu'interprétée par la CEDH, sur toute loi qui y serait contraire. En revanche, nous n'avons aucune obligation juridique à aller plus loin que ce que demande la CEDH.
Quel est notre proposition dans ce strict cadre ? Nous aurions pu nous contenter d'inscrire dans la loi le principe selon lequel la filiation biologique paternelle dûment établie est transcrite à l'état civil français. Cette solution, assez simple, présentait deux inconvénients : d'une part, elle conduisait à la transcription, certes partielle, d'un acte étranger qui établit, par ailleurs, une filiation interdite au regard du droit français ; d'autre part, elle ne nous permet pas de réaffirmer symboliquement la prohibition de la GPA. Nous l'avons donc écartée.
La proposition que nous formulons est tout autre : autoriser expressément l'enfant, et lui seul, à faire établir sa filiation dans le respect strict des exigences du droit français. L'enfant pourrait donc agir en recherche de paternité ou de maternité, dans les conditions du droit actuel. Il pourrait ainsi faire reconnaître sa filiation paternelle biologique, ce qui satisferait les conditions posées par la CEDH. En revanche l'établissement d'un lien de filiation avec le parent d'intention ne serait pas possible, car ce serait contraire à la règle fondamentale de notre droit civil selon laquelle la mère est celle qui accouche. Dans le cas d'un couple d'hommes, la filiation d'intention du compagnon du père biologique ne pourra non plus être établie sur la base de cette action en recherche de filiation. L'impératif de prohibition de la GPA serait ainsi respecté.
À nos yeux, cette deuxième option présente trois mérites par rapport à la première, qui justifient de la privilégier.
Tout d'abord, elle ne reconnaît qu'à l'enfant le pouvoir de faire établir sa filiation. Symboliquement, cela sanctionne le fait que les parents ont contourné la loi française et qu'ils ne peuvent réclamer pour eux-mêmes la protection qu'elle accorde au mineur. La mesure pourrait ne sembler que symbolique, puisque, l'enfant étant mineur, ce sont ses administrateurs légaux qui l'exerceront à sa place, c'est-à-dire, le plus souvent, ses père et mère allégués. Toutefois, il est vraisemblable que le tribunal de grande instance sera conduit à désigner, sur le fondement de l'article 388-2 du code civil, un administrateur ad hoc pour représenter les intérêts propres de l'enfant dans cette action en recherche de filiation.
De plus, l'option proposée offre à l'enfant une situation juridique plus solide que dans le cas de la transcription de l'acte d'état civil étranger, puisqu'elle établit sa filiation paternelle au regard du droit français.
Enfin, elle évite de transcrire dans notre ordre juridique un acte d'état civil étranger contraire à la prohibition de la GPA. Les parquets pourront donc continuer à refuser de transcrire ces actes contraires à notre ordre public.
La modification législative correspondante pourrait consister à compléter l'article 16-7 du code civil qui pose le principe de la nullité des conventions de GPA, afin de préciser que cette prohibition ne préjudicie pas au droit de l'enfant de faire établir sa filiation sur le fondement des articles 325 et 327 du code civil, qui prévoient respectivement les actions en recherche de maternité et de paternité.
Bien sûr, il est tout à fait improbable que les parents cherchent à faire établir la filiation maternelle avec la mère porteuse. Non seulement rien ne les y oblige, mais une telle reconnaissance de filiation ne présenterait aucun intérêt pour l'enfant, parce qu'elle n'engagerait pas la mère porteuse qui résiderait dans un autre pays et aurait abandonné tous ses droits sur le mineur. Toutefois, maintenir cette possibilité permet de réaffirmer le principe selon lequel la mère ne peut être que celle qui accouche.
Il nous paraît aussi nécessaire, pour assurer le plein respect de la prohibition de la GPA, de confirmer qu'aucune autre action - par exemple une adoption ultérieure de l'enfant du conjoint ou une action en possession d'état - tendant à établir une filiation d'intention, en prolongement du processus frauduleux de recours à la GPA, ne puisse prospérer. Ceci évitera que le lien de filiation contraire à notre droit puisse être reconstruit ensuite par un autre biais.
La proposition que nous vous soumettons vise, comme vous l'aurez noté, à consolider la prohibition de la GPA, tout en assurant la situation de l'enfant. Cela étant acquis, il nous a paru nécessaire de faciliter la vie des familles constituées à partir de GPA. Le point crucial est certainement de conférer au parent d'intention une place privilégiée auprès de l'enfant. Nous recommandons de l'autoriser à recevoir une délégation d'autorité parentale pérenne, qui lui permettra d'être, dans la vie quotidienne, à égalité avec l'autre parent, pour s'occuper de l'enfant.
