Nous examinons aujourd'hui la proposition de loi en faveur du développement de l'agrivoltaïsme, qui sera examinée en séance publique le jeudi 20 octobre 2022.
Cette proposition de loi ayant été inscrite dans le cadre d'un espace réservé d'un groupe minoritaire, nous appliquons le gentlemen's agreement conclu en 2009 entre les présidents de groupes et de commissions et validé par la conférence des présidents : la commission ne peut modifier le texte au stade de son examen en commission qu'avec l'accord exprès du groupe l'ayant inscrit à l'ordre du jour. Cette restriction, visant à ne pas dénaturer la volonté de l'auteur de la proposition de loi avant son passage en séance publique, est en revanche levée pour cette dernière étape. Le rapporteur s'est, en l'espèce, concerté avec l'auteur et son groupe afin de présenter plusieurs amendements communs au stade de l'examen dans notre commission.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui présente un grand intérêt, car elle propose, pour la première fois, d'appliquer une orientation stratégique, un cadre légal et un dispositif budgétaire à l'agrivoltaïsme.
Elle se compose d'un article unique, créant un cadre global et cohérent pour accompagner le développement raisonné de l'agrivoltaïsme, encourager les projets alliant véritablement production électrique secondaire et production agricole principale, tout en prévenant le risque de conflits d'usage et d'essor incontrôlé de « projets alibis ».
Pour ce faire, sont proposées dans son article unique les évolutions suivantes.
Un objectif de développement des installations agrivoltaïques s'ajoute aux objectifs énergétiques nationaux, figurant à l'article L. 100-2 du code de l'énergie.
Les installations agrivoltaïques sont définies comme des installations solaires permettant de maintenir ou de développer l'activité agricole. Elles doivent garantir une production significative et un revenu durable aux agriculteurs. Ces installations doivent poursuivre directement deux services, sans porter une atteinte substantielle à un service ou une atteinte limitée à deux services. Ces services sont : l'amélioration du potentiel agronomique ; l'adaptation au changement climatique ; la protection contre les aléas ; l'amélioration du bien-être animal. Démontables, ces installations doivent respecter l'agriculture comme activité principale.
L'article applique à ces installations une obligation d'achat et une procédure de mise en concurrence spécifiques. Il permet aux parcelles agricoles présentant de telles installations de bénéficier des aides issues de la politique agricole commune (PAC). De plus, il offre à ces installations une autorisation de principe au titre du code de l'urbanisme, sous réserve d'un avis systématique des commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). En contrepartie, il prévoit des garanties financières, pour assurer le démantèlement et la remise en état des sites.
L'essor de l'agrivoltaïsme rend ces dispositions non seulement utiles, mais nécessaires. Ce type de solutions technologiques innovantes permet de développer la production d'énergies renouvelables en zones rurales, en conciliant celle-ci avec les activités économiques traditionnelles, à commencer par l'agriculture.
L'agrivoltaïsme est porteur d'externalités positives pour nos agriculteurs, à qui il apporte une diversification d'activités et un complément de revenus. Il offre également une protection des cultures ou du bétail contre les aléas, tels que les précipitations, les sécheresses ou encore les ravageurs.
Pour autant, s'il n'est pas suffisant régulé, l'agrivoltaïsme présente des risques en matière d'artificialisation ou de renchérissement du foncier agricole, avec de potentiels conflits d'usage entre productions électrique et agricole. Parmi les projets, tandis que certains apportent une valeur ajoutée en matière agricole, d'autres ne sont que des « projets alibis » ne respectant pas la vocation agricole.
L'agrivoltaïsme s'est déjà bien développé dans nos territoires. Si les ministères de l'énergie et de l'agriculture n'ont pas pu fournir d'éléments chiffrés, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) dénombre 167 projets d'agrivoltaïsme pour 1,3 gigawatt, l'Agence française de normalisation (Afnor) 11 projets certifiés et 7 en cours, et la Commission de régulation de l'énergie (CRE) 55 projets soutenus pour 130 mégawatts.
L'agrivoltaïsme présente un potentiel élevé. Le groupe EDF a ainsi rappelé que 6 gigawatts de projets solaires sont en attente. De son côté, le Syndicat des énergies renouvelables (SER) a indiqué que la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) prévoit de réaliser 33 000 à 44 000 hectares d'installations photovoltaïques d'ici à 2028, ce qui correspondrait au maximum à 0,06 à 0,1 % de la surface agricole utile (SAU). À plus long terme, France agrivoltaïsme évalue le potentiel des projets entre 60 et 80 gigawatts, répartis sur 20 000 à 30 000 exploitations en 2050, l'équivalent de 80 000 à 120 000 hectares.
Dans ce contexte, seul un encadrement légal clair peut permettre de promouvoir les bonnes pratiques et de réprimer les mauvaises, de manière à ce que l'agrivoltaïsme se développe toujours au bénéfice des agriculteurs -- il y a là un sujet majeur d'acceptation sociale et territoriale.
C'est pourquoi je vous propose d'adopter la proposition de loi, que j'ai entendu consolider par neuf amendements - acceptés par l'auteur du texte et son groupe.
La cinquantaine de personnes que nous avons entendues, au cours d'une vingtaine d'auditions, nous ont convaincus de la nécessité de ces amendements.
Je rappelle que nous avons auditionné les organisations professionnelles agricoles, les professionnels des énergies renouvelables, les associations d'élus locaux et les services de l'État. Nous avons également entendu l'Ademe, qui a conduit un travail de définition, et l'Afnor, qui a mené un travail de certification. Ces travaux, récents et consensuels, font autorité. Nous les avons donc utilisés.