S'agissant de la GPA, nous avançons forcément sur un chemin de crête. Tout n'est pas possible, et il serait illusoire de le prétendre, comme il serait illusoire de penser que nous pourrions faire comme si la décision de la CEDH ne s'imposait pas à nous. Nous avons tenté de ne pas déroger aux principes humanistes qui justifient, à nos yeux, la prohibition de la GPA. La solution que nous avons trouvée consiste à reconstruire la filiation litigieuse à partir des règles du droit français. Ceci suppose, toutefois, une modification législative.
Merci pour cette communication prudente : vous ne remettez pas en cause les règles votées à trois reprises par le Parlement sur ces questions depuis la loi de 1994, présentée par Mme Veil, après avoir été élaborée par M. Kouchner en 1992. Le Parlement a toujours défendu les mêmes conditions d'accès à l'assistance médicale à la procréation, et a toujours maintenu son interdiction de la GPA. Cependant, nos engagements internationaux nous lient, et nous devons tenir compte de la CEDH. Nous le faisons avec circonspection, en restant fidèles aux votes renouvelés depuis plus de vingt ans.
Merci pour ce rapport riche et éclairant. De culture américaine - j'ai étudié et enseigné pendant des années à Stanford - je suis d'accord, en principe, avec vous sur la PMA. Notre position est toutefois hypocrite, puisque vous rappelez vous-même que le recours à des PMA à l'étranger se développe. Pourquoi la garder ? Pour des raisons politiques ? Vous préconisez l'adoption par la mère d'intention, qui participe au projet familial, ce qui revient à reconnaître la PMA. Pourquoi, dès lors, l'interdire ?
La GPA ne met pas en cause l'humanisme mais l'éthique : j'ai vu à Stanford des couples choisir sur catalogue un ovocyte selon des critères de QI, pour 60 000 dollars... Il est vrai qu'il y a aussi quelques rares GPA effectuées gratuitement, par conviction. Je ne sais pas si je suis pour ou contre la GPA : ce n'est pas comme choisir un produit en magasin...
La GPA découle d'un projet de longue haleine. Pourquoi renforcer sa prohibition ? Pourquoi placer les enfants qui en sont issus dans des difficultés extrêmes ? C'est cela qui manque d'éthique ! D'ailleurs, en France, suite à une circulaire de Mme Taubira, les tribunaux ont déjà reconnu des enfants issus de la GPA. Dès lors que ces enfants existent, ils ont droit à une identité, à des papiers ! Ce n'est pas à eux d'effectuer une recherche en paternité ou en maternité... Puisque nous avons voté le mariage pour tous, reconnaissons qu'on se marie aussi pour fonder une famille.
Votre communication a été écoutée dans un silence impressionnant. Instaurer le droit à l'enfant changerait le fondement de plusieurs de nos conceptions. Il est plus juste de considérer que l'enfant à des droits, et la société des devoirs envers lui. Ce que vous proposez est raisonnable. Toute autre solution entraînerait des contradictions. Le père génétique est le père, et il ne peut y avoir deux mères. Très pédagogique, votre rapport est conforme à ce qu'ont déclaré ceux - j'en étais - qui ont voté le mariage pour tous : cette loi n'induisait pas de modifications en matière d'assistance médicale à la procréation. La circulaire de la garde des sceaux et la Cour de cassation ont reconnu à juste titre une identité aux enfants conçus dans des conditions illégales en France.
- Présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente -
Bravo pour ce rapport sur un sujet sensible et complexe. Le sujet est ardu. On a l'impression que vous avez dû effectuer des contorsions pour arriver à la solution qui nous donnera bonne conscience. Mais quid de l'enfant dans tout cela ? Un couple homosexuel voulant satisfaire un désir d'enfant pense-t-il vraiment à l'avenir de celui-ci ? Dès lors que l'enfant est là, il doit avoir tous les droits qu'a un enfant né d'un couple hétérosexuel. Quant à la GPA, il faut des mesures fortes pour en dissuader. Les juges qui acceptent l'adoption après une PMA sont-ils fondés à le faire ? Il ne saurait y avoir deux mères.
Il existe un rapport de Mme André, M. Milon et M. de Richemont sur la GPA.
Le vertige des possibles rend difficile de s'arrêter à des solutions absolues et définitives. Néanmoins le droit doit viser à assurer la cohésion de la société malgré ses transformations. La Russie, pays qui a le plus été choqué par le vote du mariage pour tous, pratique la GPA sans aucun scrupule. Les tests ADN que l'on utilise pour établir une paternité pourraient ne plus suffire à identifier une mère. Le monde évolue. Nous tâtonnons pour trouver des solutions. Avec davantage de coopération internationale, on éviterait des aberrations. Dans les pays où la GPA se pratique, les actes de naissance intègrent déjà les parents d'intention. Vos propositions peuvent contribuer à régler la situation ; je doute qu'elles soient suffisantes. Les Français ne sont pas des sujets de la Nation, mais des citoyens. On ne peut pas les traiter différemment lorsqu'ils sont hors du territoire. Cela suppose une gestion de l'état civil ambitieuse, dans un cadre multilatéral, sans lequel par transitivité tout ce que vous proposez pourra être détourné.