Dans ce contexte, les amendements COM-1 et COM-3 viseront à compléter l'objectif et la définition de l'agrivoltaïsme, dans un sens plus respectueux des travaux de l'Ademe et des intérêts des agriculteurs. Il me paraît crucial que cette définition intègre la notion de réversibilité et soit assortie de modalités de suivi, de contrôle et de sanction. De plus, la notion d'activité agricole principale doit pouvoir être appréciée, non seulement au regard de l'emprise au sol, mais aussi de la production ou du revenu. Je souhaite également que toutes les modalités d'application réglementaires soient définies conjointement avec les acteurs agricoles.
Mes amendements COM-2, COM-4 et COM-5 tendent à consolider l'obligation d'achat et la procédure de mise en concurrence spécifiques, en veillant à leur conformité avec le droit de l'Union européenne. En effet, les lignes directrices concernant les aides d'État à l'énergie n'autorisent un tel soutien que pour les installations inférieures à 1 mégawatt ou, lorsqu'elles sont détenues par des PME ou des communautés d'énergie renouvelable, à 6 mégawatts. Je souhaite par ailleurs éviter tout doublon avec le droit commun et appliquer les mêmes dispositions de contrôle et de sanction.
En matière d'urbanisme, mon amendement COM-7 vise à revenir sur l'autorisation de principe, qui ne serait pas respectueuse des pouvoirs des élus locaux. À la place, j'entends consolider les dérogations existantes et prévoir l'avis systématique des CDPENAF.
Sur les autres sujets, mon amendement COM-6 confortera le bénéfice de la PAC -- notamment en vue de la PAC 2023-2029 - et mon amendement COM-8 en fera de même pour les garanties financières.
Enfin, mon amendement COM-9 complètera la proposition de loi pour renforcer la territorialisation des projets. Je souhaite que l'agrivoltaïsme soit intégré à la planification, nationale comme locale, et que les élus locaux soient informés au préalable de la mise en oeuvre des projets.
Je forme le voeu que cette proposition de loi, portée par le sénateur Jean-Pierre Decool et traduisant sur le plan législatif la résolution adoptée, le 4 février dernier, à l'initiative du président Jean-François Longeot et du sénateur Jean-Pierre Moga, prospère.
Elle arrive au bon moment, à l'heure où le foisonnement de projets conduit les acteurs de terrain à demander une clarification.
Elle intervient par ailleurs en amont du projet de loi du Gouvernement relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, ce qui offre au Sénat une chance d'imprimer sa marque et d'enrichir le texte à venir de ses travaux.
Je vous propose donc d'adopter cette proposition de loi, ainsi amendée dans le sens d'une plus grande précision de la définition de l'agrivoltaïsme, de ses mécanismes de soutien ou de ses procédures d'autorisation, dont la ligne directrice est la primauté des intérêts agricoles et la préservation des compétences locales.
Avant de procéder à l'examen des amendements, conformément au vade-mecum sur l'application des irrecevabilités en application de l'article 45 de la Constitution, adopté par la conférence des présidents, il nous revient d'arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi.
Sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives : aux objectifs en matière d'agrivoltaïsme ; à la définition de l'agrivoltaïsme ; aux dispositifs de soutien public de l'agrivoltaïsme, ainsi qu'à leurs modalités d'attribution ; aux régimes des autorisations liés aux projets d'agrivoltaïsme ainsi qu'aux attributions de la CDPENAF dans ce domaine ; au régime des garanties financières des installations d'agrivoltaïsme ; aux modalités de prise en compte des installations d'agrivoltaïsme dans les conditions d'attribution des aides de la politique agricole commune (PAC).
Il en est ainsi décidé.
Je remercie notre rapporteur pour son travail sur ce texte, dont nous partageons autant les objectifs que les modalités.
La production des énergies renouvelables représente actuellement, en France, 27 % de la consommation d'électricité. Or l'objectif fixé pour 2030 est de 40 % ; nous devons donc accélérer.
Nous examinerons, dans cette optique, un projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables dans un mois, puis un autre en faveur du nucléaire en début d'année prochaine. En attendant ces textes gouvernementaux, nous saluons l'inscription au débat de ce texte d'origine sénatoriale.
Le photovoltaïque fait partie de la solution. Mais, là encore, nous sommes en retard : la PPE prévoit qu'en 2028, 35,6 à 44,5 gigawatts proviennent d'installations photovoltaïques. Le parc solaire atteint aujourd'hui une capacité de 10 gigawatts ; il est donc urgent de le développer.
L'agrivoltaïsme constitue l'un des leviers pour développer notre production photovoltaïque. Les inaugurations de centrales photovoltaïques sur des terres agricoles se sont multipliées ces dernières années - et a fortiori cette année. Nous nous en félicitons.
Pour autant, cette nouvelle forme d'agriculture comporte le risque d'ouvrir trop largement le foncier agricole au photovoltaïque, ce qui en augmenterait les prix, nuisant ainsi à notre compétitivité agricole.
Il est donc important, pour qu'il se développe de manière raisonnée, d'encadrer l'agrivoltaïsme en intégrant des garde-fous. Le projet de loi le fait très bien en instaurant ceux-ci : les panneaux doivent présenter un caractère démontable ; l'activité agricole doit rester l'activité principale de la parcelle ; la production d'énergie doit être au service de l'activité agricole et l'activité doit être contrôlée par la CDPENAF.
Nous voterons sans état d'âme cette proposition de loi.
Nous abordons un sujet éminemment intéressant, mais qui suscite quelques craintes. À titre personnel, je suis opposé au photovoltaïque sur les terres agricoles ; ces dernières, selon moi, doivent rester des terres nourricières, exclusivement dédiées à l'agriculture.
L'agrivoltaïsme est un compromis intéressant, qui permet à la fois de mener une activité agricole et de produire de l'énergie. La définition de l'Ademe est d'ailleurs intéressante en cela qu'elle précise « apporter un service à une problématique agricole ». J'y ajoute : trouver une certaine résilience par rapport au changement climatique.
J'ai visité un site dans le Vaucluse où est menée une expérimentation intéressante, car l'installation, sur de la vigne, prévient plusieurs risques : le gel, l'évaporation et la grêle.
Pour autant, nous devons être vigilants sur l'encadrement de cette pratique pour que des porteurs de projets ne profitent pas du foncier peu cher pour « faire leur beurre ». Sur la vigne, par exemple, l'installation agrivoltaïque coûte entre 1,2 et 1,5 million d'euros par hectare. Quel agriculteur pourra-t-il investir une telle somme sans faire appel à un porteur de projet ? Je reste donc prudent sur ce système.
Du fait de cette question de rentabilité, je ne pense pas que toutes les filières agricoles puissent bénéficier de l'agrivoltaïsme.
Par ailleurs, nous ne pouvons pas négliger la pollution visuelle que représente ce dernier : pour laisser passer les engins agricoles, les panneaux se situent à une certaine hauteur.
Monsieur le rapporteur Franck Menonville, vous nous dites que la CDPENAF doit avoir un avis systématique : s'agit-il d'un avis conforme ou d'un avis simple ?
L'énergie la plus propre est celle que l'on ne consomme pas ; nous devons aller à toute vitesse vers la sobriété.
Cela étant dit, nous devons bien produire de l'énergie, de préférence renouvelable, et le photovoltaïque est important dans cette stratégie. Le développement de celui-ci sur les toitures et les terres artificialisées prend beaucoup de temps à cause des contraintes administratives et techniques. D'où l'intérêt d'identifier d'autres surfaces, telles les terres agricoles dans le cas de l'agrivoltaïsme, sans nuire à la production.
Nous devons déterminer un cadre très précis et trouver une position d'équilibre en définissant précisément le champ de l'agrivoltaïsme afin d'éviter les « projets alibi ». Certaines serres ont par exemple été équipées de panneaux, au détriment de la photosynthèse. La densité est donc un élément important. La production agricole doit rester la principale, et la production électrique secondaire, tout en veillant à éviter l'artificialisation des sols et à protéger la biodiversité.
L'avis de la CDPENAF doit plutôt être un avis conforme qu'un avis simple, car le monde de l'agriculture doit disposer d'une parole forte sur ces projets.
De nombreuses alertes proviennent des syndicats agricoles - des jeunes agriculteurs à la Confédération paysanne - concernant la spéculation et les problématiques foncières, qui posent des questions de transmission : si la production électrique devient une rente, l'agriculteur à la retraite ne voudra plus céder ses terres.
Les amendements du rapporteur vont dans le bon sens : celui d'un meilleur encadrement et d'une clarification de l'agrivoltaïsme. Nous devrons avoir une vision nationale de la répartition géographique des installations dans les territoires : nos paysages vont être transformés, il faudra veiller à ce que cela reste acceptable.
Nous avions effectivement un besoin d'encadrement de cette activité afin de veiller à une bonne répartition entre terres d'agriculture et terres d'énergie.
L'autonomie alimentaire doit rester un objectif, mais aussi l'aménagement du territoire, car ce ne sont pas des installations neutres pour les habitants ou les visiteurs.
L'évolution de la technologie a modifié mon approche sur le photovoltaïque : cela a certes un coût, mais nous avons dépassé le stade des panneaux au sol sous lesquels on prétendait mettre des ovins, qui en réalité marchaient sur des pierres.
Il me semble par ailleurs que les régions à faible potentiel agronomique sont prioritairement visées par ceux que j'appelle, à l'instar des chasseurs de têtes, les « chasseurs de territoires ».
Les élus subissent un démarchage forcené pour trouver des parcelles sur des territoires où le faible coût du foncier fait de ces derniers des cibles vulnérables. Soyons vigilants sur la spéculation. Dans mon département, des investisseurs étrangers se créent de larges unités foncières ; des projets photovoltaïques dépassent la centaine d'hectares, ce qui interroge sur le maintien de la biodiversité.
Pour la réversibilité, qui paiera ? Le coût peut être important, avec les câbles enterrés, le béton à la base des poteaux... Se pose aussi la question de la sécurisation et de la pérennité des activités. Pour un projet qui comporte du photovoltaïque au titre d'un complément de revenus, comment s'assurer que l'activité agricole continuera lors du transfert éventuel vers un autre propriétaire ? Je pense aussi à l'urbanisme : on ne peut pas imposer des contraintes sans nombre aux maires et aux élus et laisser une complète liberté à cette activité.
Vos amendements apportent donc des précisions nécessaires pour encadrer d'éventuelles dérives et combiner au mieux l'activité de production agricole et l'activité de production d'énergie.