Ceux que l'on considère comme des enfants de Français nés à l'étranger doivent pouvoir bénéficier de tous leurs droits. Vous y êtes attachés, et le Défenseur des droits aussi.
- Présidence de M. Philippe Bas, président -
Ma position est simple, pour ne pas dire sommaire. L'argument du « cela se fait à l'étranger » est un peu court. Pourquoi alors refuser la polygamie, la polyandrie, la consommation de khat ? Des droits de l'enfant, on est passé au droit à l'enfant, ce qui signifie que l'enfant n'est plus considéré comme une personne, mais comme le produit d'un projet. En obtenant le droit de se marier, les homosexuels ont aussi découvert ce qu'était le divorce. Un projet d'enfant ne donne pas droit à un enfant. Il faut évidemment adopter le point de vue des enfants et comprendre qu'on les met dans une situation invraisemblable en décidant qu'ils sont notre propriété.
Déjà dans la Rome antique, l'adoption séparait clairement le projet intellectuel et le projet biologique. Je souscris à votre point de vue tout en m'interrogeant sur la proposition n° 4 : en incitant l'enfant à chercher sa filiation paternelle, ne complique-t-on pas encore davantage la perception de son identité ? Avec l'adoption, on échappe à ces problèmes contestables d'hérédité.
La délégation d'autorité parentale que vous accordez aux parents d'intention vaut-elle dans le cas d'une GPA ?
La formule n'a rien de nouveau. La Cour de Cassation s'est prononcée en 2006 sur une affaire concernant un couple de femmes. Elle a accordé la délégation de l'autorité parentale à la compagne de la mère, qui s'occupait le plus souvent de l'enfant. C'est une mesure qui ne peut se prendre que dans l'intérêt supérieur de l'enfant. La proposition n° 5 applique les principes de cette jurisprudence à la situation d'un enfant né d'une GPA à l'étranger et dont la filiation paternelle est reconnue. Le compagnon ou la compagne du père peuvent alors bénéficier de la délégation de l'autorité parentale.
Cela suppose que la filiation ait été reconnue. N'est-ce pas contradictoire avec ce que vous proposez ?
La proposition n° 5 n'est pas claire. Par mère d'intention, on désigne celle qui a souhaité avoir recours à la GPA. Vous lui déléguez l'autorité parentale...
Mais ici, la délégation ne se fait-elle pas au préjudice de la mère biologique ?
Dans la GPA, la mère porteuse n'a pas de droits. Elle n'en réclame d'ailleurs pas.
Elle n'en a pas... au regard du droit français. Il n'en va pas forcément de même dans son pays d'origine. On ne peut pas écarter la possibilité d'un conflit entre les droits.
Si la GPA est menée dans un pays où la pratique est acceptée, la mère porteuse perd ses droits.
Nous avons procédé à de nombreuses auditions. Entre les partisans du statu quo absolu et ceux de l'ouverture à tout vent, l'écart est irrémédiable. Ces questions sont passionnelles. Notre rôle est de privilégier une approche juridique et médiane. Bien sûr, nous risquons de prêter flanc aux critiques du trop ou du trop peu. Il n'est pas souhaitable pour autant de mettre à bas l'édifice de notre droit civil qui garantit la stabilité de notre société. Par conséquent, nous avons cherché à consolider notre État de droit tout en apportant des réponses pour les enfants issus de ces nouvelles pratiques. L'intérêt supérieur de l'enfant : comment savoir quel il est ? Il n'existe aucune étude définitive sur ce concept, que seuls invoquent les adultes qui recourent à ces pratiques.
Quant à « l'hypocrisie » de la PMA, je précise que notre souci premier est de permettre l'application du droit français. Nous ne souhaitons pas ouvrir cette possibilité à toutes les femmes au prétexte que cela se fait au-delà des Pyrénées. Notre vision de la société est plus ambitieuse. La loi de 2013 a ouvert le droit à l'adoption aux couples homosexuels. Ce droit doit pouvoir se concrétiser quelles que soient les circonstances de la conception de l'enfant.
Ce qui compte, c'est la consolidation des principes de notre droit français. Nous devons également veiller à donner des droits aux enfants nés de ces nouvelles techniques sans forcément encourager celles-ci.
La commission autorise la publication du rapport.
La réunion est levée à 12 h 35