Ce sujet n'est pas simple, et la définition retenue sera lourde de conséquences, et déterminante pour ce que sera l'agrivoltaïsme demain dans notre pays. Les innovations sont nombreuses. Par exemple, on peut désormais orienter les panneaux dans plusieurs directions successives. En 2021, dans la loi « Climat-Résilience », nous avons admis que l'agrivoltaïsme ne devait pas être pris en compte dans le calcul de l'artificialisation des sols - ce qui ne signifie pas qu'il n'y a pas matière à légiférer, pour garantir une certaine cohérence, d'autant que la notion d'énergétique territoriale, toutes énergies confondues, doit être déclinée partout.
L'autre point important est la répartition de l'imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (Ifer) entre la commune, l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) et le département. C'est un sujet très différent de l'éolien, qui est beaucoup plus territorial et peut avoir des impacts directs sur les communes voisines. Il y aura également une concurrence entre l'investisseur, le propriétaire et l'exploitant, qui peuvent être trois personnes différentes. Soyons-y attentifs dans l'examen des amendements.
Ce week-end encore, j'ai été interpellé par des agriculteurs et des maires de communes rurales à propos d'un projet de photovoltaïque sur des toits, car l'architecte des bâtiments de France (ABF) s'y oppose. Nous devons faire preuve de cohérence !
Dans le département des Vosges, avec l'accord de la commune et de l'Office national des forêts (ONF), sur certains territoires, on s'est rendu compte qu'il était plus judicieux de faire du photovoltaïque dans certaines friches séculaires que d'y laisser pousser de la broussaille. La projection territoriale peut donc aller plus loin que la seule fonction agricole.
Ce texte engage la configuration de nos paysages pour l'avenir. Sur les territoires que je connais, l'acceptabilité du photovoltaïque me semble supérieure à celle de l'éolien. Il est vrai que les panneaux mesurent au plus quelques mètres, quand les éoliennes atteignent 240 mètres...
Quelle est la proportion de production photovoltaïque par rapport à la production éolienne ? L'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) réalise aujourd'hui des expérimentations. Quels sont les résultats ? Quelle est la rentabilité économique pour les particuliers ? Les porteurs de projets font des démarches très intrusives vis-à-vis de propriétaires particuliers ou de certaines communes et maires. Y a-t-il une priorité d'installation sur les terrains en jachère ? Les démarches administratives ont-elles évolué, qu'il s'agisse du photovoltaïque ou de l'éolien ? L'avis de la CDPENAF est-il toujours un avis simple ? Les surfaces photovoltaïques comptent-elles parmi les 50 % des surfaces d'artificialisation d'ici à 2035 ? Cela pourrait limiter les surfaces constructibles, notamment pour les petites communes.
Il s'agit bien d'un sujet d'actualité, dont on parle de plus en plus dans nos territoires. Au congrès des maires de Seine-et-Marne, vendredi, nous avons examiné exactement le cas, évoqué tout à l'heure, d'un éleveur de moutons qui voulait équiper son terrain de panneaux photovoltaïques. Dans notre commission, le travail est sérieux, et nous allons tâcher d'encadrer une activité qui va se développer. Aujourd'hui, dans certaines exploitations, il n'est pas facile de joindre les deux bouts - et trouver des sources d'énergie peu coûteuses nous intéresse tous. Le rapporteur a effectué un travail remarquable à cet égard, notamment sur la méthanisation, sujet qui a fait l'objet d'un rapport à notre commission. Nous ne devons pas empêcher les initiatives permettant d'ouvrir des sources de revenus complémentaires, mais prévenir les dérives spéculatives. On a évoqué la réversibilité. J'insiste sur le fait que l'implantation d'éoliennes est totalement irréversible. Heureusement que, sur certains territoires, la parole des élus a été entendue et qu'on a limité leur nombre.
C'est la perspective du ZAN qui rend cette loi nécessaire. Dans le décret actuel, un parc photovoltaïque est assimilé à de l'artificialisation, alors qu'un parc d'agrivoltaïsme ne l'est pas. On voit l'enjeu... Accompagner de gros projets, pourquoi pas ? Mais l'agrivoltaïsme est surtout vertueux dans la mesure où il accompagne la viabilité des exploitations et quand il est vraiment intégré dans celles-ci. L'idée est vraiment que la production photovoltaïque soit complémentaire de la production agricole. Je participe régulièrement à des réunions de CDPENAF, et je trouve que c'est un bon outil d'ajustement aux réalités des territoires, où les votes ne vont pas forcément dans le sens souhaité par les agriculteurs. Les réalités, on le sait, ne sont pas les mêmes dans tous les territoires, et ce qui peut être acceptable dans certains ne l'est peut-être pas dans d'autres. Nous devons donc garder une capacité d'ajustement dans le cadre des CDPENAF, avec un avis simple.
Ce texte propose une meilleure définition de l'agrivoltaïsme, dont nous avons tous besoin. Il ne s'agit pas, en effet, de la même chose que lorsqu'on pose des panneaux photovoltaïques au sol, ce qui participe à l'artificialisation nette. L'agrivoltaïsme contribue à l'adaptation au changement climatique, mais nous devons être vigilants sur deux sujets. D'abord, quelles seront les cultures concernées ? Si c'est pour qu'un troupeau de cent têtes devienne un troupeau de trois, nous ne serons plus dans la double culture... Il faudra donc poser des définitions claires et encadrer les évolutions. Puis, il faut faire extrêmement attention au revenu paysan. Ce qui a vocation à être un complément ne peut pas se substituer au revenu paysan. Pas question de renoncer à ce que les paysans puissent vivre dignement de leur travail ! Il faudra revenir, enfin, sur l'arrêté de 2015 relatif à la PAC.
Avec le président Jean-François Longeot, nous avons préparé il y a quelques mois une proposition de résolution sur la définition de l'agrivoltaïsme. Il ne faut pas confondre le photovoltaïque et l'agrivoltaïsme... Les porteurs de projets ont tendance à appeler agrivoltaïsme des projets qui, en fait, sont des projets de photovoltaïque et s'apparentent à de l'artificialisation déguisée. La présente proposition de loi, elle, vise à un maintien total des activités agricoles sous les panneaux. Des progrès ont été faits, les panneaux sont désormais mobiles, et l'on peut faire des ombrières modifiables les jours de pluie. Si nous voulons développer notre nucléaire, nous avons aussi besoin des énergies renouvelables. On ne pourra pas atteindre les objectifs de 2050 sans l'énergie photovoltaïque. Le maintien de l'activité agricole est primordial, tout comme celui de la répartition des résultats. Un suivi doit être effectué, pour que la culture continue bien sous les panneaux. Le texte prévoit tout cela, et nos amendements renforcent encore les définitions, pour empêcher l'artificialisation déguisée. Notre souveraineté alimentaire exige en effet que nous développions notre agriculture.
Venez en Haute-Saône ! En juin, nous y avons inauguré, sur une terre agricole de grande culture - une première mondiale - une ombrière agriphotovoltaïque s'étendant sur trois hectares, à côté d'une parcelle-test de deux hectares. C'est du soja qui est cultivé, avec des panneaux sur câbles, à plus de cinq mètres de hauteur et tenus par des poteaux installés tous les 27 mètres. Les premiers résultats montrent que les sols ont gardé plus d'humidité, malgré la sécheresse cette année, et que la parcelle située sous l'ombrière était plus productive - et protégée contre la grêle ! Les panneaux ont une efficacité maximale, puisqu'ils se réorientent chaque minute. C'est un laboratoire à taille réelle : venez le voir !
L'hypothèse la plus faible de développement des énergies renouvelables à horizon 2050 du scénario « N03 » de RTE impose de multiplier par sept la proportion de photovoltaïque sur le territoire national. C'est absolument gigantesque !
Les projets photovoltaïques, comme les autres, doivent s'inscrire dans une planification de trois ordres : urbanistique, énergétique et agricole, ou agronomique. Urbanistique, en tenant compte des documents comme le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), le schéma de cohérence territoriale (SCoT) ou le plan local d'urbanisme (PLU). Énergétique, également. Au Conseil supérieur de l'énergie (CSE), nous avons examiné un décret sur les comités régionaux de l'énergie, qui peuvent être déclinés au niveau départemental, sous la forme de comités territoriaux de l'énergie. Ces structures auront un rôle en matière de planification des énergies renouvelables toutes formes confondues, et en particulier du photovoltaïque. Il y a un autre document de planification auquel on ne peut pas se soustraire : les schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR). Ces cadres sont absolument fondamentaux. Agronomique, enfin, car il faut relancer l'aide aux zones défavorisées. Je pense en particulier aux zones de polyculture-élevage, qu'on laisse petit à petit s'amenuiser. Nous sommes en train de laisser tomber des pans entiers du territoire, ce qui fera l'aubaine des investisseurs en matière de photovoltaïque - et on ne pourra rien reprocher aux propriétaires des terrains concernés, qui doivent bien, eux aussi, vivre.
Il ne faut pas prendre les choses à l'envers : les questions du revenu agricole et du prix du foncier agricole restent centrales. Il ne s'agit pas de refuser le photovoltaïque, qui est absolument nécessaire. Mais on ne doit pas abandonner cet aspect-là du sujet, sauf à faire n'importe quoi sur les territoires et à les dégrader complètement. N'oublions pas la dimension politique de ce sujet.
Je remercie notre rapporteur Franck Menonville de cet exposé très précis. Notre collègue Daniel Gremillet exposait les freins posés par l'administration. Mais il en est un autre type, qui résulte parfois des agences régionales de santé (ARS). Je citerai le cas de projets sur des parcelles agricoles dont une partie comprend des périmètres de protection de captage d'eau. Du fait des risques de départ de feu, des vetos sont chaque fois mis en avant. Il vaudrait mieux travailler à un renforcement des obligations liées à la sécurisation des lieux. De ce point de vue, l'article L. 314-40 du code de l'énergie, tel que proposé par la proposition de loi, me paraissait aller dans le bon sens, en prévoyant d'assouplir la réglementation actuelle. Il convient en effet d'avoir une appréciation locale des services administratifs qui ne bloque pas systématiquement le développement.
Ces discussions me renvoient vingt ou trente ans en arrière, lors du débat sur l'agritourisme dans des zones peu développées. Cela a pourtant permis à des agriculteurs de poursuivre leur profession. Aujourd'hui, si l'agrivoltaïsme produit le même effet sur les agriculteurs, grâce à un complément de revenu nécessaire, nous aurons peut-être gagné la partie. Ne vaut-il pas mieux assurer une production, ne serait-ce que grâce à quelques moutons, plutôt que de laisser gagner les friches ? Et si l'activité agricole doit être principale, l'agrivoltaïsme ne va-t-il pas être développé uniquement dans des zones de grandes cultures ? Il serait d'ailleurs possible de prévoir des sanctions, telles que le déconventionnement. L'agrivoltaïsme est à mon sens une solution. N'y mettons pas trop de freins, ce qui n'empêche pas d'être vigilant sur les conséquences urbanistiques.
La définition se veut protectrice de l'agriculture, mais ne définit pas un modèle qui doit en bénéficier. Il faut de la territorialisation, afin que la garantie du maintien de l'activité agricole soit en rapport avec le secteur antérieur. C'est pourquoi un amendement crée une triple clef d'entrée pour le caractère agricole principal : l'emprise au sol, l'activité ou le revenu.
Cette proposition de loi ne répond pas à toute la dimension du sujet. Néanmoins, elle s'imbrique dans un positionnement plus large. Cette définition doit être précise, garantir le maintien de l'activité agricole et produire un équilibre : les développements n'entrent pas dans un schéma d'artificialisation ; ils donnent droit, le cas échéant, à l'éligibilité à la politique agricole commune (PAC) ; enfin, leur caractère réversible est assuré, assorti d'un de garanties financières mises en place lors de l'installation. Le texte vise à positionner le curseur pour faire de l'agrivoltaïsme un vrai projet agricole à part entière, qui doit être un levier de complémentarité de revenus et de résilience de l'agriculture.
La sécurisation des relations entre le propriétaire, le fermier et le développeur n'est pas vraiment l'objet de ce texte et devra être bâtie, car il s'agit d'un sujet très important. Or, aujourd'hui, on voit plutôt apparaître des baux emphytéotiques, peu sécurisants pour le fermier. Quant à la répartition de la valeur ajoutée, elle provient de ce schéma tripartite et de la répartition de la fiscalité entre les territoires. L'acceptation territoriale est un cercle vertueux à encourager, faute de quoi les projets ne pourront aboutir durablement.
Comme en témoignent les nombreuses personnes auditionnées, l'avis simple prédomine s'agissant des attributions des CDPENAF. Cela donne de la souplesse au dispositif et renforce le rôle des élus locaux. Lors de son audition, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a mis en avant les grandes évolutions technologiques des panneaux, qui rendent possible le maintien, voire l'amélioration des potentialités agricoles. Il nous faut conserver une approche territorialisée, mais l'agrivoltaïsme n'empêche pas un delta en fonction des régions. Sur le scénario « N03 » de RTE, nous sommes certains qu'il faut actuellement optimiser l'ensemble des curseurs, y compris sur le nucléaire, car les énergies renouvelables sont fortement consommatrices d'espace.
Il s'agit bien d'un avis simple. C'est pourquoi, contrairement à la proposition de loi initiale, nous avons intégré la planification au niveau des Sraddet et de la PPE. Il faudra peut-être aller plus loin.
Oui, je l'ai dit en écho aux propos de nos collègues Anne-Catherine Loisier et Daniel Gremillet ; cette définition doit être très claire pour que les parcelles sur lesquelles sont implantées des installations agrivoltaïques ne soient pas considérées comme étant artificialisées. De même, cela doit leur permettre d'être éligibles à la PAC. De cet équilibre vertueux dépend l'ensemble de la compétitivité de la chaîne. Il faut aussi garantir la réversibilité du dispositif à l'issue de son exploitation.
D'où l'importance du groupe de travail sur le ZAN et la définition de l'artificialisation des sols.
Nous allons passer à l'examen des amendements qui ont reçu l'accord de l'auteur de la proposition de loi et du Groupe Les Indépendants - République et Territoires.
En application du gentlemen's agreement, je vous propose de rejeter les autres amendements, et suggère à notre collègue Jean-Pierre Moga de redéposer ses amendements COM-20, COM-21, COM-22 et COM-23 en vue de la séance publique.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
Article unique
Mon amendement COM-1 et l'amendement identique COM-10 rectifié ont pour objet d'assortir l'objectif de développement de la production d'électricité issue d'installations agrivoltaïques, inscrit par la proposition de loi à l'article L. 100-4 du code de l'énergie, d'une meilleure prise en compte de l'agriculture. L'objectif est de veiller à ce que l'essor de l'agrivoltaïsme s'effectue de manière raisonnée, et toujours au bénéfice des agriculteurs.
Les amendements identiques COM-1 et COM-10 rectifié sont adoptés.
Mon amendement COM-2 et l'amendement identique COM-11 rectifié proposent d'appliquer aux installations agrivoltaïques les mêmes modalités de prolongation des contrats d'obligation d'achat, instituées par la proposition de loi, que celles qui sont prévues pour les autres installations d'électricité renouvelable.
Les amendements identiques COM-2 et COM-11 rectifié sont adoptés.
Mon amendement COM-3 et l'amendement identique COM-12 rectifié vise à préciser la définition de l'agrivoltaïsme, en se rapprochant de la définition proposée par l'Ademe, fruit d'un travail consensuel de deux ans avec les acteurs agricoles : ces ajouts insistent sur le caractère réversible des installations.
Je me demande ce que signifie « l'amélioration du potentiel et de l'impact agronomiques » ?
Nous avons repris la définition de l'Ademe compte tenu de l'impact sur le potentiel agronomique.
Je comprends la même chose que vous, mais il faudrait le dire autrement.
La disposition, qui peut encore évoluer, devra être définie précisément par décret, pris après consultation des acteurs agricoles.
Je partage ce que vient de dire notre rapporteur Franck Menonville : l'impact agronomique existe bel et bien. Les premières études de l'Institut national de la recherche agronomique (Inrae) sur le sujet ont démontré que la présence de panneaux modifie le comportement de la terre par rapport à l'impact économique.
C'est bien noté.
Les amendements identiques COM-3 et COM-12 rectifié sont adoptés. L'amendement COM-21 n'est pas adopté.
Mon amendement COM-4 et l'amendement identique COM-13 rectifié ont pour objet de mettre en totale conformité le seuil de l'obligation d'achat avec le droit européen, comme je l'évoquais lors de la discussion générale : jusqu'à 1 mégawatt (MW) pour les installations individuelles, et 6 MW pour les PME et les communautés d'énergie renouvelable.
Les amendements identiques COM-4 et COM-13 rectifié sont adoptés. L'amendement COM-22 n'est pas adopté.
Mon amendement COM-5 et l'amendement identique COM-14 rectifié sont des amendements rédactionnels visant à supprimer une redondance et à ajouter une coordination.
Les amendements identiques COM-5 et COM-14 rectifié sont adoptés.
Mon amendement COM-6 et l'amendement COM-15 rectifié proposent d'actualiser une référence obsolète à la PAC actuelle.
Les amendements identiques COM-6 et COM-15 rectifié sont adoptés. L'amendement COM-20 n'est pas adopté.
Mon amendement COM-7 et l'amendement identique COM-16 rectifié ont pour objet de supprimer l'autorisation de principe des installations agrivoltaïques, prévue par la proposition de loi, qui serait peu respectueuse des compétences en matière d'urbanisme des élus locaux comme des préfets. À la place, ils clarifient la voie d'ores et déjà existante par laquelle les porteurs de projets peuvent demander à mettre en place de telles installations dès lors qu'elles sont nécessaires à l'exploitation agricole. De plus, ils prévoient la consultation systématique des CDPENAF.
Les amendements identiques COM-7 et COM-16 rectifié sont adoptés.
Mon amendement COM-8 et l'amendement identique COM-17 rectifié visent à appliquer aux installations agrivoltaïques les mêmes garanties financières que celles qui sont prévues pour les éoliennes terrestres, dès lors qu'elles excèdent le seuil de 1 MW. La rédaction est plus précise que celle qui a été initialement proposée, puisqu'elle prévoit une obligation de démantèlement et de remise en état du site ainsi qu'un recours au préfet en cas de carence. Il s'agit en l'espèce de garantir la réversibilité de ces installations, qui constitue la clef de voûte de leur intégration et de leur acceptation localement.
La rédaction est effectivement plus précise que celle qui était initialement proposée.
Les amendements identiques COM-8 et COM-17 rectifié sont adoptés.
Mon amendement COM-9 et l'amendement identique COM-18 rectifié ont pour objet d'améliorer le dialogue local autour des projets d'installations agrivoltaïques. Pour ce faire, il prévoit une information préalable des élus locaux sur ces projets, ainsi que leur intégration dans la planification nationale (PPE) et locale (Sraddet).
Nous avons déjà eu ce débat à la suite des demandes formulées par nos collègues.
Les amendements identiques COM-9 et COM-18 rectifié sont adoptés. L'amendement COM-23 n'est pas adopté.
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Je rappelle que cette proposition de loi sera examinée en séance publique le jeudi 20 octobre 2022.
Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :
Il nous revient comme chaque année de procéder à la désignation des rapporteurs pour avis budgétaires sur le projet de loi de finances pour 2023. Je vous propose de reporter ce point à l'ordre du jour de la prochaine réunion de la commission des affaires économiques, après la réunion de Bureau que Mme la présidente a convoqué mercredi prochain.
Il en est ainsi décidé.
Enfin, je voudrais vous donner quelques éléments de calendrier dans la perspective de l'examen du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.
Notre commission sera saisie pour avis de l'ensemble du texte, avec une délégation au fond sur sept articles - les articles 3, 6, 16, 17, 18, 19, et 20. Les autres articles seront instruits par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, à laquelle le projet de loi a été renvoyé au fond.
Le délai limite pour le dépôt des amendements de commission sera fixé par la Conférence des Présidents de cet après-midi au lundi 24 octobre à 12 heures. Nous nous réunirons en commission le lendemain, mardi 25 octobre à 16 heures, pour entendre le rapport de notre collègue Patrick Chauvet et examiner les amendements déposés sur les sept articles délégués au fond.
La séance publique sera organisée la semaine suivante, avec un début de discussion du texte dans l'hémicycle le jeudi 3 novembre au matin, qui se poursuivra le vendredi.
Je souhaiterais revenir sur ce qu'a évoqué notre présidente concernant la répartition des articles. Nous nous y sommes penchés très objectivement, et continuons de le faire avec le rapporteur Didier Mandelli, mais eu égard aux compétences de notre commission, notamment sur l'énergie, nous ne nous y retrouvons pas totalement. Pour ma part, je regarde tout cela du point de vue de l'intérêt de la commission, de celui du Sénat et, tout simplement, de l'intérêt général. J'espère que la sérénité reviendra lors de l'examen des prochains dossiers.
J'approuve les propos de mon collègue. Je suis assez surpris et plutôt inquiet que ce projet de loi soit confié à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable plutôt qu'à la nôtre. Dans quel sens veut-on orienter les énergies renouvelables ? La ministre Olivia Grégoire a reconnu à demi-mot que notre situation en matière de souveraineté énergétique résultait de certaines décisions politiques. Même si l'environnement, le développement durable et la protection de notre planète restent prioritaires, l'objectif premier d'une telle loi est de renforcer notre souveraineté énergétique, qui a un impact considérable sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens, de nos collectivités et de nos entreprises. Le développement de l'énergie n'a été envisagé qu'à travers le prisme environnemental et écologique, au détriment des aspects économiques et de notre souveraineté énergétique. L'énergie est pourtant, avec l'agriculture, les entreprises et le logement, l'un des sujets phares de la commission des affaires économiques.
Le sujet est selon moi celui du regroupement de la commission des affaires économiques avec la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Tous les thèmes traités dans l'une et l'autre relèvent d'un impératif absolu : la transition sous toutes ses formes. La solution doit être proposée au plus haut niveau du Sénat. Cela éviterait nombre de conflits.
Je proposerai également, à l'instar de ce qu'a adopté l'Assemblée nationale, que les élus soient formés à toutes ces questions. Compte tenu de l'importance et de la complexité de leurs enjeux, cela rapprochera des positions parfois artificiellement éloignées, voire antagonistes. Cette mesure est urgente !
Nous sommes confrontés au « saucissonnage » des textes. Outre un débat sur la souveraineté, nous discuterons des énergies renouvelables, puis du nucléaire. Et nous avons déjà adopté la loi sur le pouvoir d'achat, qui portait très largement sur l'énergie... La crise est majeure, conjoncturelle et structurelle. Nous devons avoir une vision transversale sur les dix prochaines années, car toutes les questions sont imbriquées. Il faut d'abord engager un vrai débat politique avec le Gouvernement, et s'interroger sur notre organisation interne. Les questions énergétiques ont récemment souvent été attribuées à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable alors que la compétence de principe est celle de la commission des affaires économiques. En 2023, un nouveau partage des dossiers entre les deux commissions devrait sans doute être étudié.
Nous nous attendions à des réactions, qui sont tout à fait légitimes. La présidente de la commission des affaires économiques s'est battue pour obtenir un rééquilibrage de la situation, qui lui semblait défavorable. Le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables paraît en effet bien relever de notre compétence. Après discussion, il a été arbitré en faveur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Le noeud du problème trouve son origine dans la scission d'une commission en deux en 2012. Depuis, les arbitrages ne sont pas toujours neutres par rapport aux sujets de prédilection de notre commission. Tout ce qui touche à la transition écologique est transversal. Et tous les sujets liés à l'énergie relèvent de nos domaines de compétence. Si nous en étions dépecés, que nous resterait-il ? Le Gouvernement a pris les choses à l'envers. Au lieu du projet de loi sur les énergies renouvelables qu'il propose, il aurait fallu commencer par la loi quinquennale sur l'énergie et le projet de loi sur l'énergie nucléaire.
Sur des sujets aussi importants et transversaux, des commissions spéciales pourraient se mettre en place.
Cela s'est déjà produit, notamment sur la loi Macron ; mais les sénateurs n'en sont pas de grands fervents.
Après le renouvellement de 2023, nous devrons réexaminer la question de la création d'une commission telle qu'elle existait avant 2012. Si nous, membres de la commission des affaires économiques, ne nous mobilisons pas, les choses n'évolueront pas dans le bon sens !
Le problème est important. Depuis 2012, tout ce qui relève de l'énergie était exclusivement attribué à la commission des affaires économiques, sans que cela pose le moindre souci. Nous avons été les pionniers du photovoltaïque, du biogaz, de l'hydroélectricité etc. contre l'avis du Gouvernement de l'époque. N'oublions pas que le dossier énergétique est stratégique pour le pouvoir d'achat des familles et la compétitivité des entreprises ainsi que le développement économique au sein de nos territoires. L'enjeu de la production est le prix de l'énergie. Aujourd'hui, sur ce dossier énergétique, qui est la colonne vertébrale de la rentabilité et du compromis social, nous allons payer cash.
Il y va de la lisibilité de l'action du Sénat. Pour avoir été rapporteur sur plusieurs textes, je vous rappelle que des travaux de notre commission ont été retenus en commission mixte paritaire (CMP), qu'il s'agisse de la loi du 8 novembre relative à l'énergie et au climat, de la loi du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP), de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, de la loi du 28 février 2022 relative à l'aménagement du Rhône ou de la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat. Cette situation est plus lourde de conséquences qu'on ne l'imagine. D'ailleurs, à l'Assemblée nationale, la commission des affaires économiques détient la compétence sur l'énergie, qui est une et indivisible. Je l'affirme en tant que président du groupe d'études « Énergie » et à titre personnel, jamais nous n'avons cultivé d'opposition entre énergie nucléaire et énergies renouvelables. Alors que l'hydrogène est le futur, mais aussi le présent, le rôle et les missions de la commission des affaires économiques en matière d'énergie sont en passe d'être détruits.
En définitive, tous ces sujets sont indissociables de la relance, de la compétitivité économique et du logement.
Nous en rendrons compte individuellement à notre présidente, qui a tout fait pour éviter que nous en arrivions là.
Vous avez bien fait de rappeler que, à l'Assemblée nationale, c'est bien la commission des affaires économiques qui a été saisie au fond sur ce texte. Il y a bien deux poids, deux mesures...
Mes chers collègues, je vous remercie de votre participation et vous indique que nous nous retrouverons mercredi prochain à 9 h 30 pour l'audition au titre de nos compétences en matière d'industrie de M. Marc Mortureux, directeur général de la Plate-forme automobile (PFA).
La réunion est close à 11 h 20.